Doc. 10649

12 juillet 2005

Le coût de la Politique agricole commune

Rapport

Commission de l’environnement, de l’agriculture et des questions territoriales

Rapporteur : M. Paul Flynn, Royaume-Uni, Groupe socialiste

Résumé

L’Assemblée parlementaire reconnaît que la cojuncture qui a amené à la Politique agricole commune (PAC) de l’Union européenne (UE) a changé d’une manière significative, ce qui implique la nécessité d’un réexamen de cette importante politique. L’Assemblée se félicite du récent train de réformes de la PAC en tant que première étape pour corriger certains de ses effets négatifs tels que l’impact sur les pays en développement, les consommateurs, l’industrie et l’environnement. L’Assemblée se félicite aussi du recentrage de la PAC sur la protection de l’environnement, le bien-être des animaux et le développement rural. L’Assemblée considère que l’UE doit évaluer avec attention les effets de sa politique agricole, tant en Europe que dans les pays en développement, et agir de la manière la plus appropriée pour remplir ses engagements d’atteindre les objectifs du Millénaire pour le développement.

L’Assemblée recommande que les institutions et les Etats membres de l’Union européenne prennent en compte la nécessité de procéder à des réformes qui tiennent compte de tous les intérêts et du rôle que la politique agricole peut jouer dans la promotion du développement rural et la protection du patrimoine culturel, des traditions et du paysage. Un système plus efficace et plus juste, rétribuant de manière appropriée les prestations non économiques de l’agriculteur, doit être mis en place pour leur protection de l’environnement et des animaux, l’entretien du paysage, leur contribution à la vie sociale et économique des zones rurales et la préservation des éléments essentiels à la vie: l’eau, l’air et le sol. Toute réforme de la PAC doit prendre en compte la nécessité urgente de s’attaquer à la diminution des ressources hydriques et à la menace que constitue le changement climatique.

I.       Projet de résolution

1.       L’Assemblée parlementaire reconnaît que la Politique agricole commune (PAC) de l’Union européenne (UE) est une politique dictée par la conjoncture européenne de l’après-guerre pour sécuriser et assurer son approvisionnement alimentaire. La situation a changé. Il est temps de réexaminer la PAC dans le contexte des effets négatifs qu’elle a notamment sur les pays en développement.

2.       L’Assemblée rappelle sa Résolution 1322 (2003) sur les « défis pour une nouvelle politique agricole » et relève que la PAC a atteint ses objectifs premiers en garantissant l’approvisionnement alimentaire et un revenu stable aux agriculteurs. Elle a également favorisé le développement des zones et des communautés rurales, notamment en protégeant le patrimoine culturel et les traditions de l’Europe.

3.       Depuis plusieurs années, l’agriculture européenne est en déclin. Ce déclin se fait sentir aussi bien par le nombre de personnes qu’elle emploie que par sa contribution à l’économie. Les jeunes ne sont plus attirés par cette activité, économiquement supplantée par d’autres secteurs.

4.       L’Assemblée se félicite du récent train de réformes de la PAC en tant que première étape vers un règlement des défis auxquels se heurte la PAC et un recentrage sur la protection de l’environnement et des animaux ainsi que sur ses effets sociaux. Il ne faudrait pas voir dans toute nouvelle réforme une menace pour l’agriculture mais plutôt une chance d’améliorer la politique agricole au profit des consommateurs, du monde en développement, de l’environnement, des zones rurales et des agriculteurs.

5.       Il faut opérer un changement d’orientation pour s’attaquer aux effets négatifs de la PAC et aux problèmes qu’elle engendre pour les pays en développement, les consommateurs, l’industrie et l’environnement.

6.       Dans les pays en développement, l’agriculture est souvent la principale activité économique. Il s’agit, surtout, d’une agriculture traditionnelle d’autoconsommation et pour les marchés locaux, qui risque de disparaître. Elle subit la concurrence, aussi sur les marchés locaux, des produits des grandes entreprises agricoles et agro-industrielles, souvent multinationales. Les populations rurales émigrent vers les villes, où elles manquent trop souvent de travail, de logement et de services, avec les graves problèmes sociaux qui en découlent.

7.       Les gouvernements de pays en développement cherchent à obtenir des devises fortes pour pouvoir importer des biens et des services des pays développés et, malgré les problèmes intérieurs qui en découlent, ils favorisent les grandes entreprises qui peuvent exporter des produits agricoles. Cette politique souffre des limitations au libre échange posées par les économies avancées telles que celles des Etats-Unis et de l’Union européenne. L’Assemblée observe ces contradictions et relève la nécessité que l’UE assume ses responsabilités quant aux effets complexes de sa politique agricole sur les pays en développement.

8.       L’Assemblée rappelle sa Résolution 1449 (2005) sur l’environnement et les objectifs du Millénaire pour le développement et observe que l’agriculture peut être un puissant levier pour réduire la pauvreté en améliorant les perspectives d’emploi et en créant de la richesse. Cependant, l’UE doit évaluer avec attention les effets de sa politique agricole, tant à l’intérieur de l’Europe que dans les pays en développement, et agir de la manière la plus appropriée pour remplir ses engagements d’atteindre les objectifs du Millénaire pour le développement, aussi par sa politique agricole. 

9.       L’impact que le régime du sucre de l’Union européenne a sur de nombreux pays en développement, où le sucre peut être produit plus facilement et à moindre coût, montre clairement les effets négatifs de la PAC. L’Assemblée condamne le régime du sucre de l’UE qui accorde d’importantes subventions à des entreprises déjà très rentables et entrave la capacité des pays en développement d’échapper à la pauvreté. Les pays en développement reçoivent des aides mais les restrictions commerciales amputent leur revenu potentiel. La situation n’est plus supportable.

10.       L’Assemblée observe que les consommateurs de l’Union européenne payent doublement la Politique Agricole Commune : par le biais de la fiscalité mais aussi par le montant plus élevé des prix de denrées alimentaires résultant de la PAC. C’est la catégorie de la population la moins en mesure de payer, à savoir les familles à faibles revenus, qui est la plus touchée par cette situation. C’est un poids inutile pour les consommateurs.

11.       La PAC continue de peser lourdement sur le budget de l’Union Européenne, alors que d’autres défis réclament de nouvelles ressources : la recherche scientifique, la cohésion territoriale, la défense commune, etc. Il faut éviter que des ressources employées par la PAC soient contre-productives; il faut considérer aussi ses effets sur les industries manufacturières, qui dans certains cas (sucre) sont très négatifs. Certains dispositifs de la PAC ont eu un effet négatif sur les industries associées, provoquant la perte d’emplois, notamment chez les fabricants de produits à base de sucre.

