Petro

Porochenko

Président de l’Ukraine

Discours prononcé devant l'Assemblée

mercredi, 11 octobre 2017

Monsieur le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe, Madame la Présidente de l’Assemblée parlementaire, Mesdames et Messieurs les membres de l’Assemblée, Mesdames et Messieurs, permettez-moi tout d’abord d’exprimer mes plus sincères félicitations à Mme Kyriakides pour son élection à ses hautes fonctions de Présidente de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe. Je suis heureux que cet événement coïncide pratiquement avec ma venue devant l’Assemblée, à Strasbourg. Ce genre de coïncidence symbolique n’est pas si fréquent, et lorsqu’il se produit, il a toujours un sens. Tel est le cas aujourd’hui. Cela s’est produit pour que je puisse vous souhaiter personnellement beaucoup d’inspiration, beaucoup d’énergie, beaucoup de réussite dans cette noble mission de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, et pour que vous puissiez sauvegarder les principes sur lesquels se fonde l’Assemblée. Principes sur lesquels il ne saurait y avoir le moindre compromis, encore moins avec ceux qui s’efforcent par tous les moyens de saper les valeurs universelles, les fondements même de notre coopération et de nos sociétés.

Permettez-moi d’exprimer ma gratitude pour votre invitation à m’exprimer devant vous, aujourd’hui. C’est pour moi un véritable honneur. Je suis l’un des vôtres, j’ai moi-même siégé sur ces bancs. Je me souviens parfaitement de la responsabilité que cela représente. Je suis conscient des responsabilités qui vous incombent, mes chers collègues, surtout dans le contexte actuel marqué par un populisme effréné, des cyber-attaques innombrables, des agressions armées directes et des campagnes de propagande très agressives.

En tant que Président de l’Ukraine, je compte sur votre soutien à mon pays, dans les circonstances extrêmement difficiles et dramatiques dans lesquelles nous nous trouvons aujourd’hui, contre notre volonté.

Voici trois ans, je me tenais, ici même, devant vous, dans cet hémicycle. En tant que chef d’État, je relatais les premiers jours de lutte contre l’agression russe. J’aurais souhaité aujourd’hui vous dire que cette agression contre mon pays est terminée. J’aurais souhaité vous dire qu’à l’intérieur des frontières de l’Ukraine reconnues par la communauté internationale, les actes militaires, l’occupation d’une partie de notre territoire souverain sont terminés. J’aurais voulu vous dire que la paix est progressivement revenue dans les territoires libérés, mis à mal par les agissements militaires de ceux qui continuent à nous dire: nous ne sommes pas présents dans le pays, nous n’y sommes pour rien. Hélas! trois ans après cette déclaration devant cette Assemblée, nous n’en sommes toujours pas là. Les raisons, nous les connaissons.

Mesdames, Messieurs les membres de l’Assemblée, quelque chose a-t-il changé depuis trois ans dans les actes et les comportements russes? Rien, absolument rien! Nous continuons, comme il y a trois ans, à chercher la réponse à l’agression russe, une agression qui s’est transformée en une attaque brutale non seulement contre l’Ukraine, mais aussi contre les droits de l’homme, au cœur même de l’Europe. La Fédération de Russie continue à fouler aux pieds les engagements qu’elle a pris, de même que Moscou continue à ignorer délibérément nos exigences persistantes, les demandes de la communauté internationale d’en revenir au respect du droit international.

Votre Assemblée s’est fait l’écho de ces demandes. Elle les a formulées dans un certain nombre de ses résolutions. Pourtant, la Fédération de Russie continue à prétendre qu’elle n’a rien à voir avec ces événements. Elle continue à ignorer délibérément tous ses engagements pris au terme des Accords de Minsk. Ses forces militaires sont toujours sur le territoire ukrainien, en Crimée, dans le Donbass. Du matériel militaire continue à être acheminé vers les entités illégales créées par la Fédération de Russie. Chaque jour, nous recevons des annonces de violations flagrantes des droits de l’homme dans les territoires occupés.

La libération des otages et des prisonniers politiques est au point mort. Je dois citer ici les noms d’Oleg Sentsov, d’Alexander Kolchenko, de Roman Suschenko et de bien d’autres.

Voici plus de deux ans que nous nous battons pour la libération d’Igor Kozlovsky, célèbre théologien âgé de 63 ans, qui est resté dans la zone occupée de Donetsk pour s’occuper de son fils malade. Idem pour Stanislas Aseyev, un journaliste âgé de 28 ans, qui n’a pas craint d’écrire la vérité sur la vie dans la région de Donetsk occupée. Ce qui est terrible, c’est que nous connaissons déjà plus de cent histoires d’otages ukrainiens. Pire, le nombre d’otages dans la région du Donbass ne cesse d’augmenter.

Des personnes sont pourchassées et capturées pour le seul crime d’être des citoyens de leur propre pays, l’État ukrainien. Elles sont arrêtées pour le motif cynique d’exercer un chantage sur l’Ukraine. L’Ukraine qui n’abandonnera jamais ses citoyens, que ce soit en Crimée, dans le Donbass ou dans les prisons russes.

Les répressions systématiques ont fait de la péninsule de Crimée un îlot d’absence de liberté et un territoire où règne la peur. Dans cette Crimée occupée, la Fédération de Russie applique les pires pratiques de l’appareil répressif soviétique. Toute personne qui ose rejeter la prétendue réunification avec la Fédération de Russie devient victime de détentions arbitraires, de poursuites, de tortures, d’exécutions extra-judiciaires et de traitement inhumains.

