Mario

Frick

Chef du gouvernement du Liechtenstein

Discours prononcé devant l'Assemblée

jeudi, 29 juin 1995

Monsieur le Président, Monsieur le Secrétaire Général, Mesdames, Messieurs, c’est pour moi un grand honneur de prendre la parole dans cette salle splendide en tant que chef de gouvernement de l’un des plus petits Etats du Conseil de l’Europe, ce Conseil de l’Europe qui a accompli une œuvre de pionnier si utile et combien nécessaire; l’Europe est à présent bien plus démocratique que si ce précieux organe n’avait pas vu le jour.

Mon allocution s’articulera autour de quatre points: après quelques considérations relatives à l’adhésion du Liechtenstein au Conseil de l’Europe, je me propose de développer certains aspects de l’intégration européenne en relation avec le Conseil de l’Europe, puis d’évoquer l’intérêt particulier que l’Organisation continue de revêtir pour la principauté. Enfin, je vous livrerai quelques réflexions que m’inspire la Convention européenne des Droits de l’Homme.

Lorsqu’en 1977 le Liechtenstein, après une longue phase de rapprochement, a déposé sa demande d’adhésion au Conseil de l’Europe, il est rapidement apparu qu’en ouvrant la porte à notre pays, l’Organisation devait prendre position sur la question fondamentale de savoir comment traiter les petits pays. Des craintes avaient été exprimées, certains arguant que le Liechtenstein était trop petit, trop dépendant, et qu’il ne disposait pas de la souveraineté nécessaire pour participer activement aux travaux du Conseil de – l’Europe en tant que membre à part entière. On se posait aussi la question de savoir si les dispositions de la Constitution du pays répondaient aux critères d’adhésion – votre Président évoquait à ce propos le problème du droit de vote des femmes.

La décision positive du Conseil de l’Europe a donné la mesure de son esprit démocratique et de sa détermination à reconnaître des droits égaux à tous les Etats, même les plus petits. En cela, il a certainement été fidèle à l’esprit de ses pères fondateurs, dont l’objectif était de réserver le même traitement à tous les pays, indépendamment de leur taille, en évitant de faire une différence entre les grands et les petits Etats.

Pour le Liechtenstein, l’entrée au Conseil de l’Europe revêtait à bien des égards une importance décisive. Tout d’abord, elle lui permettait de bénéficier de la protection de l’ordre international auquel il s’intégrait; c’était reconnaître les petits pays et leur droit à l’existence. Ensuite, l’adhésion au Conseil de l’Europe apportait une nouvelle confirmation de la consolidation de sa souveraineté. Enfin, c’était un geste de solidarité internationale: un petit Etat ne peut exister que s’il est accepté par les Etats plus grands. Etant donné que la puissance des petits Etats est limitée, ils ont un intérêt vital à ce que l’ordre international soit marqué par la paix, la renonciation à la force et la prééminence du droit. Un petit Etat ne doit toutefois pas se limiter au rôle d’observateur, mais doit, avec ses modestes moyens, contribuer au renforcement des principes juridiques fondamentaux à l’échelon international.

Le Liechtenstein doit donc être solidaire. Etant donné que, dans un petit Etat de droit démocratique, l’importance de l’individu passe, de toute évidence, plus facilement au premier plan, un pays de la taille du Liechtenstein peut s’identifier particulièrement aux objectifs du Conseil de l’Europe, tels que la garantie des droits de l’homme et des libertés fondamentales, qui visent le bien-être, la protection et la dignité de l’individu. A la différence des grands Etats, dans les petits, les relations entre le citoyen et l’Etat pourraient presque être qualifiées d’intimes tant elles sont étroites. Alors que dans les grands Etats les relations avec le pouvoir central passent par les communes et d’autres intermédiaires, au Liechtenstein les contacts sont très directs et très intenses. Chaque citoyen connaît «son» député et «ses» membres du gouvernement ou, du moins, il sait qu’il a la possibilité de prendre contact avec eux. C’est pourquoi le patriotisme – dans le bon sens du terme – et la conscience de l’Etat bénéficient dans les petits Etats de conditions particulièrement favorables.

