Victor

Yanukovych

Président de l’Ukraine

Discours prononcé devant l'Assemblée

mardi, 21 juin 2011

Monsieur le Président, Monsieur le Secrétaire Général, Mesdames, Messieurs les membres de l’Assemblée, j’ai l’honneur de m’exprimer aujourd’hui pour la troisième fois dans cet hémicycle devant l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe.

Je m’exprime en tant que Président de l’Etat qui assure aujourd’hui la présidence du Comité des Ministres. C’est la raison pour laquelle j’éprouve une responsabilité particulière s’agissant du contenu de notre dialogue et des actions conjointes que nous menons pour l’avenir du Conseil de l’Europe.

Cette année est une année riche pour l’Ukraine: en effet, notre pays préside le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe pour la première fois de son histoire, c’est le seizième anniversaire de son adhésion au Conseil de l’Europe et le vingtième anniversaire de son indépendance. Sur le plan historique, l’indépendance de l’Ukraine et son statut de membre du Conseil de l’Europe sont contemporains. La création de notre Etat est donc étroitement liée aux activités et au développement du Conseil de l’Europe.

Le monde moderne avec ses réalités politiques changeantes et rapides est un univers de plus en plus interdépendant et mondialisé. Dans ce contexte, le Conseil de l’Europe qui unit l’ensemble des pays du continent, ou peu s’en faut, définit son rôle et sa mission afin de relever plus efficacement les défis de cette époque moderne. Nous sommes tous témoins aujourd’hui de mutations profondes qui se produisent au sein du Conseil de l’Europe, et l’Ukraine, en tant qu’elle assure la présidence du Comité des Ministres, est prête à favoriser ces changements.

L’Organisation revoit sa structure, son fonctionnement, son budget, pour déboucher sur des améliorations qualitatives et une meilleure réalisation de ses objectifs: développement de la protection, sauvegarde des droits de l’homme et de la prééminence du droit.

Les réformes que nous avons lancées dans le même temps ne sont pas de simples mesures administratives, il s’agit de réformes institutionnelles et politiques ayant pour objectif premier de délimiter les fonctions et les domaines de compétences du Conseil de l’Europe dans le système général de toutes les institutions européennes.

Les priorités de la présidence ukrainienne sont la protection des droits de l’enfant, les droits de l’homme, la prééminence du droit ainsi que le développement de la démocratie locale et régionale, afin d’assurer la cohérence du travail, dont la visée est d’atteindre les objectifs fondamentaux du Conseil de l’Europe.

Permettez-moi, à cet égard, d’insister sur l’importance du dialogue qui se déroule entre l’Assemblée parlementaire et la présidence ukrainienne, tout d’abord dans le domaine de la protection des droits de l’homme. Le Conseil de l’Europe a mis en place la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et le mécanisme qui contrôle le respect des dispositions forme l’assise des activités du Conseil en matière de protection des droits de l’homme.

Notre tâche commune vise donc à assurer l’efficacité à long terme de la Cour européenne des droits de l’homme et du système juridique de la Convention. Ce système doit être préservé, entretenu et servir à mettre en œuvre l’ensemble des instruments existants.

L’adhésion de l’Union européenne à la Convention européenne des droits de l’homme est une priorité pour l’ensemble du continent européen. Elle devrait aboutir à la consolidation du système paneuropéen de protection des droits humains et à une meilleure interaction entre les deux organisations. On devine les avantages du nouveau système. La démocratie en Europe exige, non pas des efforts parallèles, mais bien une coordination des institutions actives. L’Europe unie de demain doit reposer sur une assise juridique solide, aujourd’hui formée des normes et des principes du Conseil de l’Europe.

Je veux maintenant souligner l’importance du rôle du Conseil de l’Europe pour assurer la stabilité démocratique sur l’ensemble du continent. La contribution du Conseil de l’Europe est mentionnée dans le rapport du Groupe des éminentes personnalités «Vivre ensemble dans l’Europe du XXIe siècle», dont les conclusions devraient être considérées attentivement par le Conseil à l’échelon de l’Assemblée parlementaire comme à l’échelon gouvernemental pour mettre en place des mécanismes efficaces permettant de relever les défis actuels.

