Ivan

Kostov

Premier ministre de Bulgarie

Discours prononcé devant l'Assemblée

mardi, 21 avril 1998

Madame la Présidente, Mesdames, Messieurs les parlementaires, Mesdames, Messieurs, puis-je avant toute chose vous remercier, Madame Fischer, de m’avoir invité à prendre la parole devant cette prestigieuse Assemblée?

Aujourd’hui, un an après la victoire électorale des Forces démocratiques unies et la formation d’un gouvernement démocratique, c’est pour moi un grand honneur, un grand privilège de prendre la parole devant vous qui représentez les nations européennes à l’Assemblée parlementaire de la plus ancienne organisation intergouvemementale européenne. En cette fin de siècle particulièrement sensible aux symboles, le Conseil de l’Europe symbolise les principes politiques d’un Etat attaché à la prééminence du droit, à la démocratie représentative et au respect des droits de l’homme, ainsi qu’au système de valeurs qui est depuis des siècles celui de l’Europe.

C’est précisément parce que nous sommes à la fin d’un siècle qui a vu la division de l’Europe que les défis du siècle à venir prennent un tel relief. Le mot «Europe» est probablement celui qui retentit sous ces voûtes beaucoup plus souvent que tout autre et qui porte les plus grands espoirs. Chacun probablement dans cet hémicycle est convaincu que l’Europe sera le mot clé du siècle prochain. Le Gouvernement bulgare et le peuple bulgare nourrissent le même espoir. Toutefois, aujourd’hui où le Kosovo fait les gros titres de la presse européenne, je rappelle que le 9 novembre 1989, lorsque tombait le mur de Berlin, le journaliste américain Robert Kaplan parlait du Kosovo pour décrire sa vision de l’avenir dans laquelle le mur idéologique séparant l’Europe orientale et l’Europe occidentale était remplacé par un mur culturel coupant les Balkans de l’Europe.

Mesdames, Messieurs, pour que le mot «Europe» reste le mot clé du siècle à venir, nous devons empêcher l’érection de ce mur. Le courage dont la société civile bulgare a fait preuve dans l’hiver de 1997 et le soutien accordé à mon gouvernement pour les réformes radicales qui s’imposent me donnent des raisons de penser que la barrière faite d’absence de réformes et d’arrogance néocommuniste qui coupait la Bulgarie de l’Europe démocratique dans les années 1993-1996 a été abattue. Il reste toutefois d’autres barrières à abattre.

Les défis de l’Europe en mutation ont redéfini entre autres choses la mission du Conseil de l’Europe et en ont fait le symbole de l’universalité européenne. Le 1er Sommet en 1993 a défini les nouvelles priorités de cette Organisation en recourant à la notion de «sécurité démocratique». Cette notion de «sécurité démocratique» suppose, outre la progression de la sécurité au fur et à mesure de l’expansion géographique de la démocratie et de l’émergence de nouvelles démocraties, le renforcement de la sécurité européenne, au fur et à mesure où la démocratie s’enracine dans chaque pays. Des élections libres ne suffisent pas à garantir qu’un système est démocratique. Nous connaissons tous des exemples de gouvernements issus d’élections libres qui portent atteinte aux libertés des citoyens et violent les principes constitutionnels. Le choix auquel les Balkans sont confrontés aujourd’hui consiste à empêcher l’imposition de démocraties non libérales de type oligarchique ou populiste dans lesquelles on fait classiquement appel à des instruments traditionnels de la démocratie, comme le référendum, pour promouvoir l’intolérance ethnique et maintenir un pouvoir personnel. En ce sens, la culture démocratique est le meilleur indicateur de l’irréversibilité de la démocratie. Je suis heureux que le 2e Sommet, en octobre 1997, ait tracé une stratégie pour la culture européenne de la démocratie au XXIe siècle.

