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Rapport | Doc. 9732 | 13 mars 2003

La situation des droits de l'homme en République tchétchène

Commission des questions juridiques et des droits de l'homme

Rapporteur : M. Rudolf BINDIG, Allemagne, SOC

Origine - Renvoi en commission: Directive n° 584 (2003). 2003 - Deuxième partie de session

Résumé

La commission des questions juridiques et des droits de l’homme est d’avis qu’il ne peut y avoir de paix sans justice en République tchétchène. La situation en matière de droits de l’homme dans la république est un facteur déterminant pour une solution politique équitable fondée sur la réconciliation nationale.

La situation en matière de droits de l’homme en République tchétchène se caractérise par des atteintes flagrantes aux droits de l’homme, des violations du droit humanitaire international et des crimes de guerre commis en Tchétchénie de part et d’autre. A ce jour, tous les protagonistes – le Gouvernement russe, l’administration et le système judiciaire russes, les régimes tchétchènes successifs – ont tragiquement failli dans leur tâche consistant à assurer une protection adéquate des droits de l’homme. Même l’influence et la coopération des organisations internationales et de leurs Etats membres n’ont réussi à faire en sorte que les victimes de ces exactions obtiennent réparation, au plan national ou international. Tout cela génère un climat d’impunité propice à de nouvelles violations des droits de l’homme et qui représente un déni de justice pour les milliers de victimes.

Si l’on veut qu’un processus politique positif s’amorce dans la république, il faut que les atteintes aux droits de l’homme cessent et que les personnes qui ont commis des exactions soient déférées à la justice. L’Assemblée recommande par conséquent que diverses mesures soient prises par les acteurs concernés en République tchétchène, en Fédération de Russie et par la communauté internationale pour améliorer sans attendre la situation en matière de droits de l’homme en République tchétchène.

A. Projet de résolution

(open)
1. L’Assemblée parlementaire rappelle ses précédentes résolutions et recommandations relatives au conflit en République tchétchène. Elle renvoie plus particulièrement à la Résolution 1315 (2003) sur l’évaluation des perspectives de résolution politique du conflit en République tchétchène, résolution qui conserve toute sa validité.
2. L’Assemblée réitère sa conviction selon laquelle il ne peut y avoir de paix sans justice en République tchétchène. La situation en matière de droits de l’homme dans la république est un facteur déterminant pour une solution politique équitable, fondée sur la réconciliation nationale. Sans une amélioration tangible sur le plan des droits de l’homme, toutes les tentatives de pacification de la région sont vouées à l’échec.
3. Cela fait maintenant près de dix ans que les habitants de la République tchétchène vivent dans la peur. Leurs villes et leurs villages ne sont plus que décombres, leurs champs ont été minés, leurs amis et leurs proches ont été assassinés, arrêtés illégalement, portés «disparus», kidnappés, violés, torturés ou spoliés. L’Assemblée n’a eu de cesse de condamner les atteintes flagrantes aux droits de l’homme, les violations du droit humanitaire international et les crimes de guerre commis en Tchétchénie par les deux parties au conflit. Depuis le tout début de la première guerre de Tchétchénie, en 1994, l’Assemblée lance des appels pour que les responsables de ces actes soient traduits en justice – ces appels n’ont guère été entendus.
4. Les habitants de la République tchétchène n’ont pas simplement droit à notre compassion; ils ont aussi droit à notre protection. A ce jour, tous les protagonistes – le Gouvernement de la Fédération de Russie, l’administration et le système judiciaire russes, les régimes tchétchènes successifs – ont tragiquement failli dans leur tâche consistant à assurer cette protection à l’égard des atteintes aux droits de l’homme. Les organisations internationales et leurs Etats membres n’ont pas réussi à faire en sorte que les victimes de ces exactions obtiennent réparation, au plan national ou international.
5. Si les soldats russes et les combattants tchétchènes continuent, aujourd’hui encore, de commettre de tels actes, c’est essentiellement parce que leurs auteurs ne sont presque jamais inquiétés. Du fait de la politique du Gouvernement russe tendant à restreindre l’accès à la République tchétchène, tant pour les ONG que pour la presse, la plupart des violations ne parviendraient jamais à notre connaissance sans le courage et les efforts inlassables d’un certain nombre de personnes – victimes, journalistes ou militants des droits de l’homme. Il n’en reste pas moins que les violations flagrantes imputables aux forces russes et aux combattants tchétchènes aboutissent rarement à une enquête judiciaire – même dans les cas de massacres de civils tchétchènes innocents et d’assassinats de responsables locaux d’une administration ou de membres de leur famille; lorsque enquête judiciaire il y a. elle est décourageante par son inefficacité et. en général, elle n’aboutit pas à une condamnation (en admettant qu’on en arrive au stade des poursuites pénales, ce qui est rare).
6. Quant aux mécanismes de réparation non judiciaires mis en place par les autorités russes, tels que le bureau du représentant spécial du Président de la Fédération de Russie pour les droits de l’homme en République tchétchène. ils ne font que recenser les plaintes individuelles. L’Assemblée rend hommage au courage des experts du Conseil de l’Europe qui travaillent en ce bureau, mais elle demande que toutes les mesures soient prises en vue d’accroître l’efficacité de leur mandat actuel en ce qui concerne la possibilité d’influencer la situation des droits de l’homme.
7. Le Gouvernement russe n’a pas renouvelé le mandat du Groupe d’assistance de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe en Tchétchénie. Le Comité du Conseil de l’Europe pour la prévention de la torture (CPT) s’est plaint du manque de coopération de la Fédération de Russie. La Fédération de Russie n’a pas encore autorisé la publication des rapports du CPT. Lorsqu’elle donne suite aux recommandations du commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, elle le fait avec des retards considérables. La Cour européenne des Droits de l’Homme, qui a vocation à examiner des atteintes individuelles aux droits de l’homme, ne peut espérer être en mesure de traiter de manière effective, par la voie du recours individuel, les violations systématiques à l’échelle tchétchène. Il est déplorable qu’aucun Etat membre ou groupe d’Etats membres n’ait encore trouvé le courage d’introduire une requête interétatique auprès de la Cour.
8. Tout cela génère un climat d’impunité qui est propice à de nouvelles violations des droits de l’homme et qui représente un déni de justice pour les milliers de victimes; la population est tellement excédée que la République tchétchène pourrait devenir véritablement ingouvernable. Si l’on veut qu’un processus politique positif s’amorce dans la république, il faut que les atteintes aux droits de l’homme cessent et que les personnes qui ont commis des exactions soient déférées à la justice.
9. Pour obtenir que les droits de l’homme soient dorénavant respectés dans la République tchétchène, l’Assemblée recommande:
i. que les combattants tchétchènes mettent immédiatement un terme à leurs activités terroristes et renoncent à toute forme de crime. Toute forme de soutien aux combattants tchétchènes devrait cesser immédiatement;
ii. que les forces russes soient mieux contrôlées et que la discipline soit effectivement assurée: tous les règlements civils et militaires pertinents et toutes les garanties constitutionnelles, le droit international et humanitaire, et en particulier les dispositions pertinentes des Conventions de Genève et les protocoles y afférents, doivent être intégralement observés au cours de toutes les opérations; la coopération avec les services du procureur doit s’exercer sans réserve avant, pendant et après de telles opérations;
iii. pour autant que la situation sur le plan de la sécurité le permette, que les troupes soient consignées dans leurs casernes ou carrément retirées de la République tchétchène;
iv. que les membres des forces russes soupçonnés d’avoir commis des exactions fassent l’objet d’une enquête approfondie et, si leur culpabilité est établie, qu’ils soient sévèrement punis conformément à la loi, quels que soient leur grade et leurs fonctions;
v. que les recommandations du commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe soient immédiatement mises en œuvre par la Fédération russe.
10. Désireuse d’obtenir que les personnes coupables d’exactions soient traduites en justice, l’Assemblée:
i. exige des autorités russes qu’elles coopèrent davantage avec les mécanismes de réparation nationaux et internationaux, tant judiciaires que non judiciaires;
ii. invite les Etats membres du Conseil de l’Europe à explorer sans plus attendre toutes les voies permettant de mettre la Fédération de Russie face à ses responsabilités, y compris par l’introduction de requêtes interétatiques devant la Cour européenne des Droits de l’Homme et par l’exercice de la compétence universelle pour les crimes les plus graves commis dans la République tchétchène;
iii. estime que, si les efforts pour livrer à la justice ceux qui se sont rendus coupables de violations des droits de l’homme n’étaient pas intensifiés et si le climat d’impunité en République tchétchène continuait de prévaloir, la communauté internationale devrait envisager la mise en place d’un tribunal ad hoc pour juger les crimes de guêtre et les crimes contre l’humanité dans la République tchétchène; cette juridiction, qui serait calquée sur le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, connaîtrait de tous les crimes de ce genre qui ont été commis dans la République tchétchène;
iv. invite instamment la Fédération de Russie à ratifier sans tarder le Statut de la Cour pénale internationale.

