Milan

Kučan

Président de la Slovénie

Discours prononcé devant l'Assemblée

mardi, 26 janvier 1999

Monsieur le Président, Monsieur le Secrétaire Général, Mesdames, Messieurs les parlementaires. C'est la seconde fois que, au cours des huit ans d'existence de l'Etat Slovène, la possibilité m'est offerte de m'exprimer devant l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe. Ma première intervention remonte à l’année qui suivit l'adhésion de la Slovénie au Conseil de l'Europe. Le 21 septembre 1991, les membres de cette Assemblée avaient en effet adopté une résolution sur la crise en Yougoslavie en appelant les Etats membres pour qu'ils envisagent de reconnaître les républiques yougoslaves qui ont proclamé leur indépendance. L'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe devenait ainsi la première organisation internationale à prendre acte de notre orientation démocratique européenne au cours de cette période particulièrement difficile marquée par des affrontements politiques et militaires, contribuant ainsi à notre reconnaissance par la communauté internationale. Par cette action, le Conseil de l'Europe a montré qu'il était véritablement un précurseur de cette idée d'une Europe émergeant du passé pour se tourner vers un avenir plus prometteur.

Je suis particulièrement honoré par cette invitation, et suis très heureux d'être parmi vous aujourd'hui, Mesdames, Messieurs les parlementaires, car 1999 sera une année de commémoration pour le Conseil de l'Europe. Nous nous tournerons avec émotion vers le 5 mai 1949, date de création de cette institution paneuropéenne, de ce symbole d'une Europe que nous appelons de nos vœux. Le temps a confirmé la clairvoyance des dix pays européens qui décidèrent ce jour-là à Londres de protéger et de consolider la démocratie, la prééminence du droit, le respect des droits de l'homme ainsi qu'un patrimoine européen commun, et d'encourager le progrès social et économique d'un bout du continent européen à l'autre, dans toute sa diversité, sa multiplicité et sa pluralité.

Le 50e anniversaire du Conseil de l'Europe sera donc bien davantage qu'un motif conventionnel de célébration. Les événements déterminants qui se sont produits après 1989 le montrent bien. Le Conseil de l'Europe a évolué depuis sa création et représente aujourd'hui une structure regroupant quarante pays européens qui, ensemble, souhaitent construire une Europe démocratique, stable et sûre, gouvernée par la paix et le respect des droits de l'homme, en même temps qu'ils entendent susciter, par le biais de la coopération, un nouvel élan de développement.

Les enjeux aujourd’hui se sont plus ou moins précisés, des espoirs se sont exprimés et il existe un certain nombre de principes européens qui sont venus imprégner la notion même d'Europe. Sommes-nous à présent en mesure de rattacher ces divers éléments les uns aux autres pour assurer la transition vers un avenir européen? La volonté de réaliser ce qui, il y a si longtemps de cela, à Londres, semblait un objectif très lointain, constituait-elle une vision politique née de l'expérience tragique des hommes? En Europe, jamais auparavant nous n'avons eu de si bonnes perspectives d'y parvenir. L’Europe n'a jamais été si près d'être un havre commun à toutes les nations et à tous les pays de notre continent, mais elle ne réussira pas à atteindre cet objectif si elle ne recherche pas dans l'unité les réponses aux questions qui lui sont communes, d'hier comme d'aujourd'hui. Nous sommes encore imprégnés des vestiges de structures antidémocratiques. Nous voyons encore se manifester devant nos yeux les signes vivants de tendances nationalistes agressives, du fondamentalisme idéologique et de l'égoïsme nationaliste, de l'oppression sociale et de l’absence de liberté politique et spirituelle. Nous ne devrions pas nous voiler la face devant ces phénomènes ni les considérer comme de simples manifestations marginales. Je souhaiterais vous rappeler l'existence de certains obstacles dont je crois qu'ils méritent d'être pris en considération.

