Gro Harlem

Brundtland

Premier ministre de Norvège

Discours prononcé devant l'Assemblée

jeudi, 4 février 1993

(traduction)

Monsieur le Président, je voudrais tout d’abord vous dire combien je me réjouis de me trouver ici, et vous remercier de votre aimable accueil. C’est pour moi un privilège de m’adresser à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe — ce foyer de culture politique européenne. Je sais à quel point les parlementaires de mon pays considèrent Strasbourg comme une source d’inspiration et un lieu de partage d’expériences et d’apprentissage.

Au sortir de la grande tragédie qu’avait vécue l’Europe, les membres fondateurs du Conseil de l’Europe s’étaient donné pour but d’affermir ce patrimoine commun que sont les valeurs européennes. Pour eux, le rapprochement de nos pays, fondé sur le respect des libertés individuelles et la prééminence du droit, devait être une première ligne de défense contre la résurgence de terribles conflits nationalistes entre les pays d’Europe.

Pendant plus de quarante ans, cette Organisation a été un des phares de la civilisation européenne et nous a bien servis. Dans le domaine des droits de l’homme, notamment, nous avons mis en place un réseau élaboré de fonctions judiciaires et d’organes de contrôle pour protéger les faibles et empêcher l’arbitraire.

Mais, alors que le Conseil voulait s’ouvrir à toute l’Europe, l’oppression s’abattait sur des millions d’hommes et de femmes, tout aussi européens que les Occidentaux. Cela ne pouvait durer: les nouveaux systèmes se révélaient incapables de satisfaire les aspirations économiques, politiques et culturelles des peuples. Des droits inaliénables étaient foulés aux pieds. Nos ambitions, dans ce monde contradictoire, ont été fort bien résumées, il y a une cinquantaine d’années, par Ernest Bevin, ministre britannique des Affaires étrangères. Alors qu’on lui demandait quels étaient les objectifs de sa politique, il répondit simplement: «Je veux pouvoir me rendre à Victoria Station et acheter un billet pour n’importe quel endroit du monde.»

Cependant, l’effondrement du communisme et des régimes totalitaires a ouvert de nouvelles voies pleines de promesses. Passé le premier élan d’enthousiasme, nous nous retrouvons devant une réalité difficile, pour ne pas dire brutale. Nous devons faire face à des problèmes nouveaux et différents, qui, parfois, occultent les progrès déjà accomplis et les succès obtenus.

Il est significatif qu’une des premières démarches des nouvelles démocraties d’Europe centrale et orientale ait été de se tourner vers le Conseil de l’Europe pour un jour participer pleinement à la coopération européenne.

En répondant de façon souple et innovatrice aux besoins de ces pays membres nouveaux ou à venir, le Conseil de l’Europe a montré sa capacité à s’adapter à la nouvelle situation. Une des grandes priorités de notre Organisation durant les années à venir devra être de mettre généreusement ses ressources et ses compétences à la disposition de ces pays.

A terme, l’adhésion la plus large possible aux principes qui sont le fondement même du Conseil de l’Europe — c’est-à-dire respect des droits de l’homme, de la démocratie et de la prééminence du droit — ne peut qu’être profitable à tous.

Presque tous les grands champs d’activité du Conseil de l’Europe touchent directement le fonctionnement des sociétés démocratiques. Par exemple, l’égalité des droits et des chances des femmes relève du domaine des droits de l’homme. Les travaux du Conseil de l’Europe sur cette importante question sont du plus haut intérêt et doivent se poursuivre.

En matière de coopération intergouvemementale, que ce soit sur des questions de droit, d’éducation et de culture, d’activités de jeunesse ou de gouvernement local et régional, le Conseil de l’Europe a prouvé qu’il avait un grand rôle à jouer.

Le Conseil de l’Europe combine coopération intergouvemementale et coopération parlementaire et se fonde sur un ensemble de conventions qui portent sur des questions touchant, elles aussi, directement le fonctionnement de la démocratie. Il permet ainsi une approche globale et approfondie des grands problèmes que suscitent les changements en cours en Europe.

Pour faciliter le plus possible le passage de l’affrontement Est-Ouest à la coopération Est-Ouest, toutes les organisations régionales – Conseil de l’Europe, CSCE, Conseil de coopération de l’Atlantique Nord et Communauté européenne – devront unir leurs efforts. Ces institutions doivent donc concevoir leurs relations en termes de complémentarité, et non de rivalité, et joindre leurs forces pour affermir les fragiles fondations de l’Europe d’après la guerre froide.

Monsieur le Président, la crise en ex-Yougoslavie est le conflit le plus grave qu’ait connu l’Europe depuis la deuxième guerre mondiale et c’est, de plus, une épouvantable tragédie pour ceux qui en sont victimes. J’irai jusqu’à dire que toute l’Europe en est victime. A notre porte se déroule un conflit armé, porteur de destruction et d’immenses souffrances humaines, et nous ne savons qu’y faire.

Malgré tous les efforts de l’ONU, de la CEE et de toute la communauté internationale, les combats en Bosnie-Herzégovine se poursuivent sans faiblir, mettant même cruellement en échec nos tentatives de porter quelque aide humanitaire aux populations civiles. La reprise des hostilités en Croatie entraîne un grave danger d’escalade, en dépit de la Résolution 802 du Conseil de sécurité qui appelle au cessez-le-feu et au respect des activités de l’ONU.

Les négociations de Genève, présidées par Cyrus Vance et Lord Owen, représentent peut-être la seule chance de régler ce conflit par des moyens politiques. Reste le problème épineux de savoir comment faire pression sur les parties et les persuader d’adopter le plan de paix.

Un des aspects les plus accablants de ce conflit est l’ampleur des violations flagrantes des droits de l’homme et du droit international. Nous sommes témoins de pratiques intolérables, comme la purification ethnique, le bombardement aveugle de villes assiégées, la torture et le meurtre de prisonniers dans les camps, sans compter cet outrage à l’humanité qu’est le viol collectif, notamment de femmes musulmanes.

Depuis la deuxième guerre mondiale, jamais l’Europe n’avait connu de telles atrocités. A l’Assemblée générale de l’ONU, en septembre dernier, j’ai plaidé en faveur de la création d’un tribunal international pour poursuivre tous les responsables des crimes de guerre actuellement commis. Cette idée n’a guère suscité d’enthousiasme au début, mais la situation semble évoluer.

Nous devons maintenant appuyer les efforts déployés par l’ONU et la CSCE pour définir les conditions de création de ce tribunal. Lord Owen a suggéré, ici même, d’intégrer, avec l’aide du Conseil de l’Europe, un mécanisme spécial de protection des droits de l’homme dans la nouvelle Constitution de la Bosnie-Herzégovine et, peut-être, dans celle d’autres Etats également. Il ne faut pas se leurrer sur la difficulté qu’il y aura à amener les responsables devant la justice. Mais nous devons proclamer sans équivoque qu’il y a des limites à ce que nous pouvons tolérer, à ce que nous tolérons.

Sans cesser de condamner les atrocités qui sont commises, nous devons continuer à donner priorité à l’aide humanitaire aux populations civiles, notamment aux réfugiés et aux personnes déplacées. A cet égard, le manque de respect des belligérants pour les convois d’aide du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés est extrêmement préoccupant. Il faut se féliciter qu’on ait pu renforcer la protection de ces convois.