B. Projet de recommandation

(open)
1. L’Assemblée parlementaire renvoie à sa Résolution... (2003) sur la situation des droits de l’homme en République tchétchène. Elle réaffirme sa conviction selon laquelle il n’y aura pas de paix sans justice en Tchétchénie.
2. L’Assemblée estime qu’il est urgent d’agir pour mettre fin au climat d’impunité qui s’est développé dans la République tchétchène au cours de la dernière décennie. Les personnes qui, de part et d’autre, se sont rendues coupables d’atteintes aux droits de l’homme doivent être traduites en justice sans plus tarder et l’on doit s’employer à prévenir de nouvelles violations des droits de l’homme.
3. Considérant que les efforts entrepris à ce jour par tous les protagonistes – à commencer par le Gouvernement de la Fédération de Russie, l’administration et le système judiciaire russes, mais aussi le Conseil de l’Europe et ses Etats membres – se sont révélés tragiquement impuissants pour améliorer la situation en matière de droits de l’homme et faire en sorte que les violations déjà commises, notamment les crimes de guerre, donnent lieu à des poursuites appropriées, l’Assemblée recommande au Comité des Ministres:
i. de réorienter ses programmes d’assistance concernant le Caucase du Nord vers l’objectif prioritaire consistant à améliorer la situation en matière de droits de l’homme dans la République tchétchène et de doter ces programmes de fonds suffisants pour que des progrès réels soient enregistrés;
ii. de veiller à associer aux-dits programmes d’assistance les organisations non gouvernementales qui s’occupent de prévenir et de mettre en évidence les atteintes aux droits de l’homme en République tchétchène, ainsi que les organisations qui viennent en aide de diverses manières aux victimes de ces violations;
iii. d’inviter instamment le Gouvernement russe à se conformer intégralement aux recommandations qui lui sont adressées dans les paragraphes 9 et 10 de la Résolution... susmentionnée;
iv. si les efforts pour livrer à la justice ceux qui se sont rendus coupables de violations des droits de l’homme n’étaient pas intensifiés et si le climat d’impunité en République tchétchène continuait de prévaloir, d’envisager de proposer à la communauté internationale la création d’un tribunal ad hoc chargé de juger les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité dans la République tchétchène. calqué sur le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie: cette juridiction serait habilitée à juger tous les crimes de ce genre qui ont été commis dans la République tchétchène.

C. Projet de directive

(open)
1. L’Assemblée parlementaire se réfère à sa Résolution... (2003) et à sa Recommandation... (2003) sur la situation des droits de l’homme en République tchétchène.
2. L’Assemblée charge sa commission des questions juridiques et des droits de l’homme de lui faire un rapport à sa partie de session de septembre 2003 sur la mise en œuvre de ces textes, ainsi que sur les recommandations du commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe.

D. Exposé des motifs, par M. Bindig

(open)

1. Introduction

1. Le présent rapport se fonde sur la Directive 584 (2003), dans laquelle l’Assemblée charge notre commission de lui présenter, à sa partie de session suivante, un rapport sur la situation des droits de l’homme en République tchétchène. Conformément à la directive, le présent rapport se fonde sur les informations mises à disposition par les autorités compétentes, les organisations internationales, les ONG et les journalistes. Je tiens à remercier toutes les personnes qui m’ont communiqué des informations: mais je suis particulièrement reconnaissant à Human Rights Watch. Mémorial, la Chechnya Justice Initiative et Amnesty International pour leur aide particulièrement précieuse.
2. J’ai eu très peu de temps pour élaborer ce rapport – moins de quatre semaines. M. Soultygov, le représentant spécial du Président de la Fédération de Russie, a rassemblé des informations pour moi qui sont arrivées chez M. Haller, Secrétaire général de l’Assemblée, en langue russe, le 3 mars 2003 (et sont en cours de traduction 
			(1) 
			Le 17 février 2003,
le Secrétaire général de Г Assemblée, M Haller, a écrit à MM. Soultygov
et Rogozin pour leur demander de telles informations.). J’ajoute que je n’ai pas encore reçu la liste que l’Assemblée a, dans la Résolution 1315 (2003), demandé aux autorités russes de lui fournir 
			(2) 
			A savoir une liste
mise à jour et détaillée de toutes les enquêtes pénales effectuées
par les instances militaires et civiles d'application de la loi
concernant les crimes perpètres contre la population civile par
les appelés et les membres de toutes forces de police et forces
spéciales, ainsi que les crimes perpétrés par les combattants tchétchènes
contre la population civile, l'administration tchétchène locale
et les forces fédérales en République tchétchène Cette liste, en
plus de données statistiques, devrait également donner des précisions
sur la nature des crimes perpétrés et la situation actuelle concernant
les enquêtes et/ou les inculpations et condamnations».. Il va sans dire que ces informations ont une importance capitale aux tins de l’élaboration d’un rapport équilibré sur la situation des droits de l’homme en République tchétchène. Je propose donc que toute information utile qui n’aura pas été reçue à temps soit incluse et évaluée dans un addendum au présent rapport, qui sera examiné par la commission au cours de la première journée de la partie de session d’avril. Si cette information était de nature à rendre nécessaires des amendements au projet de résolution et au projet de recommandation, la commission pourrait, dans le même temps, réfléchir au libellé de ces amendements et les déposer au nom de la commission.
3. Dans le présent rapport j’évoquerai essentiellement la situation actuelle des droits de l’homme en Tchétchénie; en principe, je n’aborderai pas les violations qui entachent le conflit actuel (qui a commencé à l’automne 1999). Cela ne veut pas dire que la situation des droits de l’homme en Tchétchénie était sans problèmes avant cette date: en fait, de graves atteintes aux droits de l’homme ont été commises de part et d’autre depuis que le premier conflit a éclaté en hiver 1994 
			(3) 
			A titre d'exemple,
on pleure encore, là-bas, les victimes du massacre de Samachki perpétré
par les forces russes en avril 1995: quant aux centaines de personnes
kidnappées, ces dix dernières années, par des combattants tchétchènes, personne
ne les a revues. – beaucoup disent même avant cette date, depuis que Dzokhar Dudaev est parvenu au pouvoir en Tchétchénie en 1991. Toutefois, même une «commission vérité et réconciliation» – pour laquelle le temps n’est pas encore mûr – aurait sans doute quelque difficulté à relater toute cette souffrance; la tâche est déjà redoutable, qui consiste à ne s’occuper «que» de trois années et demie de violations des droits de l’homme.
4. Je commencerai par les violations des droits de l’homme qu’on attribue généralement aux forces russes, après quoi je parlerai des abus qu’on attribue généralement aux combattants tchétchènes. Les premières sont souvent mieux «documentées» (notamment par les ONG) que les secondes: c’est pourquoi nous les passerons en revue ici de manière plus détaillée. Cela ne veut pas dire que les crimes commis par les combattants tchétchènes soient, en quelque manière que ce soit, moins horribles que ceux perpétrés par les forces russes – au contraire. (De toute façon, l’identité du bourreau ne change rien à la souffrance de la victime.) Malgré tout, il semble bien que les abus des droits de l’homme n’aient pas la même ampleur selon qu’elles sont commises par un camp ou par l’autre: cela peut s’expliquer soit par les chiffres (plus de 80 000 militaires russes sont stationnés dans la république, alors qu’il resterait, selon les estimations, 1 500 combattants tchétchènes), soit par d’autres facteurs tels que la crainte de représailles. Après cette analyse approfondie qui, conformément à mon mandat tel qu’il a été défini par la Directive 584 (2003), traitera, entre autres, des affaires individuelles particulièrement préoccupantes, je m’efforcerai de tirer des informations actuellement à ma disposition les conclusions appropriées et de faire quelques recommandations constructives.