12.       En outre, le mode de distribution des subventions est un sujet de préoccupation. Des primes importantes sont versées aux plus gros et aux plus riches exploitants agricoles, ce qui bat en brèche l’idée que la PAC protège les petits agriculteurs. La décision du ministère britannique de l’environnement, de l’alimentation et des questions rurales de publier le nom des bénéficiaires de subventions (ainsi que les montants versés) en mars 2004 est une initiative à saluer. Elle révèle que la PAC n’aide pas avant tout les petits exploitants.

13.       L’Assemblée regrette que certains éléments de la PAC qui ont favorisé une agriculture intensive, parallèlement aux progrès technologiques, ont aussi participé indirectement à la destruction des habitats, à la pollution et au déclin de la faune qui dépend de ces habitats pour sa survie. Les espèces d’oiseaux sont reconnues comme étant les indicateurs de cette dégradation. A travers l’Europe, cette évolution porte gravement préjudice aux populations de nombreux oiseaux vivant sur les terres de culture. La population d’un oiseau des champs, l’alouette, a, par exemple, diminué de 52% au Royaume-Uni.

14.       L’Assemblée craint que, sans nouvelles réformes, l’avenir à long terme des espèces animales en Europe soit compromis et que les ressources nécessaires pour remédier aux dommages environnementaux provoqués par l’agriculture intensive ne fassent défaut.

15.       La Nouvelle-Zélande constitue un exemple de ce qui se passe lorsque les subventions sont supprimées. Les subventions n’étaient plus viables et ont été abolies en 1984. Il est à noter que l’agriculture néo-zélandaise n’a pas sombré dans le déclin, la productivité a augmenté, la dégradation de l’environnement a été stoppée et l’industrie répond, à présent, à la demande du marché et des consommateurs. D’importantes leçons peuvent être tirées de cet exemple, même si la situation de l’agriculture dans plusieurs parties de l’Europe n’est pas comparable à celle de la Nouvelle Zélande, car des différences importantes existent quant à la densité de la population rurale, à la tradition et à la complexité productive, aux liens de l’agriculture avec d’autres secteurs d’activité locale tel que le tourisme et au lien entre l’activité agricole et la qualité du paysage et de l’environnement. 

16.       La Suisse offre un exemple très différent, combinant des subventions élevées avec la protection de l’environnement. Ce principe est inscrit dans la Constitution suisse. L’intégration de cette préoccupation dans la politique agricole est judicieuse, bien que la viabilité de subventions élevées et leurs effets sur les marchés voisins suscitent des inquiétudes.

17.       L’Assemblée recommande, par conséquent, que les institutions et les Etats membres de l’Union européenne prennent en compte les points suivants dans la réforme actuelle et future de la PAC :

17.1.       les effets de la PAC sur les pays en développement, l’environnement, les consommateurs, les contribuables et les industries ainsi que les moyens d’y faire face ;

17.2.       la nécessité de contrer d’urgence les effets de la PAC sur les pays en développement, notamment à travers des mécanismes comme les régimes de l’Union européenne sur le sucre et le tabac ;

17.3.       les importantes leçons que l'on peut tirer des exemples néo-zélandais et suisse ;

17.4.       le rôle que la politique agricole peut jouer dans la promotion du développement rural et la protection du patrimoine culturel, des traditions et du paysage ;

17.5.       la nécessité de mettre en place un système plus efficace et plus juste rétribuant les prestations non économiques de l’agriculteur: protection de l’environnement et des animaux, entretien du paysage, contribution à la vie sociale et économique des régions périphériques et préservation des éléments essentiels à la vie : l’eau, l’air et le sol ;

17.6.       la nécessité de demander la publication de l’identité de tous les bénéficiaires de subventions et des montants perçus afin d'assurer une transparence et une responsabilisation accrues ;

17.7.       la nécessité de procéder à des réformes pour prendre en compte tous les intérêts et non pas seulement ceux du secteur agricole ;

17.8.       la nécessité d’axer les efforts sur l’environnement, notamment dans le contexte des problèmes que risquent d’engendrer les changements climatiques.

II.       Exposé des motifs par M. Flynn

Sommaire

Page

1.       Introduction ……………………………………………………………………………………       5

2.       Les tendances dans l’agriculture ……………………………………………………………       7

3.       Le coût pour le monde en développement …………………………………………………       8

      Le régime du sucre de l’UE

4.       Le coût pour le contribuable et le consommateur …………………………………………       12

5.       Les coûts pour d’autres secteurs et pour l’économie de l’UE ……………………………       14

6.       Le coût pour l’environnement ………………………………………………………………..       20

      L’alouette des champs Alauda arvensis

      Le régime du tabac dans l’UE

7.       Quelques modèles…………………………………………………………………………….       22

      Nouvelle Zélande

      Etats-Unis

      Suisse

8.       Conclusions ……………………………………………………………………………………       26

9.       Recommandations ……………………………………………………………………………       27

1.       Introduction

1.       La PAC a été instaurée pour accroître la productivité agricole, assurer un niveau de vie équitable aux producteurs, stabiliser les marchés agricoles, assurer des approvisionnements stables et garantir des prix raisonnables pour les consommateurs. Elle a été déterminée par l'expérience de l'Europe de l'après-guerre. Elle avait pour principal but de garantir la sécurité et l’autosuffisance.

2.       La PAC a établi un système complexe au sein duquel les agriculteurs bénéficiaient de prix garantis pour leurs produits et se voyaient accorder des subventions pour garantir l’offre. Le soutien a été étendu aux exportations, et un niveau supplémentaire de protection a été mis en place en établissant des droits de douane sur les importations en provenance de pays tiers. Elle a rapidement atteint ses objectifs en garantissant un revenu stable aux agriculteurs et l’approvisionnement alimentaire. Mais cette politique était dictée par les circonstances de l’époque, or ces dernières ont changé et il est temps de reconsidérer la PAC et le rôle joué par l’agriculture. Une contribution fort utile a déjà apportée à ce débat par M. Nicolaos Floros dans son rapport sur « Les défis pour une nouvelle politique agricole » (Doc. 9636).

3.       Le présent rapport1 démontrera que la Politique est allée bien plus loin que les objectifs qui étaient les siens au départ et a eu des effets négatifs. Aux fins de ce rapport, le coût sera entendu comme une conséquence négative, mesurée en termes de dégâts infligés à l’environnement et de coûts financiers pour l’économie et pour le monde en développement. Ces effets négatifs sont des conséquences inattendues, que les décideurs politiques n’avaient pas prévues au départ ; aujourd'hui, cependant, les décideurs politiques sont bien mieux en mesure de tirer les enseignements de ces problèmes. L'UE doit assumer ses politiques, pas uniquement à l'égard de ses agriculteurs, mais aussi vis-à-vis du reste de sa population et du monde. Pour illustrer ces effets, quatre domaines seront abordés : le monde en développement, le contribuable et le consommateur européens, l'économie et d'autres secteurs, et l'environnement. Les exemples de la Nouvelle-Zélande, où le soutien public à l'agriculture a été en grande partie supprimé en 1984, des Etats-Unis et de la Suisse, seront également examinés.