La Norvège accorde beaucoup d’importance à l’aide humanitaire à l’ancienne Yougoslavie et se trouve au troisième rang des contributeurs au programme du Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés de l’ancienne Yougoslavie, après les Etats-Unis et la Commission des Communautés européennes.

Il y a des Norvégiens parmi le personnel militaire et civil de la FORPRONU et notre présence sera encore renforcée par l’envoi, d’ici peu de temps, d’un bataillon Scandinave de l’ONU en Macédoine. Nous devons empêcher l’extension du conflit et nous coopérons sans réserve aux efforts internationaux visant à y mettre fin, non seulement dans l’intérêt de la région elle-même et de sa population, mais à cause du danger de propagation au reste de l’Europe.

En effet, si cette crise yougoslave est la plus grave à laquelle nous ayons à faire face aujourd’hui, il n’en faut pas moins prendre au sérieux le risque de voir les rivalités ethniques et les nationalismes déclencher d’autres conflits. La communauté internationale doit agir avec une extrême prudence. Consolider la démocratie et affermir la réforme économique et le développement économique et social dans les anciens pays de l’Est sont des tâches probablement beaucoup plus ardues que nous ne le pensions au départ. Toutes ces difficultés surgissent au moment où l’Europe occidentale est elle-même en butte à de graves problèmes économiques.

Il y a un risque que les pays se replient sur eux- mêmes, que chaque pays, voire chaque région, recherche sa propre solution. C’est une attitude destructrice. Je voudrais souligner très fermement ceci: seule la réunion de nos efforts nous permettra de résoudre les problèmes de l’Europe d’aujourd’hui et de demain. La seule voie réaliste ouverte à une Europe qui s’achemine vers le troisième millénaire est le renforcement de la coopération européenne. C’est le grand défi auquel nous devrons répondre: nous devons adapter la coopération européenne à l’ampleur des problèmes à résoudre.

Monsieur le Président, si les pays d’Europe se montrent incapables de s’organiser, en quel autre endroit du monde peut-on espérer que réussira la coopération internationale? Et comment réussirons- nous à convaincre d’autres pays des valeurs de la démocratie et de la prééminence du droit, s’ils peuvent nous opposer la situation des minorités et des personnes de nationalité et d’origine différentes dans nos propres sociétés?

Comment pouvons-nous prétendre diriger, si nous devenons nous-mêmes partie au problème, plutôt que partie à la solution? Comment pouvons-nous parler d’égalité des droits et des chances, de conciliation et de la nécessité d’agir de bonne foi, si, dans nos propres pays, nous sommes incapables de contenir l’animosité, la crainte et la discrimination à l’encontre de personnes d’origine ethnique différente?

Le chômage, l’ignorance et l’insécurité face à l’avenir sont parmi les causes fondamentales du racisme, du nationalisme exacerbé, de la xénophobie et de l’intolérance qui se manifestent aujourd’hui dans de trop nombreux pays d’Europe, y compris le mien. Si les gens sont sans travail, ils risquent de céder à la tentation d’un populisme antidémocratique, d’une démagogie irresponsable. J’ai été stupéfaite de voir que la classe politique dans mon propre pays envisage de faire de l’immigration l’un des thèmes principaux de la campagne pour les élections législatives cet automne. Il est clair que des innocents risquent d’être victimes de ces lamentables calculs.

Nous devons nous battre sur plusieurs fronts. Il faut créer de nouvelles possibilités d’emploi. La Communauté européenne prévoit des incitations à la croissance et les pays de la Communauté et de l’AELE travaillent actuellement, sur la base d’une initiative norvégienne, dans la perspective d’un effort commun pour créer l’investissement, améliorer la formation et remettre l’Europe occidentale au travail.

Le savoir est une ressource inépuisable, à la base même de la compréhension humaine. Le savoir est la clé de l’innovation et d’une participation active à la société moderne. Nous commettrions une erreur historique et rendrions un très mauvais service à nos populations en n’accordant pas une priorité de tout premier rang à l’amélioration de nos systèmes d’éducation. C’est indispensable pour relancer la croissance et en modifier la nature. C’est un facteur clé pour la solution des problèmes d’environnement. Mais, tout en soignant nos économies et en renforçant nos démocraties, il nous faut sans tarder travailler de toutes nos forces à faire évoluer nos sociétés au plan qualitatif. Il nous faut tenter d’instaurer une situation qui devrait aller de soi après un siècle aussi dévastateur, mais également aussi prometteur pour l’Europe, dans lequel, pour reprendre les termes de Martin Luther King Jr., tous les hommes sont jugés non pas selon la couleur de leur peau, mais sur leur qualité personnelle.

L’on signale de plus en plus souvent des actes de racisme spontanés ou organisés, ou des vexations pour le même motif. Nombreux sont ceux, nous l’avons constaté, qui non seulement préconisent mais exercent la violence contre des groupes ou des individus présentant des caractéristiques physiques différentes ou appartenant à d’autres cultures ou d’autres religions. Nous avons vu le visage de la haine, de la peur et du désespoir. Nous en avons vu les conséquences tragiques, fatales, cinquante ans après l’Holocauste et les plus sombres chapitres de l’histoire de notre continent. Nous nous y opposerons avec la force de notre commune résolution et le meilleur de notre patrimoine commun, et avec la tolérance universelle qui doit être la marque de notre maison européenne commune. C’est là un impératif moral. Qu’a dit le Mahathma Gandhi, interrogé sur la civilisation occidentale? Que ce serait une bonne idée. On ne saurait en rester là lorsque notre propre force de caractère est mise à l’épreuve. Car ceux qui fermeront les yeux sur le racisme se feront complices des préjugés et de la violence, et la société tout entière en souffrira.

La lutte contre le racisme doit être menée dans de nombreuses arènes. La Déclaration universelle des droits de l’homme adoptée en 1948 reconnaît la dignité inhérente à tous les membres de la famille humaine, leurs droits égaux et inaliénables, et y voit le fondement de la liberté, de la justice et de la paix. Ces valeurs ont trouvé un écho amplifié dans la Convention européenne des Droits de l’Homme de 1950, important jalon dans le développement du droit humanitaire international.

Le Conseil de l’Europe est fondé sur des instruments juridiquement contraignants dans le domaine des droits de l’homme, de la démocratie et de la prééminence du droit, et possède en la matière une vaste compétence. Une coopération aussi étroite que possible entre les pays d’Europe dans ce domaine et dans les domaines connexes contribuera à jeter les bases d’une coopération politique à l’échelle de notre continent tout entier en créant un vaste espace démocratique et juridique européen – ce que le Secrétaire Général a si justement défini comme le rôle principal du Conseil.

L’assise normative dont nous avons besoin est pour l’essentiel en place. Ce qu’il nous faut maintenant, c’est un engagement renouvelé. L’engagement d’entreprendre un effort soutenu, systématique et à long terme – aussi difficile que cela puisse être – pour combattre l’hydre du racisme partout où elle se manifeste. Il nous faut adopter au niveau européen un plan d’action global contre le racisme, la xénophobie et l’intolérance, et je ne vois pas de meilleur endroit que le Conseil de l’Europe pour faire de cette proposition une réalité.

L’objet de ce plan d’action serait triple: premièrement, donner un nouvel élan politique à la restauration de la tolérance au niveau national, sous l’impulsion des gouvernements, des individus et des organisations non gouvernementales; deuxièmement, inspirer une démarche plus globale, décloisonnée, visant non seulement les symptômes mais les causes profondes possibles telles que la pauvreté, la situation socio-économique et le chômage; troisièmement, promouvoir pour ces efforts une coopération plus étroite entre les membres du Conseil de l’Europe.