2. Les atteintes aux droits de l’homme attribuées aux forces russes

2.1. Analyse statistique générale

5. Au cours des trois dernières années, les autorités russes ont communiqué à l’Assemblée et/ou à son Groupe de travail mixte sur la Tchétchénie de nombreuses statistiques sur les violations des droits de l’homme dans la République tchétchène, ainsi que sur les enquêtes et les poursuites auxquelles ces violations donnent lieu. Ces informations, de qualité variable, sont plus ou moins détaillées, et parfois contradictoires; je tenterai néanmoins d’analyser les plus importantes et les plus récentes d’entre elles.
6. Les renseignements les plus récents au sujet des poursuites pénales engagées par le bureau du procureur contre les auteurs de crimes visant la population civile en République tchétchène sont ceux que les autorités russes ont fournis à l’Assemblée le 17 janvier 2003 
			(4) 
			Ces informations
font l'objet de l'annexe III du Doc. 9687 de l'Assemblée.. Selon ce document, les procureurs militaires ont, depuis le début de «l’opération antiterroriste», ouvert 162 affaires, dont 97 (près de 60 %) ont été classées et 57 (35 %) ont été renvoyées devant les tribunaux militaires. Aucune information n’a été fournie en ce qui concerne la nature de ces affaires (qui concernent exclusivement des soldats) ni en ce qui concerne le nombre de condamnations, la durée des peines, etc. 
			(5) 
			Toutefois, selon une
dépêche de l’AFP du 10 janvier 2003, le chef du parquet militaire,
M. Alexandre Savenkov, a communiqué les chiffres suivants: depuis
octobre 1999, 46 appelés de la fédération ont été condamnés par
des tribunaux militaires: 11 d'entre eux répondaient de meurtre
et 13 de viol. Mais il n'est pas précisé si ces condamnations concernent exclusivement
des crimes commis à l'encontre de civils.
7. On trouve également, dans le même document, la liste des affaires ouvertes par le parquet civil, concernant les crimes commis en 2002 par des membres de la police et des forces spéciales à l’encontre de la population civile (77 affaires, dont 37 ont été suspendues et 7 renvoyées au tribunal). En ce qui concerne les parquets militaires, on a dénombré, en 2002, 44 affaires ouvertes (dont 15 ont été classées, 4 suspendues et 18 renvoyées devant le tribunal militaire). Au vu de ces chiffres, il ne semble pas y avoir beaucoup de différence, en termes d’efficacité, entre les autorités d’instruction militaires et les autorités civiles.
8. En janvier 2001, l’Assemblée a demandé que lui soit communiquée, avant la partie de session d’avril 2001, une liste détaillée de toutes les enquêtes judiciaires ouvertes par les parquets militaires et civils au sujet des crimes perpétrés dans la République tchétchène, à l’encontre de la population civile, par des appelés et des membres des forces de police spéciales; elle demandait en même temps que soit précisé le sort ou le cours actuel de chacune de ces enquêtes. La liste a été reçue en temps voulu, et elle a été portée à la connaissance du Bureau et du Groupe de travail mixte sur la Tchétchénie (GTM).
9. Toutefois, on s’est aperçu que la plupart des enquêtes n’ont pas abouti à des résultats tangibles. Quelques cas ont conduit à un procès; mais la plupart ont été suspendus, transférés ou rejetés. L’ONG Human Rights Watch, après avoir procédé à une analyse détaillée de cette liste 
			(6) 
			Voir
«Accountability for violations of human rights committed in Chechnya
– Charts and Graphs», Human Rights Watch, 18 janvier 2002. a estimé que plus de 50 % des enquêtes qui avaient été ouvertes ont été suspendues (le pourcentage atteint 79 % pour les enquêtes concernant les «disparitions»). 12 % des enquêtes judiciaires ouvertes par le parquet militaire concernaient des accidents de la route. A cette époque, 3 % seulement de toutes les affaires énumérées avaient été renvoyées au tribunal.
10. La liste n’a fait l’objet que de mises à j o u r fragmentaires; l’Assemblée attend toujours la liste actualisée détaillée qu’elle demandait dans la Résolution 1270 (2002) et, à nouveau, dans la Résolution 1315 (2003). Tant qu’elle n’aura pas reçu une telle liste, l’Assemblée devra supposer que les affaires se répartissent, aujourd’hui encore, de la même manière qu’en avril 2001; autrement dit, il est tout à fait possible que, même parmi les cinquante-sept affaires instruites par les parquets militaires au cours des trois dernières années et portées devant les tribunaux, il s’en fût trouvé quelques-unes concernant des accidents de la circulation et autres faits du même genre.
11. En tout cas, il y a une conclusion qui se dégage de toutes les statistiques susvisées en matière de poursuites: c’est le faible nombre des affaires ouvertes, et le nombre encore plus faible des affaires renvoyées au tribunal. Les chiffres avancés par les autorités russes, selon lesquels 121 crimes, seulement, contre la population civile ont été commis par les forces russes, et 311, seulement, par les combattants tchétchènes, semblent très bas pour une zone de guerre active. Surtout si l’on songe que le bureau du représentant spécial, M. Soultygov, a été saisi, pour la seule période comprise entre le le rjanvier 2000 et le 1er novembre 2002, de 1 085 plaintes en matière pénale et de 1 568 plaintes pour enlèvement – ces disparitions étant pour la plupart survenues à Grozny, dans le district périphérique et le district de Chali 
			(7) 
			Annexe I, «25e rapport
intérimaire du Secrétaire Général sur la présence d'experts du Conseil
de l'Europe au bureau du représentant spécial du Président de la
Fédération de Russie chargé de veiller au respect des droits de
l'homme et des droits et libertés civils en République tchétchène»,
24 janvier 2003, SG/Inf(2003)2.. Le nombre des affaires pénales et celui des affaires d’enlèvement a augmenté régulièrement dans presque tous les districts.
12. Les ONG ont montré, documents à l’appui, que le nombre des crimes contre la population civile que les autorités de poursuite n’ont pas instruits ou qu’elles n’ont instruit que de manière inefficace a encore augmenté. A vrai dire, le travail des procureurs sur le terrain s’avère difficile: les procureurs risquent d’être kidnappés ou assassinés dans l’exercice de leurs fonctions, et ils sont gênés dans leurs efforts par le manque de coopération de la part des forces armées – par exemple la Directive n° 80 du général Moltenskoi 
			(8) 
			Décret n° 80 du 27
mars 2002 du commandement du Groupe uni des forces de la région
du Caucase septentrional de la fédération russe sur les mesures
visant à encourager les efforts des autorités locales et des institutions
d'application du droit de la Fédération de Russie dans la lutte
contre des actions illégales et la responsabilité des fonctionnaires concernant
la violation du droit et de l'ordre dans la conduite des opérations
spéciales et des opérations ciblées dans les établissements de la
République tchétchène. est régulièrement ignorée et aucun rapport exact sur les opérations spéciales, pas plus que sur l’emplacement et les activités des véhicules militaires ne semble être détenu et/ou mis à la disposition des autorités d’enquête. Dès lors, il n’est pas surprenant qu’un climat d’impunité règne en République tchétchène. Je voudrais maintenant mentionner brièvement quelques exemples des types de crimes qui restent impunis.

2.2. Tueries

13. Les forces russes auraient perpétré au moins quatre tueries à l’encontre de civils au cours du conflit actuel: trois pendant la phase intense du conflit (à Alkhan-Yurt en décembre 1999, à Staropromyslovsky en décembre 1999-janvier 2000 et à Novye Aldi en février 2000), et une alors que les opérations militaires à grande échelle avaient déjà cessé, à Mesker-Yurt à la fin de mai 2002. J’examinerai brièvement chacun de ces épisodes.

2.2.1. Alkltan-Yurt

14. Le 1er décembre 1999. après des semaines de combats acharnés, les forces russes prirent le contrôle d’Alkhan-Yurt. village situé au sud de Grozny. Selon un récit publié par l’ONG Human Rights Watch en avril 2000 
			(9) 
			 «No happiness remains»
Human Rights Watch. avril 200U. «pendant les deux semaines qui suivirent, les forces russes écumèrent le village et exécutèrent sommairement au moins quatorze civils. Après avoir, provisoirement, expulsé d’Alkhan-Yurt des centaines de civils, les militaires russes se sont mis à piller et incendier systématiquement le village, en tuant tous ceux qu’ils rencontraient sur leur chemin».
15. Selon ce récit, Aindi Altimirov, la dernière victime civile, fut tué et décapité par les soldats russes le 18 décembre 1999. Le 17 décembre 1999. le Vice-Premier ministre Nikolai Kochman, qui était alors le plus haut représentant de la Russie pour la Tchétchénie, s’était rendu à Alkhan-Yurt en compagnie de Malik Saidulaïev, dirigeant tchétchène prorusse bien connu; il venait enquêter sur les allégations de graves violations commises par les forces russes dans ce village, d’où Saidulaïev était originaire. La visite fut en grande partie filmée; on voit les deux hommes parcourant le village dévasté, découvrant plusieurs cachettes de marchandises qui avaient été pillées par les soldats russes; on voit même, sur ces images, les deux hommes menacés d’être abattus par des soldats apparemment en état d’ébriété. Il y a eu une enquête judiciaire, mais elle a été classée sans suite, apparemment «pour absence de preuves concernant l’existence d’un crime». Aucune information complémentaire n’a été communiquée à l’Assemblée sur cette affaire, malgré les nombreuses demandes effectuées ces dernières années.

2.2.2. Staropromyslovsky (quartier de Grozny)

16. Les tueries de civils à Staropromyslovsky se sont étalées sur plusieurs semaines; elles ont eu lieu entre la fin décembre 1999 et la mi-janvier 2000. dans le contexte de la «bataille de Grozny». Le 7 février 2000. Human Rights Watch rapporte le massacre de 38 civils – selon l’ONG, essentiellement des hommes âgés et des femmes. Des soldats russes ont apparemment tiré à bout portant sur les victimes 
			(10) 
			«Civilian
killings in Staropromyslovsky district of Grozny». Human Rights
Watch, février 2000.. Selon la même ONG. le bilan s’est alourdi entre-temps, pour atteindre 70 morts.
17. Malheureusement, il m’est impossible, dans le cadre de ce rapport, d’en dire davantage sur ces 70 exécutions sommaires. Les proches de plusieurs des victimes ont introduit des requêtes auprès de la Cour européenne des Droits de l’Homme: deux d’entre elles ont été déclarées recevables le 19 décembre 2002. Il s’agit des requêtes introduites par M. A. Khachiev et R. A. Akaïev, au sujet de la mort de cinq de leurs proches. Dans sa décision du 7 avril 2000, qui était en fait repoussée plus tard, le tribunal de Malgobek relate les faits suivants: «Le 17 janvier 2000. des soldats russes – le 205’ bataillon – ont pénétré dans Staropromyslovsky, un quartier de Grozny, où résidaient ses proches [les proches de Magomed Khachiev]. Ces soldats se sont livrés à des violences. Le 19 janvier 2000, des soldats appartenant à ce bataillon sont entrés dans la cour de la maison de son frère et de sa sœur; ils ont assassiné son frère Khamid, sa sœur Lida, et les deux fils de celle-ci, Anzor et Rizvan 
			(11) 
			Le texte de celte décision
est cité dans la réponse des requérants Khachiev M A. requérant
n 57942/001 et Akaeva R.A. (requérante n 57945/ 001 aux observations
adressées à la Cour européenne des Droits de l'Homme par le représentant
de la Fédération de Russie devant la Cour européenne des Droits
de l'Homme - réponse mise à ma disposition par des ONG.
18. L’enquête concernant ces tueries, tout comme celle concernant les autres meurtres commis dans ce quartier, a été lente, incomplète et confuse. Le 10 février 2000, des proches des victimes ont présenté les cadavres mutilés de Magomed Goigov, Khamid Khachiev et Rizvan Taimeskhanov à des procureurs en Ingouchie: des experts légistes ont examiné les corps; après quoi des procureurs ingouches ont interrogé les proches des victimes au sujet des circonstances dans lesquelles les cadavres avaient été découverts: malgré cela, le parquet de Grozny a attendu le 3 mai 2000 pour engager des poursuites pénales. Selon des informations qui m’ont été communiquées par le parquet de la République tchétchène le 16 janvier 2001 
			(12) 
			Annexe du Doc. 8948 de l'Assemblée, la décision d’ouvrir l’affaire a été motivée par la publication de l’article «La liberté ou la mort» dans le journal Novaïa Gazeta n° 12 du 27 avril 2000. Selon le même document, les cadavres d’habitants du cru assassinés n’ont été découverts qu’en février 2000, et l’enquête de police n’a pas permis de retrouver de témoins oculaires des crimes commis par des membres des forces armées russes 
			(13) 
			Cette réponse suscite
des interrogations pour deux raisons. Premièrement, pour quelle
raison le bureau du procureur n'a-t-il pas ouvert l'enquête lorsque
les victimes lui ont fait état de tueries, deux mois avant que l'article
ne paraisse dans le journal. Deuxièmement, pourquoi le bureau du
procureur clame-t-il qu'il n'y a pas eu de témoins oculaires des
meurtres, alors que dans le rapport de Human Rights Watch l'on cite
le témoignage de deux femmes sur lesquelles on a tiré mais qui ont
survécu..
19. Le 17 janvier 2003, les autorités russes ont fourni les informations suivantes sur les résultats actuels des enquêtes concernant les allégations de massacres de civils: «Le 3 mai 2000, une affaire pénale (n° 12038) a été ouverte après la découverte de cadavres de civils à Novïa Kataïama, dans le quartier de Staropromyslovsky de Grozny. Vingt-huit témoins ont été interrogés. Le 10 novembre 2002, l’enquête préliminaire a été suspendue, les auteurs du crime n’ayant pas été identifiés. Entretemps, le dossier a été rouvert et l’instruction a repris.»

