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Respect des obligations et engagements de la Turquie

Doc. 10111
17
mars 2004

Rapport
Commission pour le respect des obligations et engagements des Etats membres du Conseil de l’Europe
Co-rapporteurs : Mme Mady Delvaux-Stehres, Luxembourg, Groupe socialiste, et M. Luc Van den Brande, Belgique, Groupe du Parti populaire europ�en


R�sum�

Les co-rapporteurs estiment que la Turquie a r�alis� en � peine plus de deux ans plus de r�formes que pendant la d�cennie pr�c�dente. Ils se f�licitent de l’adoption en octobre 2001 d’importants changements constitutionnels, des sept ensembles de r�formes approuv�s par le parlement entre f�vrier 2002 et ao�t 2003 et de nombreuses autres lois, d�crets et circulaires visant � mettre en œuvre ces r�formes.

En particulier, ils f�licitent les autorit�s pour avoir aboli la peine de mort, institu� une tol�rance z�ro en ce qui concerne la torture et l’impunit�, lev� de nombreuses restrictions � la libert� d’expression, d’association et de religion, et pour avoir accord� un certain nombre de droits culturels aux citoyens turcs d’origine kurde. Ils f�licitent �galement les autorit�s pour avoir transform� le Conseil national de s�curit� en organe consultatif.

Compte tenu des progr�s accomplis depuis 2001, les co-rapporteurs consid�rent que la Turquie a clairement d�montr� sa d�termination et sa capacit� � remplir les obligations statutaires qui lui incombent en tant qu’Etat membre du Conseil de l’Europe. Ils expriment leur confiance aux autorit�s turques pour appliquer et consolider les r�formes en question. Les co-rapporteurs proposent en cons�quence de cl�turer la proc�dure de suivi ouverte depuis 1996.

Les co-rapporteurs sugg�rent d’entamer avec la Turquie un dialogue post-suivi sur les douze points figurant sur une liste des questions en suspens, notamment en ce qui concerne le refonte de la Constitution de 1982, les amendements � apporter au code �lectoral, la reconnaissance de minorit�s nationales, la poursuite des efforts pour combattre la violence contre les femmes, la lutte contre la corruption et le droit � l’objection de conscience et � un service civil alternatif.

I.         Projet de r�solution [Lien vers le texte adopt�]

1.       La Turquie est membre du Conseil de l’Europe depuis 1949 et � ce titre s’est engag�e � respecter les obligations d�coulant de l’article 3 du Statut concernant la d�mocratie pluraliste, le respect de la pr��minence du droit et la protection des droits de l’Homme. Elle fait l’objet d’une proc�dure de suivi depuis l’adoption en 1996 de la Recommandation 1298 relative au respect par la Turquie des engagements concernant la r�forme constitutionnelle et l�gislative.

2.       Le 28 juin 2001, dans sa R�solution 1256 (2001), l’Assembl�e parlementaire, tout en se f�licitant des progr�s accomplis par la Turquie, d�cidait de poursuivre la proc�dure de suivi et d’�valuer les progr�s jusqu’� ce que l’Assembl�e d�cide de clore la proc�dure.

3.       L’Assembl�e constate que malgr� une grave crise �conomique en 2001, l’instabilit� politique � l’origine d’�lections anticip�es en novembre 2002 et les pr�occupations g�n�r�es par la guerre en Irak, les autorit�s turques ont n�anmoins poursuivi sans rel�che les efforts n�cessaires pour mettre en œuvre les r�formes indispensables � la modernisation de la Turquie. En � peine plus de deux ans, la Turquie a r�alis� plus de r�formes que pendant les dix ann�es pr�c�dentes.

4.       L’Assembl�e se f�licite de l’adoption d’une importante r�vision constitutionnelle, en octobre 2001, des sept ensembles de r�formes vot�s par le parlement entre f�vrier 2002 et ao�t 2003 ainsi que de nombreuses autres lois, d�crets et circulaires visant � mettre en œuvre ces r�formes.

5.       Elle note avec satisfaction que, malgr� les inqui�tudes suscit�es au d�part par l’arriv�e au pouvoir en novembre 2002 du parti de la justice et du d�veloppement, dirig� par M. Erdogan, le nouveau gouvernement a fait jusqu’ici bon usage de la majorit� absolue dont il dispose au parlement, avec le soutien sans faille du seul parti d’opposition, le Parti r�publicain du Peuple (CHP), pour acc�l�rer et intensifier les r�formes.

6.       En ce qui concerne la d�mocratie pluraliste, l’Assembl�e reconna�t que la Turquie est une d�mocratie qui fonctionne, avec un syst�me multipartite, des �lections libres et une s�paration des pouvoirs. La fr�quence des cas de dissolution de partis politiques est n�anmoins une r�elle source de pr�occupation et l’Assembl�e esp�re que les modifications constitutionnelles d’octobre 2001 ainsi que celles apport�es � la loi sur les partis politiques en mars 2002 limiteront � l’avenir le recours � une mesure aussi extr�me que la dissolution. L’Assembl�e estime aussi que le seuil de 10% de suffrages requis au niveau national pour qu’un parti entre au parlement est anormalement �lev� et qu’il convient de r�organiser les modalit�s de vote des citoyens turcs r�sidant � l’�tranger.

7.       En ce qui concerne le fonctionnement des institutions, l’Assembl�e f�licite la Turquie d’avoir r�duit le r�le du Conseil national de s�curit� � ce qu’il n’aurait jamais d� cesser d’�tre, � savoir un organe purement consultatif en mati�re de d�fense et de s�curit� nationale : l’amendement de l’article 118 de la Constitution ainsi que les amendements apport�s � la loi sur le Conseil national de s�curit� et son secr�tariat g�n�ral  repr�sentent un progr�s fondamental qu’il convient de saluer. La Turquie doit parachever cette r�forme en prenant les dispositions n�cessaires pour exclure la participation des militaires dans des organismes civils, tels que le haut conseil de l’�ducation (Y�K) ou le Conseil supr�me de l’audiovisuel public (RT�K), et pour garantir un contr�le parlementaire, notamment en mati�re budg�taire, des activit�s de l’arm�e. Nonobstant la position g�ostrat�gique de la Turquie, l’Assembl�e demande �galement que la Turquie reconnaisse le droit � l’objection de conscience et introduise un service civil alternatif.

8.       L’Assembl�e se r�jouit de voir que la proc�dure devant les cours de s�ret� de l’Etat a enfin �t� align�e, notamment en ce qui concerne les droits de la d�fense, sur le droit p�nal ordinaire, que la dur�e de la garde � vue pour les infractions collectives a �t� ramen�e de 15 jours � 4 jours maximum et que le droit de tout d�tenu � un avocat d�s la premi�re heure de garde � vue a �t� reconnu y compris pour les infractions relevant des cours de s�ret� de l’Etat.

9.       L’Assembl�e se r�jouit �galement du projet des autorit�s turques de supprimer les cours de s�ret� de l’Etat, ce qui n�cessitera encore une autre r�vision de la Constitution. L’Assembl�e engage vivement la Turquie, comme elle l’avait d�j� fait en 2001, � recourir � l’exp�rience de la Commission de Venise pour toute r�vision constitutionnelle ult�rieure. Elle est en effet d’avis que la Constitution de 1982, remani�e � de nombreuses reprises depuis, gagnerait en coh�rence et en clart� � faire l’objet d’une refonte compl�te. L’Assembl�e engage �galement les autorit�s turques � entamer la r�flexion quant � un acc�s individuel direct � la Cour constitutionnelle.

10.     L’Assembl�e demande �galement aux autorit�s turques de finaliser sans retard le projet de cr�ation d’une institution de l’Ombudsman et f�licite la Turquie pour les efforts accomplis en vue d’un meilleur dialogue avec les ONG, notamment par la nouvelle composition des conseils r�gionaux des droits de l’homme et l’assouplissement de la l�gislation applicable aux associations. La libert� d’action Des ONG doit n�anmoins encore �tre renforc�e.

11.     L’Assembl�e salue la d�termination de la Turquie � lutter contre la corruption en cr�ant plusieurs commissions d’enqu�te parlementaire, en adoptant en janvier 2003 un plan d’action urgent et en ratifiant la Convention civile contre la corruption du Conseil de l’Europe. Elle souhaite que la Turquie ratifie �galement la Convention p�nale contre la corruption ainsi que la Convention relative au blanchiment, au d�pistage, � la saisie et � la confiscation des produits du crime.

12.     En ce qui concerne le droit des femmes, l’Assembl�e se f�licite des avanc�es consid�rables dues � la r�vision constitutionnelle d’octobre 2001, l’entr�e en vigueur en janvier 2002 du nouveau code civil et la loi sur la s�curit� de l’emploi d’ao�t 2002. Elle rappelle qu’un Etat moderne doit garantir l’�galit� entre tous ses citoyens, notamment pour ce qui est de l’acc�s � l’emploi, aux fonctions publiques comme �lectives, � la sant� ou � l’�ducation. Elle demande aux autorit�s turques de mettre en œuvre des programmes pour �radiquer l’illettrisme f�minin, ce qui est un pr�alable pour permettre aux femmes d’exercer leurs droits. L’Assembl�e a pris note avec satisfaction que le code p�nal a �t� modifi� en juillet 2003 pour abroger toute possibilit� de circonstances att�nuantes en cas de crime d’honneur.  Elle demande aux autorit�s de faire preuve de fermet� dans la lutte contre les crimes d’honneur et la violence domestique et de soutenir les femmes, notamment en augmentant le nombre de refuges.

13.     En ce qui concerne les libert�s fondamentales, l’Assembl�e f�licite la Turquie d’avoir enfin aboli la peine de mort, en ratifiant le Protocole n� 6 en novembre 2003 et en signant le Protocole n�13 en janvier 2004.

14.     Elle f�licite aussi la Turquie pour sa d�termination � lutter contre la torture et l’impunit� : la politique de tol�rance z�ro affich�e par les autorit�s a commenc� � porter ses fruits. L’am�lioration des conditions de garde � vue, une meilleure garantie des droits de la d�fense et le droit � un examen m�dical ont �t� salu�es par le CPT, dont les recommandations sont syst�matiquement mises en œuvre, �galement en ce qui concerne les conditions de d�tention. L’Assembl�e regrette que, malgr� ces efforts, des cas de traitements contraires � l’article 3 de la CEDH soient encore signal�s. Elle exhorte par cons�quent les autorit�s turques � rester vigilantes et � veiller � ce que leurs instructions soient suivies dans l’ensemble du pays.

15.     Pour ce qui est de la lutte contre l’impunit�, l’Assembl�e consid�re que la suppression de l’autorisation administrative pr�alable pour poursuivre tout fonctionnaire se rendant coupable de torture ou de traitements inhumains ou d�gradants, l’interdiction du sursis ou de la conversion les peines prononc�es en amende, l’obligation de traiter les plaintes des victimes en priorit� et l’obligation faite au procureur d’enqu�ter personnellement sont des avanc�es consid�rables. Elle constate �galement que des efforts importants ont �t� fournis, avec l’assistance du Conseil de l’Europe, pour am�liorer la formation de la police et de la gendarmerie.

16.     En ce qui concerne la libert� d’expression, l’Assembl�e prend acte des importants assouplissements apport�s � la l�gislation : l’article 8 de la loi anti-terreur a �t� purement et simplement abrog�, les articles 312, 159, 169 et l’article 7 de la loi anti-terreur ont �t� modifi�s dans un sens plus conforme � la jurisprudence de la Cour europ�enne des droits de l’Homme et les lois r�primant les infractions par voie de presse ont �galement �t� amend�es. L’Assembl�e attend cependant encore des progr�s en ce qui concerne les d�lits de diffamation, d’insulte ou d’outrage aux corps constitu�s, qui ne devraient plus �tre passibles de peines d’emprisonnement.

17.     En ce qui concerne la libert� d’association, l’Assembl�e rel�ve les progr�s importants qui ont �t� accomplis : le nouvel article 33 de la Constitution pr�voit maintenant que le refus d’enregistrement des statuts, la dissolution ou la suspension d’activit�s des associations ne pourront plus intervenir que par d�cision judiciaire. La loi sur les associations de 1983 a �t� consid�rablement remani�e, notamment en ce qui concerne le contr�le pr�alable des activit�s des associations. En ce qui concerne la libert� de r�union, une manifestation ne pourra plus �tre interdite que s’il y a clairement danger pour l’ordre public.

18.     Pour ce qui est de la libert� de religion et notamment le sort r�serv� aux minorit�s religieuses, l’Assembl�e f�licite les autorit�s turques d’avoir modifi� la loi sur les fondations et la loi sur les constructions, ce qui permettra dor�navant aux associations concern�es de vendre et d’acqu�rir des biens immobiliers ou de construire de nouveaux lieux de culte.

19.     La Turquie est un Etat musulman la�c : il s’agit l� d’une sp�cificit� qui prouve son attachement aux valeurs d�mocratiques europ�ennes, fond�es sur la tol�rance et le respect mutuel. La Turquie doit veiller � ce que la neutralit� de l’Etat continue d’�tre respect�e et que la sph�re religieuse n’interf�re pas avec les principes de gouvernance d’une soci�t� moderne.

20.     L’Assembl�e se r�jouit de la lev�e de l’�tat d’urgence dans les quatre derni�res provinces du sud-est o� il �tait encore appliqu�, du vote de la loi de r�int�gration dans la soci�t� en juillet 2003, qui a permis entre autres la lib�ration de plusieurs milliers de citoyens turcs d’origine kurde et le retour � une vie normale pour les centaines d’autres personnes qui se sont rendues aux autorit�s. L’Assembl�e esp�re aussi que le parlement adoptera bient�t le projet de loi visant � octroyer une indemnisation � toutes les personnes victimes du terrorisme et des mesures prises par les autorit�s pour le combattre. Pr�s de cinq ans apr�s la fin des hostilit�s, l’Assembl�e estime qu’il est temps d’investir davantage dans la reconstruction �conomique et sociale du sud-est. Elle prend note de la volont� des autorit�s turques de d�velopper les programmes de � retour au village � avec l’assistance de la banque mondiale et de l’ONU. L’Assembl�e se r�jouit �galement de la r�cente adoption de la loi encourageant les investissements dans les provinces o� le revenu par habitant est peu �lev�.

21.     L’Assembl�e regrette que la Turquie n’ait toujours pas ratifi� la convention cadre pour la protection des minorit�s nationales ni la charte europ�enne des langues r�gionales ou minoritaires. L’Assembl�e estime cependant que les premiers pas ont �t� accomplis pour reconna�tre des droits culturels aux membres de diff�rents groupes ethniques et notamment � la population d’origine kurde : la Constitution a �t� r�vis�e et n’interdit plus l’usage d’autres langues que le turc ; il est maintenant possible d’ouvrir des �coles de langues pour �tudier la ou les langues kurdes et des �missions de radio ou de t�l�vision en langue kurde ont �t� autoris�es, de m�me que le droit pour les parents de choisir un pr�nom kurde pour leurs enfants. L’Assembl�e encourage vivement les autorit�s turques � continuer de promouvoir la diversit� culturelle et linguistique et esp�re que les mesures qui seront prises auront un impact concret dans la vie quotidienne des populations concern�es, notamment en ce qui concerne l’acc�s � la justice et � l’administration et l’organisation des soins de sant�.

22.     En ce qui concerne l’ex�cution des arr�ts de la Cour europ�enne des droits de l’homme, l’Assembl�e note que les demandes qu’elle avait exprim�es dans sa R�solution 1256(2001 ont �t� satisfaites :

i.        elle f�licite les autorit�s turques d’avoir introduit les modifications n�cessaires dans son droit interne en 2002 et 2003 pour permettre la r�vision des proc�s suite aux arr�ts de la Cour constatant une violation de la Convention, ce qui a permis notamment la r�ouverture du proc�s de Leyla Zana et de trois autres parlementaires devant la cour de s�ret� d’Ankara. L’Assembl�e regrette que dans l’attente de l’issue du proc�s, la cour de s�ret� n’ait pas donn� suite aux demandes de mise en libert� provisoire pr�sent�es par les quatre ex-d�put�s, qui sont d�tenus  depuis plus de 10 ans ;

ii.       l’Assembl�e prend �galement note du fait que plus de cinq ans apr�s l’arr�t rendu au b�n�fice de Mme Loizidou en mati�re de satisfaction �quitable, la Turquie a enfin accept� de se conformer � l’obligation de paiement inconditionnelle que fait peser sur elle l’article 46 de la Convention, comme sur tous les autres Etats parties � la Convention. Elle rappelle aux autorit�s turques qu’elles doivent encore ex�cuter l’arr�t rendu au fond en 1996 dans la m�me affaire, notamment en ce qui concerne l’adoption de mesures g�n�rales visant � �viter la r�p�tition ou la continuation des violations constat�es par la Cour.  Elle demande � la Turquie de continuer de coop�rer pleinement avec le Comit� des Ministres dans la difficile t�che qui lui incombe de veiller � la bonne ex�cution des arr�ts, notamment en ce qui concerne l’affaire inter�tatique Chypre contre Turquie.

23.     En cons�quence, et dans le cadre du processus actuel de r�formes engag� par les autorit�s turques, l’Assembl�e invite la Turquie � :

i.        proc�der � une refonte de la Constitution de 1982, avec l’assistance de la Commission de Venise, afin d’achever son adaptation aux standards europ�ens en vigueur et dans l‘intervalle, supprimer ou modifier les articles 131 � 1, 127 et ceux relatifs aux cours de s�ret� de l’�tat ;

ii.       modifier le code �lectoral pour abaisser le seuil de 10% et permettre aux citoyens turcs vivant � l’�tranger de voter sans avoir � se pr�senter aux fronti�res ;

iii.       reconna�tre le droit � l’objection de conscience et cr�er un service civil alternatif ;

iv.      cr�er l’institution de l’Ombudsman ;

v.       ratifier la Convention p�nale contre la corruption, la Convention relative au blanchiment, au d�pistage, � la saisie et � la confiscation des produits du crime, la Convention cadre pour la protection des minorit�s nationales, la Charte des langues r�gionales et minoritaires, la Charte sociale r�vis�e ; accepter les dispositions de la Charte sociale qui ne le sont pas encore ;

vi.      achever la r�vision du Code p�nal, avec l’assistance du Conseil de l’Europe, en tenant compte des observations de l’Assembl�e en ce qui concerne la d�finition des d�lits d’insulte ou de diffamation, de viol, de crimes d’honneur et plus g�n�ralement, des imp�ratifs de proportionnalit� pos�s par la jurisprudence de la Cour europ�enne des droits de l’homme en mati�re de libert� d’expression et d’association ;

vii.      proc�der, avec l’assistance du Conseil de l’Europe, � l’examen approfondi des lois datant de l’�poque de  l’�tat d’urgence, notamment la loi sur les associations, la loi sur les syndicats, la loi sur les partis politiques et la loi sur la presse, pour assurer une coh�rence maximum avec l’esprit des r�formes r�centes ;

viii.     mettre en œuvre la r�forme de l’administration locale et r�gionale ainsi que la d�centralisation en respectant les principes de la charte de l’autonomie locale ; dans le cadre de cette r�forme, mettre � disposition des autorit�s comp�tentes les moyens institutionnels et humains n�cessaires et proc�der � une p�r�quation �quitable des ressources pour pallier le sous–d�veloppement de certaines r�gions, notamment le sud-est de la Turquie ;

ix.       poursuivre, avec l’assistance du Conseil de l’Europe les efforts de formation des juges et procureurs ainsi que de la police et de la gendarmerie ;

x.       lever la r�serve g�ographique � la Convention de Gen�ve relative au statut des r�fugi�s et mettre en œuvre les recommandations du Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe en ce qui concerne le traitement des r�fugi�s et demandeurs d’asile ;

xi.       poursuivre la politique visant � reconna�tre l’existence des minorit�s nationales vivant en Turquie et � leur accorder le droit de maintenir, d�velopper et exprimer leur identit�, et la mettre en œuvre concr�tement ;

xii.      poursuivre les efforts visant � lutter contre l’illettrisme  f�minin et contre toutes les formes de violence contre les femmes.

24.     L’Assembl�e estime que la Turquie a clairement d�montr� ces trois derni�res ann�es sa volont� et sa capacit� � remplir les obligations statutaires qui lui incombent en tant qu’Etat membre du Conseil de l’Europe. Au vu des progr�s r�alis�s depuis 2001, l’Assembl�e exprime sa confiance aux autorit�s turques pour appliquer et consolider les r�formes, dont la mise en oeuvre n�cessitera un important travail d’adaptation r�glementaire, y compris au-del� de l’horizon 2004. L’Assembl�e d�cide donc de cl�turer la proc�dure de suivi ouverte depuis 1996.

25.     L’Assembl�e poursuivra, par le biais de sa commission de suivi, le dialogue post-suivi avec les autorit�s turques sur les questions �voqu�es au paragraphe 23 ci-dessus, ou sur toute autre question qui se poserait du fait des obligations de la Turquie en tant qu’Etat membre du Conseil de l’Europe.

II.        Projet de recommandation [Lien vers le texte adopt�]

1.       L’Assembl�e parlementaire estime que la Turquie a clairement d�montr� ces trois derni�res ann�es sa volont� et sa capacit� � remplir les obligations statutaires qui lui incombent en tant qu’Etat membre du Conseil de l’Europe. Au vu des progr�s r�alis�s depuis 2001, l’Assembl�e exprime sa confiance aux autorit�s turques pour appliquer et consolider les r�formes, dont la mise en oeuvre n�cessitera un important travail d’adaptation r�glementaire, y compris au-del� de l’horizon 2004. L’Assembl�e d�cide donc de cl�turer la proc�dure de suivi ouverte depuis 1996.

2.       Se r�f�rant � sa R�solution … (2004) relative au respect des obligations et engagements de la Turquie, l’Assembl�e estime que la Turquie doit continuer de b�n�ficier des programmes d’assistance et de coop�ration du Conseil de l’Europe pour achever et mettre en œuvre les r�formes entreprises pour la consolidation d’un Etat de droit respectueux des droits de l’hommes et des libert�s fondamentales.

3.       En cons�quence, l’Assembl�e recommande au Comit� des Ministres :

i.        de poursuivre, en coop�ration avec les autorit�s turques, les programmes de formation des policiers, juges et procureurs ainsi que les programmes de r�forme du syst�me p�nitentiaire ;

ii.       d’assister les autorit�s turques dans leurs projets de r�forme constitutionnelle et de leur demander d’adresser pour avis � la Commission europ�enne pour la d�mocratie par le droit (Commission de Venise) avant adoption par le parlement, tout projet de r�vision de la Constitution ;

iii.       de continuer � assurer l’expertise juridique des projets de loi en pr�paration ou � venir, notamment du code p�nal et du code de proc�dure p�nale, de la loi sur les associations, de la loi sur la presse, de la loi sur les partis politiques, de la loi sur les syndicats et de la loi sur la d�centralisation ;

iv.      de mettre en œuvre un programme d’assistance et de coop�ration en mati�re de lutte contre la corruption ;

v.       d’�laborer et mettre en œuvre un plan d’action pour l’�galit� hommes/femmes en Turquie, en mettant l’accent notamment sur les probl�mes de violence contre les femmes, conform�ment � la Recommandation (2002) 5 du 30 avril 2002 du Comit� des Ministres sur la protection des femmes contre la violence.

III.      Expos� des motifs par les co-rapporteurs

SOMMAIRE

A.    INTRODUCTION

B.    DEVELOPPEMENTS POLITIQUES DEPUIS JUIN 2001

i.      La crise �conomique

ii.     Les �lections anticip�es de novembre 2002

iii.    Les dossiers urgents du nouveau gouvernement

a. Le sommet de Copenhague
b. La question de Chypre
c. La crise irakienne

C.    REFORMES REALISEES DEPUIS JUIN 2001

i.      Introduction

ii.     Fonctionnement des institutions d�mocratiques

a.    Le r�le de l’arm�e
b.    La dissolution de partis politiques
c.    Le fonctionnement du syst�me judiciaire
d.    Le r�le de la soci�t� civile
e.    La d�mocratie locale et r�gionale

iii.    Libert�s fondamentales

a.    La garde � vue
b.    La lutte contre l’impunit� et la torture
c.    La situation dans les prisons
d.    L’abolition de la peine de mort
e.    La libert� d’expression
f.    La libert� d’association et de r�union
g.    La libert� de religion

iv.    La question kurde

a.    La lev�e de l’�tat d’urgence
b.    La loi sur la r�insertion
c.    La situation d’Abdullah ��alan
d.    La r�vision des proc�s Zana et autres
e.    L’octroi de droits culturels
f.    Le retour des d�plac�s
g.    L’�tat d’urgence �conomique

v.     Autres questions

a.    Les droits de la femme
b.    La lutte contre la corruption
c.    Les droits sociaux

A.    Introduction

1.  La Turquie est membre du Conseil de l'Europe depuis 1949.  Elle fait l’objet d’une proc�dure de suivi des obligations et engagements depuis 1996, lorsque l’Assembl�e a adopt� la Recommandation 1298 (1996) relative au respect par la Turquie des engagements concernant la r�forme constitutionnelle et l�gislative. L’Assembl�e a eu, depuis, l’occasion d’�valuer � deux reprises la situation de la Turquie au regard de ses obligations, en examinant les rapports que lui a pr�sent�s la commission de suivi en janvier 1999[1], puis en juin 2001 [2].

2.  A cette occasion, l’Assembl�e a adopt� la R�solution 1256 dans laquelle elle � se f�licite des progr�s r�alis�s par la Turquie en ce qui concerne le respect de ses obligations en tant qu’Etat membre du Conseil de l’Europe depuis le d�but de la proc�dure de suivi et, notamment, du dialogue ouvert et sinc�re qui s’est instaur� quant aux questions encore en suspens. L’Assembl�e encourage donc les autorit�s turques � mettre en œuvre le Programme national et � poursuivre l’adoption des mesures l�gislatives et administratives n�cessaires pour se conformer aux obligations dont elle doit encore s’acquitter (…). �

3.  Au cours de l’ann�e 2002, la Commission de suivi d�signait deux nouveaux rapporteurs. Ceux-ci ont entrepris leur premi�re visite d’information dans le pays les 17-21 f�vrier 2003. Leur seconde visite s’est d�roul�e du 25 au 28 mai 2003.

4.  Les rapporteurs expriment leur gratitude � la d�l�gation parlementaire turque pour l’excellente organisation de leurs visites. Ils tiennent � t�moigner �galement leur reconnaissance � l’ensemble de leurs interlocuteurs, pour la cordialit� et la franchise de leurs �changes de vues.

5.  Les �v�nements qui se sont produits dans le pays depuis l’adoption par l’Assembl�e de la R�solution 1256, il y a plus de deux ans, m�ritent que l’on y consacre en premier lieu quelques d�veloppements dans le pr�sent rapport.

B.    D�veloppements politiques depuis juin 2001

6.  Quatre �v�nements majeurs ont marqu� la vie politique en Turquie depuis juin 2001 : la grave crise �conomique qui a frapp� le pays en 2001, les �lections anticip�es de novembre 2002, la d�cision de l’Union europ�enne, prise lors du sommet de Copenhague en d�cembre 2002, de n’examiner que fin 2004 les suites � donner � la demande d’adh�sion de la Turquie, et la crise irakienne.

i.          La crise �conomique

7.  Deux graves crises financi�res ont frapp� la Turquie en novembre 2000 puis en f�vrier 2001 : chute de plus de 50 % de la livre turque, recul de plus de 9,4 % du PIB, inflation � plus de 80 %, perte de 2 millions d’emplois en l’espace de 2 ans. En 2002, le taux de ch�mage officiel de la population �tait de 9,9%, avec 2,37 millions de sans-emploi. Si la situation s’est l�g�rement am�lior�e en 2002, notamment avec une inflation r�duite � 32 % par an et une croissance de 7,8 %, le FMI a d� pr�ter environ 19 milliards de dollars sur trois ans pour maintenir la Turquie � flot, dont 16 milliards ont d�j� �t� tir�s. Pour 2003, l’objectif du Gouvernement �tait  de ramener l’inflation � 20 %, d’arriver � une croissance de 5 % et de renflouer les caisses de l’Etat par des privatisations pour un montant de 4 milliards USD. Si la situation �conomique s’est nettement am�lior�e en 2003, notamment avec une inflation r�duite � 19,3%, le service de la dette, continue de poser un probl�me important et les privatisations n’ont rapport� que 893 millions USD. Le budget adopt� pour 2004 table sur une pr�vision de croissance de 5% et sur une inflation r�duite � 12% mais il sera de nouveau d�ficitaire de 32 milliards USD : en effet  42% des d�penses devront encore �tre consacr�es au remboursement de la dette, qui a atteint 187 milliards USD.

8.  Avec un PIB par t�te de 2 584 USD en 2002, la Turquie est tr�s en dessous de la moyenne de celui des habitants de l’Union. En outre, dans 21 provinces sur les 81 que compte le pays, le revenu par habitant est inf�rieur � 1 500 USD[3]. Les provinces de l’est et du sud-est surtout souffrent d’une mis�re chronique. La Gr�ce consid�r�e pourtant comme l’un des pays les plus pauvres de l’Union, dispose d’un PIB par t�te de 12 700 €. En revanche, compar�e � d’autres pays candidats � l’adh�sion � l’horizon 2007, la situation turque est plut�t plus favorable : ainsi, la Roumanie dispose d’un PIB par t�te de 1 870  € seulement et la Bulgarie de 1 960 €.

ii.         Les �lections anticip�es de novembre 2002

9.  La crise �conomique, � l’origine de la plus grave r�cession qu’ait connu la Turquie depuis 1945, a sans aucun doute contribu� � d�stabiliser le pouvoir politique, contraint d’infliger � la population une cure d’aust�rit� sans pr�c�dent. Mais la coalition au pouvoir, compos�e de l’ANAP (Parti de la m�re patrie) et du MHP (Parti de l’action nationaliste) et dirig�e par B�lent Ecevit (DSP, Parti de la gauche d�mocratique), 77 ans et malade depuis le mois de mai, se d�lita aussi progressivement au courant de l’ann�e 2002. Une crise gouvernementale �clata en juillet 2002, le MHP s’opposant farouchement[4] � un certain nombre de r�formes voulues par le gouvernement en vue de remplir les crit�res dits de Copenhague impos�s par l’Union avant toute discussion sur une �ventuelle date d’ouverture des n�gociations d’adh�sion.

10.  Finalement, la Grande Assembl�e nationale turque (TBMM) se r�solut, le 31 juillet, � avancer  les �lections l�gislatives, initialement pr�vues pour avril 2004. La date en fut fix�e au 3 novembre.

11.  Le 20 septembre 2002, le Haut Conseil �lectoral d�clara in�ligible Recep Tayyip Erdogan, ancien maire d’Istanbul entre 1994 et 1998 et l’un des hommes politiques les plus populaires de Turquie, en raison d’une condamnation p�nale � 10 mois de prison en 1998, fond�e sur l’article 312 du Code p�nal, pour incitation � la haine religieuse, pour laquelle il purgea 4 mois de prison en 1999 avant d’�tre lib�r� � la faveur d’une amnistie.

12.  Interdit d’activit�s politiques suite � cette condamnation, M. Erdogan avait n�anmoins fond� en ao�t 2001 le Parti de la justice et du d�veloppement[5] (AKP), nettement plus mod�r�[6] que le Refah (Parti de la prosp�rit�), dirig� par Necmettin Erbakan et dissous en 1998 et que les deux partis cr��s par la suite, le Parti de la Vertu (Fazilet, dissous en juin 2001) et le parti du Bonheur[7] (Saadet). En octobre, suite � une injonction de la Cour constitutionnelle, M. Erdogan d�missionna du conseil d’administration o� il si�geait en tant que membre fondateur du parti mais resta pr�sident de celui-ci.

13.  M. Erdogan ne pouvant se pr�senter aux �lections, perdait de ce fait toute chance d’�tre nomm� premier ministre en cas de victoire de son parti, la Constitution exigeant qu’un ministre soit aussi d�put�. Par ailleurs, le 24 octobre 2002, soit � peine 15 jours avant les �lections, le Procureur g�n�ral demanda � la Cour constitutionnelle de dissoudre le Parti de la justice et du d�veloppement (AKP) [8], notamment parce que, malgr� l’injonction d’avril 2002, M. Erdogan �tait rest� pr�sident du parti.

