François
Mitterrand
Président de la République française
Discours prononcé devant l'Assemblée
lundi, 4 mai 1992
Monsieur le Président du Comité des Ministres, Monsieur le Président de l’Assemblée parlementaire, Madame le Secrétaire Général, Mesdames, Messieurs, il y a dix ans, je m’exprimais devant votre Assemblée. On peut mesurer le chemin parcouru: vous vous êtes élargis à l’image du continent qui retrouve son unité; vous réunissez des représentants des peuples de toute l’Europe, et je mesure l’honneur fait à Strasbourg et à la France d’accueillir sur leur sol le Palais des droits de l’homme.
Vous avez bien voulu m’inviter à poser la première pierre de cet édifice, et c’est chose faite depuis quelques instants. Je félicite Sir Richard Rogers auquel nous devons ce projet. Je veux vous dire aussi la fierté qu’éprouvent aujourd’hui tous les Européens en voyant s’édifier un monument auquel l’actualité donne une signification particulière, un monument porteur et riche d’espoirs.
Nous sommes dans une situation qui ne se compare à aucune autre. Des peuples de l’Ouest, qui s’étaient longtemps combattus, coopèrent et bâtissent ensemble une communauté de plus en plus forte, tandis que les peuples d’Europe centrale et orientale, jusque-là privés de liberté et d’identité, se réveillent et s’affirment.
Lors du quarantième anniversaire de votre Organisation, vous veniez d’accueillir un vingt-troisième Etat, la Finlande. L’Europe démocratique renaissait. Elle paraissait alors au complet et, pourtant, notre joie ne pouvait pas être entière, car il y avait l’autre Europe. Je me souviens d’avoir alors exprimé notre refus de nous résigner à cette fracture.
Je me souviens également qu’en juillet 1989 vous acceptiez de recevoir M. Gorbatchev, et vous établissiez à cette occasion un statut d’invité spécial auprès de votre Assemblée. C’était un symbole, mais les faits vous ont donné raison.
Vous avez joué un rôle déterminant pour que les valeurs et l’idéal dont vous vous réclamez entrent de plus en plus concrètement dans la réalité. Faut-il rappeler que votre Assemblée est à l’origine de la Convention européenne des Droits de l’Homme – je le souligne non pour vous, mais pour l’extérieur – laquelle a servi d’une façon constante de référence pendant ces longues années de divisions et de souffrances? Elle constitue aujourd’hui l’une des pierres angulaires de votre construction et vous l’avez complétée, depuis son entrée en vigueur en 1953, par dix protocoles additionnels.
Cette Convention a trouvé une force et une originalité exceptionnelles dans le mécanisme de contrôle supranational instauré pour garantir la mise en œuvre de ces droits, système unique au monde et qui porte désormais les espérances des nouvelles nations d’Europe.
Je suis moi-même très attaché à cette construction. C’est au Congrès du Mouvement européen, à La Haye, en 1948 – faites le compte! – où j’étais présent, que le projet d’une convention des Droits de l’Homme a été conçu. J’ai voté sa ratification le 31 décembre 1972 et, dès mon accession à mes responsabilités actuelles, j’ai voulu que la France reconnaisse le droit aux recours individuels prévus dans l’article 25.
Cette même année 1981 – dois-je vous le rappeler? – le Gouvernement français a proposé au Parlement le projet de loi d’abolition de la peine de mort. La France a ainsi pu figurer parmi les premiers signataires du Protocole n° 6.
Plus récemment, en novembre 1990, j’ai voulu que la France adopte, dès son ouverture à la signature, votre Protocole n° 9 qui étendra aux particuliers le droit de saisine de la Cour européenne des Droits de l’Homme, jusqu’à maintenant réservé à la Commission et aux Etats.
Non seulement la Convention, mais aussi la Cour européenne des Droits de l’Homme et la jurisprudence qu’elle a élaborée au fil de ces années restent des instruments privilégiés de la protection de ces droits. Pourtant, ce système remarquable risque, pour reprendre les termes employés le 12 septembre 1991 par le Président, suédois, du Comité des Ministres, d’être victime de son propre succès.
