Tadeusz
Mazowiecki
Premier ministre de Pologne
Discours prononcé devant l'Assemblée
mardi, 30 janvier 1990
Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, l’Europe traverse une période exceptionnelle. Voilà qu’une partie du continent, arrachée de sa souche il y a près d’un demi-siècle, souhaite y revenir. Le retour à l’Europe! Cette phrase fait ces temps-ci de plus en plus carrière dans les pays d’Europe centrale et orientale. Les hommes politiques et les économistes parlent de ce retour, de même, les gens de la culture, quoiqu’il leur soit plus facile de rester dans l’Europe: une Europe de l’esprit, une Europe comprise comme une communauté de valeurs et de traditions. Peut-être que le terme de retour à l’Europe est trop faible pour définir le processus que nous vivons? Il faut parler plutôt de la renaissance de l’Europe qui, en fait, a cessé d’exister depuis Yalta.
Ma présence parmi vous est le signe de cette renaissance. Elle est le signe de la renaissance d’un sentiment de communauté et de solidarité européennes qui, par trop souvent, furent oubliées dans le passé. Par ces propos, je voudrais rappeler aussi tous ceux chez qui le sentiment de communauté et de solidarité européennes est resté vivant. Je pense à ceux qui, à haute voix, avaient protesté publiquement contre les coups de force tels que l’invasion de la Hongrie en 1956 et de la Tchécoslovaquie en 1968. Je pense aussi à tous nos amis occidentaux qui, après l’instauration de l’état de siège en 1981, nous apportaient une aide morale et matérielle. A diverses périodes, dans les années difficiles pour nous, les liens personnels ainsi noués ont contribué à former un tissu des plus précieux, qui est toujours là, et qui offre une base inestimable pour rebâtir les éléments politiques et économiques d’une authentique communauté avec les autres pays de notre continent.
Les Polonais sont un peuple conscient de leur appartenance à l’Europe, de leur «européanité». Ils en sont conscients, à l’instar d’autres peuples européens vivant au croisement des cultures, à proximité des grandes puissances, traversant des périodes d’existence politique alternées de non-existence et de ce fait ayant besoin de se renforcer dans leur identité. Dans toutes ces réponses, l’Europe a toujours constitué un point de référence. Une Europe que les Polonais aimaient, et dont ils se sentaient les défenseurs. L’idée d’être les «remparts de la chrétienté» et donc, les remparts de l’Europe, était restée vivante en Pologne pendant trois cents ans. L’Europe est donc présente dans la conscience polonaise en tant que valeur pour laquelle cela vaut la peine de vivre, mais pour laquelle il faut parfois mourir. Cette Europe, on lui en voulait également, on lui faisait des reproches et ceci est resté gravé jusqu’à ce jour dans notre conscience collective. Nous continuons à voir en l’Europe une valeur, la patrie de la liberté et de la loi, et nous continuons à nous identifier fortement à elle. Nous continuons à lui en vouloir pour Yalta, pour la division de l’Europe, pour nous avoir laissés de l’autre côté du rideau de fer.
Pourtant aujourd’hui, alors que le retour à l’Europe, plus exactement la renaissance de l’Europe en tant qu’entité, devient de plus en plus réelle, nous nous demandons, de plus en plus fréquemment, ce que nous avons à lui offrir, quelle est aujourd’hui notre contribution au trésor européen. Or, je pense que nous avons pas mal à lui offrir. Notre contribution à l’Europe, c’est à la fois notre force et notre faiblesse.
Nous sommes comme cet homme qui se relève d’une grave maladie. Des années durant, nous étions sous l’effet de la terrible pression du totalitarisme, et nous avons tenu bon. Mais nous sommes toujours en convalescence. Notre économie est en crise et nous tâchons de la relever, les institutions démocratiques de l’Etat sont seulement en cours de reconstruction, rendues à la vie. Mais nous avons des expériences que nous n’oublierons pas et que nous allons transmettre aux autres.
Si nous avons réussi à perdurer en tant qu’entité, nous le devons, entre autres, à notre profond attachement à certaines institutions et à certaines valeurs relevant de la norme européenne. Nous le devons à la religion et à l’Eglise, à notre attachement à la démocratie et au pluralisme, aux droits de l’homme et aux libertés civiques, à l’idée de solidarité. Même lorsque nous ne pouvions donner libre cours à ces valeurs, lorsque nous ne pouvions les mettre en application dans notre vie collective – nous les appréciions, nous les aimions, nous luttions pour elles – nous les connaissons, nous connaissons leur prix. Nous connaissons le prix de l’«européanité», de la norme européenne que les Occidentaux d’aujourd’hui héritent sans même payer de droits successoraux. Nous pouvons leur rappeler ce prix. Nous apportons donc à l’Europe notre foi en l’Europe.
