Lennart

Meri

Président de l'Estonie

Discours prononcé devant l'Assemblée

mardi, 25 avril 1995

Mesdames, Messieurs, c’est pour moi un honneur que de prendre à nouveau la parole, cette fois en ma qualité de Président de la République d’Estonie, dans un forum qui a exercé une influence vitale sur la lutte de mon pays pour la liberté. Bien que nous soyons devenus membres à part entière du Conseil de l’Europe en mai 1993, nous considérons que nos relations avec l’Organisation ont commencé bien avant, en 1960 exactement. Cette année-là, l’Assemblée parlementaire du Conseil a adopté une résolution sur le vingtième anniversaire de l’occupation de l’Estonie par l’Armée rouge dans le cadre du pacte germano-soviétique. La résolution notait l’annexion inégale des trois États baltes et rappelait que l’existence de jure de nos pays n’avait jamais été remise en question et qu’elle était reconnue par les gouvernements démocratiques du monde.

Cette première résolution dénonçant l’occupation de l’Estonie a été suivie d’une autre en 1963, et d’autres encore en 1983 et 1986. Bref, l’attachement de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe à la démocratie dans les Etats baltes et à leur souveraineté ne date pas des dernières années; il se manifeste depuis des décennies.

Le fait n’est pas surprenant, car le Conseil de l’Europe est le garant le plus ancien et le plus estimé de nos valeurs européennes communes. L’Estonie apprécie au plus haut point le rôle de l’Assemblée parlementaire qui est en quelque sorte la conscience de notre continent. L’Histoire nous a appris que la démocratie et la protection des droits de l’homme n’avaient pas un caractère statique mais constituaient un processus dynamique. Nous devons lutter pour ces libertés quotidiennement et partout; en effet, quand la démocratie est tenue pour acquise, ou, pire, ignorée, ou, pire encore, mise en scène dans la meilleure tradition de Potemkine, et de l’Intourist soviétique, elle peut s’affaiblir au-delà du point de non-retour.

Le Conseil de l’Europe a joué un rôle prépondérant dans les efforts pour que la démocratie conserve la vitalité nécessaire. Les conventions adoptées par l’Organisation, à commencer par son Statut, ont été pour l’Estonie une sorte de livre blanc auquel nous nous sommes référés depuis que nous avons retrouvé notre indépendance et que nous nous sommes engagés dans le long processus de reconstruction de la démocratie sur les cendres du totalitarisme. Il ne fait pas de doute que le Conseil de l’Europe est la première organisation de protection des droits de l’homme et, depuis le Sommet de Vienne, des droits des minorités nationales en Europe. Le ministre estonien des Affaires étrangères a signé la Convention- cadre pour la protection des minorités nationales le 2 février 1995. Notre législation et notre pratique à l’égard des minorités nationales sont allées même au-delà de la convention-cadre. J’aimerais vous rappeler que l’Estonie possède une longue tradition de libéralisme vis-à-vis des minorités, puisqu’elle a adopté dès 1925 une loi sur l’autonomie culturelle.

Nous avons procédé le mois dernier à nos secondes élections postcommunistes, que les observateurs internationaux ont jugées libres et équitables. La population s’est prononcée à une majorité écrasante pour la poursuite des réformes menant à l’économie de marché, mais peut-être avec ce que l’on pourrait appeler une composante sociale plus importante.

Il est vital d’observer que les groupes extrémistes, qu’ils soient issus du communisme ou de droite, ne sont pas représentés au Parlement. Elément tout aussi important, les citoyens estoniens de plus en plus nombreux d’origine russe ont participé activement au vote. En fait, le seul parti politique russe ayant présenté des candidats aux élections a été l’un des sept partis ou listes qui ont obtenu le minimum de 5% nécessaire pour être représentés au Parlement. Il y a également des députés de différentes minorités dans plusieurs autres groupes parlementaires.

Ce résultat témoigne d’une autre composante notable de nos efforts démocratiques, à savoir la mise en œuvre d’une politique de la nationalité équitable et juste fondée sur la participation politique de tous ceux qui ont démontré leur loyauté envers l’Etat. En Estonie, les étrangers qui résident en permanence dans le pays participent aux élections locales. La pierre angulaire de cette politique de la nationalité est notre loi libérale relative à la citoyenneté.

Le mois dernier, le Vice-Président des Etats-Unis, M. Al Gore, a séjourné brièvement à Tallinn. A cette occasion, s’adressant à une foule rassemblée sur la place de notre hôtel de ville médiéval, il a rendu hommage à la réussite de notre politique de la nationalité en déclarant, je cite: «L’Histoire nous enseigne que l’indépendance nationale peut quelquefois inciter au chauvinisme. Pourtant, l’application équitable par l’Estonie de sa loi sur la citoyenneté et la participation politique des ressortissants estoniens d’origine russe montrent que l’Estonie devient un Etat solidement ancré dans le droit, la tolérance et les valeurs civiques modernes. Par cette démonstration de tolérance, l’Estonie est un modèle pour le reste du monde.»

Sur un autre plan, qui fait aussi partie intégrante de la démocratie, nous nous sommes efforcés énergiquement de transformer une économie dirigée en une économie de marché, afin de créer des conditions dans lesquelles tous les habitants de l’Estonie puissent mettre à profit leur potentiel économique.