4.       Bien que ce rapport vise à mettre en lumière les conséquences négatives de la PAC, il reconnaît que, dans certaines circonstances, elle a pu être avantageuse pour certains groupes de population. Ainsi, son rôle a été reconnu en tant qu’instrument de survie pour les langues minoritaires dans des communautés rurales. Ce point a déjà été étudié dans le rapport de M. Floros, qui reconnaissait qu'il est important de protéger les régions rurales, non seulement pour des raisons écologiques, mais parce qu'elles sont dépositaires d'une grande partie du patrimoine culturel européen, notamment les langues. Le soutien à l'agriculture pourrait jouer un rôle à l'avenir dans la protection du patrimoine culturel de l'Europe, tout en se recentrant dans le même temps sur ce qu'il convient de faire pour protéger l'environnement et en tenant compte du monde en développement.

5.       L'Europe compte plus d'une soixantaine de langues indigènes ou régionales, parlées pour la plupart des ruraux. Or, bon nombre d’entre elles sont classées parmi les langues en danger de disparition et pourtant elles ne sont que peu protégées ou soutenues par les gouvernements nationaux. Le dépeuplement rural et le déclin de l'agriculture sont à l'évidence un facteur de ce phénomène. Le Conseil de l'Europe a joué un rôle de premier plan en faisant connaître le sort de ces langues et en leur assurant une protection grâce à la Charte européenne des langues régionales et minoritaires. Dans toute réforme de la PAC, il convient de reconnaître qu'il s'agit là d'un aspect positif et de s'efforcer de l'inclure dans les futures politiques. Je suis profondément d’accord avec le rapport (débat sur le document 9636) lorsqu'il rappelle combien la vie rurale est précieuse. Je parle le gallois, une langue qui n'est plus pratiquée désormais que dans les régions rurales, alors qu'il s'agissait d'une langue sophistiquée et évoluée un millier d'années avant l'arrivée de l’anglais sur nos îles. C'est là un fait culturel d'importance, d'une importance sans équivalent. Nos régions rurales sont souvent les lieux où le génie de la nation s'exprime sous sa forme la plus riche et la plus pure. Istvan Széchenyi, le célèbre écrivain hongrois, disait que, si l'on se demande où vit une nation, la réponse est : dans sa langue.

6.       La corrélation entre langues minoritaires et régions rurales peut être illustrée par quelques exemples.

- Mme Tytti Isohookana-Asunmaa, dans son rapport sur les Cultures minoritaires ouraliennes en danger (Doc. 8126) a cité des exemples des problèmes que rencontrent les langues ouraliennes, dont les racines sont souvent rurales, mais qui déclinent en même temps que le départ des jeunes pour les villes, souvent pour y trouver du travail. Ce rapport mettait en avant la nécessité de prendre des mesures de protection, par exemple apporter un financement pour l'éducation et les médias.

- Le frison, parlé dans les Pays-Bas et dans une petite partie de l'Allemagne par 600 000 personnes, est de moins en moins pratiqué du fait du dépeuplement rural. Les deux tiers des personnes qui parlent le frison vivent dans des régions rurales, où 8% de la population travaille dans l'agriculture, contre 3% pour le reste des Pays-Bas2.

- Le breton, parlé dans le nord-ouest de la France en Bretagne et en Loire-Atlantique, reste concentré dans les campagnes. Les économies locales sont dominées par l'agriculture et la pêche, mais ces régions perdent progressivement leurs populations qui parlent le breton. Les régions où le breton reste le plus utilisé sont aussi celles dont les terres agricoles sont les plus pauvres de la Bretagne, ce qui pousse les gens à s'en aller; mais ces régions sont aussi celles qui sont le plus attachées à leur langue3.

- Le gallois, parlé par 500 000 personnes, selon les estimations, est concentré dans les campagnes. D'après le recensement de 2001, sur 6 collectivités locales de plus de 40 000 habitants ayant une ou plusieurs compétences langagières en gallois, 5 sont en grande partie rurales. Ainsi, dans les régions de Caemarthenshire et de Ceredigion, 10,5% de la population active travaille dans l'agriculture4. 106 440 personnes ont plus d’une compétence langagière en gallois dans le Caemarthenshire et 44 635 dans la région de Ceredigion5. A l'évidence, tout recul dans l'agriculture a des conséquences sur la langue parlée dans les régions rurales.

7.       Il est devenu nécessaire de procéder à une réforme pour prendre en compte les effets de la PAC. Les dernières réformes récemment introduites arrivent à point nommé et commencent à s’orienter vers un découplage entre subventions et production et à lier les pratiques agricoles à la protection de l'environnement par un programme de versements uniques, mais il est trop tard pour les dégâts infligés au monde en développement et à l’environnement. L’OCDE a écarté toute inquiétude selon laquelle la réforme porterait atteinte à l’autosuffisance de l’UE, qui est plus qu’autosuffisante et ne serait pas menacée par une réforme. Les réformes sont un début d’avancée dans le bons sens mais, et c’est là un point essentiel, elles n’ont pas modifié le montant global transféré aux agriculteurs. Selon des estimations, le budget de la PAC demeurera stable malgré l’introduction des versements uniques6. Mettre le projecteur sur l’environnement est une façon populaire de relooker la PAC sans s’attaquer à son coût réel et cette méthode a été choisie en grande partie en réponse aux pressions des puissants groupes de défense des agriculteurs. Un Conseiller économique de renom remarque : « je suis très cynique en ce qui concerne ce tournant vers un financement (environnemental) – c’est une façon de ne pas toucher aux subventions »7.

8.       Les organisations de consommateurs ont également critiqué les réformes, suggérant que les consommateurs ne verront pas grande différence. « Je ne vois pas quel est le but d’une réforme qui permet aux versements de continuer peu ou prou comme avant, où les mêmes montants sont versés aux mêmes personnes, indépendamment de leurs besoins, ce qui force les familles plus pauvres à subventionner des agriculteurs bien mieux lotis. » 8. Les groupes de pression des agriculteurs défendent leurs intérêts et bloquent tout progrès, et il a fallu faire des concessions pour avoir un semblant de réforme. Les ONG qui travaillent dans le monde en développement ont critiqué les réformes au motif qu’elles ne sont guère une aide pour les agriculteurs plus pauvres et que la réforme de pans de la PAC comme les subventions au secteur du sucre ne sont envisagées que maintenant. Il ne faut pas voir dans un examen critique et une réforme de la PAC une menace pour l'agriculture européenne, mais plutôt la prise en compte des problèmes et de la nécessité d'un changement qui sera bénéfique pour tous, y compris pour les agriculteurs.