L’une des caractéristiques principales d’un plan d’action devrait être de mobiliser la force, l’appui et l’imagination de la jeunesse européenne pour barrer la route à la résurgence du racisme, de l’intolérance et de la xénophobie dans tous nos pays. Avec la jeune génération, formons une coalition pour la tolérance et la dignité. Forgeons une communauté de dessein avec les organisations non gouvernementales et les individus, nombreux, qui travaillent déjà sans relâche dans ce domaine.

En Norvège, le Gouvernement a déjà amorcé une coopération avec les organisations de jeunesse des partis politiques. Nous travaillons à une campagne nationale organisée par les mouvements de jeunesse de caractère politique et soutenue par le Gouvernement.

J’ai invité les responsables de ces organisations de jeunesse dans le but de découvrir par le dialogue les points que nous avons en commun.

Représentant des partis allant de l’extrême gauche à l’extrême droite, ils se sont néanmoins mis d’accord, en dépit de leurs divergences sur de nombreux points, pour travailler sur la base suivante: nous devons lutter en priorité contre la xénophobie. La violence, les vexations et la discrimination fondées sur la race, la couleur, la culture ou la religion ne sont pas tolérables. Tous ceux qui vivent en Norvège doivent avoir les mêmes droits et les mêmes responsabilités indépendamment de leur race ou de leur religion.

Nous sommes parvenus à un large accord sur l’idée de tenter de s’entendre sur une description objective du contenu de notre politique d’immigration, mais en reconnaissant qu’il était probablement trop ambitieux de viser une définition commune, car ces mouvements de jeunesse ont des opinions très diverses sur la politique que la Norvège devrait mener. Ils étudieront la question de savoir comment dissuader les partis auxquels ils sont liés de jouer avec la xénophobie, même de manière subtile, lors de la prochaine campagne électorale. Ils ont reconnu que la discrimination, à la limite de la persécution et souvent inconsciente, était beaucoup plus répandue que le racisme violent, mais n’en revêtait pas moins une grande importance.

Ces jeunes étaient réunis dans mon bureau en leur double qualité d’acteurs politiques et d’êtres humains. Si leur sincérité peut influer sur la campagne électorale, et je pense que ce sera le cas, nous aurons rendu un service à notre pays, à sa dignité. Je recommande cette démarche à l’attention des autres pays et du Conseil de l’Europe. C’est l’Europe qui est en jeu. Tous nos pays sont touchés et nous sommes tous concernés et responsables.

Une campagne européenne s’adressant à la jeunesse signifierait que les jeunes d’Europe peuvent s’unir dans un combat commun pour nos valeurs européennes. Une telle campagne pourrait comporter un noyau d’activités et de manifestations communes au niveau européen, ainsi qu’un ensemble commun de matériels d’information pour soutenir et inspirer dans les pays membres des campagnes nationales parallèles, adaptées à la situation de chacun de ces pays. Une telle campagne devrait être un élément central du plan d’action. Elle devrait aussi comporter des activités organisées par les gouvernements et les organisations non gouvernementales, ainsi que par le Conseil de l’Europe lui-même. Outre la campagne pour la jeunesse, un plan d’action pourrait inclure les éléments suivants: un engagement renouvelé des gouvernements résolus à faire pleinement usage du potentiel offert par leurs systèmes juridiques, leurs procédures administratives, leurs systèmes éducatifs et leurs agences d’information pour s’opposer à toutes les formes de discrimination contre les minorités nationales, ethniques et religieuses; l’intensification de la recherche sur la nature et l’ampleur de la violence raciale, par l’étude des attitudes des citoyens de toutes les tranches d’âge, de manière à prendre pleinement la mesure des problèmes; une coopération internationale dans le domaine des instruments juridiques et des procédures d’application de la loi. Cela pourrait inclure la création d’un organe spécialisé au sein du Conseil de l’Europe, qui serait chargé de suivre la façon dont les pays membres se conforment au cadre juridique, de recueillir et faire circuler l’information et de stimuler l’action au niveau national; l’intégration de la tolérance entre les nations dans tous les domaines pertinents de la coopération intergouvemementale dans le cadre du Conseil de l’Europe, tels que l’éducation, la culture, les moyens de communication de masse, les migrations, la jeunesse, les affaires sociales et économiques.

Diverses indications donnent à penser que, même si nos législations nationales sont bien faites, les lois dans ce domaine ne sont peut-être pas aussi efficaces qu’elles pourraient l’être. Il y a peu de poursuites judiciaires pour discrimination et il faut espérer que le nombre des violations est effectivement aussi bas.

Il s’agit là d’un domaine pour lequel nous avons besoin de la force de notre solidarité mutuelle ainsi que du bénéfice de l’expérience acquise dans chacun de nos pays. Nous devons tirer les leçons des réussites des uns et des autres, aussi bien que des échecs.

Je propose que la lutte contre le racisme et la xénophobie et l’établissement d’un plan d’action figurent parmi les principaux points traités lors du sommet du Conseil de l’Europe qui doit se tenir en octobre de cette année. La Norvège a déjà contribué à la préparation de ce sommet en apportant des idées et des propositions. Le soutien de l’Assemblée parlementaire est nécessaire.

Faisons face au danger ensemble et avec détermination. Pour créer des sociétés justes, équitables, il ne suffit pas de souhaiter les voir apparaître. Organisons un débat d’urgence sur l’état des valeurs européennes et évitons le terrain miné de l’extrémisme sans frein et de l’ignorance. Pour faire de l’Europe le refuge d’une diversité éclairée, il nous faut avoir la force de convaincre et non convaincre par la force.

M. LE PRÉSIDENT (traduction)

Nous vous remercions, Madame le Premier ministre. Vous avez fait référence à une initiative lancée au sein même de cette Assemblée, et qui appuie quelques-uns des points essentiels de votre rapport. Une proposition de recommandation liée à votre visite a déjà été formulée par certains de vos compatriotes et a déjà obtenu pas moins de quatre-vingt-dix signatures – chiffre fort élevé. Parmi les toutes premières signatures figurait celle du Président de l’Assemblée. Je suis convaincu que, demain, le Bureau transmettra ce document aux commissions compétentes, pour qu’elles soient à même de poursuivre les travaux et de les concrétiser par des actions.

La proposition de recommandation contenue dans le document 6766 revêt une telle importance que je me permettrai d’en faire moi-même lecture:

«1. L’Assemblée est choquée et profondément préoccupée par la résurgence du racisme, de la xénophobie et de l’intolérance en Europe. Cette évolution est contraire aux principes mêmes du Conseil de l’Europe et à son esprit.

2. L’Assemblée condamne avec force les actes de violence commis à l’encontre d’étrangers et de travailleurs migrants, et demande que l’on prenne sans tarder des mesures au niveau aussi bien européen que national pour lutter contre le racisme.

3. L’Assemblée considère que la mobilisation de la jeune génération, son attachement à la coexistence pacifique, à la démocratie et à la prééminence du droit sont essentiels pour s’opposer aux tendances négatives et bâtir une coalition pour la tolérance et la dignité en Europe.