Le processus de transition dans lequel sont engagées les sociétés postsocialistes a eu pour effet, de par son intensification après 1989, de rendre en grande partie ces sociétés comparables – tant dans l'image qu'elles donnent d'elles-mêmes à l'extérieur que dans leur ordre institutionnel – aux pays dotés d'une longue tradition démocratique. Je puis confirmer que cela vaut sans l'ombre d'un doute pour la Slovénie. Toutefois, les ex-pays socialistes n'ont pas tous la même histoire. Chacun est en soi un organisme vivant qui a sa propre façon de répondre aux changements. C'est pourquoi il n'est pas possible de définir le niveau et la rapidité de leur évolution par une comparaison mutuelle, bien qu'une telle comparaison puisse se révéler stimulante et encourageante. En réalité, cela ne nous permettra guère plus que d'appréhender dans quelle mesure chacune d'entre elles est à la hauteur des attentes de ses citoyens et leur donne la possibilité de vivre selon les mêmes normes que celles qui valent pour l'Europe d'aujourd'hui et de demain et auxquelles le Conseil de l'Europe confère le plus grand prix. De telles évaluations laisseront à chaque pays et chaque nation suffisamment de marge pour se créer leur propre identité moderne, qu'elles pourront investir, confiantes en elles-mêmes et responsables, dans une vie européenne commune, la nouvelle Europe de la diversité. Car la nouvelle Europe elle aussi est appelée à vivre dans la diversité et la division, mais pas, j'en suis certain, l'une de ces formes de division qui vont à l'encontre des valeurs et des idées européennes.

Les sociétés postsocialistes éprouvent des difficultés à combler les lacunes que l'Histoire a laissées dans leur développement. L'évolution des modes de propriété foncière et l'avènement de l'économie de marché ont suscité l'apparition de nouvelles classes sociales et de nouveaux types de pauvreté. Tensions et conflits sociaux sont un terreau fertile pour les diverses formes de nationalisme, de fondamentalisme, d'égalitarisme, d'autoritarisme ainsi que pour les partisans d'un tribalisme primaire. A long terme, le principal obstacle qui s'oppose au développement de ces sociétés ne réside pas dans l'adaptation formelle de leur ordre juridique à celui de l'Europe, mais bien plutôt dans la nécessité de faire en sorte que les lois européennes ne demeurent pas simplement un cadre normatif vide et inefficace, pour permettre au contraire de développer activement les relations entre des sociétés très différentes quant à leur histoire récente, et ainsi de les intégrer véritablement dans la société européenne commune. Cela exige de la coopération, de la solidarité et une réciprocité des efforts menés dans l'intérêt commun

Le problème ne se pose pas simplement – ni même essentiellement – en termes de retard dans le développement matériel. Car nous avons affaire à des pays foncièrement différents, des pays qui se sont développés à contre-courant pendant un demi-siècle et qui ont donc besoin d'une sorte de nouveau plan Marshall fondé en premier lieu sur la coopération intellectuelle et la solidarité entre les démocraties occidentales et les pays européens anciennement socialistes, dans le cadre d'un développement commun soucieux de l'intérêt général. Mais cela implique que les institutions européennes s'élargissent différemment. Jusqu'à présent, en effet, quelles que soient les différences entre les uns et les autres, les relations entre pays européens se sont fondées sur les mêmes valeurs, sur des évolutions historiques parallèles, et sur une conception commune du progrès et du développement. Ce point me paraît particulièrement crucial dans la perspective de l'autonomie et des pouvoirs d'autogestion politique, économique, sociale, éducative, spirituelle, culturelle et religieuse des groupes sociaux. C'est par cette voie que nous pourrons rejoindre concrètement le camp des démocraties modernes et bâtir sur des bases solides de nouvelles sociétés dotées d'une identité nationale claire et moderne, mais aussi formées d'hommes et de femmes libres et égaux, qui se sentiront citoyens européens et citoyens du monde.

C'est probablement pour nous, citoyens d'Europe de l'Est, la seule manière de tourner définitivement le dos et tous ensemble aux régimes autoritaires et bureaucratiques qui ont surveillé nos moindres faits et gestes, nous ont imposé jusqu'à notre place au sein de la société et nous ont dicté la nature de nos rapports avec le pouvoir. En fait, c'est sur un socle de groupes sociaux dotés d'un niveau d'autonomie et d'autodétermination suffisants que pourront s'édifier de nouvelles sociétés démocratiques stable et solides, en rupture avec les régimes autoritaires marqués par la subordination totale de la vie des individus aux intérêts de l'Etat.