Le plan d’action incluait, parmi les composantes de cette culture, l’initiative bulgare sur l’éducation des citoyens visant à leur faire prendre conscience de leurs droits et de leurs responsabilités dans une société démocratique. Nous espérons que cette initiative sera poursuivie et concrétisée par des mesures efficaces. Nous pensons que cela est nécessaire parce que, pendant de longues années, le régime totalitaire a souligné les obligations du citoyen tout en bafouant les droits de l’homme et les libertés fondamentales. Cette politique a faussé les critères d’indivisibilité et d’interdépendance des droits et des responsabilités, inhérents à toute société civile démocratique. Nous en voyons les conséquences aujourd’hui dans des actes d’intolérance, le respect insuffisant, voire le mépris, pour les institutions démocratiques, la criminalité croissante d’une manière générale et la criminalité organisée en particulier.

L’absence de culture démocratique adéquate et la méconnaissance de l’indivisibilité des droits et des responsabilités du citoyen ne sont pas le monopole de l’Europe orientale. Ces fléaux touchent l’ensemble du continent: les manifestations de racisme, de xénophobie, d’antisémitisme et l’exacerbation des problèmes interethniques en sont des exemples suffisants. En sa qualité d’artisan et de champion de la sécurité démocratique, le Conseil de l’Europe est appelé à réagir à ces phénomènes inquiétants et à prendre des mesures adéquates pour renforcer le rôle de l’éducation à la citoyenneté démocratique. Il ne suffit pas que le citoyen ait des droits, il doit aussi connaître ces droits pour être en mesure de les défendre.

Mesdames, Messieurs, tout au long du conflit dans l’ancienne Yougoslavie, la Bulgarie a été qualifiée d’«îlot de stabilité.» L’embargo imposé par les Nations Unies a effectivement fait de la Bulgarie un îlot, en coupant nombre de ses voies de communication économique avec l’Europe. Aujourd’hui, l’ouverture économique et politique de la région est vitale pour nous. L’intégration effective des Balkans à l’Europe signifie avant tout l’établissement de relations économiques saines, l’apport suffisant de capitaux, la transformation de la région en un centre d’infrastructure et d’énergie ouvert sur le Moyen-Orient, l’Asie centrale et le Bassin de la Caspienne. Notre gouvernement voit sa mission dans la redéfinition du rôle géopolitique de notre pays et des Balkans, et dans la transformation de la région – qui est un générateur potentiel de tensions et de conflits – en une zone de sécurité et de stabilité, porte ouverte de l’Europe.

La Bulgarie a lancé une série de mesures de politique étrangère pour renforcer la paix et la sécurité au sud- est de l’Europe: participation à des réunions de ministres de la Défense, des Transports et de l’Energie, et accueil de ces réunions, organisation de rencontres trilatérales à différents niveaux, y compris au niveau le plus élevé entre la Bulgarie, la Roumanie et la Grèce, ainsi qu’entre la Bulgarie, la Roumanie et la Turquie. Ces rencontres trilatérales sont consacrées à des problèmes précis, par exemple la lutte contre la criminalité organisée à travers les frontières. Ces tentatives de la Bulgarie dans le domaine de la coopération régionale multilatérale ont déjà porté des fruits: pour la première fois, les Etats de l’Europe balkanique, à l’initiative de la diplomatie bulgare, ont réagi avec promptitude et en concertation face à une crise naissante dans la région. Je veux parler de la Déclaration conjointe des ministres des Affaires étrangères de Bulgarie, Roumanie, Grèce, Turquie et de «l’ex-République yougoslave de Macédoine» sur la situation au Kosovo, adoptée le 10 mars 1998. Cette déclaration proposait des mesures spécifiques pour surmonter la crise et bénéficier de l’appui et du groupe de contact. Il n’est probablement pas exagéré de qualifier cette initiative d’avancée historique pour les Etats de la région qui, pour la première fois après de nombreuses décennies, ont pris une décision commune sur un problème qui peut influer sur les destinées de la région. La déclaration servira de base à des actions conjointes des Etats dans la région, coordonnées avec les actions de la communauté internationale, des Etats-Unis, de l’Union européenne et du groupe de contact à des stades ultérieurs de la crise du Kosovo. La Bulgarie est prête à jouer un rôle actif dans le règlement de cette crise. Nous sommes convaincus que si l’Europe balkanique redevient un foyer d’instabilité, cela portera également un préjudice stratégique aux réformes économiques dans nos pays.