Cette politique a porté ses fruits. Alors que plus de 90% de notre commerce se faisait avec l’Est il y a quatre ans, aujourd’hui les deux tiers de nos échanges avec l’étranger se font avec des Etats membres de l’Union européenne. Nous avons utilisé les rares prêts étrangers auxquels nous avons recouru pour des dépenses d’équipement. Selon les données les plus récentes, l’Estonie fait partie des pays à dette étrangère faible. Notre politique s’oriente vers les échanges, et non vers l’aide. Les investissements étrangers continuent à doubler tous les six mois et les exportations sont en hausse. Notre monnaie, la couronne estonienne, est alignée sur le mark allemand et nos réserves en devises étrangères ont plus que triplé depuis l’introduction de la couronne, en 1992. Nous avons un budget public équilibré et une croissance réelle du PIB. Notre faible taux de taxation et le rapatriement complet des profits pour les étrangers qui exercent des activités commerciales en Estonie nous rendent de plus en plus attrayants pour les investisseurs. Le processus de privatisation en Estonie est considéré comme l’un des plus radicaux d’Europe centrale et orientale. Tous ces facteurs ont élevé le niveau de vie et ces progrès, à leur tour, montrent à la population qu’il n’y a pas d’autre choix que la politique de réformes radicales.

Monsieur le Président, le Conseil de l’Europe nous a apporté une aide considérable dans cette entreprise. L’intégration rapide de l’Estonie aux structures de l’Europe a été facilitée par les programmes d’assistance et de coopération que le Conseil de l’Europe a lancés à l’intention des pays d’Europe centrale et orientale. Un exemple marquant en est le soutien que le Conseil de l’Europe nous a apporté dans le domaine juridique. Après la restauration d’une démocratie constitutionnelle dans notre pays, le Parlement estonien a adopté 430 lois et autres textes, dont les plus importants ont été examinés par les experts du Conseil de l’Europe. L’Estonie est devenue un Etat où s’enracine fermement la règle de la prééminence du droit. L’un des éléments essentiels de notre processus législatif est l’harmonisation de tous les textes avec les exigences de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales, et de tous ses protocoles additionnels. Je suis heureux de pouvoir vous annoncer que le processus de ratification en est à sa phase finale.

De nombreux programmes d’assistance nous sont accordés conjointement par le Conseil de l’Europe et l’Union européenne; nous nous félicitons de la coopération de ces deux institutions, en tant que parties intégrantes de la mise en place de F architecture politique de l’Europe. Je suis heureux de vous indiquer que l’Estonie va signer, sans période de transition, son accord d’association avec l’Union européenne.

Le Conseil de l’Europe pourrait même faire davantage, notamment en développant la coopération avec d’autres organisations comme l’OSCE, œuvrant dans des domaines similaires.

L’Estonie s’est fermement engagée à assumer ses responsabilités financières, c’est pourquoi elle souscrit sans réserves à un renforcement de la coordination entre des instances complémentaires, et ce non seulement pour éviter tout double emploi, mais aussi parce que, en tant que petit Etat, nous avons tout simplement atteint nos limites financières – pas morales! – pour ce qui concerne la participation à un nombre croissant d’organisations internationales. Si l’OSCE et le Conseil de l’Europe se mettaient à échanger des informations plus précises et plus pertinentes, si ces deux organisations prenaient plus pleinement en compte le travail accompli ailleurs, on leur témoignerait, à l’une et à l’autre, tout le respect qui leur est dû. Je crois en effet qu’ignorer les efforts des autres pourrait saper, sans qu’on y prenne garde, la crédibilité de divers organes et postes, tels ceux de commissaires spéciaux créés par ces organes.

A l’heure actuelle, les moyens dont dispose le Conseil de l’Europe pour aider de nouveaux membres potentiels à remplir les conditions requises sont limités par rapport à ceux d’organisations comme les' Nations Unies et l’OSCE. C’est la raison pour laquelle nous devrions appliquer davantage le principe des avantages comparés et coopérer avec ces organisations actuellement mieux à même d’offrir leur aide à des membres potentiels du Conseil de l’Europe. Cette stratégie sera plus efficace pour atteindre nos objectifs.

Autre organisation qui, à sa manière, défend les principes auxquels adhèrent les Etats membres du Conseil de l’Europe, l’OTAN. Comme vous le savez, les deux premiers articles du Traité de l’Atlantique Nord énoncent des règles de conduite à l’échelon international et des valeurs que les Etats démocratiques ont en partage. Pendant la guerre froide, l’OTAN a défendu ces valeurs. Dans le même temps, ces Etats formaient la communauté des nations libres, celles de l’Ouest. On peut dire que durant cette période l’OTAN était une sorte de zone de valeurs occidentales communes.

Ce n’était manifestement pas une coïncidence. Un des postulats de la politique internationale est que les Etats démocratiques s’emploient à ne pas entrer en guerre avec d’autres Etats démocratiques. Si l’OTAN correspondait durant la guerre froide à une zone de valeurs occidentales communes, il serait dès lors de l’intérêt de tous d’élargir cette zone et donc d’élargir l’alliance. Ainsi, dans l’examen des valeurs européennes communes, au lieu de se demander pourquoi l’OTAN devrait s’élargir, nous devrions réfléchir aux raisons pour lesquelles il est impératif pour la civilisation occidentale qu’elle le fasse.