Les chiffres sont parlants: 2 273 affaires sont en instance devant la Commission, dont 1 408 n’ont encore fait l’objet d’aucun examen; 59 affaires sont pendantes devant la Cour, dont 35 n’ont pas encore été examinées. Pourtant, la Cour, qui n’avait rendu que 7 jugements en 1981, en a rendu 71 en 1991. Ainsi, les nouveaux Etats membres de l’Europe centrale et orientale qui ratifient ou vont ratifier la Convention – ce qui représente à leurs yeux, vous le savez, une grande espérance – risquent, par la suite, du fait de l’engorgement de la Commission et de la Cour, d’attendre cinq ou six ans avant que n’arrive à son terme la première procédure les concernant.
Une réforme est nécessaire, car il faut éviter la paralysie. La France soutient et encourage les efforts entrepris, de même qu’elle est favorable à un renforcement sensible en moyens et en personnel de la Commission et de la Cour, à la création de chambres, à l’augmentation du nombre et de la durée des sessions. C’est aussi la raison pour laquelle nous avons tenu à apporter, nous la France, une contribution importante à la construction du Palais dont nous avons posé, il y a un moment, la première pierre.
Le Conseil de l’Europe peut être, plus que jamais, le lieu où l’on parle de culture fraternelle et non d’antagonismes, d’échanges et non de rivalités ethniques, de dialogues et d’harmonie des intelligences. Il faut contribuer à ce que l’expression d’Etat de droit trouve tout son sens. Il s’agit même, là, de l’une de ses plus belles missions.
Dans nos pays occidentaux, où l’on aurait plutôt tendance à récriminer contre la réglementation, on oublie souvent les maux que peut engendrer l’absence ou l’incohérence du droit. L’objectif est de favoriser dans toute l’Europe l’élaboration d’un droit protecteur des personnes et des biens, qui ne tolère ni l’anarchie, ni les privilèges, ni l’asservissement à l’Etat, équilibre subtil, vous l’imaginez, pour lequel les travaux que vous mènerez auront une valeur de référence pour les peuples qui veulent nous rejoindre.
Eh oui, Mesdames, Messieurs, il faut encore élargir le champ du droit, lui faire embrasser des réalités nouvelles, les progrès de la connaissance, notamment les conséquences sociales, juridiques, éthiques du développement des sciences biomédicales.
Vous travaillez à une convention-cadre sur l’éthique. La France soutient pleinement cette démarche. Elle met elle-même au point, en ce moment, une législation en la matière.
De même, le Conseil a pris, dans le domaine de l’éducation, de judicieuses initiatives: formation des jeunes, formation des enseignants, échanges entre écoles et universités.
Je vous le demande: continuons d’enrichir ce patrimoine. Je ne doute pas que vous parviendrez à assumer ces tâches importantes. Je veux rendre hommage à ceux et à celles qui en sont les bons ouvriers, notamment à Mme le Secrétaire Général, qui déploie tant d’énergie pour accroître votre rayonnement. Je suis aussi très heureux de saluer en ce jour, pour la première fois qu’il assume cette présidence, celui que vous venez d’élire, car il est lui-même porteur de plusieurs de nos cultures.
En fait, notre continent prend une forme nouvelle sous nos yeux. La multiplicité des institutions héritées de l’histoire de ce dernier demi-siècle est jugée par certains comme préoccupante, peut-être même néfaste. Mais, étant donné que nous ne partons pas de zéro, on ne peut pas fixer d’autorité un cadre unique dans lequel se déploierait l’ensemble des transformations à venir de notre continent.
Bien sûr, chaque instance s’attache à formuler une vue d’ensemble qui inspire sa démarche, au travers de laquelle elle cherche à valoriser son propre rôle, ce qui est tout à fait compréhensible. A terme, toutefois, il faudra sans doute simplifier, regrouper. D’ici là, et pour longtemps encore, la tâche qui vous incombe est d’assurer le passage le plus harmonieux possible d’un ordre européen à un autre en donnant corps à cette théorie des ensembles que j’ai appelée de mes vœux. On pourrait, pour cela, s’inspirer de trois principes.
Selon le premier, chaque institution qui concourt actuellement à l’établissement de cette grande Europe devrait développer au mieux ce qu’elle a en propre. Prenons l’exemple de la sécurité. Les choses avancent bien dans le cadre de la CSCE. Nous allons nous retrouver à Helsinki et la France entend, une nouvelle fois, contribuer à consolider et à renouveler ce processus, en particulier à propos du code de conduite entre les Etats, de la prévention et du règlement pacifique des conflits, comme à propos de la gestion des crises.