Pour assurer la stabilité démocratique de l’Europe, la coopération du Conseil doit être développée avec les pays non membres de l’Organisation, mais qui n’en sont pas moins demandeurs d’une aide pour assurer leur évolution démocratique. Cette forme de coopération est essentielle.

N’oublions pas dans le même temps nos obligations sur le territoire de l’Europe; car nous devons parachever un continent où la peine capitale aura disparu. Citons également les questions touchant aux conflits gelés.

Telles sont les tâches importantes inscrites à l’ordre du jour de notre Organisation.

Des problèmes juridiques restent à régler, notamment relatifs aux migrations illégales, à la lutte contre la traite d’être humains, à la corruption et la criminalité organisée.

Voilà un an, alors que je m’exprimais ici même dans cet hémicycle, j’avais évoqué ma conception de la mise en œuvre d’un train de réformes en Ukraine. À l’époque, j’avais fixé des objectifs ambitieux à mon équipe, puisqu’il s’agissait de respecter l’ensemble des obligations de l’Ukraine à l’égard du Conseil de l’Europe en l’espace d’un an. De fait, nous avons rédigé des projets de loi sur des thèmes très importants comme l’activité des associations, l’élection des députés au Parlement ukrainien, les procédures pénales… L’ensemble de ces textes de loi sont à l’examen à divers échelons, y compris par des experts internationaux. Certains ont été soumis au parlement, lequel a notamment voté une loi sur l’information publique, sur la lutte contre la corruption, et sur l’assistance juridique gratuite. Les changements intervenus au cours des douze derniers mois sont impressionnants.

Cela dit, c’est un processus complexe et nous avons encore beaucoup de travail à réaliser, car il s’agit de réformes de très grande ampleur.

Le processus de réforme constitutionnelle est engagé, mais une certaine inertie retarde parfois les changements, notamment dans le domaine de la législation pénale. La réforme constitutionnelle ainsi que la réforme du système judiciaire, la lutte contre la corruption, la mise en place d’un système de radiodiffusion public figurent parmi dans les priorités de mon programme politique. Toutes ces réformes seront mises en œuvre.

Le président, le gouvernement, la coalition parlementaire au pouvoir agissent de façon coordonnée. On entend parfois dire que nous adoptons des décisions très strictes et très sévères mais nous nous heurtons aujourd’hui à des défis très difficiles à relever. Après des années de stagnation, nous avons besoin d’avancées décisives et de progrès rapides. Nous devons mettre en œuvre les réformes intérieures à même de respecter les normes européennes et d’assurer la prééminence du droit dans tous les domaines. Nous sommes bien conscients du fait qu’une réforme systématique exige du temps et un travail considérable.

Cependant, les premiers résultats sont déjà patents.

Nous avons mis en œuvre un programme de réformes économiques. Nous avons adopté une série de lois de première importance, notamment une loi sur la politique intérieure, un nouveau Code fiscal et un nouveau Code budgétaire. J’ai également encouragé une initiative visant à créer une assemblée constitutionnelle ayant mandat d’améliorer le système politique et d’amender la Constitution. Ce processus de réforme constitutionnelle se déroulera en coopération étroite avec la Commission de Venise.

En outre, une vaste campagne de lutte contre la corruption a aussi été lancée. Le Parlement ukrainien adopte une loi visant à combattre le phénomène de la corruption. L’éradication de la corruption est une préoccupation constante de la présidence ukrainienne, mais ces efforts se heurtent à l’opposition des milieux qui se sont enrichis par la malversation et la corruption.