Aujourd’hui, nous déposons une demande d’adhésion au Conseil de l’Europe. Nous voulons «réaliser une union plus étroite entre ses membres, afin de sauvegarder et de promouvoir les idéaux et les principes qui sont leur patrimoine commun et de favoriser leur progrès économique et social». Nous voulons promouvoir ensemble les droits de l’homme et les libertés fondamentales. Le Conseil de l’Europe qui a tant de mérites dans la défense des droits de l’homme et des libertés, qui est une merveilleuse source dont jaillissent les idées et les initiatives européennes, semble être un lieu approprié pour la présence de la Pologne qui a fait pas mal de choses pour la défense de ces droits et libertés.
Mesdames, Messieurs, l’Europe déchirée, que le mur de Berlin symbolisait il n’y a pas si longtemps encore, peut commencer à se ressouder. Cela peut être fascinant, quoique sûrement très difficile et prendra beaucoup de temps. Pourtant aujourd’hui, les principales prémisses politiques qui rendent cette œuvre possible ont été réunies ou sont en passe de l’être, alors que ce n’était pas le cas auparavant.
Notre pays se trouve confronté à l’énorme tâche de reconstitution des droits et des institutions propres aux démocraties modernes et à l’économie de marché, et cela après une interruption de plusieurs décennies. A quoi s’ajoute encore la nécessité de surmonter les grandes difficultés économiques. Ce travail consiste à recréer ces droits et institutions, mais aussi à les former à partir de zéro, là où ils n’existaient pas avant. Sans cela, nos deux mondes européens ne pourront s’accorder.
La Pologne a entrepris ce travail. Le gouvernement que je dirige depuis à peine cinq mois a préparé et a fait adopter de nombreuses lois qui créent un cadre juridique pour l’indépendance des juges, la liberté de la presse et des associations, la liberté de créer des partis politiques, l’autonomie locale qui, avec les prochaines élections municipales, retrouvera bientôt son authenticité. Nous travaillons sur une nouvelle Constitution de la République de Pologne qui sera un Etat démocratique, un Etat de droit.
Dès le commencement de cette année, nous avons mis en route un programme économique très difficile, un programme qui non seulement se propose d’enrayer l’inflation, mais aussi d’établir les bases d’une économie de marché moderne, modelée sur des institutions qui ont fait leurs preuves dans les pays européens hautement développés. Nous allons suivre cette voie, introduisant successivement de nouveaux éléments parmi lesquels un rôle important reviendra aux changements dans le régime de la propriété ainsi qu’à l’introduction dans une économie de marché des formes d’interventionnisme étatique et de protection sociale. Nous allons développer cette voie au fur et à mesure de l’accroissement de nos possibilités. Nous voulons que notre futur système économique associe des mécanismes efficaces d’encouragement à la production avec une protection satisfaisante des groupes sociaux qui en auront besoin dans les conditions de fonctionnement du marché et de la concurrence.
De plus, en collaboration avec nos partenaires du CAEM, nous avons engagé des travaux visant à réformer en profondeur cette organisation qui, à notre sens, devrait être une libre entente entre Etats qui voient un intérêt à y participer sur des questions à propos desquelles ils sont convaincus de la nécessité d’entreprendre des mesures et des actions concertées. Nous ne voudrions pas créer d’intégrations fermées, coupées du reste du monde, en plus des frontières, par des barrières douanières. Nous ne voudrions pas le faire pour éviter de créer une Europe dans laquelle des murs économiques viendraient remplacer les murs politiques.
Nous savons que l’idée d’une telle ouverture ne vous est pas non plus étrangère et c’est bien ainsi, car dans le cas contraire, un obstacle s’y dissimulerait dans notre cheminement commun les uns vers les autres, cheminement dont le besoin se fait bien entendre dans tous les appels à une Europe sans divisions.
Mesdames, Messieurs, de même que le mur de Berlin, il n’y a pas si longtemps, tout en étant le symbole de la division de l’Europe, constituait en même temps une barrière physique coupant l’Allemagne en deux Etats, son effondrement, en offrant une chance à l’unité de l’Europe, remet à l’ordre du jour le problème de la réunification allemande. Nul ne saurait dénier à un peuple quelconque le droit de vivre au sein d’une même communauté étatique. Néanmoins la division de l’Allemagne est intervenue à la suite d’une grande catastrophe causée par l’Etat nazi, qui a emporté des dizaines de millions d’êtres humains. Il est donc difficile de s’étonner qu’aujourd’hui, au moment où se pose la perspective de la reconstitution de l’unité étatique allemande, le souvenir de cette catastrophe éveille des inquiétudes que ne sauraient même effacer, à l’évidence, d’importants contre-arguments comme celui de dire que la situation est différente et que les Allemands sont différents. Nous reconnaissons ces arguments. Mais il faut comprendre les inquiétudes et il faut les dissiper en réglant la question allemande en accord avec tous les intéressés et d’une façon qui, par avance, donnerait un sentiment de sécurité crédible à tous ceux qui en ont besoin, en particulier l’assurance de l’inviolabilité de la frontière occidentale de la Pologne.