14.  Malgr� cela l’AKP r�alisa une perc�e massive lors des �lections du 3 novembre, remportant 34,2% des suffrages exprim�s et la majorit� absolue[9] au parlement avec 363 si�ges sur 550. Tous les autres partis traditionnels furent balay�s.

15.  Deuxi�me formation du scrutin, le Parti r�publicain du peuple (CHP, social d�mocrate), qui n’�tait plus repr�sent� au parlement depuis 1999, recueillit 19,3% des voix et obtint 178 si�ges. Les neuf autres si�ges sont occup�s par des ind�pendants. Le CHP est la seule formation d’opposition de la Grande Assembl�e nationale de Turquie, chambre unique du parlement turc, qui compte 550 d�put�s, dont 500 si�geront pour la premi�re fois. Aucune des seize autres formations, qui se pr�sentaient devant les �lecteurs, ne recueillit les 10% des suffrages n�cessaires pour �tre repr�sent�e au parlement. Le DSP du premier ministre sortant n’obtint m�me pas 2 % des voix.

16.  Les �lections ont �t� observ�es par le Bureau des Institutions D�mocratiques et des Droits de l’Homme (BIDDH) de l’OSCE, ce qui constituait une premi�re. Suite � une d�cision du Bureau de l’Assembl�e, une petite d�l�gation d’observateurs – au nombre desquels Mme Durrieu, Pr�sidente de la commission de suivi et Mme Delvaux-Stehres, rapporteur - s’�tait �galement rendue en Turquie lors de ces �lections, qui se sont d�roul�es dans des conditions  tout � fait satisfaisantes[10].

17.  Les co-rapporteurs constatent que le nouveau gouvernement issu des �lections a fait jusqu’ici bon usage de la majorit� absolue dont il dispose au parlement, notamment pour faire passer rapidement les r�formes qui s’imposent. Ils ont pris note avec satisfaction, lors de leur rencontre en f�vrier 2003 avec le vice-pr�sident du CHP, de la volont� de celui-ci de faire de l’opposition constructive et de soutenir la volont� de r�formes du nouveau gouvernement et notent que ce soutien n’a pour l’heure pas fait d�faut au gouvernement.

18.  En raison de la loi �lectorale actuelle (qui fixe � 10% au niveau national le pourcentage de suffrages requis pour qu’un parti entre au parlement), il faut cependant observer que 45% des 31 millions d’�lecteurs ne seront pas repr�sent�s dans la Grande Assembl�e nationale de Turquie, alors qu’avec moins de 35 % des voix, le parti vainqueur d�tient 2/3 des si�ges.

19.  Ce seuil de 10% semble anormalement �lev� aux co-rapporteurs par rapport � ce qui se pratique dans d’autres pays europ�ens. Certes, ce seuil vise � contribuer � une stabilit� politique mais il convient d’observer que les �lections de 2002 sont les quatri�mes �lections cons�cutives � avoir �t� convoqu�es de mani�re anticip�e. En outre, ainsi que le note l’OSCE dans son rapport sur les �lections[11], les cinq partis qui pass�rent la barri�re des 10% lors des �lections l�gislatives de 1999 se fragment�rent par la suite, de sorte qu’� la veille des �lections de 2002, il y  avait 11 partis au parlement.

20.  Les co-rapporteurs esp�rent que le processus de r�flexion amorc� par les autorit�s pour ce qui est d’une r�vision de la loi �lectorale aboutira � une plus juste repr�sentation de la volont� populaire au sein de la Grande Assembl�e Nationale de Turquie.

21.  Les co-rapporteurs recommandent vivement aux autorit�s turques de prendre en compte les recommandations de l’OSCE, notamment celle d’abaisser le seuil des 10% ou d’assouplir la r�gle selon laquelle, pour pouvoir participer aux �lections, tout parti doit �tre organis� dans au moins la moiti� des 81 provinces du pays et dans au moins un tiers des districts de chaque province, ces deux r�gles visant manifestement � �viter que n’�mergent des partis � base uniquement r�gionale.

22.  Ainsi, par exemple, le parti pro-kurde HADEP, qui faisait l’objet d’une proc�dure de dissolution pendante devant la Cour constitutionnelle depuis 1999[12], ne pr�senta pas de candidats sous sa banni�re et pr�f�ra rejoindre le DEHAP (Parti d�mocratique du peuple), cr�� en 1999 en pr�vision de la dissolution �ventuelle du HADEP, lequel recueillit 6,5% des suffrages au niveau national et ne sera donc pas repr�sent� au parlement, alors qu’il avait obtenu plus de 40% des voix dans les principales villes du Sud-Est anatolien.

23.  Les co-rapporteurs estiment que la proportionnelle en vigueur en Turquie doit pouvoir �tre am�nag�e pour �viter que pr�s de la moiti� des votants ne se sentent exclus et ne puissent faire valoir leurs points de vue au parlement, ce qui n’est pas sain dans une d�mocratie.

24.  Les co-rapporteurs recommandent �galement aux autorit�s turques de revoir les modalit�s de l’exercice du droit de vote des citoyens turcs vivant � l’�tranger : 3,5 millions de Turcs vivent en dehors de la Turquie et ne peuvent exercer leur droit de vote qu’en se pr�sentant aux fronti�res : il n’est pas possible de voter par correspondance ni dans les consulats.

iii.        Les dossiers urgents du nouveau gouvernement

25.  A peine form� fin novembre 2002, le 58�me gouvernement turc, compos� de 23 ministres[13], tous membres de l’AKP, sous la direction d’Abdullah G�l, bras droit de M. Erdogan, dut faire face � trois dossiers urgents : le sommet de Copenhague des 12-13 d�cembre, la n�gociation du plan Annan pour l’avenir de Chypre et la crise irakienne.

26.  Par ailleurs, suite � l’entr�e en vigueur le 31 d�cembre 2002 d’une mini-r�vision constitutionnelle visant � am�nager les conditions d’�ligibilit� des d�put�s[14], M. Erdogan fut autoris� le 23 f�vrier 2003 par le Haut Conseil Electoral � pr�senter sa candidature aux l�gislatives partielles de Siirt (sud-est). Le 9 mars 2003, M. Erdogan fut triomphalement �lu, suite � quoi le gouvernement pr�senta sa d�mission. M. Erdogan fut alors nomm� Premier ministre le 14 mars[15] et le 59�me gouvernement, dans lequel M. G�l occupe maintenant le poste de ministre des Affaires �trang�res, obtint la confiance du parlement le 23 mars.

a.       Le sommet de Copenhague de d�cembre 2002

27.  Le pr�c�dent gouvernement avait tent� de mettre les bouch�es doubles pour satisfaire aux crit�res de Copenhague en vue d’arracher une date ferme pour l’ouverture des n�gociations d’adh�sion. Apr�s la r�vision constitutionnelle d’octobre 2001, l’adoption du nouveau code civil en novembre, il y eut encore trois paquets l�gislatifs respectivement adopt�s en f�vrier, mars et ao�t 2002. Le rapport annuel de la Commission sur l’�tat des progr�s accomplis par la Turquie en vue de l’adh�sion, publi� le 9 octobre 2002, fit toutefois l’effet d’une douche froide : malgr� l’importance des progr�s accomplis, la Commission conclut que la Turquie ne remplissait toujours pas compl�tement les crit�res politiques dits de Copenhague.

28.  Au lendemain des �lections du 3 novembre, M. Erdogan, le nouvel homme fort du pays, bien que n’occupant aucune fonction minist�rielle ou parlementaire, accomplit un v�ritable marathon en faisant  le tour de la quasi-totalit� des capitales europ�ennes, d’une part pour les rassurer sur la vocation europ�enne de son parti et sa volont� de poursuivre les r�formes et, d’autre part, pour plaider la cause de la Turquie en vue du sommet de Copenhague, pr�vu en d�cembre.

29.  Malgr� les efforts d�ploy�s en ce sens,  le Conseil des Ministres de l’Union europ�enne d�cida les 12 et 13 d�cembre 2002 de ne pas fixer de date � la Turquie pour l’ouverture des n�gociations d’adh�sion et de revoir la question � l’automne 2004, sur la base d’un rapport de la Commission. Par contre le feu vert fut donn� pour les dix autres pays candidats, y compris Chypre, qui deviendront membres le 1er mai 2004.

30.  Lors de leur premi�re visite en f�vrier 2003, les co-rapporteurs ont �t� frapp�s de voir � quel point la d�cision prise au sommet de Copenhague avait �t� ressentie comme une injustice, tant par les autorit�s que par la soci�t� civile. Plusieurs interlocuteurs ont exprim� un sentiment de d�couragement en soutenant que, quels que soient les efforts fournis par la Turquie en mati�re de d�mocratisation et droits de l’homme, on lui en demanderait toujours plus, sans jamais lui d�cerner enfin un satisfecit. Il a �galement �t� rappel� aux co-rapporteurs que la Turquie avait le statut de membre associ� depuis 1963, que sa premi�re demande d’adh�sion remontait � 1987, que l’union douani�re avait �t� r�alis�e depuis janvier 1996 et que sa candidature avait �t� officiellement retenue � Helsinki en 1999. Fut �galement exprim�e la crainte qu’en 2004, avec 25 Etats membres, l’Union europ�enne ne prenne encore plus difficilement une d�cision en sa faveur.

31.  Le sentiment de faire l’objet d’un traitement discriminatoire fut aussi exprim�, notamment par rapport � la candidature de pays de l’ancien bloc communiste. Enfin, les d�clarations de Val�ry Giscard d’Estaing du 8 novembre 2002 selon lesquelles la � Turquie n’est pas un pays europ�en � et que � son adh�sion signifierait la fin de l’Union � ont jet� un grand trouble, que les co-rapporteurs ont tent� de dissiper en rappelant que la Turquie fait incontestablement partie de la famille europ�enne[16] depuis son adh�sion au Conseil de l’Europe en 1949.

32.  Malgr� cette d�ception, le nouveau gouvernement n’a eu de cesse d’afficher sa volont� d’effectuer des r�formes, non seulement pour r�ussir l’examen de passage fin 2004, mais aussi pour moderniser la Turquie dans l’int�r�t de tous ses citoyens. Ainsi il passa encore deux paquets de r�formes en janvier 2003 et le sixi�me paquet �tait en cours d’�laboration lors de la 2�me visite des co-rapporteurs fin mai 2003, tandis que le septi�me �tait d�j� annonc� pour fin juillet 2003.

33.  Le 26 mars 2003, la Commission de Bruxelles proposa de doubler l’aide de pr�-adh�sion de l’Union � la Turquie, pour la porter de 177 millions € par an � 1,05 milliards entre 2004 et 2006[17] et M. Verheugen a d�clar� r�cemment qu’une adh�sion �tait possible � l’horizon 2010-2011. Le 15 avril 2003[18], un nouvel accord de partenariat en vue de l’adh�sion a �t� adopt� sur proposition de la Commission  et le nouveau Programme national a �t� adopt� fin juillet.

34.  Les co-rapporteurs rappellent que les crit�res politiques d�finis par le Conseil europ�en de Copenhague de juin 1993 auxquels les pays candidats � l’adh�sion  � l’Union doivent satisfaire pr�voient que ces pays doivent �tre parvenus � une stabilit� des institutions � garantissant la d�mocratie, la primaut� du droit, les droits de l’homme ainsi que le respect des minorit�s et leur protection �. C’est uniquement dans la mesure o� lesdits crit�res de Copenhague font en substance r�f�rence aux obligations statutaires de la Turquie en tant que membre du Conseil de l’Europe que les co-rapporteurs ont pris note des arguments pr�sent�s par les autorit�s turques � ce sujet. En effet, la d�cision prise lors du sommet de Copenhague et la question de la date �ventuelle d’ouverture des n�gociations d’adh�sion � l’Union ne font pas partie du mandat des co-rapporteurs et n’avaient donc pas vocation, en tant que telles, � �tre discut�es avec les autorit�s turques.

35.  Les co-rapporteurs ont en revanche insist� sur le fait que la Turquie est membre fondateur du Conseil de l’Europe et qu’� ce titre elle a pris d�s 1949 des engagements qu’il s’agit de respecter : la d�mocratie pluraliste, le respect du principe de la pr��minence du droit et la protection des droits fondamentaux de l’individu, tels que d�finis par le statut et les conventions[19] du Conseil de l’Europe.

b.       La question de Chypre

36.  La question de la r�unification de Chypre est depuis des ann�es une source constante de pr�occupation pour le Conseil de l’Europe. Ellerev�t bien entendu aussiune importance cruciale pour ce qui est d’une possible adh�sion de la Turquie � l’Union europ�enne. Dans son rapport annuel publi� le 5 novembre 2003, la Commission a ainsi soulign� que l’absence d’un r�glement avant mai pourrait �tre un � obstacle s�rieux � � la candidature turque. Enfin, lors du sommet de Bruxelles de d�cembre 2003, les Etats membres de l’Union ont r�affirm� leur pr�f�rence pour l’entr�e dans l’Union d’une Chypre r�unifi�e le 1er mai 2004 et soulign� qu’une plus grande implication de la Turquie dans la recherche d’une solution � faciliterait grandement ses aspirations � devenir membre de l’Union �. Les co-rapporteurs estiment que ces appels lanc�s � la Turquie ne dispensent pas pour autant les autorit�s chypriotes grecques de leur obligation de participer elles aussi avec un esprit constructif � la recherche d’une solution satisfaisante.

37.  Certes, la Turquie consid�re toujours que son intervention militaire en 1974 en tant que pays garant �tait l�gitime pour prot�ger la communaut� chypriote turque et qu’on ne saurait lui imputer la responsabilit� exclusive de la division de l’�le. La Turquie consid�re aussi que la � R�publique turque de Chypre du Nord (RTCN)[20] �, autoproclam�e en 1983, est un Etat � part enti�re, avec des institutions d�mocratiques telles que pr�vues par sa � constitution � de 1985. Malgr� les 35 000 soldats stationn�s dans la partie nord de Chypre, malgr� les 560 millions € de subventions diverses vers�es annuellement � la RTCN, la Turquie refuse encore aujourd’hui d’admettre qu’elle est pleinement et enti�rement responsable des actes de l’administration qu’elle soutient. Cette position a �t� r�affirm�e aux co-rapporteurs en f�vrier 2003 lors de leurs entretiens, notamment avec M. Yakis, alors ministre des Affaires �trang�res.

38.  Or, faut-il le rappeler, la � RTCN � n’est reconnue par personne, sauf par la Turquie[21]. En droit international, il s’agit non pas d’un Etat mais d’une entit� de facto et la Cour europ�enne des Droits de l’Homme a jug�, tant dans l’affaire Loizidou que dans l’affaire inter-�tatique Chypre contre Turquie, que les violations de la CEDH �taient imputables � la Turquie et non pas � la � RTCN �.

39.  Les co-rapporteurs rappellent que cette �le de la M�diterran�e est divis�e depuis maintenant bient�t 30 ans, que des pourparlers intra-communautaires sous l’�gide du Secr�taire G�n�ral des Nations-Unies sont en cours depuis 1977 et qu’� ce jour aucune solution n’est en vue. Il est temps qu’un compromis, m�me imparfait, soit enfin trouv�. La population chypriote turque est lasse de cette situation et l’a prouv� lors de nombreuses manifestations au moment des n�gociations du plan Annan. Malgr� l’aide �conomique apport�e par la Turquie, le revenu par habitant dans la partie nord est quatre fois inf�rieur � celui de la partie sud et l’adh�sion prochaine de la R�publique de Chypre augmente le risque d’isolement �conomique et social qui p�se sur la population chypriote turque

-        Le plan Annan

40.  La situation n’a gu�re �volu� depuis janvier 2002, lorsque l’Assembl�e exprimait l’espoir dans sa R�solution 1267 que les n�gociations directes allaient enfin aboutir � une solution. Les co-rapporteurs regrettent que ces n�gociations directes effectivement entam�es depuis janvier 2002, en pr�sence du repr�sentant du Secr�taire des Nations-Unies, aient �chou� en mars 2003.

41.  Le 11 novembre 2002, lorsqu’il devint clair que les parties n’arriveraient pas � s’entendre, le Secr�taire G�n�ral des Nations Unies avait pr�sent�, un � plan de r�glement global du probl�me de Chypre �.Suite aux r�actions des deux parties sur le fond du document, M. Annan pr�senta, le 10 d�cembre 2002, une deuxi�me version de son plan, sur lequel les parties devaient prendre position pour le 28 f�vrier 2003

42.  Suite � l’�lection, le 17 f�vrier 2002, de Tassos Papadopoulos comme pr�sident de la R�publique de Chypre, et au d�part le 28 f�vrier de Glafkos Clerides, le dirigeant historique, le Secr�taire G�n�ral des Nations-Unies accepta de modifier encore une fois son plan et convoqua une r�union � La Haye pour le 10 mars, pour tenter d’arracher aux deux parties la promesse de tenir un referendum le 30. En cas d’accord, cela aurait permis � une Chypre r�unifi�e de signer le Trait� d’adh�sion � l’Union europ�enne le 16 avril 2003.

43.  Malheureusement, aucun accord ne fut trouv�. En pr�sentant le 1er avril 2003 son rapport au Conseil de s�curit� des Nations Unies, M. Annan a estim� que, si les deux parties chypriotes ont �t� en partie responsables des �checs des diff�rentes �tapes et des occasions manqu�es dans le processus de r�glement chypriote, c’est M. Denktash, le dirigeant chypriote turc, qui porte la responsabilit� premi�re de l’�chec final.

44.  Les n�gociations directes furent donc rompues, m�me si des pourparlers sont toujours en cours et que le plan Annan reste sur la table. Le gouvernement de M. Erdogan semble pr�t � trouver une solution et ne menace plus en tout cas, comme l’avait fait le pr�c�dent, d’annexer purement et simplement la partie nord de Chypre. Les co-rapporteurs partagent tout � fait l’opinion exprim�e par M. Erdogan qui soutient que � pas de solution n’est pas une solution � mais craignent que l’intransigeance manifest�e par Rauf Denktash[22] jusqu’il y a peu ne soit un frein puissant � toute vell�it� gouvernementale de trouver un compromis.

45.  Les co-rapporteurs avaient exprim� l’espoir que les �lections � l�gislatives � dans la partie nord de Chypre, pr�vues pour le 14 d�cembre 2003 contribueraient � relancer les n�gociations du plan Annan. Or, si le � gouvernement � sortant a perdu, l’opposition n’a pas gagn�. En effet, le scrutin du 14 d�cembre 2003 a abouti � un match nul puisque les deux partis d’opposition, � savoir le Parti r�publicain turc (CTP) et le Mouvement pour la paix et le d�mocratie (BDH), ont remport� 25 si�ges, tr�s exactement autant que les deux partis composant la majorit� sortante, le Parti de l’Unit� nationale (UBP) et le Parti d�mocrate (DP) de Serdar Denktash, le fils de Rauf Denktash. Les partis d’opposition, qui avaient fait de la relance des n�gociations du plan Annan le th�me central de leur campagne, sont certes sortis renforc�s de ce scrutin mais sans obtenir la majorit� n�cessaire pour changer radicalement de politique.

46.  C’est Mehmet Ali Talat, chef du CTP (Parti r�publicain turc) qui a �t� charg� de former le nouveau � gouvernement �. Apr�s d’intenses n�gociations, un � gouvernement � de coalition r�unissant le CTP, le DP et le BDH a �t� form� le 13 janvier 2004. Mehmet Ali Talat et Serdar Denktash, chef du parti Democrate, ont annonc� leur intention de favoriser la r�unification des parties turque et grecque de l'�le, dans la perspective de l'entr�e de Chypre dans l'Union europ�enne en mai prochain

47.Les co-rapporteurs avaient esp�r� que les dirigeants des deux communaut�s reprendraient le plus vite possible les n�gociations sur la base du plan Annan en vue de parvenir � un r�glement politique du probl�me chypriote, de pr�f�rence avant le 1er mai 2004, conform�ment au souhait exprim�e par l’Assembl�e dans sa R�solution 1362 (2004) sur la situation � Chypre. Ils se f�licitent de la reprise des n�gociations d�cid�e � New-York le 13 f�vrier dernier, qui devrait permettre d’aboutir � une solution dans l’int�r�t de la population tout enti�re. Ils exhortent tant les autorit�s turques que les autorit�s chypriotes � enfin trouver un terrain d’entente et � enterrer les querelles du pass�.

-        Mesures de confiance

48.  Si le r�glement d�finitif de la question chypriote n’a gu�re progress� jusqu’ici d’un point de vue politique, la situation a n�anmoins beaucoup chang� sur le terrain. Les co-rapporteurs se f�licitent ainsi de la d�cision prise par les autorit�s de la � RTCN � d’ouvrir la ligne de d�marcation (dite ligne verte) le 23 avril : rien que les dix premiers jours, 130 000 personnes avaient fait le d�placement de l’autre c�t�, par les trois points de passage ouverts. M. Denktash a aussi propos� de rouvrir l’a�roport de Nicosie et d’entamer d’importants travaux de d�minage. La R�publique de Chypre de son c�t� a �galement fait des efforts pour am�liorer la situation : le 30 avril 2003, il fut d�cid� que les Chypriotes Turcs pourront exporter par le sud, avoir un permis de travail au sud et avoir acc�s aux soins. Le 10 juillet 2003, le parlement de la R�publique de Chypre a adopt� une loi supprimant enfin l’interdiction de mariages mixtes entre Chypriotes grecs et Chypriotes turcs, en vigueur depuis 1960.

49.  Enfin, il est � noter que la Commission de l’Union europ�enne a accord� une aide de 12 millions € d�but juin 2003 � l’administration chypriote turque pour l’aider � se rapprocher de l’Union.

50.  Ces � mesures de confiance � sont prometteuses mais il est clair qu’elles ne r�gleront pas � elles seules le probl�me de la division de Chypre. Les co-rapporteurs encouragent la R�publique de Chypre comme les autorit�s de la � RTCN � et de la Turquie � poursuivre cette politique de d�tente et � s’abstenir de toute provocation susceptible de remettre en cause ce climat de confiance qui commence � peine � s’instaurer.

-        L’ex�cution de l’arr�t Loizidou

51.  Les autorit�s turques ont longtemps persist� � lier l’ex�cution de cet arr�t aux discussions en cours sur l’avenir de Chypre et se r�fugiaient notamment derri�re les n�gociations en cours sur le plan Annan, qui n’est plus sur la table depuis le 30 mars. Or, l’obligation de paiement de satisfaction �quitable qui incombe � la Turquie dans cette affaire, conform�ment � l’article 41 de la CEDH, n’a rien � voir avec la question politique du r�glement du probl�me de Chypre. En ratifiant la CEDH et en acceptant la juridiction obligatoire de la Cour, la Turquie s‘est formellement engag�e � se conformer aux arr�ts d�finitifs de la Cour dans les litiges auxquels elle est partie (article 46 de la CEDH). Tant en f�vrier qu’en mai 2003, les co-rapporteurs ont rappel� � tous leurs interlocuteurs officiels qu’il �tait totalement inacceptable que la Turquie, depuis plus de 5 ans, et malgr� trois R�solutions du Comit� des Ministres la rappelant � ses devoirs, n’ait toujours pas vers�, sans y mettre de conditions, la somme due � Mme Loizidou. En effet, l’un des principaux principes d’un Etat de droit est le respect des d�cisions rendues par les tribunaux, qu’ils soient internes ou internationaux. : il ne sert � rien d’avoir des tribunaux pour trancher les litiges si l’une des parties au proc�s refuse ensuite de se conformer � une d�cision qui, par d�finition, tranche en faveur de l’une ou de l’autre.

52.  A Ankara, il a �t� assur� aux co-rapporteurs qu’il y avait une volont� politique au plus haut niveau pour enfin r�gler ce probl�me et que le paiement inconditionnel pourrait intervenir en d�but d’automne, vers le mois d’octobre. Malheureusement ce ne fut pas le cas et le Comit� des Ministres adopta le 12 novembre 2003 une 4�me R�solution int�rimaire[23] mena�ant la Turquie de sanctions si le paiement n’intervenait pas d’ici le 19 novembre. Il fallut encore pr�s de 15 jours d’intenses n�gociations et de pressions pour que la Turquie se conforme � l’arr�t de la Cour et accepte de payer la satisfaction �quitable, d’un montant total, int�r�ts de retard compris, d’environ 900 000 USD.

53.  Le 2 d�cembre 2003, par sa R�solution DH (2003) 190, le Comit� des Ministres, apr�s avoir pris note d’une d�claration faite par le Gouvernement turc, prit acte du fait que le paiement �tait intervenu et d�cida de clore l’examen de l’affaire Loizidou en ce qui concerne la question de la satisfaction �quitable[24]. L’ex�cution de l’arr�t Loizidou est une tr�s bonne nouvelle et les co-rapporteurs f�licitent les autorit�s turques d’avoir enfin compris � quel point leur refus persistant de se conformer � l’arr�t de la Cour portait atteinte � l’image dune Turquie soucieuse de respecter les principes de la pr��minence du droit.

54.  Les co-rapporteurs n’ignorent pas � quel point il a �t� difficile pour les autorit�s turques de prendre cette d�cision, notamment � cause d’un �ventuel effet boule de neige : la Cour ayant constat� dans cette affaire une violation continue du droit de faire usage d’un bien, le d�lai de six mois pour saisir la Cour n’est pas opposable aux personnes qui se trouvent actuellement dans la m�me situation que Mme Loizidou et des nouvelles requ�tes devant la Cour sont donc � pr�voir. En outre, la Cour se trouve d�j� saisie d’environ 460 affaires similaires. Deux arr�ts dans de telles affaires � clones � ont �t� prononc�s le 31 juillet[25] : comme dans l’affaire Loizidou, la Cour a constat� une violation de l’article 8 de la CEDH et de l’article 1 du Protocole additionnel et a d�cid� que la question de la satisfaction �quitable pour le pr�judice moral et mat�riel ne se trouvait pas en �tat.

55.  Pour �viter � la Turquie d’avoir � payer des millions voire des milliards de dollars d’indemnisation, le � parlement � de la � RTCN � a adopt�, le 30 juin 2003, une loi qui offre aux chypriotes grecs la possibilit� de saisir dans un certain d�lai une commission sp�cialement cr��e pour demander une indemnisation pour les propri�t�s qu’ils ont d� �vacuer en 1974. Une vingtaine de demandes aurait d�j� �t� pr�sent�e � la date du 15 ao�t 2003, nonobstant une campagne des autorit�s chypriotes grecques pour d�courager ce genre d’initiative.

56.  Il appartiendra � la Cour d’appr�cier, au vu de sa jurisprudence en la mati�re, si cette commission repr�sente une voie de recours interne, tel qu’il est entendu selon les principes du droit international g�n�ralement reconnus, et dans l’affirmative, s’il s’agit d’une voie de recours efficace, susceptible de rem�dier � la violation all�gu�e[26]. Quelle que soit la d�cision prise par la Cour � cet �gard le moment venu, il conviendra de la respecter, que la question de Chypre ait �t� ou non r�gl�e entre-temps.

c.       La crise irakienne

57.  La Turquie est membre de l’OTAN depuis 1952 et l’un des plus fid�les alli�s de Washington dans la r�gion. En tant que pays frontalier de l’Irak, la Turquie avait connu, lors de la premi�re guerre du Golfe en 1991, un afflux massif de r�fugi�s[27] fuyant le Kurdistan irakien et subi du fait de la guerre de lourdes pertes �conomiques, en particulier pour ce qui est de son approvisionnement �nerg�tique[28]. La d�termination am�ricaine de mener une nouvelle guerre en Irak, avec ou sans l’aval des Nations-Unies, pla�a le nouveau gouvernement dans une position tr�s difficile, notamment vis-�-vis de ses alli�s europ�ens, suite aux demandes am�ricaines d’ouvrir un front nord, via la Turquie, pour prendre Bagdad en tenaille.

58.  Entre janvier et mars 2003, il y eut d’intenses consultations avec les Am�ricains et un large d�bat au niveau interne, ponctu� d’un certain nombre de valses-h�sitations. Comme dans bon nombre de pays d’Europe, il y eut des manifestations anti-guerre et d’apr�s les sondages, 90% de la population de Turquie �tait oppos�e � une intervention militaire en Irak.

59.  En janvier 2003 le gouvernement entama parall�lement, mais sans succ�s, d’intenses d�marches[29] dans les pays de la r�gion pour tenter d’�viter la guerre.

          -        Le refus d’assistance aux Etats-Unis

60.  Le 1er mars 2003, le gouvernement soumit une motion � la TBMM en vue d’autoriser, comme le demandait le gouvernement am�ricain, le d�ploiement terrestre d’environ 62 000 soldats am�ricains en Turquie et l’envoi de troupes turques dans le nord de l’Irak. Celle-ci fut rejet�e faute d’atteindre la majorit� absolue. Il est � noter que lors de la r�union mensuelle du 28 f�vrier du Conseil national de s�curit�, aucune recommandation ne fut �mise et que l’AKP ne donna pas de consignes de vote, laissant chacun de ses d�put�s se d�terminer en son �me et conscience. Seul le CHP avait annonc� qu’il voterait contre.

61.  Le 20 mars, le jour m�me du d�but de l’offensive am�ricaine en Irak, la TBMM autorisa uniquement, d’une part, le survol du territoire turc par les avions de la coalition anglo-am�ricaine (sans toutefois autoriser leur ravitaillement sur des bases turques) ainsi que l’envoi de troupes turques dans le nord de l’Irak si besoin �tait. Entre le 20 mars et le 1er mai, date � laquelle le Pr�sident Bush annon�a la fin des op�rations arm�es, les troupes turques, qui se tenaient pr�tes � intervenir dans le Sud-Est anatolien, ne p�n�tr�rent pas dans le nord de l’Irak.

62.  Le 4 juillet 2003, une centaine de soldats am�ricains fit irruption dans un bureau de liaison turc � Souleymani� dans le nord de l’Irak et arr�t�rent 11 soldats et officiers turcs[30]. Transf�r�s � Bagdad, ils ne furent lib�r�s que deux jours plus tard. Cette arrestation cr�a un incident diplomatique s�rieux avec les Etats-Unis, la Turquie n’acceptant pas un tel traitement de la part d’un alli�.

63.  Il est clair que les relations entre les Etats-Unis et la Turquie ont travers� r�cemment une passe difficile, malgr� les efforts du gouvernement pour en minimiser l’ampleur. Mais l’octroi d’un pr�t de 8,5 milliards de dollars par les Etats-Unis en septembre 2003 et le vote � la TBMM le 8 octobre 2003 d’une motion autorisant le d�ploiement de soldats turcs en Irak pour un an prouvent, si besoin est, que la Turquie reste un alli� privil�gi� des Etats-Unis dans la r�gion, m�me si pour l’instant, en raison de l’opposition manifest�e par le conseil de gouvernement transitoire irakien, le gouvernement turc a renonc� � envoyer des soldats turcs en Irak.

          -        L’assistance aux r�fugi�s et demandeurs d’asile

64.  Pendant la premi�re visite des co-rapporteurs (17-21 f�vrier 2003), au moment o� r�gnait encore la plus grande incertitude quant � l’�ventualit� d’une intervention militaire en Irak, le ministre de l’Int�rieur, M. Aksu, avait assur� aux co-rapporteurs que toutes les mesures avaient �t� prises pour fournir une assistance humanitaire d’urgence aux �ventuels r�fugi�s en provenance d’Irak[31] mais que la lev�e de la r�serve g�ographique � la Convention de Gen�ve de 1951 n’�tait pas � l’ordre du jour. Les co-rapporteurs ont � nouveau pos� la question lors de leur visite du mois de mai mais n’ont pas obtenu de r�ponse concr�te.

65.  La lev�e de la r�serve g�ographique � la Convention de Gen�ve de 1951 et son protocole additionnel de 1967 figurait d�j� comme objectif � moyen terme, � l’horizon 2004, dans le Programme national de mars 2001 et a �t� repris dans la version r�vis�e de ce programme, adopt�e en juillet 2003. Les co-rapporteurs esp�rent vivement que cet objectif sera r�alis� dans les meilleurs d�lais. Ils estiment anormal qu’un pays europ�en comme la Turquie se d�charge de ses obligations internationales sur ce point en refusant d’accorder le statut de r�fugi� aux demandeurs d’asile non europ�ens, essentiellement en provenance d’Iran et d’Irak. En Turquie, c’est au HCR de d�terminer le statut de r�fugi�, de trouver un pays tiers susceptible de les accueillir ou de prendre les mesures n�cessaires pour un rapatriement volontaire.

