Jan Peter

Balkenende

Premier ministre des Pays-Bas

Discours prononcé devant l'Assemblée

mercredi, 28 avril 2004

En 1517, Erasme, philosophe humaniste hollandais, publiait La complainte de la paix, dans laquelle la figure allégorique de cette dernière s’adresse au monde. Complètement désemparée, le cœur brisé, elle se lamente sur son triste sort. Elle est rejetée par tous les peuples d’Europe malgré les efforts qu’elle fait pour eux. La guerre et la violence ont plongé des millions d’Européens dans la misère. «Pourquoi, demande-t-elle, les gens font-ils appel à leur raison pour provoquer leur propre ruine et non pour construire leur bonheur?» Cette Complainte de la paix, Erasme l’avait écrite en vue d’un sommet européen au cours duquel il espérait amener les souverains européens les plus puissants à signer un traité de paix. Mais ce sommet n’a jamais eu lieu et le traité n’a jamais été signé.

Depuis 1517, l’Europe n’a jamais donné à la paix l’occasion d’arrêter de pleurer. Notre histoire conjugue les plus belles créations de la civilisation et les pires expressions de répression, de violence et d’horreur que l’humanité ait jamais connues. Pour Erasme, la paix était l’objectif suprême de la politique européenne. Et il n’était pas seul à penser ainsi. Beaucoup d’autres philosophes européens – Emmanuel Kant, par exemple – partageaient ce point de vue.

L’Histoire nous a enseigné que la paix n’avait aucune chance tant qu’on ne partagerait pas les mêmes valeurs ou tant qu’on n’adhérerait pas à un idéal commun sur lequel s’appuyer pour trouver une nouvelle inspiration ainsi que le courage d’aller de l’avant ensemble, même en des temps difficiles. La seconde guerre mondiale a fait apparaître l’importance capitale d’un système de valeurs partagées. Lorsque, en 1948, l’Assemblée générale des Nations Unies a adopté la Déclaration universelle des droits de l’homme, elle avait de bonnes raisons de considérer que «le mépris et la méconnaissance des droits de l’homme avaient conduit à des actes de barbarie qui révoltent la conscience de l’humanité» et que l’antidote au poison de la tyrannie et de la répression est la compréhension commune de ces droits et libertés.

C’est dans cet esprit que le Conseil de l’Europe a été créé en 1949. Le Conseil représente une communauté de valeurs, énoncées principalement dans la Convention européenne des Droits de l’Homme et la Charte sociale européenne, consolidées par la jurisprudence de la Cour européenne des Droits de l’Homme et réaffirmées par la suite à maintes reprises. A cet égard, je rappellerai l’Acte final d’Helsinki de 1975, qui représente un important jalon, ainsi que le projet de traité de l’Union européenne établissant une Constitution pour l’Europe, qui constitue aujourd’hui un autre jalon. Mais la grande date sera le jour – que j’espère n’être pas trop lointain – où nous pourrons rayer le mot «projet».

Quelles sont ces valeurs qui nous lient et qui sont énoncées dans nos conventions? On pourrait dire qu’elles s’expriment à trois niveaux. Tout d’abord, au niveau de la population, en tant qu’individus et membres de groupes sociaux; ici, la valeur suprême est le respect des droits de l’homme et de la dignité humaine, ce qui signifie que toute personne a droit à la vie, à une protection contre les traitements inhumains, à un procès équitable, au respect de la vie privée et à la liberté d’expression. La tolérance fait partie du même groupe de valeurs. Ensuite au niveau de l’Etat; là ce sont les valeurs de la démocratie, de la prééminence du droit, du traitement équitable et de la justice sociale. Et enfin, au troisième niveau, il y a les valeurs touchant aux relations entre Etats: égalité souveraine des Etats, coopération internationale et règlement pacifique des différends.

Après les horreurs de la seconde guerre mondiale, ces valeurs nous guident-elles réellement aujourd’hui? Ces soixante dernières années ont été marquées par des faits et des développements qui ne peuvent qu’inspirer le courage et la confiance. De plus en plus de pays européens ont décidé de lier leur sort. Le nombre des Etats membres du Conseil de l’Europe est passé de dix à quarante-cinq. L’Union européenne, qui comptait six membres à l’origine, en comportera bientôt vingt-cinq. L’Est et l’Ouest se sont réunis en 1989. Les deux Europes n’en font aujourd’hui qu’une seule, avec un idéal commun de civilisation.

La démocratie continue d’étendre ses racines à travers tout le continent. Jamais auparavant les Européens n’étaient aussi nombreux à être dotés d’un gouvernement garantissant la liberté. Depuis cinquante ans, la plupart d’entre eux ont été épargnés par la catastrophe de conflits armés à grande échelle; jamais encore on n’avait connu, dans de larges parties du continent, une aussi longue période de calme relatif.

Mais de nombreux sujets d’inquiétude demeurent. Les activités terroristes connaissent une recrudescence sans précédent. Les violents affrontements entre groupes ethniques continuent de faire rage. Et le continent est encore le théâtre de bien des souffrances humaines. Les droits et libertés ne sont pas encore garantis de façon égale et universelle. L’exclusion sociale et l’injustice persistent, parfois à très grande échelle. Mais l’optimisme prévaut. Nos problèmes, nos préoccupations et nos conflits restent des fossés, parfois béants, sur un chemin ardu. Pourrons-nous aller de l’avant? Cela dépendra de la mesure dans laquelle nous parviendrons à puiser dans les sources qui alimentent notre force. Notre véritable force, ce sont nos idéaux et nos idées, pas notre argent. La recherche fait apparaître l’exactitude de ce principe. Depuis le début des années 1980, plusieurs universités européennes mènent des enquêtes sur les valeurs européennes. Les résultats de ces enquêtes révèlent, entre autres choses, que, si les citoyens d’aujourd’hui estiment que le bien-être matériel est une nécessité, ils sont également attachés à des aspects moins matériels comme une vie heureuse au foyer, l’épanouissement personnel et la santé. Voilà que nous serions bien inspirés de garder cela à l’esprit.