L'Europe et la nouvelle Russie ont cru que l'effondrement de l'Union soviétique, le démantèlement des structures sociopolitiques héritées du stalinisme et l'émergence des nouveaux pays indépendants allaient amener, par une sorte de mouvement naturel, une démocratisation progressive et une stabilité sociale et économique conforme au modèle de référence obligé: l'Europe occidentale. Mais on ne peut pas juger la Russie à l'aune des normes de l'Europe développée ou selon les critères ou les schémas en vigueur en Europe centrale et dans la plupart des pays d'Europe orientale. Il faut une approche différente, car les grilles d'analyse habituelles ne permettent pas de saisir l'essence du processus de réforme, la profondeur des conflits, des intérêts antagonistes, des tensions, des antagonismes structurels et des forces contradictoires du développement. La Russie est, à bien des égards, un pays différent issu d'un monde aux valeurs différentes. Elle est confrontée aujourd'hui à des clivages idéologiques encore vivaces, mais aussi à la résurgence d'une mosaïque de cultures et de civilisations désormais libres et dans laquelle la civilisation chrétienne orthodoxe n'est plus qu'une composante parmi tant d'autres.

La question du développement de la Russie revêt un intérêt primordial pour l'avenir de l'Europe. Elle exige une démarche intelligente, y compris de la part du Conseil de l'Europe, qui a déjà fait preuve de sagesse et de son sens des responsabilités en accueillant la fédération en son sein. Il est vrai qu'on ne pouvait fermer la porte à la Russie sans mettre en péril la paix en Europe et dans le monde, et que cette considération a sans doute pesé dans la balance. Mais ce n'est pas la seule réponse, et des incertitudes demeurent.

Nous devons nous mobiliser tous ensemble pour répondre à la nécessité urgente de coopérer avec la Russie actuelle en cette période de transition. La Russie reste une superpuissance politique et un géant économique potentiel, doté de ressources humaines et spirituelles considérables, et sans qui il ne saurait y avoir d'Europe nouvelle sûre, stable, prospère et paisible. Le temps est davantage un ennemi qu'un allié en la matière. Les frontières de l'Otan se sont certes déplacées de quelques centaines de kilomètres vers l'est, mais se contenter de cette petite avancée pourrait avoir des conséquences tragiques pour l'Europe, le monde entier, et la Russie.

J'aimerais dire quelques mots sur la crise qui secoue actuellement les Balkans. Le processus de démocratisation et d'intégration à l'Europe semble marquer le pas dans le sud-est de notre continent et une partie des Balkans. Je ne voudrais pas dénigrer les efforts de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, de l'Union européenne et de l'Otan, ni du reste l'intervention directe des Etats-Unis dans cette zone de conflit, particulièrement en Bosnie-Herzégovine et au Kosovo. Reste que nous sommes confrontés à un cercle vicieux et que nous attendons les bras ballants que la crise se dénoue d'elle-même – ce qui ne se produira pas. Mais là encore nous devons réfléchir sans a priori ni complaisance aux causes de la guerre en Croatie, contre la Bosnie et au Kosovo. Car les hostilités n'ont pas été causées ou déclenchées par de vieilles rancœurs ethniques ou religieuses, comme d'aucuns voudraient nous le faire croire. On sait par exemple que la politique serbe de soutien à la communauté chrétienne orthodoxe est présentée comme une défense face à l'agression supposée du fondamentalisme islamique. Les guerres des Balkans ont été décidées et poursuivies par des dirigeants antidémocratiques et nationalistes qui ont délibérément exacerbé les passions politiques, lâché contre les populations civiles des bandes de tueurs issus le plus souvent de la pègre, et déchiré profondément des sociétés multiethniques et multiculturelles qui avaient appris depuis longtemps à vivre en paix. Il faut châtier systématiquement les criminels de guerre et mener une action résolue pour faire respecter les droits de l'homme; ce serait là un premier pas en avant qui – avec d'autres évolutions favorables, et en premier lieu le retour de la croissance économique – pourrait ramener la paix dans la région et une ère pas si lointaine de tolérance, de coopération et de cohabitation dans la diversité.