Tout récemment, le vice-président du Mejlis, Akhtem Chiygoz, a été condamné par les autorités d’occupation. C’est lui qui avait déclaré qu’aujourd’hui, en Crimée, les tribunaux condamnent ceux qui défendent les lois de leur pays, les normes et le règles internationales. Comment mieux décrire la situation en Crimée que ces paroles d’Akhtem Chiygoz dans sa déclaration finale devant ce prétendu tribunal?

Tout cela ne concerne pas que la Crimée, tout cela concerne l’Europe en tant que continent de la prééminence du droit et non pas de la règle du plus fort.

On pourrait citer le cas d’un autre vice-président du Parlement de Crimée; Ilmi Umerov. C’est un héros du peuple. Il a connu la psychiatrie répressive de la Fédération de Russie. Ces jours-ci, un tribunal d’occupation l’a condamné à deux ans de colonie pénitentiaire. Ce verdict rappelle immanquablement les parodies de procès de l’ère soviétique.

Tous ces crimes, toutes ces violations commis par les autorités d’occupation en Crimée montrent qu’à l’évidence, la Fédération de Russie, que l’Assemblée générale des Nations Unies a reconnue comme une puissance occupante, ne prête aucune attention à ses engagements internationaux. Dans ce contexte, permettez-moi de dire toute ma reconnaissance à l’Assemblée parlementaire et au Conseil de l’Europe pour l’attention particulière qu’ils continuent à accorder à la question de la Crimée.

Les nombreux appels lancés par les organes de surveillance du Conseil de l’Europe en matière de droits de l’homme pour avoir accès à la Crimée sont eux-mêmes très révélateurs, de même que la décision sans précédent prise au mois de mai par le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe sur la situation dans la République autonome de Crimée et dans la ville de Sébastopol, en Ukraine.

Mesdames, Messieurs, pour en revenir à la question que je vous posais tout à l’heure: la situation a-t-elle changé depuis ma dernière intervention devant vous, il y a trois ans, la réponse est «oui». Oui, car la coalition internationale qui soutient l’Ukraine et la prééminence du droit international s’est renforcée. Je suis très reconnaissant aux membres de l’Assemblée pour leur solidarité afin de protéger l’Ukraine contre l’agression russe dès le premier jour.

Le peuple ukrainien n’oubliera pas le soutien que ses amis lui ont offert dans les moments les plus difficiles de son histoire.

Il y a tout juste un an, votre Assemblée adoptait une résolution intitulée «Les conséquences politiques de l’agression russe en Ukraine», dont le texte dit: «Seuls des progrès notables et mesurables dans leur mise en œuvre pourront servir de base au rétablissement d’un véritable dialogue avec [l’Assemblée] dans le respect mutuel.» L’Assemblée s’est ensuite réservé – à juste titre – le droit de supprimer les pouvoirs de la délégation russe si la Fédération de Russie continuait d’occuper des territoires souverains de l’Ukraine.

Aucune des demandes formulées par l’Assemblée n’a été respectée par la Fédération de Russie. Et il ne s’agit pas ici simplement d’appliquer les recommandations d’un quelconque document: derrière les dispositions de ce document, ce sont la vie et le destin d’êtres humains qui sont en jeu.

Existe-t-il des raisons de revenir à des relations normales avec la Fédération de Russie, que ce soit au sein de cette Assemblée ou au sein d’autres instances internationales? En ce moment particulièrement difficile, soyons honnêtes avec nous-mêmes et les uns envers les autres: l’objectif de l’agression russe est de détruire la démocratie, les libertés et les droits de l’homme. Dans certains endroits, elle le fait avec des chars, dans d’autres, par de la désinformation; elle viole des principes fondamentaux du droit international lorsqu’elle ne préfère pas manipuler les esprits. Nous n’avons pas le droit d’échouer dans ce combat. Nous devons démontrer notre dignité.

Au cours des dernières années, les membres du Conseil de l’Europe ont eu l’occasion de comprendre toute la subtilité de la guerre de l’information menée par la Fédération de Russie. Nous avons vu comment le langage de la haine, de la violence, de la discrimination se dissimule sous les slogans qui en appellent à la liberté de parole: la Fédération de Russie essaie de retourner contre la communauté démocratique ses propres atouts.

En 1950, alors aux prises avec le défi lancé par l’Union soviétique à l’Europe démocratique, Sir Winston Churchill, l’un des pères idéologiques du Conseil de l’Europe, s’était adressé à cette Assemblée et avait reconnu que la Fédération de Russie avait à sa disposition «des occasions innombrables de créer des problèmes». Il avait également tenu des propos essentiels sur les perspectives de l’Assemblée: «Ou bien nous prouverons la valeur, l’importance et l’utilité que nous représentons pour l’Europe, ou bien nous échouerons». Ces paroles de sagesse doivent être présentes dans nos esprits. Et, sur cette base, je rejette ceux qui parlent de la situation en Crimée comme d’un fait accompli.

La tribune du Conseil de l’Europe n’a pas été inventée pour lancer des appels à l’apaisement, pas plus qu’elle n’a été créée pour lancer des appels à échanger les territoires contre de l’argent, du pétrole ou du gaz. Cela ne s’est jamais produit! Cette tribune, elle a été créée pour préserver nos valeurs et, lorsque cela est nécessaire, défendre nos principes fondamentaux. C’est le cas aujourd’hui: l’Europe se trouve de nouveau repoussée en arrière par Moscou et face aux mêmes réalités qu’évoquait Sir Winston Churchill voici près de 70 ans. C’est pourquoi la garantie de notre succès réside dans le renforcement de notre unité, de notre solidarité et de notre capacité de résistance.