66.  Il conviendrait en tout �tat de cause de revoir l’ordonnance de 1994, qui oblige les demandeurs d’asile � solliciter aupr�s des autorit�s turques un droit de s�jour temporaire pendant l’examen de leur demande d’asile[32]. Les co-rapporteurs notent cependant avec satisfaction que la r�glementation concernant les demandeurs d’asile a �t� modifi�e en 1999, de mani�re � porter le d�lai pendant lequel un �tranger peut formuler une demande d’asile politique de 5 � 10 jours � compter de son entr�e, l�gale ou ill�gale, en Turquie. Ce d�lai de 10 jours est sans doute encore trop court mais il s’agit d’un progr�s par rapport � la situation pr�c�dente.

C.        REFORMES REALISEES DEPUIS JUIN 2001

i.          Introduction

67.  Pour les co-rapporteurs, il est tout � fait ind�niable que la Turquie, malgr� une situation politique et �conomique difficile, a fait depuis 2001 des efforts sans pr�c�dent pour se conformer aux engagements pris dans le Programme national pour l’adoption de l’acquis de mars 2001 et pour prendre en compte les critiques et suggestions de l’Assembl�e, telles que formul�es dans sa R�solution 1256 (2001).

68.  Le pr�ambule et 33 articles de la Constitution ont �t� modifi�s le 3 octobre 2001 et trois � paquets � de r�formes[33] ont �t� adopt�s respectivement en f�vrier, mars et ao�t 2002 par le gouvernement pr�c�dent tandis que le nouveau, issu des �lections du 3 novembre, en passait encore deux en janvier 2003[34]. Par la suite, la TBMM adopta encore un sixi�me et un septi�me  paquets de r�formes, entr�s en vigueur respectivement le 19 juillet 2003 et le 7 ao�t[35] 2003, apr�s une mise � jour du Programme national, effectu�e par la Commission d’harmonisation pour l’Union europ�enne, nouvellement cr��e par une loi entr�e en vigueur le 19 avril 2003. La TBMM travaille d’arrache-pied et a vot� un nombre consid�rable de lois dans les domaines les plus divers.

69.  Au-del� des mesures phares comme l’abolition de la peine de mort, les modifications apport�es au r�le du Conseil national de s�curit�, la lev�e compl�te de l’�tat d’urgence ou la r�duction des d�lais de garde � vue, qui �taient r�clam�es depuis longtemps (voir infra), les divers paquets de r�forme touchent des domaine tr�s vari�s.

70.  De l’avis des co-rapporteurs, la volont� du gouvernement comme du parlement d’effectuer les r�formes n�cessaires est incontestable mais, et le gouvernement actuel en est tout � fait conscient, passer des r�formes l�gislatives est une chose, leur application concr�te sur le terrain en est une autre. Pour que les r�formes se traduisent dans les faits, il faudra du temps, notamment pour vaincre la r�sistance bureaucratique et amener un changement de mentalit�s. Ce n’est qu’� moyen terme qu’il sera possible d’appr�cier le degr� de p�n�tration des r�formes car il faudra faire �galement un important travail d’adaptation r�glementaire et informer les autorit�s � tous les niveaux du contenu et de la port�e des r�formes. Les co-rapporteurs estiment que la mise en place en septembre 2003 d’un comit� interminist�riel de suivi des r�formes, pr�sid� par le vice-premier ministre et ministre des affaires �trang�res, M. Abdullah G�l, est une tr�s bonne initiative. Ce comit� de suivi, qui se r�unit tous les mois, sera en mesure de relever et de r�soudre rapidement les �ventuelles difficult�s d�tect�es dans l’application des r�formes.

71.  Pour ce qui est de la r�vision constitutionnelle d’octobre 2001 (voir en annexe I le r�sum� des modifications apport�es), les co-rapporteurs encouragent vivement le projet du nouveau gouvernement de proc�der � une r�vision compl�te de la Constitution et estiment que la Turquie pourrait utilement profiter de l’exp�rience de la Commission de Venise en la mati�re. En effet, la Constitution actuelle a quelque peu mauvaise presse : bien qu’adopt�e par referendum en 1982, on lui reproche de porter l’empreinte des militaires auteurs du coup d’Etat de 1980.

72.  De plus, il faut noter qu’elle a d�j� �t� modifi�e � plusieurs reprises (en 1987, 1993, 1995, 1999, 2001 et 2002) et que l’�quilibre g�n�ral du texte s’en ressent n�cessairement, dans la mesure o� sur certains points il est trop vague tandis que sur d’autres il est trop pr�cis. L’adaptation de la Constitution turque aux normes les plus modernes en vigueur[36] est d’autant plus importante que la Convention europ�enne des Droits de l’Homme n’a pas d’effet direct en droit turc, Conform�ment � l’article 90 de la Constitution, la CEDH a valeur l�gislative mais infra-constitutionnelle, ce qui pose certains probl�mes, notamment en mati�re d’ex�cution des arr�ts de la Cour. De l’avis des co-rapporteurs, la Turquie aurait tout � gagner � �laborer une nouvelle constitution qui, tout en faisant une r�f�rence historique � la fondation de la Turquie moderne, devrait �tre bas�e sur la garantie des droits fondamentaux de tous les individus relevant de la juridiction de l’Etat  turc.

ii.         Fonctionnement des institutions

a.       Le r�le de l’arm�e

73.  A n’en pas douter la Turquie est un pays d�mocratique, qui conna�t des �lections libres, la s�paration des pouvoirs et un v�ritable syst�me parlementaire multipartite. En revanche, l’influence consid�rablede l’arm�e sur la vie publique turque a �t� une source constante de pr�occupation en Europe, notamment parce que le vrai pouvoir en Turquie n’�tait pas exerc�, comme dans les autres d�mocraties europ�ennes, exclusivement par le parlement et le gouvernement. Les co-rapporteurs sont d’avis que dans une d�mocratie moderne, l’arm�e doit imp�rativement �tre plac�e sous contr�le des institutions d�mocratiques.

74.  En Turquie il semblerait que le probl�me tient autant au r�le institutionnel de l’arm�e qu’au prestige et � la confiance dont elle jouit dans la soci�t� turque. A priori, les co-rapporteurs ont eu du mal � comprendre pourquoi l’arm�e[37] jouit d’un tel capital de confiance dans le pays : deux coups d’Etat, en 1960 et 1980, et deux interventions amenant des Premiers ministres d�mocratiquement �lus � d�missionner, en 1971 et 1997[38], auraient suffi ailleurs en Europe � la discr�diter. Il leur a �t� expliqu� que la fondation de la Turquie moderne en 1923 par un militaire, Mustapha Kemal dit � Atat�rk � et l’attachement sans faille manifest� depuis par les militaires aux valeurs d�fendues par Atat�rk, qui ont pris la forme d’une doctrine, le k�malisme, y �taient pour beaucoup. En outre, d’apr�s le G�n�ral Kilin�, Secr�taire g�n�ral du MGK, que les co-rapporteurs ont rencontr� en f�vrier 2003, l’arm�e serait �galitaire dans son recrutement, bas� uniquement sur le m�rite, non politis�e, professionnelle et, surtout, p�renne compar�e � une classe politique instable et souvent peu fiable.

75.  Bref, l’arm�e sait ce qui est bon pour le pays et, si le pays ne le sait pas, l’arm�e prendra les mesures n�cessaires. Ce r�le d’oracle et de bon p�re de famille est d’ailleurs entretenu par certains m�dias, qui se pr�cipitent � la sortie de chaque r�union du MGK, � l’aff�t de tout d�saccord entre le gouvernement et les militaires, et qui pr�tent leurs colonnes � tout g�n�ral, m�me � la retraite, d�sireux de s’exprimer sur n’importe quel sujet.

76.  De l’avis des co-rapporteurs, cette attitude quelque peu paternaliste n’a plus lieu d’�tre au 21e si�cle : la classe politique turque n’est aujourd’hui, 80 ans apr�s la proclamation de la R�publique, pas plus incomp�tente ou irresponsable qu’ailleurs et, en tout cas, elle n’est pas immature. Au vu de ses  d�clarations publiques, notamment � l’occasion de la crise irakienne, le chef d’�tat-major actuel, le G�n�ral �zk�k, semble l’avoir compris.

77.  Les co-rapporteurs ont tent� par ailleurs de savoir si l’influence de l’arm�e s’expliquait par son poids relativement consid�rable dans l’�conomie turque : cr��e en 1961, la mutuelle du personnel des forces arm�es, OYAK, a r�alis� un chiffre d’affaires en 2001 de 2,8 milliards USD et un profit de 475 millions USD. Elle a 28 filiales, dont 8 cot�es � la bourse, et emploie pr�s de 17 000 personnes. A l’origine de sa puissance �conomique se trouvent les cotisations vers�es par ses adh�rents : 10% des soldes des membres permanents des forces arm�es et 5% pour les membres non permanents (soit environ 193 000 cotisants). Il leur a �t� expliqu� cependant, notamment par T�SIAD, une association patronale, qu’OYAK n’�tait pas dirig�e par des militaires, qu’il ne s’agissait que d’un fonds de pension priv� bien g�r�, � l’instar de ceux existant aux Etats-Unis et qu’il ne saurait donc �tre question d’une quelconque mainmise de l’arm�e sur l’�conomie du pays, d’autant qu’OYAK est loin d’atteindre une taille et une puissance financi�re comparable � d’autres grands conglom�rats turcs, comme Dogan, Dogus ou Sabanci.

78.  Dans un pays aussi grand que la Turquie, qui a des milliers de kilom�tres de fronti�res terrestres avec la Gr�ce, la Bulgarie, la G�orgie, l’Arm�nie, l’Iran, l’Irak et la Syrie, il n’est par ailleurs pas �tonnant qu’il y ait une arm�e forte : elle compte 650 000 hommes (dont 100 000 soldats de m�tier) et est la seconde du point num�rique dans l’OTAN.

79.  Il n’ y a pas d’objection de conscience en Turquie, le service militaire est obligatoire � partir de 18 ans et dure jusqu’� 18 mois[39]. En outre, pour les Turcs r�sidant � l’�tranger, le fait de ne pas accomplir son service militaire est sanctionn� par la d�ch�ance de la nationalit� turque. Un certain nombre de jeunes se retrouve d�s lors apatrides, ce qui ne manque pas, comme en Allemagne[40], de cr�er des probl�mes � l’Etat de r�sidence. Enfin, l’article 155 du Codep�nal pr�voit que toutecontestation de l’institution du service militaire est punie d’une peine de prison pouvant aller jusqu’� deuxans. Cette infraction fait partie de celles figurant � l’article 58 du code p�nal militaire, qui ne seront plus jug�es par des tribunaux militaires en vertu de la limitation partielle, apport�e par le 7�me paquet d’ao�t 2003, � la comp�tence des tribunaux militaires pour juger des civils, ce qui est une r�forme bienvenue.

80.  Pour les co-rapporteurs, il conviendrait que dans un avenir proche les autorit�s turques autorisent l’objection de conscience et instaurent un service civil de remplacement, comme il est d’usage dans la plupart des pays europ�ens. Les co-rapporteurs rappellent � cet �gard que l’exercice du droit � l’objection de conscience au service militaire est une pr�occupation constante du Conseil de l’Europe depuis plus de 30 ans et que la Turquie, tout comme les autres Etats membres, devrait se conformer aux d�cisions de l’Assembl�e qui pose l’exigence d’un v�ritable service alternatif de nature exclusivement civile, qui ne doit �tre ni dissuasif ni punitif[41].

          -        Le contr�le de l’arm�e par les institutions d�mocratiques

81.  La plupart des critiques se sont focalis�es sur le Conseil national de s�curit� (MGK), qui est un organe constitutionnel[42] qui se r�unissait une fois par mois sous la pr�sidence du Pr�sident de la R�publique, et dont l’ordre du jour est �labor� par le Pr�sident, apr�s consultation du Premier Ministre et du chef d’�tat-major (General chief of staff). Les � recommandations � du MGK font l’objet d’un communiqu� de presse.

82.  L’article 118 de la Constitution relatif au MGK a �t� modifi� le 17 octobre 2001 : il est pr�cis� clairement qu’en ce qui concerne les questions relevant de la s�curit� nationale, les avis du MGK ont maintenant un caract�re � consultatif �. Pour les autres questions relevant du � maintien de l’existence et de l’ind�pendance de l’Etat, de l’int�grit� et de l’indivisibilit� du pays et de la paix et s�curit� de la soci�t� �, il est indiqu� que le Conseil des Ministres, au lieu d’accorder une importance � prioritaire � aux mesures pr�conis�es en la mati�re par le MGK, doit en � �valuer les d�cisions �, ce qui, apparemment, semble lui laisser une plus grande latitude.

83.  Enfin, il convient de relever que l’article 118 a aussi �t� modifi� pour ce qui est de la composition du MGK : avec l’ajout des ministres adjoints au Premier ministre et du ministre de la Justice, il y a maintenant 9 civils et seulement 5 militaires qui si�gent dans le MGK.

84.  Le probl�me du poids de l’arm�e dans la soci�t� ne se r�soudra que par un changement des mentalit�s et les mesures prises n’auront d’effet qu’� long terme. Ceci dit les co-rapporteurs avaient recommand� que le MGK voie ses fonctions effectivement limit�es � celles d’un organe consultatif en mati�re de s�curit� nationale, ce qui a �t� fait, y compris par des modifications apport�es � la loi sur le fonctionnement du MGK et de son secr�tariat.

85.  Le 7�me paquet de r�formes adopt� en ao�t 2003 a en effet apport� des modifications � la loi n� 2945 du 9 novembre 1983 sur le MGK et le secr�tariat g�n�ral du MGK, qui vont dans le sens de la recommandation des co-rapporteurs : l’article 4 de cette loi indique dor�navant encore plus clairement que le MGK, dans le cadre de ses fonctions telles que d�finies � l’article 2, ne fera des recommandations qu’en ce qui concerne la d�finition et l’application de la politique de d�fense nationale. Les pouvoirs ex�cutifs conf�r�s au secr�tariat du MGK par les articles 9 et 14 de la loi ont �t� supprim�s et l’article 13 tel qu’amend� r�duit son r�le, qui interf�rait avec celui du pouvoir ex�cutif. Les co-rapporteurs se f�licitent de cette r�forme fondamentale qui vise � mettre la l�gislation en conformit� avec la Constitution telle qu’amend�e en octobre 2001.

86.  Ils notent aussi avec satisfaction que la p�riodicit� normale des r�unions du MGK a �t� r�duite � une tous les deux mois, sauf  lorsqu’il est convoqu� sur demande du Premier ministre ou directement par le Pr�sident. Le secr�taire g�n�ral du MGK pourra dor�navant �tre un civil puisqu’il sera nomm� sur proposition du Premier ministre apr�s approbation du Pr�sident. L’avis favorable du chef d’�tat-major ne sera n�cessaire que s’il est envisag� de nommer un militaire � ce poste[43]. Enfin, une autre loi (n� 5017), entr�e en vigueur le 17 d�cembre 2003, a notamment abrog� le secret d�fense applicable aux d�crets r�gissant le fonctionnement du Secr�tariat g�n�ral du MGK, ce qui a permis la publication au Journal officiel, le 8 janvier 2004, d’un nouveau d�cret, qui pr�cise les nouvelles attributions du Secr�tariat g�n�ral, modifi�es de mani�re � le transformer en organe destin� � servir une institution purement consultative. Les co-rapporteurs f�licitent les autorit�s turques pour cet effort de transparence. Les changements sont en effet historiques : diminution des pouvoirs du secr�tariat, d�finitions des nouvelles taches, nouveau fonctionnement. D�sormais le Secr�tariat n'a plus la capacit� de mener des enqu�tes de s�ret� nationale de sa propre initiative. En outre, le secr�tariat ne g�re plus directement les fonds sp�ciaux qui lui sont attribu�s et sera plac� sous l’autorit� exclusive du premier ministre.

87.  En revanche, les co-rapporteurs ne voient aucune raison susceptible de justifier que des repr�sentants de l’arm�e si�gent dans des organismes civils tels que, par exemple, le Haut conseil de l’�ducation[44] (Y�K) ou la RT�K (Conseil supr�me de l’audiovisuel public). Il semblerait qu’avec le 7�me paquet (article 9 de la loi n�4963), ce probl�me ait �t� partiellement r�solu puisque le secr�taire g�n�ral du MGK a �t� supprim� de la loi de 1981 sur les proc�dures de nomination dans les minist�res et autres institutions affili�es. En revanche, il a �t� confirm� aux co-rapporteurs qu’en ce qui concerne le Y�K, il faudra modifier l’article 131 � 2 de la Constitution, qui pr�voit express�ment que le chef d’�tat-major peut nommer des candidats. Les co-rapporteurs esp�rent que cette modification interviendra sans tarder. Quant � la RT�K, les autorit�s envisagent de modifier l’article 6 de la loi sur la cr�ation de la radio-t�l�vision du 14 juin 2002 pour �liminer cette anomalie. Il y a eu un certain retard dans la mise en œuvre de cette r�forme suite � une d�cision de la Cour constitutionnelle, qui a ordonn� la suspension provisoire de certains articles de cette loi.

88.  Enfin, dans un pays d�mocratique, il n’est pas normal que le budget de l’arm�e ne fasse pas l’objet d’un d�bat parlementaire, comme tout autre poste du budget de l’Etat. Il semblerait qu’� l’heure actuelle, la TBMM vote le budget de la d�fense en bloc et que l’arm�e b�n�ficie d’un certain nombre de sources de financement extrabudg�taires, notamment pour l’achat de ses armements[45], qui ne sont soumises � aucun contr�le s�rieux. Il est ainsi pratiquement impossible de savoir quelle est la part du budget de l’Etat consacr� � la d�fense : pour certains elle s’�l�ve � au moins 10%, pour d’autres elle repr�senterait en r�alit� pr�s de 18 � 20%. Il est clair en tout cas que la part du budget consacr� par la Turquie � ses forces arm�es est de loin sup�rieure � ce qui se pratique dans les autres Etats europ�ens et que cet effort est consenti au d�triment des d�penses n�cessaires par exemple en mati�re de justice, de sant�[46], d’�ducation ou de d�veloppement �conomique. Les co-rapporteurs esp�rent que le projet de loi actuellement en discussion au parlement sur la gouvernance et le contr�le financier �liminera effectivement ces fonds extrabudg�taires en les incluant dans le budget ordinaire de l’Etat.

89.  De l’avis des co-rapporteurs, il est urgent d’instaurer un contr�le et un vote parlementaire normal du budget militaire par la TBMM, pour que celle-ci puisse appr�cier en toute connaissance de cause ce que co�te l’arm�e au pays. La possibilit� offerte aux commissions d’enqu�te de la TBMM par le 7�me paquet de r�formes d’ao�t 2003 de pouvoir demander en priorit� � la Cour des Comptes d’auditer �galement, entre autres,les avoirs de l’Etat d�tenus par les forces arm�es est un progr�s mais il est insuffisant, notamment � cause de la proc�dure envisag�e qui vise � maintenir le secret d�fense

b.       La dissolution de partis politiques

90.  Les co-rapporteurs estiment que la fr�quence des dissolutions de partis politiques en Turquie rel�ve non seulement d’une atteinte au droit � la libert� d’association et de r�union garantie par l’article 11 de la CEDH mais qu’elle est r�v�latrice d’un probl�me plus g�n�ral de fonctionnement des institutions. La cr�ation d’un parti politique est apparemment tr�s facile en droit turc[47] mais la Constitution comme la loi sur les partis politiques donne une tr�s grande latitude aux autorit�s pour dissoudre tout parti jug� non conforme et susceptible de mettre en cause les dogmes fondateurs de la R�publique. La Turquie est le pays d’Europe o� il y a le plus de dissolutions de partis politiques et il ressort de la jurisprudence de la CEDH que, dans la plupart des cas dont elle a �t� saisie, cette sanction �tait disproportionn�e[48].

91.  Ainsi que l’Assembl�e le rappelait dans sa R�solution 1308 (2002), si toute d�mocratie a le droit de se d�fendre contre les partis extr�mistes, la dissolution ne devrait �tre une mesure � ne prendre qu’en dernier ressort car elle ne se justifie que dans les cas o� le parti concern� fait usage de violence ou menace gravement la paix civile et l’ordre constitutionnel d�mocratique du pays.

92.  En Turquie, des progr�s certains ont �t� r�alis�s depuis 1995 : les d�put�s membres d’un parti dissous ne sont plus automatiquement tous d�chus de leur mandat parlementaire[49] et un certains nombre d’am�nagements ont �t� apport�s tant par la r�forme constitutionnelle d’octobre 2001 que par des modifications partielles de la loi sur les partis politiques.  En vertu de l’article 69 de la Constitution tel qu’amend�, un parti ne peut plus �tre dissous que s’il est devenu l’�picentre d’activit�s contraires � l’ordre constitutionnel, lorsque celles-ci sont commises de mani�re � intense � par les membres du parti et ouvertement ou � tacitement � approuv�es par les organes directeurs du parti ou commises directement et d�lib�r�ment par lesdits organes.

93.  Le nouvel article 69 pr�voit �galement une sanction alternative � la dissolution, � savoir la privation totale ou partielle de toute subvention publique aux partis en question. En outre l’article 149 modifi� de la Constitution pr�voit dor�navant qu’une mesure de dissolution doit �tre prise par la Cour constitutionnelle � la majorit�[50] des 3/5 et non plus � la majorit� qualifi�e.

94.  Les articles 101, 102 et 103 de la loi sur les partis politiques ont �t� modifi�s par la loi n� 4748 du 26 mars 2002. Le nouvel article 101 pr�cise que la privation de subventions publiques ne peut �tre inf�rieure � la moiti� du montant de la derni�re subvention annuelle accord�e � ce parti. Le nouvel article 102 introduit  une proc�dure d’avertissement : un parti pourra �viter la dissolution si dans un certain d�lai il r�voque les membres ou les organes dont les d�clarations ou actions sont jug�es par le Procureur g�n�ral contraires � l’ordre constitutionnel. En revanche, l’article 96 de la loi sur les partis politiques, qui interdit le terme �  communiste � dans la d�nomination d’un mouvement politique, n’a pas �t� modifi�.

95.  A signaler �galement que l’article 105 de la loi sur les partis politiques a �t� r�cemment d�clar� inconstitutionnel : en vertu de cet article, le Procureur g�n�ral avait demand� la dissolution de sept partis parce qu’ils n ‘avaient pas pr�sent� de candidats aux deux derni�res �lections l�gislatives.

96.  La dissolution (le 13 mars 2003) du parti HADEP, avec l’interdiction pour pr�s de 45 de ses membres ou dirigeants d’exercer toute activit� politique pendant 5 ans,  la proc�dure en dissolution engag�e contre le parti DEHAP pour avoir contrevenu aux r�gles relatives � la pr�sence organis�e dans un certain nombre de districts pour les �lections l�gislatives de novembre 2002, de m�me que la proc�dure de dissolution engag�e contre l ‘AKP, parti maintenant au pouvoir, � 15 jours des �lections de novembre 2002, sont toutefois inqui�tantes. Enfin de nombreuses proc�dures p�nales contre des dirigeants ou des membres de partis politiques sont actuellement pendantes – notamment contre certains membres du DEHAP, accus�s de faux pour l’�tablissement des certificats  de pr�sence organis�e dans les districts – et serviront probablement ult�rieurement � justifier la dissolution du DEHAP. Au cas o� tel serait le cas, un certain nombre d’anciens membres du HADEP ont d’ailleurs cr�� r�cemment (le 6 juin 2003) un nouveau parti, le Parti pour une Soci�t� Libre (OTP).

97.  Il semble aux co-rapporteurs que les proc�dures de dissolution diligent�es, en toute ind�pendance et sans recevoir d’instruction de quiconque, leur a t-il �t� assur� par le Procureur g�n�ral pr�s la Cour de cassation, sont non seulement de nature � donner une mauvaise image de la Turquie � l’�tranger mais que de surcro�t elles ne remplissent pas leur but officiel, qui est de prot�ger l’ordre constitutionnel. En effet, les partis interdits renaissent imm�diatement de leurs cendres : pour les partis pro-kurdes, il y a eu successivement les partis HEP, DEP, HADEP, DEHAP et maintenant l’OTP ; pour les partis islamistes, le Refah a fait place au Fazilet puis au Saadet. Les dirigeants interdits d’activit�s politiques reviennent aux affaires au bout de 5 ans, comme par exemple Necmettin Erbakan, ou continuent de tirer les ficelles dans l’ombre.

98.  Ce jeu du chat et de la souris ne b�n�ficie pas � la d�mocratie et les co-rapporteurs invitent les autorit�s turques � revoir de fond en comble la loi sur les partis politiques[51], comme s’y �tait engag� M. Erdogan lors de sa campagne �lectorale, en vue d’introduire des crit�res stricts pour une �ventuelle dissolution, tels que l’apologie de la violence ou des menaces claires contre les valeurs essentielles de la d�mocratie. L� aussi, les autorit�s turques pourraient utilement s’inspirer des lignes directrices[52] �labor�es par la Commission de Venise en 2000.

c.        Le fonctionnement du syst�me judiciaire

99.  Lors de leur premi�re visite en Turquie en f�vrier 2003, les co-rapporteurs ont rencontr� le pr�sident de la Cour constitutionnelle, le Procureur g�n�ral pr�s la Cour de cassation et le Pr�sident de celle-ci, ainsi que le ministre de la Justice. Il ne saurait �tre question ici de brosser un tableau complet du fonctionnement des institutions judiciaires[53] et les co-rapporteurs se limiteront donc � traiter de trois points qui leur semblent importants. D’embl�e toutefois, ils rel�veront qu’au cours de leur deux visites aucune all�gation de corruption ou de manque d’ind�pendance et d’impartialit� n’a �t� �mise contre les juges en Turquie[54], qui, comme dans d’autres d�mocraties en Europe, croulent sous le travail et souffrent d’un manque de moyens.

100.  Les autorit�s turques ont fait ces derni�res ann�es, en coop�ration avec le Conseil de l’Europe d’importants efforts de formation des 9 600 juges et procureurs de Turquie, y compris des juges des cours de s�ret� de l’Etat : 225 d’entre eux ont ainsi re�u une formation de formateurs et pourront � leur tour former leurs coll�gues. Par ailleurs, suite � l’entr�e en vigueur le 31 juillet 2003 de la loi n�4954, la Turquie s’est maintenant dot�e d’une Acad�mie de justice, qui  r�pondra aux besoins de formation de tous les membres du syst�me judiciaire, y compris les notaires et les avocats.

101.  Les critiques entendues par les co-rapporteurs se sont dans l’ensemble concentr�es sur les membres du parquet, qui feraient preuve d’un z�le excessif dans l’exercice des poursuites, en mati�re de libert� d’expression et d’association notamment et, � l’inverse, d’une retenue suspecte lorsqu’il s’agit de diligenter des enqu�tes sur des all�gations de torture ou de mauvais traitements. Mais il a �t� �galement soulign� que dans un certain nombre de cas, les poursuites diligent�es par le parquet, notamment en mati�re de libert� d’expression ou d’association, se terminaient par un non-lieu au niveau des tribunaux.

102.  Les co-rapporteurs ont aussi pris bonne note de deux r�formes apport�es r�cemment et qui sont importantes. La premi�re concerne les tribunaux pour enfants qui ne pouvaient examiner jusqu’� pr�sent que les cas d’enfants �g�s de 11 � 15 ans. Tout enfant �g� de plus de 15 ans pouvait donc �tre jug� par un tribunal p�nal ordinaire, voire par une cour de s�ret� de l’Etat. Le 7�me paquet du 7 ao�t 2003 a modifi� la loi sur les tribunaux pour enfants dont l’article 6 pr�voit d�sormais que les tribunaux pour enfants auront comp�tence pour juger toute personne �g�e de moins de 18 ans. La deuxi�me concerne la limitation apport�e � la comp�tence des tribunaux militaires pour juger des civils (voir supra, influence de l’arm�e).

-        Le r�le de la Cour constitutionnelle

103.  La Cour constitutionnelle turque, cr��e en 1962, est l’une des plus anciennes d’Europe. Elle peut �tre saisie, sur le mod�le du Conseil constitutionnel fran�ais, dans un d�lai de 60 jours apr�s l’adoption d’une loi par le parlement, soit par le Pr�sident, soit par le plus grand parti d’opposition, soit par 1/5 des d�put�s d’un recours all�guant l’inconstitutionnalit� d’une loi. Elle est comp�tente en premi�re et derni�re instance en mati�re de dissolution des partis politiques.

104.  Elle peut �galement �tre saisie d’un recours pr�judiciel[55] par un tribunal, lorsqu’il est all�gu� que la loi qui doit �tre appliqu�e par le juge est inconstitutionnelle. Si la Cour constate que la loi en question est en tout ou en partie inconstitutionnelle, elle devient imm�diatement inapplicable et le l�gislateur dispose d’un d�lai d’un an pour la mettre en conformit� avec l’interpr�tation donn�e par la Cour. Les parties � un proc�s peuvent demander au tribunal de saisir la Cour mais il n’y a pas d’acc�s direct de l’individu, comme par exemple en Allemagne.

105.  Les co-rapporteurs souhaitent mettre en exergue la r�forme tr�s importante apport�e par la suppression du dernier � de l’article 15 provisoire de la Constitution, lors de la r�vision d’octobre 2001 : la Cour constitutionnelle pourra dor�navant examiner les exceptions d’inconstitutionnalit� soulev�es dans le cadre des 600 lois pass�es entre 1980, date du coup d’Etat et la premi�re �lection � la TTBMM de d�cembre 1983. Il s’agit l� d’un progr�s important, qui renforcera le r�le de la Cour constitutionnelle en mati�re de protection des libert�s individuelles, dans la mesure o� la plupart des lois restrictives des droits et libert�s fondamentales, qu’il s’agisse de la loi sur les associations, sur les partis politiques ou sur les syndicats, datent pr�cis�ment de cette p�riode.

106.  En revanche, il semblerait que la CEDH n’ait toujours pas d’effet direct en droit turc[56]. Le statut de la CEDH dans la hi�rarchie des normes fait l’objet de beaucoup de discussions doctrinales et n’est toujours pas d�finitivement tranch�. il a �t� expliqu� aux co-rapporteurs par M. Bumin, le Pr�sident de la Cour constitutionnelle, qu’en cas de conflit entre une disposition de la Constitution et la CEDH, la Cour ne pourrait faire autrement qu’appliquer la Constitution. En revanche, le pr�sident de la Cour de cassation, lors d’un discours remarqu� prononc� le 8 septembre 2003 � l’occasion de l’audience solennelle de rentr�e judiciaire, a indiqu� qu’� tous les stades de quelque proc�dure que ce soit, les dispositions de la CEDH et la jurisprudence de la Cour devaient �tre appliqu�es comme des lois internes. Les co-rapporteurs recommandent donc, lors d’une r�vision ult�rieure de la Constitution, de faire le n�cessaire pour que la CEDH soit d’applicabilit� directe en droit turc, aussi sur le plan constitutionnel. Cela faciliterait grandement l’ex�cution des arr�ts par la Turquie et la p�n�tration effective de la jurisprudence de Strasbourg dans la jurisprudence constitutionnelle turque.

107.  A terme, les co-rapporteurs sugg�rent �galement de pr�voir l’acc�s direct de l’individu � la Cour constitutionnelle. Le syst�me du recours individuel constitutionnel a fait ses preuves notamment en Allemagne et le nombre de requ�tes individuelles port�es ensuite devant la Cour de Strasbourg est sensiblement inf�rieur � celui en provenance d’Etats d’une taille comparable.

-        Le r�le de la Cour de cassation

108.  La Cour de cassation ou cour supr�me d’appel comprend 250 juges, r�partis entre 21 chambres civiles et 11 chambres p�nales. Les co-rapporteurs ont �t� abasourdis d’apprendre qu’elle est saisie de 500 000 pourvois par an, 300 000 en mati�re civile et 200 000 en mati�re p�nale et que malgr� cette �norme charge de travail, la dur�e moyenne d’examen des pourvois ne d�passait pas 3 � 4 mois. Ils ont �t� tout aussi surpris d’apprendre qu’il n’existe pas de cours d’appel dans le syst�me turc et que dans la plupart des cas, apr�s la d�cision de premi�re instance, le seul recours disponible est le pourvoi en cassation. La Cour de cassation ne rejuge pas l’affaire au fond : soit elle confirme le jugement de premi�re instance soit elle casse et renvoie.