Monsieur le Président j’en viens à présent à une question d’intérêt majeur pour l’Assemblée, à savoir l’adhésion de nouveaux Etats membres au Conseil de l’Europe. Permettez-moi de vous dire d’abord, au nom de l’Estonie, que je suis très heureux que la Lettonie, notre voisin du Sud, en soit membre. Nous espérons que bientôt l’Ukraine siégera également dans cette Assemblée. L’Estonie est d’avis, comme l’Assemblée, que l’Ukraine fait incontestablement partie intégrante de l’Europe. En raison de sa situation géographique, de son histoire, de l’importance de sa population et de la vitalité de sa vie politique et culturelle, l’Ukraine est, dans son essence même, un Etat européen. Cet Etat a fait de grands progrès, dans la théorie et dans la pratique, dans l’instauration d’institutions démocratiques, et ses efforts méritent d’être reconnus par le Conseil de l’Europe.

Nous espérons aussi que la Moldova nous rejoindra bientôt. A cet égard, nous exhortons la Russie à respecter les accords de retrait des troupes hors de la Moldova, comme elle l’a fait en août dernier pour l’Estonie. Nous comprenons parfaitement que les troupes d’occupation puissent constituer un obstacle à la démocratie. Nous savons aussi quel est le pouvoir de l’opinion internationale pour encourager l’exécution des engagements de retrait des troupes. Nous en appelons donc à l’Assemblée pour qu’elle offre à la Moldova le même soutien que celui qu’elle a accordé à l’Estonie.

J’en viens, en conclusion, Monsieur le Président, à la candidature de la Russie pour l’adhésion au Conseil de l’Europe. Je me félicite qu’en février dernier, compte tenu de la poursuite d’une guerre non déclarée contre la Tchétchénie, l’Assemblée ait adopté une résolution suspendant la procédure d’examen de la demande d’adhésion de la Russie, jouant ainsi pleinement son rôle de conscience du continent. Je ne puis qu’applaudir à la fidélité de l’Assemblée à ses principes. L’adhésion de la Russie, l’Assemblée l’a dit fort justement il y a deux mois, ne saurait être examinée tant que la Russie ne satisfera pas aux normes auxquelles doivent se conformer tous les membres potentiels.

A ce propos, nous pouvons évoquer une autre situation, similaire, concernant l’Ex-Yougoslavie. En dépit de l’appréciation qu’a faite de la situation George Kenney dans le New York Times, il y a deux jours, selon laquelle le nombre de morts dans la population civile en Bosnie aurait été très exagéré, la plupart des observateurs continuent d’accorder foi aux estimations plus classiques, selon lesquelles des centaines de milliers de gens auraient été tués dans ce pays. Quand ces effusions de sang se sont généralisées dans cette région du monde, aux Nations Unies et dans ce qui s’appelait alors la CSCE, les activités de ce qui restait de la Yougoslavie ont été suspendues.

Nous comprenons donc d’autant moins que certains Etats persistent à soutenir l’adhésion de la Russie au Conseil de l’Europe et à vouloir hâter le processus face à une situation dans laquelle, d’ores et déjà, plus de civils ont été tués en Tchétchénie qu’en Bosnie avant que la Yougoslavie ou plutôt ce qu’il en reste n’ait été mise au ban de la communauté internationale. Ce serait là faire deux poids deux mesures, ce que le Conseil de l’Europe ne saurait tolérer. Il doit, au contraire, continuer à tout mettre en œuvre, à faire tout ce qui est en son pouvoir, pour encourager une évolution démocratique en Russie. Je pense comme d’autres personnes présentes dans cet hémicycle que la Russie ne doit adhérer au Conseil de l’Europe comme membre à part entière que lorsqu’elle remplira les conditions requises, c’est-à-dire lorsqu’elle sera un Etat démocratique qui respecte les droits de l’homme.

Monsieur le Président, les prochains mois seront, pour l’Estonie, une période d’intenses préparatifs pour s’acquitter de fonctions présidentielles, puisqu’elle s’apprête à prendre la présidence du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe. C’est un grand honneur pour l’Estonie. Dans le même temps, nous y voyons un défi à relever. En attendant, nous continuerons à développer les idées que nous estimons devoir être les priorités du Conseil de l’Europe pendant la durée de notre présidence.

LE PRÉSIDENT

Je vous remercie, Monsieur le Président, pour votre exposé qui non seulement nous a intéressés, mais qui nous a aussi touchés très vivement.

Mes chers collègues, le Président Meri a indiqué qu’il était prêt à répondre à des questions spontanées des membres de l’Assemblée, ce dont je le remercie.

Un nombre considérable de collègues – une douzaine – se sont inscrits pour poser des questions. Je demande à chacun de poser sa question aussi brièvement que possible et, si vous le permettez, Monsieur le Président, je vous demanderai aussi d’y répondre aussi succinctement que possible afin que tous ceux qui se sont inscrits puissent poser leurs questions et que, de cette façon, nous puissions éviter des frustrations qui se transforment en «haines féroces» contre le Président de l’Assemblée, mais jamais contre notre invité, soyez-en assuré, Monsieur le Président.