Le respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de l’Ukraine est la condition de la paix et de la stabilité en Europe. L’Ukraine, comme toutes les personnes présentes dans cet hémicycle, veut la paix. En tant que chef d’État, je veux la paix pour l’Ukraine et pour l’Europe. Ce ne sont pas là des paroles creuses: l’Ukraine a prouvé à maintes reprises qu’elle était prête à assurer un règlement pacifique de cette situation créée artificiellement par la Fédération de Russie. Au cours de la seule année 2017, mon pays a mis en place des cessez-le-feu durables à trois reprises: à Pâques, au moment des récoltes, et lors de la rentrée scolaire. Mais les troupes d’occupation russes et leurs hommes de main ont, chaque fois, presque immédiatement violé ces cessez-le-feu.

La semaine dernière, le Parlement ukrainien a adopté une loi précisant les conditions d’un règlement pacifique de la situation dans certaines zones des régions de Donetsk et Lougansk. Nous espérons que la Fédération de Russie commencera enfin à tenir les engagements en matière de sécurité qu’elle a pris au titre des Accords de Minsk, nous permettant ainsi d’avancer dans le déploiement d’une opération de maintien de la paix par les Nations Unies dans le Donbass. C’est extrêmement important pour restaurer la paix dans mon pays.

J’en appelle à votre Assemblée pour qu’elle reste saisie de cette question du respect des droits de l’homme dans les régions occupées de la Crimée et du Donbass. Ce n’est qu’en restant très attentifs à la situation dans ces régions que nous pourrons faciliter les choses. J’en appelle aux parlementaires de cette Assemblée, mais aussi au Comité des Ministres, au Secrétaire Général, au Commissaire aux droits de l’homme et aux autres organes de contrôle, afin qu’ils redoublent d’efforts pour protéger les droits de l’homme et les libertés dans mon pays.

Mesdames et Messieurs, je reviens à nouveau à ma question. Des choses ont-elles changé depuis mon dernier discours, il y a trois ans? Oui. L’Ukraine a beaucoup progressé en termes de réformes, en dépit des difficultés et menaces posées par l’agression russe. Nous célébrons cette année le vingtième anniversaire de l’entrée en vigueur en Ukraine de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. En tant qu’État membre du Conseil de l’Europe, nous continuons à mettre en œuvre notre engagement et à rapprocher notre législation, nos institutions et nos pratiques des normes du Conseil en termes de droits de l’homme, de prééminence du droit et de démocratie. La semaine dernière, nous avons renforcé encore notre engagement dans la protection des droits de l’homme en ratifiant les protocoles additionnels nos 15 et 16 à la Convention européenne des droits de l’homme.

Je tiens à exprimer toute notre reconnaissance au Conseil de l’Europe, y compris à votre Assemblée, pour avoir soutenu et épaulé le processus de réforme en Ukraine. Son spectre est extrêmement large: il va du secteur financier et bancaire – tout notre système a été consolidé et fiabilisé – à la décentralisation, évoquée précédemment par la Présidente. En tant que Président, j’ai soutenu dès le début cette réforme de décentralisation, qui porte aujourd’hui ses premiers fruits. Le budget de développement des collectivités locales est aujourd’hui sept à dix fois plus important qu’auparavant et la décentralisation financée de manière de plus en plus importante.

Je me félicite en particulier que le plan d’action du Conseil de l’Europe pour l’Ukraine 2015-2017 ait été une réussite, et je suis fier que le Conseil de l’Europe parraine ces réformes. Les progrès qui ont été réalisés sont un résultat que nous avons atteint conjointement. J’espère que le nouveau plan d’action, qui est actuellement en préparation pour la période 2018-2021, sera encore plus ambitieux et rencontrera encore plus de succès. Nous pensons que c’est un outil essentiel pour aller de l’avant en matière de réformes. Car, de notre point de vue, ce front des réformes internes n’est pas moins important que le front russe.

Je me dois d’évoquer les mesures prises par mon pays pour combattre la corruption: nous avons mis en place des mécanismes et une infrastructure de lutte contre la corruption sans précédent. Nous avons créé un Bureau national de lutte contre la corruption, désigné un procureur spécialisé dans ces questions, et instauré une Agence nationale pour la prévention de la corruption. Ces trois organes sont indépendants, et les enquêtes qu’ils mènent peuvent concerner n’importe qui, y compris des ministres, des parlementaires et des gouverneurs et une longue liste de fonctionnaires. Ce système a déjà apporté des résultats positifs: pour preuve, nous entendons désormais parler de ces affaires beaucoup plus souvent. Mais la lutte contre la corruption ne se limite pas aux poursuites pénales: l’important est de mettre en place un système efficace pour prévenir cette maladie qui a rongé l’Ukraine pendant des années depuis son indépendance. À cette fin, nous avons mis en place une déclaration électronique des revenus, des dépenses, et des obligations financières des fonctionnaires. Cet outil, devenu l’un des plus efficaces dans la lutte contre la corruption, n’existe toujours pas dans un certain nombre d’autres pays. Nos initiatives pour renforcer la transparence vis-à-vis de la société et des électeurs sont donc très importantes.