La preuve que la crise peut être surmontée a été fournie par la déclaration commune des pays de l’Europe du Sud-Est, y compris l’Albanie et la Slovénie, à leur réunion à Bonn le 25 mars 1998. Ces pays ont ainsi réaffirmé qu’ils étaient prêts à jouer un rôle immédiat dans la recherche d’une solution aux problèmes du Kosovo et à participer à des consultations régulières avec le Groupe de contact.

J’attire votre attention, Mesdames, Messieurs, sur le fait que notre activité de bâtisseurs de ponts entre les pays de la région était jusqu’ici de l’ordre de la métaphore. Si nous entendons éviter ce que nos pays ont souffert pendant la crise yougoslave et donner une chance à la démocratie et aux réformes, il nous faut commencer à construire des ponts bien réels. Le deuxième pont sur le Danube à la construction duquel le Gouvernement bulgare est très attaché est l’un des raccourcis permettant de sortir de la crise. C’est pourquoi nous sommes convaincus de rencontrer votre soutien actif pour la construction de ce pont.

Madame le Président, Mesdames, Messieurs, le monde a été témoin de l’activité de la politique étrangère bulgare au cours de l’année écoulée. L’explication est claire: elle tient à la stabilisation politique interne réalisée en Bulgarie et aux larges consensus des forces parlementaires sur les grandes priorités, que reflète la déclaration sur le salut de la nation adoptée en mai 1997. Le monde devrait savoir que pour la première fois depuis le début du changement démocratique il y a eu interaction réelle, effective, des institutions démocratiquement élues en Bulgarie – le Président, l’Assemblée nationale et le gouvernement. Le plan de sécurité nationale que le Parlement bulgare a approuvé à la veille de Pâques à une majorité écrasante, plus des trois quarts des députés, est la preuve la plus spectaculaire qu’il existe une majorité stratégique pour un changement stratégique en Bulgarie, et ce changement a nom Europe et communauté atlantique. L’année dernière, vous avez eu la possibilité d’entendre la déclaration du Président bulgare, M. Petar Stoyanov, qui vous a dit que la Bulgarie n’est plus ce qu’elle était. Aujourd’hui, je tiens à vous assurer que la Bulgarie va mieux, qu’elle est politiquement et économiquement stable et qu’elle connaît un processus de réforme radical.

La candidature à l’Union européenne et à l’Otan était, de la part de la Bulgarie, un choix naturel et conscient de la civilisation à laquelle elle veut appartenir. Les Bulgares retournent à l’Europe dont ils ont de tout temps fait partie.

L’adhésion à l’Union européenne et à l’Otan n’est pas une fin en soi, mais le seul moyen d’apporter à la Bulgarie prospérité économique, développement durable et sécurité.

Tout en alignant la législation nationale sur les normes européennes, nous créons les mécanismes d’application. Notre activité législative codifie les droits civils, politiques, économiques, culturels et sociaux des citoyens et met en place les garanties légales du respect de ces droits. Nous déployons de grands efforts pour améliorer les pratiques administratives et judiciaires dans ce domaine et apprécions à leur juste valeur les recommandations et les conseils que les organisations internationales nous adressent. Dans ce contexte, je tiens à signaler toute l’importance que nous attachons au programme de coopération du Conseil de l’Europe avec les pays d’Europe centrale et orientale, il comporte des mesures visant spécifiquement le partage d’expériences en matière législative et en matière de pratiques administratives et judiciaires.

Dans le cadre de ces processus, j’aimerais souligner la vaste réforme administrative lancée par le Gouvernement bulgare l’an dernier, avec pour objectif de mettre en place une administration à la hauteur des normes les plus exigeantes des démocraties occidentales. Le programme d’intégration juridique conçu et mené avec l’assistance du Conseil de l’Europe est en cours de mise en œuvre. Nous avons accéléré la réforme des forces armées en renforçant considérablement le contrôle civil sur leurs activités et en adaptant leurs structures à la nouvelle réalité de notre continent.