Combien de temps faudrait-il pour atteindre cet objectif? La réponse dépend surtout de l'Europe. Car tous les Européens n'interprètent pas de la même manière les événements tragiques survenus dans cette Europe du Sud-Est qui vit encore largement dans le XIXe siècle, où le nationalisme reste une idée forte, et où l'Etat conserve le droit de vie et de mort sur des individus maintenus au rang de sujets au service de la nation. Cette conception de l'humanité et de la dignité humaine a favorisé l'émergence, dans les sociétés multiethniques, de régimes autoritaires qui se permettent n'importe quoi s'ils estiment à tort ou à raison que les populations en qui ils se reconnaissent sont menacées, soit sur le territoire qu'ils contrôlent, soit dans les pays voisins. C'est la raison pour laquelle ils s'arrangent pour que leurs sujets se sentent constamment brimés à cause de leurs origines ou de leur nationalité, et pour les contraindre de cette manière à abdiquer leur intégrité et leur dignité au nom d'intérêts soi-disant supérieurs.

Grâce aux conventions du Conseil de l'Europe, il ne reste en cette fin de siècle qu'un seul impératif moral et politique: celui de la dignité humaine et des droits de l'homme. Le fait que ces droits soient si cruellement bafoués au cœur des Balkans en cette fin de millénaire ne peut être qu'un sujet de honte pour nous qui nous réclamons de la civilisation européenne.

Les peuples des Balkans sont pris dans un engrenage sanglant et impitoyable qui ne pourra être arrêté que si l'on intervient au nom de l'humanité, des valeurs de la civilisation universelle et d'une vision commune de l'avenir de cette région, la plus sensible peut-être de tout notre continent. C'est un devoir pour l'Europe, qui doit également porter un message d'espoir. Mais comment éteindre l'incendie? Les idées ne manquent pas – elles sont même peut-être trop nombreuses pour que l'on puisse choisir une solution qui rallierait et mobiliserait de manière décisive les partisans de la paix – y compris la solution de la force, si c'est le seul langage que comprennent les élites militaires nationalistes qui, au nom de la terre et du sang, essaient de chasser des populations entières pour installer leur propre peuple à leur place. Mais si l'on veut trouver une solution, il faut se garder de tout manichéisme et ne pas considérer non plus qu'il y aura fatalement toujours des régimes autoritaires dans les Balkans. Et il faut aussi tenir compte de toutes les particularités.

De nouvelles divisions sont venues s'ajouter aux vieux clivages européens, et elles n'apparaissent que trop clairement. L'idée de patrie européenne – dont l'Union européenne est une manifestation tangible – pourrait être renvoyée dans les limbes du nouveau millénaire. Pour les pays d'Europe centrale et orientale qui attendent dans l'antichambre de l'Europe – voire aux portes, pour certains – cette perspective plausible a des conséquences plus néfastes que positives. Quand je parle des divisions de l'Europe, je ne pense pas seulement aux frontières des Etats membres des différentes institutions européennes. Je veux dire aussi que la dynamique du développement n'est pas aussi vigoureuse partout, et que cela risque de créer des divisions entre grandes et petites nations, entre régions stables et régions instables, entre une Europe qui définit et défend des normes communes et des Etats qui se tiennent à l'écart.

On pourrait analyser de la même manière les divisions d'ordre spirituel ou de civilisation. Le fait que, dans la crise des Balkans, on invoque de plus en plus volontiers le hiatus entre la civilisation chrétienne orthodoxe et la civilisation musulmane – et il est vrai, d'un point de vue strictement historique, que les pays chrétiens de la région ont défendu l'Occident contre la progression de l'Islam – ou entre les communautés juives et les autres populations, devrait servir de mise en garde et nous inciter à reconnaître tous ensemble les divisions que nous jugeons conformes à notre vision de l'Europe de demain et à lutter contre celles qui bafouent notre idéal.