Nous avons attaché une attention toute particulière à la déréglementation et à la réduction de l’influence des fonctionnaires, y compris par l’introduction de nouvelles technologies. Nous avons ainsi mis en place un système électronique absolument inédit, dénommé ProZorro, qui a porté ses fruits. Nous avons également adopté une stratégie de communication visant à prévenir et combattre la corruption. Elle permet d’instiller une culture anti-corruption dans toute la société.

On peut légitimement se poser la question: dans le domaine de la lutte contre la corruption, le verre est-il à moitié plein ou à moitié vide? Je vous dirai qu’il est précisément à moitié plein. Notre priorité stratégique suivante consistera à renforcer le pouvoir judiciaire et à faire en sorte qu’il bénéficie à nouveau de la pleine confiance de notre société.

Sur ce point, je suis très reconnaissant à l’égard du Conseil de l’Europe, qui n’a cessé de nous soutenir dans cette réforme essentielle que nous avons lancée ensemble en 2014. Les amendements à la Constitution concernant le pouvoir judiciaire ont été adoptés en 2016 grâce à l’aide très importante de la Commission de Venise: chaque mot de ses recommandations a été appliqué.

Les nouvelles lois relatives au système judiciaire, au statut des magistrats, au Conseil suprême de la justice, au Tribunal constitutionnel et au nouveau code de procédure ont été adoptées il y a quelques jours à peine, et elles me seront très rapidement soumises pour signature.

Tout cela a été réalisé en moins de trois ans. Comme l’a souligné la Commission de Venise dans l’avis qu’elle a rendu récemment, cette réforme a clairement pour objectif de reconstruire le système judiciaire ukrainien en conformité avec les normes du Conseil de l’Europe, afin de garantir la prééminence du droit en Ukraine. C’est une réforme de très grande ampleur, qui a permis d’insuffler un contenu nouveau au système judiciaire et qui nous a donné la possibilité de bâtir un pouvoir judiciaire véritablement indépendant, fondé sur les normes européennes.

Nous sommes en train de repenser entièrement notre système judiciaire. Nous avons commencé, sur mon initiative, en reconstruisant entièrement la Cour suprême, c’est-à-dire la plus haute cour de justice de l’Ukraine. Un appel à la participation de la société civile a été lancé: nous avons organisé un concours pour pourvoir les postes de juges. Parmi les lauréats, on trouve des juristes, des avocats, ou encore des militants des droits de l’homme qui n’avaient jamais servi comme juges, mais aussi les meilleurs juges d’Ukraine.

Toutes ces personnes sont passées par un processus de sélection extrêmement sévère, comprenant des tests professionnels mas aussi psychologiques, et ils ont dû passer devant l’Agence nationale pour la prévention de la corruption. Bien sûr, ils devront encore faire leurs preuves dans la pratique, mais ils composent certainement la meilleure cour constitutionnelle que nous ayons eue dans l’histoire de l’Ukraine. Le Conseil supérieur de la justice a pris la décision de présenter 111 candidats à ces postes de juges à la Cour suprême, et le processus va bientôt arriver à son terme.

Avec l’avènement de cette nouvelle Cour suprême et le renouvellement du système judiciaire, nous avons atteint le point de non-retour dans le processus de réforme de la justice.

Je sais que la création du tribunal anti-corruption a tout particulièrement attiré l’attention. Ce tribunal a été institué par la loi relative au pouvoir judicaire et au statut des juges, adoptée l’année dernière par le parlement. La Commission de Venise s’est félicitée de cette initiative, soulignant la nécessité d’un organe judicaire dédié à la lutte contre la corruption entièrement indépendant. Nous sommes en train de réfléchir à la meilleure manière de mettre en place cet organisme revêtant une importance vitale. Pour ce faire, il faut garder à l’esprit le contenu de la réforme qui a permis sa création. Les efforts consacrés à la mise en place de ce tribunal aboutiront à condition que quatre éléments soient réunis.

Premièrement, la législation doit être conforme à la Constitution ukrainienne. Deuxièmement, la commission qui sera appelée à désigner les juges doit être indépendante et neutre politiquement, sans aucun parti pris. Troisièmement, il faut que les candidats correspondent aux normes les plus élevées en termes de professionnalisme et d’intégrité. Quatrièmement, ce tribunal nouvellement créé doit avoir la pleine confiance de la société.

Un certain nombre de questions concernant le texte de loi ont été soulevées au sein de notre parlement, la Verkhovna Rada. L’une d’entre elles concerne l’influence que pourraient avoir certains organes politiques sur la création d’un tel tribunal, notamment le ministre de la Justice et le Président. La réforme du pouvoir judiciaire que j’ai engagée vise précisément à créer un système judiciaire totalement indépendant du pouvoir exécutif et des autorités politiques.

En outre, l’avis rendu récemment par la Commission de Venise a clairement montré que toute influence politique, s’agissant de la création d’un tribunal destiné à lutter contre la corruption, est absolument inacceptable: ce serait en contradiction totale avec les normes européennes et avec le principe même de la réforme constitutionnelle, puisqu’il s’agit justement d’assurer l’indépendance complète du pouvoir judicaire par rapport au pouvoir politique.

C’est la raison pour laquelle il est indispensable que toutes les forces politiques démocratiques et la société civile s’unissent et travaillent ensemble, avec l’aide d’experts internationaux, pour préparer une version consolidée du projet de loi, qui sera soumise au parlement.