Par conséquent, chaque collègue peut poser sa question, éventuellement une brève question supplémentaire, mais, je vous le répète, je vous demande d’être très brefs. La parole est à M. Eörsi pour poser sa question.

M. EÖRSI (Hongrie) (traduction)

Comme nous avons pu le déduire de vos propos, Monsieur le Président, il semble qu’en raison des efforts faits par votre pays, l’Estonie se classe en tête des pays Baltes du point de vue de la transition, et en particulier de la transition vers l’économie de marché. Pensez-vous que les pays dits en transition, tels l’Estonie, bénéficient de suffisamment d’aide de la part du monde occidental pour réussir la transformation de leurs économies? La liberté est certes une chose essentielle, mais on s’y habitue très facilement. Tôt ou tard, les gens vont vouloir voir des résultats dans leur vie quotidienne. Quelles pourront être les répercussions si, du fait de l’insuffisance de l’aide, la période de transition se prolongeait trop longtemps et suscitait le sentiment que le système vers lequel nous nous dirigeons n’a pas vraiment de retombées intéressantes pour l’homme de la rue?

M. Meri, Président de l'Estonie (traduction)

Merci beaucoup, cher collègue, de cette question extrêmement intéressante. Je répondrai de la manière suivante: dans votre pays, la période de transition a débuté à l’époque de Kadar, ce qui signifie que vous entrez dans la deuxième décennie de transition, alors que l’Estonie a plutôt connu le succès dans les deux années et demie qui ont suivi l’adoption de sa nouvelle Constitution par voie de référendum. Les progrès réalisés en Estonie sont les progrès les plus rapides enregistrés en Europe centrale et orientale. Je suis tout à fait prêt à admettre que toute transition qui durerait plus longtemps qu’une vie humaine serait considérée comme un échec. Mais ce n’est pas le cas en Estonie.

Earl of DUNDEE (Royaume-Uni) (traduction)

Outre le développement des bonnes relations entre les Etats membres du Conseil de l’Europe et leurs gouvernements, le Président Meri est-il d’accord pour considérer qu’il est également important de forger de bonnes relations entre les différentes régions d’Europe? Eu égard aux relations culturelles et commerciales traditionnelles existant entre les villes et les ports de la région nordique, quels plans, efforts ou initiatives pourraient, selon le Président, contribuer le plus à donner une nouvelle vigueur à ces liens, avec la participation de l’Estonie et des Etats baltes? Je pose cette question en particulier, parce qu’au Royaume-Uni je vis en Ecosse et pas très loin de la mer.

M. Meri, Président de l'Estonie (traduction)

Cher collègue, si vous visitez Tallinn, vous verrez les armes de la ville de Londres sur la maison des Black Heads. Cela signifie que Tallinn – aussi appelée Reval dans les documents anglais anciens – était membre de la Ligue hanséatique. Il y a eu une époque où la capitale de mon pays était la ville la plus importante de l’Europe septentrionale, quatre siècles avant la naissance d’Helsinki. Nous sommes pleinement conscients de notre position géopolitique unique et encore plus de notre devoir de tirer parti de cette position.

Peut-être devrais-je vous préciser que je suis l’auteur d’un ouvrage de près de 500 pages, consacré aux liens culturels et autres entre les villes maritimes de la Baltique. Sans entrer dans les détails, c’est avec plaisir que je préciserai que l’une des toutes premières cartes a été dessinée dans une cathédrale du sud de l’Angleterre. C’était un très beau travail, qui avait été placé juste derrière l’autel et qui représentait ma ville. Nous sommes parfaitement conscients du fait qu’au-delà de notre frontière orientale s’étend non pas un Etat, mais un continent. Un continent est défini comme une étendue de terre entourée par la mer. Selon cette définition, la Russie n’est donc pas tout à fait un continent. Nous avons certaines obligations d’agir comme un port collectif au service du continent. Cela ne fait, pour moi, aucun doute, tout comme cela n’en faisait aucun pour nos marchands aventureux qui, au seizième siècle, sous Elizabeth, découvrirent soudain la Russie, à l’étonnement des Russes eux-mêmes:

Earl of DUNDEE (traduction)

Je remercie le Président de ses commentaires. Eu égard à sa grande connaissance de l’histoire de la Ligue hanséatique, je suis persuadé qu’il sera prompt à soutenir toute initiative, dans toute région septentrionale, pour encourager les autres pays à partager ses vues.

M. Meri, Président de l'Estonie (traduction)

Il y a quelques jours, un magazine finlandais, Suomen Kuvalethi, publiait un article très intéressant consacré à l’avenir de nos deux capitales, Tallinn et Helsinki, étroitement liées l’une à l’autre, jumelles en quelque sorte, car nous nous considérons comme la porte, le passage entre l’ouest et l’est.

Nous sommes parfaitement conscients du fait que des symboles tels qu’une porte, une fenêtre, ou que sais-je encore, peuvent avoir plusieurs significations politiques. Toutefois, j’aimerais ne retenir qu’une seule option, à savoir l’évolution de l’humanité vers la démocratie. Cela implique que nous sommes intéressés par une coopération internationale la plus large possible pour la mise en œuvre des possibilités de la mer Baltique, qui, à plusieurs reprises dans l’histoire, a été appelée la Méditerranée du Nord.

