Lorella

Stefanelli

Capitaine Régent de la République de Saint-Marin

Discours prononcé devant l'Assemblée

jeudi, 28 janvier 2016

Monsieur le Président, Monsieur le Secrétaire Général, Mesdames et Messieurs les parlementaires, permettez-nous avant toute chose de féliciter le nouveau Président de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, élu il y a de cela quelques jours, et de lui souhaiter de réaliser un excellent travail.

La Régence est particulièrement heureuse et honorée de venir, aujourd'hui, en visite officielle au sein de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, organisme qui incarne l’institution parlementaire européenne la plus ancienne. Nous sommes heureux de pouvoir nous adresser à cette assemblée. En effet, c’est quasiment toute l’Europe qui est réunie ici, avec ses représentants, ses différentes expressions culturelles et linguistiques. Cela témoigne de la vivacité de notre continent.

Nous souhaitons rendre hommage à cette institution européenne essentielle, à laquelle nous adhérons depuis plus de vingt-cinq ans. Nous souhaitons réaffirmer le partage total et la participation active de la République de Saint-Marin aux différentes décisions prises en faveur de la démocratisation des Etats européens. La tradition démocratique millénaire, fleuron de notre République, qui plonge ses racines dans l’histoire et la civilisation romaine, ainsi que dans l’histoire des autonomies de l’époque des communes, est aujourd'hui encore incarnée par les institutions que nous représentons.

« Nous assistons à une escalade des attaques envers les libertés. Il est donc plus nécessaire que jamais de lutter contre l’extrémisme et contre la radicalisation qui mènent au terrorisme »

Cette tradition nous permet de faire partie de cette grande famille européenne fondée sur les principes de la légalité, de la primauté du droit, de la défense des droits de l'homme et des libertés fondamentales, représentant ainsi une véritable contribution à ce consensus.

La Régence souhaite également rappeler la grande valeur de la Cour européenne des droits de l'homme, organe qui œuvre le plus pour la promotion des droits et des libertés fondamentales. La Cour ainsi que la Convention européenne des droits de l'homme constituent un système de protection des droits et des libertés fondamentales qui est unique de par son efficacité et de par sa force morale.

Il est essentiel de souligner que l’ordre juridique de Saint-Marin a transposé cette convention tout à fait unique, faisant d’elle une source supérieure. Ainsi, toutes les lois, tous les actes à caractère normatif ayant force de loi ainsi que les normes coutumières ayant force de loi doivent respecter les principes contenus dans la Convention européenne des droits de l'homme: il en va de leur caractère constitutionnel.

Permettez-nous également de souligner l’énorme valeur des différents organes qui constituent le Conseil de l’Europe, dont les représentants se rendent régulièrement dans notre République. Grâce à leurs recommandations et à leurs suggestions, ils permettent d’améliorer et d’adapter notre réglementation.

Nous souhaitons en particulier souligner l’importance du Groupe d’Etats contre la corruption, le Greco. Son président, Marin Mrcela, est intervenu, le 1er octobre dernier, lors de notre nomination aux postes de chefs de l’Etat, soulignant les énormes progrès effectués par notre République dans sa lutte toujours plus efficace contre la corruption. Cette haute reconnaissance constitue une stimulation supplémentaire, une incitation à poursuivre notre engagement dans ce domaine et à rester vigilants.

Nous sommes particulièrement fiers d’assister aujourd’hui à cette première partie de session de l’année 2016, car cela coïncide avec le dépôt par notre Etat de l’instrument de ratification de la Convention d’Istanbul. Ainsi, Saint-Marin démontre qu’elle a décidé de considérer la violence faite aux femmes comme une violation inhumaine et odieuse de l’intégrité personnelle, ainsi qu’une véritable blessure pour l’humanité tout entière. Nous entendons lutter contre cette violence avec toutes les armes du droit dont nous disposons.

Le récent et triste épisode de Cologne prouve qu’il faut rester particulièrement vigilant à l’égard de cette plaie sociale aberrante. Il faut dénoncer ces faits sans réserve, même lorsqu’ils sont perpétrés dans des Etats qui se veulent les défenseurs de l’intégration de cultures différentes.

Mesdames et messieurs les parlementaires, de nos jours, les droits de l'homme sont mis à rude épreuve. Les sociétés démocratiques doivent faire face à de véritables défis. Il est important de réaffirmer le rejet de la guerre en tant que moyen de résolution des conflits entre les Etats, en faveur de l’arme que représente le dialogue.

Il faut pouvoir répondre au phénomène des migrations de masse; il faut également savoir répondre, par le biais de politiques adaptées, au défi de la méfiance envers les institutions démocratiques découlant de l’incapacité partielle des gouvernements nationaux et supranationaux à répondre immédiatement et efficacement à la pauvreté, qu’elle soit récente ou plus ancienne, au chômage, en particulier au fléau du chômage des jeunes. La crise économique peut en effet mener à une crise des démocraties.

La situation actuelle qui, directement ou indirectement, touche le vieux continent tout entier, est caractérisée par des troubles et par l’émergence de critiques dont nous devons tenir compte. Elles doivent en effet nous inciter à une réflexion profonde au niveau politique, sous peine de saper les valeurs de nos sociétés, que nous pensions pourtant acquises.