Je redoute l'apparition de ce que je pourrais appeler une troisième Europe, c'est-à-dire une Europe des ex-pays socialistes – y compris ceux qui viennent de recouvrer leur indépendance – unis dans leur rejet des traditions démocratiques et des valeurs européennes au profit d'une version à peine modernisée des anciens régimes, unis aussi dans leur volonté de ne pas se soumettre à la règle commune. C'est pour cela aussi qu'il faut donner un nouvel élan à la construction de l'Europe. Il faut que notre continent se prépare plus rapidement à tenir son rang sur la scène mondiale. L'Europe ne peut se permettre, sous peine de compromettre sa propre stabilité et celle du monde, d'abandonner ou de retarder son processus de rapprochement. L'Union européenne doit certes se réformer. Mais cette nécessité ne doit pas être un prétexte pour oublier le reste de l'Europe. La mondialisation est en marche, et rien de l'arrêtera.

La Slovénie s'est engagée sur une nouvelle voie. Je crois que vous en avez maintenant une image plus complète et plus riche, grâce au travail de la délégation de Slovénie et aux nombreux contacts qui se sont noués entre les organes du Conseil de l'Europe et le peuple Slovène. L'Etat slovaque s'est fondé sur des valeurs chères au Conseil de l'Europe, à savoir le respect de la diversité, des libertés, des droits, de la dignité de tous, sans considération d'origine ou d'appartenance, afin que le pays tout entier s'élance résolument vers l'avenir aux côtés des autres nations et des autres pays du continent européen.

Je suis convaincu que la Slovénie a profondément changé depuis son indépendance en 1991. Elle a amélioré son image chez elle et hors de ses frontières et a pris les mesures nécessaires pour être digne de la confiance que lui a accordée l'Assemblée parlementaire en acceptant son adhésion au Conseil de l'Europe. Nous avons mis en œuvre ou promis de mettre en œuvre toutes les grandes réformes structurelles requises, en nous appuyant sur les traditions multiculturelles et sur les valeurs de tolérance si profondément ancrées en Europe centrale. Nous avons ratifié l'accord d'association avec l'Union européenne, et le processus d'adhésion est lancé. Nous espérons qu'à l'issue des négociations en cours la Slovénie va devenir membre à part entière de l'Union européenne. Nous avons noué des relations fructueuses avec nos voisins et avec les autres pays d'Europe et d'autres régions du monde. De nombreux éléments de la métamorphose externe et interne de la Slovénie s'inscrivent dans une dynamique de développement cohérente – même si le mouvement est peut-être plus lent que prévu ou que nous le souhaiterions.

Comme on le sait, tout changement prend du temps. Mais comme la classe politique Slovène est massivement favorable à des mesures de développement efficace mobilisant les talents de l'élite intellectuelle ainsi que la solidarité et le soutien des autres Etats membres du Conseil de l'Europe, de l'Union européenne et des institutions internationales spécialisées, je suis convaincu que allons franchir brillamment cette étape de transition et atteindre nos objectifs. Je reste optimiste quant à l'issue de nos efforts et je tiens à dire à l'Assemblée que la grande majorité des Slovènes partagent mon point de vue.

J'aimerais pour conclure saluer la mémoire de notre premier représentant auprès du Conseil de l'Europe, l'ambassadeur Novak, qui nous a quittés il y a quatre ans aujourd'hui.

LE PRÉSIDENT (traduction)

Merci, Monsieur Kucan, de nous avoir donné tant de matière à réflexion. Vous avez également eu l’amabilité de nous signaler que vous étiez prêt à répondre aux questions des parlementaires. Sept parlementaires ont émis le souhait de vous poser des questions. La parole est à M. Volcic pour poser la première question.

M. VOLCIC (Italie) (interprétation)

demande qui peut briser le cercle vicieux dont a parlé M. Kucan et comment. Sachant également que le Président s’intéresse depuis longtemps à la question du Kosovo, il aimerait connaître son avis sur les chances d’une solution pacifique pour ce territoire.

M. Kučan, Président de la Slovénie (interprétation)

croit qu’une solution pacifique est toujours possible, mais à certaines conditions. Il faut tout d’abord briser le cercle vicieux de la violence, ce qui suppose d’élaborer une position unitaire au sein de l’Union européenne et de l’OSCE. Ce consensus n’est toujours pas acquis, mais c’est pourtant le seul moyen de pallier le manque de confiance entre Serbes et Albanais.