Outre la création d’un tribunal destiné à lutter contre la corruption, la principale tâche à laquelle nous sommes confrontés en Ukraine consiste à veiller à ce qu’une procédure équitable soit garantie dans le cadre du nouveau système judiciaire. C’est l’ensemble du système judiciaire ukrainien qui doit aujourd’hui être prêt à combattre la corruption. C’est une condition indispensable pour rétablir la confiance et pour renforcer l’unité de notre société.

À cet égard, nous comptons sur l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe pour renforcer la société civile en Ukraine, sur la base de la mise en œuvre des normes démocratiques, du soutien de la diversité culturelle et du renforcement des institutions sociales.

Je voudrais, sur ce point, appeler votre attention sur la loi relative à l’éducation, qui a été politisée de manière déraisonnable. En matière d’éducation, ma position est claire: la qualité de l’éducation est déterminante pour l’avenir et la sécurité de la nation. Par conséquent, c’est un domaine qui doit faire l’objet de réformes. La nouvelle loi que nous avons adoptée constitue une partie très importante de la réforme éducative dans laquelle nous nous sommes engagés. Elle vise à préserver l’égalité des chances pour tous. Sur ce sujet, je serai parfaitement clair: il s’agit de garantir l’égalité des chances de tous les enfants, de tous les élèves, quels que soient leur origine, leur lieu de résidence ou leur nationalité.

Il est inacceptable que des enfants appartenant aux minorités nationales en Ukraine ne connaissent pas la langue ukrainienne. La maîtrise de cette langue est indispensable pour poursuivre sa formation à l’université, mais aussi en vue d’une carrière professionnelle – notamment pour accéder à la fonction publique – et, plus largement, pour réaliser pleinement son potentiel en Ukraine. La loi en question vise précisément à régler ce problème: le parlement a souhaité améliorer l’apprentissage de la langue ukrainienne dans les écoles maternelles et primaires, pour permettre à chacun d’étudier ensuite la langue officielle dans la suite de sa formation. Dans le même temps, la loi garantit le droit de chacun d’apprendre sa langue maternelle à l’échelon requis.

Je vous rappelle que la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, adoptée ici même, à Strasbourg, il y a 25 ans, précise bien que tous les engagements concernant les minorités nationales doivent être mis en œuvre sans préjudice de l’enseignement de la langue ou des langues officielles de l’État. Les dispositions de la Charte doivent être appliquées par tous les signataires.

Je puis vous assurer que, conformément à la législation nationale et aux engagements internationaux de l’Ukraine, nous préserverons les droits linguistiques, y compris le droit d’étudier dans sa langue maternelle. Mais, dans le même temps, nous offrirons à chacun la possibilité d’apprendre comme il convient la langue officielle de notre pays, qui est l’ukrainien.

La meilleure preuve de cet engagement est notre décision de soumettre le projet de loi et l’article mis en cause à la Commission de Venise pour avoir un avis indépendant. Ce sont les instructions que j’ai données aux ministres de l’Éducation et des Affaires étrangères. Les conclusions de la Commission de Venise permettront de lever toute controverse sur l’interprétation de cette loi dont l’objet est de faire en sorte que toutes les minorités nationales trouvent dignement leur place dans une société ukrainienne disposée à les intégrer. Je suis persuadé qu’en mettant en œuvre et en respectant l’avis de la Commission de Venise dans notre nouvelle loi sur l’éducation, nous y parviendrons.

Mesdames et Messieurs, l’Ukraine est un parfait exemple de nation, mais nous devons combattre sur deux fronts à l’heure actuelle: tout d’abord, nous devons combattre l’agression militaire externe afin de rétablir notre souveraineté et intégrité territoriale; puis, nous devons nous battre sur le front de ces réformes, qui sont complexes et difficiles. On dit parfois qu’il est impossible de réformer en temps de guerre, mais nous prouvons par l’exemple que cela est possible, et nous le faisons en toute responsabilité.

Le moment marquant a été celui de la révolution de la dignité, qui s’est produite à la fin de l’année 2013 et au début de l’année 2014. Il est extrêmement symbolique qu’au cours de cette visite à Strasbourg, j’aie l’occasion d’inaugurer l’étoile des 100 héros célestes dans l’allée des étoiles ici à Strasbourg. Cette étoile sera dédiée aux héros de la «révolution de la dignité» qui ont sacrifié leur vie pour nous donner le droit de bâtir un pays respectant le modèle européen. C’est une façon de rendre hommage à ces héros qui ont fait de l’avenir européen de l’Ukraine une raison de vivre. C’était leur motivation pour combattre l’ancien régime et donner suite aux espoirs de transformation de notre pays. En inaugurant cette étoile des 100 héros célestes, nous commémorerons leur contribution à l’histoire de l’Ukraine et à l’histoire de l’Europe. Face à leur sacrifice, notre devoir commun est de l’emporter sur les deux fronts que je mentionnais afin de renforcer les valeurs communes européennes dans une Europe pacifique, stable et prospère.

Nous y parviendrons, j’en suis persuadé, grâce à notre unité et à notre solidarité et je vous remercie, Mesdames et Messieurs, de votre soutien et de la confiance que vous placez en mon pays.

Gloire à l’Ukraine, gloire à l’Europe!

LA PRÉSIDENTE (interprétation)

Monsieur le Président, je vous remercie de votre discours qui a vivement intéressé les membres de notre Assemblée.

Un nombre important de collègues ont déjà exprimé le souhait de vous poser une question. Je leur rappelle que les questions ne doivent pas dépasser 30 secondes, qu’ils doivent poser une question et non prononcer un discours.