La réflexion sur les valeurs n’est pas simple. Ils sont nombreux à affirmer que les valeurs sont des abstractions – qu’elles n’ont rien de tangible – mais leur pouvoir tient précisément au fait qu’elles sont abstraites: elles créent l’espace et la liberté; elles ouvrent la porte à de nombreuses possibilités; et elles sont sans limites. Elles sont source d’inspiration et de motivation.

C’est ce qui les distingue des normes. Les normes posent des interdits. Les normes fixent des limites et posent des restrictions à la liberté.

La liberté est un aspect essentiel de l’idéal européen de civilisation, mais la liberté n’est jamais sans limite. Même Adam Smith – dont on dit souvent qu’il est le chantre du libéralisme – savait très bien qu’il ne pouvait y avoir de liberté sans fondements moraux et sans un système juridique solide. On oublie parfois qu’il n’est pas uniquement l’auteur de la Recherche sur la nature et les causes de la richesse des nations, mais aussi de la Théorie des sentiments moraux.

La liberté absolue entrave la liberté d’autrui. C’est pourquoi il importe de parler des valeurs et des normes. «Liberté, égalité, fraternité», chacun connaît cette devise du siècle des Lumières. La question qui se pose ici, c’est comment la liberté peut renforcer la fraternité, entendue comme engagement réciproque, au lieu de la limiter.

Nos valeurs, nous les gravons dans la pierre – sur les monuments, les socles des statues et les frontispices des bâtiments publics. C’est certes rendre justice à leur importance, mais ce n’est pas rendre justice à leur véritable essence, parce qu’elles forment un tout vivant et dynamique. Elles ont besoin d’être cultivées, d’être sans cesse vitalisées. Elles ont constamment besoin d’inspiration nouvelle. Voilà une leçon que les Européens ont apprise des grands bouleversements intervenus au cours des dernières décennies. La prospérité s’est accrue dans beaucoup de parties de notre continent. Le niveau d’éducation s’est énormément amélioré. De plus en plus de personnes ont l’occasion de développer leurs talents. Mais, dans un même temps, on a assisté à la disparition de bon nombre de structures sociales traditionnelles, aux mailles pourtant très resserrées. Pour beaucoup, l’Eglise n’est plus l’ancre qu’elle était. Les individus attachent une importance croissante à leurs libertés personnelles.

Certes, la prospérité accrue, les occasions d’épanouissement personnel et la liberté individuelle sont des avancées extraordinaires, mais elles ont également leurs zones d’ombre. Trop souvent, elles font que nous dépensons de l’argent pour tenter de résoudre des problèmes sans chercher à en connaître les causes; que la liberté d’autrui est limitée par celle que nous demandons pour nous-mêmes; que l’égoïsme rend notre société moins civique; que la société dans son ensemble éclate en groupes qui n’ont plus rien de commun et qui ne veulent même plus engager le dialogue.

Dans beaucoup de pays, y compris les Pays-Bas, ces développements ont conduit à un malaise croissant et à la prise de conscience qu’une nouvelle réflexion sur nos valeurs et nos normes est aujourd’hui une nécessité urgente. Pendant longtemps, les politiciens n’ont pas pris cette évolution autant au sérieux qu’ils auraient dû le faire. Cependant, au cours des dernières années, on ne compte plus les débats publics qui se tiennent sur la question. Quel est le ciment qui nous lie? Voilà la question clé. Comment parvenir à un équilibre entre liberté et responsabilité individuelle?

D’autres développements nous obligent également à rechercher le juste équilibre entre liberté et responsabilité. Le premier, c’est la menace croissante du terrorisme. Au début du XXIe siècle, les menaces qui pèsent sur la sécurité ne viennent pas de conflits à grande échelle entre Etats, mais de petits groupes de fanatiques qui n’épargnent rien ni personne pour parvenir à leurs fins, et qui s’appliquent à détruire l’Etat de droit et, avec lui, toutes les fondations sur lesquelles a été édifiée la communauté européenne de valeurs.

Les religions ne posent pas de bombes. Elles n’attaquent pas de personnes innocentes. Le problème, ce n’est pas l’islam. L’islam, comme le christianisme, est une religion qui prêche la paix. La menace ne procède pas de la religion elle-même, mais de ceux qui en font mauvais usage pour parvenir à leurs fins par le biais de la violence. Les attentats nous choquent tous. Un attentat perpétré dans un Etat membre nous affecte tous. Ceux qui ont été perpétrés à Madrid le 11 mars ont montré que l’Europe était unie dans sa détermination de mettre fin au terrorisme. Le protocole portant amendement à la Convention européenne pour la répression du terrorisme soutient cet objectif. Il faut continuer d’agir comme un seul homme. Notre désunion crée un terreau fertile pour le terrorisme. La lutte contre le terrorisme engendre de nouveaux dilemmes et de nouveaux conflits de valeurs; elle exige donc une nouvelle réflexion sur nos normes. Ainsi, par exemple, il nous faut rechercher un nouvel équilibre entre sécurité collective et respect de la vie privée.