2.2.3. Novye Aldi

20. Le 5 février 2000, au cours d’une «opération de ratissage» de grande envergure, des forces russes ont sommairement exécuté au moins soixante civils à Novye Aldi et Tchernorechie, des faubourgs de Grozny. L’ONG Human Rights Watch a publié un rapport sur cet incident en juin 2000 
			(14) 
			«Februarv
5 A dav of slaughter in Novye Aldi». Human Rights Watch, juin 2000., rapport qui relate clairement les meurtres perpétrés par des membres de la police anti-émeutes russe (Omon) et par des mercenaires (au nombre des victimes figuraient un bébé de 1 an et une femme enceinte de huit mois). Selon des informations qui m’ont été communiquées par le parquet de la République tchétchène le 16 janvier 2001 
			(15) 
			Annexe du Doc. 8948 de l'Assemblée. une affaire pénale a été ouverte le 5 mars 2000 par le parquet de Grozny: «Au cours de l’enquête, il a été établi que dans la journée du 5 février 2000 des individus non identifiés en tenue de camouflage ont tué à l’aide d’armes à feu plus de cinquante habitants de ces cités. L’enquête n’a pas permis de confirmer la participation de militaires aux événements décrits.»
21. Le 17 janvier 2003, les autorités russes ont communiqué les informations suivantes au sujet des «résultats actuels des enquêtes concernant les allégations de massacres de civils»: «Le 5 mars 2000, une affaire pénale (n° 12011) a été ouverte au sujet de l’exécution (par balles) de civils à Novye Aldi, à Grozny. Plus de 100 témoins ont été interrogés. On a procédé à une expertise médicale. Le 15 avril 2002, l’enquête préliminaire a été suspendue, les auteurs du crime n’ayant pas été identifiés. Actuellement, le dossier a été rouvert et l’instruction a repris.» Cependant, je tiens à ma disposition une lettre du bureau du procureur militaire dans laquelle il est déclaré que les troupes de lutte contre les rébellions russes ont mené une opération-balai à Novye Aldi le jour du massacre.
22. Parmi les personnes tuées ce jour-là on comptait cinq membres de la famille Estamirov. Avec l’aide de l’ONG Chechnya Justice Initiative (CJI), leurs proches ont introduit une requête auprès de la Cour européenne des Droits de l’Homme. On ne connaît pas encore la décision sur la recevabilité. Les requérants soutiennent que l’enquête sur l’affaire Estamirov était entachée de graves dysfonctionnements. Les services russes concernés n’ont pas commencé l’instruction dès qu’ils ont été saisis de la plainte (datée du 22 février 2000), et ils ont attendu le 8 avril 2000 pour se rendre sur les lieux du crime. Bien que les corps aient été exhumés, aucun examen médico-légal extensif n’a été pratiqué; et aucun élément de preuve matériel n’a été recueilli sur les lieux du crime.

2.2.4. Mesker-Yurt

23. Du 21 mai au 11 juin 2002, alors que les opérations militaires de grande ampleur dans la République tchétchène étaient censées être terminées depuis longtemps, les forces russes ont organisé un coup de main sur le village de Mesker-Yurt. L’ONG russe Mémorial a relaté cet incident 
			(16) 
			«Zachistka
v selye Mesker-Yurt», Mémorial, 18 juillet 2002.; 12 habitants du village, au moins, auraient été tués par les forces russes; 10 autres auraient «disparu» après avoir été arrêtés le 30 mai 2002; et 10 autres encore auraient subi le même sort dans les premiers jours de juin 2002.
24. Aslanbek Aslakhanov, député à la Douma, s’est rendu dans le village, le 8 juin 2002; selon les ONG, il aurait à son actif d’avoir sauvé plusieurs personnes de la détention illégale et de la torture. Je ne dispose d’aucune information concernant une éventuelle enquête judiciaire sur ces événements.

2.3. Charniers

25. Plusieurs charniers ont été découverts en République tchétchène ces trois dernières années. Le plus important (51 cadavres) a été découvert le 24 février 2002 à Zdorovie/Dachny, tout près de la base militaire russe de Khankala. Mais des charniers plus petits sont mis au jour régulièrement; par exemple, un charnier de 15 cadavres a été découvert le 9 septembre 2002 près de la frontière avec l’Ingouchie; et un autre de 10 cadavres a été découvert au début de janvier 2003 à la périphérie de Grozny. Il est fréquent, également, de trouver des cadavres qui ont été jetés au hasard au bord de la route ou enterrés dans des tombes peu profondes creusées dans les champs; c’est ainsi qu’on a découvert, en mai 2002, sur un terrain vague à la périphérie du village, le cadavre, portant des signes de mauvais traitements et d’exécution sommaire, de Chamil Akhmadov, qui avait été arrêté le 12 mars 2001 à Argun, au cours d’une opération de ratissage 
			(17) 
			L'ONG
Chechnya Justice Initiative (CJI) a introduit une requête préliminaire
auprès de la Cour européenne des Droits de l'Homme au nom de Tamousa
Akhmadova en octobre 2002. et qui avait ensuite «disparu».
26. Le traitement réservé au charnier de Zdorovie/ Dachny est devenu une sorte de test de la capacité et de la volonté des autorités russes de sanctionner les atteintes les plus graves aux droits de l’homme. Toutes les ONG qui m’ont fourni des informations sur cette question considèrent que les autorités russes ont bâclé l’enquête. En mars 2001, le représentant spécial du Président de l’époque, M. V. Kalamanov, a mené une mission d’enquête sur le site, à la suite de laquelle une aide technique et une expertise ont été offertes par les experts du Conseil de l’Europe qui travaillaient dans son bureau, et notamment l’implication d’experts de médecine légale. M. Kalamanov refusa l’offre. A peu près à la même époque, le procureur général a indiqué que les organes d’enquête russes n’avaient pas besoin d’aide.
27. Selon un rapport de Human Rights Watch de mai 2001 
			(18) 
			«Burying the Evidence:
the botched investigation into a mass grave in Chechnya», Human
Rights Watch, mai 2001., «l’enquête du Gouvernement russe concernant les circonstances dans lesquelles les personnes dont les corps ont été découverts sur les lieux ont trouvé la mort a été très mal conduite.» Les autorités russes n’ont pas laissé le temps nécessaire, ni fourni les informations indispensables, à l’identification des corps (trente-quatre corps qui n’avaient pas encore été identifiés ont été inhumés par les autorités russes sans avertissement préalable le 10 mars 2001), et elles n’ont pas cru devoir préserver des éléments de preuve cruciaux qui auraient pu permettre d’identifier les responsables des tortures et des exécutions sommaires dont ont été victimes les personnes (il y en avait plus de cinquante) retrouvées à cet endroit.
28. L’ONG Mémorial a recueilli des précisions sur la détention, par les forces fédérales, puis la «disparition», de seize des corps identifiés. Néanmoins, les autorités russes, tant fédérales que locales, rejettent sur les combattants et les bandes armées tchétchènes la responsabilité du décès de ces personnes – en dépit du fait que le site de ce charnier est contigu à la base militaire russe de Khankala et que les lieux sont sous contrôle militaire russe depuis décembre 1999, c’est-à-dire bien avant que la grande majorité des cadavres y aient été déposés. Je ne dispose d’aucune information au sujet de l’état actuel de l’enquête menée par les autorités de poursuite.
29. L’ONG Chechnya Justice Initiative (CJI) a introduit des requêtes auprès de la Cour européenne des Droits de l’Homme au nom des proches de plusieurs personnes dont les corps ont été identifiés après avoir été découverts dans ce charnier. Par exemple, le 3 juin 2000, des hommes masqués et armés circulant à bord d’un véhicule blindé ont arrêté Nura Lulueva, ainsi que ses cousines et plusieurs autres personnes, sur le marché nord de Grozny, où elles vendaient des fraises. Le cadavre de Lulueva et ceux de ses cousines figuraient parmi les corps récupérés dans le charnier en question. Aucun examen médico-légal complet n’a été pratiqué sur le cadavre de Lulueva, et les preuves matérielles, y compris les vêtements et les bandeaux pour les yeux, n’ont pas été sauvegardés aux fins d’un examen médico-légal. Alors que près de deux ans se sont écoulés depuis la découverte du corps, l’enquête n’a donné aucun résultat. On attend de connaître la décision sur la recevabilité de cette requête 
			(19) 
			La CJI a aussi fait
enregistrer des demandes auprès de la Cour européenne pour le compte
des parents de trois autres hommes, Magomed Magomadov, Said-Rakhman
Musaev et Odes Mitaex, dont les corps ont été retrouvés dans un charnier
Dans ces cas également, des preuves matérielles n'ont pas été conservées
pour l'expertise médico-légale..