L’un des aspects les plus visibles des efforts du Gouvernement bulgare est lié à la lutte contre la criminalité qui s’était considérablement aggravée dans la période de pseudo-réforme de 1993 à la fin 1996. Je puis dire sans risque d’être démenti que nous avons fait de grands progrès dans les douze mois écoulés. Le Gouvernement bulgare déploie le maximum d’efforts, dans le respect des principes démocratiques, pour assurer la protection des citoyens contre toute atteinte à leur sécurité, à leurs biens et à leurs droits. Un certain nombre de textes de loi ont été adoptés ou modifiés pour préciser les fonctions et les prérogatives des différents organes gouvernementaux dans la lutte contre la criminalité organisée, la corruption et le blanchiment de l’argent. On est en droit de dire désormais que l’on a empêché en Bulgarie le «mariage» du pouvoir économique et du pouvoir politique. La crise économique et politique sans précédent avec laquelle le pays était aux prises lorsque nous sommes arrivés au pouvoir avait deux caractéristiques liées entre elles: une hyperinflation et une corruption massive. Toutefois, les tentatives de certains groupes économiques pour prendre en coulisse le contrôle de la vie économique et publique du pays appartiennent désormais au passé. Il reste encore beaucoup à faire pour maîtriser la corruption et instaurer une plus grande transparence, mais un terme a été mis aux excès de la corruption.

Mesdames, Messieurs, la Bulgarie est partie aux principaux instruments universels et européens en matière de droits de l’homme. En octobre dernier, à Strasbourg, le Président bulgare a signé la Convention- cadre du Conseil de l’Europe pour la protection des minorités nationales. Nous contribuerons activement à la poursuite de l’édification de la base juridique du Conseil de l’Europe dans le domaine des droits de l’homme. Nous appuyons la proposition de création d’un poste de commissaire aux droits de l’homme dont l’indépendance et l’objectivité permettront de progresser considérablement dans la mise en œuvre des principales conventions européennes.

Nous sommes convaincus que le renforcement de l’efficacité des conventions européennes est lié à la mise en place de mécanismes fiables pour le suivi du respect des engagements pris par les Etats membres du Conseil de l’Europe. Compte tenu de la nécessité d’améliorer la procédure de suivi, dans le cadre tant de l’Assemblée parlementaire que du Comité des Ministres, nous sommes favorables à un plus large échange de vues et d’informations entre les structures de ces deux organes du Conseil de l’Europe, la procédure ne devant toutefois pas se limiter à la seule région de l’Europe orientale. La confiance dans la stricte application des conventions et l’aspiration au plein respect des engagements seront renforcées si nous parvenons à appliquer au maximum le principe d’égalité.

Le rôle des organisations non gouvernementales dans les activités et les programmes du Conseil de l’Europe va croissant. Ces composantes de l’édification de la société civile bulgare sont propres à renforcer l’efficacité de la protection et de la promotion des droits de l’homme ainsi que le développement global de la démocratie et des institutions démocratiques dans notre pays. Dans ce contexte, la sensibilisation du public aux droits de l’homme prend une importance accrue. Une information complète sur les droits de l’homme et les libertés fondamentales reste Tune des principales conditions de leur exercice effectif ainsi que de leur sauvegarde. La Bulgarie prend des mesures spécifiques pour familiariser le public avec toutes les organisations internationales dans le domaine des droits de l’homme et avec leurs instruments. Les nombreuses organisations non gouvernementales spécialisées qui ont vu le jour en Bulgarie lors du passage à la démocratie contribuent activement à cette campagne éducative. La Bulgarie coopère avec un certain nombre d’organisations internationales non gouvernementales œuvrant pour les droits de l’homme. L’ouverture à la société civile est une priorité stratégique pour notre gouvernement. Je suis assuré d’être entendu si je dis ici ma profonde conviction qu’un état libéral attaché à la prééminence du droit est la plus efficace des organisations pour les droits de l’homme. L’Etat totalitaire et l’Etat faible ont ceci en commun que la société n’y est pas régie par la loi. Au cours de Tannée écoulée, notre gouvernement s’est fixé pour principal objectif de rendre l’Etat aux citoyens. Je crois que nous y sommes parvenus dans une large mesure.

Mesdames, Messieurs, je conclurai en disant que la Conseil de l’Europe est investi d’une grande mission qui est de sauvegarder et de développer la vision de l’Europe du XXIe siècle. Je suis convaincu que la Bulgarie que nous nous efforçons de bâtir a sa place dans cette vision.