Il est un autre développement qui nous affecte tous: la pénétration de la technologie de l’information et de la communication dans nos sociétés. On ne peut plus, aujourd’hui, concevoir la vie quotidienne sans Internet, mais, bien que notre réalité soit devenue numérique, notre manière de penser est restée la même. A l’ère numérique, la liberté d’expression et le droit à la vie privée doivent être protégés avec plus d’énergie encore qu’à l’ère du papier. Mais cette simple observation ne constitue pas une solution. Il faut se rappeler que l’Internet est également un moyen de communication qui permet de diffuser la haine, la discrimination et la calomnie à la vitesse de l’éclair. Il est également utilisé pour des pratiques illégales telles que la pornographie enfantine. Les sources de ce poison sont souvent difficiles à identifier, ce qui rend encore plus urgente la nécessité de réaffirmer nos valeurs et nos normes.

Le troisième développement, c’est que d’importants groupes de migrants arrivent sur le territoire de pays européens. L’Europe n’est plus un continent d’Etats monoethniques. Ainsi, aux Pays-Bas, les minorités ethniques représentent-elles aujourd’hui 10 % de la population et un tiers des citadins. Et toutes ces personnes ont apporté leur culture dans leurs bagages. La diversité culturelle est une excellente chose, mais elle peut également conduire à un conflit de valeurs et de modes de comportements entre les membres de la société qui, très souvent, ne communiquent pas.

Les pères fondateurs du Conseil de l’Europe avaient encore vive à l’esprit la mémoire des horreurs de la seconde guerre mondiale, ce qui explique pourquoi ils ont tant placé l’accent sur les droits individuels. Nous avons développé un processus judiciaire unique en son genre, en vertu duquel tout citoyen a la possibilité de déposer une requête contre un Etat membre s’il estime que ledit Etat ne respecte pas les droits garantis par la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales. Il y a tout lieu d’être fiers de cette formidable réalisation, mais nous ne pouvons nous reposer sur nos lauriers. Une société qui garantit la justice aux individus dont les droits ont été violés n’est pas nécessairement une société qui rend justice au potentiel de chacun. Cela ne sera possible que sur la base de valeurs communes auxquelles auront souscrit tous les membres de la société. Ces valeurs créent le fondement nécessaire pour nous empêcher de nous déchirer par des conflits internes. Une définition claire des valeurs communes est la condition sine qua non d’une intégration réussie.

François Guizot, historien et homme d’Etat français du XIXe siècle, voyait la diversité comme la caractéristique de la civilisation européenne. Jamais en Europe la pluralité de croyances n’a conduit une religion à prendre le dessus sur les autres. La tyrannie n’a jamais pris racine. Guizot nous montre l’importance du siècle des Lumières pour l’Europe, mais il souligne aussi l’influence positive du christianisme sur la civilisation européenne et met en exergue la si précieuse liberté de conscience, que la séparation de l’Eglise et de l’Etat a rendue possible.

Alexis de Tocqueville, autre Français du XIXe siècle, a, quant à lui, souligné l’importance des relations entre les individus au sein d’une société pluraliste et démocratique lorsqu’il écrivait: «Dans les pays démocratiques, la science de l’association est la science mère; le progrès de toutes les autres dépend des progrès de celle-là.»

La diversité est l’essence de la civilisation européenne; c’est la raison pour laquelle les valeurs qui autorisent la différence – liberté de religion et d’expression, égalité devant la loi et sacralisation de la vie – s’appliquent à chaque habitant de l’Europe, sans exception. Si l’Europe ne protège pas résolument ces valeurs communes, elle mettra en jeu l’essence même de sa civilisation. Diversité va de pair avec unité. C’est la raison pour laquelle une des tâches cruciales à la fois des gouvernements et des représentants du peuple que vous êtes consiste à continuer de promouvoir et de protéger ces valeurs au sein d’une Europe pluriculturelle.

Chacun sait que la tâche est difficile. Les valeurs peuvent être énoncées dans des déclarations, des conventions et des lois. Elles peuvent être gravées sur des monuments; elles peuvent être chantées dans les hymnes nationaux, mais cela ne signifie pas qu’elles soient ancrées dans le cœur et dans l’esprit de la population. D’où l’importance extrême de l’éducation – au sein de la famille et à l’école – et de l’éducation civique au sens large. C’est par l’éducation que se transmettent des notions telles que la tolérance, le respect des autres et le sens des responsabilités – des notions en l’absence desquelles il est pratiquement impossible de respecter nos valeurs communes.

C’est précisément dans une société où tout est possible, à condition de s’inscrire dans le cadre de la légalité – où aucun gouvernement, Eglise ou organisation ne prescrit à la population ce qu’elle doit faire, penser ou dire – que chacun doit apprendre à assumer la responsabilité de ses actes et de ses paroles. Les problèmes se font jour lorsque les gens veulent la liberté totale pour eux-mêmes, mais refusent d’assumer les conséquences de leurs actes.

Le Conseil de l’Europe est une communauté de valeurs au sein de laquelle ces questions doivent être examinées. Le défi qu’il nous faut relever, ce n’est pas uniquement de protéger les valeurs que nous avons définies ensemble, mais également de les garder vivaces à une époque où le monde connaît de grands bouleversements. Le jour où nous cesserons de vivre ces valeurs, le cœur de l’Europe cessera de battre.

En tant que représentants du peuple et membres de l’Assemblée parlementaire, vous avez un rôle crucial à jouer. L’Assemblée constitue un excellent forum de dialogue sur les valeurs européennes. Le Comité des Ministres traduit ces valeurs en normes; il est aussi l’organe au sein duquel les Etats membres peuvent en appeler les uns aux autres pour que soient respectées les normes auxquelles nous avons tous souscrit. Il faut notamment nous attacher à mener à bien notre tâche première: veiller au respect des droits de l’homme, de la démocratie et de la prééminence du droit.