M. MOCZULSKI (Pologne)

Monsieur le Président, je souhaite vous poser une question qui me paraît très importante. Dans les années qui ont suivi la guerre, des milliers d’officiers, de soldats et de policiers soviétiques ont été dépêchés en Estonie. Ils y ont créé un système d’occupation. Actuellement, ils constituent une importante minorité russe. Cette minorité ne représente-t-elle pas une menace pour la démocratie et l’indépendance de l’Estonie?

M. Meri, Président de l'Estonie (traduction)

Permettez-moi de vous répondre en anglais, Monsieur Moczulski. Je ne pense pas que cela représente un danger. Peut-être y a-t-il eu un risque d’ordre psychologique, il y a six ou sept ans, lorsque des Russes ont été envoyés en Estonie pour y créer une majorité russe à des fins stratégiques. Avant la seconde guerre mondiale, l’Estonie était un pays manifestement homogène. Les Russes ont soudain eu le sentiment de perdre leur rôle, disons, de «propriétaires». Il y a eu certaines tensions nationalistes entre les communautés estonienne et russe, entre les identités estonienne et russe – ou j’utiliserais plus volontiers un autre terme: l’identité soviétique, qui est difficile à décrire dans la mesure où elle ne répond à aucune règle. Lorsqu’on rencontre un Russe qui vous dit qu’il vient de Koursk ou de la Volga, cela signifie que l’on rencontre un Européen. Le problème auquel nous sommes confrontés, c’est que, malheureusement, un grand nombre de Russes ne sont pas des Européens, mais constituent plutôt une catégorie particulière que dans la littérature théorique nous appelons homo sovieticus.

La réalité démocratique ou, plus simplement encore, le fait même que le niveau de vie en Estonie se soit soudainement amélioré beaucoup plus rapidement que de l’autre côté de la frontière nous fournissent des arguments plus convaincants encore que les meilleurs des éditoriaux des quelque soixante-dix quotidiens paraissant en Estonie. Aujourd’hui, nous avons un autre problème. Nous n’avons pas assez de jardins d’enfants estoniens pour les familles russes qui préféreraient y envoyer leurs enfants. Cela signifie qu’ils ont soudain réalisé qu’un système démocratique, un système de libre-échange, au sein duquel les droits de l’homme sont garantis, leur offraient de bien meilleures perspectives que le monde d’où ils viennent.

Je ne vois pas les dangers auxquels fait allusion M. Moczulski, mais, bien sûr, je parle du peuple russe en général. Nous avons, par exemple, expulsé récemment d’Estonie un représentant spécial de M. Jirinowski, qui préconisait de renverser le Gouvernement estonien par la violence. Cela, nous ne saurions l’accepter.

M. LAAKSO (Finlande) (traduction)

Je dois malheureusement formuler ma question en anglais, bien que je sache que M. Meri parle parfaitement le finnois. Monsieur Meri, il y a dans votre pays environ 500 000 non-ressortissants. Qu’adviendra-t-il de ceux d’entre eux qui n’ont pas fait la demande d’autorisation de séjour ou de permis de travail? Je crois savoir que ces demandes devront avoir été déposées avant le 15 juillet, et que, à ce jour, seuls 115 000 non-ressortissants ont fait cette démarche. Les médias estoniens font état de propositions assez effrayantes quant au sort de ceux qui n’ont pas l’intention de déposer une telle demande. Quelle est votre opinion personnelle sur la solution à apporter à ce problème? En tant que Finlandais, je suis un peu inquiet quant à une éventuelle dégradation de la situation d’ici au mois de juillet, dans une région proche de mon pays.

M. Meri, Président de l'Estonie (traduction)

Je reconnais la gravité du problème, mais nous en avons tenu compte. Aux termes du droit de la nationalité estonien, nous avons admis que l’Etat estonien adopte l’approche théorique selon laquelle est ressortissant estonien toute personne vivant sur le territoire estonien. Autrement dit, la nationalité estonienne est acquise automatiquement, mais nous avons brusquement été confrontés à un problème: à l’inverse de ce qui se passait dans le monde dans lequel nous vivions avant notre indépendance, nous avons non seulement des ressortissants estoniens qui vivent en Estonie, mais un grand nombre de «non-Estoniens» amenés par l’Union Soviétique pour coloniser l’Estonie, souvent en les installant dans les logements réquisitionnés par les autorités soviétiques, en expédiant en Sibérie les familles estoniennes qui les occupaient.

Je serais malhonnête si je disais que cette situation n’a pas suscité des réactions passionnelles. Il y a eu des réactions passionnelles de la part d’Estoniens dont les enfants ou les parents ont disparu, et de la part des Russes qui ont soudainement pris conscience qu’ils vivaient dans des logements ou se servaient de meubles qui ne leur appartenaient pas. Mais, dès le départ, nous étions convaincus qu’il fallait aborder cette question délicate et passionnelle de la manière la plus franche et la plus honnête possible. Nous avons expliqué aux Russes qu’il leur appartenait de décider s’ils préféraient rester et devenir des citoyens de la Fédération de Russie ou demander la nationalité estonienne.