4. Le problème du racisme doit être abordé dans le cadre d’une démarche globale, intersectorielle, ce qui exige une coopération intergouvemementale et une action concertée. Rappelant la Déclaration du Comité des Ministres sur l’intolérance – Une menace pour la démocratie (1981) et se référant à la proposition de résolution concernant le racisme présentée par M. Güner et plusieurs de ses collègues (Doc. 6687), l’Assemblée souhaite que le Conseil de l’Europe devienne un pionnier de la lutte contre le racisme, la xénophobie et l’intolérance.

5. L’Assemblée appuie la proposition de Mme Gro Harlem Brundtland, Premier ministre de la Norvège, de faire de la lutte contre le racisme, la xénophobie et l’intolérance, assortie d’un plan d’action dans ce domaine, l’un des thèmes principaux du Sommet du Conseil de l’Europe à Vienne (8-9 octobre 1993). Elle approuve aussi la suggestion tendant à ce qu’une campagne européenne de la jeunesse fasse partie intégrante d’un tel plan d’action.

6. Dans le but de contribuer à l’élaboration d’un plan d’action européen contre le racisme, l’Assemblée chargera ses commissions d’examiner cette question et de préparer un débat sur leurs observations et suggestions pour la prochaine partie de session de l’Assemblée. Elle proposera en outre que la proposition concernant un tel plan d’action soit retenue comme thème principal de la 4e Table ronde de parlementaires et de représentants d’organisations de jeunesse à Strasbourg (2-3 juillet 1993).

7. En conséquence, l’Assemblée recommande au Comité des Ministres:

i. de faire de la lutte contre le racisme, la xénophobie et l’intolérance, et du plan d’action dans ce domaine, l’un des thèmes principaux du Sommet du Conseil de l’Europe à Vienne (8-9 octobre 1993);
ii. de prévoir une campagne européenne de la jeunesse en tant que partie intégrante et essentielle de ce plan d’action;
iii. d’informer l’Assemblée de l’état d’avancement des préparatifs d’un plan d’action européen contre le racisme à sa prochaine partie de session.»

Chers collègues, je vous fais lecture de ce texte car, bien qu’il ait déjà quatre-vingt-dix signataires, je suis convaincu que tous les délégués ici présents souhaiteront saisir cette occasion d’y apporter leur soutien personnel.

A présent, Mme le Premier ministre de Norvège va répondre aux questions. Pas moins de vingt-deux participants se sont inscrits et, en raison des contraintes de temps, il n’y aura pas de questions supplémentaires.

Je vais me permettre de regrouper les questions par thème, avant de demander à Mme Brundtland d’y répondre. La première question émane de M. Godman.

M. GODMAN (Royaume-Uni) (traduction)

Madame le Premier ministre, vous avez dit que les Nations Unies et le Conseil de l’Europe étudiaient la possibilité de créer un tribunal international en vue de juger les criminels de guerre. Ne serait-il pas essentiel de coordonner les travaux de ces deux organisations au sujet d’un problème aussi important? Et croyez-vous que le Conseil doive créer un tel tribunal en Europe même, afin de juger les violations des droits de l’homme dans les différents pays européens?

M. MARUFLU (Turquie) (traduction)

Mon intention était de poser une question sur le racisme, la xénophobie et l’intolérance – sujets que Mme le Premier ministre a bien voulu traiter. Je suis très satisfait des déclarations de Mme Brundtland en la matière, mais serais tout à fait heureux si Mme le Premier ministre avait encore d’autres solutions à proposer.

M. FRANCK (Suède) (traduction)

A quelles mesures de type juridique Mme le Premier ministre songe-t-elle pour combattre le racisme? Que faudrait-il faire pour s’opposer aux crimes racistes organisés et aux actes racistes sur les lieux de travail? Comment définir une politique plus humanitaire et plus généreuse en ce qui concerne les réfugiés? Enfin, que peut-on faire pour accélérer le mouvement mondial vers l’abolition de la peine de mort?

Mme Brundtland, Premier ministre de Norvège (traduction)

J’ai abordé la question d’un tribunal international à l’Assemblée générale des Nations Unies, à l’automne dernier. Je pense que la création d’un tel tribunal est un défi qui doit être relevé par les Nations Unies. Je sais, par ailleurs, que la question a été également examinée dans le cadre de la Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe. Ce qui importe, c’est de fonder une institution qui ait du crédit et qui ait à répondre à des obligations morales très claires. Nous ne devons en aucun cas donner l’impression que la communauté internationale reste, en l’occurrence, une simple spectatrice, incapable de prendre des sanctions à l’encontre de ceux qui ne respectent pas le droit.

M. Franck a posé une question au sujet des mesures juridiques à prendre pour lutter contre le racisme. On peut envisager des protocoles additionnels. Des propositions ont été faites en ce sens et la discussion est engagée, mais il ne faut pas en rester là. Il faut améliorer les instruments existants.

La lutte contre la peine de mort est partie intégrante du combat pour les droits de l’homme et pour la démocratie. Il importe donc de convaincre les Etats qui ne l’ont pas encore fait de l’abolir.

M. GÜNER (Turquie) (traduction)

Les pays européens s’intéressent beaucoup aux problèmes des droits de l’homme dans certains Etats, mais se montrent moins sensibles dans d’autres cas, comme dans le drame de la Bosnie-Herzégovine ou encore à l’égard des immigrés. Ce sont, je pense, de bons exemples de cette approche à deux faces. Croyez- vous que le principe «deux poids, deux mesures» puisse s’appliquer dans le domaine des droits de l’homme?

M. SU (Turquie) (interprétation)

relevant que la Norvège n’exclut pas de participer à la FORPRONU, demande à Mme Brundtland si son gouvernement envisage de reconnaître la Macédoine.

Mme Brundtland, Premier ministre de Norvège (traduction)

En ce qui concerne les droits de l’homme, les normes ne sont certainement pas à deux vitesses, mais la pratique fait que votre question a un certain fondement. En effet, la volonté politique de faire respecter ces normes n’est pas toujours solide. Mais, je le répète, les principes en eux-mêmes, tels qu’ils ont été définis et débattus, sont parfaitement uniformes et doivent le rester. Je pense que vous souhaitiez avoir cette confirmation.

M. Su a posé une question à propos de la Macédoine. Il va falloir effectivement que la communauté internationale prenne position au sujet de sa candidature aux Nations Unies. Bien que les pays de la Communauté européenne relèvent encore certains problèmes et divergent à ce sujet, une décision devra être prise prochainement, car les Nations Unies devront trancher bientôt. Les problèmes actuels appellent de toute évidence des solutions, car il n’y a aucune raison que cette région du monde n’obtienne pas sa souveraineté. Jusqu’à présent, la Norvège a pris part au processus général relatif à la Macédoine, mais n’a pas encore dit à quel moment précis devraient intervenir la décision ou les conditions qui devraient s’y attacher. A ce sujet, nous nous efforçons de suivre le débat qui a lieu au sein de la CEÉ et essayons également d’influer sur le processus. Il est certain qu’une solution doit être trouvée à brève échéance.

M. LE PRÉSIDENT (traduction)

Voici maintenant une série de questions concernant l’économie. La parole est à M. Muehlemann.

M. MUEHLEMANN (Suisse) (traduction)

Madame le Premier ministre, à l’époque de sa création, l’Espace économique européen, dont vous aviez lancé l’idée en 1988, avait pour but une participation économique autonome à l’intégration européenne. Ceci reste-t-il valable? La Norvège a- t-elle encore aujourd’hui l’intention d’en rester là, ou bien est-ce devenu pour elle une étape obligatoire sur le chemin de Maastricht?