109.  Avec une charge de travail aussi importante, il n’est pas �tonnant que les arr�ts de la Cour de cassation soient tr�s brefs (g�n�ralement moins d’une page), comme les co-rapporteurs ont pu le constater avec les exemples de d�cisions fournis par les autorit�s turques en mati�re d’affaires p�nales de libert� d’expression. Il s’ensuit que la Cour de cassation n’est pas en mesure, sauf lorsqu’elle statue en formation de chambres r�unies, d’assurer le r�le qui incombe aux autres cours supr�mes en Europe par des d�cisions souvent longuement motiv�es, � savoir �tablir les grandes lignes de jurisprudence � appliquer par les tribunaux inf�rieurs.

110.  La responsabilit� primaire quant � l’�tablissement des faits, l’examen contradictoire des moyens de preuve des parties et la qualification en droit incombe donc au juge de premi�re instance, qui est souvent un juge unique, ce qui est une lourde responsabilit�. Les co-rapporteurs estiment que les efforts de formation des juges dans tout le pays doivent imp�rativement �tre poursuivis, notamment par le biais des programmes de formation des juges et procureurs organis�s par le Conseil de l’Europe, conjointement avec l’Union europ�enne, en particulier sur la jurisprudence de la CEDH, programmes qui devraient si possible �tre encore renforc�s pour cr�er un vivier de formateurs turcs exp�riment�s.

111.  Les co-rapporteurs ont eu en effet l’impression que le taux de p�n�tration de la jurisprudence de la CEDH en Turquie est encore relativement faible. Cette situation est sans doute due au fait que le premier arr�t contre la Turquie n’a �t� rendu qu’en 1996 et que les juridictions turques n’ont pas encore pris l’habitude de se r�f�rer � la jurisprudence de Strasbourg comme crit�re d’interpr�tation du droit turc (voir supra pour ce qui est du probl�me de l’effet direct), m�me si des progr�s ont �t� constat�s.

112.  Les co-rapporteurs ont �galement �t� surpris des d�clarations faites par l’un des plus hauts personnages de l’institution judiciaire, � savoir le Procureur g�n�ral pr�s la Cour de cassation, qui a contest� la force obligatoire des arr�ts de la Cour europ�enne des Droits de l’Homme et s’est plaint de doubles standards, notamment par rapport � la jurisprudence de la Cour sur l’absence de n�cessit� d’�puiser les voies de recours internes en Turquie. Les co-rapporteurs esp�rent que cette position n’est pas partag�e par le nouveau Procureur g�n�ral, M. Nuri Ok, car il ne saurait �tre question, conform�ment � l’article 46 de la CEDH, de contester la force obligatoire des arr�ts rendus par la Cour, ce qui n’exclut pas, bien s�r, qu’il doive �tre possible de les critiquer.

-        Les cours de s�ret� de l’Etat

113.  Suite � l’arr�t Incal de la CEDH de juin 1998, la TBMM avait modifi� en 1999 l’article 143 de la Constitution pour exclure les magistrats militaires de la composition des cours de s�ret� de l’Etat. Mais un certain nombre de sp�cificit�s proc�durales, notamment en ce qui concerne les r�gles relatives � la garde � vue, avaient �t� maintenues. En vue d’aligner compl�tement la proc�dure suivie devant les cours de s�ret� de l’�tat sur la proc�dure p�nale normale, le 6�me paquet du 19 juillet a purement et simplement abrog� l’article 31 de la loi n�3842 du 1er d�cembre 1992 portant r�forme du code de proc�dure p�nale. Cet article disposait que les modifications apport�es � la proc�dure p�nale ne s’appliquaient pas � la proc�dure devant les cours de s�ret� de l’Etat, qui continuait d’�tre r�gie par les dispositions de l’ancien code.

114.  Les co-rapporteurs f�licitent les autorit�s turques pour cette importante r�forme qui alignera enfin la proc�dure d’exception suivie devant les cours de s�ret� de l’Etat sur la proc�dure p�nale ordinaire. Les autorit�s turques ont confirm� que l’abrogation de l’article 31 du Code de proc�dure p�nale conduira automatiquement � l’annulation de toute disposition contraire figurant soit dans la loi sur les cours de s�ret� de l’Etat soit dans les divers r�glements relatifs � l’arrestation, la garde � vue et l’interrogatoire.

115.  Si tel devrait �tre le cas, il n’y aurait plus aucune raison de maintenir les cours de s�ret� de l’�tat. Les 8 cours existantes, compos�es de 3 juges et 2 procureurs, pourraient �tre, soit transform�es en cours d’appel (voir supra), soit en tribunaux sp�cialis�s en mati�re de lutte contre la corruption et les d�lits financiers, le crime organis� ou le trafic d’�tre humains. Au minist�re de la Justice, qui envisage la deuxi�me hypoth�se, cette transformation est � l’�tude mais il convient de noter qu’elle n�cessitera une modification de la Constitution...

d.       R�le de la soci�t� civile

-        Le r�le des ONG

116.  Les co-rapporteurs rappellent que la d�mocratie implique non seulement des institutions politiques qui fonctionnent, mais aussi la participation de la soci�t� civile au d�bat politique, �conomique et social. Le degr� de d�mocratisation se mesure pr�cis�ment � la diversit� des opinions qui s’expriment, � l’existence d’organisations diverses et au dialogue qui s’instaure entre celles-ci et les autorit�s.

117.  De l’avis des co-rapporteurs, les autorit�s continuent de faire preuve d’une certaine  m�fiance envers les associations qu’elles ne contr�lent pas et soup�onnent dans toute divergence de vues imm�diatement une menace soit envers l’int�grit� de l’Etat, soit la la�cit�, soit m�me l’existence de la Turquie comme r�publique ind�pendante.

118.  M�me si les co-rapporteurs ont bien compris l’argumentation de l’establishment turc selon lequel la Turquie est une jeune d�mocratie, situ�e dans une r�gion difficile et p�riph�rique par rapport au centre de l’Europe et qu’il convient donc d’�tre vigilant, ils estiment que plus de 80 ans apr�s l’instauration de la R�publique, les autorit�s devraient �tre en mesure de t�moigner d’une plus grande confiance dans les citoyens turcs, qui sont, tout autant que les autres ressortissants des pays d’Europe, attach�s aux valeurs d�mocratiques. En tout �tat de cause, les co-rapporteurs sont convaincus que le dialogue avec les opposants et la discussion sereine des probl�mes qui se posent servent davantage la d�mocratie que la m�fiance et qu’il y a lieu d’encourager la cr�ation d’organisations ind�pendantes, que ce soient des ONG, des syndicats ou encore des pouvoirs locaux.

119.  Comme l’indique le Commissaire aux Droits de l’Homme dans son Rapport annuel 2002, les ONG, en raison de leur engagement actif et de leur connaissance directe du terrain, sont particuli�rement bien plac�es pour soulever les questions relatives � certaines pratiques, proposer des solutions et contribuer � leur mise en œuvre La critique qu’elles �mettent est indispensable au bon fonctionnement d’une d�mocratie et, � ce titre, devrait non seulement �tre tol�r�e mais encourag�e par les autorit�s. En outre, les ONG sont g�n�ralement bien plus que des simples opposants externes � la pratique et � la politique du gouvernement car elles contribuent aussi, dans de nombreux domaines, � l’exercice des pr�rogatives r�galiennes de l’Etat, en assistant les groupes vuln�rables, en fournissant �coute, aide et conseil aux victimes de violations ou en participant aux programmes de formation des fonctionnaires.

120.  Les co-rapporteurs traiteront dans le chapitre relatif au droit � la libert� d’association des modalit�s de fonctionnement des ONG en Turquie mais, du point de vue plus global de fonctionnement des institutions, ils ont �t� frapp�s par le faible degr� d’acceptation r�elle du r�le des ONG ou des plates-formes d’ONG par les autorit�s[57], surtout au niveau local. Certes, les personnes victimes de torture ou de mauvais traitements en Turquie ne sont pas toutes des Kurdes ou des militants d’extr�me gauche mais il se trouve que ces deux cat�gories de la population ont effectivement par le pass� fait l’objet de telles violations : ce n’est pas pour autant que les ONG qui d�noncent de telles pratiques sont n�cessairementdes ennemies de la R�publique, � condition bien s�r de faire preuve de s�rieux, d’ind�pendance et de sensdes responsabilit�s.

121.  A l’heure actuelle, m�me si la situation s’est beaucoup am�lior�e, les autorit�s continuent d’adopter une attitude tr�s d�fensive face � ce qu’elles estiment �tre des critiques injustes et purement partisanes. Les co-rapporteurs esp�rent donc que les organes de consultation instaur�s ou r�activ�s r�cemment par les autorit�s, notamment au niveau du Premier ministre, comme les commissions des droits de l’homme dans les provinces et les districts, permettront d’instaurer et de consolider un climat de confiance r�ciproque. Ils notent avec satisfaction qu’un d�cret du 23 novembre 2003 a modifi� la composition de ces commissions au niveau des provinces et des districts : le nombre de repr�sentants d’ONG a �t� augment� et les membres des forces de s�curit� (police et gendarmerie), dont la participation avait �t� souvent critiqu�e, n’y si�geront plus. En outre, la nouvelle loi sur le droit d’acc�s � l’information (n�4982) du 9 octobre 2003, entr�e en vigueur le 24 avril 2004 obligera tous les services publics � r�pondre sous 15 jours � toute demande de renseignement ou d’acc�s � des informations officielles pr�sent�e par une personne physique ou morale, ce qui contribuera sans aucun doute � am�liorer la relation entre les citoyens et les administrations.

-        La cr�ation de l’institution de l’ombudsman

122.  En octobre 2000, les autorit�s turques avaient inform� les co-rapporteurs de l’�poque du fait qu’un projet de loi sur la cr�ation d’un � Inspecteur public � ou � Ombudsman �, conforme aux normes universelles et compatible avec les conditions propres � la Turquie, �tait pratiquement finalis� et devait �tre pr�sent� au parlement sous peu. En mai 2001, le ministre de la Justice avait d�clar� qu’un projet de loi sur la cr�ation d’institutions de contr�le public avait �t� pr�sent� au parlement. Plus de deux ann�es ont pass� et l’institution de l’Ombudsman n’a toujours pas vu le jour.

123.  Au vu de la r�action du Pr�sident de la TBMM, M. Arin�, et du Pr�sident de la commission parlementaire des droits de l’homme, M. Elkatmis, les co-rapporteurs ont eu l’impression que le projet de loi en question ne faisait pas partie des priorit�s actuelles et qu’il risquait de rester encore dans les tiroirs pendant un certain temps. Ce serait dommage, car l’institution du m�diateur, comme organe de m�diation impartial et ind�pendant entre la soci�t� civile et le pouvoir, a fait ses preuves dans beaucoup d’autres pays et s’est r�v�l�e particuli�rement utile dans les pays en transition ou sortant d’une p�riode de conflit arm�. Les co-rapporteurs recommandent donc aux autorit�s turques d’�tudier attentivement la question afin de soumettre dans les meilleurs d�lais un nouveau projet de loi � la TBMM.

124.  La Commission parlementaire des droits de l’homme, cr��e en 1990, fait un travail formidable et a produit plusieurs rapports importants, notamment sur la situation dans les prisons, mais elle ne peut pas faire de propositions de lois et n’est pas consult�e pr�alablement pour avis sur les projets de loi d�pos�s par le gouvernement. Enfin, elle ne dispose pas de pouvoir d’enqu�te propre. Elle n’est donc pas en mesure de remplir les fonctions normalement d�volues � un Ombudsman.

e.       La d�mocratie locale et r�gionale

125.  La R�publique de Turquie a ratifi� la Charte de l'autonomie locale le 9 d�cembre 1992, et son adh�sion a pris effet le 1er avril 1993. Le seul autre trait� du Conseil de l’Europe ratifi� par la Turquie dans ce domaine est la convention cadre sur la coop�ration transfrontali�re des collectivit�s et autorit�s territoriales[58]. Pour les co-rapporteurs, la modernisation de la Turquie et l’am�lioration des standards en mati�re de pr��minence du droit et de respect des droits de l’homme passent aussi par une r�forme de la l�gislation sur les pouvoirs locaux.

126.  Une d�centralisation impliquant un transfert de comp�tences au niveau local et r�gional, en mati�re d’�ducation et de culture notamment, contribuerait, m�me si elle �tait mise en oeuvre uniform�ment dans l'ensemble du pays, � cr�er les conditions d'un meilleur exercice des droits d�mocratiques, y compris pour la population kurdophone du sud-est du pays. Sans vouloir �tablir de lien direct entre la r�forme des pouvoirs locaux et r�gionaux et le terrorisme qui a ensanglant� la r�gion jusqu’en 1999, les co-rapporteurs estiment que ces changements pourraient aider � effacer les frustrations dont se sont nourries � l’�poque les activit�s du PKK.

127.  Il faudrait aussi augmenter la part du budget de l’Etat dans le financement des collectivit�s locales : � l’heure actuelle  moins de 5% des recettes de l’Etat leur sont redistribu�es.

128.  Les co-rapporteurs ont mis � profit leur deuxi�me visite en mai 2003 pour s’entretenir tant avec le ministre de l’Int�rieur, M. Aksu, qu’avec les maires de Diyarbakir et  Bing�l et l’adjoint au maire de Lice de l’�tat de la d�mocratie locale et r�gionale en Turquie, qui est un Etat tr�s centralis� o� l'administration centrale exerce, dans le cadre des principes et des proc�dures d�finis par la loi, un important pouvoir de tutelle sur les collectivit�s locales : il est clair que dans beaucoup de domaines, les fonctionnaires nomm�s par l’Etat central ont beaucoup plus de pouvoirs que les �lus.

129.  En Turquie, la tutelle administrative sur les collectivit�s locales est exerc�e par le minist�re de l'Int�rieur et, dans les r�gions, par les gouverneurs (vali)  des 81 provinces[59] et les gouverneurs de district. Les co-rapporteurs ont ainsi rencontr� les gouverneurs de Diyarbakir et de Bing�l et le gouverneur du district de Lice.

130.  Les �lections locales ont lieu tous les cinq ans, conform�ment aux principes �nonc�s � l'article 67 de la Constitution ; les prochaines auront lieu le 28 mars 2004. Pour les �lections municipales le syst�me est celui du suffrage universel direct � un tour : remporte l’�lection celui qui a obtenu le plus de voix par rapport aux autres candidats. Dans le Sud-Est, 36 municipalit�s sont d�tenues par des maires du parti HADEP, dissous en mars 2003.  Les maires de Diyarbakir et Bing�l ont depuis rejoint le DEHAP et le maire de Lice, inscrit au parti Fazilet, dissous en juin 2001, a rejoint l’AKP. La coop�ration entre les maires et les gouverneurs est en g�n�ral bonne, m�me si les maires se plaignent de ne pas avoir assez de comp�tences[60] et de ne pas disposer de sources de financement suffisantes.

131.  La r�forme de l’administration locale et du service public fait l’objet de discussions depuis maintenant pr�s de 10 ans et divers projets ont �t� �labor�s[61]. Le ministre de l’Int�rieur a indiqu� aux co-rapporteurs qu’un nouveau projet de loi-cadre tr�s ambitieux, �labor� apr�s d’intenses consultations, a �t� soumis r�cemment � la TBMM. Il pr�voit la r�duction de la tutelle des gouverneurs sur les maires : la tutelle ne portera plus que sur un contr�le de l�galit� et une �valuation des performances. En outre, il est pr�vu de transf�rer aux autorit�s locales un certain nombre de services centraux de l’Etat install�s dans les provinces. Les co-rapporteurs invitent les autorit�s � s’assurer, pr�alablement au vote, de la conformit� de cette nouvelle loi avec la Charte de l’autonomie locale.

-        Destitution provisoire des �lus locaux par le ministre de l’Int�rieur

132.  Aux termes de l’article 127 de la Constitution, le r�glement des litiges portant sur l'acquisition de leur qualit� par les organes �lus des collectivit�s locales, ainsi que les d�cisions touchant � la perte de cette qualit�, sont du ressort des tribunaux. Le ministre de l'Int�rieur peut toutefois, � titre provisoire et dans l'attente d'un jugement d�finitif, suspendre pour faute professionnelle les organes des collectivit�s locales ou les membres de ces organes faisant l'objet d'enqu�tes ou de poursuites. Ce pouvoir est exerc� soit sur la demande du gouverneur, adress�e au ministre, soit d'office par le ministre lui-m�me, sur la base d'une enqu�te men�e par les inspecteurs du minist�re.

133.  Si un maire �lu est ainsi suspendu par le ministre, le gouverneur convoque le conseil municipal dans un d�lai de dix jours. Au cours de cette r�union, un maire int�rimaire (ou maire provisoire) est �lu parmi les membres du conseil pour exercer cette charge jusqu'aux nouvelles �lections ou jusqu'au retour de l'ancien maire, selon la d�cision qui sera rendue par le tribunal. Le pouvoir du ministre de l'Int�rieur de �suspension temporaire de maires dans l'attente d'une d�cision de justice� cesse d�s qu'est rendue la d�cision d�finitive. Si le jugement du tribunal exige la destitution d�finitive du maire, la proc�dure l�gale pr�vue par la loi sur les communes est engag�e. Selon l'article pertinent de cette loi, seul le Conseil d'Etat, agissant en qualit� d'instance administrative supr�me, peut prononcer la destitution d�finitive. Le ministre de l'Int�rieur a us� 81 fois de cette pr�rogative entre 1989 et 1996 et 12 fois entre 1996 et 2001. Ce chiffre correspond � 0,4 % du nombre total de maires.

134.  Tout comme le Congr�s des pouvoirs locaux et r�gionaux, les co-rapporteurs pensent que sur ce point, l’article 127 de la Constitution devrait �tre modifi� : le mandat d’un �lu est irr�vocable et ne saurait lui �tre retir� que par les urnes ou apr�s une condamnation p�nale d�finitive. La suspension du mandat d’un �lu, m�me � titre provisoire, par l’ex�cutif n’est pas compatible avec le principe de la s�paration des pouvoirs.

iii.        Libert�s fondamentales

135.  Depuis plus de 20 ans, la Turquie a �t� soumise � l’�tat d’urgence et � une l�gislation d’exception, suite au coup d’�tat de 1980 et � la r�bellion kurde entre 1984 et 1999. Le conflit de Chypre a isol� la Turquie sur la sc�ne internationale, malgr� son r�le d’alli� strat�gique des Etats-Unis dans l’OTAN.

136.  La Turquie a longtemps cru que l’union douani�re avec l’Union europ�enne, r�alis�e en 1996, suffirait � r�aliser son r�ve d’une �conomie plus prosp�re gr�ce � des relations privil�gi�es avec l’Union. Ce n’est qu’� partir de 1996-1997, avec, notamment, un rapport publi� par la T�SIAD, une association patronale, qu’il y a eu une prise de conscience de l’importance du respect et de la protection des droits de l’homme et des institutions v�ritablement d�mocratiques par rapport au d�veloppement �conomique et � l’int�gration europ�enne. De m�me, jusqu’en 1996, date du premier arr�t rendu par la CEDH, laTurquie ne se sentait pas v�ritablement concern�e par la protection des droits de l’homme.

137.  La situation a radicalement chang� depuis et les co-rapporteurs s’en f�licitent car le chemin parcouru et l’�volution de la soci�t� turque depuis le milieu des ann�es 1990 ont �t� tout � fait remarquables, m�me si la vie politique a �t� marqu�e par une grande instabilit�.

138.  A l’heure actuelle et depuis plus ou moins 1997, la situation �conomique est catastrophique et les caisses de l’Etat, mal g�r�es et ob�r�es par un budget militaire excessif, sont vides. Dans 21 des 81 provinces de Turquie, la population survit avec moins de 1500 USD de revenu par an et il y aurait 2 � 3 millions de personnes qui disposeraient de moins de 700 USD.

139.  L’insuffisance dans l’acc�s aux soins de sant�, � l’�ducation, � la justice, les violences faites aux femmes sont, de l’avis des co-rapporteurs, des obstacles majeurs � la d�mocratisation du pays. Ce n’est pas pour autant qu‘ils justifient une politique s�curitaire visant � limiter les droits civils et politiques d’une mani�re disproportionn�e. Dans une soci�t� d�mocratique, les droits individuels n’ont pas � �tre sacrifi�s sur l’autel de la s�curit� et de la p�rennit� de l’Etat. Les r�formes entreprises depuis 1995, et surtout depuis  2001, t�moignent de cette prise de conscience.

a.       La garde � vue

140.  L’article 19 de la Constitution, qui pr�voyait jusqu’� 15 jours de garde � vue en cas de d�lits collectifs, a �t� amend� lors de la r�forme constitutionnelle d’octobre 2001 : la dur�e de la garde � vue sans comparution devant un juge est dor�navant de 4 jours maximum pour les d�lits collectifs et toute personne arr�t�e ou d�tenue aura droit � ce que ses proches re�oivent notification sans d�lai de leur arrestation ou d�tention.

141.  Les co-rapporteurs f�licitent les autorit�s turques pour cette importante r�forme, par laquelle la Turquie s’aligne enfin sur la pratique europ�enne en mati�re de dur�e de la garde � vue, y compris pour les crimes les plus graves, conform�ment � la jurisprudence de la Cour europ�enne des Droits de l’Homme. Ils observent en outre que, contrairement � ce qui se pratique dans beaucoup de pays membres, o� la dur�e de la garde � vue est fix�e par le code de proc�dure p�nale, la dur�e maximale de 4 jours est garantie par la Constitution et ne pourra donc pas �tre modifi�e facilement.

142.  Les dispositions correspondantes du Code de proc�dure p�nale ont �t� modifi� par une loi n� 4744 du 6 f�vrier 2002 (1er paquet), qui a �galement pr�vu le droit � l’assistance d’un avocat d�s la premi�re heure de garde � vue, sauf pour les affaires relevant des cours de s�ret� de l’Etat. Enfin, la loi n� 4778 du 11 janvier 2003 (5�me paquet) a aboli l’article 16 � 4 de la loi sur les cours de s�ret� de l’Etat, qui refusait l’acc�s � un avocat pendant les premi�res 48 heures de garde � vue � toute personne d�tenue par la police pour des infractions relevant de la comp�tence des cours de s�ret� de l’Etat.

143.  Les co-rapporteurs estiment que le droit de toute personne d�tenue de faire appel � un avocat d�s la premi�re heure de la garde � vue, quel que soit le type d’infraction, est une avanc�e majeure dans la protection des droits fondamentaux et une garantie importante contre le risque de mauvais traitements aux mains de la police.

144.  A noter toutefois qu’au cas o� l’�tat d’urgence serait r�tabli dans une province conform�ment � l’article 120 de la Constitution, la garde � vue pourra �tre port�e � 7 jours, apr�s comparution devant un juge (modification de l’article 16 � 3 de la loi n� 2845 sur les cours de s�ret� de l’Etat)[62].

145.  Le 18 septembre 2002, un r�glement sur les interpellations, la garde � vue et l’interrogatoire a introduit l’une des recommandations du CPT, � savoir l’interdiction de la pr�sence d’un officier de police ou d’un gendarme lors de l’examen m�dical du d�tenu, sauf si celui-ci ou son m�decin le demande express�ment. Ce r�glement pr�cise aussi les informations � communiquer imp�rativement � la personne d�tenue et, notamment, l’obligation de lui communiquer ses droits. Ce r�glement a de nouveau �t� modifi� le 3 janvier 2004, pour tenir compte des observations du CPT.

146.  Les co-rapporteurs esp�rent que les diverses modifications intervenues seront strictement appliqu�es tant par la police que par la gendarmerie lorsqu’elles proc�dent � des arrestations, dont le nombre a sensiblement augment� dans les six premiers mois de 2003, par rapport � la m�me p�riode en 2002, notamment dans la r�gion de Diyarbakir[63], ce que les co-rapporteurs d�plorent vivement.

147.  L’ordre des avocats de Diyarbakir a �galement fait �tat de probl�mes persistants pour ce qui est du droit des personnes d�tenues d’informer leur famille ou de demander � avoir acc�s � un avocat. Sur ce dernier point, le CPT s’est d�clar� surpris dans son dernier rapport du faible nombre de personnes qui ont r�clam� un avocat et il semblerait donc que l’information sur leurs droits donn�e par la police aux personnes en garde � vue soit encore insuffisante, notamment par rapport � la gratuit� de l’intervention des avocats.

b.       La lutte contre l’impunit� et la torture

148.  Les co-rapporteurs rappellent  que depuis 1996, la Cour europ�enne a rendu plus de 45 arr�ts mettant en cause les actions des forces de s�curit� en Turquie pour des homicides, des disparitions, des actes de torture et de mauvais traitement ainsi que des destructions de biens immobiliers ou mobiliers, tels que maisons, villages ou r�coltes. La plupart de ces arr�ts portent sur des faits anciens et ne refl�tent donc pas n�cessairement la situation actuelle mais il est clair, ainsi que le relevait le Comit� des Ministres[64], que les graves violations constat�es par la Cour �taient imputables � des probl�mes structurels : lacunes dans la formation et la gestion des personnels des forces de s�curit�, dans la d�finition juridique du cadre de leurs activit�s et dans les voies de recours, p�nales, civiles ou administratives, ouvertes aux victimes en cas d’abus.

149.  D’importantes mesures ont �t� prises par les gouvernements successifs pour lutter contre l’impunit� : depuis 1999, les peines maximales susceptibles d’�tre inflig�es aux fonctionnaires jug�s coupables de torture ou de mauvais traitements ont �t� augment�es et port�es respectivement � 8 et 5 ans de prison. Cette r�forme fut toutefois critiqu�e parce que les peines prononc�es �taient souvent assorties du sursis ou converties en amende et que l’autorisation administrative pr�alable n�cessaire pour pouvoir diligenter des poursuites p�nales contre les fonctionnaires avait �t� maintenue dans certains cas.

150.  Le 2�me paquet de r�forme du 9 avril 2002 modifia l’article 13 de la loi sur les fonctionnaires de 1965 obligeant ceux-ci � rembourser � l’Etat toute somme pay�e par celui-ci en cas de condamnation par la CEDH pour torture ou s�vices contraires � l’article 3 de la Convention.

151.  Le 4�me paquet de r�forme du 11 janvier 2003 a modifi� les articles 243 du Code p�nal relatif � la torture et l’article 245 relatif aux mauvais traitements : dor�navant il n’y a plus de sursis ni de conversion en amende. En outre, la loi de 1999 sur les poursuites contre les fonctionnaires a aussi �t� modifi�e pour supprimer l’autorisation administrative pr�alable pour ce qui est des poursuites engag�es en vertu des articles 243 et 245 du Code p�nal. Une circulaire du minist�re de l’Int�rieur rappelant � tous les fonctionnaires qu’aucune forme de torture ou de mauvais traitement ne serait plus tol�r�e fut �mise le 16 janvier 2003.

152.  Enfin, le 7�me paquet de r�forme d’ao�t 2003 a modifi� le Code de proc�dure p�nale et pr�voit que toutes les poursuites p�nales fond�es sur les articles 243 et 245 seront d�sormais trait�es selon une proc�dure d’urgence et que les audiences ne pourraient plus �tre report�es de plus de 30 jours et se tiendraient y compris pendant les vacances judiciaires. Cette derni�re r�forme �tait n�cessaire car il avait �t� constat� que, du fait des multiples ajournements d’audience et de la dur�e de la proc�dure en r�sultant, dans beaucoup de cas, les proc�s intent�s contre les forces de s�curit� devaient �tre abandonn�s � cause de la prescription.

153.  Enfin, il est � noter qu’une circulaire du minist�re de la Justice dat�e du 20 octobre 2003 enjoint maintenant � tous les procureurs d’enqu�ter personnellement et en priorit� sur toute all�gation de torture ou de mauvais traitements au lieu de confier ces enqu�tes � la police ou � la gendarmerie.

154.  Les co-rapporteurs ne voient pas en revanche pourquoi il serait n�cessaire de maintenir le syst�me d’autorisation administrative pr�alable pour toute autre infraction p�nale susceptible d’�tre reproch�e � un fonctionnaire pour des actes commis dans l’exercice de ses fonctions. Il conviendrait � tout le moins de la supprimer aussi dans le cadre des articles du Code p�nal r�primant les homicides, disparition de personnes, destructions de biens etc. commis par les forces de s�curit� et d’envisager une proc�dure provisoire de suspension � titre disciplinaire pour tout fonctionnaire mis en cause dans une enqu�te p�nale pour des faits graves.

155.  Les co-rapporteurs sont conscients que l’�radication de la pratique de la torture et des s�vices pendant la garde � vue est un processus de longue haleine : il ne suffit pas de modifier les lois, il faut encore qu’elles soient appliqu�es sur le terrain par les fonctionnaires de base. Le ministre de l’Int�rieur a indiqu� aux co-rapporteurs que des efforts importants de formation avaient �t� faits[65], que les arr�ts de la Cour �taient syst�matiquement traduits et publi�s et que des circulaires avaient �t� envoy�es pour rappeler la politique de tol�rance z�ro des autorit�s en la mati�re.

156.  Les co-rapporteurs soutiennent sans r�serve les efforts du gouvernement � cet �gard car il faut rester vigilant : d’apr�s un rapport publi� en ao�t 2003 par l’Association des droits de l’homme[66] (IHD), le nombre de personnes soumises � des tortures ou des mauvais traitements aurait augment� pendant le premier semestre 2003, en comparaison avec les six premiers mois de 2002 (413 cas pendant le premier semestre en 2002, 715 pour la m�me p�riode en 2003). D’apr�s le m�me rapport, les proc�s intent�s contre au total 63 membres des forces de s�curit� devant 11 tribunaux pour avoir tortur� 42 personnes ont abouti pendant le premier semestre 2003 � : 29 d�cisions de classement pour prescription, 13 d�cisions d’acquittement, 8 d�cisions de condamnation avec sursis et 13 d�cisions de condamnation � de la prison ferme, mais o� l’ex�cution des peines a �t� totalement ou partiellement suspendue.

157.  Le CPT a �galement indiqu�, dans le dernier rapport publi� suite � sa visite � Diyarbakir en septembre 2002[67], avoir constat� sur un certain nombre de d�tenus des traces compatibles avec des all�gations de torture et de mauvais traitements. Le CPT a effectu� depuis une autre visite, du 7 au 15 septembre 2003, � Adana, Bismil, Cinar, Diyarbakir et Mersin, dont les conclusions ne sont pas encore publi�es. Les co-rapporteurs invitent instamment les autorit�s turques � mettre en œuvre toutes les recommandations du CPT et � r�primer s�v�rement tous les abus qui seraient constat�s.

c.       La situation dans les prisons

158.  Le gouvernement turc avait entam� une r�forme de son syst�me p�nitentiaire en vue de remplacer le syst�me de grands dortoirs (jusqu’� 100 d�tenus par pi�ce)  par un syst�me de cellule de un ou trois d�tenus. Cette r�forme, qui met la Turquie en conformit� avec les normes p�nitentiaires europ�ennes, a �t� rejet�e par certains prisonniers qui all�guaient qu’il s’agissait en r�alit� d’un syst�me d’isolation assimilable � la torture et aux mauvais traitements. Ils ont entam� une gr�ve de la faim en 2000 et manifest� dans diff�rentes prisons, ce qui a men� � l’intervention de la gendarmerie, qui a �vacu� les prisons de force, ce qui a co�t� 32 vies[68].

159.  Les gr�ves de la faim de personnes oppos�es aux prisons de type F ont co�t� la vie � plus de 70 personnes entre 2000 et 2003, ce qui est plus que regrettable. Les co-rapporteurs ne peuvent que se joindre � tous ceux qui prient les gr�vistes de la faim et les autorit�s turques de mettre un terme � ce drame humain. Ils f�licitent les autorit�s turques d’avoir suivi les conseils du CPT pour assurer aux prisonniers des prisons de type F la possibilit� de passer une partie raisonnable de la journ�e � participer au programme d’activit�s communes en dehors de leurs cellules et regrettent l’intransigeance des d�tenus qui refusent encore d’y participer.

160.  Il est en effet � relever que la coop�ration avec le CPT est excellente et que la Turquie a accept� que tous les rapports du CPT et les r�ponses du Gouvernement soient publi�s, ce qui constitue un progr�s notable. Le rapport sur la visite effectu�e par le CPT du 2 au 14 septembre 2001 a ainsi �t� rendu public en avril 2002 et la r�ponse du Gouvernement a �t� rendue publique le 24 janvier 2003. Les autorit�s turques ont �galement consenti � la publication des observations pr�liminaires adress�es par le CPT aux autorit�s, suite � une visite effectu�e du 21 au 27 mars 2002, notamment dans une prison de type F, � Sin�an, pr�s d’Istanbul, et dans des postes de gendarmerie � Diyarbakir. Enfin, les autorit�s turques ont �galement accept� la publication le 25 juin 2003 du rapport �tabli suite � la visite de septembre 2002, accompagn� des observations du gouvernement.