Comme je l’ai dit, nous avons réussi parce qu’un grand nombre de citoyens russes ont non seulement participé activement à la dernière consultation électorale, mais ont aussi été en mesure de constituer un parti politique russe très dynamique. Mais ce n’est là qu’une partie de la réponse. M. Laakso a raison de dire qu’un grand nombre de personnes d’origine russe n’ont pas encore fait leur choix entre la nationalité russe et la nationalité estonienne. Nous devons comprendre la difficulté psychologique associée à cette prise de décision pour des personnes qui sont nées en Union Soviétique et qui n’ont jamais songé que d’autres nations pouvaient avoir des droits. Tout cela était inattendu pour elles et, aujourd’hui, elles sont en quelque sorte laissées pour compte. Ces gens n’ont pas demandé la nationalité estonienne et ne sont pas non plus des citoyens russes. Il est juste de dire que cela pose quelques problèmes d’ordre technique. Par exemple, lorsqu’ils souhaitent se rendre en Finlande pour un séjour touristique, ils ne disposent pas du passeport nécessaire. Aussi avons-nous décidé de délivrer à ceux qui souhaitent disposer d’un délai supplémentaire pour faire leur choix un document spécial leur permettant de quitter le pays, de voyager à l’étranger et de rentrer en Estonie.

C’est là une question que chacun devra résoudre individuellement. Nous n’entendons pas exercer de pression. Je suis sûr que, si M. Laakso est bien informé et que le délai fixé expire en juillet, le Parlement estonien prendra les mesures appropriées pour donner à ceux qui n’ont pas encore pu prendre une décision le temps de le faire. Une telle politique est dans l’intérêt de l’Estonie et de notre stabilité.

M. HUGHES (Royaume-Uni) (traduction)

Le Président Meri n’ignore sans doute pas que les droits de l’homme sont fondamentaux et devraient s’appliquer à tous les groupes composant la race humaine. Én outre, ils sont la pierre angulaire sur laquelle a été fondé le Conseil de l’Europe.

Je ne voudrais pas m’étendre sur ce point, mais le Président Meri sait sans doute que les médias internationaux publient des informations qui donnent à penser que l’Estonie tend à pratiquer une discrimination à l’encontre des personnes d’origine russe. Permettez-moi de lui demander s’il voudrait commenter ces informations, et, éventuellement, réfuter les allégations formulées contre son pays.

M. Meri, Président de l'Estonie (traduction)

Je ne saurais répondre de la qualité de la presse britannique.

LE PRÉSIDENT (traduction)

Et vous-même, Monsieur Hughes, répondez-vous de la qualité de la presse britannique?

M. HUGHES (traduction)

Loin de moi cette idée, Monsieur le Président. Néanmoins, il semble qu’il s’agisse d’une assez large gamme d’organes de presse. C’est pourquoi je tenais à aborder cette question avec le Président de l’Estonie.

LE PRÉSIDENT (traduction)

Je suis sûr, Monsieur Hughes, que le Président Meri vous en saura gré. Vous avez la parole, Monsieur le Président.

M. Meri, Président de l'Estonie (traduction)

M. Hughes est dès à présent mon invité en Estonie où il pourra se faire par lui-même une opinion de ce qui est vrai et de ce qui ne l’est pas. Je ne peux que lui dire que l’article publié dans le Financial Times, selon lequel j’ai littéralement reçu le ministre des Affaires étrangères, M. Kozyrev, sur le perron, est sans rapport aucun avec la réalité. J’étais assis à côté d’un ancien Premier ministre irlandais lorsque M. Kozyrev s’est brusquement levé, m’a serré la main, et m’a dit qu’il n’avait jamais menacé de faire usage de la force militaire à l’encontre de l’Estonie – qu’en fait il n’avait même jamais mentionné l’Estonie.

Ce n’est qu’un détail sans importance, mais je me demande si, dans le pays de M. Hughes, les journalistes ont jamais mis les pieds dans les endroits dont ils parlent dans leurs articles ou qui leur inspirent de grands titres accrocheurs.

M. SINKA (Lettonie) (traduction)

Avant de poser ma question au Président Meri, permettez-moi de lui adresser mes plus vifs remerciements pour la chaleur avec laquelle il a salué l’entrée de la Lituanie dans cette auguste Assemblée.

Le Président Meri a mentionné M. Kozyrev. Eu égard aux récentes déclarations de ce dernier et aux préoccupations exprimées lors de l’Assemblée des Etats baltes, à Riga, comment voit-il le développement à venir de la coopération entre les trois États baltes?

M. Meri, Président de l'Estonie (traduction)

Nous avons une histoire commune, qui nous a donné une tragique leçon en 1939-1940, au moment où, en vertu du pacte signé entre Hitler et Staline, les Etats baltes ont été occupés par l’Union Soviétique. Nous espérons que les transformations profondes amorcées en Russie, à la suite de l’effondrement économique, et qui se poursuivent, déboucheront sur une Russie démocratique. Mais ce processus sera long et douloureux.