M. BENDER (Pologne) (traduction)

Madame le Premier ministre, votre pays a été l’un des premiers à reconnaître les Etats baltes et à établir avec eux des relations diplomatiques. On s’attendait donc à ce que la Norvège assurât un suivi, sous forme d’aide politique et économique. Mais, à notre connaissance, votre pays n’a encore pratiquement rien fait pour soutenir le développement des Etats baltes. Auriez-vous l’amabilité de m’expliquer cette relative incohérence?

M. Bjöm BJARNASON (Islande) (traduction)

Dans cette même Assemblée, en janvier 1989, M. Jacques Delors, président de la Commission européenne, a prôné une coopération formelle et institutionnalisée entre la CÉE et l’Association européenne de libre-échange. Sous votre excellente direction, Madame Brundtland, cette idée a été acceptée par l’AELE en mars 1989. L’accord entre la CEE et l’AELE à propos de l’Espace économique européen n’est pas achevé. Pourriez-vous, s’il vous plaît, nous informer de l’évolution des choses et des espoirs qu’on attache à cette grande entreprise?

M. HELLSTRÖM (Suède) (traduction)

L’an dernier, prenant la parole devant l’Assemblée, le Secrétaire général de l’OCDE soulignait que la plupart des indicateurs économiques laissaient présager une reprise mondiale de l’économie, mais que celle-ci était freinée par des facteurs purement politiques. Madame le Premier ministre, votre gouvernement, comme vous venez de le rappeler, a pris une importante initiative en vue de relancer l’emploi et la croissance au niveau international. A votre avis, quels sont les principaux obstacles politiques à vaincre dans les pays encore hésitants, afin d’assurer la réussite de votre plan de plein emploi?

Mme Brundtland, Premier ministre de Norvège (traduction)

Les première et troisième questions concernent l’Espace économique européen. Leurs auteurs ont parfaitement expliqué eux-mêmes les objectifs de la création de nouveaux moyens de coopération, plus globaux, entre la CEE et l’AELE – programme qui se réalisera grâce à l’institutionnalisation de l’Espace économique européen.

C’est un fait que certains Norvégiens voient dans ce processus une étape vers un renforcement de la coopération avec les autres pays européens. Ils y voient, en somme, un mouvement vers une plus large coopération européenne. En ce qui me concerne et dans le cadre de la politique du Gouvernement norvégien en général, il a toujours été clair que l’Espace économique européen pouvait représenter un choix autonome. Nul ne sait ce que le peuple norvégien décidera lors du référendum qui se tiendra probablement à la fin de l’année 1994 et je pense qu’aucun pays Scandinave ou européen en général ne peut deviner les résultats d’une telle consultation.

De toute manière, même si tous les pays Scandinaves, l’Autriche et peut-être même l’Islande deviennent membres de la CEE, les idées, les travaux et l’impulsion politique qui auront présidé à la création d’un espace économique européen auront été essentiels à un moment critique de l’histoire de l’Europe. Je considère que ce mouvement revêt une grande importance politique, car il va réunir, dans une coopération et un destin plus amples, des pays qui ont les mêmes valeurs démocratiques, la même philosophie et les mêmes responsabilités face à l’avenir de l’Europe.

En outre, je tiens à dire à M. Bender que les Norvégiens sentent bien qu’ils devraient contribuer plus encore à la renaissance économique de la région de la mer Baltique. Nous allons d’ailleurs accroître notre aide; mais, si l’on examine les interventions de la Norvège dans le monde, il est évident que la majeure partie de notre aide est allée aux réfugiés de l’ancienne Yougoslavie, aux opérations de maintien de la paix menées par T ONU et aux pays du tiers monde. Encore une fois, si l’on fait remarquer que tel ou tel autre pays a fait davantage que la Norvège en direction des Etats baltes, on néglige de voir l’ensemble des responsabilités norvégiennes, ce que j’appellerai les obligations communes aux pays riches, et l’évaluation de l’apport de la Norvège est faussée, voire injuste.

D’autre part, le Parlement norvégien a connu des débats très animés, au cours desquels certains ont suggéré d’allouer aux pays d’Europe de l’Est une part de ce que nous avions appelé les «fonds Nord- Sud» – autrement dit, l’argent destiné aux pays les plus pauvres, mais la majorité des députés norvégiens ont rejeté cette proposition. En somme, nous avons dégagé des crédits supplémentaires, venus accroître le niveau déjà très élevé de notre aide internationale. Ce débat est donc tranché; mais il y a, en vérité, une autre région d’Europe orientale très proche des pays nordiques – à savoir le nord-ouest de la Russie – à laquelle nous réservons des fonds importants, afin de financer la lutte contre la pollution catastrophique provoquée par les industries et le programme atomique de la région. Tout le monde conviendra – j’en suis sûre – qu’il s’agit là d’une tâche essentielle.

Enfin, M. Hellström, qui représente la Suède, se demandait ce qu’on pouvait faire pour gagner à notre cause les pays – ou certains groupes dans ces pays – qui ne sont pas encore conscients du danger qui consiste à sous-estimer le phénomène d’un chômage installé et durable dans nos sociétés démocratiques. Je pense que les déclarations que je viens de faire ici même répondent en partie à cette question et indiquent les moyens propres à convaincre les uns et les autres de prendre de plus larges responsabilités politiques, en la matière. Ainsi, je rappellerai que le Traité de Maastricht, considéré comme essentiel par de nombreux pays représentés ici, dépasse les simples questions de coopération économique classique. Il est également porteur de valeurs économiques et sociales – pas encore assez, je le concède. Il ne faut jamais oublier que le poids et les valeurs fondamentales du plein emploi font en partie la réussite de toute coopération économique.

Nous devons très sérieusement tenir compte des expériences de la dernière décennie. Nous devons également collaborer avec le nouveau Gouvernement américain afin d’instaurer un nouvel ordre économique mondial et de nous attacher à tous les objectifs sociaux, d’emploi et d’environnement.

M. LE PRÉSIDENT (traduction)

Voici maintenant des questions concernant la chasse à la baleine, sujet brûlant. Je donne la parole à Lord Finsberg.

Lord FINSBERG (Royaume-Uni) (traduction)

Madame Brundtland, je dirais que, pour certains d’entre nous, vous êtes une énigme. D’une part, vous vous êtes fait, au fil des années, et à juste titre, une solide réputation de championne de l’environnement; mais, d’autre part, comment conciliez-vous ce combat avec la décision de la Norvège de reprendre le massacre des baleines? Cela serait-il lié à des préoccupations électorales dans la région nord de la Norvège?

M. BÜHLER (Allemagne) (traduction)

En 1982, la Commission baleinière internationale, dont l’Islande s’est retirée depuis, décidait d’interdire la chasse à la baleine à des fins commerciales; cette mesure est devenue effective en 1986. Le refus de la Norvège et de la Russie de s’y conformer a amené une commission de l’Assemblée à se pencher sur la question. L’audition parlementaire organisée par la suite a été le théâtre de débats animés autour d’opinions divergentes.

Quelle est la position actuelle de votre Gouvernement sur cette question délicate?

Je vous remercie.