2.4. Tueries illégales

30. Un nombre élevé de tueries illégales individuelles a été signalé au cours des trois dernières années, tant par la presse que par les organisations qui défendent les droits de l’homme. Mais il est souvent difficile de déterminer si les responsables étaient les forces russes ou les combattants tchétchènes. Je me contenterai donc de décrire brièvement trois cas particulièrement préoccupants, à propos desquels je puis affirmer avec une certitude raisonnable qu’ils mettent enjeu la responsabilité des forces russes.
31. Le 27 octobre 2001, Amkhad Gekaïev ramenait chez elle Madina Mejieva en voiture: elle avait quitté son champ de navets à Komsomolskoïe pour aller allaiter son bébé. Des hélicoptères militaires russes prirent la voiture pour cible. Madina et Amkhak étaient vivants, quoique blessés, lorsqu’ils furent capturés par les soldats, lesquels devaient ensuite endommager la voiture pour faire croire qu’elle avait sauté sur une mine. Au bout de plusieurs jours, le commandement militaire de Goudermes rendit à leurs familles les cadavres de ces deux personnes (l’un et l’autre présentant des amputations). Les autorités ne firent procéder à aucun examen médico-légal complet des corps. Une instruction fut ouverte, qui fut transférée au parquet militaire: elle fit apparaître que, d’après l’enquête préliminaire, les auteurs de ces meurtres étaient des soldats: cependant, aucun suspect dans cette affaire ne fut nommément désigné, et les familles s’entendirent affirmer qu’aucun acte répréhensible n’avait eu lieu lors de l’opération du 27 octobre 2001. L’ONG CJI a introduit une requête préliminaire auprès de la Cour européenne des Droits de l’Homme en avril 2002: la requête en bonne et due forme sera introduite prochainement.
32. J’en viens maintenant au meurtre de Malika Ouma-jeva, commis le 29 novembre 2002. Selon Human Rights Watch il s’agit là du «premier meurtre commis manifestement à titre de représailles en Tchétchénie 
			(20) 
			«Into harm's way» Forced
return of displaced people to Chechnya». Human Rights Watch, janvier
2003.». Mme Oumajeva travaillait comme chef de l’administration à Alkhan-Kala, village des environs de Grozny. Contrairement à beaucoup d’autres administrateurs de village, elle ne mâchait pas ses mots au sujet des exactions commises par les forces russes dans son village; elle coopérait avec les organisations s’occupant des droits de l’homme et elle était constamment en conflit avec les militaires russes à ce propos. Des témoins oculaires ont raconté que des soldats masqués se sont présentés, tard dans la soirée, au domicile des Oumajev, qu’ils ont emmené Mme Oumajeva dans la remise et qu’ils ont déchargé leurs armes sur elle: elle a été touchée dans le dos, au cœur et à la tête. Sa famille est convaincue que les coupables sont des militaires russes; en effet, elle avait reçu auparavant des menaces de mort émanant de soldats russes; en outre, les soldats qui se sont présentés à son domicile parlaient russe sans accent, et ils sont repartis dans des véhicules militaires russes. L’enquête officielle ouverte dans cette affaire se poursuit, paraît-il.
33. Un autre épisode choquant est celui qui concerne Khadjimurat Yandiev. Il se trouvait détenu (blessé) le 2 février 2000 dans un hôpital d’Alkhan-Kala. Sur des séquences filmées par des caméras de télévision on voit un officier russe qui ordonne à ses subordonnés d’abattre M. Yandiev. On ne l’a jamais revu. La séquence a été soumise au bureau du procureur, lequel a refusé d’ouvrir une enquête judiciaire à propos de la disparition de Yandiev et n’a pas révélé l’identité de l’officier, clairement visible sur la séquence. Mme Fatima Bazor-kina. sa mère, a introduit une requête auprès de la Cour européenne des Droits de l’Homme, avec l’aide de la CJI. On attend la décision sur la recevabilité.

2.5. Les disparitions

34. Nul ne sait vraiment combien de personnes ont «disparu» en République tchétchène depuis le début du conflit actuel 
			(21) 
			Dans un article du
21 février 2003, le journal Le Figaro parle
de 2 800 personnes disparues depuis octobre 1999.; on sait encore moins combien ont disparu depuis le début du premier conflit, en décembre 1994. Tout dépend de la manière dont on définit une «disparition». Il paraît que le Bureau du représentant spécial du Président de la Fédération de Russie inclut dans ce terme toutes les personnes manquant à l’appel (y compris celles qui ont. par exemple, quitté la République tchétchène sans informer leurs proches, ou celles qui ont quitté leur foyer pour chercher du bois de chauffage mais ont marché sur une mine et dont les corps n’ont jamais été retrouvés).
35. Aux fins du présent rapport j’utiliserai la définition donnée par la Cour pénale internationale: dans son Statut, la Cour définit les «disparitions forcées de personnes» comme suit: «les cas où des personnes sont arrêtées, détenues ou enlevées par un Etat ou une organisation politique ou avec l’autorisation, l’appui ou l’assentiment de cet Etat ou de cette organisation, qui refuse ensuite d’admettre que ces personnes sont privées de liberté ou de révéler le sort qui leur est réservé ou l’endroit où elles se trouvent, dans l’intention de les soustraire à la protection de la loi pendant une période prolongée».
36. Pour l’année 2002, l’O NG russe Mémorial m’a fait parvenir une liste détaillée de 173 personnes qui, après avoir été arrêtées par des représentants des services répressifs fédéraux, ont «disparu»; certaines d’entre elles ont été retrouvées mortes 
			(22) 
			Liste disponible sur
demande auprès du secrétariat de la commission (en russe uniquement).. La lecture de cette liste donne la chair de poule: des gens sont arrêtés au cours d’opérations de «ratissage», à des postes de contrôle ou à leur domicile; ils sont emmenés par des membres de la police russe (souvent à bord de véhicules blindés) et on ne les revoit jamais vivants. Beaucoup d’entre eux sont retrouvés plus tard dans des charniers, lorsque leur cadavre n’a pas été simplement «balancé» au bord de la route. En réponse à une demande du Groupe d’aide en Tchétchénie de l’OSCE, le parquet de la République tchétchène a fait parvenir au groupe une liste qui indique les efforts entrepris pour enquêter sur plusieurs disparitions. Malheureusement, la plupart des affaires ont été suspendues dans les deux mois qui ont suivi leur ouverture (c’est-à-dire dès la fin de la période correspondant à la durée minimale légale d’une enquête).
37. Il est malheureusement impossible, dans le cadre du présent rapport, de décrire chacune de ces affaires 
			(23) 
			On trouvera d'autres
exemples, notamment dans «Last seen: continued disappearances in
Chechnya», Human Rights Watch, avril 2002.; je dois donc me limiter à deux exemples, parmi les plus terribles: depuis le tout début du conflit, l’Assemblée s’inquiète de la disparition, le 17 mai 2000, de l’ancien président du Parlement tchétchène, M. Alikhadjiïev. Selon des informations qui m’ont été communiquées par le parquet de la République tchétchène le 16 janvier 2001 
			(24) 
			Annexe du Doc. 8948 de l'Assemblée., «l’enquête a permis d’établir que le 17 mai 2000, dans la ville de Chali, des individus non identifiés, portant des tenues de camouflage et se déplaçant à bord de véhicules blindés de transport de troupes, ont fait irruption au n° 97 de la rue Souvorov, où habitait R. Ch. Alikhadjiïev, et l’ont emmené vers une destination inconnue. D’après les informations données par le responsable du Vovd de Chali, Alikhadjiïev n’avait pas été arrêté par des collaborateurs de ce service et ne se trouvait pas dans les locaux de détention provisoire du département». Je n’ai reçu, depuis lors, aucune information concernant l’instruction de cette affaire.
38. Un autre cas terrible est celui de M. Said-Magomed Imakaïev, requérant auprès de la Cour européenne des Droits de l’Homme, et de son fils. Le 1er décembre 2000, Said-Khusein Imakaïev, revenant du marché, était en train de rentrer chez lui lorsque sa voiture fut arrêtée par un groupe d’hommes armés. Il devait alors disparaître. L’enquête ouverte par le parquet au sujet de cette disparition a consisté à interroger deux personnes et à adresser aux services d’application de la loi quatre lettres demandant qu’on essaie de localiser M. Imakaïev. Lorsqu’il apparut que les lettres ne donnaient aucun résultat, le parquet suspendit l’enquête. Marzet Imakaïeva et Said-Magomed Imakaïev, les parents de Said-Khusein, convaincus qu’il n’y avait en Russie aucune volonté de poursuivre les coupables, introduisirent une requête auprès de la Cour européenne des Droits de l’Homme en février 2002.
39. Quatre mois plus tard, le 2 juin 2002, au cours d’une opération de ratissage conduite à Novye Atagi, le village a"Imakaïev, les forces fédérales russes arrêtèrent Said-Magomed Imakaïev à son domicile. Malgré des éléments de preuve concrets pouvant permettre d’identifier l’officier qui a procédé à l’arrestation d’Imakaïev (sa femme s’est vu remettre un reçu signé pour la confiscation de disquettes informatiques), les autorités russes ont nié l’avoir jamais détenu, et les tentatives renouvelées de Marzet Imakaïeva pour obtenir des informations permettant de le localiser ont été vaines. La Chechnya Justice Initiative a introduit une requête, au nom de Marzet Imakaïeva, en juin 2002. Le même mois, la Cour européenne a entamé une correspondance préliminaire avec le Gouvernement russe au sujet de cette affaire; et en septembre 2002 la Chechnya Justice Initiative a déposé une réponse au premier mémoire du gouvernement, dans lequel celui-ci expliquait la version probable des événements, à savoir que ce sont des combattants rebelles, déguisés en soldats des forces fédérales, qui auraient arrêté Said-Magomed Imakaïev. On attend la décision sur la recevabilité de cette requête.