161.  Il ressort de ce rapport[69] que le CPT se d�clare satisfait des programmes d’activit�s communes organis�s par les autorit�s. En outre, le gouvernement a donn� suite � une autre recommandation du CPT : en vertu d’une circulaire du minist�re de la Justice du 10 octobre 2002, la possibilit� de participer � des � p�riodes de conversation �, pendant lesquelles les d�tenus peuvent converser ensemble pendant deux � trois heures sans surveillance, ne sera plus subordonn�e � la participation pr�alable aux activit�s communes.

162.  Sur certains autres points concrets (comme par exemple, l’examen m�dical syst�matique � l’arriv�e dans une prison et la confidentialit� de l’examen m�dical), les autorit�s turques, ont mis en œuvre les recommandations du CPT par une circulaire du minist�re de la Sant� du 10 octobre 2003. Les co-rapporteurs invitent les autorit�s turques � continuer de mettre en œuvre sans d�lai toutes les recommandations du CPT.

163.  De mani�re plus g�n�rale, il faut f�liciter les autorit�s turques pour avoir, par la loi n� 4806 entr�e en vigueur le 10 f�vrier 2003 portantmodification du Code p�nal et de la loi sur l’administration p�nitentiaire, align� la l�gislation sur les standards europ�ens applicables en la mati�re, notamment en ce qui concerne la confidentialit� des documents d�tenus par les prisonniers pour pr�parer leur d�fense et l’absence de fouille des avocats rendant visite � leurs clients.

d.       L’abolition de la peine de mort

164.  Le 3 octobre 2001, apr�s un d�bat particuli�rement houleux, le parlement modifia l’article 38 de la Constitution pour abolir la peine de mort en temps de paix, mais en faisant une exception pour les crimes de terrorisme[70]. Par la suite, la loi du 9 ao�t 2002 (3�me paquet) a supprim� cette exception, en pr�voyant que, pour toutes les infractions passibles de la peine de mort, sauf celles commises en temps de guerre ou de danger imminent de guerre, telles que pr�vues dans le code p�nal et d’autres lois, comme la loi sur la contrebande ou la loi sur les for�ts, les peines seraient commu�es en r�clusion criminelle � perp�tuit�, sans possibilit� de b�n�ficier d’une lib�ration conditionnelle. Des amendements au code p�nal militaire, qui pr�voit aussi la peine de mort, sont en pr�paration. Le 6�me paquet du 19 juillet 2003 a pr�cis� que l’abolition serait applicable �galement aux crimes punissables de la peine de mort pr�vus par la loi du 17 f�vrier 2000 sur le parc national de la p�ninsule de Gallipoli.

165.  Le Protocole n� 6 a �t� sign� par la Turquie le 15 janvier 2003, juste avant la visite du Premier ministre turc � l’occasion de la session de l’Assembl�e. Les instruments de ratification ont �t� d�pos�s aupr�s du Secr�taire G�n�ral du Conseil de l’Europe le 12 novembre 2003. Le 9 janvier 2004, la Turquie a en outre sign� le Protocole n� 13, qui pr�voit l’abolition de la peine de mort en toute circonstance, donc y compris en temps de guerre.

166.  Les co-rapporteurs f�licitent la Turquie pour cette importante r�forme, qui a n�cessit� beaucoup de courage politique. L’abolition compl�te de la peine de mort fait partie des valeurs communes europ�ennes et on ne peut que se r�jouir que la Turquie, qui n’ex�cutait plus ses condamn�s � mort depuis 1984, ait saut� le pas pour l’abolir de jure. Il convient maintenant de parachever cette importante r�forme en modifiant la Constitution, suite � la ratification prochaine du Protocole n� 13 et � supprimer la peine de mort �galement dans le code p�nal militaire.

e.       La libert� d’expression

167.  La libert� d’expression fait l’objet de nombreuses possibilit�s de restriction en droit turc. Lors de leurs entretiens avec des journalistes, des syndicats ou des associations, les co-rapporteurs ont �t� inform�s que l’un des probl�mes majeurs r�side dans la multitude de textes pouvant servir � limiter la libert� d’expression : code p�nal, code civil, code �lectoral, loi sur les associations, loi sur les partis politiques, lois sur la presse, sur la t�l�vision etc. Beaucoup d’organes de presse,  ou d’associations doivent consacrer une part importante de leur temps, de leur budget ou de leurs ressources � la r�mun�ration d’avocats sp�cialis�s et � la comparution personnelle des dirigeants devant les tribunaux. Au quotidien H�rriyet, par exemple, qui se d�finit pourtant comme un journal �  constitutionnel �, une personne est affect�e � plein temps � la d�fense du journal.

168.  L’autre probl�me qui a �t� mentionn� est celui du harc�lement judiciaire : les journalistes, les ONG, les �crivains, les �lus ne savent jamais � l’avance si ce qu’ils disent, �crivent ou publient ne fera pas l’objet de poursuites. Il y a des cas o� � �a passe �, d’autres o� � �a ne passe pas �. Cela d�pendrait du moment, de la r�gion ou de l’humeur du fonctionnaire du minist�re de l’Int�rieur qui contr�le toutes les publications avant leur parution. Face � cette situation, certains organes de presse ont admis qu’ils pratiquaient une forme d’autocensure, pour rester conformes au politiquement correct tel que d�fini par les trois premiers articles[71] de la Constitution. D’autres journaux sont syst�matiquement saisis ou interdits de publication. Le journal pro Kurde Yenide �zg�r G�ndem, par exemple, qui est le 8�me � avoir succ�d� au quotidien �zg�r G�ndem[72], para�t depuis septembre 2002[73] : sur les 164 �ditions publi�es au 12 f�vrier 2003, 64 ont �t� saisies le jour de leur parution, y compris le jour de la visite des co-rapporteurs, qui ont par ailleurs �t� inform�s que le r�dacteur en chef et le propri�taire du journal faisaient l’objet de 82 proc�dures p�nales au total (dont une demandant l’interdiction compl�te du journal), fond�es sur les articles 159, 169 et 312 du code p�nal ou les articles 6 et 8 de la loi anti-terreur.

169.  Il a �galement �t� soulign� que dans un grand nombre de cas, les poursuites intent�es par le minist�re public donnaient lieu, au bout du compte, � des acquittements ou des relaxes et que les peines de prison faisaient r�guli�rement l’objet d’amnisties. Il semblerait donc que les tribunaux jouent en g�n�ral efficacement leur r�le de gardiens des libert�s individuelles, � l’exception notable des cours de s�ret� de l’Etat, qui ont tendance � �tre plus s�v�res.

170.  Ce qui est pr�occupant est le nombre et la fr�quence des poursuites diligent�es : la section de l’association des droits de l’homme (IHD) � Bing�l (Est), par exemple, doit faire face � l’heure actuelle � pr�s de 50 poursuites, pour des motifs divers. La derni�re en date concerne la publication, sans autorisation pr�alable, d’un rapport du 5 juillet 2003 sur le respect des droits de l’homme dans la r�gion. L’association G�c-DER, qui s’occupe de migrants, a �t� poursuivie pour activit�s non statutaires lorsqu’elle a voulu distribuer un questionnaire pour tenter d’�valuer le nombre de personnes souhaitant effectivement retourner dans leurs villages d’origine.

171.  Le si�ge de l’association des droits de l’homme (IHD) � Ankara a fait l’objet d’une perquisition et de saisie de documents le 6 mai 2003, le lendemain d’une r�union o� ses repr�sentants avaient �t� convi�s par les autorit�s pour une consultation sur le nouveau programme national. Cette perquisition, certes autoris�e par un juge, a �t� d�nonc�e notamment par la commission des droits de l’homme de la TBMM. Lorsque les co-rapporteurs ont demand� des �claircissements au ministre de la Justice, il leur a �t� r�pondu que la justice est ind�pendante. A ce sujet, les co-rapporteurs souhaitent rappeler que l’article 144 de la Constitution pr�voit que la supervision des juges et procureurs, notamment pour ce qui est de la mani�re dont ils s’acquittent de leurs t�ches, est assur�e par l’inspection g�n�rale du minist�re de la Justice.

172.  Les co-rapporteurs notent avec satisfaction que, depuis la r�forme constitutionnelle d’octobre 2001, de multiples am�nagements ont �t� apport�s aux restrictions en mati�re de libert� d’expression. Il est trop t�t pour en appr�cier l’impact, m�me si un certain nombre de d�cisions judiciaires ont d�j� �t� rendues. Pour les co-rapporteurs, ce qui doit aussi baisser est le nombre de poursuites engag�es. Ce n’est pas le cas, par exemple, dans les r�gions de l’Est et du Sud-Est, d’apr�s le dernier rapport de la FIDH, publi� en d�cembre 2002. Paradoxalement, d’apr�s les ONG de Diyarbakir et de Bing�l, l’augmentation du nombre de poursuites est sans doute due aussi � une meilleure garantie de la libert� d’expression, qui encourage les gens � en faire plus souvent usage. La situation a toutefois commenc� � s’am�liorer : d’apr�s le dernier rapport de l’ association des droits de l’homme, publi� fin 2003, les poursuites en mati�re de libert� d’expression auraient diminu� de moiti� entre 2002 et 2003.

173.  Un autre fait pr�occupant est l’utilisation alternative par les procureurs d’autres articles du code p�nal, semblerait-il, pour contourner et �viter l’application des dispositions modifi�es par le l�gislateur. Ainsi, il y aurait beaucoup moins de poursuites fond�es sur les articles 159 et 312 du code p�nal ou l’article 8 de la loi anti-terreur mais le nombre de poursuites engag�es en vertu de l’article 169, qui r�prime l’aide et le soutien apport�s � des organisations ill�gales de quelque mani�re que ce soit par une peine de prison pouvant aller jusqu’� 5 ans, aurait consid�rablement augment�. La modification apport�e � l’article 169 par le 7�me paquet d’ao�t 2003 (suppression du membre de phrase qui indiquait � de quelque mani�re que ce soit �)  ne semble pas de nature � diminuer cette pr�occupation des co-rapporteurs.

174.  Malgr� les d�n�gations des autorit�s turques, les co-rapporteurs estiment que, si cette pratique est av�r�e, elle serait de nature � s�rieusement miner les efforts incontestables du gouvernement et du l�gislateur en la mati�re. Certes, les juges comme les procureurs sont ind�pendants et ne re�oivent pas d’instructions du minist�re de la Justice mais il conviendrait de leur rappeler,  ne serait-ce que par des circulaires minist�rielles, l’importance de leur r�le dans la mise en œuvre des r�formes d�mocratiquement vot�es.

175.  Enfin, m�me si les r�formes ont pour but essentiel de r�pondre aux critiques et aux demandes exprim�es par les Etats europ�ens, les co-rapporteurs encouragent vivement les autorit�s, quand elles seront moins press�es par le temps, � effectuer une r�forme en profondeur des textes l�gislatifs et r�glementaires applicables en mati�re de libert� d’expression, le cas �ch�ant avec l’aide du Conseil de l’Europe. La philosophie g�n�rale leur semble en effet toujours assez s�curitaire et il n’est pas normal dans une d�mocratie que la libert� d’expression soit aussi fr�quemment sanctionn�e par de si lourdes peines privatives de libert�, qui devraient �tre r�serv�es aux cas les plus graves et encore, uniquement en cas de r�cidive.

176.  En ce qui concerne les modifications l�gislatives intervenues depuis octobre 2001, les co-rapporteurs se limiteront dans ce rapport � mentionner les plus embl�matiques, qui concernent des articles de loi fr�quemment mis en cause par les arr�ts de la Cour europ�enne des droits de l’homme et ne traiteront pas ici, faute de temps, des diverses modifications apport�es � la loi sur la presse et la t�l�vision[74].

177.  L’article 159 du Code p�nal (r�primant les injures et outrages aux corps constitu�s et au concept de � Turkishness �[75]) a �t� modifi� par la loi n� 4744 du 6 f�vrier 2002 (1er paquet): la peine maximale pour ce genre d’insultes a �t� ramen�e de 6 ans � 3 ans de prison (mais le minimum restait � 1 an). Ceux qui insultent ouvertement les lois ou les d�cisions du parlement encourent toujours de 15 jours � 6 mois de prison mais l’amende[76] a �t� supprim�e.

178.  La loi du 3 ao�t 2002 (3�me paquet) a de nouveau modifi� l’article 159 en rempla�ant le mot �  publiquement � par le mot �  ouvertement �, ce qui d’apr�s les autorit�s turques, introduisait un �l�ment intentionnel pour que le d�lit soit constitu�. Le 7�me paquet de r�forme entr� en vigueur en ao�t 2003 a r�duit la peine minimale pour cette d’infraction de un an � six mois de prison, ce qui constitue un progr�s important. Un nouveau paragraphe a �galement �t� ajout� pr�cisant que l’expression de critiques, sans intention d’insulter ou de d�nigrer, ne serait pas punissable. Cet ajout semble quelque peu surprenant aux co-rapporteurs dans la mesure o� ils avaient cru comprendre que l’�l�ment intentionnel de l’infraction avait d�j� �t� introduit par le 3�me paquet. Ils sont �galement surpris du maintien de l’infraction d’outrage � la nation turque, laquelle, lorsqu’elle est commise par un Turc � l’�tranger, a pour cons�quence que la peine applicable peut �tre augment�e d’un tiers jusqu’� la moiti�.

179.  Les co-rapporteurs rappellent que d’apr�s la jurisprudence de la CEDH, les limites de la critique admissible sont plus larges � l’�gard du gouvernement[77] que d’un simple particulier ou m�me d’un homme politique et que la position dominante occup�e par les autorit�s leur commande de faire usage de retenue dans l’usage de la voie p�nale[78]. En cons�quence, les co-rapporteurs recommandent l’abolition pure et simple de l’article 159 du code p�nal turc ou � tout le moins, la suppression compl�te de peine privative de libert� et son remplacement par une amende.

180.  L’article 312 du Code p�nal, qui r�prime l’incitation � la haine entre les peuples a aussi �t� – l�g�rement – modifi� par la loi du 18 f�vrier 2002 : la peine peut toujours aller de 6 mois � 2 ans d’emprisonnement mais l’amende a disparu pour le d�lit consistant � parler ouvertement en faveur d’un crime ou �  inciter � d�sob�ir aux lois. La peine maximale reste fix�e � 3 ans pour incitation du public � la haine (suppression de l’amende l� aussi) mais le crit�re d’atteinte � l’ordre public a �t� rajout�. La peine minimale reste fix�e � un an de prison.

181.  L’article 7 � 2 de la loi anti-terreur de 1991 a aussi �t� modifi�, toujours par la loi du 18 f�vrier 2002 (1er paquet), puis ensuite par le 7�me paquet d’ao�t 2003 : l’assistance et la propagande en faveurs d’organisations interdites, mais uniquement lorsqu’elles pr�nent l’usage de m�thodes terroristes,restent passibles de 1 � 5 ans de prison et maintenant aussi d’une amende de 500 millions � 1 milliard de TL.

182.  En f�vrier 2002, avec le 1er paquet de r�formes, l’article 8 de la loi anti-terreur, qui vise la propagande s�paratiste par voie de presse, d’�crits, m�dias audiovisuels  ou de manifestations a �t� modifi� : il continuait de pr�voir de 1 � 3 ans de prison ainsi qu’une amende de 1 � 3 milliards de TL.  En revanche,  la peine ne pouvait �tre augment�e d’un tiers que si la propagande en question avait encourag� l’utilisation de m�thodes terroristes.  A peu pr�s les m�mes peines �taient applicables aux �diteurs et propri�taires de m�dias. Par contre l’interdiction d’�mettre n’�tait plus qu’au maximum de 7 jours (au lieu de 15 auparavant).

183.  Le 6�me  paquet[79] (loi n� 4928 du 19 juillet 2003) a finalement totalement abrog� l’article 8 de la loi anti-terreur. Toutes les enqu�tes pr�paratoires introduites en vertu de cet article seront conclues par une ordonnance de non-lieu. Les personnes d�tenues en vertu de cet article seront lib�r�es soit par le Procureur si elles n’ont pas encore �t� inculp�es soit par le tribunal comp�tent si des poursuites ont �t� engag�es. Les cons�quences des condamnations en vertu de cet article seront annul�es, que la peine soit ou non purg�e ou qu’elle ait ou non acquis l’autorit� de la chose jug�e. Toutes ces affaires, qu’elles soient ou non pendantes et ce � n’importe quel stade de la proc�dure, y compris au stade de l’ex�cution des peines, seront � traiter en priorit� par les tribunaux.

184.  Cette r�forme est tr�s importante, notamment parce qu’elle permettra sans doute de mettre fin au contr�le de l’ex�cution par le Comit� des Ministres des 17 arr�ts de la CEDH o� la Cour avait constat� une violation de l’article 10 de la Convention europ�enne des Droits de l’Homme.

185.  De l’avis de certains juristes, les modifications ci-dessus, � l’exception de l’abrogation pure et simple de l’article 8 de la loi anti-terreur, seraient purement cosm�tiques : il n’y a toujours pas d’excuse de bonne foi ni de crit�re clair concernant l’incitation � la violence et le quantum minimum des peines pr�vues reste excessif. Pour les co-rapporteurs, il convient d’attendre pour voir comment les nouvelles dispositions seront appliqu�es par les tribunaux. Le r�le de la Cour constitutionnelle sera important � cet �gard, suite, d’une part, � la modification du 5�me paragraphe du pr�ambule de la Constitution, qui ne mentionne plus que les activit�s contraires � l’int�r�t national et non plus les id�es et opinions et, d’autre part, � la modification de l’article 26 de la Constitution relatif � la libert� d’expression, qui a �t� compl�t� par une liste limitative d’exceptions possibles, sur le mod�le du paragraphe 2 de l’article 8 de la CEDH.

f.        La libert� d’association et de r�union

186.  La loi sur les associations[80], qui date de 1983, fait partie des 600 lois qui avaient �t� pass�es entre 1980 et 1983 par le conseil national de s�curit� sous l’emprise de l’�tat d’urgence et qui ne pouvait �tre attaqu�e par la voie du recours constitutionnel, en vertu de l’article 15 provisoire de la Constitution. Le paragraphe pertinent de cet article a �t� supprim� par la r�forme constitutionnelle d’octobre 2001, ce dont il faut se f�liciter. Il n’en demeure pas moins qu’elle porte l’empreinte de la conception s�curitaire qui pr�valait apr�s le coup d’Etat de 1980 et qu’elle doit compl�tement �tre revue, comme s’y est engag� le Premier ministre. Les co-rapporteurs ont en effet l’impression que les restrictions � la libert� d’association ont �t� partiellement assouplies mais qu’elles n’ont pas �t� lev�es et que les principes d’un contr�le strict de l’Etat restent d’actualit�.

          -        Cr�ation d’une association

187.  La loi de 1983 sur les associations contient de tr�s nombreuses restrictions � la libert� d’association. L'article 5 de la loi limite consid�rablement l'objet des associations qui ne peuvent avoir pour but, entre autres, de � porter atteinte � l'unit� indivisible de l'Etat et de la Nation
turcs � et de � promouvoir l'id�e qu'il existe des minorit�s en Turquie fond�e sur des diff�rences de classe, de race, de langue, de religion ou de r�gion ou de cr�er des minorit�s en prot�geant, promouvant, d�fendant ou r�pandant des langues ou cultures diff�rentes de la langue ou de la culture turque[81] �.

188.  Cette restriction a �t� partiellement lev�e par la loi du 9 avril 2002 (2�me paquet), puis par la loi du 11 janvier 2003 (4�me paquet), qui a reformul� l’article 5, notamment en y ajoutant les restrictions pr�vues � l’article 11 � 2 de la CEDH : dor�navant ne seront plus interdites que les associations qui visent � � cr�er des diff�rences de race, religion, secte, r�gion et des minorit�s et � porter atteinte � la structure unitaire de l’Etat �. Il semblerait donc qu’� l’avenir on puisse promouvoir au moins l’id�e qu’il existe des minorit�s en Turquie, avec des langues et des cultures diff�rentes. A noter qu’il reste interdit de diffamer ou de d�nigrer la personne, l’œuvre ou la m�moire d’Atat�rk.

189.  L’article 33 de la Constitution relatif � la libert� d’association a �t� modifi� le 17 octobre 2001. Le refus d’enregistrement des statuts d’une association, sa dissolution ou la suspension de ses activit�s rel�vent maintenant dans tous les cas d’un contr�le judiciaire : toute d�cision administrative en la mati�re devra �tre soumise � un juge dans les 24 heures et si le juge ne statue pas sous 48 h, elle sera automatiquement annul�e. Il s’agit l� d’un progr�s important qui devrait permettre le limiter l’arbitraire et le harc�lement dont les associations ont souvent fait l’objet par le pass�.

          -        Activit�s internationales

190.  Les articles 7, 11 et 12 de la loi restreignant les activit�s des associations turques � l’�tranger et interdisant les activit�s d’associations �trang�res en Turquie ont �t� annul�es par le les lois du 9 avril 2002 (2�me paquet) et du 9 ao�t 2002 (3�me paquet). Mais le nouvel article 11, adopt� en ao�t 2002, continue de pr�voir que les associations turques ne peuvent �tre membres d'autres organisations internationales ou participer � des activit�s internationales sans avoir au pr�alable obtenu une autorisation du Conseil des Ministres, saisi par le ministre de l'Int�rieur, et apr�s avis du ministre des Affaires �trang�res. Cette proc�dure a �t� simplifi�e mais pas supprim�e avec le 7�me paquet d’ao�t 2003 : dor�navant il n’y aura plus d’intervention du Conseil des ministres.

191.  A d�faut de permission, l'association pouvait �tre imm�diatement dissoute par le Conseil des Ministres sur demande du Ministre de l'Int�rieur, apr�s avis du Ministre des Affaires Etrang�res. Cette possibilit� de dissolution a disparu mais la permission peut �tre retir�e si l’association �trang�re, dont une association turque est membre ou avec laquelle elle coop�re, exerce des activit�s contraires aux lois turques et aux int�r�ts nationaux turcs. La m�me proc�dure s'impose, en vertu du nouvel article 12, aux associations dont le si�ge est � l'�tranger qui souhaitent ouvrir un bureau en Turquie.

192.  La loi adopt�e en ao�t 2002 pr�voit qu’une association �trang�re peut op�rer en Turquie � dans les cas o� une coop�ration internationale est jug�e utile en vue de b�n�ficier de sa comp�tence et de ses connaissances dans les domaines de la culture, de l’�conomie, des questions techniques, du sport et de la science �. Les co-rapporteurs ne sont pas s�rs que cette d�finition s’applique � Amnesty International, qui a obtenu l'autorisation de cr�er une section en Turquie en mars 2002, apr�s s'en �tre vue refuser l'autorisation � plusieurs reprises.

193.  Par contre, et il s’agit d’un progr�s notable, les associations qui souhaitent inviter en Turquie des membres d’associations �trang�res ou participer � des r�unions � l’�tranger n’ont plus l’obligation d’obtenir une autorisation pr�alable : en vertu de l’article 43 de la loi, tel qu’amend� en avril 2002 (2�me paquet), il suffit maintenant qu’elles en informent l’autorit� comp�tente au moins 7 jours � l’avance, en donnant adresse, date, lieu et but de la r�union et en fournissant la liste des participants.

194.  En vertu de l'article 60, les associations ne peuvent toujours pas recevoir de fonds �trangers (particuliers ou institutions) sans l'autorisation pr�alable du Ministre de l'Int�rieur.

195.  L'article 38, modifi� en avril 2002 (2�me paquet) limite toujours le champ d'activit� des associations d'�tudiants � leur strict domaine d'activit� (�ducation, enseignement, travail, alimentation, sant� physique et morale,…). Le 7�me paquet d’ao�t 2003 a de nouveau amend� l’article 38, permettant aux �tudiants de cr�er des associations ayant pour but l’art, la culture et le science. L’interdiction pour les fonctionnaires, pr�vue � l'article 39, de fonder des associations en dehors de leur strict domaine d'activit� a �t� lev�e par un amendement de la loi en ao�t 2002 (non produit par le gouvernement, qui indique que cet article a purement et simplement �t� abrog�)). Toutefois, les juges doivent obtenir au pr�alable l'autorisation du Ministre de la Justice, et les autres fonctionnaires celle du Premier Ministre.

-        Contr�le de l’activit� des associations

196.  L'article 6 interdisait l'utilisation de toute autre langue que le turc non seulement par �crit dans les statuts et les documents mais �galement oralement dans les r�unions priv�es des membres de l'association. Cette restriction a �t� lev�e par la loi du 11 janvier 2003(4�me paquet), les associations ayant dor�navant l'obligation d'utiliser la langue turque uniquement dans leurs travaux officiels.

197.  Jusqu’ici, en vertu de l'article 44, les autorit�s locales disposaient d'un v�ritable droit de censure puisque les associations �taient tenues de soumettre leurs interventions publiques, tracts ou autres publications, au Procureur et au repr�sentant du Gouverneur avant toute diffusion, laquelle ne pouvait avoir lieu dans la presse avant l'expiration d'un d�lai de 24 heures. Cette censure pr�alable a disparu avec le 4�me paquet du 11 janvier 2003 : les communiqu�s de presse, publications, tracts etc. pourront seulement �tre confisqu�s sur ordre de la plus haute autorit� administrative locale, qui devra en avertir le juge de 1�re instance dans les 24 h. Le juge devra statuer sur la d�cision de confiscation dans les 48h faute de quoi la d�cision administrative est automatiquement annul�e.

198.  A noter enfin que la loi du 11 janvier (4�me paquet) a modifi� les articles 45 et 46 sur le contr�le et l’inspection des associations en pr�voyant la cr�ation d’une direction des associations au sein du minist�re de l’Int�rieur. Le contr�le des activit�s des associations ne rel�vera donc plus, comme c’�tait le cas jusqu’� pr�sent, de la direction de la s�ret� du minist�re.

199.  Les quelques exemples ci-dessus de modifications apport�es par les paquets de r�forme successifs d�montrent, de l’avis des co-rapporteurs, qu’une refonte totale de la loi sur les associations – et des dispositions correspondantes figurant notamment dans le code civil - s’impose. La modifier au coup par coup et article par article nuit en effet � la coh�rence de l’ensemble et n�cessite ensuite des correctifs. En outre, n’ayant pu examiner la loi dans sa totalit�, les co-rapporteurs ne sont pas � m�me de s’assurer qu’elle est maintenant tout � fait en conformit� avec les standards europ�ens, notamment ceux de la CEDH. Ils invitent par cons�quent les autorit�s turques � soumettre la loi sur les associations dans son int�gralit� pour expertise du Conseil de l’Europe.

-        Libert� de r�union et de manifestation

200.  En ce qui concerne le droit � la libert� de r�union et de manifestation, les co-rapporteurs ont not� avec satisfaction que le 7�me paquet d’ao�t 2003 a apport� d’importants assouplissements � la loi n� 2911 du 6 octobre 1983 : une manifestation ne pourra dor�navant plus �tre interdite ou report�e que s’il y a clairement et actuellement un danger que des infractions p�nales seront commises. En outre la dur�e maximale d’interdiction d’une manifestation ou de report de celle-ci a �t� r�duite et ne sera plus que d’un mois au maximum. Les co-rapporteurs aimeraient en revanche disposer d’informations suppl�mentaires sur la proc�dure d’autorisation pr�alable en vigueur et sur les �ventuels recours judiciaires disponibles pour contester une interdiction de manifester.

g.       La libert� de religion

-        Les minorit�s religieuses

201.  Les seules minorit�s reconnues comme telles en Turquie sont les minorit�s religieuses, auxquelles le trait� de Lausanne de 1923 accorda des droits sp�cifiques. 98% de la population en Turquie est de confession musulmane sunnite[82]. Les 2 % restants sont compos�s de chr�tiens orthodoxes, de juifs, de catholiques et de protestants. Les orthodoxes syriaques, les protestants, les Baha’is, et les chr�tiens maronites, bulgares, chald�ens, nestoriens et g�orgiens ne b�n�ficient pas du statut du trait� de Lausanne, r�serv� aux orthodoxes arm�niens et grecs et aux juifs. Il resterait moins de 100.000 chr�tiens en Turquie, divis�s en de nombreuses Eglises, sur une population de pr�s de 70 millions d'habitants. Les Arm�niens -- environ 60.000 personnes--, sont pour la plupart fid�les � l'Eglise apostolique d'Arm�nie dirig�e par le patriarche Mesrob Moutafian (Mesrob II) qui si�ge � Istanbul. Les autres sont catholiques romains ou orientaux sous la conduite d'un Catholicos si�geant � Beyrouth. L'Eglise arm�nienne compte une quarantaine d'�glises et des �coles soumises au contr�le de l'Etat. Les juifs sont tr�s peu nombreux (environ 25 000).

202.  L'Eglise orthodoxe grecque compte quelque 3 000 fid�les vivant surtout � Istanbul, o� ils �taient plusieurs centaines de milliers au d�but du si�cle.  Leur patriarche Bartholom�e Ier est le chef spirituel de tous les orthodoxes d'Europe occidentale. Il est citoyen turc et son �lection est soumise � l'approbation de l'Etat turc, mais ses relations ne sont pas toujours faciles avec les autorit�s qui se m�fient de son r�le international et rejettent son titre oecum�nique. Il a notamment d�plor� l'absence de progr�s concernant la r�ouverture de la facult� de th�ologie de Heybeliada (Halki en grec), sur une des �les au large d'Istanbul, ferm�e en 1971.

203.  Le probl�me essentiel rencontr� par les minorit�s religieuses en Turquie �tait l’absence de personnalit� juridique et l’impossibilit� d’acqu�rir ou de vendre des biens immobiliers. D’apr�s le gouvernement ce probl�me est r�gl� depuis la modification de l’article 1 de la loi n� 2762 de 1935 sur les fondations, effectu�e par le 3�me paquet du 9 ao�t 2002 : dor�navant les communaut�s religieuses, m�me sans personnalit� juridique, pourront acqu�rir et vendre des biens immobiliers avec l’autorisation du Conseil des Ministres, � condition de faire enregistrer leurs biens existants dans un d�lai de six mois apr�s l’entr�e en vigueur de la loi, soit au plus tard le 9 f�vrier 2003.

204.  Ce d�lai s’av�ra trop court et le 4�me paquet du 11 janvier 2003, reprenant exactement le m�me texte qu’en ao�t 2002 (mais en rempla�ant la permission � obtenir du Conseil des ministres par celle de la direction g�n�rale des fondations, organisme rattach� au Premier ministre) ajouta qu’un d�cret d’application minist�riel viendrait pr�ciser les modalit�s de mise en œuvre de cet article. Le d�cret en question fut publi� le 24 janvier 2003, mais le d�lai fix� pour faire enregistrer les biens immobiliers existants restait fix� au 9 f�vrier 2003 et se r�v�la donc impossible � respecter. C’est pourquoi le 6�me paquet du 19 juillet 2003 ajouta un article provisoire � la loi sur les fondations pr�voyant que l’enregistrement devait �tre effectu� dans un d�lai de 18 mois � compter de l’entr�e en vigueur de la loi. Au 1er d�cembre 2003, pr�s de 2000 demandes �manant d’environ 116 fondations ont d�j� �t� d�pos�es aupr�s de la direction g�n�rale des fondations.

205.  Les co-rapporteurs ne disposent pas d’information sur les difficult�s �ventuelles de mise en œuvre de ce d�cret mais l’absence de personnalit� juridique des Eglises ou communaut�s religieuses leur semble pr�occupante[83].

206.  Il leur semble tout aussi pr�occupant que, plus de deux ans et demi apr�s la conclusion d’un r�glement amiable devant la Cour, les autorit�s turques n’aient toujours pas trouv� le moyen d’ex�cuter les termes de l’accord auquel elles �taient parvenues dans l’affaire de l’Institut des pr�tres fran�ais (arr�t du 14 d�cembre 2000). Ainsi que le relevait le pr�sident du Comit� des Ministres dans une lettre adress�e au ministre turc des Affaires �trang�res en juin 2003, cette situation est sans pr�c�dent. Les co-rapporteurs esp�rent que la d�cision du Conseil d’Etat du 30 d�cembre 2003 permettra de d�bloquer la situation dans les plus brefs d�lais.