M. BANKS (Royaume-Uni) (traduction)

Ma question a trait au même sujet. Nous ne comprenons pas que votre pays puisse envisager de reprendre la pêche commerciale à la baleine, en violation du moratoire de la Commission baleinière internationale, et malgré l’hostilité de l’opinion publique aux Etats-Unis et dans les pays de la Communauté européenne. Les grandes baleines sont notre propriété collective. Elles n’appartiennent pas à la seule Norvège et nous osons dire que vous n’avez aucun droit de les tuer. J’ajouterai, avec mon plus profond respect, que, si la Norvège s’engage effectivement dans cette politique de pêche commerciale à la baleine, nombreux sont ceux d’entre nous, aux Etats-Unis et en Europe, qui feront vigoureusement campagne en faveur du boycottage des produits norvégiens et du tourisme dans votre pays, et contre votre candidature à la Communauté européenne.

En tant que collègue socialiste, je vous prie de reconsidérer votre décision.

Sir Keith SPEED (Royaume-Uni) (traduction)

Mes électeurs admirent votre pays, comme ils admirent le Japon, mais il n’en reste pas moins que la Norvège et le Japon continuent à massacrer les baleines au mépris de l’opinion publique internationale, et que ce problème écologique aigu risque d’entraîner le genre de réactions que vient de décrire M. Banks. Pourriez-vous nous renouveler – à l’Assemblée, à mes mandants et à moi-même – l’assurance que la Norvège réexaminera effectivement cette question?

Mme Brundtland, Premier ministre de Norvège (traduction)

La situation est délicate lorsque l’on pose un problème en des termes aussi simplistes que vous venez de le faire. On a parlé de meurtre et de massacre des baleines. Mais la communauté internationale a-t-elle décidé de mettre un terme à la chasse et à la consommation de viande animale? Quand donc a-t-on décidé de cesser de tuer les renards, les bovins, les ovins et autres animaux? Je vous pose la question très directement parce qu’il est impossible de poursuivre la coopération internationale sur la gestion des ressources océaniques, de toutes les ressources maritimes ou terrestres, si l’on se borne au problème de la sauvegarde.

Sous mon impulsion la Norvège a, en 1986, adopté un moratoire de cinq ans pour la chasse du petit rorqual. J’avais décidé de me laisser guider par des règles de prudence, du fait que des scientifiques originaires d’autres pays avaient mis en question le dossier établi par leurs confrères norvégiens – aussi solide qu’il ait pu paraître. Qu’est-il advenu? Je pensais que les scientifiques norvégiens avaient pu se tromper. C’est alors qu’un groupe de scientifiques de plusieurs pays a étudié le problème pendant plus de cinq ans pour parvenir à une conclusion très claire: l’espèce de baleine en question n’était pas menacée. Le problème a été exposé le 30 juin dernier, dans un article du Times de Londres, que tous les défenseurs des baleines devraient lire. L’auteur de l’article se demandait où l’on allait si la communauté internationale n’était plus de bonne foi.

D’autre part, que se passe-t-il au sein de la Commission baleinière internationale? Elle ne s’appuie pas sur des preuves scientifiques, qui pourtant devraient fonder son travail. Il a déjà été largement prouvé que les baleines en question n’étaient pas menacées. La décision de la Norvège n’a absolument aucun rapport avec les pêcheurs ou tout autre groupe des régions nord du pays. La Commission baleinière internationale se doit de travailler sérieusement sur les bases de son mandat. La Norvège ne viole aucune règle de la commission et je suis très peinée d’avoir à entendre de telles accusations à notre égard. Le vrai problème est que la Commission baleinière internationale viole son propre règlement.

D’après les meilleures évaluations scientifiques, les 80 000 baleines de l’Atlantique Nord consomment, pour se nourrir, autant de poissons qu’il en a été prévu pour chaque espèce dans les contingents de pêche fixés pour la Norvège. L’Assemblée n’est pas sans savoir que la Norvège est le premier pays de pêche d’Europe. Il ne pourra donc pas y avoir de développement soutenu si nous négligeons, dans les océans ou tout autre lieu de nos écosystèmes, les relations entre espèces, qui sont interdépendantes. Si nous laissons la population des baleines augmenter sans limite, en des lieux où elle est déjà nombreuse, cela nuira profondément aux morues et aux harengs, à l’équilibre même de la consommation des produits océaniques, et enfin à un développement économique normal. Ce serait d’ailleurs contraire aux décisions de la Conférence de Rio sur l’environnement et le développement. L’accord qui y a été conclu demande une gestion sérieuse, durable et prospective des ressources naturelles, et la préservation des espèces menacées. Qui plus est, je sais que le Conseil de l’Europe a déjà effectué des travaux dans ce domaine. J’ai appris qu’un document était à l’étude, mais je n’en ai pas encore pris connaissance.

Je prie M. Tony Banks et d’autres collègues d’examiner ce problème avec sérieux. La bonne foi est la base de toute coopération internationale; il convient donc de ne pas ajouter à ce débat de nouveaux arguments fantaisistes. Si, au fond, votre souhait est de faire interdire la chasse à la baleine en toutes circonstances, quels que soient le nombre de baleines concernées et les quantités de poissons qu’elles consomment, il faudra voir si une majorité peut se dégager en faveur de cette idée dans la communauté internationale. Voilà la seule base acceptable de toute décision en la matière. Si votre amour des baleines vous porte à dire qu’il faut absolument renoncer à les tuer, vous vous situez en dehors du mandat de la Commission baleinière internationale. La Norvège, et d’autres pays d’ailleurs, n’ont jamais accepté de participer à un programme international relatif au bien-être des animaux – d’autant moins que le massacre des renards et de nombreuses autres espèces se fait dans des conditions bien plus révoltantes sans attirer autant l’attention que la chasse à la baleine. Il faut, certes, améliorer les méthodes de capture, mais celles-ci sont déjà bien moins critiquables que les méthodes appliquées dans de nombreux autres secteurs. Je crois qu’il faut être sérieux lorsqu’on parle de développement économique durable.

M. LE PRÉSIDENT (traduction)

Voici maintenant des questions relatives à la politique norvégienne. Je donne la parole à M. Pangalos.

M. PANGALOS (Grèce) (traduction)

Madame le Premier ministre, je suis très heureux d’être en votre présence dans cette Assemblée. J’ai noté que la Norvège, la Suède et la Finlande envisagent d’adhérer la CEE. Le Danemark, lui, en est déjà membre – ou, devrais-je dire, «encore», vu que son appartenance a soulevé récemment quelques problèmes. Mais je songe également au Conseil nordique. Au cours de la récente visite, en Estonie et en Lituanie, de la commission des relations avec les pays européens non membres, nous avons constaté que les Estoniens et les Lituaniens étaient optimistes quant à l’avenir du Conseil nordique et fondaient de grands espoirs sur une coopération avec lui. A votre avis, quelle sera l’évolution du Conseil nordique, si tous les pays adhèrent à la CEE? Son sort sera-t-il de disparaître progressivement ou réussira-t-il, au contraire, à se maintenir? Et, dans ce cas, comment le Gouvernement norvégien répartira-t-il ses activités entre la CEE et le Conseil nordique?

Mme FRIAS (Espagne) (interprétation)

demande à Mme le Premier ministre ce qu’elle pense des conclusions de la Conférence de Rio. Elle souhaite par ailleurs connaître les mesures envisagées pour améliorer le taux de natalité en Norvège.