La corruption est une très grave menace dans notre pays. Je suis déterminé à combattre et à vaincre ce fléau malgré toutes les oppositions. Des centaines de poursuites pénales ont été engagées contre les représentants de ces milieux, y compris contre des personnes qui étaient aux affaires par le passé. D’anciens responsables gouvernementaux cherchent aujourd’hui à fuir leurs responsabilités dans des affaires de corruption qui n’ont strictement rien à voir avec leur activité politique. Il importe de juger la situation en Ukraine sur la base de critères objectifs et non sur la base de déclarations politiques. Nous sommes prêts à maintenir un dialogue ouvert et à fournir des informations de manière transparente sur la situation dans notre pays, mais le dernier mot revient aux tribunaux.

La réforme du système judiciaire vise aussi à vaincre la corruption et donc à encourager le développement de la société ukrainienne. Dans ce domaine, nous avons aussi réalisé des progrès. Nous avons adopté une loi sur le système judiciaire et sur le statut des juges. Nous nous félicitons des conclusions rendues par la Commission de Venise au sujet de ces textes de loi. Toutes les objections de fond seront prises en considération. Mais nous n’en sommes qu’aux premières étapes. Il s’agira ensuite de réformer le système de justice pénale, en particulier par l’adoption d’un Code de procédure pénale. Nous avons récemment achevé la rédaction du projet de nouveau Code de procédure pénale, dont le parlement sera saisi dès cette année.

Je suis persuadé qu’avec l’adoption de ce Code de procédure pénale, nous disposons d’une base juridique solide. Ce sera une garantie essentielle pour nous assurer du plein respect des droits humains dans notre pays.

Le projet de code prévoit l’égalité des droits de la défense et de l’accusation lors des procédures pénale, ainsi qu’un renforcement considérable des droits des avocats. Ces derniers auront la possibilité de rassembler des éléments de preuve et de les présenter devant le tribunal sur un pied d’égalité avec l’accusation. L’adoption de ce code modifiera les pratiques courantes en Ukraine, où l’accusation se voyait systématiquement avantagée.

Nous souhaitons également mettre pleinement en œuvre le principe du respect de la dignité humaine dans toutes les dispositions du Code de procédure pénale. Ainsi, celui-ci interdit aux tribunaux de tenir compte, à titre d’éléments de preuve, d’informations qui auraient été obtenues au cours de la phase d’enquête par la violence ou par des menaces à l’encontre des prévenus.

Nous sommes également attentifs aux normes de protection de la confidentialité des données. Nous avons tenu compte des normes européennes en la matière. Le code comporte une liste précise de cas dans lesquelles les responsables de l’application des lois peuvent mener des enquêtes secrètes.

La démocratie et les droits de l’homme et, en particulier, le respect de la liberté d’expression et de parole resteront la base du fonctionnement de l’Etat ukrainien. La liberté de parole, la liberté de la presse ont été l’un des acquis les plus importants de l’Ukraine au cours des dernières années. La loi sur l’accès du public à l’information aujourd’hui en vigueur permet de fixer clairement les relations entre les représentants des autorités et ceux de la presse et le droit d’accès de la population aux informations socialement importantes.

Nous adoptons également des mesures visant à introduire un système de radiodiffusion public en Ukraine pour améliorer l’objectivité de l’information et pour que la liberté de parole soit pleinement respectée.

Je voudrais dire encore combien le gouvernement ukrainien est sensible à la question de la liberté de parole. Nous prenons très au sérieux toute information faisant état d’atteinte au droit dans ce domaine, y compris en ce qui concerne les informations fournies par des organisations internationales de protection des droits de l’homme. Tout cas de pression sur des journalistes ou de limitation de la liberté de parole fera l’objet d’une enquête en bonne et due forme par les autorités responsables.

Nous avons pris des mesures concrètes pour garantir le respect des droits et des libertés de l’homme. Nous souhaitons consolider la démocratie et asseoir pleinement le principe de la prééminence du droit pour que les autorités politiques, les partis politiques et toutes les institutions civiles puissent pleinement appliquer les réformes en cours.

Au mois de mai, le Parlement ukrainien sera saisi du projet de loi sur les organisations non gouvernementales. Ce projet définit clairement les conditions d’exercice du droit des citoyens à la liberté d’association.