Simultanément, l’exiguïté du territoire oblige le petit Etat à considérer les frontières comme des points de contact et non comme une ligne de séparation. Les différences entre les grands et les petits Etats se relativisent par certains aspects; les premiers cherchent à passer à une dimension inférieure pour se rapprocher des citoyens et des régions; quant aux seconds, ils cherchent, comme le Liechtenstein, à participer à des plates-formes telles que le Conseil de l’Europe pour se faire «un peu plus grands».

Ainsi, dans l’ensemble, le Liechtenstein s’insère- t-il très bien dans cette idée du Conseil de l’Europe, et je pense que notre adhésion s’est, à maints égards, révélée profitable pour le Liechtenstein et, à moindre échelle, pour le Conseil de l’Europe. En outre, elle a fortement contribué à accroître la crédibilité des deux partenaires.

En ce qui concerne le rôle du Conseil de l’Europe dans l’unification européenne, ces dernières années, les questions de l’intégration économique en Europe ont été au premier plan des préoccupations du Liechtenstein. Il est apparu relativement vite qu’une adhésion à la Communauté européenne – devenue entretemps l’Union européenne – n’entrait pas en ligne de compte parce qu’elle n’était pas à la mesure du pays dont les moyens actuels sont encore insuffisants. Puis s’est offerte la possibilité de trouver une solution intermédiaire dans le cadre d’un traité entre les Etats de l’AELE – dont le Liechtenstein est membre – et l’Union européenne, solution intermédiaire, certes, mais qui exigeait beaucoup d’efforts de la part d’un Etat aussi petit que le Liechtenstein. L’ancien Chef de gouvernement Hans Brunhart, activement soutenu par le prince Nicolas, ancien ambassadeur à Strasbourg, a fait preuve d’un grand courage politique en entreprenant une telle démarche qui, nous nous en félicitons, a emporté la faveur de la population liechtensteinoise.

La préparation de l’adhésion à l’Espace économique européen (EEE) a nécessité des efforts considérables qu’il faudra encore poursuivre pendant les prochains mois et peut-être même les prochaines années. Mais il serait, à mon avis, erroné de se concentrer uniquement sur les aspects économiques de ce contrat avec l’EEE, certes prédominants, mais qui, ne l’oublions pas, trouvent tout leur sens et toute leur légitimation grâce à des valeurs fondamentales telles que celles que défend le Conseil de l’Europe. Un Etat ne pourra durer que s’il se fonde sur ces valeurs, sur les droits de l’homme et sur l’identité culturelle européenne.

Depuis sa création en 1949, le Conseil de l’Europe a œuvré avec succès à la mise en place d’un espace européen dans lequel les principes de l’Etat de droit, les principes constitutionnels démocratiques et les droits de l’homme sont respectés. A la suite de l’effondrement du système communiste, cette mission a pris une dimension nouvelle. Pour nos voisins d’Europe centrale et orientale, la coopération au sein du Conseil de l’Europe est devenue très importante pour la mise en œuvre des réformes démocratiques. Le Conseil de l’Europe a relevé de manière très engagée et dynamique le défi de son élargissement. Il sera extrêmement important que celui-ci n’entraîne pas un affaiblissement des normes exigeantes de cette institution qui saperait sa crédibilité.

Dans la perspective de la conférence gouvernementale de l’Union européenne, l’an prochain, lors de laquelle l’élargissement de cette dernière sera également discuté, il me semble nécessaire de préciser le rôle du Conseil de l’Europe dans le processus d’unification européenne. Pour ce faire, il conviendra d’insister tout particulièrement sur ses atouts, dont je viens de parler en détail. Nous devons poursuivre notre action en faveur du renforcement des structures juridiques démocratiques à l’échelon européen, et plus particulièrement dans les pays d’Europe centrale et orientale. Ce n’est qu’ainsi que l’on parviendra à édifier une Europe qui ne soit pas uniquement tournée vers l’économie, une Europe de droit, une Europe dont on pourra faire un modèle.