M. BRATINKA (Hongrie)

Madame le Premier ministre, je viens de Hongrie, un pays où, il y a quelques années, l’Etat contrôlait toute l’économie. On sait aujourd’hui que cela n’a pas marché. Cependant, à ma connaissance, la proportion des dépenses publiques croît chaque année en Norvège; elles atteignent aujourd’hui 70% du PNB. Cela me paraît représenter une tendance contraire à ce que nous nous efforçons de réaliser en Europe centrale et orientale.

Considérez-vous, Madame le Premier ministre, que c’est la voie à suivre, que c’est la voie du développement?

Mme Brundtland, Premier ministre de Norvège (traduction)

Notre expérience de la coopération dans le cadre du Conseil nordique a été positive et constructive. Elle a toujours revêtu une grande importance pour les pays nordiques. Tous ces «petits» pays, qui aspirent à un champ plus large, ont besoin en effet de prendre en considération leur proximité et leurs liens politiques, sociaux et culturels. Nous renforcerons précisément cette coopération en affinant encore notre réflexion régionale en commun, mais dans le cadre d’une Europe plus large. Même s’ils deviennent tous membres de la CEE, les pays nordiques conserveront leurs traditions, ainsi que le désir de renforcer la coopération régionale, y compris dans le cadre élargi de la CEE, de la CSCÉ, voire d’un espace européen encore plus large. Au sein de la zone nordique, nous adaptons actuellement nos travaux à la prochaine entrée des nations de la région dans l’Espace économique européen et nous nous efforçons d’insérer notre coopération régionale dans le cadre plus important dont nous faisons tous partie à présent – y compris l’Islande. La coopération nordique est à l’origine de nombreuses et excellentes initiatives depuis plusieurs décennies; elle a une grande importance sur le plan culturel, notamment pour le maintien des langues dans les pays de la région. Nous accroîtrons encore nos efforts en vue d’être le plus près possible des mentalités et des intérêts de nos peuples.

Mme Frias m’a posé une question à propos de la Conférence de Rio, mais je ne suis pas tout à fait certaine d’avoir compris son allusion à la natalité. Mme Frias a-t-elle voulu parler d’une relance de la natalité, ou, au contraire, d’un ralentissement? Il y a, naturellement, une assez grande différence entre les deux attitudes. Peut-on m’éclairer sur ce point?

M. LE PRÉSIDENT (traduction)

Il serait souhaitable que Mme Frias précise sa pensée.

Mme Frias (Espagne) (interprétation)

précise sa question en observant que le taux de natalité a augmenté en Norvège alors que le nombre des femmes dans la vie active et notamment dans la vie publique est très élevé. Quelles mesures ont été prises à cet effet?

Mme Brundtland, Premier ministre de Norvège (traduction)

Je suis très heureuse d’avoir cette précision. Je pense que, depuis un certain nombre d’années, les Norvégiennes ont pu – peut-être plus encore que les femmes d’autres pays, à quelques exceptions près – déterminer et planifier précisément la taille de leur famille. Lorsque le taux de natalité augmente, c’est peut-être, tout simplement, parce que les femmes et leur famille souhaitent avoir plus d’enfants. A mon sens, cette attitude correspond tout à fait à l’idée fondamentale selon laquelle les personnes doivent être libres de décider elles-mêmes de la taille de leur famille. En fait, la Norvège a un taux de natalité assez bas. Comme dans d’autres pays européens, il a eu tendance à baisser pendant un certain temps, mais, dernièrement, on a assisté à un léger redressement. Il faut, je crois, en conclure que les femmes sont de plus en plus nombreuses à vouloir une vie professionnelle compatible avec leur vie familiale et le soin de leurs enfants. Elles ont pu le faire grâce à la politique sociale et familiale de la Norvège. Tel est le contexte de cette question. Globalement, je considère comme une évolution très positive le fait que les particuliers se sentent libres de toute contrainte et libres de choisir.

Quant à la Conférence de Rio, elle a abouti à de nombreux résultats importants, mais le plus notable est certainement le processus de suivi qui y a été prévu, et l’obligation, acceptée par tous les pays, de poursuivre les travaux par l’élaboration de protocoles et d’autres accords complétant l’ensemble des conventions signées à Rio. Je veux parler notamment de la Convention sur la biodiversité, de la Convention sur le climat, ainsi que de l’aide financière globale et de la coopération technologique nécessaires à un sain développement économique et écologique du tiers monde. Il subsiste cependant de nombreuses lacunes, mais je crois qu’une amélioration interviendra à partir du moment où l’Europe et le nouveau Gouvernement des Etats-Unis réexamineront l’économie mondiale et les obligations des uns et des autres depuis la fin de la période de la guerre froide, en vue d’un nouvel ordre mondial, plus éclairé que celui que nous avons connu jusqu’à présent.

La Norvège n’a jamais adopté, de près ou de loin, un modèle d’économie planifiée semblable à celui des pays totalitaires. Elle adhère depuis toujours à une économie mixte. Les décisions ont toujours été prises de façon démocratique, pour servir au mieux les intérêts de la société norvégienne.

En Norvège, le secteur public représente environ 50% du produit national brut – et non pas 70%, comme on vient de l’affirmer ici même. Le secteur public et le secteur privé se partagent à peu près équitablement. Il est vrai que la part du secteur public est en Norvège une des plus élevées de tous les pays de l’OCDE; mais elle est encore plus importante dans plusieurs autres pays. Les Norvégiens doivent faire en sorte que ce pourcentage n’augmente plus. Nous nous efforçons d’ailleurs de stimuler le secteur privé, en vue de créer des emplois. Nous ne pensons pas que les dépenses publiques puissent résoudre tous les problèmes, mais nous y avons naturellement recours dans tous les domaines où l’égalité et l’intérêt national et collectif doivent être la règle. C’est, par exemple, le cas de la santé et de l’éducation. J’ignore la provenance de ce chiffre de 70% du PNB, mais je peux affirmer, en tout cas, que la situation de la Norvège n’est pas, à cet égard, aussi mauvaise que le laisse entendre M. Bratinka. En fait, notre pays est plutôt fier de son équilibre actuel. Il est la base du développement à venir et la majorité des députés norvégiens appuiera cette politique, qui permet à la Norvège, entre autres pays, de répondre parfaitement aux critères fixés par le Traité de Maastricht.

M. LE PRÉSIDENT (traduction)

Voici maintenant des questions portant sur des sujets divers. La parole est à M. Kalos.

M. KALOS (Grèce) (traduction)

Madame Brundtland, nous connaissons tous votre intérêt pour les problèmes d’environnement. L’un des problèmes communs aux pays du Bassin méditerranéen est la désertification, due à la destruction des forêts. Pensez-vous que le Conseil de l’Europe puisse jouer un rôle majeur en vue du reboisement, en encourageant des programmes nationaux dans les Etats membres ou encore des programmes paneuropéens?

M. LE PRÉSIDENT (traduction)

La parole est à Mme Graenitz.

Mme GRAENITZ (Autriche) (traduction)

Madame le Premier ministre, votre nom est lié non seulement au rapport sur l’environnement dont vous aviez été chargée par les Nations Unies, mais aussi à l’idée d’une économie durable. Vous disiez tout à l’heure, à propos des suites à donner à la Conférence de Rio, qu’elles dépendront de la façon qu’aura chaque pays d’interpréter et de mettre en œuvre les accords finals. Ma question va plus loin. Comment pourrait-on concevoir et mettre en place des mécanismes permettant de contrôler ces accords internationaux, et comment pourrait-on mettre les contrevenants devant leurs responsabilités? Pensez- vous, par ailleurs, que le Conseil de l’Europe devrait, lui aussi, élaborer un tel dispositif? Je vous remercie.