9.       Le présent rapport ne cherchera toutefois pas à analyser chaque nouveau cycle de réforme ; il s'attachera à mettre en relief les conséquences négatives de la PAC et la nécessité d'une refonte de la politique agricole dans l'UE. De son propre aveu, les objectifs de l'UE ont changé. Lors du Conseil européen de mars 2000 à Lisbonne, un nouvel objectif à dix ans a été fixé pour que l'Union européenne devienne "l'économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde, capable d'une croissance économique durable accompagnée d'une amélioration quantitative et qualitative de l'emploi et d'une plus grande cohésion sociale"9.

2.       Les tendances dans l'agriculture

10.       Pour mettre la PAC en perspective, il est important d’analyser la contribution de l’agriculture à l’économie de l’UE.

11.       On note dans le secteur agricole de l'UE une tendance générale au déclin sur le long terme. L'emploi dans le secteur a considérablement diminué et la structure de la main d'œuvre a changé. De moins en moins de gens y travaillent et de moins en moins de jeunes choisissent cette activité. La part de l'agriculture dans l'économie de l'UE est toute petite par rapport à celle de l'industrie et du secteur des services.

Tableau 110

Nombre de salariés

1975 (millions)

1999

(millions)

1975-1999

(millions)

1975-1999

(%)

Services

48,1

78,2

+30,2

+63

Industrie

40,9

33,7

-7,1

-17

Agriculture

7,6

3,8

-3,8

-49

Total

98,6

115,8

+17,2

+17

12.       L'évolution de la pyramide des âges dans la main d'œuvre agricole de l'UE laisse à penser que le secteur vieillit. L'analyse menée par Claude Vidal a conclu qu'en 1995, les travailleurs de 55 ans et plus représentaient 38% de la main d'œuvre permanente. Il devient plus difficile et moins attrayant pour les jeunes de choisir l'agriculture.

13.       Même si la tendance est aux grandes exploitations pour tirer avantage des économies d'échelle, 58% des exploitations dans l'UE à 15 sont des propriétés de moins de 5 hectares, et 54% (sur un total de 6,8 millions d'exploitations) se situent dans des régions moins favorisées ou de montagne.

3.       Le coût pour le monde en développement

14.       Lors de l'établissement de la PAC, les décideurs politiques n'ont pas pris en compte les producteurs du reste du monde, même si des concessions avaient été accordées aux anciennes colonies ou aux membres du Commonwealth. Ces dernières années, l'on a commencé à se rendre compte que ce qui se passe dans l'UE a des répercussions significatives sur d'autres pays. L'on peut comprendre les raisons qui poussent l'UE à agir selon les intérêts de son propre secteur agricole, puisque l'UE est l'une des régions les plus prospères au monde, mais elle a aussi le devoir de se préoccuper de ceux qui n'ont pas cette chance. Il est également important de noter que d'autres facteurs puissants sont à l'œuvre pour piéger les pays en développement dans un cycle de pauvreté, notamment l'endettement et la manière dont le commerce mondial fonctionne. Un rapport publié par la Commission pour l’Afrique en mars 2005 souligne le rôle joué par la politique communautaire dans la détermination des conditions commerciales partout ailleurs.Selon le rapport, l’Afrique a peu de chances d’atteindre les Objectifs du Millénaire pour le Développement, l’une des raisons étant le protectionnisme éhonté auquel elle est confrontée sur les marchés du monde développé, et le fait qu’elle doive faire face à la concurrence d’exportations en provenance de pays développés qui sont fortement subventionnées11. Le rapport poursuit en indiquant que ces barrières et subventions sont absolument inacceptables, politiquement obsolètes, économiquement arriérées, écologiquement nuisibles et indéfendables sur le plan éthique, c’est pourquoi elles doivent être éliminées12. La PAC a également des retombées pour les pays frontaliers avec l’UE, qui ne peuvent concurrencer les produits subventionnés de leurs voisins proches. Ainsi, des représentants russes ont souligné que cela leur pose un problème par exemple avec des produits d’origine finlandaise. Cela ne contribue pas au développement pourtant plus que nécessaire de la Fédération de Russie.

15.       La PAC est doublement pénalisante pour les pays du monde en développement : d'une part, les excédents agricoles écoulés sur leurs marchés causent de graves dommages à leur agriculture, d'autre part, des restrictions commerciales les empêchent d'exporter leurs produits. Le soutien à l'agriculture dans l'UE (avec des conséquences négatives pour les pays en développement) mobilise plus de capitaux que l'aide consacrée à pallier les problèmes causés en partie par la PAC.

16.       On peut ainsi comparer l’écart entre ce que l’Europe dépense pour ses bovins et le sort de bon nombre des habitants du monde en développement13 :

. dans l’UE, pour chaque bovin, en moyenne, les gouvernements de l’UE versent désormais 2,20 USD par jour, soit plus que le revenu journalier dont dispose la moitié de la population mondiale.

. les gouvernements de l’UE consacrent chaque année à la PAC un budget qui leur permettrait de faire faire le tour du monde à leurs 21 millions de vaches laitières avec des escales à Hong Kong ou San Francisco, et ils pourraient encore donner plus de 400 £ d’argent de poche à chacune d’elles.

17.       Cette situation ne serait pas aussi problématique si le monde en développement ne dépendait pas autant de l’agriculture, mais il existe une vérité incontournable : pour bon nombre de gens, l’agriculture est la principale source d’emploi. Selon des estimations, ce secteur emploie 50% de la population des pays en développement, une part qui monte à 60% ou plus dans les pays moins développés14. Le monde en développement est avantagé dans la plupart des productions agricoles, car la terre et la main d'œuvre sont moins chères et les conditions climatiques favorables à l'agriculture15. Dans un rapport rédigé avant la tenue de la Conférence de l’OMC à Cancun, la Commission soulignait l’importance de l’agriculture pour ces économies : « l’agriculture est l’épine dorsale de l’économie », et « la mise en place d’un secteur agricole prospère est l’une des clés pour le développement et la croissance économique »16. Ces conclusions rejoignent de manière frappante celles pouvant être tirées du Tableau 1 sur les niveaux d’emploi dans l’UE.

18.       La PAC a deux conséquences significatives pour ces pays. La première est la pratique du dumping des excédents, produits en Europe à un prix garanti, sur les marchés du monde en développement. Cela entraîne une baisse des prix des mêmes denrées produites dans le monde en développement et par là-même de grosses difficultés pour les agriculteurs locaux.

