Chers collègues, chers amis,
Cette partie de session sera la culmination des célébrations du 60ème anniversaire du Conseil de l'Europe, avec toute une série d'événements auxquels nous allons participer cette semaine. Mais une fois les célébrations terminées, nous partirons d'ici avec la question qu'on se pose après chaque anniversaire : que ferons-nous demain ? quelle est la meilleure voie à suivre ? quelle est notre place dans l'architecture européenne ? quels sont nos objectifs concrets ? avons-nous les moyens nécessaires pour les atteindre ?
Le monde dans lequel nous vivons aujourd'hui se trouve à une croisée de chemins, et notre Organisation aussi. Le monde a pris conscience de la fragilité de notre planète, mais ne s'est pas encore résolu de façon unanime et ferme de réparer les dégâts et d'éviter la catastrophe écologique.
Le monde est frappé de plein fouet par une crise économique sans précédent, mais les dirigeants le plus forts de la planète, même après le dernier G-20 à Pittsburgh, ont de nouveau eu plus de courage à distribuer et réguler l'argent durement gagné par les contribuables que l'argent gagné dans des opérations insensées et obscures sur les marchés financiers. Le monde a été frappé par des armes atomiques et des actions terroristes, mais n'arrive toujours pas à arrêter la folie meurtrière dont sont atteints certains fanatiques dirigeants de pays ou chefs de mouvements terroristes. Et au sein de notre continent, la conscience que dans un monde global il faut une Europe forte et unie, se heurte à des incompréhensions ou à des intérêts politiques étroits qui pourraient nuire gravement à cette unité.
Chers collègues,
Cette partie de session traitera de toutes ces grandes questions d'actualité européenne et mondiale. Ceci démontre une fois de plus notre cohérence et la nécessité d'avoir un forum de dialogue comme le notre. Nous avons tous une grande responsabilité pour que ce dialogue ne s'interrompe jamais, car ce serait contraire à notre raison d'être. Nous ne sommes pas les gardiens de dogmes gravés dans le marbre ; nous sommes des coéquipiers dans un même bateau qui doivent chercher ensemble des solutions à des problèmes qui nous concernent tous.
Je fais cette remarque dans le contexte du débat que nous aurons cette semaine sur le réexamen des pouvoirs de la délégation russe.
En effet, il y a des faits incontestables avec lesquels l'Assemblée ne peut pas être d'accord – la situation un an après la guerre entre la Russie et la Géorgie ; la situation des défenseurs des droits de l'homme dans le Caucase du Nord, situation que j'ai personnellement condamnée cet été; ou la situation dans laquelle se trouve actuellement la Cour Européenne à cause de la non-ratification par la Russie du Protocole 14 à la Convention Européenne des Droits de l'Homme – même si, dans ce dernier cas, la Douma russe vient de nous donner quelques lueurs d'espoir.
L'Assemblée votera donc en suivant sa conscience. Mais avant, j'invite tout le monde à se poser certaines question : avons-nous tout fait avant d'arriver aux sanctions ; et si des sanctions il devait y avoir, est-ce que nous choisirons celles qui nous permettront d'avancer et d'obtenir de meilleurs résultats - ou est-ce que ce seront des sanctions qui ne nous servent qu'à claquer la porte sans laisser aucune voie d'issue ? Et si nous appliquons des sanctions dans ce cas, serons-nous conséquents pour réagir de la même façon avec tous les pays et dans toutes les situations où le Conseil de l'Europe a du mal a faire appliquer ses normes et ses valeurs ? Je laisse la question ouverte à la conscience de chacun d'entre nous.
La série de débats que nous aurons sur le réchauffement climatique marque un autre grand moment pour notre Assemblée. Il place les droits de l'homme au cœur d'un sujet qui, jusqu'à il y a quelques années, était considéré comme purement technique. Je suis particulièrement fier du fait qu'une des grandes priorités de ma présidence ait des chances de se matérialiser cette semaine – notamment que l'Assemblée propose l'élaboration d'un protocole additionnel à la Convention européenne qui reconnaît le droit de « vivre dans un environnement sain ». Je crois que la Conférence des Nations Unies sur le changement climatique qui aura lieu à Copenhague en décembre nous prouvera que désormais l'environnement et les droits de l'homme seront deux sujets indissociables – en tout cas, c'est une cause d'envergure à laquelle nous devrions consacrer des efforts à la même hauteur.
Un autre débat – sur l'OCDE – prend toute une autre dimension cette année, sur fond de crise économique et financière. Je crois qu'une des raisons de cette crise est précisément le fait d'avoir totalement dissocié les questions de droits de l'homme et de démocratie d'un côté, et les questions d'économie de l'autre. Or qu'est ce qui pourrait être plus proche de nos préoccupations que ce que nous voyons se passer en ce moment – les millions de gens qui restent sans emploi, sans maison et sans espoir au moment même où l'optimisme des places financières revient et les dirigeants des banques recommencent à s'octroyer des bonus faramineux.
Et ce n'est pas la seule folie de ce monde ; pensons aux millions qui meurent de faim parce que la terre est sèche et que rien ne pousse, alors qu'à l'autre bout du monde la terre est noyée dans le lait que les agriculteurs n'arrivent pas à vendre à un prix décent.
Chers amis,
Comme vous le savez bien, au cours des derniers mois le Comité des Ministres et l'Assemblée parlementaire étaient en désaccord sur la procédure d'élection du nouveau Secrétaire Général de l'organisation. Je ne vais pas répéter tout ce qui a été déjà dit et redit à ce sujet ; je me limiterai à souligner de nouveau notre ferme conviction – et je pense exprimer l'avis de toute l'Assemblée – que nous ne pouvons pas demander à nos états membres d'observer nos normes et valeurs communes si nous-mêmes en tant que structure démocratique ne sommes pas irréprochables de ce point de vue.