La prospérité économique est certes l’affaire de la Communauté européenne. Mais cette dernière a d’autres buts; ainsi, elle fait déjà beaucoup pour ses partenaires extérieurs, notamment par le biais des accords d’association.
De même, agissent à cette fin le Fonds monétaire international et la Banque européenne pour la reconstruction et le développement, qui concourt au relèvement de l’Europe centrale et orientale.
Où se trouve donc la voie du Conseil de l’Europe? Son élargissement actuel prélude à son renouvellement, j’allais dire à son approfondissement. Ce serait un grave contresens que de voir dans le Conseil de l’Europe une sorte d’agence spécialisée. Lorsque Churchill parlait des Etats-Unis d’Europe, c’est au Conseil qu’il pensait.
L’Europe est aujourd’hui à la recherche d’une enceinte où puisse se nouer entre tous les Etats qui la composent un dialogue permanent et organisé dans des conditions d’égale dignité. J’ai appelé cette construction future, peut-être encore trop idéale, la Confédération. Aussitôt se sont abattues toutes les critiques que l’on imagine: de quoi s’agit-il exactement? On n’en connaît pas les contours! Quelles en seront les compétences?
Pour moi, cela était tout simple. Avant de se lancer dans le maquis des débats juridiques ou dans la lutte des influences, c’est tout simplement un endroit où tous les pays d’Europe dotés d’institutions démocratiques non seulement pourraient se rencontrer, mais encore seraient capables de fonder ensemble des institutions permanentes à égalité de dignité, avec des compétences sans doute moins bien définies que celles qui relèvent, par exemple, de la Communauté économique européenne, mais touchant à tout ce qui contribue à la vie quotidienne de nos concitoyens.
Où est l’Europe? Quelle est l’Europe? Où la rencontrer?
Voilà, Mesdames, Messieurs venus des pays d’Europe centrale et orientale, que, dotés de la liberté, ayant reconquis votre identité nationale et culturelle, vous prenez part à ces assemblées internationales. Vous êtes les premiers délégués d’une Europe qui vient au rendez-vous de l’autre. Où a lieu ce rendez-vous? Ici même, ce qui marque bien sa nature.
Déjà, vous êtes un centre d’impulsion, un cadre d’initiatives. Vous ne vous limitez pas à n’être, comme on dit, qu’un forum. Vous envisagez des actions communes. Vous traitez de sujets capitaux et vastes, l’environnement, en particulier, à propos duquel vous établissez des projets très concrets: Convention relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l’Europe, diplômes européens pour les régions les plus dynamiques en matière de protection de la nature, multiples campagnes de sensibilisation dans le cadre de votre projet Naturopa.
On pourrait utilement réfléchir à l’extension de telles actions à des domaines qui sont, par nature et par «destination», paneuropéens. On peut penser aux transports, aux communications, mais aussi à bien d’autres sujets encore, tant nous sommes liés les uns et les autres par une vie qui va se resserrant, tant nous sommes dépendants les uns des autres, tant l’Europe ne pourra se faire qu’avec le concours de tous.
Surtout, vous fondez votre action sur les valeurs imprescriptibles qui constituent le plus profond de notre patrimoine.
Le deuxième principe consiste à organiser – ce sera plus difficile – un partage et une complémentarité du travail entre les grandes institutions qui prennent en charge la transformation et la création politiques, économiques, techniques et culturelles de l’Europe. Certes, cette entreprise est déjà engagée, mais elle devra prendre une forme plus méthodique. Il existe déjà une coopération organisée entre la CSCE et le Conseil de l’Europe; les échanges sont multiples entre l’un et l’autre, mais comment aller plus loin, d’une façon plus ordonnée?
Il ne peut y avoir de hiérarchie formelle entre les institutions, ni de cadre trop rigide pour leur action. Des redondances sont inévitables, elles peuvent même être utiles. Alors, faisons preuve de souplesse et d’adaptation. Dès cette semaine, vingt-sept Etats seront intégrés à votre Organisation, puisque l’adhésion de la Bulgarie est annoncée pour les heures prochaines. D’ici à la fin de l’année, vous compterez trente Etats. Combien plus tard? On ne sait plus. Quarante peut-être... Arrêtons là!