19.       La deuxième prend la forme de restrictions concernant les exportations en provenance du monde en développement. Comme le rapport le montrera plus loin, beaucoup de denrées (le sucre, par exemple) se heurtent à des barrières à l’entrée sur les marchés européens. Certains pays bénéficient d’un statut préférentiel, mais tel n’est pas le cas pour le Mozambique, gros producteur de sucre. Si les pays les plus pauvres de la planète augmentaient leur part des exportations mondiales de 5%, cela représenterait pour eux 350 milliards de dollars de revenus annuels supplémentaires pour eux, soit sept fois ce qu'ils obtiennent actuellement sous forme d'aide. Ces chiffres ont servi à faire une projection qui tendrait à montrer que, chaque fois que la part des exportations mondiales des pays en développement augmente de 1%, le nombre des êtres humains vivant dans l'extrême pauvreté reculerait de 128 millions17. L’agriculture peut potentiellement contribuer à réduire la pauvreté, mais elle est limitée du fait de la PAC et des comportements des pays développés. Elle peut contribuer à augmenter les salaires et à créer des emplois dans les secteurs connexes. Cependant, il est important d’éviter de causer des dégâts aux habitats et de recourir excessivement aux pesticides. Un rapport de la Commission spéciale sur le développement international concernant la politique agricole du Service pour le développement international (Department for International Development – DFID) note que le DFID mentionne une corrélation entre une augmentation de 1% de la productivité agricole et une réduction allant de 0,6% à 1% de la proportion des personnes vivant avec moins de 0,76 euros (1 $) par jour18. Il n’existe pas de corrélation équivalente pour les secteurs de la production et des services, ce qui montre bien l’importance de l’agriculture pour le monde en développement.

20.       Or, comble de l’absurdité, dans le même temps, l’UE consacre une partie de son budget à l’aide au développement des pays d’outre-mer afin de pallier certains des problèmes causés par ses propres choix en matière de politique agricole. Il ne s'agit pas de suggérer que les programmes de développement de l'UE n'apportent pas une importante contribution aux pays en développement, mais il est ironique que l'on soit en train de donner d'une main et, apparemment, de reprendre de l'autre.

Tableau 219

2001

Soutien à l’agriculture

Aide aux pays d’outre-mer

UE

71,3 € (93,1 milliards $)

19,4 € (25,3 milliards $)

Etats-Unis

37,5 € (49,0 milliards $)

7,6 € (10,0 milliards $)

Japon

36,2 € (47,2 milliards $)

10,34 € (13,5 milliards)

21.       Un autre facteur aura un impact sur l’agriculture et l’approvisionnement alimentaire tant dans le monde développé que dans le monde en développement : les contraintes en matière d’approvisionnement en eau. Les besoins en eaux pour l’agriculture intensive dans le monde développé puisent déjà énormément dans les nappes phréatiques, qui ne se renouvellent pas. Cette situation devrait s’exacerber du fait du changement climatique. Un récent rapport montrait que les habitants des pays en développement sont ceux qui risquent le plus de souffrir directement des effets du changement climatique20. Des travaux menés par l’Earth Policy Institute mettent en évidence combien la situation est grave : la demande en eau dépasse les réserves, ce qui crée une crise pour les générations futures. Selon des estimations de l’Institute, il faut 1 000 tonnes d’eau pour produire une tonne de blé. Dans la plaine du nord de la Chine, le bilan annuel en eau se solde par un déficit de 37 milliards de tonnes, ce qu’il faut pour produire le blé nécessaire à l’alimentation de 111 millions de Chinois (au niveau actuel de consommation). Selon ces travaux, en fait, 111 millions de Chinois se nourrissent avec du blé produit grâce à l’eau appartenant à leurs enfants21. L’agriculture doit se préoccuper moins de satisfaire les intérêts des puissants groupes de défense des agriculteurs et davantage des crises qui se profilent pour l’avenir.

Le régime du sucre de l’UE

22.       Le régime du sucre de l’UE servira d'exemple pour démontrer l'effet de la PAC. Il est également intéressant pour mettre en évidence les coûts de la PAC pour le contribuable, le consommateur et l'économie de l’UE.

23.       "Par un bizarre effet de la géographie, l'Europe est le premier exportateur mondial de sucre blanc alors que la production coûte deux fois plus cher pour les producteurs européens que pour ceux des pays pauvres"22.

24.       Selon le groupe de réflexion Agra Europe, ce système est l’organisation d’un marché commun pour les produits agricoles la plus protectionniste, la plus chère et celle qui fausse le plus les marchés23. La Commission européen est elle aussi critique à l'égard de ce régime. Dans une déclaration faite au cours de l'annonce de réformes, elle reconnaissait que "le système actuel est fortement critiqué, car il pénalise les consommateurs, fait obstacle à la concurrence, est nuisible pour les pays en développement et pénalisant aussi pour les consommateurs, les contribuables et l'environnement"24. Dans une réponse écrite à une question parlementaire, la Secrétaire d’Etat britannique pour le développement international déclarait que « le régime communautaire de la PAC pour ce qui est du sucre est lourdement réglementé, fortement protégé et discriminatoire. Il est également très coûteux pour le consommateur et le contribuable. La plupart des pays d’Afrique et d’Asie qui sont producteurs de sucre se voient actuellement refuser un accès préférentiel au marché de l’UE. Il est à la fois nécessaire et souhaitable de réformer le régime, et cette réforme n’a que trop tardé. »25. En écho à cette déclaration, Gordon Brown, « Chancellor of the Exchequer », a remarqué dans un discours : « Les pays les plus riches acceptons de mettre fin à l’hypocrisie du protectionnisme des pays développés en ouvrant nos marchés, en supprimant les subventions qui

faussent les règles du jeu et, en particulier, en faisant davantage pour nous attaquer au scandale et au gaspillage de la Politique agricole commune – en montrant que nous croyons au libre-échange et au commerce équitable »26. Il entend faire de ce credo le cheval de bataille du G8 en 2005.

25.       Le régime influe à deux niveaux. Premièrement, par la subvention aux producteurs de sucre non raffiné, qui est ensuite exporté ; deuxièmement, par l’établissement de droits de douanes élevés sur les importations (certains pays bénéficiant d’accords préférentiels). L'UE produit chaque année 8,6 millions € (6 millions £) d’excédents, soit 20% des exportations annuelles du reste du monde. La production de sucre en Europe n’est pas bon marché et requiert des méthodes de culture intensives. Selon une étude de l'Institut économique des Pays-Bas, il en coûte quelque 673 euros à l'Europe de produire une tonne de sucre blanc, contre 286 euros pour des pays concurrentiels tels que le Brésil et la Colombie27.

26.       Deuxièmement, lorsque le sucre est commercialisé, son prix peut être fixé plus bas que celui des concurrents, ce qui lamine les prix pour des producteurs pourtant moins chers des pays en développement. Le principal bénéficiaire du régime en ce moment est l’industrie sucrière elle-même et certaines des régions les plus riches de l’UE, dominées par une poignée de grosses sociétés qui engrangent des bénéfices substantiels. Selon Oxfam, British Sugar reçoit une aide de 123 millions d’euros (77 millions de livres) par an, qui représente la moitié des bénéfices de la société et l’aide à préserver une marge bénéficiaire de 20%28. (Voir page 14 pour les subventions touchées).

