Doc. 9869

9 juillet 2003

Vidéosurveillance des lieux publics

Proposition de recommandation

présentée par M. Bindig et plusieurs de ses collègues

La présente proposition n’a pas été examinée par l’Assemblée et n’engage que ses signataires

1.       Dans beaucoup de pays membres du Conseil de l’Europe, la surveillance des lieux publics au moyen de caméras vidéo (caméras de télévision en circuit fermé ou CCTV) est de plus en plus répandue. Il s’agit, d’une part, d’enrayer la hausse de la criminalité constatée dans certaines zones et, d’autre part, de tenir compte du sentiment d’insécurité qui se développe dans le public. Le recours à cette technologie devrait néanmoins faire l’objet d’une soigneuse évaluation.

2.       Les études menées au Royaume-Uni par le Scottish Centre for Criminology et l’Université de Hull remettent sérieusement en cause l’efficacité de la vidéosurveillance. Il n’est pas certain que l’utilisation de cette technologie dans le but de dissuader les délinquants et d’accroître les chances d’établir la culpabilité de ceux qui commettent des infractions contribue réellement à réduire la criminalité. Il est indispensable de réaliser une étude pour déterminer si la vidéosurveillance n’a pas simplement pour effet de déplacer la criminalité dans d’autres secteurs. La vidéosurveillance ne peut donner aux citoyens un sentiment de sécurité et contribuer à la prévention de la criminalité que si une assistance rapide et efficace est apportée sur les lieux dès qu’une infraction est repérée.

3.       Nombreux sont ceux chez qui le recours croissant à cette technologie avive la crainte d’un Etat orwellien. Cette inquiétude va de pair avec un danger bien réel, celui d’une utilisation abusive de cette technologie par le personnel de surveillance. Des études menées par des organismes indépendants des gouvernements ont montré que ces caméras suivaient plus particulièrement certains groupes minoritaires sans que cela se justifie. Il arrive aussi fréquemment que des femmes fassent l’objet de voyeurisme de la part (le plus souvent) des membres masculins du personnel de sécurité.

4.       Grâce aux progrès de la technique, les informations enregistrées sur une personne donnée peuvent être analysées de manière de plus en plus précise. Il est aujourd’hui possible de mettre en place des systèmes d’identification entièrement automatiques reposant sur les technologies de zoom et d’imagerie numérique et reliés à d’autres bases de données numériques. En Allemagne, où un débat public est en cours sur ce sujet, la question du risque de restriction du droit à l’autodétermination en matière d’information (article premier, par. 1, et article 2, par. 1, de la Loi fondamentale) est régulièrement soulevée, tandis que de sérieuses réserves sont émises à propos de la protection des données. Au Danemark, des réserves du même ordre ont conduit à une interdiction générale de la vidéosurveillance. D’autres pays comme l’Espagne ont adopté une législation sur la vidéosurveillance des lieux publics.

5.       L’Assemblée parlementaire recommande au Comité des Ministres d’inviter les Etats membres :

i. à entreprendre des études en vue d’analyser et de comparer la légitimité des besoins subjectifs de la population en matière de sécurité, d’une part, et de sa crainte d’être placée sous surveillance publique, d’autre part ;

ii. à analyser en détail la relation entre les droits subjectifs et la préservation de l’ordre constitutionnel dans la perspective de la vidéosurveillance des lieux publics ;

iii. à évaluer l’efficacité réelle de la vidéosurveillance et de la comparer aux autres moyens dont on dispose pour prévenir et réprimer la criminalité ;

iv. à adopter des dispositions législatives claires visant à éviter un développement incontrôlé de la vidéosurveillance ;

v. à garantir une utilisation transparente et démocratique de la technologie de vidéosurveillance dans les lieux publics ;

vi. à permettre et à encourager un contrôle public de l’utilisation de cette technologie et de l’emploi des données qu’elle permet de recueillir ;

vii. à adopter des dispositions législatives claires concernant les modalités d’enregistrement, de stockage et d’utilisation de ce type de données.

Signé1:

Bindig, Allemagne, SOC

Agramunt, Espagne, PPE/DC

Cilevičs, Lettonie, SOC

Guardans, Espagne, LDR

Jonas, Allemagne, SOC

Judd, Royaume-Uni, SOC

Jurgens, Pays-Bas, SOC

McNamara, Royaume-Uni, SOC

Riester, Allemagne, SOC

Russell-Johnston, Royaume-Uni, LDR

Wohlwend, Liechtenstein, PPE/DC


1        SOC: Groupe socialiste

      PPE/DC: Groupe du Parti populaire européen

      GDE: Groupe des démocrates européens

LDR: Groupe libéral, démocrate et réformateur

      GUE: Groupe pour la gauche unitaire européenne

      NI: non inscrit dans un groupe