Pour commencer, nous entendrons les porte-parole des groupes.

M. KORODI (Roumanie), porte-parole du Groupe du Parti populaire européen (interprétation)

Monsieur le Président, vous avez déjà abordé le sujet de la Crimée, je vous poserai donc une question sur un autre sujet.

Pour avoir suivi l’évolution récente dans votre pays, nous souhaitons revenir sur la loi relative à l’éducation qui limite l’enseignement dans les langues régionales et minoritaires. En tant qu’État membre, vous devez respecter les engagements que vous avez acceptés lors de votre adhésion, y compris la protection des minorités. Pourquoi avez-vous promulgué cette loi en dépit des critiques adressées par vos pays voisins, mais également par des organisations internationales et des ONG, sachant que vous avez d’importantes minorités ethniques sur votre territoire?

M. Porochenko, Président de l’Ukraine (interprétation)

S’agissant de cette loi sur l’éducation, j’ose affirmer que, dans le cadre des réformes, notre système éducatif est essentiel. Il est un investissement dans notre avenir. Les écoles ukrainiennes ont réalisé de très grandes choses, mais nous voulons les moderniser pour les rendre conformes aux normes qui correspondent au monde actuel.

Un des articles de cette loi critiquée par nos partenaires européens a pour objet de promouvoir l’enseignement de langue ukrainienne dans tous les domaines de la vie publique tout en garantissant le développement de l’utilisation des langues minoritaires. Mais peut-on imaginer que des élèves d’écoles en Angleterre, en Allemagne ou en France ne parlent pas respectivement l’anglais, l’allemand et le français? Comment pourraient-ils survivre dans ces pays? Peut-on imaginer que 75 % des enfants ayant achevé l’enseignement obligatoire échouent à l’examen d’ukrainien tout simplement parce qu’ils ne comprennent pas cette langue? Comment pourraient-ils ensuite chercher un emploi, s’adresser à des services publics ou continuer à travailler en Ukraine? Ce serait une discrimination à l’égard de ces enfants. Pour faire face à de telles situations et sans jamais critiquer en quoi que ce soit les langues minoritaires que nous encourageons déjà, nous invitons donc les enfants à apprendre l’ukrainien – et ce, pour protéger leurs droits et les protéger de la discrimination.

Nous sommes tout à fait ouverts au dialogue. Nous avons adressé le projet de loi pour analyse à la Commission de Venise et nous sommes disposés à appliquer les résultats de cette analyse dans notre loi sur l’enseignement secondaire. Nous attendons donc pour légiférer dans ce domaine particulier de l’enseignement secondaire de voir ce que nous dira la Commission de Venise. Nous sommes prêts à coopérer.

Permettez-moi maintenant de vous donner quelques exemples. Je suis né dans une région située au centre de l’endroit où se trouve la minorité bulgare en Ukraine. Je parlais le bulgare. Je suis ensuite allé vivre ans une ville où habite une minorité roumaine. Je parle aussi le roumain. Puis, lorsque j’ai travaillé à Kiev avec nos collègues polonais, j’ai appris le polonais. Je parle également couramment l’anglais, le russe et, bien sûr, l’ukrainien. Tout cela m’a offert beaucoup d’opportunités. C’est ce que je veux aussi pour les minorités de mon pays. Personne ne peut être opposé au fait d’être bilingue, trilingue, comme c’est le cas dans d’autres pays.

À l’article 7, nous garantissons aux enfants de pouvoir apprendre des langues européennes, dont le hongrois, le polonais, le roumain, le bulgare et d’autres, pas uniquement l’anglais ou le français. Pour ce qui des chiffres, à l’heure actuelle, 60 % de l’enseignement peut se faire dans la langue minoritaire et 40 % en ukrainien et, à partir de la douzième année d’étude, la proportion s’inverse. Cela vaut pour l’enseignement de la langue elle-même, mais aussi pour celui de certaines matières enseignées dans les langues minoritaires.

Telle est la réalité de la situation. Il faut donc dépolitiser les choses et être prêt à coopérer de façon ouverte.

J’ai demandé à la ministre de l’Éducation de mon gouvernement de venir ici, à Strasbourg. Des entretiens ont déjà eu lieu et la ministre Lilia Grinevitch sera, j’en suis certain, prête à vous entendre et à prendre des mesures sur les sujets qui vous préoccupent. Nous sommes ouverts, nous sommes Européens. Nous appliquons tous les critères de la Convention et ensemble nous pouvons résoudre tous les problèmes, y compris celui-là.

Mme BARNETT (Allemagne), porte-parole du Groupe des socialistes, démocrates et verts (interprétation)

Merci, Monsieur le Président, pour votre allocution très intéressante. Cependant, des problèmes intérieurs à votre pays demeurent. Êtes-vous entravé dans la mise en œuvre des Accords de Minsk, en particulier dans le Donbass? Si oui, que comptez-vous faire pour surmonter les obstacles?

M. Porochenko, Président de l’Ukraine (interprétation)

Votre question est capitale pour bien comprendre la situation actuelle. En février 2015 et en septembre 2014, nous avons signé les Accords de Minsk qui contenaient deux chapitres: la sécurité et la politique. D’une part, nous avons voté l’amnistie et, d’autre part, sur le plan politique, nous avons défini au parlement, notamment pour Donetsk et Lougansk, la zone occupée. Nous avons également modifié la Constitution.