Pour en revenir au Conseil de l’Europe, j’aimerais mettre l’accent sur ses activités dans deux domaines spécifiques: le droit et la culture.

Le Liechtenstein profite largement des travaux effectués au Conseil de l’Europe; c’est, pour employer un terme tiré du lexique scolaire, un grand copieur! En raison de son exiguïté, en raison de ses ressources limitées, le Liechtenstein est obligé, dans ce domaine, de s’en remettre à d’autres pour élaborer des projets qu’il adaptera par la suite à ses propres besoins. De plus, il est essentiel qu’il puisse participer à différents forums où sont abordés et développés des thèmes à caractère juridique. Il a toujours veillé à s’y faire représenter par d’éminents experts tels que – pour n’en citer qu’un parmi d’autres – l’ancien Chef de gouvernement Gerard Batliner. Le Liechtenstein se félicite tout particulièrement de pouvoir apporter une contribution, aussi modeste soit-elle, à l’assistance que fournit le Conseil de l’Europe à ses nouveaux pays membres. Il se félicite également que les Etats européens puissent profiter des idées et des travaux du Conseil de l’Europe pour renforcer leur législation interne. Je pense en particulier à la Convention relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime que j’ai signée aujourd’hui même.

Pour ce qui est de la culture, il est indispensable, dans une Europe de plus en plus imbriquée, de se doter d’une plate-forme commune, ce qui ne sera possible qu’en tenant compte des particularités culturelles de chaque pays. Le Liechtenstein est tiraillé entre ouverture et identité culturelles; si, d’une part, l’exiguïté du pays favorise les échanges culturels directs, de l’autre, elle engendre la crainte de perdre son identité culturelle. Chaque habitant du Liechtenstein est un frontalier qui côtoie quotidiennement d’autres cultures. Nous avons conscience qu’il faudra préserver notre propre culture tout en nous intégrant à une culture européenne. La coopération culturelle dans le cadre du Conseil de l’Europe garantit la possibilité de formation d’une conscience paneuropéenne dans une Europe de la diversité culturelle.

Ce dernier aspect mérite d’être souligné. Les critiques du processus d’intégration européenne répètent à l’envi que celui-ci entraînera une uniformisation au plan culturel. Les travaux du Conseil de l’Europe peuvent témoigner du contraire: ce sont précisément les particularités culturelles des différents Etats européens qui, prises comme un tout, forment la «culture européenne».

J’en arrive à mon dernier point, la réforme du système de protection de la Convention européenne des Droits de l’Homme. Malheureusement, on enregistre encore en Europe des violations répétées des droits de l’homme. Le Conseil de l’Europe est la seule organisation capable, tout simplement parce qu’il en possède l’autorité morale, de dénoncer ces violations et de faire pression pour qu’elles cessent, ce qui est particulièrement important eu égard à la protection des minorités. Avec la Convention, le Conseil de l’Europe a entre les mains un moyen très efficace. En effet, l’application d’une simple formule mathématique montre qu’avec trente-quatre Etats membres une seule convention multilatérale – à laquelle tous deviennent parties – permet de remplacer 561 accords bilatéraux relatifs à un thème donné.

Le joyau des conventions du Conseil de l’Europe est assurément la Convention européenne des Droits de l’Homme. Hélas, celle-ci est toutefois victime de son propre succès. Le mécanisme de la Convention, unique en son genre dans le monde entier, doit être adapté au contexte actuel et préparé aux exigences futures. Sa restructuration, dont la réalisation sera, nous l’espérons, fortement accélérée par l’inauguration officielle du nouveau Palais des droits de l’homme, contribuera considérablement à nous rapprocher de l’objectif d’unification de l’Europe sur le plan des droits de l’homme. Il suffit de mentionner, à cet égard, le Protocole n° 11.