D’autre part, il faut que le statut qui sera accordé au Kosovo soit garanti internationalement. Quant à une intervention de l’Otan, elle ne peut être utile que si elle met fin aux cycles des violences commises par l’Etat yougoslave aussi bien que par l’autre partie. Intervenir sans avoir la perspective d’une solution politique serait absurde et ne pourrait qu’entamer l’autorité de l’alliance.

LE PRÉSIDENT (traduction)

Merci, Monsieur le Président. Deux représentants de l’ancienne Yougoslavie souhaitent vous poser des questions portant sur des sujets voisins. La parole est à M. Gligoroski.

M. GLIGOROSKI («l’ex-République yougoslave de Macédoine») (traduction)

Monsieur le Président, pensez-vous que le processus de dissolution de la République fédérale socialiste de Yougoslavie est arrivé à son terme? Qu’en est-il, selon vous, de la succession?

M. Kučan, Président de la Slovénie (interprétation)

répond que la dissolution de l’ancienne République de Yougoslavie a conduit à un conflit entre démocratie et totalitarisme qui, parce qu’il a vu le jour dans un Etat multiculturel, a lui-même eu pour conséquence un conflit interethnique, particulièrement évident en Bosnie et Herzégovine. C’est dire que le processus de dissolution ne pourra être considéré comme achevé que le jour où la Yougoslavie sera devenue un Etat démocratique.

D’autre part, les conclusions de la commission d’arbitrage présidée par M. Badinter étaient que l’ancienne République de Yougoslavie avait éclaté en plusieurs Etats indépendants et égaux en droit. Malheureusement, les négociations en cours depuis sept ans à propos de la succession de l’ancienne République fédérative demeurent inabouties. Aussi, M. Kucan se demande s’il n’est pas temps de procéder à un nouvel arbitrage.

M. DOMLJAN (Croatie) (traduction)

Monsieur le Président, la Slovénie fait partie des pays qui ont engagé des négociations en vue de leur adhésion à l’Union européenne. Vous avez été le témoin de la chute du communisme en Yougoslavie et vous vous êtes attiré le respect et l’admiration non seulement en Slovénie, mais aussi à l’étranger, pour avoir été l’artisan de l’indépendance de votre pays que vous conduisez aujourd’hui vers l’Union européenne. C’est pourquoi j’aimerais vous poser deux questions. Premièrement, comment voyez-vous le développement futur de l’Union européenne, notamment à la lumière de son élargissement aux pays d’Europe centrale et orientale? Deuxièmement, pensez-vous que les petits pays, comme la Slovénie, courent quelque risque en devenant membres d’une organisation aussi puissante du point de vue économique?

M. Kučan, Président de la Slovénie (interprétation)

répond que l’élargissement à l’est de l’Union européenne est une étape décisive. Jusqu’à présent, l’extension s’était faite à des pays qui partageaient à peu près les mêmes traditions et les mêmes conceptions des droits de l’homme et de la démocratie et dont, par ailleurs, les systèmes économiques étaient équivalents.

Des différences existent certes entre les quinze membres actuels de l’Union, mais leur dénominateur commun est très fort. Il en ira tout autrement après l’élargissement à l’est et il est donc indispensable que toutes les parties se préparent: l’Union, bien sûr, mais aussi chaque pays candidat qui doit mettre ses affaires en ordre de manière que les relations juridiques et sociales trouvent à s’appliquer sans effort sur l’ensemble du territoire communautaire.

Quant à la situation des petits pays, elle n’a rien de particulier. La taille des pays membres actuels de l’Union varie sans qu’aucun d’entre eux n’ait rien perdu à l’adhésion. Si chaque pays membre s’est fixé des objectifs clairs, sa dimension ne joue pas.

LE PRÉSIDENT (traduction)

Monsieur le Président, j’aimerais vous remercier derechef pour votre discours éclairé qui nous donnera assurément matière à réflexion. Vous avez, en effet, soulevé la question de l’exclusion sociale qui constitue un sujet de préoccupation pour beaucoup de nos pays. Jusqu’à présent, aucun d’entre nous n’a été en mesure d’y trouver une solution satisfaisante. Mais, comme votre ambassadeur pourra vous le confirmer, le Conseil de l’Europe et son Assemblée parlementaire travaillent activement dans ce sens.

Je vous remercie des réponses que vous avez faites aux questions des parlementaires.