Des sessions régulières au plus haut niveau, correctement préparées et encadrées par un ordre du jour précis, auraient une grande valeur politique, symbolique et représenteraient une pratique exceptionnelle. Pourquoi, par exemple, ne pas réunir tous les deux ans, en alternance avec les réunions de la CSCE, les chefs d’Etat et de gouvernement des Etats membres du Conseil? Un avantage, tout à fait secondaire, serait pour moi d’avoir l’occasion de revenir ici.
Parallèlement, on pourrait imaginer des sessions plus fréquentes du Comité des Ministres. Peut-être n’ont-ils pas déjà assez à faire? Il faudra qu’ils y pensent. Votre Assemblée parlementaire serait naturellement un puissant levier pour cette relance.
Quant aux conférences ministérielles spécialisées, qui ont instauré une pratique très régulière de concertation dans les domaines techniques, elles aboutissent à des réalisations qui méritent d’être rappelées. Tel a été le cas de la révision de la Charte sociale acquise à Turin en 1991 ou, plus récemment, de l’harmonisation des normes juridiques en matière de droit pénal et de droit de l’informatique, de la mise en place du fonds de soutien au patrimoine architectural, de la création cinématographique européenne à travers le projet Eurimages. La liste s’allongera et cela sera excellent pour recouvrir l’ensemble des activités humaines.
Un troisième principe s’impose – mais est-il nécessaire d’insister? – celui de l’égale dignité des Etats membres. Il s’agit d’une donnée essentielle, car il n’existe guère d’institutions où cela est le cas, pour le plus faible ou le plus récent, le moins organisé – même s’il ne le sera pas toujours – celui qui sort d’une crise sanglante, celui qu’a affaibli la trop longue durée d’un pouvoir qui niait son identité – je n’en cite aucun, mais nombreux sont ceux qui pourraient figurer dans ce triste palmarès. J’affirme ici que celui-là dispose d’une dignité souveraine égale à celle de ceux qui ont fondé l’Europe, il y a déjà plusieurs décennies, au lendemain de la seconde guerre mondiale, et qui figurent parmi les peuples les plus prospères de notre continent.
J’ai déjà eu l’occasion de souligner les risques que l’on courrait si la richesse, l’influence, les moyens d’agir, les ressources financières étaient concentrés dans un groupe restreint d’Etats, que tous les autres seraient tentés de rejoindre à tout prix, sans préparation et en ordre dispersé.
Alors que je m’étais permis de les mettre en garde, il n’y a pas si longtemps, l’on m’a opposé une interprétation tendancieuse de mes propos, comme si je refusais l’apport de quelque pays d’Europe que ce soit. Telle n’est nullement ma pensée. Je voulais seulement dire qu’élargir la Communauté sans préparation et en ordre dispersé ce serait faire comme si les pays aujourd’hui, «contributeurs» nets de la Communauté, étaient disposés à faire davantage, ou le pouvaient, ou comme si les pays en question pouvaient supporter les contraintes extrêmement sévères que représente la vie communautaire sans voir disparaître leur authenticité, leurs biens, acquis tout aussitôt par les entreprises étrangères.
Il faut que nous nous préparions! Il faut que nous organisions les années à venir pour que nous nous retrouvions et pour que nous réussissions enfin cette confédération que j’appelle de mes vœux. Ne gâchons pas cette chance!
D’ici là, les Etats doivent se rencontrer, travailler ensemble sans que soit posée au départ la différence de statut.
C’est la raison pour laquelle j’ai pensé et dit que le Conseil de l’Europe pouvait être l’un des creusets – et s’il a de l’ambition et de la réussite, le creuset – de cette confédération qui me paraît si nécessaire.
En tout cas, le besoin existe et il ne peut que s’accroître. Le meilleur moyen d’avancer est de concevoir et, surtout, de mettre en pratique cette démarche confédérale sans laquelle rien ne pourrait se construire.
Mesdames, Messieurs, vous le savez pour chacun de vos pays comme je le sais pour le mien: le combat pour la démocratie n’est jamais achevé. Certains peuples sont déchirés par des aspirations contraires; des nationalismes dépassent le légitime amour de la patrie; des sectarismes réapparaissent, c’est-à-dire s’affirment dans le refus des autres; des exclusions menacent; la dispersion prend le pas sur l’idée d’unité. L’histoire de ce dernier demi-siècle – peut- être davantage – explique parfaitement ces mouvements de l’Europe.