2.6. La torture et le viol

40. La torture et le viol constituent deux atteintes très graves aux droits de l’homme; selon les ONG, il s’agit là de violations courantes dans la République tchétchène, mais qu’il est extrêmement difficile d’établir. Les victimes de la torture ont le plus souvent si peur des représailles qu’elles renoncent à se plaindre, en particulier aux autorités officielles, du traitement qu’elles ont subi. Il n’empêche que beaucoup de cadavres découverts en Tchétchénie portent des traces irréfutables de formes de torture parmi les plus horribles qui soient – des gens à qui l’on a coupé les oreilles, les doigts, ou même un bras ou une jambe. Le Comité pour la prévention de la torture (CPT) du Conseil de l’Europe s’est plaint du manque de coopération de la Russie. Celle-ci n’a pas encore autorisé la publication des rapports du comité, ce qui s’explique peut-être par le fait que le CPT, au cours des nombreuses visites qu’il a effectuées dans la région, a été amené à constater des cas de torture.
41. Alaudin Sadykov est l’une des rares victimes de la torture qui a eu le courage d’élever une protestation officielle. La police a arrêté Alaudin Sadykov le 5 mars 2000 et l’a détenu pendant plus de deux mois dans les locaux de police provisoires du quartier d’Octobre de Grozny. Pendant sa détention, la police lui a coupé une oreille, lui a fracturé plusieurs côtes et lui a infligé beaucoup d’autres blessures corporelles. M. Sadykov a fini par être libéré en mai 2000.
42. En juin 2000, il a dénoncé ces mauvais traitements et a pris contact avec les autorités; mais ce n’est qu’en janvier 2002 que le parquet l’a informé de l’ouverture d’une enquête judiciaire. Bien qu’il puisse reconnaître au moins l’un des policiers qui l’ont torturé, et qu’il connaisse son nom, et bien que de nombreux codétenus et gardiens aient été témoins de ces tortures, l’enquête n’a pas permis d’identifier des suspects. En juillet 2002, l’équipe de la Chechnya Justice Initiative a introduit une requête auprès de la Cour européenne des Droits de l’Homme au nom de M. Sadykov. On ne connaît pas encore la décision sur la recevabilité. M. Sadykov a décrit en détail à Amnesty International les instruments utilisés pour torturer les détenus: pics à glace, marteaux, instruments chirurgicaux et dentaires, instruments pour arracher les ongles, bêches et scies.
43. Les victimes de viol sont tout aussi peu enclines à porter plainte, parce qu’il existe dans la société tchétchène des tabous puissants qui interdisent d’évoquer des cas d’agression sexuelle. Néanmoins, des ONG comme Mémorial et Human Rights Watch ont réussi à établir des constats de viols, y compris de viols collectifs, commis par des militaires russes, par exemple pendant l’opération de «ratissage» du 5 février 2000 à Novye Aldi (voir supra), ou pendant les opérations à Sernovodsk et Assinovskaïa, menées respectivement les 3 et 4 juillet 2001 et les 4 et 5 juillet 2001 
			(25) 
			«Swept under». Human
Rights Watch, février 2002..
44. Le colonel Boudanov est l’un des rares auteurs de viols (et de meurtres) à avoir été déféré à la justice. Le 31 décembre 2002, il a été acquitté, pour cause de «folie passagère», du meurtre commis le 26 mars 2000 sur la personne de la jeune Tchétchène Elza Koungaïeva; cependant, il semble que le parquet s’apprête à faire appel de ce verdict. Quant à l’accusation de viol, elle a été retirée avant le procès, bien que l’examen médico-légal ait révélé que la victime avait subi une pénétration anale et vaginale peu avant son décès. Finalement, c’est l’un des subordonnés du colonel Boudanov qui a été accusé de «profanation de cadavre»; mais l’affaire a été classée, dans le cadre de l’amnistie prononcée en 2000.

2.7. Autres atteintes aux droits de l’homme

45. Mentionnons brièvement d’autres violations des droits de l’homme 
			(26) 
			Je
ne traiterai pas cependant ici du retour force des personnes déplacées
étant donné que cela relève du mandat de la commission des migrations,
des réfugiés et de la démographie., trop nombreuses pour être décrites en détail: les abus les plus fréquents sont le vol, le pillage et le harcèlement. Les postes de contrôle continuent d’avoir mauvaise réputation: non seulement il faut souvent, pour les franchir, «graisser la patte» aux militaires russes en faction, mais il n’est pas rare que ceux-ci harcèlent les civils de passage, allant même jusqu’à les arrêter sans motif apparent. Les experts du Conseil de l’Europe qui travaillent au bureau du représentant spécial ont signalé avoir été informés «qu’un ordre du quartier général militaire de Khankala exige que les contrôles de sécurité aux postes de contrôle durent entre 15 et 30 minutes 
			(27) 
			25e rapport
intérimaire du Secrétaire Général sur la présence d'experts du Conseil
de l'Europe au bureau du représentant spécial du Président de la
Fédération de Russie chargé de veiller au respect des droits de
l'homme et des droits et libertés civils en République tchétchène.
24 janvier 2003. SG/lnf (2003)2.». Etant donné le nombre très élevé des postes de conuôle en Tchétchénie (j’en ai compté 28 sur une portion de route de 40 kilomètres entre Grozny et la frontière ingouche), entreprendre un déplacement en Tchétchénie est une entreprise non seulement périlleuse, mais aussi de longue haleine.

3. Les atteintes aux droits de l’homme imputées aux combattants tchétchènes

46. Il est connu que les violations des droits de l’homme perpétrées par les combattants tchétchènes sont difficiles à mettre en évidence. Les ONG attestent qu’il est déjà malaisé de recueillir les dépositions de témoins lorsque les coupables sont des militaires russes, mais que c’est pratiquement impossible en cas d’atrocités commises par des combattants tchétchènes – la crainte de représailles est trop forte. Ainsi, les développements qui suivent peuvent fort bien ne représenter que «la partie émergée de l’iceberg».
47. Les dernières informations communiquées à l’Assemblée par les autorités russes au sujet d’affaires pénales ouvertes par le parquet à la suite de crimes commis contre la population civile dans la République tchétchène datent du 17 janvier 2003: elles concernaient également les crimes commis par «les membres de formations armées illégales». En 2002. le parquet de la République tchétchène a ouvert 311 affaires pénales, dont 120 concernaient des crimes commis contre des policiers, 81 des crimes contre des chefs d’administration et 12 des crimes contre des ecclésiastiques. Sur ce total. 213 affaires ont été suspendues et 29 renvoyées au tribunal. Ce sont là des chiffres très modestes, surtout si l’on songe qu’ils sont probablement gonflés par des crimes que les autorités de poursuite attribuent à «des individus non identifiés en tenue de camouflage», qui peuvent tout aussi bien être des appelés russes que des combattants tchétchènes.

3.1. Actes de terrorisme ci grande échelle

48. L’Assemblée a toujours condamné, et condamnera toujours, en les termes les plus sévères, tous les actes terroristes. La prise d’otages réalisée par des combattants tchétchènes dans un théâtre moscovite à la fin d’octobre 2002 ne s’est pas déroulée sur le territoire tchétchène. Elle n’en a pas moins constitué un acte terroriste terrible qui, précisément, appelle la condamnation la plus sévère. Certes, la libération des otages par les forces spéciales russes n’a pas été sans poser de problèmes et n’a pas été exempte de violations des droits de l’homme. Plus de 117 otages ont péri sous l’effet du gaz non identifié utilisé au cours de l’opération; et il est permis de penser que certains d’entre eux auraient pu être sauvés s’ils avaient reçu une aide médicale appropriée.
49. Le 27 décembre 2002, un attentat suicide à l’explosif a été commis contre le bâtiment de l’administration et du Gouvernement tchétchènes à Grozny, tuant 82 personnes et en blessant 210 autres. Selon le ministre russe de la Défense, M. Serguei lvanov, les organisateurs de cette attaque ont été identifiés. Je n’ai pas d’autres informations au sujet de l’enquête concernant cet acte terroriste barbare.