Nous avons mis en place 95 % du paquet politique et notamment les mesures de sécurité et le cessez-le-feu; or il ne se passe pas un jour sans qu’il y ait des tirs, que nous payons au prix fort: plus de 2 700 soldats ukrainiens et 7 000 civils ont trouvé la mort.

Nous demandons donc le cessez-le-feu et le retrait de tous les combattants étrangers, y compris russes, des zones occupées. Nous demandons, en fait, que soient appliquées les obligations acceptées dans le cadre du processus de Minsk.

Tant que des troupes étrangères seront sur notre sol – les troupes russes et leurs complices notamment –, comment voulez-vous que nous organisions des élections conformes aux normes internationales? Avec des gens en armes dans les rues, comment assurer un scrutin libre et équitable dans les zones occupées? Comment organiser une campagne quand aucun parti ukrainien, aucun média ukrainien, aucune commission électorale ukrainienne, quand personne ne peut y contribuer? Il en va de même pour le faux référendum que d’aucuns souhaitent voir se dérouler en Crimée.

Nous demandons donc, dans un premier temps, la mise en place du paquet sécurité, ainsi que la libre circulation de tous les observateurs, la libération des otages qui, actuellement, sont aux mains d’une seule personne: Poutine. D’où l’importance du maintien de la solidarité et de l’unité, mais également de notre détermination.

En vertu de mon statut de Président, j’ai saisi, la semaine dernière, le parlement de deux projets de loi très importants: le premier porte sur la réunification du pays, le second sur la poursuite du régime spécial. En effet, en 2014, nous pensions que le problème serait résolu rapidement. Le parlement est favorable à ces mesures, ce qui montre que l’Ukraine est unie et capable de mettre en œuvre ses obligations. Ce dont nous avons besoin, je le répète, c’est de l’unité et de la solidarité de la communauté internationale. Et puis, bien évidemment, d’une attitude responsable de la Fédération de Russie.

J’étais à New York et nous nous sommes mis d’accord sur une initiative permettant une intervention des Casques bleus de l’Onu; qui peut se déclarer contre une telle initiative qui sécuriserait le territoire? Et la communauté internationale pourrait ainsi se rendre compte, le cas échéant, de la présence de troupes russes.

Nous avons besoin de restaurer la paix, de cesser de tuer des Ukrainiens et de rétablir la loi et l’ordre. Je remercie toute l’Assemblée pour son soutien déterminé au cours de toutes ces années.

Mme GILLAN (Royaume-Uni), porte-parole du Groupe des conservateurs européens (interprétation)

Monsieur le Président, au nom de mon groupe, je vous félicite pour votre déclaration précise et directe.

Les actions illégales de la Fédération de Russie en Crimée vont empoisonner les relations avec l’Union européenne pendant des années.

Comment envisagez-vous le rôle du Conseil de l’Europe et de l’OSCE? Quel est votre sentiment sur un référendum en Crimée présentant trois choix à la population: une Crimée rattachée à l’Ukraine, son rattachement la Fédération de Russie ou une Crimée semi-autonome sous supervision de l’Onu?

M. Porochenko, Président de l’Ukraine (interprétation)

Je suis disposé à accueillir toutes les propositions conformes à la Constitution ukrainienne. Notre Constitution prévoit le référendum, à l’échelle locale et nationale. L’intégrité territoriale et la souveraineté sont de compétence nationale. Mais, avant de lancer quelque processus démocratique que ce soit, la Crimée, annexée illégalement par la Fédération de Russie en 2014, doit d’abord repasser sous souveraineté ukrainienne. Faire un référendum alors que cette région est sous occupation russe, c’est comme si un référendum avait été organisé sur le territoire tchèque en 1938! C’est impossible. Cela n’a rien à voir avec la démocratie!

Nous ne sommes pas en train de vendre ou d’acheter la Crimée; cela n’a rien à voir avec de l’argent, du pétrole, du gaz ou quoi que ce soit d’autre. Il s’agit d’appliquer la loi et l’ordre en Europe, il s’agit d’une question de sécurité, en Europe et dans l’ensemble du monde. Car il faut bien comprendre que l’annexion illégale de la Crimée par la Fédération de Russie a détruit tout ce qui avait été élaboré par l’Onu.

En effet, la Fédération de Russie, les États-Unis, le Royaume-Uni, la France et la Chine garantissaient notre souveraineté territoriale dans le mémorandum de Budapest, depuis que nous avons renoncé à l’un des plus grands arsenaux nucléaires dans le monde. Pensez-vous que si nous détenions toujours cet arsenal, la Fédération de Russie nous aurait attaqués? J’en doute.

Nous ne demandons pas à disposer à nouveau de cet arsenal, bien au contraire, nous pensons que le système de non-prolifération contribue à une certaine sécurité au niveau mondial. C’est une autre raison pour laquelle nous avons besoin d’unité et de solidarité. Je remercie d’ailleurs le Royaume-Uni pour son soutien.

Mme BRASSEUR (Luxembourg), porte-parole de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe (interprétation)

Monsieur le Président, je vous souhaite à nouveau la bienvenue au Conseil de l’Europe; j’ai eu le plaisir et l’honneur de vous recevoir il y a 3 ans.

Dans votre remarquable allocution, vous avez évoqué la lutte contre la corruption, l’un des principaux défis que vous ayez à relever. Vous avez également évoqué la Commission de Venise qui a déclaré que la disposition devait être retirée et que vous deviez présenter un nouveau texte pour pouvoir créer un organe de lutte contre la corruption.