Il faudra encore que passe quelque temps avant que chacun, ayant récupéré son identité, aborde avec audace la phase ultérieure qui consistera à tendre la main pour savoir de quelle manière on se réunira sur des bases que je ne saurais imaginer.
Il est vrai que, comme aveuglées par leur liberté reconquise, des ethnies, des communautés, parfois même des factions s’affrontent quand elles pourraient chercher le terrain de la paix. Alors, la paix s’éloigne et, avec elle, la prospérité. Le compromis est appelé compromission. Les revendications les plus simples à satisfaire dans une démocratie deviennent sources de conflits inextricables. On ne peut bientôt plus passer à un registre d’expression politique ordinaire et c’est le droit du plus fort qui prétend s’imposer.
Nous avons le plus grand, le plus urgent besoin de règles communes. Elles ont déjà été définies. Il faut maintenant qu’elles soient mises en application. Il faut que l’Europe libérée de ses graves atteintes au droit prête amitié et assistance à ceux qui en éprouvent encore le besoin.
Si l’Europe a quelque chose à dire au monde, c’est qu’il n’existe aucune fatalité à cet enchaînement; on peut le briser par l’attachement aux principes fondateurs, ceux-là mêmes qui sont votre raison d’être.
L’Europe meurtrie après tant de combats fratricides va-t-elle retrouver les raisons d’espérer dans cette référence, que nous avons inscrite dans le Statut même de votre Organisation, aux valeurs spirituelles et morales qui sont le patrimoine commun de ces peuples et qui sont à l’origine de la prééminence du droit, sur lesquelles on fonde toute démocratie véritable?
On ne peut pas s’y tromper, car ces principes sont clairs. On ne peut pas y échapper non plus. Dès lors qu’ils seront acquis, la voie sera ouverte à chacun pour participer à la construction de tous.
«Le plus grand péril qui menace l’Europe», écrivait Husserl en 1936, «c’est la lassitude». Eh bien, Mesdames, Messieurs, ne nous lassons jamais. Pour agir, il faut du courage, de la détermination, de l’imagination. J’espère et je veux croire qu’ici même ce sont des qualités qui fleuriront afin que, ensemble, vous soyez capables de mettre en œuvre cette grande espérance.
C’est pourquoi je vous y invite. Incarnez un peu plus chaque jour la grande idée de la Grande Europe. (Applaudissements prolongés.)
M. LE PRÉSIDENT
Monsieur le Président, croyez bien que cela a été pour nous une grande joie de vous avoir aujourd’hui parmi nous. Vos réflexions vont, à coup sûr, nous inspirer largement dans nos travaux en cours.
Pour vous remercier, pour que vous vous rappeliez tout le temps combien notre Assemblée, combien le Conseil de l’Europe ont besoin de la France et de son Président, et combien ils comptent sur eux, mes collègues m’ont demandé de vous offrir la médaille pro merito grâce à laquelle nous tenons à honorer nos amis les plus distingués.
Je me permets, à cette occasion, d’ajouter une remarque personnelle pour vous dire la joie et l’émotion que j’éprouve à pouvoir être celui qui vous remet ce souvenir au nom de l’Assemblée.
Nous sommes, vous et moi, Monsieur le Président, de ceux qui ont voué leur action politique à l’abolition des privilèges. Pourtant, il en est un dont nous pouvons, me semble-t-il, légitimement nous réjouir aujourd’hui. J’ai fait partie, il y a très longtemps, d’un petit groupe d’enfants espagnols qui ont pu mener à bout leur formation scolaire au lycée français à Madrid, juste à la fin de la seconde guerre mondiale. Je pus ainsi, malgré la dictature sévissant alors dans mon pays, apprendre les principes de la révolution mis à jour par les valeurs de la Résistance: liberté, égalité, fraternité, laïcité, démocratie, droits de l’homme.
J’eus ainsi, Monsieur le Président, grâce à la France, le privilège de devenir européen bien avant l’ensemble de mes compatriotes. J’eus ainsi le privilège de me battre avant bien d’autres pour ces valeurs qui sont l’essentiel de l’Europe que nous aimons, que nous voulons et à la base desquelles on retrouve presque toujours la pensée, voire la main de la France.
Encore une fois, merci, Monsieur le Président et, surtout, à très bientôt. (Applaudissements.)
(M. le Président de l’Assemblée se lève et remet à M. le Président de la République française la médaille pro merito.) (Applaudissements.)