27.       « Les régions agricoles les plus prospères de l’Europe, comme l’Est de l’Angleterre, le Bassin parisien et l’Allemagne du Nord, comptent parmi les plus gros bénéficiaires des subventions à l’industrie sucrière » 29 Les exploitations de betteraves à sucre sont plus étendues que la moyenne de l'UE et ont des revenus plus importants. Des statistiques de la Commission européenne confirment que la superficie moyenne est supérieure à 10 hectares. Pour illustrer cette situation, il suffit de faire la comparaison entre les exploitations sucrières européennes et leurs homologues au Mozambique. Les premières peuvent obtenir jusqu’à 86 021 € (60 000 £) par an de subventions pour produire du sucre, alors que le salaire moyen au Mozambique s’établit à 215 € (150 £) par an 302

28.       Le Mozambique est l’un des pays les plus pauvres de la planète – 70% de sa population vit en dessous du seuil de pauvreté. Il est en mesure de produire du sucre à des prix très compétitifs, mais du fait des restrictions actuelles aux échanges, moins de 10% de sa production seulement parvient à s’écouler sur les marchés de l’UE et des Etats-Unis31. Si le Mozambique pouvait exporter davantage sa production sucrière, cela constituerait une avancée majeure pour sortir le pays de la pauvreté. Le dirigeant du syndicat national des travailleurs du secteur sucrier du Mozambique affirme du reste que l’économie du pays repose entièrement sur l’agriculture et que, si les denrées produites trouvaient un marché, il serait possible de tripler la production et d’améliorer les conditions32.

29.       Un récent rapport d’Oxfam éclaire davantage la situation du Mozambique en estimant le coût des importations de sucre de l’UE. En calculant ce que le Mozambique aurait gagné si les exportations en provenance du marché du monde en développement avaient été transférées à l’UE aux prix actuels depuis 2001, selon Oxfam, le Mozambique aurait pu augmenter ses exportations de plus de 80 000 tonnes pour des recettes de 29,1 m € (38 m $), soit l’équivalent de ce que le gouvernement dépense au total pour le développement rural. La province de Sofala est un bon exemple du potentiel de la culture sucrière à créer des emplois. A la fin des années 1990, la province connaissait un taux de chômage de 19%. Depuis la réouverture de deux grandes exploitations sucrières, le chiffre des actifs a doublé et, dans le même temps, la pauvreté a reculé de manière

flagrante. La province, qui comptait le plus fort nombre de pauvres en 1996-97, est maintenant celle qui en compte le moins en 2002-200333. On trouvera dans le tableau ci-après d’autres éléments de comparaison :

Tableau 3

Nations Unies - Rapport sur le développement humain 2004

(NB : Oxfam a ajouté les chiffres concernant le Royaume-Uni et la Suisse à titre de comparaison).

 

Zambie

Mozambique

Royaume-Uni

Suisse

% de la population vivant avec moins de 1,53 € (2 $) par jour

87%

78%

Chiffres non disponibles. Mesure non appliquée pour les pays ayant un développement humain élevé

 

PIB par tête

PPP 643 € (840$)

804 € (1 050 $)

20 035 € (26 150 $)

22 992 € (30 010 $)

Espérance de vie

33 ans

38 ans

78,1 ans

79,1 ans

PPP = Parité des Pouvoirs d’Achat, calcul pour permettre une comparaison. Calcul de la valeur relative des monnaies en fonction de ce qu’elles permettent d’acheter dans leur pays.

30.       L’Afrique du Sud également ressent les effets du régime du sucre de l’UE. Selon une étude de la CAFOD, en Afrique du Sud, la production d’une tonne de sucre revient entre 191 € (250 $) et 229 € (300 $), contre 459 € (600 $) en Europe34. La filière sucrière de l’Afrique du Sud (depuis la production jusqu’au traitement du sucre) emploie 140 000 personnes, mais l’Association sud-africaine du sucre estime qu’au cours des dix dernières années, l’UE a fait baisser le prix mondial du sucre de 20 à 40%, évinçant de nombreux producteurs du marché.

31.       Du fait des restrictions à l'importation, le sucre est commercialisé à un prix substantiellement plus élevé pour les consommateurs. Ce régime coûterait aux consommateurs britanniques 860 millions € (600 millions £). Les fabricants de produits utilisant cette denrée, qui emploient 80 000 salariés au Royaume-Uni, ont été pénalisés par les prix élevés (selon certaines estimations, au moins 10 000 emplois ont été perdus au Royaume-Uni au cours des cinq dernières années)35. Les producteurs ne sont pas en concurrence loyale avec leurs homologues en-dehors de l'UE.

32.       Toute réforme du régime du sucre devra prendre en compte une myriade d'intérêts différents. Il faudra trouver un équilibre entre la protection des emplois dans l'UE et le sort des pays en développement. Une réforme radicale pourrait faire plus de mal que de bien, mais il serait difficile de justifier le maintien du statu quo. Un travail de recherche commandité par la Commission européenne (Réformer la politique du sucre de l’UE) a analysé trois pistes de réforme. Si l’on optait pour une libéralisation totale, globalement, les prix augmenteraient de 30% et les consommateurs de l’UE paieraient nettement moins pour cette denrée. Il est important de noter que certaines ONG suggèrent la prudence avant d’envisager une libéralisation totale, car cela pourrait nuire à certains secteurs du monde en développement.

4.       Le coût pour le contribuable et le consommateur

33.       La Politique agricole commune pénalise doublement les citoyens de l'Union européenne et le coût de la PAC touche indistinctement les riches comme les pauvres.

34.       Dans l'UE, chacun paie deux fois ses achats alimentaires : une première fois, du fait des taxes qui servent à financer la PAC, une deuxième fois du fait de prix des denrées alimentaires plus élevés dus à la protection que la PAC assure aux fermiers contre les turbulences du marché mondial et des importations à bas prix.

35.       Il ressort des calculs de l'OCDE sur le total des fonds de soutien publics à l'agriculture que les consommateurs européens paient un surcoût sur leurs produits d’alimentation par rapport à la plupart des autres pays de l'OCDE. L'estimation du montant total du soutien couvre les apports des contribuables et ceux des consommateurs. Il ressort que l'UE est la plus chère pour ses citoyens, seul le Japon se situant à ce niveau. L’OCDE a calculé que les montants versés directement aux agriculteurs par le biais de la PAC représentent 37% de leurs revenus dans l’UE, ce qui fait de la PAC d’un des systèmes les plus généreux dans les pays membre de l’OCDE. Ce subventionnement des producteurs devrait en théorie garantir la qualité des produits alimentaires, or un certain nombre de crises et de paniques (l'épidémie d'ESB et la découverte de dioxine dans les volailles, par exemple) remettent cette idée reçue en question et remettent en cause la justification d'une telle ponction pour les consommateurs, en particulier lorsqu'elle est leur est imposée sans qu'ils puissent s'en défendre.