Mesdames, Messieurs, les bouleversements en Europe centrale et en Union Soviétique engendrent des chances inouïes mais comportent également des risques. Dans certains pays, les partisans de l’ancien régime ne sont plus en mesure de décider du cours des événements, quoiqu’ils puissent l’entraver. Dans d’autres, ils sont sur la défensive mais n’ont perdu ni l’espoir, ni la capacité de regagner leur position. Au cas où de profonds symptômes de déstabilisation accompagnés de la débandade économique se maintiendraient, leurs chances pourraient augmenter. Ces dernières diminueront si les populations de notre région, qui aujourd’hui se montrent actives, savent conduire résolument les transformations indispensables mais autant que possible dans le calme et surtout en renonçant à demander de tout avoir immédiatement, car cette façon de procéder conduit souvent à des résultats contraires à ceux escomptés.
Un autre risque est celui de la «balkanisation» d’une partie du continent européen, voire des différents pays, à cause de tensions aiguës entre les peuples ou les Etats, tensions ayant leurs origines dans le présent comme dans le passé. Pareille irruption des particularismes, accompagnée de la perte de la notion d’intérêt régional ou européen, constituerait un obstacle majeur à l’établissement sur notre continent en pleine mutation d’une saine coopération et d’une compréhension réciproque.
Mais les processus se déroulant en Europe centrale et orientale, tout porteurs de risques qu’ils soient, constituent avant tout un incroyable défi historique. Bien qu’il soit évident que ces défis sont avant tout pour nous, pour les habitants de l’Europe centrale, ils constituent également un défi historique et une tâche pour l’ensemble de l’Europe. Le champ d’action est vaste. Il y a une place pour les Occidentaux qui voient le sens de notre action et croient en notre objectif. Avec eux – avec vous – il nous sera plus facile de réduire la distance qui nous sépare. Le mur qui séparait l’Europe libre de l’Europe inféodée a déjà été abattu. Maintenant, il faut remblayer le fossé qui existe entre l’Europe pauvre et l’Europe nantie. Si l’Europe doit être notre «maison commune» dans laquelle les uns ne vont pas fermer la porte aux autres, des écarts aussi grands ne peuvent se maintenir. Un grand travail nous attend tous.
Nous avons besoin aujourd’hui de nouveaux indicateurs de direction qui sauraient orienter nos efforts vers une perspective européenne commune qui n’exclurait personne et dans laquelle tous retrouveraient leur intérêt. Il n’est pas facile de tracer une telle direction car celle-ci doit se dégager d’une réflexion et d’un travail collectifs. Mais puisque, sous nos yeux, naît dans votre partie du continent l’Europe de l’après 1992, alors pourquoi ne pas penser à un ensemble européen de l’an 2000, à une Europe de l’an 2000. Quelle Europe pourrions-nous imaginer de façon réaliste, si nous unissions nos efforts?
Ce ne sera certainement pas encore un espace européen où circuleraient librement les marchandises, les capitaux et les hommes, mais cela pourrait être une Europe où les frontières et les obstacles tarifaires seraient notablement abaissés, une Europe entièrement ouverte aux jeunes. Le sort de notre continent sera ce que seront les jeunes Européens que nous aurons élevés.
Ce pourra être une Europe dans laquelle les contacts entre créateurs et scientifiques favorisant la perméabilité des cultures nationales et, en conséquence, leur rapprochement seront plus riches qu’aujourd’hui.
Ce ne sera pas une Europe disposant d’une monnaie commune, mais ce pourra être une Europe où les économies seraient complémentaires, où la différence de niveau de vie serait moins grande et les échanges économiques internationaux plus riches.
Ce pourrait être aussi une Europe dans laquelle le climat serait sain, l’eau salubre et le sol non pollué. Une Europe écologiquement propre.
Mais avant toute chose, ce doit être une Europe qui aura nettement progressé dans le domaine du désarmement, une Europe qui exercera sur l’ensemble du monde un impact en tant que facteur de paix et de coexistence internationale.
A y réfléchir, on pourra y trouver beaucoup d’autres domaines de la vie sociale pouvant être mieux arrangés par nous dans cette dernière décennie du vingtième siècle. Il faut seulement commencer le travail.
Il y a sur notre continent des structures dans lesquelles un tel travail peut durer, car il dure déjà, et ce depuis longtemps. L’une de ces structures, c’est précisément le Conseil de l’Europe, dont l’un des objectifs est l’aspiration à une plus grande unité des pays membres, dans le but de la défense et de la réalisation des idéaux et des principes qui sont leur héritage commun, et la promotion du développement économique et social.