Nous mettons la dernière main au projet de loi sur les élections législatives en Ukraine. Il fait actuellement l’objet d’un large débat public et il est très important pour moi d’obtenir la pleine confiance des citoyens à l’égard de cette réforme. Ce n’est qu’après avoir soumis le projet de loi à l’examen de la Commission de Venise que je le soumettrai au Parlement ukrainien.

Je voudrais à cet égard insister sur la qualité et le dynamisme de notre coopération avec la Commission de Venise.

Pour conclure, je souhaite souligner que l’intégration à l’Europe reste la priorité absolue de la politique intérieure et extérieure de l’Ukraine. Elle constitue un facteur d’unité au sein de la société ukrainienne et unit autour d’un même objectif les grands partis politiques et la majorité de la population. En tant que Président de l’Ukraine, je souhaite préserver ce consensus, qui constitue pour nous un atout essentiel.

Lorsque nous rencontrons des représentants de l’Union européenne, nous leur rappelons toujours notre volonté de répondre aux critères de l’accord d’association. Dans la perspective de l’intégration économique de l’Ukraine à l’Union européenne, je tiens à souligner que nous avons l’intention de mener à bien les négociations engagées. La liberté de mouvement et de déplacement est la pierre angulaire du processus d’intégration européenne. Les citoyens de tous les pays européens doivent avoir la possibilité de se déplacer librement dans l’espace européen commun. Ce n’est qu’à ce prix que nous résorberons les dernières lignes de fracture qui subsistent sur notre continent.

Pour ce qui concerne la politique étrangère de l’Ukraine, nous avons récemment renforcé nos relations avec la Fédération de Russie. Cette coopération est essentielle non seulement pour les populations de nos deux pays, mais aussi pour l’ensemble de l’Europe et du monde. Elle n’est évidemment dirigée contre quiconque. Pendant des années, l’Ukraine a contribué à la sécurité européenne et mondiale.

Des conflits gelés subsistent sur notre continent: aussi longtemps qu’ils ne seront pas réglés, ils constitueront une menace à la paix, à la stabilité et à la sécurité en Europe. Ils nuisent au développement durable de l’ensemble de notre région. C’est pourquoi ces conflits gelés seront au cœur des priorités de la présidence ukrainienne de l’OSCE en 2013.

Je suis profondément convaincu que le processus de développement d’une Europe nouvelle, respectant la démocratie et les droits de l’homme, est bien engagé aujourd’hui. Une société européenne fondée sur la tolérance, la compréhension mutuelle et la coexistence pacifique entre les peuples, est la tâche la plus essentielle de l’Europe du XXIe siècle. Le Conseil de l'Europe, étant donné sa composition paneuropéenne et son expérience sans égale, est le chef de file naturel de ce processus. Nous sommes aujourd’hui en mesure de créer une Europe commune, autour de valeurs et d’objectifs communs.

Je vous remercie de votre attention. Je serai heureux de répondre à vos questions.

LE PRÉSIDENT (interprétation)

Je vous remercie, Monsieur le Président, pour votre discours qui a vivement intéressé les membres de l’Assemblée. Un certain nombre d’entre eux souhaitent vous poser des questions. Je leur rappelle qu’ils disposent de trente secondes et que leur intervention ne doit pas être une déclaration.

La parole est à M. Volontè, au nom du Groupe du Parti populaire européen.

M. VOLONTÈ (Italie) (interprétation)

Monsieur Yanukovych, mon Groupe a souhaité vous inviter lors de la partie de session du mois d’octobre prochain. Nous espérons que vous répondrez favorablement à cette invitation.

La justice ukrainienne semble aujourd’hui dirigée de manière partiale contre les activités de l’opposition politique, ce qui n’est pas conforme aux principes démocratiques. Pouvez-vous nous éclairer sur ce point?