3.2. Tueries illégales et enlèvements individuels

50. Des chefs de l’administration locale et des membres des organes de poursuite continuent d’être la cible d’actions violentes menées par des combattants tchétchènes. Beaucoup de Tchétchènes prorusses (et des membres de leurs familles) ont été assassinés: d’autres ont été kidnappés, et on ne les a jamais revus. Récemment, les chefs de l’administration du village de Tsotsin-Yurt (district de Kourchaloy) et du district de Charoy ont été tués par des individus non identifiés: quant aux procureurs adjoints des districts de Chali et de Chatoy, ils ont été enlevés. D’après les derniers chiffres du bureau du procureur tchétchène. 94 fonctionnaires des administrations locales sont morts depuis octobre 1999, 139 ont été blessés et 34 kidnappés. 139 policiers tchétchènes ont été tués, 149 ont été blessés et 29 sont portés manquants. Au cours des derniers mois de 2002, les combattants tchétchènes sont supposés être les responsables de sept assassinats, de plusieurs tentatives d’assassinats et de neuf enlèvements depuis le 15 novembre 2002 
			(28) 
			«Into Harm's Way»,
Human Rights Watch, janvier 2003..
51. Il est souvent très difficile de déterminer si les innombrables enlèvements qui ont lieu en Tchétchénie et dans les républiques voisines sont imputables à des renégats issus des rangs des forces russes ou à combattants tchétchènes, voire à des bandes de criminels de droit commun. Toutefois, lorsque les victimes sont des chefs d’administration ou des procureurs, on voit se reproduire une configuration qui autorise à soupçonner les combattants tchétchènes.
52. Un cas particulièrement inquiétant est celui de M. Arjan Erkel, chef de mission pour la section suisse de l’ONG Médecins sans frontières (MSF) dans le Caucase du Nord. M. Erkel, âgé de 32 ans, a été enlevé par trois hommes armés non identifiés le 12 août 2002 à Makhatchkala, la capitale de la République fédérale du Daghestan. Après plus de cinq mois d’efforts méthodiques déployés à de nombreux niveaux, MSF n’a encore reçu aucune information concrète sur le sort de M. Erkel, ni sur l’endroit où il se trouve, ni sur les motifs ou les auteurs de son enlèvement. Cela a conduit MSF à conclure que ce kidnapping a peut-être été dicté par des mobiles politiques. Les autorités compétentes de la Fédération de Russie devraient accorder un plus haut degré de priorité politique à la libération de M. Erkel, car des enlèvements de ce genre constituent un obstacle supplémentaire aux efforts d’aide humanitaire dans le Caucase du Nord – au détriment d’une population qui souffre.

4. Conclusions

53. Les conclusions à tirer des affaires évoquées plus haut sont d’une clarté déprimante: cela fait maintenant près de dix ans que les habitants de la République tchétchène vivent dans la peur – ils ont peur des forces russes, ils ont peur des combattants tchétchènes. Voici comment on peut décrire brièvement la chronologie des événements depuis le 1er décembre 1994: tout d’abord, la population de la République tchétchène (notamment à Grozny) a dû subir les bombardements intensifs effectués par les forces russes, qui ont fait plus de 20 000 morts 
			(29) 
			Selon une équipe dirigée
par notre collègue Sergueï Kovalev, député à la Douma, le nombre
des victimes civiles au cours du premier conflit a été supérieur
à 50 000.. A peine ces bombardements aveugles avaient-ils cessé que commença une campagne de terreur effrénée de la part de certains de ces militaires russes – avec, pour ordre du jour, des meurtres, des viols, des tortures, des pillages et des extorsions 
			(30) 
			Voir
les résolutions, recommandations, rapports et avis examinés par
l'Assemblée en 1995 et 1996..
54. Dès lors, les Tchétchènes ont dû se sentir trahis par leurs compatriotes et ont perdu confiance en un gouvernement qui ne pouvait pas ou ne voulait pas les protéger vis-à-vis des groupes d’extrémistes religieux ou de bandes criminelles qui, à leur tour, prirent la république en otage en pratiquant des enlèvements, en faisant de la contrebande de stupéfiants et en se livrant à d’autres violences. Les punitions cruelles qui furent alors infligées en vertu de la charia procédaient d’une justice pervertie. Mais la «libération» de la Tchétchénie, entreprise sous la forme de la deuxième campagne russe, n’apporta aucune amélioration: le plus souvent, les forces russes, implacables, ne semblent faire aucune différence entre les combattants et les civils 
			(31) 
			On
peut mentionner, à titre d'exemple, les propos du général Chamanov
qui, dans une interview publiée par le journal russe Novaïa gazeta
le 19 juin 2000, déclarait que les termes de «général cruel» utilisés
à son égard sont pour lui un compliment. Au cours de la même interview,
il affirmait que les épouses et les enfants des combattants rebelles
sont eux aussi, à ses yeux, des «bandits» qui doivent être liquidés.. A ce jour, la population civile de la république vit sous la menace de la détention illégale, de la «disparition», voire du viol, de la torture et de l’assassinat, tels qu’ils sont pratiqués par une partie des forces russes; elle n’est pas pour autant à l’abri des enlèvements, des assassinats et des actes terroristes perpétrés par une partie des combattants tchétchènes.
55. La réaction des autorités russes n’a pas été très constructive. On a vraiment l’impression qu’elles font tout ce qu’elles peuvent pour occulter la réalité de la situation qui existe en Tchétchénie. La République tchétchène est pratiquement coupée du monde; elle est presque inaccessible pour les journalistes et les ONG.
56. Je l’ai déjà indiqué clairement dans mon dernier rapport, en janvier 2003 (Doc. 9688): lorsque, au bout de plusieurs années, on vous dit que telle enquête judiciaire se poursuit sans aboutir à des résultats tangibles, on ne peut que considérer – telle est en tout cas ma conclusion – que les organes de poursuite ne veulent pas ou ne peuvent pas trouver les responsables et les déférer à la justice (ou alors, il faut admettre qu’on leur met systématiquement des bâtons dans les roues). Au stade où nous en sommes, j’ai personnellement le sentiment que les trois facteurs jouent un rôle dans l’inefficacité des poursuites lorsqu’il s’agit de crimes commis à l’encontre de civils tchétchènes. C’est dire que la recommandation formulée par le commissaire aux droits de l’homme, M. Gil-Robles, à la suite de sa récente visite en Tchétchénie, selon laquelle il faut mettre davantage de moyens à la disposition du bureau du procureur, ne peut être, dans le meilleur des cas, qu’une solution partielle.
57. Je voudrais aussi faire référence à la jurisprudence de la Commission européenne des Droits de l’Homme à cet égard, qui a dit par le passé que des enquêtes à propos d’une violation d’un droit fondamental (comme le droit à la vie ou l’interdiction de la torture) qui n’ont pas été terminées deux ans après que le prétendu crime a été produit et pour lesquelles les autorités n’ont pas fourni d’explications en ce qui concerne les causes du report ne pouvaient être considérées comme valables 
			(32) 
			Voir, par exemple,
Timurtas c. Turquie, Sarli c. Turquie, et Tanli c. Turquie..
58. Les mécanismes de recours non judiciaires institués par les autorités russes, tels que le bureau du représentant spécial du Président de la Fédération de Russie chargé de veiller au respect des droits de l’homme et des libertés civiles en République tchétchène, ne font guère que recenser les plaintes individuelles. L’Assemblée se doit de rendre hommage au courage des experts du Conseil de l’Europe qui travaillent auprès de ce bureau: mais des questions se posent concernant l’efficacité de leur mandat actuel. Des mesures devraient être prises pour accroître leur possibilité d’influer sur la situation des droits de l’homme en République tchétchène.
59. Le Gouvernement russe n’a pas reconduit le mandat du Groupe d’aide à la Tchétchénie de l’OSCE. Lorsqu’elle donne suite aux recommandations du commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, la Russie ne le fait qu’avec un retard considérable. Ainsi, ces excellentes et nécessaires recommandations faites en mai 2002 «sur certains droits qui doivent être garantis au moment de l’arrestation et pendant la détention de personnes après les opérations de "nettoyage" en République tchétchène. Fédération de Russie» viennent seulement de commencer à être mises en œuvre au cours de sa visite dans la région en février 2003.
60. Le Comité européen pour la prévention de la torture (CPT) s’est plaint du manque de coopération de la Fédération de Russie. Il a publié une déclaration publique le 10 juillet 2001 (disponible auprès du secrétariat) motivée par l’absence de coopération des autorités russes avec le CPT sur deux points: i. la conduite d’une enquête approfondie et indépendante sur les événements qui ont eu lieu dans un centre de détention à Tchernokosovo pour la période allant de décembre 1999 à début février 2000; ii. l’action entreprise pour découvrir et poursuivre les coupables dans des affaires de mauvais traitements de personnes privées de leur liberté en République tchétchène au cours de ce conflit. Les rapports sur ces visites sont encore confidentiels, les autorités russes n’ayant pas autorisé leur publication.
61. Quant à la Cour européenne des Droits de l’Homme, qui a pour vocation de traiter des violations individuelles des droits de l’homme, elle ne peut espérer être en mesure de traiter par la voie du recours individuel les atteintes systématiques aux droits de l’homme qui se produisent à une telle échelle en Tchétchénie de manière efficace. Il est regrettable qu’aucun Etat membre ou groupe d’Etats membres n’ait encore trouvé le courage d’introduire une requête interétatique devant la Cour.
62. Tout cela génère un climat d’impunité qui encourage de nouvelles violations des droits de l’homme, de part et d’autre, et qui constitue un déni de justice pour les milliers de victimes; la population est à ce point excédée par le fait que la République tchétchène pourrait devenir véritablement ingouvernable. La situation actuelle des droits de l’homme dans la République tchétchène est inacceptable. Si l’on veut qu’un processus politique positif se développe dans la république, il faut que les violations des droits de l’homme cessent, et que ceux qui ont commis des exactions soient déférés à la justice. Les habitants de la République tchétchène ont droit non seulement à notre compassion, mais aussi à notre protection.
63. Bien entendu, cela ne pourra se faire qu’avec la coopération active des autorités russes. Notre collègue russe à la Douma, Sergueï Kovalev, militant des droits de l’homme respecté, a déclaré la semaine dernière que des «escadrons de la mort russes» opèrent en Tchétchénie 
			(33) 
			The Jamesiuun Foundation. Chechnva Weekh, 20 février 2003.. Il a estimé que ces escadrons de la mort, responsables des enlèvements et de l’assassinat de civils tchétchènes, sont sans doute organisés au niveau central par les forces fédérales, dans le cadre d’une «politique générale coordonnée». A l’appui de cette affirmation, il a fait observer que les cadavres qu’on trouve dans les charniers sont ceux de personnes qui ont été détenues dans différentes parties de la Tchétchénie, à des moments et à des endroits différents: si ces atrocités avaient été commises par des soldats indisciplinés, les cadavres proviendraient d’une zone déterminée, et ils se trouveraient à proximité de ces soldats.
64. Je ne puis écarter d’un revers de main les allégations de M. Kovalev: mais j’espère vraiment qu’il se trompe. Quoi qu’il en soit, il a raison de dire que la protection de la population civile dans la République tchétchène et la punition des auteurs des exactions commises sur ce territoire sont des tâches que l’on ne peut plus confier à la seule Russie, compte tenu des échecs qu’elle a enregistrés. Si la Russie ne veut pas ou ne peut pas s’acquitter de ses obligations, il faut que la communauté internationale intervienne.
65. La communauté internationale peut intervenir de deux façons qui se renforcent mutuellement. La première consiste à inviter les Etats membres du Conseil de l’Europe à explorer sans plus attendre toutes les voies permettant de mettre la Fédération de Russie face à ses responsabilités, y compris par l’introduction de requêtes interétatiques devant la Cour européenne des Droits de l’Homme et par l’exercice de la compétence universelle pour les crimes les plus graves commis dans la République tchétchène. La deuxième consiste, au cas où les efforts pour livrer à la justice ceux qui se sont rendus coupables de violations des droits de l’homme n’étaient pas intensifiés et au cas où le climat d’impunité en République tchétchène continuait de prévaloir, d’envisager de proposer à la communauté internationale la création d’un tribunal ad hoc chargé déjuger les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité dans la République tchétchène: cette juridiction serait habilitée à juger tous les crimes de ce genre qui ont été commis dans cette république. Il est irréaliste de penser, bien sûr, qu’un tel tribunal puisse être mis en place sans le consentement de la Fédération russe, que ce soit par le Conseil de sécurité des Nations Unies ou le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe. En l’absence de coopération active de la Russie, les crimes commis en République tchétchène resteront impunis.