Pourtant aujourd’hui, alors qu’une telle accélération a précisément eu lieu en Europe, que les conditions se font jour pour que nous puissions réfléchir sur ces questions en commun, entre Etats, groupements et organisations, on voit se dessiner la possibilité et le besoin de créer des structures paneuropéennes qui prendraient ces tâches en charge.
Je pense que le temps est venu de concrétiser l’idée de la «maison commune» et de la «confédération européenne» lancée dernièrement par d’éminents hommes d’Etat. Il est temps que soient créées des institutions englobant réellement toute l’Europe.
C’est pourquoi je voudrais rappeler l’initiative que j’avais présentée dernièrement dans notre parlement: initiative de créer un conseil de coopération européenne, englobant tous les pays ayant signé l’Acte final de la Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe (CSCE). Ce conseil aurait deux tâches à remplir: premièrement, la préparation des rencontres au sommet des Etats de la CSCE; deuxièmement, l’examen des problèmes courants paneuropéens dans les périodes entre les rencontres régulières des représentants des Etats de la CSCE. Nous pensons qu’ainsi le processus de la CSCE recevrait de nouvelles impulsions, dont il a besoin, et, en même temps, qu’il faciliterait la réalisation des futures initiatives concernant notre continent en visant à assurer son unité.
Mesdames, Messieurs, je vous parle à Strasbourg, capitale de l’Europe, dans la ville qui, comme mon pays, s’est souvent trouvée sous l’impact de la tourmente de l’Histoire. Dans la ville qui, à plusieurs reprises, est passée de mains en mains et qui s’est posé aussi des questions sur sa propre identité. Mais aussi cette ville, chef-lieu d’une région qui fut l’objet d’une querelle millénaire, ville durement éprouvée par la révolution, est aujourd’hui une oasis de paix et de prospérité. Cette ville est le symbole de l’espoir pour nous qui vivons au cœur de l’Europe où les échos des anciennes querelles continuent à résonner. Aujourd’hui toute l’Europe fait face au défi historique et pose le rétablissement de son unité. Saurons-nous y faire face? Cela tient à nous et à vous. Il y a plus d’un an, le pape Jean-Paul II a dit devant l’Assemblée parlementaire de ce Conseil:
«Les pays membres de votre Conseil ont conscience de n’être pas toute l’Europe; en exprimant le vœu ardent de voir s’intensifier la coopération déjà ébauchée avec les autres nations, particulièrement du centre et de l’Est, j’ai le sentiment de rejoindre le désir de millions d’hommes et de femmes qui se savent liés dans une histoire commune et qui espèrent un destin d’unité et de solidarité à la mesure de ce continent.»
Lorsque le pape prononçait ces mots, il est à croire que personne ne se doutait que, si vite, la situation deviendrait favorable et que ce souhait pourrait commencer à se réaliser.
Parmi les nombreux symboles de cette ville, sur la façade de la cathédrale de Strasbourg, sont représentées les vierges sages et les vierges folles de l’Evangile. Soyons comme les vierges sages. Sachons déceler l’avènement d’une circonstance historique particulière et soyons prêts à l’accepter. Sachons bien déceler le défi auquel nous faisons face: soyons prudents, hardis et perspicaces. (Vifs applaudissements)
M. LE PRÉSIDENT (traduction)
Je pense, Monsieur le Premier ministre, que ces applaudissements illustrent à quel point nous apprécions ce que vous avez déclaré. Je vous remercie pour cet intéressant discours.
Nous passons maintenant aux questions orales. Je vous propose, Monsieur le Premier ministre, de répondre successivement à chacune d’entre elles. Quelque vingt-cinq parlementaires ont manifesté le désir d’en poser. Comme il nous faut lever la séance à 12 h 30, j’espère que nous serons aussi brefs que possible, de façon que chacun puisse s’exprimer. Je donne la parole à M. Birraux.
M. BIRRAUX (France)
J’ai bien noté, Monsieur le Premier ministre, votre désir d’ouverture des marchés, d’aller dans la voie d’une économie de marché.
Dans ce contexte, j’aimerais savoir quels dispositifs en matière de garanties financières sont prévus pour les industriels désireux d’investir en Pologne.
M. Mazowiecki, Premier ministre de Pologne (interprétation)
répond que les pays qui accordent les crédits fournissent en même temps les garanties, mais une autre assurance lui semble résider dans la stabilisation de la situation politique en Pologne.
M. FASSINO (Italie) (traduction)
Monsieur le Premier ministre, tout en vous remerciant de votre très intéressant exposé, je me permets de vous adresser une courte question.