207.  A noter �galement que le 6�me paquet de juillet 2003 a modifi� la loi n� 3194 de 1985 de la loi sur la construction, qui ne visait que la construction de mosqu�es. Le terme � mosqu�e � a �t� remplac� par le terme plus g�n�ral de � lieu de culte �, et l’autorisation du mufti local n’est plus n�cessaire, ce qui permettra aux communaut�s religieuses non musulmanes de demander �galement des permis de construire.

          -        Le respect de la la�cit�

208.  La Turquie est le seul Etat musulman la�c. Cette la�cit� a �t� voulue et impos�e par Atat�rk et constitue l’un des principes fondateurs de la Turquie moderne. L’article 174 de la Constitution indique encore aujourd’hui qu’aucune disposition de la Constitution ne permet d’all�guer l’inconstitutionnalit� des huit lois de r�forme pass�es entre 1924 et 1934. Ces lois visaient, entre autres, � supprimer les habits et couvre-chefs traditionnels, y compris le voile pour les femmes, � interdire les derviches, � introduire l’alphabet latin, � abolir les titres ottomans, � introduire un mariage civil obligatoire et � unifier le syst�me d’enseignement. Il n’est pas exag�r� de dire que ce faisant, Atat�rk imposa ainsi, quasiment du jour au lendemain, une transformation radicale � une soci�t� o� traditionnellement le pouvoir religieux et le pouvoir politique se confondaient.

209.  Les co-rapporteurs observent cependant que ce concept de la�cit� n’a rien � voir avec la s�paration de l’Eglise et de l’Etat, telle qu’elle est pratiqu�e en France depuis la loi de 1905, qui implique notamment que la France ne reconna�t ni ne subventionne aucun culte. Il n’y a pas d’Eglise dans la religion musulmane, ni de clerg�, ni d’autorit� eccl�siastique : il y a une communaut� de croyants. Les 72 000 imams en Turquie sont des fonctionnaires, pay�s et form�s par la direction des affaires religieuses (DIYANET) et dans cette mesure, on pourrait dire que l’islam est une religion d’Etat. La�cit� en Turquie signifie rel�gation de la religion au niveau de la sph�re priv�e et interdiction d’appliquer les lois coraniques dans la vie sociale et politique.

210.  D’o� la crispation des autorit�s vis-�-vis de tout  fondamentalisme, qui est per�u comme un danger pour l’existence de la R�publique. Les co-rapporteurs esp�rent que les attentats d’Istanbul des 15 et 20 novembre 2003, dirig�s contre deux synagogues et contre le consulat et une banque britanniques, qui ont �t� revendiqu�s par un obscur groupe islamiste turc, le Front des combattants du Grand Orient, ne renforceront pas ces craintes..

211.  Les co-rapporteurs ont en revanche eu du mal � comprendre la pol�mique autour du port en public du foulard islamique par les femmes, alors que les femmes rencontrent bien d’autres probl�mes dans la soci�t� turque. Il leur semble excessif de renvoyer pour ce motif des �tudiantes ou de leur interdire de passer des examens. Mais ils comprennent la crainte des femmes qui veulent pouvoir porter un foulard si elles le souhaitent mais ne veulent pas qu’on le leur impose. Pour elles, l’interdiction compl�te du foulard est une garantie. Quoi qu’il en soit, la CEDH est saisie de deux affaires de ce genre et tranchera.

212.  Toute proposition de r�introduction de la charia par contre inqui�te � juste titre les autorit�s, parce qu’elle contient des principes et des r�gles qui sont contraires aux droits de l’homme et incompatibles avec une soci�t� d�mocratique, ainsi que la Cour europ�enne des Droits  de l’Homme l’a rappel� dans son arr�t relatif � la dissolution du parti Refah.

iv.        La question kurde

213.  Le conflit entre 1984 et 1999 a fait pr�s de 35 000 morts, dont pr�s de 5 000 civils, et a laiss� de profondes traces dans le pays. Il est certain que le conflit et la mani�re dont il a �t� g�r� par la Turquie ont retard� son entr�e dans l’Union europ�enne, sans parler des cons�quences �conomiques et sociales qu’il a entra�n�es pour la r�gion comme pour la Turquie dans son ensemble. Les Kurdes ne sont pas la seule minorit� en Turquie mais ils sont particuli�rement nombreux : 10 � 12 millions de personnes, selon les estimations[84].  Cette circonstance et le fait que de multiples violations des droits de l’homme ont eu lieu dans cette r�gion ont conduit les co-rapporteurs � se rendre dans l’est et le sud-est de la Turquie plut�t que dans le nord ou le sud.

214.  Lors de leur deuxi�me visite (24-28 mai 2003), les co-rapporteurs sont all�s � Diyarbakir et � Bing�l, qui venait de subir le 1er mai un terrible tremblement de terre qui causa la mort de pr�s de 200 personnes, dont 80 enfants �cras�s sous les d�combres de leur pensionnat. Les co-rapporteurs se sont �galement rendus dans la petite ville de Lice, qui avait �t� le th��tre, en octobre 1993, de tr�s violents affrontements entre le PKK et les forces de s�curit� au cours desquels 16 personnes (dont le g�n�ral de gendarmerie de Diyarbakir) avaient �t� tu�es et 19 bless�es. La ville fut quasiment d�truite : plus de 400 magasins et plus de 600 maisons furent partiellement ou totalement endommag�s[85].

215.  De nombreuses violations des droits de l’homme ont �t� commises par les membres du PKK mais les moyens de lutte anti-terroriste mis en œuvre par les forces de s�curit� pendant cette p�riode ont donn� lieu � de graves abus, tels que tortures, arrestations arbitraires, disparitions et destruction de villages et de r�coltes, qui ont �t� sanctionn�s par la Cour europ�enne des Droits de l’Homme. La strat�gie des autorit�s consistant � armer des � gardes de village � kurdes a sans doute �t� militairement payante pour tenter de briser le soutien -au moins passif- de la population aux activit�s du PKK mais elle a plac� la population civile face � un choix corn�lien : soit elle acceptait d’assurer la s�curit� pour le compte des autorit�s, avec des sanctions en cas de refus, y compris des destructions de villages et de r�coltes, soit elle passait pour tra�tre aux yeux du PKK et encourait, l� aussi, des repr�sailles.

216.  Toutefois, suite � la capture du leader du PKK, Abdullah ��alan, au Kenya en f�vrier 1999, le PKK se trouva d�capit� et d�cida de cesser la lutte arm�e en septembre 1999. Elle n’a, heureusement, pas repris depuis, sauf quelques incidents isol�s, m�me si un certain nombre de combattants du PKK[86] se sont retranch�s dans les montagnes, notamment au nord de l’Irak. Tous les interlocuteurs rencontr�s par les co-rapporteurs dans l’Est et le Sud-Est ont indiqu� que la situation s’�tait consid�rablement am�lior�e depuis la fin des hostilit�s en 1999 et que la lev�e de l’�tat d’urgence allait encore y contribuer.

a.       La lev�e  de l’�tat d’urgence

217.  Les co-rapporteurs ont �t� soulag�sd’apprendre que l’�tat d’urgence avait enfin �t� lev� dans les provinces de Hakkari et Tunceli au 30 juillet 2002 et qu’il l’a �t� au 30 novembre 2002 dans les deux derni�res encore soumises � l’�tat d’urgence, � savoir Diyarbakir et Sirnak. Mais il y a encore des barrages routiers et des points de contr�le de la Jandarma, comme les co-rapporteurs ont pu le constater lorsqu’ils se sont rendus de Diyarbakir � Bing�l au mois de mai 2003.

218.  Par ailleurs, depuis le d�but des ann�es 1990, la Turquie avait notifi� au Conseil de l’Europe des d�rogations en vertu de l’article 15 de la CEDH concernant les garanties offertes par l’article 5 de la Convention en mati�re d’arrestation et de d�tention. La derni�re d�rogation a �t� retir�e le 29 janvier 2002, ce qui est �galement tr�s positif. Les co-rapporteurs notent enfin qu’� aucun moment de la crise irakienne, il n’a �t� propos� de restaurer l’�tat d’urgence dans les provinces de l’Est et du  Sud-Est.

b.       La loi sur la r�int�gration dans la soci�t�  du 29 juillet 2003

219.  Les co-rapporteurs sont conscients du fait que la question kurde demeure tr�s sensible en Turquie mais, plus de 4 ans apr�s l’abandon de la lutte arm�e par le PKK, il leur semble qu’il est temps de songer � la r�conciliation. Le ministre turc de l'Int�rieur, Abdulkadir Aksu, a propos� le 26 juin 2003 des mesures d'amnistie notamment aux militants kurdes. La loi adopt�e dans la foul�e par la TBMM et qui est entr�e en vigueur le 6 ao�t 2003[87], envisage le pardon pour ceux qui se rendent et qui n'ont pas commis de crimes de sang et des r�ductions de peine pour les autres, � condition qu'ils donnent des informations sur leur organisation. Les dirigeants sont exclus de toute offre d'amnistie. La loi �tait valable pendant six mois et au 6 f�vrier 2004, environ 3000 personnes, la plupart d�tenues dans les prisons turques, ont demand� � en b�n�ficier. Il semblerait donc, que pour l’instant, la loi n’ait pas atteint l’un de ses buts, qui �tait d’obtenir la reddition des Kurdes retranch�s dans le Nord de l’Irak : � peine 700 personnes se seraient ainsi rendues aux autorit�s.

220.  L'offre du gouvernement, la huiti�me du genre, a �t� d�nonc�e comme contre-productive par Tuncer Bakirhan, le dirigeant du Parti d�mocratique du peuple (Dehap), le principal parti pro-kurde en Turquie, qui r�clame une amnistie g�n�rale.  Une p�tition en ce sens totalisant un million de signatures a �t� remise � la TBMM en juin et un certain nombre de manifestations, souvent organis�es par des associations de femmes, ont �galement eu lieu en mai et en juin et ont �t� dispers�es, violemment para�t-il, par la police.

221.  Les co-rapporteurs ont �galement appris que le KADEK a d�cr�t� le 1er septembre 2003 la fin du cessez le feu appliqu� depuis 1999 et mena�ait de reprendre la lutte arm�e si le gouvernement n’entamait pas des n�gociations politiques en vue d’une amnistie g�n�rale. Ils condamnent fermement cette menace qui n’est pas de nature � favoriser une r�conciliation que tout le monde appelle de ses vœux. Les co-rapporteurs estiment que les r�gles d’un �tat de droit doivent �tre respect�es par tout le monde, y compris par les Kurdes, qui ne sauraient revendiquer une participation � la vie d�mocratique du pays tout en continuant de pr�ner l’usage de la violence et du terrorisme.

222.  Il est sans doute encore trop t�t pour envisager sans autre condition une amnistie g�n�rale, notamment pour tous ceux qui ont commis des crimes de sang.Mais la loi sur la r�int�gration a au moins le m�rite d’offrir une porte de sortie � tous ceux qui aspirent � revenir au pays pour y reprendre une vie normale. Elle ne suffira pas � cr�er le climat de confiance dont pourtant la Turquie et ses habitants ont grandement besoin. Il est �vident que 15 ans de conflit arm� ont caus� de part et d’autre des blessures profondes qui ne s’effaceront pas facilement.

223.  Les co-rapporteurs se demandent s’il ne faudrait pas envisager � terme la cr�ation d’une commission de r�conciliation, qui pourrait d�buter par un forum de discussion o�, patiemment et dans la plus grande objectivit� possible, les faits soient d’abord �tablis, puis �tudi�s et discut�s. Il s’agit de mettre � jour et de faire accepter, de part et d’autre, les raisons qui ont conduit � un conflit aussi meurtrier, de reconna�tre les responsabilit�s des uns et des autres et ensuite de d�gager des solutions pour surmonter les haines et les animosit�s accumul�es et r�soudre les probl�mes, chemin qui passera n�cessairement par le d�veloppement �conomique de la r�gion (voir infra).

c.       Document sans titre

224.  Abdullah �calan, qui a admis �tre le fondateur et le leader du PKK, est d�tenu depuis f�vrier 1999 sur l’�le prison d’Imrali. Il avait �t� condamn� � la peine capitale le 29 juin 1999 par la Cour de s�ret� de l’Etat d’Ankara, apr�s que, le 18 juin, la TBMM eut modifi� l’article 143 de la Constitution pour exclure les magistrats militaires de la composition des cours de s�ret� de l’Etat. Si l’abolition de la peine de mort a tant tard� � �tre vot�e par le parlement, alors qu’aucune ex�cution n’est plus intervenue depuis 1984, c’est incontestablement � cause du cas ��alan : une grande partie de la population comme de la classe politique ne pouvait tout simplement pas admettre qu’il puisse �chapper � un ch�timent m�rit�.

225.  L’abolition de la peine de mort s’est faite en deux temps : en octobre 2001, l’article 38 de la Constitution fut modifi� dans le sens que la peine capitale ne pourrait plus �tre prononc�e ni ex�cut�e sauf en temps de guerre ou de danger imminent de guerre, ou en cas d’actes terroristes, ce qui excluait ��alan. Cette restriction a �t� abolie par le parlement lors de l’adoption du 5�me  paquet de r�formes d’ao�t 2002 et la peine capitale d’��alan a �t� commu�e en d�tention criminelle � perp�tuit� par d�cision de la Cour de s�ret� de l’Etat du 3 octobre 2002, sans aucune possibilit� toutefois de lib�ration conditionnelle[88] ou de remise de peine. Il purgera donc sa peine jusqu’� sa mort.

226.  Le 12 mars 2003, la Cour europ�enne, dans un arr�t de chambre, a jug� que lors de la garde � vue et du proc�s devant la Cour de s�ret� de l’Etat, M. ��alan avait �t� victime de violations des articles 3, 5 et 6 de la CEDH. Tant le requ�rant que le gouvernement ont ensuite demand� le renvoi de cette affaire devant la Grande Chambre, ce qui a �t� accept� le 11 juillet 2003. En l’absence d’une d�cision d�finitive, les co-rapporteurs s’abstiendront donc de tout commentaire.

227.  En revanche, ils souhaitent mentionner le probl�me des conditions de d�tention du plus c�l�bre prisonnier de Turquie : lors de leur visite en f�vrier 2003, ils ont en effet �t� inform�s que M. ��alan, d�tenu � l’isolement depuis 1999, n’avait plus re�u la visite de ses avocats et de sa famille (limit�e � ses fr�res et sœurs) depuis le 27 novembre 2002. Les autorit�s ont fait �tat des mauvaises conditions climatiques qui emp�cheraient le bateau de prendre la mer et ont indiqu� que le CPT venait de se rendre � Imrali (les 16 et 17 f�vrier). La visite du CPT avait �t� d�clench�e � la suite de plusieurs rapports d'apr�s lesquels proches et avocats d'Abdullah ��alan �taient confront�s � de consid�rables difficult�s d'acc�s � l'�le d'Imrali pour lui rendre visite. La d�l�gation du CPT a r�examin� ses conditions de d�tention � la lumi�re des recommandations faites par le CPT apr�s ses pr�c�dentes visites � la prison d'Imrali (en mars 1999 et septembre 2001). Les co-rapporteurs esp�rent vivement que les recommandations du CPT, contenues dans un rapport publi� le 25 f�vrier 2004, avec les observations du Gouvernement, continueront d’�tre syst�matiquement prises en compte par les autorit�s.

d.       La r�vision des proc�s Zana et autres

228.  Dans sa R�solution 1256 (2001), l’Assembl�e demandait � la Turquie, dans l’attente d’un arr�t de la Cour europ�enne des Droits de l’Homme dans l’affaire de Mme Leyla Zana et autres, d’examiner ou, �ventuellement, de cr�er les possibilit�s juridiques permettant de r�viser les proc�dures de poursuites et les peines prononc�es ensuite � l’encontre des anciens d�put�s du DEP emprisonn�s depuis lors.

229.  L’arr�t Sadak et autres (dont Mme Zana et MM. Dicle et Dogan) a �t� rendu le 17 juillet 2001 : la Cour a jug� que les quatre parlementaires en question n’avaient pas b�n�fici� d’un proc�s �quitable, notamment parce qu’ils n’avaient pu obtenir la convocation de certains t�moins � charge et parce qu’en derni�re minute, les faits de trahison contre l’int�grit� de l’Etat reproch�s aux quatre parlementaires sous l’angle de l’article 125 du Code p�nal furent re-qualifi�s en appartenance � bande arm�e (article 168 du Code p�nal), sans qu’ils aient eu la possibilit� d’adapter leur d�fense en cons�quence. Ils purgent actuellement la peine de 15 ans  de prison qui leur a �t� inflig�e et sont en principe lib�rables en 2005.

230.  Face � l’indignation g�n�rale suscit�e par cette condamnation et aux demandes insistantes d’organiser une r�vision de ce proc�s, la TBMM, dans le cadre du 3�me  paquet de r�formes, adopt� le 3 ao�t 2002, modifia les codes de proc�dure civile et p�nale pour introduire une possibilit� de r�vision des proc�s suite � un arr�t de violation de la CEDH. Mais l’entr�e en vigueur de cette partie de la loi �tait fix�e � un an apr�s la promulgation, soit au 2 ao�t 2003, et ne concernait que les requ�tes introduites devant la Cour apr�s l’entr�e en vigueur de la loi. Mme Leyla Zana et autres ne pouvaient donc en b�n�ficier.

231.  Le 23 janvier 2003, lors de l’adoption du 5�me paquet de r�formes par le parlement, la possibilit� de demander la r�vision d’un proc�s fut �tendue y compris aux affaires d�j� jug�es par la CEDH. Le d�lai pour introduire une demande de r�vision a �t� fix� � un an apr�s la date d’entr�e en vigueur de la loi, tant pour les affaires civiles que p�nales. Le 6�me paquet de juillet 2003 a �galement introduit, avec le m�me d�lai d’un an, une possibilit� de r�vision des proc�s administratifs. Pour les arr�ts d�finitifs rendus par la Cour apr�s la date d’entr�e en vigueur de la  loi, le d�lai d’un an pour demander la r�vision court � compter du prononc� de l’arr�t de la Cour.

232.  Les co-rapporteurs f�licitent les autorit�s turques pour cette importante r�forme, qui a permis notamment aux avocats de Mme Leyla Zana et autres de demander la r�ouverture du proc�s d�s le 4 f�vrier 2003. Dans cette affaire, la cour de s�ret� d’Ankara tient depuis le 28 mars 2003 des audiences mensuelles.. En revanche, les demandes de mise en libert� provisoire ont jusqu’� pr�sent toutes �t� rejet�es. Pour les co-rapporteurs, ces d�cisions de rejet sont d’autant plus incompr�hensibles et regrettables que Mme Zana comme les autres, d�tenus depuis plus de dix ans, sont lib�rables en juin 2005 et qu’il ne saurait �tre soutenu que les infractions pour lesquelles ils sont rejug�s constituent un grave danger pour l’ordre public, vu l’anciennet� des faits.

e.       L’octroi de droits culturels

233.  La grande majorit� des Kurdes ne se battent pas pour l’ind�pendance et ont accept� de vivre au sein de l’Etat turc. Mais ils veulent, � juste titre, obtenir la reconnaissance de leur existence en tant que groupe ethnique minoritaire et l’octroi d’une certaine autonomie culturelle et �conomique. Que la langue turque demeure la langue commune d’enseignement ne leur pose pas de probl�me[89] mais ils aimeraient que le kurde[90] puisse �galement �tre enseign�, au m�me titre que l’anglais ou l’allemand, dans les �coles, publiques ou priv�es. Enfin, l’interdiction totale de l’utilisation du kurde comme langue v�hiculaire, que ce soit dans les relations avec l’administration, dans la vie culturelle ou politique[91], l’interdiction de l’utilisation du kurde dans la presse ou la t�l�vision leur semble une n�gation de leur identit�.

234.  Les autorit�s turques ont expliqu� aux co-rapporteurs que les Kurdes jouissent, comme tous les autres citoyens turcs, des droits civils et politiques et qu’ils ne font l’objet d’aucune discrimination, notamment pour ce qui est de l’acc�s � la fonction publique ou aux fonctions �lectives (il y aurait plus de 200 parlementaires d’origine kurde � la TBMM). L’id�e qu’on puisse revendiquer, en tant que minorit� nationale, des droits suppl�mentaires � ceux garantis � tous les autres citoyens leur semble relever d’un s�paratisme dangereux pour l’unit� de la nation. La Turquie n’a donc ni sign� ni ratifi� la convention cadre pour la protection des minorit�s nationales ni la Charte europ�enne des langues r�gionales et minoritaires et n’envisage de le faire, le cas �ch�ant , que lorsque d’autre grands Etats europ�ens s’y seront r�solus.

235.  Quatre ann�es apr�s la fin du conflit, les autorit�s turques semblent enfin admettre que la question kurde ne se r�soudra pas seulement par les armes et la r�pression. Le gouvernement pr�c�dent a eu le courage initial de proposer et de faire adopter des r�formes, qui sont certes encore modestes et n�cessiteront du temps pour passer dans les faits, mais qui ont le m�rite incontestable de mettre fin � la n�gation compl�te du probl�me kurde.

-        Les �missions de radio et t�l�vision dans une langue autre que le turc

236.  Le paragraphe 3 de l’article 26 de la Constitution, qui restreignait l’usage de langues interdites par la loi, a �t� supprim� lors de la r�vision constitutionnelle d’octobre 2001. Le 3�me paquet de r�forme du 9 ao�t 2002 a modifi� l’article 4 de la loi de 1994 sur la radiodiffusion pour introduire une disposition autorisant des �missions de radio et de t�l�vision � dans les diff�rentes langues et dialectes utilis�s traditionnellement par les Turcs dans leur vie quotidienne�. Le d�cret d’application paru le 18 d�cembre 2002 pr�voyait toutefois que les �missions de radio et de t�l�vision �taient limit�es � quatre heures et deux heures par semaine respectivement, qu’elles devaient �tre traduites ou sous-titr�es en turc et qu’elles ne pouvaient concerner que des programmes culturels, musicaux ou d’information. Le d�cret ne pr�voyait que des �missions de la radio et de la t�l�vision publiques. Cette loi n’a pas �t� suivie d’effet car la RT�K a saisi la Cour  constitutionnelle d’un recours, dont l’examen est  toujours pendant. Il n’y a donc toujours pas officiellement d’�missions en kurde mais les co-rapporteurs ont �t� inform�s, lors de leur visite � Diyarbakir, que la population, au moins celle qui a les moyens de s’acheter un t�l�viseur, regarde une cha�ne, Medya TV, qui est retransmise par satellite depuis la Belgique et que les autorit�s n’ont pas r�ussi � interdire.

237.  Le 6�me  paquet du 19 juillet a de nouveau modifi� l’article 4 de la loi de 1994 et pr�voit dor�navant que des cha�nes de radio ou de t�l�vision priv�es peuvent �galement diffuser des programmes dans une langue autre que le turc. Le d�cret d’application pr�par� par la RT�K le 8 novembre 2003, apr�s examen en Conseil des Ministres, a �t� publi� le 25 janvier 2004. De l’avis des co-rapporteurs, il faudra attendre de voir comment la situation �voluera concr�tement. Certaines cha�nes de t�l�vision priv�es, comme par exemple NTV, jugeront sans doute que des �missions en kurde ne sont pas rentables �conomiquement. En tout cas, la lib�ralisation intervenue est un grand progr�s.

-        L’enseignement d’autres langues que le turc

238.  La deuxi�me r�forme majeure concerne le droit � l’enseignement des langues autres que le turc. Le 3�me paquet de r�forme du 9 ao�t 2002 a modifi� l’article 2 de la loi n� 2923 sur l’enseignement des langues �trang�res, qui, elle aussi, date de l’�poque du coup d’Etat puisque adopt�e le 14 octobre 1983. D�sormais, sous r�serve d’un d�cret d’application, des �coles priv�es pour enseigner les langues et dialectes utilis�s par les Turcs dans leur vie quotidienne pourront �tre ouvertes. Le d�cret d’application, paru le 20 septembre 2002, a suscit� des critiques notamment parce qu’il fallait cr�er de toutes pi�ces de nouvelles �coles, avoir un dipl�me et la nationalit� turque pour enseigner et parce que les cours �taient limit�s aux enfants ayant accompli leur scolarit� obligatoire, donc �g�s de plus de 15 ans.

239.  Une partie de ces critiques a fait l’objet d’un ajustement op�r� par le 7�me paquet de r�formes du 7 ao�t 2003 : l’article 2 de la loi a de nouveau �t� modifi� et pr�voit maintenant aussi la possibilit� d’enseigner les langues traditionnelles autres que le turc dans les �coles de langue existantes. Le d�cret d’application de cette loi, qui annule le pr�c�dent dat� de septembre 2002, a �t� publi� le 5 d�cembre 2003. L’article 8 de ce d�cret pr�voit maintenant que les enfants inscrits � l’�cole primaire ou dans le secondaire peuvent �galement participer � ces cours. Suite � ce d�cret, des cours de langues ont d�marr� � Batman, Sanliurfa et Van en janvier 2004.

240.  Pour les co-rapporteurs, ces nouvelles dispositions sont un pas dans la bonne direction, qu’il convient de saluer, comme l’ont fait tous les interlocuteurs rencontr�s dans le sud-est de la Turquie. Il faut toutefois �tre conscient que l’application effective de ces r�formes demandera du temps : il faudra cr�er des cursus universitaires pour former des professeurs susceptibles d’enseigner la langue ou les langues kurdes, ainsi que les autres langues minoritaires parl�es dans le pays. Or, � l’heure actuelle il n’y a pas en Turquie de professeur de langue kurde puisque le kurde �tait interdit jusqu’ici et que le d�cret d’application interdit le recrutement de professeurs �trangers. A terme, le kurde devrait aussi pouvoir �tre enseign� � l’�cole publique ou priv�e, avant l’�ge de 15 ans, comme l’est le breton, le basque ou l’alsacien en France.

-        L’utilisation des langues autres que le turc dans les relations avec l’administration

241.  Les co-rapporteurs estiment que l’utilisation de la langue kurde comme langue v�hiculaire dans les relations avec l’administration dans l’est et le sud-est de la Turquie est une question fondamentale qui d�passe de beaucoup les querelles sur l’identit� culturelle. En effet la combinaison de facteurs, comme l’exode rural, le sous- d�veloppement de la r�gion, la pauvret�, le r�le de la femme, le haut degr� de non scolarisation, notamment des jeunes filles, fait qu’un grand nombre de familles dont surtout les femmes et les enfants ne parlent pas le turc et sont de ce fait coup�s de toute communication avec le monde en-dehors de leur famille ou de leur village. Ils n’ont donc  pas acc�s aux informations les plus �l�mentaires et indispensables, telles que les r�gles d’hygi�ne ou d’alimentation, des questions de sant� publique, sans parler de leur participation � la vie sociale et politique du pays.

242.  Tout en comprenant le souci des gouvernements successifs de pr�server l’int�grit� du territoire et de respecter l’�galit� de tous les citoyens turcs, les co-rapporteurs estiment que la non- participation d’une partie importante de la population aux �chelons les plus �l�mentaires de la soci�t� constitue non seulement une violation des droits de l’homme, mais une menace plus grave pour la coh�sion du pays que le fait d’admettre la langue kurde comme langue v�hiculaire autoris�e. Ils recommandent donc aux autorit�s de faire un effort pour mettre des interpr�tes � la disposition de la population non turcophone de certaines r�gions de Turquie en vue de garantir l’acc�s � la justice, l’administration et les soins de sant� et d’aide sociale.

243.  Enfin, les co-rapporteurs f�licitent les autorit�s turques pour une autre r�forme importante, celle relative au choix du pr�nom des enfants par leurs parents : il semblerait qu’avec la modification de l’article 16 de la loi sur le recensement de 1972, op�r�e par le 6�me paquet de r�forme du 19 juillet 2003, seuls les pr�noms qui ne sont pas conformes � la morale ou offensent le public sont interdits. Les co-rapporteurs esp�rent que cette r�forme r�glera le probl�me des pr�noms kurdes, qui avaient fait par le pass� l’objet de multiples proc�dures, retardant l’enregistrement � l’�tat civil et contraignant les parents � choisir des pr�noms turcs. Les co-rapporteurs ont appris que l’enregistrement de certains pr�noms avait �t� refus� par les officiers d’�tat-civil au motif que ces pr�noms commencent par des lettres qui n’existent pas dans l’alphabet turc, comme x, w ou q, qui correspondent en outre � des sons inconnus dans la langue turque. Ils appellent les autorit�s � faire preuve de flexibilit� : la lettre w, � tout le moins, m�me si elle ne fait pas partie officiellement de l’alphabet turc, doit figurer sur tous les claviers d’ordinateurs turcs, faute de quoi il ne serait impossible d’acc�der � internet.

f.        Le retour des personnes d�plac�es

244.  Le conflit avec le PKK entre 1984 et 1999 a caus� le d�placement forc� d’environ 350 000 personnes dans le Sud-Est de la Turquie, chiffre fourni par les autorit�s, voire d’un million et demi de personnes, selon les ONG. La moiti� des 10-12 millions de Kurdes vit aujourd’hui en dehors du sud-est de la Turquie, la plupart sont venus grossir les bidons villes des grandes agglom�rations ou se sont repli�s sur Diyarbakir, dont la population a plus que doubl�, sans que les services de sant�, d’�ducation, de logement ou d’aide sociale n’aient �t� augment�s en proportion de mani�re significative.

245.  L’exode rural est un ph�nom�ne in�luctable, en Turquie comme ailleurs, mais les r�gions de l’est et le sud-est se sont en grande partie aussi d�peupl�es pour des raisons de s�curit�, d’une part, pour des raisons �conomiques d’autre part : il a �t� expliqu� aux co-rapporteurs que l’interdiction de faire pa�tre des troupeaux sur les hauts plateaux, soup�onn�s d’�tre des repaires du PKK, la premi�re guerre du Golfe qui a arr�t� net les trafics et les �changes avec l’Irak, enfin le sous–d�veloppement d’une r�gion o� personne n’a voulu investir compte tenu de l’ins�curit� sont tout autant � l’origine du d�placement de populations que les destructions de villages et les d�placements forc�s impos�s par les forces de s�curit�. Pour la plupart des ONG, l’am�lioration des conditions �conomiques et sociales est la condition sine qua non pour le retour de la population, qu’elle ait �t� d�plac�e de force ou qu’elle soit partie volontairement.

246.  Il est clair qu’un grand nombre de gens ne rentreront pas car ils auront refait leur vie ailleurs. Il faut noter que les gouvernements successifs n’auront pas fait grand-chose pour encourager le retour : le projet de loi sur l’indemnisation des personnes ayant subi des dommages et des d�g�ts pour � les actions des organisations terroristes et les mesures prises par l’Etat pour les combattre � vient tout juste d’�tre publi� le 19 janvier 2004 par le ministre de la Justice et n’est pas encore vot�, la loi sur la mise en œuvre de la responsabilit� extra d�lictuelle de l’Etat est d’application tr�s r�duite, enfin le programme de � retour au village � n’a toujours pas donn� les r�sultats escompt�s, faute d’une strat�gie, d’un financement[92] et d’un calendrier d’application transparents.

247.  Le �Village return and rehabilitation project� a �t� lanc� en 1994,  dans le cadre du GAP (South-eastern Anatolia project, essentiellement charg� des projets d’infrastructure tels que barrages etc), qui travaille sous l’autorit� du Premier ministre. Fin 2002, le ministre de l’Int�rieur, Abd�lkadir Aksu a annonc� qu’au total 58 513 personnes avaient b�n�fici� depuis juin 2002 du programme � retour au village � et le gouverneur de Diyarbakir a annonc� le 18 d�cembre 2002 qu’au total  48 villages et 58 hameaux avaient �t� mis � disposition dans le cadre de ce programme, m�me si, dans certaines villages (notamment dans les districts de Kulp et Dicle), l’autorisation de r�installation n’avait pu �tre donn�e, pour des raisons de s�curit�. Au total, d’apr�s les autorit�s turques, entre 2000 et fin juillet 2003, 91 829 personnes seraient retourn�es dans leurs villages, ce qui repr�sente plus de 25 % du nombre total de personnes d�plac�es.