Nous pouvons être fiers de ce que nous avons accompli depuis 1949 et depuis 1989. La paix – rejetée et méprisée durant tant de siècles – a enfin trouvé un foyer dans cette Maison. Dans de grandes parties de l’Europe, la guerre et la violence ne sont plus la règle, mais l’exception. Mais la paix, c’est bien plus que l’absence de guerre et de violence. La paix, c’est aussi une société prospère et pacifique, composée d’individus regroupés autour de la communauté européenne de valeurs. L’instauration d’une telle société, voilà notre tâche – une tâche à la fois fort noble et fort complexe.

LE PRÉSIDENT (traduction)

Merci beaucoup, Monsieur le Premier ministre, pour ce discours fort intéressant. Plusieurs membres de l’Assemblée ont exprimé le souhait de vous poser une question.

Je leur rappelle qu’ils disposent, pour ce faire, de trente secondes au maximum. Il s’agit de poser des questions et non de faire des discours.

Je suis disposé à autoriser des questions supplémentaires à la fin de notre dialogue, à condition de disposer de suffisamment de temps.

La parole est à Mme Aguiar pour poser la première question.

Mme AGUIAR (Portugal) (traduction)

Monsieur le Premier ministre, à la lumière de la situation qui s’est fait jour dans votre pays et dans les démocraties en général face aux menaces croissantes qui pèsent sur la paix après les attentats du 11 septembre 2001, comment, à votre avis, réaliser l’équilibre entre les idéaux européens de solidarité et les contrôles aux frontières, la circulation des personnes et les politiques restrictives à l’égard des étrangers, sans remettre en cause les valeurs morales, les traditions de fraternité et de respect des droits de l’homme dans nos sociétés ouvertes – ou du moins formellement ouvertes?

M. Balkenende, Premier ministre des Pays-Bas (traduction)

Merci pour cette question qui a certainement été inspirée par mon discours. Au cours du débat sur la politique néerlandaise de retour des demandeurs d’asile, certains ont soutenu que les Pays-Bas projetaient la déportation en masse des réfugiés et des demandeurs d’asile. Ces affirmations sont sans fondement. Le plan de retour pour les demandeurs d’asile résidant aux Pays-Bas depuis longtemps concerne uniquement ceux qui, conformément aux normes internationales, ont été déboutés. Tous les retours se feront sur une base individuelle et dans le respect des normes internationales pertinentes.

Un grand nombre de demandeurs d’asile attendent toujours, et ce depuis longtemps, l’achèvement de la procédure. On estime à quelque 26 000 le nombre de personnes ayant demandé l’asile aux Pays-Bas avant le 1er avril 2001, qui se trouvent encore dans des centres d’accueil; par ailleurs, 2 200 demandeurs d’asile en attente d’une décision depuis plus de cinq ans ou pour lesquels un rejet serait cause de souffrances inutiles se sont vu accorder un permis de séjour en vertu d’une décision spéciale d’amnistie.

Les personnes ayant demandé l’asile avant le 1er avril 2001 bénéficieront d’un traitement spécial. Dans la perspective de leur retour, elles se verront accorder des facilités supplémentaires, y compris un logement temporaire aux Pays-Bas, pour leur permettre de préparer leur retour. Il est également prévu une aide financière au retour. Comme je le disais, les retours se feront sur une base individuelle; ils seront planifiés et soutenus financièrement. Lorsqu’il sera établi sans l’ombre d’un doute qu’un demandeur d’asile débouté ne peut retourner chez lui pour des raisons indépendantes de sa volonté, il lui sera délivré un permis de séjour et, dans les prochaines années, lorsque les Pays-Bas devront adopter des mesures pour encourager les départs et les retours, nous continuerons d’établir et de maintenir la coopération avec les pays d’origine.

M. EINARSSON (Suède) (traduction)

Le Premier ministre considérera peut-être qu’il vient d’y répondre, mais ma question est quelque peu différente. Aujourd’hui, une proposition de résolution sur la nouvelle politique d’asile des Pays-Bas a été présentée. J’aimerais savoir si le Premier ministre en est surpris ou bien s’il comprend la raison pour laquelle l’Assemblée se doit de discuter les politiques de son gouvernement.

M. Balkenende, Premier ministre des Pays-Bas (traduction)

Il est bon que ce point ait été soulevé. J’ai déjà répondu à la question précédente portant sur le même sujet, mais je ne suis pas surpris qu’il fasse l’objet d’un débat dans ce forum car il est important. Lorsque, toutefois, j’entends employer des termes tels que «déportation», force m’est de dire qu’ils ne sont pas appropriés. Lorsque, conformément aux procédures formelles en vigueur, un demandeur d’asile est passé devant un juge et que la décision de ce dernier a été précisée plus d’une fois, ce qui s’ensuit n’est pas de la déportation: il s’agit simplement de respecter la prééminence du droit. Voilà la réalité. Je conçois fort bien qu’on puisse débattre de cette question au sein de l’Assemblée parce qu’elle est d’actualité. Pour ce qui concerne, toutefois, le fond, je ne puis que renvoyer à la réponse que j’ai donnée à la question précédente.