Face à la proposition récemment formulée par le Président Gorbatchev à propos d’une réforme totale comportant une transformation du Comecon en une communauté économique fonctionnant avec des règles différentes des règles actuelles, et face aux difficultés que l’on pourrait rencontrer dans le passage de l’autarcie économique et financière, jusqu’ici fondée essentiellement sur le critère de l’échange marchandise contre marchandise (ce qui avait pour conséquence qu’une superpuissance comme l’Union Soviétique ne figurait que pour 4 % dans le commerce international), à une organisation différente, pensez-vous, Monsieur le Premier ministre, que la proposition du dirigeant soviétique de réformer le Comecon est praticable, ou bien pensez-vous qu’une forme différente de groupement économique, permettant de plus grands contacts avec les pays occidentaux, correspond mieux aux grandes nécessités des pays de l’Est, y compris de la Pologne et de l’Union Soviétique?
De plus, étant donné que les événements des pays de l’Est ont montré que l’économie de marché (et vous l’avez vous-même affirmé en partie) reste le seul instrument économique pour une évolution saine de la vie politique, économique et sociale du pays, et compte tenu de la courageuse volonté de renouveau dont témoigne la Pologne, et dont vous nous avez très clairement donné acte ici, aujourd’hui, quelles sont les mesures de caractère libéral que vous avez introduites et que vous entendez introduire pour procéder à l’assainissement du pays?
M. Mazowiecki, Premier ministre de Pologne (interprétation)
indique qu’à la dernière réunion du Comecon, à Sofia, la Pologne a demandé avec insistance une véritable réforme pour que les Etats membres soient libres de coopérer avec des groupements économiques plus avancés. Son pays souhaite en particulier devenir membre associé de la CEE.
M. ATASEVER (Turquie) (traduction)
Monsieur le Premier ministre, si la situation économique en Pologne devait empirer dans les prochains temps, considérez-vous que Solidarité continuera à bénéficier du soutien général des Polonais? Ou bien faut-il tabler dans l’avenir sur la mise en place d’un gouvernement de coalition? Parallèlement aux changements politiques et économiques en Pologne, un intérêt croissant pour investir dans votre pays se manifeste à l’Ouest. Voici ma question, Monsieur le Premier ministre: pour protéger les entreprises polonaises, seriez-vous prêt à imposer des restrictions à l’exportation aux entreprises étrangères qui investissent dans votre pays et souhaitent également exporter vers l’Ouest à partir de la Pologne?
Une autre question politique dont les collègues grecs voudront bien m’excuser. Hier, on a affirmé dans cet hémicycle que le Premier ministre de Chypre s’appelle Vassiliou. Or, en tant que Turcs, nous considérons que M. Vassiliou est compétent pour le sud de Chypre, mais que dans le nord de l’île, c’est M. Rauf Denktash qui gouverne. Je vous remercie. (Protestations)
M. LE PRÉSIDENT
Rappel au Règlement! J’invite le Premier ministre polonais à répondre uniquement à la première question.
M. Mazowiecki, Premier ministre de Pologne (interprétation)
précise que son gouvernement a entrepris de réaliser un programme très difficile, destiné à la fois à vaincre l’inflation et à changer les structures économiques. La population a été informée que les six prochains mois seraient les plus durs mais elle fait preuve de compréhension. Solidarité constitue davantage qu’un syndicat: c’est un mouvement socio-politique très large. Les partis politiques traditionnels entendent pour leur part se reconstituer. M. Mazowiecki ignore si la politique polonaise restera centrée sur un mouvement fédérateur ou si elle fera place à une coalition de partis. Enfin, il précise que son pays n’entend pas limiter les exportations.
M. HARDY (Royaume-Uni) (traduction)
M. le Premier ministre pense-t-il qu’en Pologne, et peut-être dans d’autres pays d’Europe de l’Est, il existe un risque d’éclatement politique qui puisse compromettre le bon fonctionnement de l’administration et que cette situation puisse engendrer un opportunisme politique de la pire espèce, et ce malgré la confiance manifeste et la grandeur d’âme du peuple polonais?
M. le Premier ministre ne craint-il pas aussi que les menaces sur le bon fonctionnement de l’administration n’aboutissent à ce que les transformations économiques réduisent le domaine d’intervention de l’Etat au point de favoriser, non la liberté, mais l’appât du gain!
M. Mazowiecki, Premier ministre de Pologne (interprétation)
ne méconnaît pas les dangers qui peuvent marquer le passage d’un Etat totalitaire à la démocratie mais il ne craint pas d’éparpillement politique. Quant à la capacité administrative, la Pologne n’en manque pas.
M. MOREIRA (Portugal) (interprétation)
observe que, malgré quarante ans de dictature, l’Eglise polonaise est restée vivace au point de donner un pape à la chrétienté. Il demande quel rôle joue aujourd’hui la religion et comment il est possible de concilier catholicisme et communisme.
M. Mazowiecki, Premier ministre de Pologne (interprétation)
estime qu’à proprement parler il n’y a pas eu et ne pourra pas y avoir de conciliation. La religion a joué un rôle fondamental dans le maintien de la dignité et des droits de l’homme. L’Eglise a été un asile pour ceux qui luttaient pour les libertés et elle est aujourd’hui un facteur de modération et de stabilité pour que des changements aient lieu de façon pacifique.