M. Yanukovych, Président de l’Ukraine (interprétation)

J’ai souhaité intervenir devant vous aujourd’hui pour éclairer les liens qui existent entre l’Ukraine et l’Union européenne et aborder les principales questions au cœur du processus d’intégration européenne de mon pays. Il ne fait aucun doute que les sujets qui portent sur la prééminence du droit constituent pour nous des domaines d’action prioritaires. Nous avons lancé cette année un processus de réforme important afin de répondre à nos engagements. Aujourd’hui, nous voyons les choses en face.

En tant que Président, il m’est interdit de donner des ordres au parquet. Les responsables politiques ukrainiens doivent bénéficier de toute latitude pour voyager et se faire entendre. J’ai la volonté de voir mises en œuvre les priorités que nous avons définies pour l’Ukraine, parmi lesquelles l’intégration de notre pays dans l’espace européen sur la base des valeurs européennes.

Mme CHRISTOFFERSEN (Norvège) (interprétation)

L’Ukraine est un pays considéré comme hautement corrompu si l’on en croit les indicateurs de Transparency International: le pays est placé à la 134e position sur 178 pays. La lutte contre la corruption fera-t-elle partie des priorités de votre présidence?

M. Yanukovych, Président de l’Ukraine (interprétation)

Dans mon discours, j’ai souligné combien ce sujet constitue un défi pour notre société. Depuis l’indépendance de l’Ukraine, la corruption n’a cessé d’empirer. Nous sommes préoccupés, bien sûr, mais cela ne suffit pas. Nous allons mettre en place les mesures pouvant enrayer ce phénomène, dans le cadre d’un programme ambitieux et d’une loi portant sur la lutte contre la corruption, qui entrera en vigueur le 1er juillet prochain.

C’est un premier point important.

La déréglementation de l’économie est un autre aspect important de la lutte contre la corruption. Le système d’autorisations et de permis a en effet engendré, pendant des décennies, une énorme bureaucratie, source de corruption. Nous allons donc supprimer 90 % des permis et des autorisations. Ce travail de restructuration est évidemment assez douloureux.

Dans la fonction publique, tous les postes ont fait l’objet d’une rationalisation. Le Conseil des ministres lui-même a vu ses effectifs réduits de 60 %. Du jamais vu! Nous décentralisons beaucoup, vers les régions, en particulier, et nous mettons les bouchées doubles pour réduire le nombre de fonctionnaires dans les différents ministères. Nous visons une réduction de 30 %. Inutile de vous dire que ce travail n’a rien d’une sinécure! C’est une tâche très ardue que celle consistant à rationaliser et optimiser les ressources de la fonction publique, mais elle est nécessaire.

Nous venons par ailleurs d’adopter une loi sur les marchés publics. Le but est que les fonctionnaires ne puissent pas influencer les décisions relatives aux entreprises. C’est aussi dans ce but que nous mettons en œuvre le principe du guichet unique. Désormais, lorsqu’une entreprise veut créer une autre entité dans telle ou telle région, tous les services dont elle a besoin – immatriculation, dépôt des statuts, etc. – pourront être assurés par un guichet unique. Il ne sera plus nécessaire de passer d’un bureau à l’autre, d’un ministère à l’autre. Cela évitera bien des pots-de-vin.

En Ukraine, il existait 12 000 agences d’Etat qui délivraient des autorisations et des permis. Elles ont fermé boutique, car tous ces services sont passés à un autre niveau.

Tout cela représente un travail titanesque, qui ne peut pas être accompli du jour au lendemain. Il faut donner du temps au temps. Mais nous avons déjà défini le cap. Les bureaucrates essaient bien sûr de faire monter la pression, par des slogans et autres. Toute la machinerie bureaucratique résiste au changement, ce qui se comprend, car il y a tout un business de la corruption qui s’est mis en place au fil du temps. Ce business ne veut pas se laisser faire!

Quoi qu’il en soit, nous disposons maintenant d’un système anti-corruption et nous entendons bien continuer à lutter contre elle.