Lord JUDD (Royaume-Uni) (traduction)

Monsieur le Premier ministre, je vous remercie pour votre discours très motivant et, à bien des égards, fort émouvant. J’aimerais savoir ce que votre gouvernement considère comme étant la ligne de démarcation entre l’asile politique et l’immigration économique, et comment il voit le rôle de la circulation de la main-d’œuvre dans le cadre d’un marché mondial. La promotion d’un tel marché sans la libre circulation de la main-d’œuvre ne comporte-t-elle pas une contradiction qui conduira inévitablement à l’une ou l’autre forme de «migration illégale»? Comment résoudre ce dilemme?

M. Balkenende, Premier ministre des Pays-Bas (traduction)

Je remercie Lord Judd pour cette question. L’asile politique est accordé sur la base de la Convention de Genève et de la Convention européenne des Droits de l’Homme, pour des raisons humanitaires ou en raison de la situation générale dans le pays d’origine. Toutes ces raisons ont trait à des situations dans lesquelles la vie de l’individu est menacée.

L’émigration économique résulte de déplacements effectués soit par nécessité soit tout simplement en raison du souhait d’aller travailler ailleurs pour préserver des liens familiaux ou pour trouver un environnement de travail intéressant. La relation qui existe entre ces deux aspects fait que beaucoup de demandes d’asile sont rejetées.

Beaucoup de demandeurs d’asile sont en réalité des migrants économiques. Ils ont quitté leur pays parce qu’ils n’y trouvaient pas de possibilités d’emploi ou parce qu’ils souhaitaient améliorer leurs conditions de vie. A cet égard, il est difficile d’établir une distinction entre les deux flux migratoires. La réalité, c’est que très souvent ils sont mixtes.

Dans le cadre de la mondialisation, la mobilité de la main-d’œuvre joue un rôle dans une large mesure positif. C’est elle qui est à l’origine de la mondialisation telle que nous la connaissons, mais elle est également une condition pour son bon fonctionnement. Ce monde a besoin de compréhension mutuelle, laquelle est favorisée par la mobilité de la main-d’œuvre. La Communauté européenne en est un excellent exemple. Elle a créé un véritable marché commun au sein duquel circulent librement non seulement les capitaux, les biens et les services, mais aussi la main-d’œuvre.

Bien entendu, il faut également garantir le respect des droits de l’homme. Il existe maints exemples de travail forcé ou semi-forcé, phénomènes qu’il faut combattre avec vigueur.

M. WILKINSON (Royaume-Uni) (traduction)

Le Premier ministre néerlandais peut-il nous dire si son gouvernement profitera de sa présidence du Comité des Ministres puis de celle du Conseil des ministres de l’Union européenne pour permettre au Conseil de l’Europe d’assurer le suivi de l’Union en vue d’empêcher la discrimination des personnes ayant dénoncé des pratiques, notamment financières, sinon délictueuses du moins irrégulières? Merci.

M. Balkenende, Premier ministre des Pays-Bas (traduction)

Pour ce qui concerne ces personnes, il y a eu toute sorte de développements. Il est bon de les prendre au sérieux et d’écouter les observations qu’elles ont à formuler. Le fait est que, au cours de leur présidence, les Pays-Bas aborderont cette question dont on ne doit pas négliger l’importance et dont il faut poursuivre l’examen.

M. SEVERIN (Roumanie) (traduction)

Monsieur le Premier ministre, membre du Conseil de l’Europe, mon pays s’apprête à participer à une coopération renforcée au sein de l’Union européenne à compter du 23 janvier 2007, date prévue de son adhésion. J’aimerais savoir quels seront, à votre avis, les résultats de la Conférence intergouvernementale et comment ils seront mis en œuvre, compte tenu des responsabilités que vous assumerez au sein du Conseil européen pendant le second semestre de cette année.

M. Balkenende, Premier ministre des Pays-Bas (traduction)

M. BALKENENDE (Traduction). – Permettez-moi, Monsieur le Président, de répondre à cette question même si elle ne concerne pas directement le Conseil de l’Europe.

Un certain nombre d’accords existants prévoient déjà une telle coopération. Ainsi le Traité d’Amsterdam, renforcé par le Traité de Nice. L’actuel projet de Constitution rédigé par la Convention apporte diverses modifications à la procédure de coopération renforcée, telles que la possibilité de voter non pas à l’unanimité, mais à la majorité qualifiée. Reste à voir si la Conférence intergouvernementale adoptera ces modifications.

Jusqu’à présent, l’instrument de coopération renforcée n’a jamais été utilisé. Dans une union de vingt-cinq membres ou plus, il est davantage probable qu’à un certain moment un groupe d’Etats souhaiteront faire usage de cette option dans le cadre d’un domaine d’activités bien défini. Ce n’est pas une mauvaise chose; il ne faut pas que le droit de vote dont bénéficient d’autres Etats vienne entraver les pays ambitieux dans leur action.

Mais, pour l’instant, il ne s’agit pas pour nous d’un dossier prioritaire. Aujourd’hui, il faut mettre toute notre énergie à travailler en vue de l’adoption et de la ratification de la Constitution européenne. Tous les Etats membres, anciens et nouveaux, doivent être préparés à la rendre bien réelle.

M. FRUNDA (Roumanie) (traduction)

Monsieur le Premier ministre, permettez-moi de vous féliciter pour votre discours dont j’espère qu’il est le reflet de votre credo politique.

Comment expliquez-vous, Monsieur le Premier ministre, le fait que les Pays-Bas appartiennent au petit groupe d’Etats membres qui n’ont pas encore ratifié la Convention-cadre sur les droits des minorités nationales? La définition restrictive qui est aujourd’hui prise en compte ne constitue-t-elle pas un exemple décourageant pour d’autres Etats membres?