M. PINI (Suisse)
Monsieur le Premier ministre, permettez-moi de vous exprimer d’entrée toute mon admiration et ma sympathie, d’abord pour ce que vous faites, ensuite pour l’événement que constitue ce que vous avez dit aujourd’hui.
Vous êtes le premier, parmi vos collègues des pays de l’Est qui se sont succédé à cette tribune, à avoir parlé, dans l’optique de la maison commune, de la solution «confédérale».
Croyez-vous qu’une solution fédéraliste, j’insiste sur ce mot, permettrait de mieux résoudre aujourd’hui les différends qui opposent certains Etats encore centralistes à leurs minorités ethniques ou religieuses internes? Je pense en particulier aux situations des pays Baltes, ainsi qu’à d’autres situations en Europe, là où des pouvoirs issus d’une histoire centralisatrice provoquent des différends et des oppositions avec les minorités internes.
M. Mazowiecki, Premier ministre de Pologne (interprétation)
estime qu’il faut tenir compte de la réalité, c’est-à-dire des contradictions qui prévalent actuellement entre les minorités. Beaucoup dépendra de ce que sauront faire les pays de l’Europe orientale pour que joue la concertation et que ne triomphent pas les particularismes.
M. AHRENS (République Fédérale d’Allemagne) (traduction)
Monsieur le Premier ministre, vous venez de faire, dans votre allocution, une proposition très intéressante tendant à créer un conseil qui engloberait toute l’Europe et qui pourrait promouvoir, préparer et accélérer le processus de la CSCE.
Ne serait-il pas concevable de développer le Conseil de l’Europe dans ce sens et d’en faire ce conseil de coopération européenne qui engloberait toute l’Europe, en prévoyant aussi de faire participer d’autres Etats à cette tâche, comme c’est le cas, par exemple, pour nos débats annuels sur l’OCDE?
M. Mazowiecki, Premier ministre de Pologne (interprétation)
a déjà dit combien il appréciait l’action du Conseil de l’Europe et ce que lui apporterait l’adhésion de nouveaux membres. Mais il est des champs d’intérêt que le Conseil de l’Europe ne couvre pas. Le nouveau conseil auquel il pense pourrait s’intéresser à des tâches qui élargissent le champ couvert par la CSCE. Il ne s’agirait donc pas de faire concurrence au Conseil de l’Europe.
M. KORITZINSKY (Norvège) (traduction)
Ma question a trait à la répartition des tâches entre le Conseil de l’Europe, organisme potentiellement paneuropéen, et les autres instances à caractère plus régional. Ainsi, par exemple, au niveau des pays de la CEE et du Comecon, comment voyez-vous le Conseil de l’Europe? Pensez-vous que, politiquement, il ait un rôle important à jouer dans la coopération paneuropéenne? Ma question rejoint d’ailleurs celle de mon collègue M. Ahrens.
M. Mazowiecki, Premier ministre de Pologne (interprétation)
constate qu’il ne lui est pas possible d’entrer dans les détails de sa proposition. L’Europe orientale et centrale est à un tournant de son histoire. Il faut dès lors que l’Europe, dans son ensemble, abandonne les stéréotypes. Il ne faut plus perdre de temps car le rapprochement qui s’élabore entre l’Occident et l’Europe centrale est urgent.
M. LOPEZ HENARES (Espagne) (interprétation)
félicite le Premier ministre, non seulement pour son remarquable exposé, mais aussi pour tout ce qu’il représente: il a montré ce qu’un pays peut faire pour recouvrer la liberté.
L’orateur souhaiterait savoir si le Gouvernement polonais a fixé un calendrier pour l’adoption d’une nouvelle Constitution et l’organisation d’élections totalement libres.
Il aimerait connaître également les projets de ce gouvernement pour l’organisation d’une économie de marché et, éventuellement, la privatisation des entreprises collectives.
M. Mazowiecki, Premier ministre de Pologne (interprétation)
répond d’abord à la seconde question en rappelant que la Pologne a toujours connu une agriculture privée importante. En ce qui concerne la privatisation, le Gouvernement polonais l’envisage sous deux formes: la première serait la création d’un actionnariat ouvrier en cassant certains monopoles, surtout à la campagne; la seconde concernerait le développement de la concurrence. La privatisation s’établira au niveau de petites entreprises, par exemple de pharmacies ou de commerces locaux. Cette évolution devra avoir lieu selon les règles du droit.
Le Premier ministre rappelle ensuite que le Gouvernement polonais a déjà supprimé la censure. Il a l’intention de modifier la loi sur les associations afin de les rendre totalement libres. Des élections locales seront organisées prochainement. Elles doivent aboutir à la reconstruction de l’autonomie locale. Enfin, les modifications constitutionnelles permettront l’organisation d’élections totalement libres.