LA PRÉSIDENTE (traduction)

Venons-en aux questions à M. Kostov. Un certain nombre de parlementaires ont exprimé le souhait de poser des questions. Je rappelle que celles-ci doivent être limitées à trente secondes. Il s’agit de poser des questions et non de prononcer des discours. Afin de permettre au plus grand nombre possible de parlementaires de s’exprimer, je n’autoriserai pas de question supplémentaire. La parole est à M. Bühler pour poser la première question.

M. BÜHLER (Allemagne) (traduction)

Monsieur le Premier ministre, dans votre allocution vous avez évoqué les deux conférences des pays de l’Europe du Sud-Est des 10 et 25 mars dernier, dont les travaux portaient sur la crise au Kosovo. J’aimerais savoir quelle solution le Gouvernement bulgare imagine à cette crise, comment la diplomatie bulgare entend donner suite à cette conférence et participer à l’effort international visant à trouver une solution commune. Comment évaluez-vous la situation actuelle à la lumière des revendications indépendantistes de certains milieux du Kosovo?

LA PRÉSIDENTE (traduction)

Je propose de grouper les questions sur ce sujet, car elles sont nombreuses. La parole est à M. Dinçer pour poser sa question.

M. DINÇER (Turquie) (traduction)

Quel est l’état de la coopération entre les pays des Balkans? Monsieur le Premier ministre, comment, selon vous, les pays des Balkans peuvent-ils contribuer au règlement pacifique de la question du Kosovo?

M. RADIC (Croatie) (traduction)

Quel est votre point de vue sur la situation dans le Kosovo et, d’une manière plus générale, dans la région? A l’évidence, le Kosovo, où, on le sait, des centaines de personnes ont été tuées, souffre de l’oppression militaire de la Serbie, qui se rend coupable d’un véritable génocide.

M. DOKLE (Albanie) (interprétation)

demande à M. Kostov comment les pays des Balkans peuvent coopérer pour trouver une solution pacifique à la crise qui déchire le Kosovo.

M. Kostov, Premier ministre de Bulgarie (interprétation)

répond que le Gouvernement bulgare déploie des efforts concertés avec les pays voisins de la République fédérale de Yougoslavie pour mettre un terme à la crise. Ainsi, une première déclaration a été adoptée, suivie, le 25 mars, par une autre, qui reflète l’opinion du Groupe de contact, c’est-à-dire de l’ensemble des pays de la région. Dans cette déclaration, les pays des Balkans privilégient une politique préventive, afin d’éviter de nouvelles sanctions économiques qui, tout en frappant la République fédérale de Yougoslavie, ne manqueraient pas d’avoir un impact négatif sur les autres pays de la région.

C’est pourquoi le Groupe de contact préconise la restauration d’une large autonomie au Kosovo.

M. RUFFY (Suisse)

Je veux tout d’abord vous exprimer la reconnaissance des peuples représentés au Conseil de l’Europe pour les efforts que développe votre pays en vue d’une solution pacifique du Kosovo, notamment au regard de l’initiative qu’il a prise auprès des pays que vous avez évoqués.

Pourriez-vous nous préciser le concept de large autonomie? Auriez-vous des éléments précis à nous donner afin que cette autonomie soit acceptée par les parties et constitue la solution d’apaisement que nous souhaitons tous?

M. Kostov, Premier ministre de Bulgarie (interprétation)

répond qu’il appartient au Gouvernement yougoslave et aux Kosovars d’élaborer ensemble un accord acceptable par tous. Cet accord ne peut en aucun cas leur être imposé par des parties tierces. Celles-ci peuvent, en revanche, soutenir vigoureusement une formule prévoyant une large autonomie du Kosovo au sein des frontières yougoslaves. On sait à quelle instabilité territoriale la République fédérale de Yougoslavie doit faire face depuis la chute du mur de Berlin, et il faut donc s’efforcer de comprendre les deux points de vue qui s’affrontent. Si l’on veut éviter tout extrémisme, il faut privilégier le dialogue.