248.  Le gouvernement a voulu saisr l’occasion de faire de l’am�nagement du territoire et a essay� de rationaliser l’implantation des nouveaux hameaux ou villages pour mieux distribuer des infra-structures tels qu’�coles ou dispensaires. Ces nouveaux villages ou hameaux sont toutefois pour certains boud�s par les villageois, qui ne voient pas pourquoi ils ne pourraient tout simplement pas rentrer chez eux. Enfin, le retour serait �galement rendu difficile dans certains cas par le maintien du syst�me de � gardes de villages �, des milices para-militaires kurdes que les autorit�s n’ont toujours pas d�sarm�es, et qui pour certaines, se seraient install�es dans les villages vid�s de leurs occupants pendant le conflit.

249.  Les co-rapporteurs se r�f�rent aux deux pr�c�dentes R�solutions[93] adopt�es par l’Assembl�e, en 1998 et 2001, concernant la situation humanitaire des r�fugi�s kurdes et des personnes d�plac�es dans le sud-est de la Turquie, dont les recommandations n’ont pas �t� suivies d’effets concrets et invitent les autorit�s turques � prendre dans les meilleurs d�lais les mesures n�cessaires pour favoriser le retour de ceux qui le souhaiteraient ou � pr�voir une juste indemnisation. Ils notent avec satisfaction que le Gouvernement envisage d’intensifier les contacts avec les bailleurs de fonds internationaux, notamment les Nations-Unies et la Banque mondiale et que la loi sur l’indemnisation est sur le point d’�tre adopt�e par la TBMM.

g.       L’�tat d’urgence �conomique

250.  Contrairement � la recommandation de l’Assembl�e de 2001, l’�tat �d’urgence �conomique� pour les provinces du Sud-Est n’a pas �t� mis en œuvre, notamment � cause de la grave crise �conomique qui a frapp� la Turquie en novembre 2000 puis f�vrier 2001. Les projets de d�veloppement de la r�gion, notamment la construction de grands barrages par le GAP, n’ont pas �t� accompagn�s suffisamment par des programmes de d�veloppement socio-�conomique. Il a �t� expliqu� aux co-rapporteurs que, sauf pour ce qui est de la r�gion de Gaziantep et dans une moindre mesure, celle de Bitlis, l’est et le sud-est souffraient toujours d’un sous-d�veloppement criant en mati�res d’infrastructures.

251.  A Diyarbakir, il y a 5 000 classes, il en faudrait 3 000 de plus pour pouvoir scolariser les enfants dans de bonnes conditions. Deux nouveaux centres de soins ont �t� ouverts r�cemment mais la capacit� d’accueil des h�pitaux est insuffisante, tout comme le nombre de m�decins. Une grave �pid�mie de grippe a par exemple touch� environ 100 000 enfants principalement dans le Sud-est de la Turquie en d�cembre 2003 et l’h�pital de Diyarbakir a eu �norm�ment de mal � faire face aux 2 000 demandes d’admission journali�res. L’acc�s aux soins n’est pas vraiment garanti malgr� l’existence d’une carte verte assurant –th�oriquement-la gratuit� des soins aux plus d�munis et la loi n� 224 de 1963 sur les services m�dicaux n’est pas appliqu�e.

252.  Enfin, il y a un manque criant de logements et les cr�dits manquent pour en construire. A Lice, par exemple, qui avait �t� d�truite compl�tement par un tremblement de terre en 1975, on vit toujours pour l’essentiel dans des b�timents pr�fabriqu�s. La m�me chose risque de se produire � Bing�l suite au tremblement de terre de mai 2003. Il n’y a pas non plus de programmes d’aide sociale  et l’un des graves probl�mes � Diyarbakir est le ph�nom�ne des enfants de la rue, qui n’est pas encore trait� de mani�re satisfaisante.

253.  Les co-rapporteurs consid�rent que l’une des priorit�s absolues de la Turquie doit �tre de diminuer les �normes �carts de d�veloppement entre les diff�rentes r�gions du pays. L’est et le sud-est ne sont pas les seules r�gions concern�es mais les co-rapporteurs estiment qu’une redistribution des ressources s’impose comme un objectif en soi qui sera au b�n�fice de toute la soci�t� turque.

v.         Autres questions

a.       Les droits de la femme

254.  En Turquie, les femmes jouissent-en th�orie- d’un statut tout � fait enviable par rapport � la situation qui leur est faite dans d’autres pays musulmans : elles ont obtenu le droit de vote d�s 1935, ne sont plus oblig�es de porter le voile, peuvent conduire, sortir en public, exercer une profession et ont acc�s � l’�ducation, comme les hommes. Plus de 30% des personnes titulaires de dipl�mes universitaires sont des femmes  et plus de 30% des emplois qualifi�s aussi, mais cette situation n’est pas en corr�lation avec leur repr�sentation au niveau politique et d�cisionnel.

255.  En effet, comme dans certains autres pays europ�ens, les femmes sont tr�s largement sous repr�sent�es pour ce qui est de leur participation � la vie publique : seules 4,3%  d’entre elles ont �t� �lues � la TBMM lors des derni�res �lections[94]  en novembre 2002 (soit 24 d�put�es sur 550). Sur les 81 gouverneurs des provinces de Turquie, il n’y a pas une seule femme et il n’y a qu’un seul maire qui le soit. Dans le gouvernement, il n’y a qu’une seule femme.

256.  La Turquie arrive ainsi 140�me sur 179 pays pour ce qui est de la repr�sentation politique des femmes et l’arriv�e au pouvoir de Tansu Ciller, premi�re femme � acc�der au poste de premier ministre en Turquie en 1993, n’y a rien chang�.

257.  Il n’y a toujours pas de salaire �gal � travail �gal et la Turquie a �t� consid�r�e en violation de l’article 4 � 3 de la Charte sociale du Conseil de l’Europe sur ce point. En revanche certains progr�s notables ont �t� enregistr�s avec, d’une part, la r�forme constitutionnelle d’octobre 2001 (l’article 41 garantit maintenant l’�galit� entre �poux) et  la refonte compl�te du Code civil (qui datait de 1926) en novembre 2001[95]. Enfin une loi d’ao�t 2002 (voir infra, droits sociaux), pr�voit maintenant une protection contre le licenciement des femmes enceintes. Il ne semble pas y avoir en revanche de r�glementation sur le cong� de maternit�.

258.  Nonobstant ce qui pr�c�de, il semble aux co-rapporteurs qu’il y a en Turquie, en ce qui concerne les droits des femmes, un grand foss� entre la Turquie moderne et la Turquie traditionnelle, entre l’ouest et l’est. Il y a une diff�rence majeure entre les femmes et les jeunes filles qui habitent en ville et sont originaires des classes moyennes ou sup�rieures et qui mettent un foulard par coquetterie ou pour exprimer une revendication soci�tale ou religieuse et les femmes des milieux ruraux d�favoris�s, qui ne peuvent que subir les traditions qui leur sont impos�es en la mati�re.

259.  Les co-rapporteurs ont �t� choqu�s d’apprendre, lors de leur visite dans l’est et le sud-est de la Turquie (mais la situation est la m�me dans un certain nombre d’autres r�gions de Turquie, leur a-t-on assur�), que pr�s de 60 % des femmes[96] sont analphab�tes, que les mariages arrang�s, voire la polygamie[97], sont monnaie courante, que les crimes d’honneur continuent d’�tre tol�r�s par les autorit�s et que la violence domestique est un ph�nom�ne de soci�t� tout � fait admissible. Beaucoup de filles ne sont tout simplement pas envoy�es � l’�cole par leurs parents, certaines ne sont m�me pas d�clar�es � l’�tat civil � leur naissance parce que cela implique un d�placement et des frais ou parce les familles attendent pour les d�clarer qu’elles aient atteint l’�ge de trois ans et qu’elles aient surv�cu aux maladies infantiles.

260.  Pr�s de 95% des crimes d’honneur r�pertori�s sont commis dans l’est et le sud-est de la Turquie et le nombre de suicides des femmes -apparemment impos� comme alternative au meurtre par un membre de la famille ou pour �chapper � un mariage forc�- y est deux fois plus �lev� qu’ailleurs.Dans un Etat moderne, cette situation est intol�rable et ne saurait se justifier ni par les traditions socioculturelles ni par le sous-d�veloppement �conomique de telle ou telle r�gion. Il n’y a pas �galit� entre les citoyens, si un sexe est aussi d�favoris� que le sont les femmes dans certaines r�gions de Turquie.

261.  Les co-rapporteurs ont �t� horrifi�s par la description des cas de crimes d’honneur qui leur ont �t� rapport�s. Les autorit�s doivent faire preuve de la plus grande fermet� pour que cessent ces pratiques d’un autre �ge. Elles devraient soutenir financi�rement les associations telles que Ka-Der ou Ka-Mer qui tentent de soutenir les victimes, soit en leur apportant aide et conseil soit en ouvrant des refuges pour femmes battues ou en danger.

262.  Les co-rapporteurs estiment aussi qu’il est urgent de modifier les articles du code p�nal qui pr�voient des circonstances att�nuantes ou des r�ductions de peine en cas de crimes dits d’honneur et sugg�rent d’�tendre la d�finition du crime de viol, qui � l’heure actuelle n’est constitu� que s’il y a p�n�tration sexuelle, ce qui est contraire aux standards internationaux applicables en la mati�re. Le 6�me paquet de juillet 2003 a modifi� l’article 453 du code p�nal relatif � l’infanticide, qui pr�voyait de 4 � 8 ans de prison seulement lorsque qu’il s’agissait du meurtre d’un enfant ill�gitime tu� imm�diatement apr�s sa naissance. La peine a �t� port�e de 8 � 12 ans. Le 6�me paquet a �galement abrog� l’article 462 du code p�nal relatif aux r�ductions de peine en cas de crimes d’honneur, ce qui constitue un progr�s notable.

263.  En ce qui concerne les violences sexuelles ou menaces sexuelles inflig�es aux femmes pendant la garde � vue ou en d�tention, les autorit�s devraient faire preuve l� aussi d’une tol�rance z�ro. En outre, au moins jusqu’en 2001, les tests de virginit� ou les examens gyn�cologiques forc�s � l’issue de la garde � vue semblent avoir �t� monnaie courante, pour permettre notamment aux officiers de police de se prot�ger pr�ventivement contre une accusation �ventuelle de viol. Cette pratique a �t� condamn�e par la CEDH le 23 juillet 2003 (arr�t Y.F c. Turquie). Jusqu’en f�vrier 2002, des tests de virginit� �taient �galement effectu�s pour l’acc�s � certaines professions, comme la profession d’infirmi�re.

264.  Enfin, l’insuffisance patente de scolarisation des filles et l’illettrisme qui en est la cons�quence prive aussi les femmes dans certaines r�gions de Turquie d’acc�s aux soins de sant�, pour elles-m�mes et leurs enfants, d’acc�s au march� du travail et d’acc�s � l’�ducation. Il est regrettable, comme l’a dit le G�n�ral �zk�k, que les autorit�s turques n’aient m�me pas �t� en mesure de faire apprendre le turc aux populations de certaines r�gions de l’est et du sud-est mais l’interdiction du kurde comme langue v�hiculaire dans les relations avec l’administration prive les autorit�s turques d’un moyen important pour faire passer les messages relatifs par exemple � la sant� publique. L’ordre des m�decins de Diyarbakir a ainsi fait �tat des difficult�s rencontr�es pour faire passer les messages de m�decine pr�ventive (vaccination des enfants, planning familial, hygi�ne etc.) dans les campagnes, du fait que tous les documents d’information sont r�dig�s en turc seulement.

b.       La lutte contre la corruption

265.  La corruption est un mal end�mique en Turquie[98]. Certes, la Turquie s’est dot�e en 1996 d’une loi (n� 4208) sur le blanchiment et est membre du GAFI (Groupe d’Action Financi�re sur le blanchiment des capitaux) mais le classement 2003 de � Transparence Internationale � sur la corruption mondiale (fond� sur la perception du degr� de corruption ressenti par les milieux d’affaires, les universitaires et las analystes) classe toujours la Turquie au 77�me rang sur 133 pays (avec un indice de 3 sur 10). Il n’est donc pas �tonnant que la lutte contre la corruption ait constitu� l’un des grands th�mes de la campagne �lectorale men�e par l’AKP. Le nouveau gouvernement a promis de s�vir et a adopt� en janvier 2003 un plan d’action urgent pour lutter contre la corruption. Par ailleurs la TBMM a cr�� une commission d’enqu�te parlementaire sur le sujet. Elle a soumis un rapport pr�liminaire le 11 juillet 2003, dans laquelle elle estime que la corruption a caus� la perte d’environ 150 milliards de dollars � l’�conomie turque, dont 40 milliards suite � des faillites bancaires frauduleuses et 110 milliards suite � la corruption lors de la privatisation ou des proc�dures d’appel d’offres, notamment dans le secteur de l’�nergie. La Commission a propos� de renvoyer 23 anciens ministres impliqu�s devant la Haute Cour de justice et recommande, � titre de mesure conservatoire et sans attendre l’issue des proc�dures p�nales �ventuelles, de saisir les biens des dirigeants de banques incrimin�es. Enfin, le 9 novembre 2003, la TBMM a cr�� plusieurs commissions d’enqu�te visant notamment l’ancien premier ministre Mesut Yilmaz (chef du parti de la M�re Patrie) et cinq autres anciens ministres.

266.  Les co-rapporteurs soutiennent sans r�serve les efforts d�ploy�s par le gouvernement actuel, qui pourront utilement �tre soutenus par le Conseil de l’Europe suite � la ratification par la Turquie, le 17 septembre 2003, de la Convention civile sur la corruption de 1999, qu’elle avait sign�e deux ann�es auparavant. Avec la ratification de cette convention, la Turquie est devenue automatiquement membre du GRECO (Groupe d’Etats contre la corruption) � compter du 1er janvier 2004 et b�n�ficiera de ce fait des recommandations qui seront �mises par le GRECO dans le cadre de sa proc�dure de suivi des Etats membres. La convention p�nale sur la corruption, �galement sign�e par la Turquie en septembre 2001 devrait aussi �tre ratifi�e prochainement. Les co-rapporteurs recommandent �galement aux autorit�s turques de ratifier la  convention de 1990 du Conseil de l’Europe sur le blanchiment, sign�e en septembre 2001. Enfin, les co-rapporteurs recommandent de mettre en place rapidement les structures administratives n�cessaires, notamment la cr�ation d’un organisme de coordination sp�cialis� aupr�s du premier ministre, pour pouvoir mettre en œuvre sans tarder le programme de lutte contre la corruption �labor� avec les autorit�s turques en avril 2003, qui pourrait b�n�ficier d�s le premier trimestre 2004 d’une assistance importante du Conseil de l’Europe, par le biais d’un financement � hauteur de 5, 9 millions € sur deux ans assur� par l’Union europ�enne dans le cadre de ses programmes pr�-adh�sion.

c.       Les droits  sociaux

267.  Lors de leur premi�re visite en Turquie en f�vrier 2003, les co-rapporteurs ont eu l’occasion de rencontrer des associations patronales (T�SIAD ET M�SIAD) et des repr�sentants du syndicat DISK. Faute de temps, ils n’ont pu rencontrer des syndicats patronaux, comme le TISK, ou d’autres syndicats, tel que le HAK-IS ou le TURK-IS. Ils ont �t� surpris de constater avec quel espoir les travailleurs attendaient l’entr�e dans l’Union europ�enne. Il leur a �t� expliqu� qu’ils n’en attendaient pas seulement une augmentation de leur niveau de vie mais aussi une reconnaissance et un renforcement du r�le des syndicats.

268.  Certes, les syndicats font l’objet de restrictions de leur libert� d’association et de r�union  comme les autres ONG mais la situation est d’autant plus grave que leur objet est la d�fense et le d�veloppement des droits sociaux. Pour ce qui est des droits sociaux, il a �t� expliqu� aux co-rapporteurs qu’� peine 50% de la population b�n�ficie de la protection de la s�curit� sociale (34% en ville), que l’assurance ch�mage n’a �t� introduite qu’en avril 2002, que le travail au noir est tr�s r�pandu et que le salaire minimum �tait totalement insuffisant pour vivre[99]. Beaucoup de personnes, y compris des fonctionnaires ou des universitaires, doivent exercer deux m�tiers pour boucler leurs fins de mois.

269.  Si les co-rapporteurs insistent sur les restrictions des droits syndicaux en Turquie, c’est qu’ils ont eu l’impression, lors de leurs visites, que beaucoup de personnes ne participent pas � la vie d�mocratique et ne revendiquent m�me pas leurs droits parce qu’elles n’ont pas acc�s � l’enseignement, parce qu’elles n’ont pas acc�s aux soins de sant�, parce qu’elles ne disposent pas de revenu en cas de vieillesse, parce qu’elles n’ont pas de logement d�cent. Elles sont � ce point pr�occup�es de trouver les moyens de survivre qu’elles en deviennent indiff�rentes aux libert�s fondamentales.

270.  Or les co-rapporteurs sont convaincus que les syndicats ont un r�le fondamental � jouer pour la d�fense des droits sociaux de la population. Entraver l’action et la lutte des syndicats pour la juste d�fense des droits sociaux �quivaut � priver une partie de la population d’un outil pour am�liorer ses conditions de vie et de ce fait �tre � m�me de revendiquer les droits d�mocratiques.

271.  A cet �gard il convient de noter que, bien que la l�gislation reconnaisse la libert� syndicale, elle impose de nombreuses restrictions. Ainsi, les candidats � des fonctions syndicales doivent avoir travaill� pendant au moins dix ans dans le secteur repr�sent� par le syndicat. En outre, toute personne d�sireuse de s’affilier � un syndicat – comme d’ailleurs � toute autre association - doit faire certifier son adh�sion chez un notaire, contre paiement d’une somme non n�gligeable et les syndicats sont dans l’obligation de produire la liste compl�te de leurs adh�rents, avec noms et adresses, � premi�re r�quisition des autorit�s.

272.  Les syndicats doivent aussi obtenir une autorisation officielle pour organiser des r�unions ou des manifestations, tout en laissant la police y assister et enregistrer leurs d�bats, ce qui a fortement surpris les co-rapporteurs.

-        Le droit de gr�ve

273.  Les gr�ves de solidarit�, les gr�ves g�n�rales et les gr�ves perl�es sont interdites. Plusieurs sanctions sont pr�vues en cas de participation � des gr�ves ill�gales, et notamment une peine d’emprisonnement. Les gr�ves sont interdites dans de nombreux secteurs qui n’entrent pas dans la cat�gorie des services essentiels d�finis par l’OIT. Le droit de gr�ve est interdit dans les pompes fun�bres, l’administration des cimeti�res, les industries du gaz, du p�trole, de l�eau et de l’�lectricit�, les services des pompiers, le transport maritime, les chemins de fer et le transport public urbain, le secteur des banques et de la finance, les services de sant� et les services publics. La loi impose l’arbitrage obligatoire dans ces services. La loi sur les syndicats et employ�s du secteur public, adopt�e par le parlement en juin 2001, limite le droit � la n�gociation collective et le droit de gr�ve de tous les syndicats des employ�s de la fonction publique (plus de deux millions d’employ�s).

274.  A noter cependant que dans les zones franches d’exportation, la clause relative � l’interdiction pendant 10 ans de mener une action de gr�ve, de lock-out et de m�diation a �t� abrog�e dans le cadre des r�formes l�gislatives d’ao�t 2002.

-        La protection contre les licenciements

275.  La loi n� 4857 sur la s�curit� de l’emploi a �t� adopt�e en ao�t 2002 et constitue un progr�s notable. Dor�navant, les employeurs ne peuvent plus licencier sans raison valable des travailleurs dans des entreprises de plus de 10 salari�s et qui ont des contrats � dur�e ind�termin�e et travaillent depuis six mois dans l’entreprise. La loi sp�cifie que les cas suivants ne peuvent �tre consid�r�s comme des motifs valables pour licencier un employ� : �tre affili� � un syndicat ou participer � des activit�s syndicales ; �tre un repr�sentant des travailleurs ou briguer un poste en tant que repr�sentant des travailleurs; inciter ou participer � des proc�dures judiciaires contre un employeur pour infraction aux droits; motifs fond�s sur la race, la religion, le sexe, l’�tat civil, les obligations familiales, la grossesse, l’opinion politique, l’origine ethnique ou sociale; une absence temporaire du travail en raison d’un handicap ou d’une maladie.

276.  Selon les syndicats, la lacune la plus importante de cette loi est qu’elle ne couvre pas les lieux de travail o� il n’y a que dix employ�s ou moins, ce qui donne aux employeurs la possibilit� d’�chapper aux dispositions l�gales en employant moins de dix travailleurs dans l’entreprise, souvent en transf�rant la production � des sous-traitants ou en employant des travailleurs sous contrats � dur�e d�termin�e.

277.  Le pourcentage de lieux de travail en Turquie comptant moins de dix employ�s, �quivalait en 2000 � 25% de l’emploi total. L’emploi dans le secteur non structur� repr�sente 30 � 40% de l’emploi total et les infractions majeures aux droits des travailleurs se produisent pr�cis�ment dans ce secteur et dans les petites entreprises du secteur structur�. Les co-rapporteurs ont �t� inform�s que ce sont g�n�ralement les femmes et les enfants qui font les frais de cette absence de protection, m�me s’il semblerait que le travail des enfants de moins de 15 ans ait sensiblement baiss�, notamment depuis l’introduction de huit ann�es de scolarit� obligatoire.

278.  La loi sur le travail de 1936 a �t� amend�e en ao�t 2002, pour ajuster les dispositions en mati�re de s�curit� d’emploi aux conventions de l’OIT. La loi amend�e inscrit �galement les entreprises agricoles comptant moins de 50 travailleurs dans le cadre de la l�gislation nationale du travail qui devait entrer en vigueur au 15 mars 2003.

-        Restrictions � la n�gociation collective

279.  Le droit � la n�gociation collective est fortement restreint en Turquie. Pour �tre reconnu comme agent de n�gociation, un syndicat doit repr�senter plus de la moiti� des salari�s d�une entreprise et 10 pour cent de l’ensemble des salari�s du secteur. Lorsque l’entreprise est d�tenue par une holding, il faut pouvoir repr�senter 51% des salari�s des diff�rentes entreprises de la holding. Un seul syndicat par entreprise est autoris� � n�gocier collectivement. La proc�dure est � ce point longue et bureaucratique que, dans bien des cas, il est tr�s difficile d’user librement de ce droit, d’autant que l’employeur ou un syndicat concurrent peut contester devant les tribunaux le seuil des 51%. Les co-rapporteurs notent avec satisfaction que le Gouvernement envisage  d’abaisser les seuils mentionn�s ci-dessus.

280.  Les co-rapporteurs encouragent vivement la Turquie, qui a ratifi� la Charte sociale du Conseil de l’Europe  en 1989, � accepter les articles 5 (droit syndical) et 6 (droit de n�gociation collective) de la Charte sociale de 1961, qui font partie des 9 articles du noyau dur de la Charte[100] pour mettre en conformit� avec les normes du Conseil de l’Europe notamment les lois n�2821 sur les syndicats et n�2822 sur la n�gociation collective, qui datent de la p�riode du coup d’Etat de 1980.

281.  Les co-rapporteurs esp�rent que les r�formes envisag�es par le gouvernement permettront �galement � la Turquie d’accepter les autres articles qu’elle n’a pas ratifi�s, comme l’article 2 (droit � des conditions de travail �quitables), l’article 3 (droit � la s�curit� et l’hygi�ne dans le travail), l’article 15 (droit des personnes physiquement ou mentalement diminu�es � la formation professionnelle et � la r�adaptation) et surtout l’article 8 (droit des travailleuses � la protection, notamment droit � un cong� de maternit� et � la protection contre un licenciement en cas de grossesse).

282.  Enfin, il conviendrait �galement de ratifier dans un proche avenir la Charte sociale r�vis�e de 1996 et d’accepter le protocole de 1995 relatif au syst�me de r�clamations collectives.


Annexe I

R�sum� des modifications constitutionnelles du 17 octobre 2001

Ont �t� amend�s le pr�ambule de la Constitution, ainsi que les articles 13 (restriction aux droits fondamentaux : seulement pour des raisons sp�cifiques pr�vues par la Constitution et la loi ,suppression, notamment, de la r�f�rence � � l’int�grit� indivisible de l’Etat avec son territoire et sa nation �[101]),14 (introduction d’une clause d’interdiction de l’abus de droits fondamentaux, reprenant le texte de l’article 17 de la CEDH), 19(droit � la libert� et � la s�curit� : diminution de la garde � vue pour d�lits collectifs qui passe de 15 jours � 4 jours maximum, introduction d’un droit absolu � informer ses proches de son arrestation ou d�tention sans d�lai, droit � r�paration en cas de violation), 20 (protection de la vie priv�e, supprimant l’exception li�e aux n�cessit�s de l’enqu�te ou de l’instruction et ajoutant les exceptions g�n�rales pr�vues au � 2 de l’article 8 CEDH, ainsi que la n�cessit� d’avoir un ordre �crit pour toute ing�rence), 21 (protection de l’inviolabilit� du domicile, idem que pour l’article 20), 22 (libert� de communication, idem que pour les articles 20 et 21), 23 (libert� de r�sidence et de mouvement : il n’est plus possible de restreindre le droit du citoyen de quitter son pays en raison de la �  situation �conomique nationale �), 26 (libert� d’expression : suppression de l’interdiction d’utiliser une langue non autoris�e par la loi mais restrictions toujours possibles, si elles sont pr�vues par la loi, en vue d’assurer le respect � des caract�ristiques fondamentales de la R�publique et la protection de l’int�grit� indivisible de l’Etat avec son territoire et sa nation �), 28 (libert� de la presse : suppression de l’interdiction de publier dans une langue non autoris�e par la loi), 31 (droit d’utiliser des m�dias autres que la presse, ajout des cas  restrictifs sur le mod�le du � 2 de l’article 10 CEDH), 33 (libert� d’association, libell� sur le mod�le de l’art. 11 CEDH), 34 (libert� de r�union et de manifestation, sans autorisation pr�alable, suppression de l’interdiction de manifester pour les syndicats ou organisations professionnelles publiques), 36 � 1 (introduisant le droit � un proc�s �quitable comme un droit constitutionnel), 38 (abolition de la peine de mort sauf en temps de guerre et pour les crimes de terrorisme, 40 (� cet article sur la protection des droits fondamentaux est ajout� un 2�me �, obligeant l’Etat � pr�voir des voies de recours), 41 (protection de la famille maintenant bas�e sur l’�galit� entre �poux), 46 (expropriation), 49 (droit au travail, ajout d’une obligation de l’Etat de prot�ger aussi les ch�meurs et non plus seulement les travailleurs), 51 (droit de cr�er des syndicats sans d�claration pr�alable), 55 (droit � un  salaire minimum tenant compte des besoins vitaux des travailleurs, 65 (limitation des devoirs et �conomiques et sociaux de l’Etat), 66 (suppression de l’acquisition non automatique de la nationalit� turque lorsque le p�re est �tranger), 67 (droit de vote, �ligibilit� et activit�s politiques, pr�voyant une exception � l’interdiction du droit de vote impos�e aux personnes condamn�es p�nalement lorsqu’il s’agit d’une condamnation pour � n�gligence �), 69 (partis politiques, introduisant des crit�res pr�cis pour la d�termination de la question de savoir si un parti politique est devenu le �  centre d’ex�cution d’activit�s ill�gales � : il faut maintenant qu’il s’agisse d’actes individuels r�p�t�s ayant re�u une approbation des organes dirigeants, soit �  tacite � soit ouverte et la Cour constitutionnelle peut maintenant, outre la dissolution du parti, prononcer des sanctions moins s�v�res, telles que la suppression totale ou partielle des financement publics), 74 (droit de p�tition aupr�s du parlement et des autorit�s �tendu aux �trangers r�sidant en Turquie, sous r�serve de r�ciprocit�),  86 (droits sociaux, pensions et indemnit�s des membres du parlement), 87 (pr�voyant une majorit� des 3/5 pour tout vote par le parlement d’une loi d’amnistie ou de pardon), 89 (promulgation des lois par le Pr�sident, obligation de renvoyer devant le parlement les lois qui lui semblent partiellement ou totalement inadapt�es (unsuitable), 94 (acc�l�ration de la nomination du pr�sident du parlement, le d�lai passe de 10 jours � 5 jours), 100 ( proc�dure devant la commission d’enqu�te parlementaire contre le premier ministre ou des ministres, 118 (Conseil de S�curit� nationale, modification du libell� pour renforcer ou souligner le caract�re purement consultatif de cet organe) et 149 (proc�dure devant la Cour constitutionnelle : dor�navant la dissolution d’un parti ne peut plus �tre prononc�e que par une majorit� des 3/5, au lieu des 2/3 pr�vue avant).Enfin, il est maintenant possible d’attaquer par la voie du recours constitutionnel des actes ou des lois pris pendant la dictature militaire 1980-82 (suppression du dernier � de l’art. 15 provisoire).