Il est évident que la coopération entre les trois Etats baltes doit être intensifiée. Elle sera la pierre angulaire du renforcement de la stabilité et de la démocratie dans la région de la mer Baltique et sera également profitable à nos voisins de l’Est.

Nous maintiendrons toujours les relations étroites que nous avons eues au cours des siècles. Notre exemple pourra même être mieux compris par nos voisins si trois petits pays parviennent à réaliser ce qu’ils souhaitent réaliser: un grand pays doit être capable de parvenir aux mêmes objectifs.

Permettez-moi d’insister encore une fois sur la nécessité de développer la coopération entre les Etats baltes, sous tous ses aspects – économique, politique et dans tous les domaines liés à la sécurité.

M. LANDSBERGIS (Lituanie) (traduction)

Permettez-moi de dire au Président Meri – un ami cher et un compagnon de lutte – que c’est une grande joie de le voir parmi nous aujourd’hui.

Nous connaissons tous les grandes réussites du peuple estonien et les difficultés qu’il reste à surmonter. Il faut citer, entre autres, le problème des prétentions territoriales de la Russie vis-à-vis de l’Estonie, qui est l’un des problèmes juridiques et constitutionnels les plus graves que le pays a hérité de la période soviétique.

A la perte de souveraineté sur les territoires confisqués par l’URSS durant l’occupation s’ajoutent les exigences formulées aujourd’hui. L’Estonie doit renoncer aux principes du droit international et à une partie de son propre territoire, parce que l’auteur de l’annexion est trop grand pour permettre la moindre discussion. De plus, l’Estonie a été accusée, à tort, d’avoir des prétentions territoriales vis-à-vis de la Russie, bien que la situation juridique soit exactement inverse. Si l’Estonie accepte de considérer l’annexion comme légale, cela signifiera que l’occupation était, elle aussi, légale.

Le Président Meri voit-il une solution à ce problème, qui pourrait encore s’aggraver si l’Occident accepte les prétentions de la Russie et prend parti en sa faveur contre les droits de l’Estonie? Est-ce déjà le cas? J’aimerais connaître l’opinion du Président et toute information qu’il serait en mesure de nous donner.

M. Meri, Président de l'Estonie (traduction)

Oui, je comprends la complexité de la situation. Néanmoins, je suis persuadé que nous pouvons discuter le traité de paix signé le 2 février 1920 par la République d’Estonie et ce qui était à l’époque la République soviétique de Russie, dans une double perspective. Ce traité est fondamental parce que c’est par lui que l’Estonie a été soumise au droit international. C’est notre acte de naissance, nous n’y renoncerons jamais.

Les territoires confisqués par Staline en 1944-1945 représentaient environ 5 % du territoire estonien d’avant-guerre. Ils peuvent être traités différemment, sans que soit remise en cause la qualité juridique du traité de paix. Nous aurions préféré une autre solution. Il est vrai, toutefois, que les frontières de l’Europe d’après-guerre ont été considérablement modifiées. La Finlande, par exemple, a perdu son meilleur territoire du sud du pays. Je veux parler du centre historique de Vupuri. Il a été perdu au profit de la Russie lors de la très agressive campagne d’hiver. La Pologne a perdu une part considérable de son territoire oriental. Je n’insisterai pas davantage.

Les frontières de l’Europe ont été adoptées et elles sont considérées comme des frontières fixées à jamais. Elles peuvent, néanmoins, être modifiées autour d’une table de négociations, mais, en aucun cas, d’une autre manière. Le fait que les frontières aient eu un autre tracé avant la seconde guerre mondiale n’est pas un argument suffisant pour porter la question devant la Cour internationale de justice de La Haye, par exemple.

Disons, pour schématiser, que j’ai indiqué les principes sur la base desquels nous pourrions entamer de réelles négociations avec la Fédération de Russie pour que la question de la frontière soit réglée une bonne fois pour toutes. Nous ne saurions tolérer une situation dans laquelle une question de frontières risque de créer de plus en plus de conflits susceptibles, dans certaines circonstances, de s’envenimer et de mettre en péril la stabilité de l’Europe du Nord.

M. MUEHLEMANN (Suisse) (traduction)

Monsieur le Président, ma question se rattache à la réponse que vous venez juste de donner, dans la mesure où il faudrait peut-être souligner tout de même qu’il subsiste encore certaines tensions psychologiques entre la Fédération de Russie et votre pays. Je pense aux querelles de frontières, je pense au problème de la minorité russe. Pour vous aider, le Conseil de l’Europe peut-il contribuer – il lui appartient d’ailleurs de le faire – dans une certaine mesure à faire baisser cette tension?

M. Meri, Président de l'Estonie (traduction)

Oui, naturellement. Je crois qu’il n’y a pas du côté russe de véritable volonté de s’attaquer à ces problèmes, de les exposer clairement et de les traiter raisonnablement. Pour notre part, nous sommes toujours disposés – c’est dans notre intérêt – à régler ces problèmes le plus rapidement possible. Du côté estonien, la bonne volonté ne manque pas. Je serais en conséquence très heureux que le Conseil de l’Europe s’emploie à faire en sorte que les discussions avec la Fédération de Russie puissent s’engager le plus rapidement possible.