M. Balkenende, Premier ministre des Pays-Bas (traduction)

Le Sénat doit examiner prochainement une proposition de loi tendant à ratifier cette convention-cadre, et le gouvernement pense adopter cette loi très rapidement, avant le 1er juin. Le retard provient du fait que le parlement estimait que l’expression «minorités nationales» ne devait pas recouvrir également les minorités ethniques. La ratification de cette convention constituant une priorité pour les Pays-Bas, la déclaration qui l’accompagne a été modifiée et soumise une nouvelle fois au parlement.

Les minorités ethniques qui résident légalement aux Pays-Bas sont un des groupes concernés par la politique d’intégration. Il importe de noter que les droits des minorités énoncés dans la convention-cadre sont déjà inscrits dans la législation néerlandaise. C’est pourquoi le fait que la convention-cadre ne s’applique pas aux minorités ethniques ne nuira en rien à leur statut juridique.

M. BRAGA (Portugal) (traduction)

Monsieur le Premier ministre, à l’heure actuelle le système d’éducation néerlandais offre un enseignement dans différentes langues à l’intention des groupes minoritaires d’une certaine importance, dont les Portugais. Cependant, pour autant que je sache, l’année prochaine, votre gouvernement abandonnera ce modèle et ce choix ne sera plus offert. Comment les droits culturels des migrants seront-ils garantis à l’avenir?

M. Balkenende, Premier ministre des Pays-Bas (traduction)

Je vous remercie pour cette question. Le 2 mai 1996, le Gouvernement du royaume des Pays-Bas a officiellement notifié au Conseil de l’Europe qu’il acceptait la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires à la suite de l’adoption par le Sénat et la Chambre des représentants de la loi pertinente. Ce faisant, les Pays-Bas sont devenus le quatrième Etat membre du Conseil de l’Europe à signer ou à ratifier la charte.

Conformément aux dispositions de l’article 19, celle-ci est entrée en vigueur le 1er mars 1998 à la suite de son adoption, ratification ou approbation par au moins cinq Etats membres du Conseil de l’Europe. Chaque Etat signataire de la charte s’engage à appliquer au moins les dispositions énoncées dans la partie II de cet instrument, sauf s’il a émis une ou plusieurs réserves, conformément à l’article 21. En outre, un Etat partie peut, conformément à l’article 2, s’engager à appliquer certaines des dispositions contenues dans la partie III.

En acceptant la charte en 1996, les Pays-Bas se sont engagés à appliquer les dispositions énoncées à la partie II de la charte pour les langues régionales ou minoritaires parlées sur son territoire, à savoir le frison, le yiddish, le bas-saxon et le rom. Les dispositions de la charte sont entrées en vigueur au royaume des Pays-Bas le 1er mars 1998. Pour ce qui concerne le royaume des Pays-Bas, la charte s’applique uniquement aux Pays-Bas. Le 19 mars 1997, le Gouvernement des Pays-Bas a déposé au Conseil de l’Europe une déclaration complémentaire pour signifier la reconnaissance officielle du limbourgeois en tant que langue officielle au sens de l’article 2 de la charte. Ce faisant, les Pays-Bas se sont également engagés à appliquer les principes énoncés dans la partie II de la charte au titre du limbourgeois.

Pour ce qui concerne le frison parlé dans la province de Frise, les Pays-Bas se sont également engagés à appliquer au moins trente-cinq paragraphes ou alinéas choisis parmi les dispositions de la partie III de la charte. En acceptant la charte, les Pays-Bas se sont engagés à appliquer quarante-huit dispositions au titre de la langue frisonne, conformément à la classification susmentionnée. Le choix de ces dispositions a été influencé par la politique menée par le gouvernement à l’égard de la langue et de la culture frisonnes.

En 1999, dans la perspective du rapport périodique prévu à l’article 15 de la charte, l’Académie frisonne a, à la suite de la demande du ministère de l’Intérieur et des relations internes du royaume, établi un inventaire initial des mesures adoptées par les Pays-Bas en application des dispositions choisies de la partie III de la charte au titre de la langue frisonne. Ce rapport peut être classé en tant que suivi périodique, conformément à l’article 15 de la charte. Cette année, les Pays-Bas ont fait, pour la deuxième fois, l’objet d’un suivi par le comité d’experts institué au titre de la charte, dont nous attendons les conclusions. Les membres du comité qui se sont rendus aux Pays-Bas sont bien connus et ont une grande expérience des politiques européennes et des langues minoritaires. Malheureusement, l’un d’entre eux est décédé l’année dernière.

LE PRÉSIDENT (traduction)

Je vous remercie. Il est temps à présent de passer aux questions supplémentaires, lesquelles doivent avoir un lien avec la question originale ou avec la réponse qui lui a été faite.

La parole est à Mme Aguiar pour poser la première question supplémentaire.

Mme AGUIAR (Portugal) (traduction)

Merci beaucoup. Monsieur le Premier ministre, laissons là les Pays-Bas et les demandeurs d’asile. J’aimerais savoir si, à votre sens, les Européens voient aujourd’hui ceux qui ont des traits et des coutumes différents comme des amis ou des ennemis? Merci.

M. Balkenende, Premier ministre des Pays-Bas (traduction)

J’ai toujours dit que l’Europe avait une tradition de tolérance, de diversité linguistique, culturelle et historique. C’est cela qui fait la richesse de la culture européenne. Les étrangers font partie de la société. Toutefois, il faut prendre conscience du fait que les gens doivent être capables de communiquer et de s’intégrer. Si des étrangers ont l’intention de demeurer pour le restant de leurs jours dans un autre pays, il convient également de mettre en place les conditions nécessaires pour leur permettre de communiquer et de s’intégrer. C’est une des raisons pour lesquelles il importe que les étrangers parlent la langue du pays d’accueil. Telle est également l’expérience des Pays-Bas.