5. Recommandations

66. J’ai décidé de faire uniquement des recommandations précises, détaillées et constructives. J’estime que l’Assemblée devrait faire les recommandations suivantes.
67. Pour obtenir que les droits de l’homme soient dorénavant respectés dans la République tchétchène, l’Assemblée devrait recommander:
i. que les combattants tchétchènes mettent immédiatement un terme à leurs activités terroristes et renoncent à toute forme de crime à rencontre des civils. Toute forme de soutien aux combattants tchétchènes devrait cesser immédiatement;
ii. que les forces russes soient mieux contrôlées et que la discipline soit effectivement assurée: tous les règlements civils et militaires pertinents et toutes les garanties constitutionnelles, le droit international et humanitaire, et en particulier les Conventions de Genève et les protocoles y afférents, doivent être intégralement observés au cours de toutes les opérations; la coopération avec les services du procureur doit s’exercer sans réserve avant, pendant et après les opérations;
iii. pour autant que la situation sur le plan de la sécurité le permet, que les troupes soient consignées dans leurs casernes ou carrément retirées de la République tchétchène;
iv. que les membres des forces russes soupçonnés d’avoir commis des exactions fassent l;objet d’une enquête approfondie et, si leur culpabilité est établie, qu’ils soient sévèrement punis conformément à la loi, quels que soient leur grade et leurs fonctions;
v. que les recommandations du commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe doivent être immédiatement mises en œuvre par la Fédération russe.
68. Afin d’obtenir que les personnes responsables poulies exactions soient traduites en justice, l’Assemblée devrait:
i. exiger des autorités russes qu’elles coopèrent davantage avec les mécanismes de réparation nationaux et internationaux, tant judiciaires que non judiciaires;
ii. inviter les Etats membres du Conseil de l’Europe à explorer sans plus attendre toutes les voies permettant de mettre la Fédération de Russie face à ses responsabilités, y compris par l’introduction de requêtes interétatiques devant la Cour européenne des Droits de l’Homme et par l’exercice de la compétence universelle pour les crimes les plus graves commis dans la République tchétchène;
iii. estimer que, si les efforts pour livrer à la justice ceux qui se sont rendus responsables pour les violations des droits de l’homme n’étaient pas intensifiés et si le climat d’impunité en République tchétchène continuait de prévaloir, la communauté internationale devrait envisager la mise en place d’un tribunal ad hoc pour juger les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité dans la République tchétchène; cette juridiction connaîtrait de tous les crimes de ce genre qui ont été commis dans la République tchétchène;
iv. inviter instamment la Fédération de Russie à ratifier sans délai le Statut de la Cour pénale internationale.
69. En outre, l’Assemblée devrait recommander au Comité des Ministres:
i. de réorienter ses programmes d’assistance concernant le Caucase du Nord vers l’objectif prioritaire consistant à améliorer la situation en matière de droits de l’homme dans la République tchétchène, et de doter ces programmes de fonds suffisants pour que des progrès réels soient enregistrés;
ii. de veiller à associer aux-dits programmes d’assistance les organisations non gouvernementales qui s’occupent de prévenir et de mettre en évidence les atteintes aux droits de l’homme en République tchétchène, ainsi que les organisations qui viennent en aide de diverses manières aux victimes de ces violations;
iii. d’inviter instamment le Gouvernement russe à se conformer intégralement aux recommandations qui lui sont adressées dans les paragraphes 9 et 10 de la Résolution... (2003), relative à la situation en matière de droits de l’homme dans la République tchétchène;
iv. si les efforts pour livrer à la justice ceux qui se sont rendus coupables de violations des droits de l’homme n’étaient pas intensifiés et si le climat d’impunité en République tchétchène continuait de prévaloir, d’envisager de proposer à la communauté internationale la création d’un tribunal ad hoc chargé déjuger les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité dans la République tchétchène; cette juridiction serait habilitée à juger tous les crimes de ce genre qui ont été commis dans la République tchétchène.
__________

Commission chargée du rapport: commission des questions juridiques et des droits de l’homme.

Renvoi en commission: Directive n° 584 (2003).

Projet de résolution adopté avec 30 voix pour, 1 voix contre et 2 abstentions; projet de recommandation adopté avec 31 voix pour, 1 voix contre et 2 abstentions; et projet de directive adopté à l’unanimité par la commission le 3 mars 2003.

Membres de la commission: Lintner (Président), Marty, Jaskiernia, Jurgens (Vice-Présidents), Ahlqvist, Akçam, G. Aliyev (remplaçant: R. Huseynov), Arifl, Arzilli, Attard Montalto, Barquero Vazquez, Berisha, Bindig, Brejc, Bruce, Chaklein, Christmas-M0eller (remplaçante: Auken), Cilevics, Clerfayt, Contestabile, Daly, Davis, Dees (remplaçant: Janssen van Raaij), Dimas, Domingues, Engeset, Err, Fedorov, Fico, Frimannsdóttir, Frunda, Galchenko (remplaçant: Shishlov), Guardans, Gùndûz, Hajiyeva, Hakl, Holovaty (remplaçant: Shybko), Jansson, Kelber, Kelemen (remplaçant: Németh), Kontogiannopoulos, S. Kovalev, Kroll, Kroupa, Kucheida, Leutheusser-Schnarrenberger, Livaneli, Manzella, Martins, Mas Torres, Masson (remplaçant: Hunault), McNamara, Meelak, Nabholz-Haidegger, Nachbar, Olteanu, Pasternak, Pehrson, Pellicini (remplaçant: Ianuzzi), Pentchev (remplaçant: Arabadjiev), Piscitello, Poroshenko, Postoico, Pourgourides, Raguz, Ransdorf, Rochebloine, Rustamyan, Skrabalo, Sole Tura (remplaçante: Lopez Gonzalez), Spindelegger, Stankevic (remplaçant: Lydeka), Stoica (remplaçant: Coifan), Symonenko, Tabajdi, Tevdoradze, Toshev, Vanoost, Wilkinson, Wohlwend.

N.B. Les noms des membres qui ont participé à la réunion sont indiqués en italique.

Voir 13e séance, 2 avril 2003 (adoption des projets de résolution, de recommandation et de directive amendés); et Résolution 1323, Recommandation 1600 et Directive n° 586.