M. KOTLAR («l’ex-République yougoslave de Macédoine») (traduction)

La Bulgarie a été le premier pays à reconnaître le statut constitutionnel de la République de Macédoine. Malheureusement, les relations entre nos deux pays ne se sont pas développées autant qu’il aurait été souhaitable. J’aimerais savoir ce que le Gouvernement bulgare, tourné vers l’Europe, compte faire pour promouvoir les relations avec la République de Macédoine.

M. Kostov, Premier ministre de Bulgarie

répond que le Gouvernement bulgare entend contribuer au processus d’intégration de la Macédoine aux organisations internationales, et notamment à l’Association d’Europe centrale pour le libre-échange, ou encore à l’OMC. Pour ce qui est des relations bilatérales, M. Kostov estime qu’elles ne sont pas mauvaises, exception faite de quelques publications dans la presse. La Bulgarie s’est toujours attachée à défendre les intérêts de la Macédoine et, en particulier, à assurer un débouché économique à ces productions.

M. SCHWIMMER (Autriche) (traduction)

Monsieur le Premier ministre, après les élections de 1997 qui ont abouti à la formation d’un nouveau gouvernement de coalition regroupant toutes les forces démocratiques, la stabilité intérieure a pu être rétablie. Les partis politiques sont parvenus à un consensus sur les mesures à prendre en priorité afin de sortir le pays de la crise et de favoriser le développement. Vous avez vous-même parlé d’une «majorité stratégique» qui conduira le pays vers l’Europe.

J’aimerais vous demander comment une telle majorité a pu se dégager après les dissensions de l’année dernière?

M. Kostov, Premier ministre de Bulgarie (interprétation)

répond qu’un consensus existe entre le Parlement et le Gouvernement bulgares, qui ont pour priorités communes l’adhésion de la Bulgarie à l’Union européenne et à l’Otan, et la poursuite d’une politique réformatrice. Ces réformes doivent permettre en premier lieu de lutter contre la criminalité organisée et d’instituer un «directoire monétaire» chargé de définir une politique économique susceptible de résoudre les difficultés que connaît le pays. Pour ce faire, le gouvernement et le parlement jouissent de la confiance de tous les électeurs.

Mme POPTODOROVA (Bulgarie) (traduction)

Au début des années 90, les nouvelles démocraties hésitaient quelque peu à développer leurs relations avec des pays non membres de l’Union européenne parce qu’elles craignaient que cela ne retarde leur adhésion à cette institution. Il s’agissait, heureusement, d’un malentendu, qui a, depuis, été dissipé. A l’évidence, la Bulgarie a commencé à jouer un rôle de premier plan dans sa région. J’aimerais savoir quelles sont les mesures politiques et économiques que le gouvernement compte prendre dans un proche avenir pour favoriser les relations avec les pays de la région.

M. Kostov, Premier ministre de Bulgarie (interprétation)

indique que la mesure économique la plus importante à prendre concerne l’édification d’un nouveau pont sur le Danube. Ce pont, sur lequel passera la parallèle à la route transeuropéenne n° 8, permettra l’accès des pays voisins à l’Union européenne et empêchera tout chantage de la part de la Yougoslavie.

S’agissant de la politique extérieure, la Bulgarie continuera à jouer un rôle très actif. Ses voisins sont unanimes pour lutter contre le crime organisé, le trafic des stupéfiants et la contrebande; il souhaitent la création d’une structure internationale dont le siège pourrait être situé en Bulgarie.

M. IWINSKI (Pologne) (traduction)

Monsieur le Premier ministre, le mois dernier, votre gouvernement a décidé d’accélérer le processus de privatisation, notamment en vue d’attirer les investisseurs étrangers. Toutefois les capitaux investis en Bulgarie ne s’élèvent encore qu’à un milliard de dollars environ. Dans quelle mesure cette décision pourra-t-elle contribuer à améliorer la situation des 80% de la population qui, selon les données récentes de la Banque mondiale, vivent en- dessous du seuil de pauvreté?