M. BADRÉ (France)

Vous annoncez, Monsieur le Président, une révision constitutionnelle et vous proposez pour cela de convoquer une Assemblé constituante. La Commission de Venise estime que cette procédure est de nature à renforcer la légitimité de cette révision, sous réserve que soient levées les incertitudes concernant l’autonomie dont disposera cette Assemblée, le mode de désignation de ses membres et le mode de prise de décision qui prévaudra. Pouvez-vous nous rassurer sur ces différents points et préciser votre calendrier?

M. Yanukovych, Président de l’Ukraine (interprétation)

La question est très intéressante. Pour la première fois depuis l’indépendance, nous parlons de réforme constitutionnelle, et ce de façon systématique. Notre Constitution a 15 ans, quinze années au cours desquelles un certain nombre de modifications sont intervenues. Faute d’une approche systématique, ces modifications n’ont pas été très efficaces. Au moment de la réélection du Président, en 2004, nous avons ainsi assisté à un certain déséquilibre fonctionnel. Ce déséquilibre est toujours là et il a été perçu au cours des cinq dernières années. Certaines modifications cachaient d’ailleurs des ambitions politiques à la limite de la légalité.

En 2010, la Cour constitutionnelle a statué et a considéré que les changements intervenus en 2006 étaient frappés de nullité. On subit cependant encore aujourd’hui les conséquences de ces changements. C’est pourquoi je pense qu’il faut passer à l’étape suivante. Il y aura donc une réforme constitutionnelle. L’approche que nous avons retenue nous semble la plus démocratique qui soit et nous paraît très prometteuse. Les changements constitutionnels passeront par toutes les étapes légales et, au premier chef, par le parlement. Cette approche nous donnera la possibilité de discuter des changements, tant avec la société civile qu’avec les experts ukrainiens et internationaux.

Nous dialoguerons aussi avec les ONG et les formations politiques.

Ainsi pourrons-nous unir tous les acteurs de la société ukrainienne, dont les parlementaires ukrainiens, et entériner les changements apportés à la Constitution.

Bien entendu, ces changements devront passer par des auditions publiques. J’espère que notre entreprise sera couronnée de succès, mais nous ne voulons pas faire preuve de précipitation, car cela nous a conduit à de mauvaises expériences par le passé. Il y aura une assemblée constituante, où siégeront des experts internationaux et locaux, entre autres.

M. JIRSA (République tchèque) (interprétation)

Pays voisin de la Moldova, dont elle est séparée par la région de Transnistrie, l’Ukraine joue un rôle très important dans le règlement de ce dossier. La Transnistrie est sans doute la région la plus problématique d’Europe; on parle notamment de trafic d’armes. Comment envisagez-vous le statut actuel de la Transnistrie, ainsi que son avenir?

M. Yanukovych, Président de l’Ukraine (interprétation)

Sur ce dossier, nous devrons œuvrer sans relâche, comme membres de la communauté internationale qui a vu le jour sous la forme «5 + 2» et dont le travail n’a, du reste, jamais été interrompu. Tout récemment, les ministres des Affaires étrangères de Russie et d’Ukraine, MM. Lavrov et Gryshchenko, se sont rencontrés à Odessa sur cette question du dialogue entre la République de Moldova et la région de Transnistrie.

Ce dialogue se fonde sur les principes de l’inviolabilité du territoire des pays et du droit international et sur les traités internationaux en vigueur. Je suis persuadé que, avec le temps, ce travail portera ses fruits. Mais les participants à ce processus doivent faire preuve de patience et de tolérance. Ces négociations doivent être menées dans un esprit de respect envers les populations qui vivent en République de Moldova et en Transnistrie. Il faut tenir compte de leur avis. Tels sont les principes auxquels l’Ukraine se conformera.

M. KOX (Pays-Bas) (interprétation)

Je suis heureux de vous revoir, monsieur le Président, et je vous remercie de répondre à nos questions.

Vous avez parlé de l’importance de la Convention européenne des droits de l’homme. Ne pensez-vous pas que la décision récente par laquelle votre Cour constitutionnelle a interdit de brandir le drapeau rouge est incompatible avec le droit à la liberté d’expression énoncé dans la Convention?