Je vous remercie de votre question qui était, d’ailleurs, dans le fond, plus qu’une simple question.

LE PRÉSIDENT (traduction)

Je vous remercie. Monsieur Muehlemann, voulez-vous poser une autre question? Il semblerait que ce ne soit pas le cas. Je vous remercie. Monsieur le Président, vous nous faites même la coquetterie de vous exprimer en plusieurs langues; vous nous fascinez!

M. Meri, Président de l'Estonie (traduction)

C’est grâce à ce fauteuil bleu, le bleu du drapeau estonien!

M. ZINGERIS (Lituanie) (traduction)

Monsieur le Président, votre allocution nous a fait grande impression. Nous nous réjouissons d’apprendre les succès qu’enregistrent votre pays et la politique pacifiste qu’il mène. Vous avez déjà répondu à ma question et je n’ai rien d’autre à ajouter. Merci beaucoup.

M. SOLE TURA (Espagne) (traduction)

Dans un premier temps, Monsieur le Président, je me suis demandé si j’allais vous poser ma question en espagnol, ou plus précisément dans ma langue maternelle: le catalan. Mais, réflexion faite, je me suis dit que cela serait tout de même un peu excessif.

En ce qui concerne les relations avec les anciens membres de l’Union Soviétique, avec la Russie, mais aussi avec tous les autres, quel est votre point de vue sur l’élargissement de l’OTAN, et, plus spécifiquement, quelles pourraient être les conséquences d’une adhésion éventuelle de l’Estonie?

M. Meri, Président de l'Estonie (traduction)

Avant-hier, le ministre russe des Affaires étrangères, M. Kozyrev, est revenu en détail sur l’élargissement de l’OTAN. Il a été critique à cet égard, mais il a modifié sa façon de s’exprimer. Il a déclaré qu’il était opposé à un élargissement hâtif de l’OTAN. Cela donne un tout autre éclairage à l’affaire. Nous devrions tenter de savoir ce que recouvre l’expression employée par M. Kozyrev, «élargissement hâtif de l’OTAN».

Pour améliorer nos relations avec nos voisins, quels qu’ils soient, nous devons faire preuve d’honnêteté et de franchise avec eux. Nous devons être honnêtes et francs avec la Fédération de Russie et lui dire que nous avons adhéré à un partenariat dans un but pacifique et non pas pour nous livrer à des manœuvres en mer Baltique.

Nous avons adhéré à cette organisation internationale parce que nous considérons cette démarche comme la première étape vers une adhésion de plein droit à l’OTAN. J’ai dit, au cours de ma brève intervention, que nous étions intéressés à une adhésion à l’OTAN parce qu’elle représente des valeurs communes qui sont aussi les nôtres. Cependant, il ne suffit pas, dans le monde cruel où nous vivons aujourd’hui, de partager des valeurs. Nous avons aussi des responsabilités à l’égard de ces valeurs, et nous aimerions partager la responsabilité de les protéger. Nous avons été capables de le faire durant les cinquante années difficiles qu’a duré l’occupation soviétique. Nous devons être capables de le faire dans les deux ou trois décennies à venir, durant lesquelles la Russie traversera une période difficile d’ajustement aux comportements démocratiques et européens.

M. GÜL (Turquie) (interprétation)

rappelle que, lorsque l’Estonie luttait pour son indépendance, l’URSS avait envoyé l’Armée rouge en Estonie sous la direction d’un officier, le général Doudaiev. Plus tard, celui-ci a renoncé et a conduit sa propre lutte pour l’indépendance en Tchétchénie. M. Gül demande comment le Conseil de l’Europe pourrait aider ce pays.

M. Meri, Président de l'Estonie (traduction)

Je n’ai pas grand-chose à ajouter quant à la décision prise par l’auguste Assemblée du Conseil de l’Europe en ce qui concerne cette déplorable guerre contre la Tchétchénie. Il s’agit d’une petite nation, dirigée cependant par un grand général. M. Doudaiev a vécu un certain temps dans notre ville universitaire de Tartu, en qualité de commandant en chef d’une importante base aérienne soviétique de bombardiers stratégiques. Il a montré un grand intérêt pour le processus de démocratisation de l’Estonie, et il a été en mesure de donner des ordres pour que son aérodrome ne soit pas utilisé pour le déploiement des forces soviétiques contre les Estoniens. Il a beaucoup contribué à ce que le processus de démocratisation se fasse sans effusion de sang. Nous lui en serons éternellement reconnaissants.

Peut-être le Conseil de l’Europe sera-t-il intéressé d’apprendre que, récemment, une équipe de cinéastes est rentrée de Tchétchénie. J’attends avec impatience leur documentaire tourné derrière les lignes des deux forces armées, celles de la Fédération russe et celles de la République de Tchétchénie. J’espère que ce document exceptionnel sera prêt d’ici les premiers jours du mois de mai.

LE PRÉSIDENT

Mes chers collègues, nous en avons terminé avec les questions.

Monsieur le Président de la République, vous avez répondu à toutes les questions avec clarté et profondeur, et, vous connaissant, nous nous y attendions. Ce matin, ce fut la fête de l’Estonie, du Conseil de l’Europe, de notre Assemblée parlementaire! Je vous en remercie de tout mon cœur.