Tableau 4 – OCDE – Estimation du montant total du soutien (statistiques émanant du site web de l’OCDE)

(Valeur monétaire annuelle de tous les transferts bruts des consommateurs et contribuables au profit du secteur agricole)36.

   

1998

1999

2000

2001

2002

Australie

Euros (millions)

1 587

1 556

1 468

1 308

1 307

 

% du PIB

0,5

0,4

0,4

0,3

0,3

Canada

Euros

4 130

4 698

6 004

5 927

6334

 

% du PIB

0,8

0,8

0,8

0,8

0,8

Japon

Euros

56 790

62 319

73 223

64 024

59 057

 

% du PIB

1,5

1,6

1,4

1,4

1,4

Nouvelle-Zélande

Euros

156

168

181

140

201

 

% du PIB

0,3

0,3

0,3

0,3

0,3

Etats-Unis

Euros

81 696

93 412

100 695

108 804

95 785

 

% du PIB

1,0

1,1

0,9

1,0

0,9

Union européenne

Euros

118 716

120 975

108 577

110 456

119 438

 

% du PIB

1,5

1,5

1,3

1,3

1,3

36.       Pour les consommateurs du Royaume-Uni, une Réponse parlementaire émanant du Service pour l’environnement, l’alimentation et les questions rurales déclare que les subventions agricoles versées par le budget de l’UE représentent de 5,7 à 7,1 € (4 à 5 £) par semaine pour une famille de quatre personnes et que la Politique agricole commune alourdirait de 7,1 à 8,6 € (5 à 6 £) supplémentaires le budget Alimentation d’une famille37.

37.       Un problème sous-jacent à cette charge financière imposée à tous les consommateurs est que les familles les plus défavorisées sont celles qui consacrent la plus grande part de leur budget à la nourriture (plus du quart en moyenne dans l'ensemble des Etats membres)38. Cette catégorie est donc celle qui peut le moins se le permettre qui est la plus pénalisée.

38.       Une autre preuve, s’il en était besoin, est apportée par la comparaison effectuée par l’Association britannique des consommateurs portant sur le surcoût attribué à la PAC sur les achats hebdomadaires par rapport aux prix payés par les consommateurs de la Nouvelle-Zélande, qui a aboli le soutien à l’agriculture (voir étude de cas). « La Politique agricole a largement dépassé sa date de péremption » (Sheila McKechnie, Directrice de l’Association des consommateurs)39.

39.       Le tableau 4 montre que les denrées de base sont sensiblement plus chères pour les consommateurs du Royaume-Uni que pour ceux de la Nouvelle-Zélande. A l'évidence, si la PAC n'est pas le seul facteur de renchérissement des prix des denrées alimentaires, elle est un facteur important. Il n'en est pas moins difficile de justifier un tel niveau de dépenses.

Tableau 540

Prix moyen

Angleterre (£)

Nouvelle Zélande (£)

Beurre (500g)

2,4 € (1,73)

0,95 € (0,66)

Boeuf – entrecôte (1kg)

13,77 € (9,61)

7,47 € (5,21)

Boeuf – émincé (1kg)

4,96 € (3,46)

3,78 € (2,64)

Huile d’olive (1l)

9,58 € (6,68)

4,66 € (3,25)

Agneau- côtelettes (1kg)

13,21 € (9,22)

4,76 € (3,32)

Riz – blanc (1kg)

2,82 € (1,97)

0,76 € (0,53)

Sucre – blanc (1kg)

0,86 € (0,60)

0,57 € (0,40)

Lait, pasteurisé (1l)

0,73 € (0,51)

0,60 € (0,42)

40.       Le soutien du public en faveur de la PAC est mitigé et l’on assiste de plus en plus à une prise de conscience du coût de la PAC pour le consommateur et des questions liées au commerce équitable. Une récente étude d’Eurobaromètre a conclu que les sondés sont partagés à peu près équitablement entre ceux qui jugent plutôt bonne et ceux qui trouvent plutôt mauvaise l’action de la politique agricole de l’UE en faveur de la protection des petites et moyennes exploitations, de la réduction des écarts intrarégionaux, de la garantie de revenus stables et adéquats pour les exploitants et de l’amélioration des conditions de vie rurales. Pour ce qui est de la protection des petites et moyennes exploitations, 49% des sondés ont répondu que la PAC n’était pas performante41.

5.       Les coûts pour d'autres secteurs et pour l'économie de l'UE

41.       Depuis sa mise en place, la PAC consomme une grande part du budget de l’UE et même si l’on note une tendance à la baisse de l’enveloppe budgétaire qui lui est consacrée, elle représente encore près de 50% du budget communautaire. Ceci peut se comprendre si l’on remonte à ses principes fondateurs (par exemple, garantir l’approvisionnement alimentaire), mais ce rapport montrera que la PAC ponctionne aujourd’hui des ressources qui pourraient être réorientées ailleurs (voir tableau 5). Le rapport de la Commission pour l’Afrique estime que cela est indéfendable : selon lui, étant donné que la PAC absorbe pratiquement 40% du budget de l’UE (autour de 30,6 milliards d’euros, l’équivalent de 40 milliards de dollars) et que l’économie de l’UE n’enregistre qu’une croissance de 0,8%, il est grand temps que les gouvernements européens regardent de plus près le coût d’opportunité d’un tel gâchis42.

Tableau 6 – Paiements effectués sur le Budget- Finances communautaires, Ministère des finances du Royaume-Uni43

Euro m

1995

1996

1997

1998

1999

2000

2001

2002

2003

PAC

34 498

39 081

40 341

38 810

39 780

40 506

41 543

44 255

44 780

Opérations structurelles

19 292

24 426

26 285

28 366

26 664

27 591

22 456

32 129

33 173

Total paiements (tout confondu)

66 915

76 756

79 302

80 614

80 310

83 331

79 988

95 654

97 501

42.       L’on peut faire une comparaison entre le montant des fonds alloués à la PAC et aux Fonds structurels et le besoin, en relatif, de ces capitaux dans différents secteurs économiques. La production manufacturière a décliné dans les Etats membres de l’Union européenne, or ce secteur n’a pas bénéficié du même niveau de soutien que l’agriculture pour contrer ce déclin, alors même que sa contribution au PIB et à l’emploi reste plus élevée. L’exemple du régime du sucre de l’UE montre bien les coûts induits dans l’un des domaines de la production manufacturière. Si l’on revient au Tableau 1 (Claude Vidal), l’on voit que l’agriculture, qui représente de loin le secteur économique le plus modeste, est pourtant celui qui reçoit la plus grosse part des fonds.