Face aux importants défis auxquels est confrontée l’Europe, dans cette institution qui représente le foyer de la démocratie paneuropéenne, la Régence fait siennes les racines identitaires communes et a le sentiment d’appartenir fortement à cette institution. Ces racines représentent une source de débat, de réflexion et de partage grâce au dialogue démocratique permanent de l’Assemblée.

Nous assistons à une escalade des attaques contre les libertés. Il est donc nécessaire de lutter comme jamais contre l’extrémisme, contre la radicalisation qui mène au terrorisme: cela doit être la priorité de cette Organisation. En effet, ces phénomènes nient les valeurs fondamentales sur lesquelles se fondent les sociétés européennes, à savoir les droits de l'homme, la démocratie et la primauté du droit.

Dans chaque démocratie, certains se cachent derrière la religion pour mener des luttes insensées, pour atteindre des objectifs purement politiques. Les attentats terroristes qui ont sapé récemment les règles de cohabitation entre les peuples, tout en alimentant une haine sans égale, ne sont qu’une insulte à toute forme de spiritualité et d’humanité. Ils ne sont justifiés dans aucune des différentes religions, idéologies ou philosophies de vie.

Nous tenons à rappeler les attentats qui ont frappé l’année dernière les villes de Paris et de Tunis, et récemment encore au Pakistan. Nous présentons à nouveau nos condoléances aux familles des nombreuses victimes innocentes ainsi qu’aux Etats si cruellement touchés.

Nous nous trouvons face à un scénario effrayant et controversé, qui impose aujourd'hui au Conseil de l’Europe de relancer sans hésitation et de façon ferme l’adoption de mesures efficaces de nature à développer une conscience collective, à réactiver les valeurs du droit et du respect de la personne humaine ainsi que de nos valeurs collectives.

Ici, à Strasbourg, nous voulons adresser un véritable avertissement: nous sommes face à une urgence sans précédent qui touche tous les Etats, petits ou grands, et qui nécessite une intervention unie et concertée ainsi qu’une action coordonnée.

Nous devons utiliser les armes qui sont à notre disposition: la force du droit, l’éducation et la culture des peuples, seules et légitimes armes des pays qui se reconnaissent dans les valeurs du Conseil de l’Europe, afin de lutter contre l’extrémisme et la radicalisation.

Nous sommes en outre convaincus que ce n’est que par la promotion d’une véritable culture de paix et de respect de l’autre que nous pourrons faire face efficacement à cette funeste culture de mort et de violence construite sur la haine et l’intolérance. Ce respect de l’autre doit trouver ses racines dans la connaissance totale de soi-même et des valeurs, ainsi que de la tradition et de la culture.

En mai 2015, le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe a adopté à Bruxelles, à l’unanimité, un Plan d’action sur la lutte contre l’extrémisme violent et la radicalisation conduisant au terrorisme. Ont ainsi été couronnés de succès les efforts de l’Assemblée parlementaire et du Secrétaire Général. Suite à la décision adoptée après les attentats de janvier 2015 à Paris, des propositions concrètes ont été présentées, en particulier l’organisation de rencontres annuelles du Conseil de l’Europe sur la dimension religieuse du dialogue interculturel.

Depuis 2008, ces rencontres représentent un forum privilégié d’échanges et de dialogue sur les questions liées à la foi en Europe. Sarajevo, ville symbole du dialogue interreligieux et interethnique, a accueilli la huitième rencontre. Il y a entre autres été question de la recommandation 2080 adoptée le 30 septembre 2015 par votre Assemblée parlementaire dont le thème était: «Liberté de religion et vivre ensemble dans une société démocratique». C’est un des exemples qui prouve combien cette assemblée s’engage de façon concrète en faveur du dialogue et d’une paix durable.

Rappelons également l’intervention du Saint-Père dans cet hémicycle, le 25 novembre 2014. Le pape François a évoqué une Europe qui dialogue, qui fait en sorte que les différentes réflexions soient au service du peuple, harmonieusement uni.

Votre Assemblée parlementaire a condamné fermement le terrorisme à différentes reprises et souligné la nécessité de s’y opposer tout en respectant les droits de l’homme et les valeurs démocratiques. Il ne fait aucun doute que le Conseil de l’Europe doit poursuivre dans cette voie, car le problème du terrorisme est bien loin d’être réglé, tout comme il ne fait aucun doute que l’ensemble des forces démocratiques ont le devoir de s’opposer à la radicalisation et à la haine qui alimentent le terrorisme et l’extrémisme.

Nous sommes convaincus de la nécessité de renforcer les engagements en ce sens, entre autres par le biais d’initiatives de sensibilisation contre le racisme, la haine, l’intolérance. La Régence n’a pas hésité à promouvoir au sein de la République, au début de l’année dernière, la campagne contre les discours de haine, campagne née d’une alliance des parlementaires de tous les Etats représentés au sein du Conseil de l’Europe, car il est nécessaire de construire des sociétés inclusives qui fassent la part belle au dialogue interculturel et interreligieux.