Je suis convaincu que le Conseil de l’Europe restera à l’avenir un important pilier de l’architecture européenne. La formation d’une conscience européenne revêt en effet une importance décisive pour le rapprochement des peuples de notre continent. Le Liechtenstein continuera à l’avenir à participer, avec ses modestes moyens, à ce processus; il souhaite au Conseil de l’Europe plein succès pour les années à venir, qui seront cruciales tant pour son élargissement que pour celui de l’Union européenne. Je vous remercie de votre attention.

LE PRÉSIDENT

Je vous remercie, Monsieur le Chef du Gouvernement de la principauté de Liechtenstein, de votre exposé.

Quelques-uns de nos collègues souhaitent vous poser des questions.

Afin d’appeler le plus grand nombre possible de questions, je souhaiterais que les questions supplémentaires soient précises et brèves.

La parole est à M. Ruffy.

M. RUFFY (Suisse)

J’aimerais savoir quelles ont été les conséquences de l’entrée de la principauté de Liechtenstein dans l’Espace économique européen. Nous vous envions, nous les Suisses!

Quels ont été les points les plus délicats en ce qui concerne la transformation des accords qui nous unissent depuis longtemps? La proximité de nos deux pays n’ayant plus du tout, de nos jours, la même signification, quels sont les inconvénients de cette nouvelle situation?

(traduction)

Voilà une question qui nous préoccupe vivement. Comme vous le savez, les relations que nous entretenons avec la Suisse revêtent un caractère particulier. Nos tâches les plus importantes se situent effectivement dans les domaines où la Suisse s’était jusqu’à présent substituée à nous. Cela vaut pour le transport des marchandises, et cela vaut également pour d’autres secteurs dont les autorités suisses s’occupaient à notre place. Mais je suis heureux de constater que l’assistance de la Suisse reste considérable dans tous ces domaines, ce qui nous permet de progresser rapidement sans trop de problèmes.

Nous attachons une grande importante à notre participation à l’Espace économique européen, car elle nous permettra de conforter la bonne situation économique du pays. En d’autres termes, nous n’en attendons pas tant la poursuite de notre développement ou l’amélioration de notre situation économique que le maintien des bonnes conditions actuelles. Cependant, nous avons parfaitement conscience que la participation à l’EEE comporte également certains risques, liés notamment à la libre circulation des personnes. Comme vous le savez peut-être, la population de la principauté compte 38 % d’étrangers; il importe donc de mettre en œuvre une politique raisonnable qui nous permette de préserver notre identité nationale. Cela dit, je pense que les réglementations de l’EEE ne nous empêcheront pas de pratiquer une telle politique à l’avenir.

Pour ce qui est de la Suisse, je suis convaincu que nos relations futures resteront très positives. Ces bonnes relations sont d’ailleurs l’une des principales raisons de notre adhésion à l’EEE. D’une manière ou d’une autre, la Suisse saura s’arranger avec l’Europe, soit par le biais d’accords bilatéraux – auxquels on travaille activement en ce moment – soit en adhérant à l’EEE, soit – et je crois que c’est-là le but politique du Conseil fédéral – en adhérant à l’Union européenne.

Il importait donc que le Liechtenstein établisse à temps certaines relations avec l’Europe, relations dont il pourra tirer parti lors d’un éventuel processus d’intégration de la Suisse, mais qui pourraient également se révéler utiles dans celles qu’il entretient avec ce pays. Je ne partage par l’avis de certains, qui voient dans cet accord avec l’EEE un acte séparatiste qui marquerait une détérioration de nos relations – avec la Suisse, par exemple – j’estime, au contraire, qu’il est l’expression de la volonté de renforcer celles que nous entretenons avec d’autres pays européens.