Annexe II

Programme de la visite d’information en Turquie
17-21 f�vrier 2003

Co-rapporteurs : Mme Mady Delvaux-Stehres (Luxembourg, SOC)
  M. Luc van den Brande (Belgique, PPE/DC)
Secr�tariat : Mme Caroline Ravaud
Lundi 17 f�vrier 2003  
  Arriv�e des co-rapporteurs � Ankara
22.00 R�union avec l’Association des Droits de l’Homme de Turquie
  (M. H�sn� �nd�l, Pr�sident, et Mme Feray Salman, Secr�taire G�n�ral)
Mardi 18 f�vrier 2003  
08.00 Petit d�jeuner de travail avec le HCR (Haut Commissariat des NU pour les R�fugi�s) (Mme Gesche Karrenbrock, Repr�sentante, et M. Stephen Corliss, Repr�sentant adjoint) et le PNUD (Programme des NU pour le d�veloppement) (M. Alfredo Witschi-Cestari, coordinateur r�sident en Turquie, et Mme Claire van der Vlaeren, Repr�sentante r�sidente adjointe)
09.30 R�union avec les membres de la d�l�gation de la Turquie aupr�s de l’Assembl�e Parlementaire du Conseil de l’Europe
10.30 Entretien avec M. Mehmet Ali Sahin, Ministre d’Etat et Vice Premier Ministre
11.30 Entretien avec M. Inal Batu, Vice Pr�sident du Parti Populaire R�publicain (CHP)
12.30 D�jeuner � l’invitation de M. Murat Mercan, Pr�sident de la d�l�gation de la Turquie aupr�s de l’Assembl�e Parlementaire du Conseil de l’Europe
14.00 Entretien avec M. Cemil �i�ek, Ministre de la Justice
15.30 Entretien avec M. Yasar Yakis, Ministre des Affaires Etrang�res
17.00 Entretien avec M. Recep Tayyip Erdogan, Pr�sident du Parti pour la Justice et le D�veloppement (AKP)
19.00 Entretien avec Dr Ayhan Bilgen, Pr�sident de Mazlum-der (Organisation pour les Droits de l’Homme et la solidarit� avec les opprim�s)
20.00 D�ner � l’invitation de M. S.I.H. Gosses, Ambassadeur des Pays-Bas, avec les ambassadeurs de la Bulgarie, du Danemark, de la Pologne et de la Su�de
Mercredi 19 f�vrier 2003  
09.30 Entretien avec M. Mustafa Bumin, Pr�sident de la Cour Constitutionnelle
11.00 Entretien avec M. B�lent Arin�, Pr�sident de la Grande Assembl�e Nationale de la Turquie
12.15 Entretien avec le G�n�ral Tuncer Kilin�, Secr�taire G�n�ral du Conseil d’Etat � la S�curit�
13.30 D�jeuner � l’invitation de Mme G�ls�n Bilgehan, membre de la d�l�gation de la Turquie aupr�s de l’Assembl�e Parlementaire du Conseil de l’Europe
  (Maison Rose, In�n� Foundation)
15.00 Entretien avec M. Sabih Kanadoglu, Procureur G�n�ral de la Cour de Cassation
16.15 Entretien avec M. Eraslan �zkaya, Pr�sident de la Cour de Cassation
17.30 Entretien avec M. Abd�lkadir Aksu, Ministre de l’Int�rieur
18.30 Entretien avec M. Ahmet Turhan Demir, Pr�sident en exercice du Parti HADEP
21.15 D�part d’Ankara
22.15 Arriv�e � Istanbul
Jeudi 20 f�vrier 2003  
09.30 Entretien avec M. Oguz Haksever, Coordinateur de l’Information de la cha�ne  NTV (cha�ne de t�l�vision priv�e)
11.00 R�union avec la DISK (Conf�d�ration des syndicats progressistes de la Turquie), M. S�leyman Celebi, Pr�sident, M. Musa Cam, Secr�taire G�n�ral, et M.Tongu� Coban, Conseiller
12.30 Entretien avec M. Ergun Babahan, Editeur du quotidien SABAH
14.00 Entretien avec Dr �mer Bolat, Vice Pr�sident de la M�SIAD (Association des industriels et hommes d’affaires ind�pendants) et M. Yusuf Cevahir, Pr�sident de la commission des affaires �trang�res de la M�SIAD
15.30 Entretien avec M. Perin Baran, Membre du Conseil d’Administration de la T�SIAD (Association turque de l’industrie et des affaires) et Dr Bahadir Kaleagasi, repr�sentant permanent de la T�SIAD aupr�s de l’Union Europ�enne et de l’UNICE
17.30 Entretien avec M. Enis Berberoglu, coordinateur de l’information, M. Dogan Satmis, �diteur, et Gila Benmayor, chroniqueur, du quotidien H�RRIYET
19.00 Entretien avec M. Ali Celik Kasimogullari, propri�taire, et M. Mehmet Colak, R�dacteur en chef, du quotidien YENIDEN �ZG�R G�NDEM
Vendredi 21 f�vrier 2003  
8.45 D�part de M. Luc van den Brande
9.30 Entretien avec Mme �zlem Dalkiran, Amnesty international Turquie, et Prof. Dr Murat Belge, Assembl�e des Citoyens de Helsinki
18.15 D�part de Mme Mady Delvaux-Stehres

Annexe III

Projet de programme de la visite des co-rapporteurs en Turquie
(du 25 au 28 mai 2003)

Co-rapporteurs : M. Luc van den Brande (Belgique, PPE)
  Mme Mady Delvaux-Stehres (Luxembourg, SOC)
Secr�tariat : Mme Caroline Ravaud, Chef du Secr�tariat de la Commission de suivi
Samedi 24  mai 2003  
  Arriv�e des co-rapporteurs � Ankara
Dimanche 25  mai 2003  
9h30 Entretien avec l’Association des Droits de l’Homme (HRA) (h�tel Hilton)
15h00 D�part d’Ankara pour Diyarbakir (TK 646)
16h30 Arriv�e � Diyarbakir et installation � l’h�tel Dedeman
19h00 Entretien avec Mme Nebahat Akko�, Coordinatrice g�n�rale de KA-MER (Association de femmes)
Lundi 26 mai 2003  
9h30 D�part de Diyarbakir pour Bing�l
11h00 Arriv�e � Bing�l
11h15 Entretien avec M. H�seyin Avni Cos, Pr�fet de Bing�l
12h15 D�jeuner
13h30 – 14h20 Entretien avec M. Fevzullah Karaaslan, Maire de Bingol
14h30 – 15h30 Entretien avec M. Ridvan Kizgin, Pr�sident de l’Association des Droits de l’Homme
15h30 D�part pour Lice
16h30 Entretien avec M. Abd�lmuttalip Akdemir, Sous-pr�fet de Lice
17h30 Entretien avec M. Ziya Arda, Maire par int�rim de Lice
18h00 D�part pour Diyarbakir
19h00 Entretien avec M. Serdar Talay, Pr�sident de G��-DER (Association pour les migrants)
Mardi 27 mai 2003  
9h15 D�part de l’h�tel
9h30 – 10h30 Entretien avec M. Nusret Miroglu, Gouverneur de Diyarbakir
10h45 – 11h45 Entretien avec M.Feridun �elik, Maire de Diyarbakir
12h00 – 13h00 Entretien avec M. Necdet Ipeky�z, Pr�sident de l’Ordre des M�decins de Diyarbakir
13h00 – 14h00 D�jeuner
14h15 – 15h15 Entretien avec M. Selahattin Demirtas, Pr�sident de l’Association des droits de l’homme
15h30 – 16h30 Entretien avec M. Sezgin Tanrikulu, Pr�sident du Barreau de Diyarbakir et de la Fondation des Droits de l’Homme
17h10 D�part pour Ankara (TK 647)
18h40 Arriv�e � Ankara
20h00 D�ner avec les Ambassadeurs des pays membres du Conseil de l’Europe et le Chef de la Repr�sentation de l’Union Europ�enne en Turquie � l’Ambassade de Bulgarie
Mercredi  28 mai 2003  
9h15 D�part de l’h�tel
9h30 – 10h30 Entretien avec M. Mehmet Elkatmis, Pr�sident de la Commission des droits de l’homme de la Grande Assembl�e Nationale de Turquie
10h45 – 11h30 Entretien avec M. Abd�lkadir Aksu, Ministre de l’Int�rieur
11h45 – 12h30 Entretien avec la d�l�gation de la Turquie aupr�s de l’Assembl�e Parlementaire
12h30 – 14h00 D�jeuner � l’invitation des membres de la Commission de suivi de la d�l�gation de la Turquie
14h30 – 15h30 Entretien avec M. Cemil �i�ek, Ministre de la Justice
16h00 – 17h00 Entretien avec M. Ridvan Cakir, Pr�sident en exercice de la Direction des affaires religieuses (DIYANET)
18h15 – 19h30 Entretien avec l’Association et la Fondation des droits de l’homme
20h00 D�ner � l’invitation de M. Murat Mercan, Pr�sident de la d�l�gation de la Turquie aupr�s de l’Assembl�e Parlementaire
Jeudi 29 mai 2003  
  D�part d’Ankara des co-rapporteurs.

Annexe IV

R�solution 1256 (2001)1
Respect des obligations et engagements de la Turquie


Commission charg�e du rapport : commission pour le respect des obligations et engagements des Etats membres du Conseil de l’Europe (commission de suivi)

Renvoi en commission : Doc 8574, renvoi N� 2459 du 4 novembre 1999

Projet de r�solution adopt� avec 1 voix contre et 2 abstentions et projet de recommandation adopt� � l’unanimit� par la Commission le 3 mars 2004

Membres de la commission : Mme Durrieu (Pr�sidente), M. Frunda, Mme Tevdoradze, Mme Severinsen (Vice-Pr�sidents), Mme Aguiar, M. Ak�am, M. Akhvlediani, M. B. Aliyev, M. Andr�, M. Arzilli, M. Atkinson, Mr Baška, Mme Bauer, M. Bernik, Mme Bilgehan, M. Bindig, Mme Bousakla, M. van den Brande, M. Budin, Mme Burbiene, M. Cabrnoch, M. M. Cavusoglu, M. Cekuolis, M. Christodoulides, M. Cilevics, M. Colombier, M. Debono Grech, Mme Delvaux-Stehres, M. Dobelis, M. Einarsson, M. Elo, M. E�rsi, M. Glesener, M. Gross, M. Gusenbauer, M. Hancock, M. Hedrich, M. Hegyi, M. Herkel, M. Holovaty, Mme J��tteenm�ki, M. Jakic, M. Jaskiernia, M. Jurgens, Lord Kilclooney, M. Kirilov, Mme Konglevoll, M. Kvakkestad, Mme Leutheusser-Schnarrenberger, M. van der Linden, M. Lintner, M. Mart�nez Casa�, M. Marty, M. Medeiros Ferreira, M. Melc�k, M. Mikkelsen, M. Mollazade, M. O’Keeffe, M. Olteanu, M. Pangalos, Mme Petrova-Mitevska, Mme Petursdottir, M. Prijmireanu, M. Rakhansky, Mme Ringstad, M. Rivolta, M. Rogozin, M. Rustamyan, M. Sasi, Mme Shakhtakhtinskaya, M. Shybko, M. Slutscky ; M. Smorawinski, M. Soendergaard, M. Spindelegger, Mme Stoyanova, M. Surjan, M. Tepshi, M. Tk�c, M. Vis, Mme Wohlwend, M. Y��ez Barnuevo, M. Zacchera.

N.B. Les noms des membres qui ont particip� � la r�union sont indiqu�s en italique

Chef du secr�tariat : Mme Ravaud

Secr�taires de la commission : M. Gruden, Mme Odrats, Mme Clamer


[1] Rapport d’information sur le respect des obligations et engagements de la Turquie - Doc. 8300 (rapporteurs : MM. B�rsony et Schwimmer).

[2] Rapport sur le respect des obligations et engagements de la Turquie  – Doc. 9120 (rapporteurs : MM. B�rsony et Zierer), pr�sent� � l’Assembl�e le 28 juin 2001.

[3]La loi n�5084, entr�e en vigueur le 6 f�vrier 2004, vise � encourager et subventionner les investissements et l’emploi dans les provinces o� le revenu par habitant est inf�rieur � 1 500 USD. Elle pr�voit  des all�gements d’imp�ts, des subventions pour les contributions de s�curit� sociale, des terrains gratuits pour les investisseurs et des tarifs pr�f�rentiels pour l’�nergie.

[4] Notamment � l’abolition de la peine de mort et � l’octroi de droits culturels aux Kurdes.

[5] L’abr�viation turque utilis�e par le parti Justice et D�veloppement est AK Parti, le mot ak signifiant � blanc � et par extension � propre �.

[6] M. Erdogan a indiqu� aux co-rapporteurs que son parti se d�finissait comme islamique-conservateur, sur le mod�le du parti d�mocrate-chr�tien (CDU) allemand.

[7]  Interdit d’activit�s politiques pendant 5 ans suite � la dissolution du Parti Refah, M. Necmettin Erbakan (77 ans) a refait surface en politique le 12 mai 2003, suite � son �lection � la pr�sidence du Parti du Bonheur, qui n’est pas repr�sent� au parlement faute d’avoir pass� le seuil des 10 % lors des �lections de novembre 2002. Condamn� d�finitivement en d�cembre 2003 pour d�tournement des fonds de son parti, il devra cependant abandonner prochainement cette pr�sidence.

[8] Le 25 mars 2003, le Procureur g�n�ral indiqua qu’il ne demandait plus que la suppression partielle ou totale des financements publics dont b�n�ficie l’AKP et non plus la dissolution.

[9] Au 15 octobre 2003, certains ind�pendants ou membres du CHP ralli�rent l’AKP, qui dispose maintenant de 368 si�ges, soit une majorit� des deux tiers suffisante pour faire voter des amendements constitutionnels.

[10] Voir document As/Bur/ah Turkey (2002) 1 du 15 novembre 2002.

[11] Voir le rapport de l’OSCE du 4 d�cembre 2002.

[12] Le parti HADEP fut finalement dissous par un arr�t unanime rendu par la Cour constitutionnelle le 13 mars 2003, pour violation des articles 68 et 69 de la Constitution et des articles 101 et 103 de la loi sur les partis politiques, pour soutien et assistance au PKK. Le Pr�sident, Murat Bozlak, et 45 autres personnes furent interdites d’activit�s politiques pendant 5 ans et tous les biens du parti furent transf�r�s au Tr�sor public.

[13] Au lieu de 38 dans le gouvernement pr�c�dent.

[14] L’article 76 de la Constitution pr�voyait, notamment, qu’�tait in�ligible toute personne condamn�e pour implication, incitation ou encouragement d’activit�s � id�ologiques ou anarchistes �, m�me si la condamnation avait �t� amnisti�e. Les mots � id�ologiques et anarchistes � ont �t� supprim�s et remplac�s par � terroristes �.  Par contre, fut maintenue l’in�ligibilit� de toute personne ayant �t� condamn�e � un an de prison ou plus, ce qui continue de priver beaucoup de citoyens du droit de se pr�senter aux �lections. Le Pr�sident de la R�publique refusa, dans un premier temps, de promulguer la loi adopt�e sur ce point par le parlement  le 13 d�cembre 2002,  estimant qu’il s’agissait d’une modification constitutionnelle ad personam, mais comme elle fut adopt�e de nouveau dans les m�mes termes par le parlement le 27 janvier 2003, il s’inclina.

[15] Le 25 mars, il retira les trois requ�tes qu’il avait d�pos�es devant la Cour europ�enne des Droits de l’Homme.

[16] Voir aussi la Recommandation 1247 (1994) relative � l’�largissement du Conseil de l’Europe.

[17] Cette aide est r�partie comme suit : 250 millions €  pour 2004, 300 millions pour 2005 et 500 millions pour 2006.

[18] D�cision du Conseil europ�en du 19 mai 2003.

[19] Sur les 194 trait�s �labor�s au sein du Conseil de l’Europe, la Turquie en a ratifi� 83 et sign� 41 (au 10 f�vrier 2004).

[20]Cette r�f�rence � la � RTCN � n’implique aucune reconnaissance de la part des Rapporteurs, le seul Etat reconnu par le Conseil de l’Europe �tant la R�publique de Chypre.

[21] Voir R�solution 1267 (2002) du 22 janvier 2002 sur la situation � Chypre (Rapport de la Commission des affaires politiques, Doc. 9302, Rapporteur : M. B�rsony).

[22] Pour M. Denktash, � pas de solution est une solution �.

[23] Voir la R�solution int�rimaire DH (2003)174.

[24] Par une autre R�solution adopt�e le m�me jour, le Comit� des Ministres d�cida de reprendre l’examen de l’ex�cution de l’arr�t rendu au principal le 18 d�cembre 1996 dans cette affaire en temps utile, en tenant compte de propositions visant � reprendre l’examen de cette question � la fin de 2005.

[25] Il s’agit des arr�ts Eugenia Michaelidou Developments Ltd et Demades c. Turquie.

[26] Il semblerait en tout cas que la Turquie ne puisse, pour des raisons proc�durales, invoquer cette exception de non �puisement des voies de recours internes pour les 47 affaires d�clar�es recevables par la Cour avant l’entr�e en vigueur de la loi du 30 juin 2003 (voir � 20 de l’arr�t Demades du 31 juillet 2003).

[27] Pr�s de 120 000 personnes se r�fugi�rent en Turquie d�s 1988, pour �chapper aux bombardements chimiques ordonn�s par le r�gime irakien.

[28]  La Turquie n’a pas de p�trole, pas de centrales nucl�aires, peu de charbon et l’�nergie y est en moyenne 20 % plus ch�re que dans les autres pays de l’Union.

[29] Apr�s une tourn�e au Moyen-Orient effectu�e par le premier ministre en janvier, la Turquie invita � Istanbul les ministres des Affaires �trang�res de la Syrie, de l’Egypte, de l’Arabie saoudite, de l’Iran et de la Jordanie le 23 janvier pour un forum r�gional, � l’issue duquel fut adopt�e une d�claration invitant instamment Saddam Hussein � se conformer � la r�solution 1441 de novembre 2002.

[30] Depuis 1997, la Turquie a d�ploy� environ 3 000 soldats dans le Nord de l’Irak.

[31] Il avait �t� question d’ouvrir 5 camps de r�fugi�s � l’int�rieur m�me de l’Irak.

[32] La Turquie avait �t� condamn�e pour violation de l’article 3 par la Cour europ�enne des Droits de l’Homme pour l’expulsion d’une iranienne qui risquait la mort par lapidation dans son pays pour adult�re (arr�t Jabari c. Turquie du 11 juillet 2000). La Cour avait �galement constat� une violation de l’article 13 (droit � un recours effectif) et mis en cause la proc�dure suivie en vertu de l’ordonnance de 1994.

[33]  La r�vision de la Constitution est entr�e en vigueur le 17 octobre 2001. Le 1er paquet est contenu dans la loi n� 4744 du 6 f�vrier 2002, le 2�me dans la loi n� 4748 du 26 mars 2002 (entr�e en vigueur le 9 avril), le 3�me dans la loi n� 4709 du 3 ao�t 2002 (entr�e en vigueur le 9 ao�t), le 4�me dans la loi n� 4778 du 2 janvier 2003 (entr�e en vigueur le 11 janvier) et le 5�me dans la loi n� 4793 du 23 janvier 2003 (entr�e en vigueur le 4 f�vrier suivant).

[34] Sans parler des modifications constitutionnelles vot�es une deuxi�me fois, apr�s veto pr�sidentiel, par le parlement le 24 d�cembre 2002 et visant � permettre � M. Erdogan de se pr�senter aux l�gislatives partielles de Siirt. Ces modifications sont entr�es en vigueur le 31 d�cembre 2002.

[35] Le 6�me paquet (loi n� 4928) avait �t� adopt� par la TBMM le 19 juin mais l’un des articles, relatif � la suppression de l’article 8 de la loi anti-terreur, avait fait l’objet d’un veto pr�sidentiel. Apr�s avoir �t� revot�e par la TBMM dans les m�mes termes, le 6�me paquet est entr� en vigueur le 19 juillet 2003. Le 7�me paquet (loi n� 4963) a �t� adopt� par la TBMM le 30 juillet 2003 et est entr� en vigueur le 7 ao�t 2003.

[36] Il est regrettable, par exemple, que les articles provisoires de la Constitution de 1982 n’aient pas �t� supprim�s et que les articles 6 � 9 relatifs � la souverainet� nationale ne pr�voient aucun transfert de souverainet� � des organes supranationaux, ceux de l’Union europ�enne notamment.

[37] Le terme � arm�e � est utilis� ici par commodit� : comme en France, en plus des forces arm�es proprement dites, la gendarmerie (jandarma), qui op�re essentiellement en zone rurale, fait partie int�grante des forces arm�es.

[38] Intervention de l’arm�e en 1971, sans prise du pouvoir, pour forcer S�leyman Demirel (�lu par la suite pr�sident de la R�publique en 1993) � la d�mission et instaurer un �tat d’exception. Intervention de l’arm�e aussi en 1997 : Necmettin Erbakan, devenu Premier ministre en juillet 1996, fut oblig� de d�missionner en juin 1997 et son parti, le Refah (Parti de la Prosp�rit�) fut dissous en 1998.

[39] A noter toutefois que l’arm�e a r�duit ses effectifs globaux de 17% � compter du 15 juillet 2003 : le service militaire a �t� ramen� de 18 � 15 mois pour les hommes du rang et de 16 � 12 mois pour les officiers de r�serve tandis que les appel�s dipl�m�s d'universit� pourront choisir entre devenir officier de r�serve et servir six mois comme simple soldat.

[40] Sur les 3,5 millions de Turcs qui vivent � l’�tranger, deux millions habitent en Allemagne et 100 citoyens turcs vivant en Allemagne seraient devenus ainsi apatrides pour refus de faire le service militaire.

[41] Certes, comme le font remarquer les autorit�s turques, le droit � l’objection de conscience n’est pas en tant que tel reconnu dans la CEDH mais il convient de se r�f�rer en l’esp�ce � la Recommandation 1518 adopt� en mai 2001 sur l’exercice du droit � l’objection de conscience, �  la R�solution 337 (1967) relative au droit � l’objection de conscience et la Recommandation 816 (1977) relative au droit � l’objection de conscience au service militaire. Les principes pos�s par la Recommandation n� R (87) 8 du Comit� des Ministres relative � l’objection de conscience au service militaire obligatoire sont tout aussi clairs : � le service de remplacement … doit en principe �tre civil et d’int�r�t public �.

[42] Voir article 118 de la Constitution et la loi n� 4789 sur le Conseil national de s�curit� et le secr�tariat de celui-ci, telle qu’amend�e le 18 janvier 2003.

[43] C’est ce qui s’est pass� r�cemment, avec le remplacement du G�n�ral Kilin� par un autre G�n�ral.

[44] Sur ce point il faudrait envisager de modifier l’article 131 � 2 de la Constitution.

[45] En particulier par le biais de deux fonds de soutien � l’industrie de la d�fense, le SSDF et le TSKGV, financ�s en partie par des imp�ts indirects.

[46] Seulement 2,4 % du budget de l’Etat sont consacr�s � la sant�.

[47] En vertu du 4�me paquet de janvier 2003, il suffit de 30 citoyens pour cr�er un parti politique.

[48] Voir les arr�ts Parti communiste unifi� c. Turquie du 30 janvier 1998, Parti socialiste et autres du 25 mai 1998, Parti de la d�mocratie et de la libert� (�ZDEP) du 8 d�cembre 1999, Parti du travail du peuple (HEP) du 9 avril 2002,  Parti de la d�mocratie (DEP) du 10 d�cembre 2002, Refah Partisi (Parti de la prosp�rit�) du 12 f�vrier 2003 et, en dernier lieu, l’arr�t Parti socialiste (STP) du 12 novembre 2003. La dissolution du parti islamiste Refah, dirig� par Necmettin Erbakan, est la seule � avoir �t� jug�e non contraire � l’article 11 de la CEDH par la Cour.

[49] Voir Arr�t Selim Sadak et Autres du 7 juin 2002, concernant, au regard de l’article 3 du Protocole n� 1 relatif au droit � des �lections libres, la d�ch�ance automatique du mandat parlementaire de 13 d�put�s de la TBMM apr�s dissolution en 1994 du parti DEP.

[50] La Cour constitutionnelle compte 15 juges (11 titulaires et 4 suppl�ants). Avant la r�forme, il fallait que 6 juges sur 11 votent pour la dissolution, maintenant il en faudra 7 sur 11.

[51] Ainsi que les articles pertinents de la Constitution.

[52] Voir lignes directrices sur l’interdiction et la dissolution des partis politiques et mesures analogues, publi�es en janvier 200 par la Commission de Venise.

[53] Voir le rapport du centre pour l’ind�pendance des juges et des avocats de novembre 1999. Les co-rapporteurs notent avec satisfaction qu’un grand nombre de recommandations contenues dans ce rapport ont �t� mises en œuvre depuis 1999.

[54] A l’exception du tribunal qui est en train de rejuger Mme Zana et autres, o� la d�fense n’arrive pas � faire entendre certains t�moins.

[55] Sur les 520 recours pendants, 500 sont introduits par la voie pr�judicielle.

[56] En vertu de l’article 90 de la Constitution, la CEDH, trait� r�guli�rement ratifi�, a valeur supra-l�gislative mais infra-constitutionnelle.

[57] A titre d’exemple, on citera le proc�s pour espionnage intent� � six fondations allemandes, les plus r�put�es du pays, qui s’est heureusement conclu par une relaxe le 4 mars 2003, les difficult�s faites � Amnesty pour ouvrir un bureau en Turquie ou les multiples proc�s intent�s aux ONG locales.

[58] Ratification le 12 juillet 2001, entr�e en vigueur le 12 octobre 2001.

[59] Il y a eu r�cemment un important mouvement pr�fectoral : 35 gouverneurs sur 81 ont �t� remplac�s. Les gouverneurs de Diyarbakir et de Bing�l �taient en poste depuis moins de quatre mois � la date de visite des co-rapporteurs fin mai 2003.

[60] Le maire de Bing�l se plaignait, par exemple, qu’il ne pouvait mettre � la disposition des ONG une salle appartenant � la municipalit� sans autorisation du gouverneur. C’est aussi le gouverneur et pas la municipalit� qui donne les autorisations de manifester.

[61] Voir � ce sujet la Recommandation 29 (1997) du 3 juin 1997 adopt�e par le Congr�s des pouvoirs locaux et r�gionaux et le Rapport d’information sur la d�mocratie locale et r�gionale en Turquie du 22 novembre 2001 sur la suite donn�e � la Recommandation 29 (1997). Un nouveau rapport sera �labor� par le Congr�s d�but 2004.

[62] Cette dur�e de garde � vue de 7 jours dans les r�gions qui seraient soumises � l’�tat d’urgence est � comparer, par exemple, avec la garde � vue de 60 jours instaur�e par la Serbie-Mont�n�gro lorsque fut d�cr�t� l’�tat d’urgence suite � l’assassinat du Premier ministre le 12 mars 2003.

[63] D’apr�s la section de l’IHD � Diyarbakir, il y  aurait eu 2 773 arrestations dans la r�gion en 2002 et d�j� 1 188 pour les 4 premiers mois de 2003, dont seulement 271 ont abouti � un placement en d�tention provisoire.

[64] Voir les R�solutions int�rimaires DH (99) 434 et DH (2002) 98.

[65] La dur�e de formation des fonctionnaires de police est ainsi pass�e de 9 mois � deux ans, avec un cours obligatoire sur les droits de l’homme et la Turquie b�n�ficie du programme � Police et droits de l’homme � du Conseil de l’Europe ainsi que des programmes de formation organis�s conjointement par l’Union et le Conseil de l’Europe.

[66] L’IHD est la plus ancienne ONG de Turquie : cr��e en 1986, elle compte environ 10 000 membres et dispose de 34 sections dans toutes les r�gions du pays.

[67] D’apr�s la section IHD de Diyarbakir, il y aurait eu 228 plaintes pour mauvais traitements pendant la garde � vue en 2002 et d�j� 117 plaintes dans les 4 premiers mois de 2003. En revanche, les plaintes pour torture auraient sensiblement baiss� : il s’agit surtout de mauvais traitements (station debout prolong�e, yeux band�s, privation de nourriture etc.).

[68] Des poursuites p�nales contre les fonctionnaires en question sont pendantes.

[69] Voir documents CPT/Inf (2003) 28 et 29.

[70] Ce qui excluait Abdullah ��alan de toute possibilit� de faire commuer la peine capitale en une peine privative de libert�.

[71] Aux termes de l’article 4 de la Constitution, les trois premiers articles sont irr�vocables et leur modification ne peut �tre propos�e. L’article 1 dispose que la Turquie est une r�publique, l’article 2 qu’elle est, notamment, un Etat d�mocratique, la�c et social, respectueux des droits de l’homme et loyal au nationalisme d’Atat�rk et l’article 3 que l’Etat turc, avec son territoire et sa nation, est une entit� indivisible.

[72] Voir l’arr�t �zg�r G�ndem c. Turquie du 16 mars 2000. 

[73] Yenide �zg�r G�ndem tire � peine � 35 000 exemplaires, qui sont vendus pour l’essentiel � la cri�e dans la rue ou par abonnement.

[74] Suppression de la responsabilit� p�nale des �diteurs pour usage d’une autre langue que le turc et r�duction des d�lais de suspension des p�riodiques (2�me paquet), transformation de certaines peines privatives de libert� en amende (3�me paquet), protection  des sources des journalistes (4�me paquet) et nouvelle r�glementation des �missions de TV et de radio en p�riode �lectorale (6�me paquet).

[75] La � Turkishness � est d�finie � l’article 66 de la Constitution comme suit : �  toute personne li�e � l’Etat par la citoyennet� turque est turque �.

[76] L’amende pr�vue �tait de toute fa�on d’un montant ridicule : 100 � 500 TL.

[77] Des poursuites p�nales ont par exemple �t� r�cemment introduites sur le fondement de l’article 159 contre Cem Uzan, un homme d’affaires controvers� et chef du Parti Jeune, pour avoir trait� le Premier ministre de � l�che � et de  � m�cr�ant � et les cinq cha�nes de t�l�vision contr�l�es par la famille Uzan, qui avaient rapport� ses d�clarations, ont �t� interdites d’�mission pendant un mois en juillet 2003.

[78] Voir, notamment l’arr�t Castells c. Espagne du 23 avril 1992, � 46, concernant la condamnation p�nale d’un �lu pour avoir imput� au gouvernement la responsabilit� du terrorisme basque.

[79] La loi 4928 avait �t� adopt�e par la TBMM le 19 juin 2003 mais l’abrogation de l’article 8 de la loi anti-terreur avait fait l’objet d’un veto pr�sidentiel. Apr�s avoir �t� revot�e dans les m�mes termes le 16 juillet, elle est entr�e en vigueur le 19 juillet 2003.

[80] Loi n� 2908 du 6 octobre 1983. La loi n� 2820 sur les partis politiques, du 22 avril 1983, a �t� pass�e dans les m�mes conditions.

[81] En f�vrier 2002, la Cour judiciaire n�2 d'Ankara avait par exemple ordonn� la fermeture de l'Union des organisations al�vites et bektashi (ABKB) sur la base de l'article 5, au motif que ses statuts pr�voyaient l'enseignement de la culture al�vite et bektashi, et qu'elle risquait d'encourager la division de l'Etat turc. Cette d�cision a �t� ult�rieurement annul�e.

[82] Y inclus les 20 � 25 millions d’Al�vis, qui ne sont pas reconnus comme une communaut� religieuse s�par�e des sunnites, m�me si leurs pratiques sont quelque peu diff�rentes (ils ne prient pas dans les mosqu�es mais dans des maisons de pri�re appel�es cemevi et les femmes peuvent prier avec les hommes).

[83] A cet �gard il convient de rappeler que la Gr�ce, qui est �galement signataire du trait� de Lausanne, a �t� condamn�e par la Cour en 1997 faute d’octroi de la capacit� juridique � l’Eglise catholique de la Can�e.

[84]  Officiellement, il n’y a pas de minorit�s en Turquie, sauf les minorit�s religieuses reconnues par le trait� de Lausanne. En cons�quence, il n’y a pas de statistiques enregistrant l’appartenance ethnique.

[85] Les incidents d’octobre 1993 � Lice ont donn� lieu � l’introduction de plus de 600 requ�tes � la Cour europ�enne des droits de l’homme : 247 firent l’objet d’une radiation du r�le suite � l’offre du Gouvernement de verser � chacun des requ�rants entre 10 et 15 000 � (voir d�c. N� 26679/95 du 14 juin 2001),  280 furent d�clar�es irrecevables faute d’�puisement valable des voies de recours internes et non respect du d�lai de six mois (d�c. N�62566/00) et 98 sont pendantes. Voir �galement l’arr�t de violation rendu par la Cour r�cemment dans l’affaire Ayder et Autres du 8 janvier 2004.

[86] Le PKK s’est transform� en KADEK en avril 2002 et les autorit�s turques essaient maintenant de faire inscrire �galement cette nouvelle organisation sur la liste des organisations terroristes. Le KADEK s’est dissous � son tour le 11  novembre 2003  et a �t� remplac� par le Kongra-Gel (Congr�s du Peuple du Kurdistan).

[87] A noter que l’article 87 de la Constitution, modifi� le 17 octobre 2001, pr�voit maintenant une majorit� des 3/5 pour toute loi d’amnistie et de gr�ce.

[88] Voir article 1 de la loi n� 4771, dernier alin�a. Sur ce point la l�gislation est manifestement en contradiction avec la Recommandation n� 2003/22 du Comit� des Ministres concernant la lib�ration conditionnelle.

[89] C’est ce qui a �t� indiqu� aux co-rapporteurs tant par le pr�sident du HADEP, qu’ils ont rencontr� � Ankara en f�vrier, que par le maire (DEHAP) de Diyarbakir.

[90] Il a �t� expliqu� aux co-rapporteurs qu’il n’existe pas en r�alit� de langue kurde : il y aurait au total 28 dialectes, dont les principaux sont le Kurman�i (75%), le sorani et le zazaki.

[91] Il est interdit, par exemple, d’utiliser une autre langue que le turc lors des meetings de campagne �lectorale et tout contrevenant s’expose � des sanctions p�nales.

[92] Les autorit�s indiquent avoir investi dans la r�gion environ 72.5 millions USD.

[93] Recommandation 1377 du 25 juin 1998 (rapport de la commission des migrations, des r�fugi�s et de la d�mographie, Doc. 8131) et Recommandation 1563 du 29 mai 2002 (rapport de la commission des migrations du 22 mars 2002, Doc. 9391).

[94]  Ce qui repr�sente moins que les 4,6% d’�lues � la TBMM en 1935, lorsque les femmes obtinrent le droit de vote.

[95] Le nouveau code civil est entr� en vigueur en janvier 2002.

[96] Environ 30 � 35% des hommes seraient illettr�s dans ces r�gions, la diff�rence par rapport aux femmes s’expliquant par l’obligation d’effectuer le service militaire.

[97] C’est-�-dire des mariages non enregistr�s � l’�tat civil, avec pour cons�quence la suppression des droits de propri�t�s des femmes en cas de divorce ou de d�c�s du conjoint et des limitations au droit de garde des enfants en cas de s�paration.

[98] Le classement 2003 de � Transparence Internationale � sur la corruption mondiale (fond� sur la perception du degr� de corruption ressenti par les milieux d’affaires, les universitaires et las analystes) a class� la Turquie au 77�me rang sur 133 pays (avec un indice de 3 sur 10).

[99] M�me si, au 1er janvier 2004, le salaire minimum net a �t� fix� � 172, 75 € par mois, en augmentation de 34% par rapport � 2003.

[100] Lors de la ratification de la charte sociale de 1961, chaque Etat doit accepter au moins 6 articles sur les 9 que compte le noyau dur.

[101] Voir cependant l’article 26 modifi� de la Constitution, qui r�introduit cette notion supprim�e dans l’article 13.