Si les gens ne sont pas capables de communiquer – de parler la langue du pays d’accueil – ils ne pourront jamais s’intégrer; ils ne pourront pas devenir des amis parce que la distance entre eux et la société sera trop grande. Il faut donc examiner le pourquoi des politiques d’intégration. On ne saurait parler d’ennemis. A l’heure de la mondialisation, il importe de travailler ensemble et d’aborder tous les sujets, les bons et les mauvais, par exemple la lutte contre le terrorisme, pour laquelle nous devons nous épauler les uns les autres à l’échelle mondiale. Il ne saurait donc être question de parler d’ennemis, mais d’amis. Mais pour devenir un ami il faut remplir certaines conditions et être, notamment, en mesure de dialoguer dans la même langue.

M. EINARSSON (Suède) (traduction)

Merci, Monsieur le Président. S’agissant des politiques d’asile, on craint que des personnes ayant vécu, travaillé et payé des impôts pendant des années aux Pays-Bas, et même des familles dont les enfants sont nés aux Pays-Bas, seront – ou pourront être – expulsées. Le Premier ministre peut-il nous donner son assurance que cela n’arrivera pas?

M. Balkenende, Premier ministre des Pays-Bas (traduction)

J’ai bien précisé la situation aux Pays-Bas. Nous avons nos procédures devant les tribunaux et les juges. Ce qui signifie que je ne puis donner une telle assurance: c’est une question de respect à la fois de l’Etat de droit et des décisions de justice. Voilà la réalité. Et c’est également une question d’équité. Si, à l’écoulement du délai pour l’obtention d’un statut légal, la décision de justice est négative, nous devons respecter cette décision.

Lord JUDD (Royaume-Uni) (traduction)

Monsieur le Premier ministre, êtes-vous d’accord avec moi pour dire que l’une des plus grandes menaces qui pèsent sur la stabilité résulte du fait que certaines personnes ont des problèmes d’identité et que c’est la raison pour laquelle il importe au plus haut point de les aider à retrouver leur identité et leurs racines pour leur permettre d’aller de l’avant et de s’ouvrir à la collaboration et à la coopération? Seriez-vous également d’accord pour dire que – tant aux Pays-Bas qu’au Royaume-Uni – l’un des problèmes liés à la migration, c’est que les pressions sont exercées sur les parties de notre communauté dont les membres sont le moins disposés et qui présentent les problèmes sociaux les plus aigus? Etes-vous d’accord pour dire qu’il faut rétablir la situation? Enfin, ne pensez-vous pas que, si nous voulons rétablir celle-ci à l’échelon international, il faut reconnaître que la mondialisation du marché ne doit pas être érigée en dogme universel, parce que nous devons mettre en œuvre des politiques visant à compenser notre refus de – ou notre impuissance à – instaurer la mobilité de la main-d’œuvre en ce moment?

M. Balkenende, Premier ministre des Pays-Bas (traduction)

Lord Judd, vous avez formulé une observation fort importante en parlant de la nécessité de prendre conscience de sa propre identité. Dans une société cosmopolite, il est essentiel que se tienne un dialogue entre les grandes religions. Cela vaut également pour la question de la sécurité mondiale, la lutte contre le terrorisme, etc. Mais, comme vous le disiez fort justement, le dialogue ne sera possible que si les gens ont conscience de leur identité. Vous avez parlé de la diversité culturelle européenne. Cette diversité doit être respectée. Chacun doit être traité avec le même respect. C’est la raison pour laquelle nous avons besoin du dialogue et pour laquelle les gens doivent prendre conscience de leur identité. Cela, toutefois, ne dispense pas ceux qui souhaitent s’établir dans un autre pays de respecter ses règles, sa langue, ses lois et son ordre juridique. Un tel respect est une condition essentielle de la participation. Vous avez également mentionné la question de la mondialisation de l’économie, elle aussi fort intéressante.

Je me rappelle les bouleversements intervenus dans les régimes politiques des anciens Etats communistes d’Europe centrale et orientale. Au début, chacun d’entre eux concentrait son attention sur l’économie libre de marché, mais, au bout de quelques années, un autre débat s’est ouvert portant, celui-là, sur le rôle de la société civile et des organisations non gouvernementales. C’était là un important changement d’orientation parce qu’on ne peut pas uniquement raisonner en termes d’économie de marché. Il faut également parler des responsabilités que les gens doivent assumer pour eux-mêmes et pour les autres. C’est pourquoi il importe d’évoquer la notion de société civile. A l’échelle mondiale, il faut travailler avec l’Organisation mondiale du commerce. Il faut prendre en compte les intérêts des pays du tiers-monde ainsi que la coopération au développement. Tous ces éléments revêtent une grande importance. Il ne s’agit donc pas uniquement d’instaurer un marché mondial; d’autres conditions doivent également être satisfaites; et puis il faut réaliser l’équilibre entre tous ces aspects.

M. WILKINSON (Royaume-Uni) (traduction)

La réponse faite par le Premier ministre à propos des personnes qui ont dénoncé des abus au sein de l’Union européenne m’a paru encourageante. N’est-il pas vrai que lorsque l’Union sera devenue partie à la Convention européenne des Droits de l’Homme, elle devra respecter les mêmes normes que les autres signataires? Ne devrait-elle pas, dès lors, être soumise aux mêmes procédures de suivi?