M. TORRES ALIS (Andorre)

Monsieur le Chef du gouvernement, je tiens tout d’abord à vous féliciter pour votre excellente intervention. Sachez que nous avons retrouvé dans votre discours – en tant que parlementaires andorrans – des inquiétudes que nous partageons pleinement et des points communs.

Après votre adhésion à l’Espace économique européen, pensez-vous que les conditions fixées apporteront des changements importants dans votre pays, notamment sur le plan de l’équilibre démographique, entre nationaux et étrangers?

M. Frick, Chef du gouvernement du Liechtenstein (traduction)

Je vous remercie d’approuver notre adhésion à l’EEE. Non, je ne pense pas qu’elle apporte des changements considérables. Je dirais que le Liechtenstein – précisément en ce qui concerne la libre circulation des personnes et l’intégration des étrangers – pourrait être cité en exemple. La proportion d’étrangers résidant au Liechtenstein – 38 % – est bien plus élevée que dans d’autres pays européens et j’estime qu’ils ont été intégrés de manière satisfaisante.

J’espère que l’excellente atmosphère qui règne dans la principauté pourra être maintenue grâce à une politique raisonnable, une politique qui ira à la rencontre de nos citoyens. Cependant, il faudra procéder de manière progressive; il faut éviter les débordements, ce qui n’ira pas sans un certain contrôle.

L’adhésion à l’EEE a également des effets positifs pour les étrangers vivant sur notre territoire, puisqu’il a fallu procéder à certaines adaptations qui se sont traduites par davantage de sécurité dans le domaine social, davantage de droits, ainsi que par l’accès à certains métiers et professions libérales. Je pense qu’à cet égard l’adhésion à l’EEE a été précieuse; elle a en effet contribué à l’égalité entre les citoyens et à l’élévation des normes applicables à tous, ce qui va tout à fait dans le sens de l’idéal du Conseil de l’Europe.

Mme ARNOLD (Danemark) (traduction)

Mon collègue M. Ruffy et moi-même souhaitons vous poser une question ayant trait à vos relations avec la Suisse. La semaine dernière, j’ai passé trois jours de congé en Suisse et j’en ai profité pour visiter votre charmant pays. En me rendant au Liechtenstein, j’ai eu tout simplement l’impression de passer dans un autre canton, d’autant qu’à l’évidence vous avez réalisé l’union monétaire avec la Suisse puisque vous utilisez également la devise helvétique. A présent, contrairement à la Suisse qui a choisi de rester à l’écart, la principauté est devenue membre de l’Espace économique européen.

J’aimerais savoir comment fonctionne votre coopération monétaire avec la Suisse. Existe-t-il, par exemple, des dispositions législatives à cet égard? Dans l’affirmative, quelles sont-elles? D’autre part, comment voyez-vous l’avenir de cette union monétaire et économique si le Liechtenstein et la Suisse choisissent des chemins différents?

M. Frick, Chef du gouvernement du Liechtenstein (traduction)

Oui, merci beaucoup, je serai bref.

Il est exact que nous possédons la même monnaie, et ce depuis fort longtemps. A l’origine, nous nous sommes contentés de faire main basse sur le franc suisse – bien pacifiquement s’entend. Il y a une quinzaine d’années, à la suite d’un accord passé avec la Suisse, nous nous sommes intégrés à son système monétaire. En raison de sa petitesse, le Liechtenstein n’a guère ou pas d’influence sur les fluctuations de la monnaie helvétique, et peut donc continuer à se développer sans problème. Selon toute vraisemblance, nous nous attacherons aux pas de la Suisse, bien qu’en théorie nous ayons la latitude d’adopter n’importe quelle autre monnaie, le dollar, par exemple. Mais le choix du franc suisse s’étant révélé excellent, il n’y a aucune raison d’en abandonner l’usage.