M. Kostov, Premier ministre de Bulgarie (interprétation)

rappelle que l’afflux d’investissements étrangers est primordial pour le développement économique. Or, quand les Balkans sont instables, les capitaux ne sont pas attirés. Le Gouvernement bulgare fait donc tout son possible pour assurer la stabilité économique et la discipline financière; il espère réaliser un programme ambitieux d’infrastructures, car la Bulgarie est à un carrefour de voies de communication, de transports et de réseaux.

M. GJELLEROD (Danemark) (traduction)

L’année dernière, le Gouvernement bulgare a décidé de licencier un certain nombre de diplomates et de fonctionnaires. M. le Premier ministre, j’aimerais savoir si ces licenciements se poursuivront et aussi quelles en étaient les raisons: contraintes économiques ou motifs politiques?

M. Kostov, Premier ministre de Bulgarie (interprétation)

indique que le Gouvernement bulgare a dû réduire le nombre des fonctionnaires, d’abord de 20 %, puis de 10 %, pour réaliser les économies préconisées par le FMI; près de 55 000 fonctionnaires ont dû quitter l’administration. Même si les fonctionnaires qui désapprouvent les nouvelles orientations politiques quittent souvent leur travail, il n’y a pas eu de licenciements politiques.

M. TAHIRI («l’ex-République yougoslave de Macédoine») (traduction)

Monsieur le Premier ministre, la Convention-cadre sur la protection des minorités nationales a été signée par votre Président. J’aimerais savoir quand elle sera ratifiée par le parlement et quand elle sera appliquée par les autorités bulgares.

M. Kostov, Premier ministre de Bulgarie (interprétation)

précise qu’en l’absence de traduction, il répondra à la question telle qu’il l’a comprise. Il attend du Parlement bulgare la ratification prochaine de la Convention-cadre sur la protection des minorités nationales; mais dès maintenant, l’Etat bulgare fait son possible pour assurer le bien-être des minorités; ainsi, chacun peut étudier sa langue maternelle à l’école.

LA PRÉSIDENTE (traduction)

Bien qu’elles concernent des points différents, je propose de grouper les deux dernières questions. Je donnerai d’abord la parole à M. Dumitrescu, puis à M. Lopez Henares.

M. DUMITRESCU (Roumanie)

Ma question qui traite d’un problème d’environnement suppose une décision politique et économique importante.

La centrale nucléaire de Kozloduy fait partie de la même génération et du même type que celle de Tchernobyl. Elle représente un danger pour l’environnement et la sécurité des pays de la région.

Monsieur le Premier ministre, ma question est très précise: quand avez-vous l’intention de fermer cette centrale nucléaire?

M. LOPEZ HENARES (Espagne) (traduction)

Monsieur le Premier ministre, comme beaucoup de mes collègues, j’ai été très déçu que la Bulgarie n’ait pas été retenue parmi les pays susceptibles d’engager des négociations d’adhésion à l’Otan. Quelles mesures votre gouvernement compte-t-il prendre pour préparer la Bulgarie à adhérer rapidement à cette organisation, fort importante pour la sécurité en Europe?

M. Kostov, Premier ministre de Bulgarie (interprétation)

précise que la centrale de Kozloduy n’est pas de type Tchernobyl. Cette centrale a été modernisée au cours des dernières années, des contrôles très stricts sont exercés et la centrale peut encore fonctionner plusieurs années sans représenter une menace. Avec des investissements supplémentaires, elle pourra fonctionner pour la durée prévue lors de sa construction.

L’adhésion à l’Otan constitue pour la Bulgarie une condition primordiale pour le développement de l’économie et pour la démocratisation de la vie publique. La question de la stabilité et de la sécurité est en effet fondamentale. Le Gouvernement bulgare a pris de nombreuses décisions en ce domaine: modification de la doctrine militaire, diminution des effectifs, restructuration de l’armée, éloignement des troupes des frontières. La Bulgarie fera tout pour satisfaire aux critères d’adhésion à l’Otan. Ce n’est qu’à la condition d’avoir une économie forte que la Bulgarie pourra être membre à part entière de l’Otan et de l’Union européenne.

LA PRÉSIDENTE (traduction)

Les questions à M. Kostov sont épuisées. Au nom de l’Assemblée, je remercie chaleureusement le Premier ministre de son discours et des réponses qu’il a apportées aux questions des parlementaires.