M. REDDEMANN (République Fédérale d’Allemagne) (traduction)
Monsieur le Premier ministre, vous nous avez fait part du souhait de votre pays de devenir membre à part entière du Conseil de l’Europe. Je suis convaincu que personne dans cette Assemblée ne s’y opposera. Au contraire, je tiens à vous féliciter vivement d’avoir formulé cette demande.
Je voudrais cependant vous adresser une prière. La Pologne ayant été à l’avant-garde de la lutte pour la liberté en Europe centrale et de l’Est, vous avez dû composer avec les communistes pour mettre fin à leur domination, de sorte que votre parlement n’est pas encore issu d’élections totalement libres, contrairement à ceux dont se doteront prochainement les autres pays du Pacte de Varsovie. Or, si le Conseil de l’Europe admet en son sein un pays, dont le parlement n’a pas encore été élu aussi librement que l’exige notre Statut, l’image de marque du Conseil risque d’en pâtir.
C’est pourquoi, je vous saurais gré de bien vouloir m’indiquer dans quel délai vous espérez pouvoir achever la mise en place de la démocratie dans votre pays, afin que nous puissions sans tarder trouver le moyen de vous accueillir pas seulement en tant qu’invité spécial mais en tant que membre à part entière.
M. Mazowiecki, Premier ministre de Pologne (interprétation)
rappelle que la Pologne connaît un régime bicaméral. Même si les élections à la Chambre basse n’ont pas été totalement libres, on peut considérer que cette chambre est déjà largement démocratique. Nous posons, dit M. le Premier ministre, les bases de la démocratie locale et nous envisageons d’organiser des élections tout à fait libres, mais nous voulons engager ces réformes pas à pas, sans rien brusquer, parce que nous avons lancé par ailleurs de difficiles réformes économiques et qu’il n’est pas possible de tout faire en même temps.
M. EICHER (Belgique)
L’expérience a montré que, malgré le rideau de fer et des murs dits «insurmontables», une énorme quantité d’objets d’art et autres antiquités, en provenance notamment de Pologne, se marchandaient dans nos pays d’abondance à des prix que je m’abstiens de commenter.
Monsieur le Premier ministre, compte tenu de l’ouverture des frontières, ne risque-t-on pas d’assister à la disparition de tous ces objets – qui constituent une partie du patrimoine culturel de votre pays – et ce pour permettre à leurs propriétaires, actuels ou anciens, de se procurer des devises?
Je ne doute pas, Monsieur le Premier ministre, que vous soyez conscient de ce problème, mais j’aimerais savoir ce que vous allez entreprendre pour y remédier.
Pouvez-vous également nous dire comment vous voyez la coopération culturelle dans les années à venir?
M. Mazowiecki, Premier ministre de Pologne (interprétation)
indique qu’en Pologne, comme dans tous les pays, l’exportation d’œuvres d’art et d’objets faisant partie du patrimoine culturel est soumise à des limitations. Les exportations auxquelles l’orateur faisait allusion ont été faites au mépris de la loi. En ce qui concerne la seconde question, M. le Premier ministre indique que la Pologne est tout à fait intéressée par la coopération culturelle et scientifique et qu’elle est partie à la Convention culturelle européenne. Le gouvernement qu’il dirige a dû pratiquer des coupes budgétaires dans des domaines importants de la culture, de la science et de la santé pour financer les difficiles réformes économiques qu’il a lancées. Il compte donc beaucoup sur l’aide des pays occidentaux, qu’il s’agisse de la coopération étatique ou de l’action des organisations non gouvernementales.
M. BEIX (France)
Monsieur le Premier ministre, je vous remercie de la clarté, au demeurant nécessaire, avec laquelle vous avez traité deux sujets, d’une part la ligne Oder-Neisse, d’autre part le maintien de votre pays dans le Pacte de Varsovie. La clarté a d’ailleurs déjà été dispensée il y a plusieurs mois.
Actuellement, nos discussions avec un certain nombre de pays de l’Est s’engagent avec les cadres dirigeants de ces pays, cadres sinon du parti communiste, du moins du parti communiste reconverti ou transformé. Quels jugements portez-vous sur votre coopération avec le parti communiste transformé de Pologne, depuis cinq mois de gouvernement?
En d’autres termes, considérez-vous qu’un processus de démocratisation stable dans vos pays passe par une coopération durable avec les élites politiques qui y sont en place?
M. Mazowiecki, Premier ministre de Pologne (interprétation)
estime que le moment est difficile pour répondre à cette question, puisque le parti communiste polonais vient de se dissoudre et s’est engagé sur la voie d’une transformation en un parti social-démocrate. Le processus engagé sera nécessairement long. Cela dit, l’ancien parti communiste constitue au parlement un groupe toujours important avec lequel il est nécessaire de poursuivre la coopération.