M. MUEHLEMANN (Suisse) (traduction)

Monsieur le Chef de gouvernement, il est à la fois étonnant et très satisfaisant que vous jouiez le rôle de locomotive dans l’intégration de la Suisse à l’Europe. Vous-même êtes encore très jeune, et on pourrait s’attendre à ce que vous ameniez votre pays à adhérer à l’Union européenne. J’aimerais savoir ce que vous attendez d’une telle adhésion et sous quelles conditions vous seriez disposé à vous en faire le champion.

M. Frick, Chef du gouvernement du Liechtenstein (traduction)

Monsieur le Président, je crois qu’il serait présomptueux de notre part de nous considérer comme la locomotive de la Suisse. Je crois qu’en tout état de cause il faut garder à l’esprit la différence de taille entre nos deux pays. Cela dit, je m’estimerais heureux que notre exemple puisse prouver à la Suisse qu’un petit Etat peut se sentir parfaitement à l’aise dans l’une des formes de l’intégration européenne.

Quant à une éventuelle adhésion à l’Union européenne, en l’état actuel des choses, je ne crois pas qu’elle soit souhaitable, et ce pour différentes raisons. Nous sommes en mesure de faire face à nos obligations envers l’EEE dont la vocation est purement économique. Mais une adhésion à l’Union européenne, malgré son caractère global, entraînerait pour l’heure des bouleversements si nombreux que nous ne serions pas capables de les gérer. Il n’est donc pour l’instant pas question d’y penser.

LE PRÉSIDENT (traduction)

La parole est à M. Muehlemann pour poser une question supplémentaire.

M. MUEHLEMANN (Suisse) (traduction)

Je vous remercie, mais j’ose espérer que vous ne perdrez pas courage. Dans le cadre du Conseil de Constance, nous coopérons au sein d’une petite Europe et j’espère que nous pourrons ainsi contribuer à l’établissement d’une Europe des régions.

M. Frick, Chef du gouvernement du Liechtenstein (traduction)

Quand je dis que nous n’envisageons pas encore d’adhérer – même à plus long terme – à l’Union européenne, cela ne veut pas dire que nous ne travaillerons pas à améliorer notre position au sein de l’EEE.

Comme vous le disiez, il est essentiel de mettre l’accent sur les régions, sur les relations de bon voisinage, telles que celles que nous entretenons avec les cantons de Saint-Gall, des Grisons et la province autrichienne du Vorarlberg. Je crois que c’est là que résidera notre tâche principale au cours des années à venir. Les temps sont révolus où l’on se repliait sur soi-même en pensant pouvoir se débrouiller tout seul.

M. HAGÄRD (Suède) (traduction)

En 1991, le Liechtenstein a signé la Charte sociale européenne de 1961, mais il ne l’a pas encore ratifiée. J’aimerais profiter de votre visite pour vous demander à quelle date la principauté envisage de ratifier cette charte.

M. Frick, Chef du gouvernement du Liechtenstein (traduction)

Je vous remercie de cette question. Nous avons entrepris de créer les conditions nécessaires à la signature de la Charte sociale. Ces dernières années, nous avions décidé d’attendre notre adhésion à l’EEE, ce qui supposait d’apporter des modifications dans nos lois sociales. Nous étudions actuellement d’autres projets en rapport avec la Charte sociale.

Malheureusement, je ne suis pas en mesure d’indiquer à quelle date nous la ratifierons; je puis cependant vous indiquer que cette question figurera au nombre des priorités à examiner au cours des prochains mois.

M. BERGER (Suisse)

J’aimerais tout d’abord féliciter le Chef du Gouvernement de la principauté de Liechtenstein pour son excellent exposé.

Monsieur le Chef du gouvernement, vous comprenez aisément pourquoi plusieurs parlementaires suisses vous posent des questions en raison de l’étroitesse des relations qui unissent nos deux pays.