Deuxièmement, allez-vous être en mesure d’affronter tous les dangers que représente la catastrophe de Tchernobyl, qui, au bout de vingt-cinq ans, affecte encore les citoyens, ou avez-vous besoin pour cela de l’aide internationale?

M. Yanukovych, Président de l’Ukraine (interprétation)

La décision de la Cour constitutionnelle ukrainienne était légitime. Elle a été prise dans le respect de la Constitution en vigueur. Elle n’interdit à aucune personne ni à aucune organisation de brandir le jour de la victoire le drapeau qui a été brandi, notamment sur le Reichstag, à la fin de la seconde guerre mondiale. Cette décision souligne une fois de plus que le principe de la suprématie du droit prévaut dans notre pays.

Quant à Tchernobyl, les problèmes que nous connaissons en Ukraine sont très prégnants; les plaies sont encore ouvertes. Nous sommes donc très reconnaissants à tous les pays qui ont participé à la conférence de Tchernobyl, organisée à l’occasion du vingt-cinquième anniversaire de la catastrophe. Au cours de cette conférence, nous avons abordé la question, très délicate et importante pour nous, mais aussi pour toute la communauté internationale, de la construction d’un sarcophage permettant de sécuriser davantage le système.

Il est prévu de fermer l’unité qui a été détruite dans la centrale nucléaire, ce qui créerait les conditions nécessaires pour retirer progressivement toutes les substances dangereuses encore présentes dans le réacteur détruit. La construction du sarcophage nous laisserait un délai d’une centaine d’années pour accomplir cette tâche essentielle, pour mettre un terme aux travaux et rendre le site propre du point de vue environnemental.

Nous disposons de 100 millions d’euros environ, mais nous manquons encore de quelque 150 millions. Cela étant, les fonds dont nous disposons nous permettent d’entamer les travaux. Selon les projets que nous avons approuvés, nous devrions les achever en 2015. Nous espérons y parvenir grâce à l’aide que nous apporteront nos partenaires internationaux à l’initiative du G8. Nous pensons que les obligations de l’Ukraine, mais aussi du G8, contractées lors de la fermeture de la centrale, seront respectées.

Mme MARIN (France)

Monsieur le Président, ma question concerne également la centrale de Tchernobyl. Quelle sera l’affectation des terrains qui entourent cette centrale? On ne sait pas aujourd’hui quel périmètre est sans danger pour l’homme.

M. Yanukovych, Président de l’Ukraine (interprétation)

Toutes les terres contaminées par la catastrophe sont clairement circonscrites. Les activités des spécialistes ukrainiens et internationaux visent à permettre avec le temps, la transformation en une zone sans risque pour l’environnement. Un plan est en phase de mise en œuvre. Nous tenons régulièrement informé la population des progrès de ces activités.

Une initiative a été lancée à l’occasion de la conférence sur Tchernobyl. Elle vise à créer sur le site de la centrale nucléaire un centre international scientifique de recherche et développement qui aurait pour mission de s’attaquer aux problèmes des territoires contaminés autour de la centrale et au-delà.

Durant la lutte contre la catastrophe de Tchernobyl une grande expérience a été accumulée qui n’a pas vraiment fait l’objet d’une analyse. Il faudrait tirer tous les enseignements de la lutte contre les séquelles de la catastrophe. Nous avons bien vu, avec la catastrophe de Fukushima, qu’aucun pays, aucune communauté n’est en mesure de faire face seul à un tel désastre.

L’initiative évoquée à l’occasion de cette conférence a reçu l’appui des Nations Unies et de l’Agence internationale de l’énergie atomique. La création de ce centre est en cours. Bien entendu, nous diffuserons régulièrement des informations à ce sujet.

LE PRÉSIDENT (interprétation)

Mes chers collègues, nous devons maintenant conclure cette séance de questions au Président de l’Ukraine que je remercie très chaleureusement au nom de l’Assemblée parlementaire.