M. MARTINEZ (Espagne) (interprétation)
rappelle que chacun au Conseil de l’Europe a suivi avec intérêt et même passion les transformations qui ont eu lieu à l’Est. Il espère que la Pologne pourra un jour devenir membre de plein droit du Conseil de l’Europe. Mais cela suppose des élections totalement libres et un parlement vraiment représentatif, donc un système multipartis. Le Premier ministre estime-t-il dans ces conditions que Solidarité doit continuer à représenter à elle seule l’opposition au parti ouvrier unifié polonais (POUP) ou qu’elle doit céder la place à un système pluraliste et diversifié?
M. Mazowiecki, Premier ministre de Pologne (interprétation)
croit avoir déjà répondu à cette question. Les comités civiques et Solidarité continueront à exister. Mais il est à prévoir que vont se constituer des associations politiques plus restreintes, plus proches des partis traditionnels. Il est difficile de préjuger aujourd’hui de l’évolution future. Le front uni des comités civiques va-t-il un jour se diviser? Le gouvernement s’emploie à ce que les conditions de l’expression politique des citoyens soient les meilleures possibles.
M. MARTINO (Italie) (traduction)
Monsieur le Président, Monsieur le Premier ministre, le plus grand problème de la Pologne est certainement d’ordre économique. Je pense que le problème juridique dans ses expressions les plus hautes est tout aussi important.
En Italie, à Venise, a récemment été créée une assise juridique européenne qui a déjà tenu une première rencontre.
Ne pensez-vous pas que cette instance pourrait offrir une référence et, partant, une présence pour les problèmes de réforme, notamment constitutionnelle, qui se posent à votre pays dans le cadre d’une étude et d’une analyse comparées des pays européens, et permettre en conséquence une véritable coopération juridique paneuropéenne?
M. Mazowiecki, Premier ministre de Pologne (interprétation)
indique que la Pologne coopère déjà avec cette instance dont elle apprécie hautement les travaux.
M. Joaquim MARQUES (Portugal)
estime qu’une économie planifiée n’est pas compatible avec un régime démocratique nécessairement fondé sur la liberté d’entreprendre. Il demande donc au Premier ministre ce qu’il compte faire pour que se développe en Pologne cette économie de liberté sans laquelle il n’y a pas de système démocratique pluraliste.
M. Mazowiecki, Premier ministre de Pologne (interprétation)
répond qu’il n’y a plus, en Pologne, d’économie centralisée et que l’économie de marché y est peu à peu introduite. Le gouvernement s’emploie à substituer une gestion économique à la gestion administrative.
M. ATKINSON (Royaume-Uni) (traduction)
M. le Premier ministre reconnaît-il que, tant que la Pologne sera membre du Pacte de Varsovie, l’aide que peuvent lui apporter l’Europe occidentale, les Etats-Unis d’Amérique et le Japon continuera à faire l’objet de restrictions, notamment en raison des règles du Cocom? Pense-t-il que la Pologne cherchera le moment venu à adopter une politique de défense plus autonome?
M. Mazowiecki, Premier ministre de Pologne (interprétation)
redit que la Pologne restera membre du Pacte de Varsovie, mais qu’elle souhaite que celui-ci, de pacte militaire qu’il est actuellement, se transforme en pacte politique ou politico-militaire. De façon générale, les Polonais sont hostiles à tous les pactes militaires et ils y renonceront sans regret.
M. SAGER (Suisse) (traduction)
Je vous remercie, Monsieur le Président. Les questions que je souhaitais poser l’ont déjà été par d’autres collègues et le Premier ministre y a déjà répondu.
Je saisis cependant cette occasion pour remercier très sincèrement M. Mazowiecki, pas seulement pour sa profession de foi européenne, mais surtout aussi pour l’éthique démocratique qu’il a respectée tout au long de sa vie. Mes sincères remerciements, Monsieur le Premier ministre.
M. LE PRÉSIDENT (traduction)
Je vous remercie. Il nous faut maintenant en terminer avec les questions posées à M. Mazowiecki. Monsieur le Premier ministre, au nom de l’Assemblée parlementaire, je vous remercie encore une fois d’être venu à Strasbourg pour prendre la parole devant nous.
Il y a quelques années, j’ai vu une émission de télévision intitulée Tout a commencé à Gdansk, qui montrait clairement que c’était dans cette ville, grâce à vos amis du mouvement Solidarité, qu’avait débuté le processus de réformes auquel nous assistons à travers toute l’Europe. Vous pouvez être fier, Monsieur le Premier ministre, du rôle que votre pays, vos compatriotes et vous-mêmes avez joué dans ce processus historique.
Je vous remercie d’être venu. Tous nos vœux vous accompagnent, votre pays et vous-même. (Applaudissements)