M. Balkenende, Premier ministre des Pays-Bas (traduction)

Je pense pouvoir répondre par l’affirmative. S’agissant de respect des droits de l’homme et de suivi, nous savons quelles mesures prendre. Je puis donc répondre par l’affirmative à votre question.

M. SEVERIN (Roumanie) (traduction)

Monsieur le Premier ministre, j’aimerais savoir quelles sont, d’après vous, les perspectives d’adoption de la Constitution européenne. Sachant que vous assurerez la présidence du Conseil européen et gardant à l’esprit le vif intérêt que cette Assemblée accorde à une telle adoption, pouvez-vous nous fournir quelques détails supplémentaires quant au calendrier prévu? Je vous remercie.

M. Balkenende, Premier ministre des Pays-Bas (traduction)

Nous espérons tous que la Constitution pourra être finalisée du moins à moitié d’ici au mois de juin. Nous avons examiné cette question au cours de la réunion que le Conseil européen a tenue en mars et je pense qu’on peut espérer que le climat sera différent. Mais il y a quelques mois, en décembre, il n’a pas été possible de parvenir à un accord. C’était un mauvais signal parce que, si on parle de l’élargissement officiel de l’Union européenne au 1er mai, il importe également de finaliser le nouveau traité constitutionnel. C’est la raison pour laquelle les Pays-Bas soutiendront la présidence irlandaise dans ses efforts. Mais il ne s’agit pas uniquement de finaliser la Constitution, il faudra ensuite que les parlements nationaux la ratifient, qu’elle soit soumise à référendum, etc. Le premier pas important sera de mener les négociations à terme. J’espère sincèrement que cet objectif sera réalisé en juin, mais pour ce qui concerne la suite, elle relève de la responsabilité des Etats membres.

Il importe également que les nouveaux Etats membres s’engagent à travailler en faveur de la nouvelle Europe au moment où le continent entre dans une nouvelle phase de son histoire. Sous la présidence de Valéry Giscard d’Estaing, la Convention a accompli un excellent travail. Lorsque le Président a présenté ses conclusions, chacun semblait être contre. Mais aujourd’hui il faut mener l’entreprise à terme le plus tôt possible; c’est pourquoi, vous l’imaginez bien, je n’étais pas très content en décembre. Cela dit, je pense que le climat dans lequel s’est déroulé la réunion du Conseil en mars était excellent et j’espère de tout cœur que le traité constitutionnel sera prêt en juin et qu’à ce moment-là nous pourrons annoncer que nous avons atteint notre objectif.

M. FRUNDA (Roumanie) (traduction)

Il n’y a, entre «minorités nationales» et «minorités ethniques», aucune différence si ce n’est étymologique, puisque, dans le premier cas, la racine est latine et que, dans le second, elle est grecque. La distinction que vous établissez implique-t-elle également une distinction entre les minorités historiques et les immigrés? Si oui, pourquoi exclure les nouvelles minorités de la définition des minorités nationales? Je vous remercie.

M. Balkenende, Premier ministre des Pays-Bas (traduction)

On ne peut pas dire que «minorité nationale» soit la même chose que «minorité ethnique». Dans un pays, il peut exister des différences qui ne sont pas d’ordre ethnique. S’agissant du statut juridique des minorités ethniques, il faut se référer aux lois nationales. J’ai déjà répondu à une question portant sur la situation aux Pays-Bas, où le Sénat s’est prononcé sur une question ayant trait au rôle des minorités. Toutefois, il faut garder à l’esprit que les minorités nationales ne peuvent être identifiées uniquement comme des minorités ethniques. Il peut y avoir des différences.

M. BRAGA (Portugal) (traduction)

Pouvez-vous nous assurer que les communautés de migrants qui le souhaitent se verront garantir le droit de recevoir un enseignement dans leur langue maternelle?

M. Balkenende, Premier ministre des Pays-Bas (traduction)

Je pourrais parler longuement de l’expérience néerlandaise en matière de migrants. Bien entendu, je comprends qu’on estime que ceux-ci doivent avoir l’occasion de parler leur langue, notamment pour préserver leur identité. Cela a toutefois pour conséquence d’exclure certaines personnes du marché du travail ainsi que de la société dans laquelle elles vivent. Il y a quelques semaines, je me trouvais au Portugal où j’ai évoqué cette question avec le Premier ministre de ce pays qui m’a demandé quelles étaient les possibilités d’apprentissage du portugais aux Pays-Bas. Je lui ai expliqué qu’il était essentiel que ceux qui souhaitent s’établir aux Pays-Bas et participer à la vie de la société néerlandaise en parlent la langue. Il faut être honnête à propos de cette importante question: le fait est que les migrants rencontrent des problèmes tant pour accéder au marché de l’emploi que pour participer à la société parce qu’ils ne connaissent pas la langue du pays d’accueil. Dans un pays comme les Etats-Unis, les gens sont fiers de s’intégrer à la société, d’acquérir la nationalité américaine et de chanter l’hymne national. Mais ils sont obligés d’apprendre la langue du pays. Le rôle des migrants dépend de leur capacité de communiquer et de participer à la vie de la société du pays dans lequel ils se sont établis.

LE PRÉSIDENT (traduction)

Nous en sommes arrivés au terme de notre dialogue avec M. Balkenende que, au nom de l’Assemblée, je remercie vivement pour son discours ainsi que pour les observations qu’il a formulées en répondant aux questions des parlementaires. Merci beaucoup, Monsieur le Premier ministre, d’avoir accepté notre invitation. Que nos vœux vous accompagnent vous et votre pays!