La controverse entre l'Assemblée et le Comité des Ministres – qui nous a conduit à ne pas procéder à l'élection du nouveau Secrétaire Général au mois de juin – n'avait rien de personnel. Nous sommes nous-mêmes des élus – il en allait donc de notre responsabilité de nous assurer que la personne qui sera à la tête de cette organisation soit élue d'une façon digne de nos propres normes et valeurs.
La dialogue avec le Comité des Ministres s'est poursuivi pendant tout l'été. Le Comité des Présidents et le Bureau du Comité des Ministres se sont rencontrés cinq fois, pour parler de l'élection du Secrétaire Général et, plus généralement, de la nécessité d'améliorer le dialogue et la coopération entre le Comité des Ministres et l'Assemblée : à Bruxelles le 18 Juin, à Strasbourg le 22 juin, à Paris le 13 juillet, à Bled (Slovénie) le 31 août et finalement à Bruxelles le 14 septembre.
Malheureusement nous n'avons pas été en mesure de faire changer la position du Comité des Ministres sur l'élection du prochain Secrétaire Général et nous le regrettons. Mais le dialogue a porté ses fruits, dans la mesure où nous sommes parvenus à un accord sur un ensemble de mesures qui visent à renforcer le dialogue et la coopération entre les deux organes statutaires du Conseil de l'Europe. Cela inclut une série de mesures, notamment l'examen des procédures pour les futures élections, aussi bien que des actions immédiates. [Ce matin le Bureau a approuvé cet accord.]
Bien sûr, il est regrettable que l'élection du nouveau Secrétaire Général ait dû se heurter à des obstacles de la part du Comité des Ministres, que nous continuerons à déplorer – notamment le manque de consultation avec l'Assemblée, l'exclusion des candidats qui sont membres de l'Assemblée et le manque de véritable choix politique. Mais je suis convaincu que le temps que nous avons passé à régler nos différends n'était pas du temps perdu. Il était nécessaire pour remettre les pendules à l'heure ; il nous a permis de clarifier un bon nombre de questions en suspens ; et surtout, nous avons réussi à obtenir du Comité des Ministres un engagement clair de travailler sur un bon nombre de propositions de l'Assemblée qui visent à renforcer son rôle au sein de l'Organisation.
Ce sont des propositions que le Comité des Ministres jusqu'à présent – disons les choses comme elles sont – n'avait pas pris en compte.
Chers amis,
Les nombreux contacts que j'ai eus ces dernières semaines avec beaucoup d'entre vous, avec des délégations nationales et des groupes politiques, m'ont donné le sentiment qu'une grande majorité de cette Assemblée est en faveur de procéder à l'élection du Secrétaire Général. Telle a été aussi la volonté du Bureau de l'Assemblée qui, le 7 septembre dernier, a voté majoritairement en faveur de mettre l'élection du Secrétaire Général à l'ordre du jour de cette partie de session. Ce matin le Bureau a maintenu le point à l'ordre du jour qui vous sera proposé.
Je pense que les arguments - aussi bien de ceux qui veulent voter que de ceux qui sont contre - sont tout à fait légitimes. Nous avons accompli notre devoir : nous avons réagi aux irrégularités, nous avons défendu nos principes et nos valeurs démocratiques, nous n'avons pas épargné le moindre effort pour dialoguer, expliquer et chercher les meilleures solutions possibles.
La grandeur de cette Assemblée consiste dans le fait qu'elle est capable de prendre la responsabilité de réparer des erreurs que d'autres ont commises. C'est pourquoi je suis convaincu que nous sortons de cette épreuve la tête haute, ayant prouvé à nous mêmes, mais aussi à toutes les autres composantes de cette Organisation, que nous sommes une véritable force démocratique, qui défendra les valeurs de cette Organisation en toutes circonstances et en tout état de cause.
J'ai plusieurs fois souligné à quel point il est important non seulement d'avoir un vote ; mais d'avoir un vote fort, qui marquerait un soutien politique conséquent au futur Secrétaire Général. Je crois donc que après ce qui s'est passé ces derniers mois, quelle que soit la personne à la tête de cette Organisation, elle n'aura le moindre doute que la confiance qui lui sera donnée par l'Assemblée devra se mériter – et que nous serons vigilants et exigeants.
J'espère aussi que nos gouvernements auront maintenant compris que les ministres des Affaires étrangères doivent s'impliquer personnellement dans la gestion politique du Conseil de l'Europe et bien au-delà du travail fait par leurs représentants permanents à Strasbourg. Je suis sûr que sans l'engagement personnel, d'abord du Ministre espagnol des affaires étrangères Miguel Angel Moratinos, et surtout du Président actuel du Comité des Ministres, le ministre slovène Samuel Zbogar, nous ne serions pas aujourd'hui où nous sommes. Je tiens donc à les remercier de tout cœur et à leur rendre hommage. Ils auront donné l'exemple que désormais, j'espère, tous les prochains présidents du Comité des Ministres vont suivre.
Chers amis,
Parlant d'exemples, je voudrais terminer avec deux très bonnes nouvelles récentes. Je pense à l'accord conclu entre deux de nos Etats membres – l'Arménie et la Turquie – afin de normaliser leurs relations, ainsi qu'à l'accord entre deux autres de nos Etats membres – la Croatie et la Slovénie – pour résoudre le conflit territorial latent qui les opposait depuis l'éclatement de la Yougoslavie. Normalement c'est nous qui donnons à nos Etats membres les bons exemples à suivre. Cette fois-ci c'est nous qui devons suivre ces deux excellents exemples. C'est seulement de cette façon que nous pourrons être à la hauteur de la confiance que nos pays membres et nos citoyens nous ont donnée.