Mme Brundtland, Premier ministre de Norvège (traduction)

Nous pourrions en effet, dans le cadre du Conseil de l’Europe, mettre au point des projets de reboisement. Dans le contexte international, il existe déjà des accords comme ceux qui sont issus de la Conférence de Rio, de ses mécanismes de suivi, de la Convention sur la biodiversité et de la Convention sur les forêts. Nous devons en tenir compte et envisager également une aide climatique et économique, étudier la capacité des nations les plus pauvres à faire face à ces problèmes et enfin prévoir un mécanisme de financement pour les dépenses accrues entraînées par l’aide à ces pays. Chaque pays a des intérêts différents de son voisin et il faut également faire coïncider l’aide et les besoins de chacun. Nous devons aborder les questions de préservation des forêts, de climat et d’énergie d’une manière utile à la fois au Nord et au Sud. Ce faisant, nous devons maintenir les coûts au niveau le plus bas possible. Sinon, les améliorations et le développement ne pourront se faire à un rythme soutenu. En somme, toute l’attention portée aux forêts dans le cadre européen est constructive.

Un développement durable exige une coopération globale, fondée sur une aide à la fois économique, écologique et financière, afin de permettre d’améliorer le développement démocratique des pays pauvres. Ainsi, ces pays éviteront les étapes funestes et polluantes du développement que nous avons connues dans les nations occidentales. Cette manière d’aborder les problèmes viendra à bout de la pauvreté. Encore une fois, cette coopération globale est indispensable, et bénéficiera au Nord comme au Sud. J’espère enfin que le nouveau contexte d’une Europe revigorée et du changement de gouvernement aux Etats-Unis viendra renforcer la volonté politique d’instaurer un modèle de développement durable.

M. LE PRÉSIDENT (traduction)

Quatre questions sont encore prévues. Etant donné que nous avons déjà dépassé le temps imparti, je demanderai à mes chers collègues de les formuler le plus brièvement possible. C’est Lady Hooper qui va poser la première de ces questions. Il semble que Lady Hooper soit absente. La parole est donc à M. Iwinski.

M. IWINSKI (Pologne) (traduction)

Madame Brundtland, étant donné votre grande expérience concernant la globalisation des problèmes, êtes-vous favorable à une réforme du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale qui puisse aider à résoudre les problèmes du tiers monde? Pour revenir à la question soulevée par Mme Frias, y a-t-il un lien entre l’efficacité de votre gouvernement et le fait qu’il compte un pourcentage de femmes élevé?

Mme ERR (Luxembourg)

Je pourrais parler en anglais mais je ne résiste pas à la tentation de m’adresser, pour une fois, au féminin à un Premier ministre.

Madame la Première ministre, je voudrais que vous sachiez – puisque la question que je voulais poser vient de l’être par un collègue – que beaucoup de femmes, dont moi-même, en politique, sont fières de la façon dont vous exercez la politique et que nous suivons votre exemple.

M. LE PRÉSIDENT (traduction)

De nombreux hommes sont également très admiratifs face à la conduite politique de Mme Brundtland! Je pense que c’est le point de vue majoritaire dans cette Assemblée et que les femmes n’ont pas le monopole à cet égard! Cela dit, chère amie, je suis très heureux d’être en accord avec vous. La parole est maintenant à M. Pahtas.

M. PAHTAS (Grèce)

Monsieur le Président, je me permets de poser une question, émerveillé que je suis par la sensibilité humaine de Mme le Premier ministre de Norvège.

Le trafic et l’emploi des migrants clandestins constituent dans certains cas et selon certaines circonstances une forme déguisée d’esclavage moderne. Cette exploitation d’êtres humains, d’hommes et surtout de femmes, est en pleine extension, en plein développement dans certains pays.

Croyez-vous que la signature d’une convention multilatérale pour combattre toutes les formes de migration clandestine pourrait se montrer nécessaire pour une action collective efficace?

Mme Brundtland, Premier ministre de Norvège (traduction)

Je crois avoir négligé de répondre à Tune des questions de la dernière série, qui portait sur l’application des accords internationaux. Dans la pratique, les procédures de référé aux institutions dépositaires des accords sont la voie normale. Il n’y a pas d’accord international relatif à ce moyen de surveillance, mais il est certain qu’on y parviendra progressivement.

Voici quelques années, un certain nombre de chefs de gouvernement, dont M. Rud Lubbers pour les Pays-Bas, le Premier ministre français et moi-même, avaient organisé une réunion où nous avions défendu l’idée d’un développement, au niveau international, des appareils de contrôle et de sanction dans ce domaine. Cette idée verra le jour car, à l’heure actuelle, la vérification de l’application des accords est essentielle. En ce qui concerne le FMI et la Banque mondiale, nous sommes favorables aux mécanismes actuellement à l’étude en vue d’améliorer l’utilisation des crédits – c’est le cas du débat actuel sur la démocratisation de ce qu’on appelle le «JET», dispositif conçu pour le secteur de l’environnement. Les institutions en question sont celles qui ont le plus d’impact dans l’ensemble des pays en voie de développement. C’est pourquoi leur mode de fonctionnement revêt une importance capitale.

Quant aux femmes membres d’un gouvernement, elles créent certainement une différence. J’ai déjà répondu à une question relative au taux de natalité en Norvège. Précisément, l’évolution des politiques sociale et familiale et, progressivement, celle de l’éducation des jeunes enfants ont été marquées par le nombre croissant de femmes entrées en politique à tous les niveaux, y compris au niveau gouvernemental. Dans d’autres domaines, l’expérience féminine et la façon qu’ont les femmes de ressentir les choses ont enrichi et nuancé le débat politique.

Enfin, j’ai songé à la Charte sociale lorsque le dernier orateur a évoqué la question des travailleurs immigrés. Dans le cadre de la CEE, le débat autour de cette Charte a porté notamment, de toute évidence, sur les devoirs et les objectifs sociaux des pays membres. Je crois profondément que l’équation de la coopération économique ou de la coopération relative à la paix et à la sécurité des nations comporte nécessairement un volet social et écologique. A cet égard, l’idée de travailler dans un cadre plus large que celui de la CEE, et d’élaborer des conventions, est tout à fait logique puisque, en l’occurrence, il s’agit de personnes qui traversent les frontières. Le fait de les traiter ou non avec justice et bon sens n’est pas pur hasard. Cela devient la responsabilité commune de toutes les nations concernées. Sans entrer dans le détail des mécanismes nécessaires, on peut dire que l’idée avancée par M. Pathas est bonne.

M. LE PRÉSIDENT (traduction)

Madame Brundtland, Premier ministre de Norvège, nous vous remercions. Le temps de parole est maintenant épuisé. Je vous remercie très chaleureusement de votre prestation et de vos réponses sincères et complètes. Je vous sais gré également d’avoir réussi à créer une merveilleuse atmosphère, faite de respect, de confiance et d’espoir. Nous voilà au terme de cette séance, nourris d’un solide optimisme – fait extrêmement rare. Nous vous en sommes reconnaissants. Vous serez toujours la bienvenue dans cette Assemblée et nous espérons vivement vous accueillir de nouveau dès que possible.