Vous avez indiqué que vous comptiez le faire. Avez-vous la majorité pour cela à la Verkhovna Rada? Et disposez-vous des bonnes personnes pour ensuite mettre en œuvre une loi aussi importante?

M. Porochenko, Président de l’Ukraine (interprétation)

Permettez-moi tout d’abord, Madame Brasseur, de vous remercier pour l’accueil très chaleureux que vous m’avez réservé, à moi et à mon peuple, il y a trois ans. Il est gravé dans ma mémoire. Je remercie toute l’Assemblée parlementaire pour son hospitalité.

Je pense que nous avons une majorité parlementaire favorable au tribunal anti-corruption. Mais le diable est dans les détails, y compris au parlement. C’est pourquoi je souhaite que l’ensemble du parlement, et non seulement la coalition de la majorité, vote pour la création de ce tribunal. La corruption est un cancer dans tout le pays. Le Parlement devra trouver un compromis, qui me sera ensuite présenté. Nous pourrons ensuite avancer.

Il va falloir travailler dur. Mais nous avons déjà beaucoup avancé en trois ans, beaucoup légiféré, et de façon remarquable. Tous les membres du parlement et tous les gouverneurs doivent indiquer les biens qu’ils possèdent, ce dans le cadre de la loi anti-corruption. Voilà le prix à payer. Le bureau national anti-corruption a pu enquêter sur certains membres du Gouvernement et élus en toute indépendance. Nous devons concentrer nos efforts pour que le Parlement puisse trouver une solution de compromis. Je crois profondément en mon Parlement, qui a engagé d’excellentes réformes. Il a toute ma confiance. Je suis sûr qu’il sera à même de voter un texte pour que ce tribunal soit créé. Le terme de «tribunal anti-corruption» est apparu pour la première fois dans le cadre du projet de loi que j’avais moi-même déposé, et qui est entré en vigueur depuis. Je suis donc très optimiste sur cette question.

Je souhaite remercier encore un fois la Commission de Venise. Elle joue un rôle crucial dans la réforme du système judiciaire. Elle examine tous nos projets de loi. Nous avons confiance dans le Conseil de l’Europe et dans la Commission de Venise, et le Conseil de l’Europe et la Commission de Venise ont confiance en nous. Cette coopération est très précieuse.

M. KOX (Pays-Bas), porte-parole du Groupe pour la gauche unitaire européenne (interprétation)

En 2014, vous nous aviez dit que la seule solution à la question ukrainienne était le dialogue pacifique. En 2015, le Comité des Présidents était à Kiev; vous avez alors rappelé cette devise: «Solution pacifique, pas d’option militaire.» Nous sommes désormais en octobre 2017: il n’y a malheureusement toujours pas de dialogue pacifique avec les citoyens de l’Est de votre pays. Vous accusez les Russes, qui sont certainement en partie responsables. Vous vous étiez cependant engagé à initier un dialogue paisible et pacifié avec cette partie de votre pays, pour trouver une solution.

M. Porochenko, Président de l’Ukraine (interprétation)

Depuis notre rencontre en 2014, deux tiers du territoire du Donbass ont été libérés. Dans toutes les villes et les villages libérés, là où il n’y a pas de soldats russes, il n’y a pas de problème. Nous investissons pour rétablir les infrastructures, avec des partenaires divers. Je me suis rendu dans le Donbass pour inaugurer des écoles, des ponts, des routes et des jardins d’enfants. Le dialogue se passe très bien.

Mais dans les territoires occupés, comment dialoguer? La seule condition préalable au dialogue est le retrait des troupes russes. Dès lors, il n’y aura pas de conflit. Depuis le début du conflit, les Russes présentent le problème comme une guerre civile. Or, nous savons bien que les troupes russes sont présentes sur le terrain, et que la Fédération de Russie y mène une guerre hybride et fomente troubles et provocations.

Nous parlons du sort de millions de personnes, qui vivent dans des conditions déplorables: le chômage est endémique, les personnes âgées survivent à peine, les enfants n’ont qu’un accès très limité à l’éducation, la pauvreté a pris des proportions dramatiques. L’idée d’avoir à continuer à vivre dans ces conditions fait horreur à la population. Voilà pourquoi nous demandons l’application des Accords de Minsk, et en particulier de son volet sécuritaire. Je suis certain que, dès que les Casques bleus pourront se déployer, dès que le paquet sécuritaire sera mis en place, un dialogue tout à fait harmonieux avec la communauté locale sera établi, tout comme à Slovyansk, Kramatorsk, Marioupol, etc., où la loi et l’ordre sont rétablis. Il n’y a pas de raison qu’il y ait des troubles. Nous devons montrer notre unité et notre solidarité.

LA PRÉSIDENTE (interprétation)

Monsieur le Président, je vous remercie pour votre longue allocution, et pour tous les renseignements que vous nous avez fournis sur l’avancement des réformes dans votre pays. Je vous remercie de vos engagements pour la réforme de la justice, pour la lutte contre la corruption, pour offrir les meilleures normes possibles tout en promouvant la décentralisation. Je vous remercie aussi de la main tendue pour trouver une solution pacifique dans le Donbass. Voilà un pas dans le bon sens. Il faut en effet que les combats cessent pour que l’État de droit et les droits de l’homme puissent être appliqués. Les Accords de Minsk doivent donc être totalement appliqués. Au nom de l’Assemblée, je vous remercie pour votre allocution et vos réponses aux parlementaires, et souhaite beaucoup de succès à votre pays.