Nous avons beaucoup parlé, ces derniers temps, des modifications sensibles – je dois le dire – qui sont intervenues dans ces relations depuis l’adhésion de votre pays à l’Espace économique européen. Et je tiens donc à féliciter votre peuple et votre gouvernement pour votre courage politique et la solidarité que vous manifestez à l’égard de la construction européenne.

La Constitution de la principauté – me semble-t-il – est mixte. Il y a plusieurs années, cette caractéristique a provoqué quelques différends à l’intérieur du pays. Si je suis bien informé, vous envisagez une modification de votre Constitution. J’aimerais savon- dans quel sens. Où en est cette réforme?

M. Frick, Chef du gouvernement du Liechtenstein (traduction)

Nous entretenons en effet d’intenses relations avec la Suisse. Comme le disait si élégamment Mme Arnold: on a presque l’impression de passer dans un autre canton. En tant que Chef de gouvernement, je devrais prendre ombrage de cette réflexion – je dis bien «devrais» – mais je crois qu’elle montre à quel point nos relations sont excellentes et c’est pourquoi je l’ai appréciée.

Il est parfaitement exact qu’il existe, au sein des forces politiques de la principauté, plusieurs courants de pensée sur l’interprétation à donner à telle ou telle disposition de la Constitution. Des discussions informelles sont d’ailleurs en cours dans le but de parvenir à un certain rapprochement. Je crois qu’il sera possible de régler un certain nombre des questions en suspens si chacun s’explique clairement. Je suis confiant dans l’avenir, et je pense que tant le prince que le Conseil d’Etat et le gouvernement seront en mesure de trouver un terrain d’entente.

Et puisque les pourparlers sont en cours, l’Assemblée comprendra que je ne puisse pas encore en révéler le contenu ni l’état d’avancement. Vous savez très bien que lorsqu’un parti prend publiquement position, celle-ci donne souvent lieu à des interprétations erronées, comme si on voulait enfoncer le clou. Je crois que, dans un domaine aussi délicat que celui des réformes constitutionnelles, il est primordial de s’attacher à faire régner la confiance, de s’efforcer de mener les pourparlers de manière à ce que chacun comprenne bien qu’il s’agit de trouver une solution commune et non de promouvoir les idées de l’une ou l’autre des parties en présence.

Je terminerai en disant que, abstraction faite de cette question de partage des compétences, notre Constitution, bien qu’elle remonte à 1921, est à bien des égards exemplaire. Je pense notamment aux droits dont jouissent les citoyens, qui sont bien plus étendus qu’en Suisse, mais peut-être est-ce dû à la très petite taille de notre pays. Je pense également au vaste catalogue des droits fondamentaux que vient compléter avec bonheur la Convention européenne des Droits de l’Homme. Je suis sûr que dans un délai raisonnable les questions de compétence – qui ne portent pas à conséquence pour l’instant — pourront être résolues à la satisfaction générale.

LE PRÉSIDENT

Monsieur Frick, nous avons été particulièrement heureux de vous recevoir dans notre Assemblée en cette journée très riche en événements. Nous vous reverrons tout à l’heure à l’occasion de l’inauguration du nouveau Palais des droits de l’homme.

Je voudrais que la présence parmi nous du Chef du Gouvernement du Liechtenstein soit connue de tous les citoyens de votre pays, qu’ils sachent qu’ils ont été reçus ici par votre intermédiaire.

Je profite enfin de cette occasion pour vous demander de transmettre aux membres de votre gouvernement, à nos collègues parlementaires et à Son Altesse Sérénissime le prince Hans-Adam II du Liechtenstein, que nous connaissons bien et qui nous honore de son amitié, nos meilleurs vœux de succès, de bonheur et de réussite dans la participation à cette entreprise, qui devient de plus en plus passionnante, mais aussi, souvent, de plus en plus difficile.