43.       Il ne s’agit pas d’imputer ce déclin de la production manufacturière au fait que l’attention et les ressources communautaires sont concentrées sur l’agriculture. Les facteurs identifiés auxquels on pourrait attribuer ce phénomène varient d’un pays à l’autre au sein d’UE, et, au niveau de chaque pays, vont de raisons politiques aux changements dans les marchés mondiaux en passant par les ressources disponibles. Il n’entre pas dans l’intention du présent rapport d’analyser ces raisons en détail.

44.       « Dans les sept principales économies industrielles, la production manufacturière a chuté, passant de près de 30% du PIB en 1960 à près de 20% dans les années 1990. » 444

45.       « La part du secteur manufacturier sur l’ensemble de la production britannique a chuté, passant de 26,5 % depuis 1979 à 18,7% » 454

46.       Alors que le soutien à l’agriculture continue d’être maintenu, l’Union européenne ne voit pas d’un bon œil les aides publiques aux autres secteurs en difficultés, et l’on connaît un certain nombre d’affaires très médiatisées où les gouvernements des Etats membres se sont mis à dos les autorités de Bruxelles. Mario Monti, le Commissaire européen à la concurrence, a déclaré sans ambiguïté : « La course nationale aux subventions reste l’une des menaces les plus graves à l’encontre de l’unité du Marché commun ». Accorder des subventions à telle ou telle entreprise individuellement n'est pas compatible avec un marché commun.

Tableau 7 – montants perçus au titre de Fonds structurels au Royaume-Uni.46

m £

1994/95

1995/96

1996/97

1997/98

1998/99

1999/2000

Fonds européen d’orientation et de garantie agricole (FEOGA)

66

23

39

51

52

101

Fonds social européen (FSE)

496

709

733

867

511

816

Fonds de développement régional (FEDER)

607

404

621

640

348

442

Total

1,169

1,136

1,393

1,558

911

1,359

47.       Malgré cela, un aspect de la PAC pose en permanence problème pour l’UE : une telle concentration de ressources est-elle justifiable ? L’argent dépensé en vain n’a pas empêché une contraction du secteur, et a peut-être même été un frein à sa survie en l'empêchant de s'adapter aux véritables conditions du marché. Tant les chiffres du PIB que ceux de l’emploi dans l’agriculture laissent à penser que le secteur est en déclin. On le voit bien à la faiblesse de la croissance du PIB et de l'emploi (comme le montrent les tableaux 7 et 8).

Tableau 8 – PIB par secteur47

 

1998

1999

2000

2001

EU-15

2,9

2,8

3,4

1,5

Agriculture, chasse et pêche

1,6

2,6

-0,9

-1,6

Industrie (y compris Energie)

3,0

1,1

3,8

0,5

Activités commerciales et services financiers

4,0

3,7

4,7

3,1

Tableau 9 – Croissance de l’emploi par secteur48

 

1980-1989

1991-1995

1995-1999

Agriculture

-2,3

-4,1

-1,8

Production, mines

-1,3

-2,8

-0,1

Services secteur tertiaire

1,5

0,5

2,7

48.       Les fonds distribués par le biais du Fonds social européen au Royaume-Uni et ailleurs ont connu certains succès remarquables. (Le tableau 6 donne une idée des montants reçus). Au cours d'un débat parlementaire sur le Fonds, il a été noté que le FSE apporte une valeur ajoutée au new deal et à d'autres politiques, ce qui, avec une croissance économique stable, a aidé près de 2 millions de personnes à trouver des emplois permanents49. Cette remarque a été renforcée par le constant que le FSE avait aidé plus d'un million de personnes en Angleterre à suivre une formation pour renforcer leur employabilité et des programmes d'orientation50. Si plus de fonds étaient consacrés aux domaines ou régions qui ont soufferts d'un déclin du secteur manufacturier, l'on pourrait obtenir les mêmes résultats.

49.       Toutefois, on notera que les Fonds structurels comportent un volet pour les régions rurales (voir plus loin dans ce rapport pour une discussion sur la répartition des fonds de la PAC), ce qui veut dire qu'en réalité, les régions rurales reçoivent deux fois une aide, mais que ces deux sources d'aide vont à des projets très différents. En s'appuyant sur sa propre expérience dans la région de Newport West, le Rapporteur peut affirmer que les apports au titre de l’Objectif 1 ne vont pas toujours à ceux qui en ont le plus besoin. La région de Newport West compte trois des zones les plus pauvres du Pays de Galles, avec un chômage élevé et des difficultés sociales importantes. Or, elle n'a pas été reconnue comme éligible pour l'Objectif 1, alors que des régions rurales de l’ouest du Pays de Galles qui ne figurent pas dans les 100 plus pauvres du pays se sont vues accorder ce traitement. Cela ne veut pas dire que les régions rurales ne connaissent pas le chômage et des problèmes sociaux, mais il faut reconnaître que des régions dépendant de l'agriculture sont mieux considérées dans l'esprit des décideurs, en partie du fait de la position centrale occupée par la PAC dans l'histoire de l'UE.

50.       La PAC a généré un coût économique, celui d’une « culture de la dépendance » chez les agriculteurs, qui orientent leur production en vue de recevoir des subventions. Un rapport d’Oxfam, « Cereal injustice under the CAP in Britain », met en lumière la disparité de la répartition des fonds ; les exploitations les plus grosses et les plus riches sont celles qui ont reçu une grande partie de l’argent. De manière très nette, la PAC a été mal répartie entre les exploitants, aboutissant à ce que les producteurs à grande échelle touchent davantage que les petites exploitations familiales du fait de la superficie de l’exploitation. Cette mauvaise répartition des fonds a été soulignée par l’OCDE. Des recherches menées par cette Organisation ont conclu que le soutien aux prix et à la production est une méthode extrêmement inefficace pour redistribuer du revenu entre les agriculteurs, car ces versements finissent dans d’autres poches. Pour chaque euro de soutien direct aux prix, l’opérateur agricole ne reçoit que 25 cents.

51.       Les « barons de l’orge », concentrés dans l’Est de l’Angleterre, en sont un bon exemple. Selon plusieurs études, ils consomment plus du quart de l’ensemble des subventions agricoles distribuées au Royaume-Uni.

52.       En 2003, Oxfam a publié un rapport intitulé « Cereal injustice under the CAP in Britain » qui met en lumière ce déséquilibre et le manque de transparence dans les informations relatives à la répartition des fonds. Selon les calculs, en partant des données disponibles concernant les tailles des exploitations et les subventions, il semblerait que 224 des plus gros céréaliers britanniques auraient touché 67 millions € (47 millions £) en 2003 selon les dispositions actuellement en vigueur, soit 2,86 € (2 £) toutes les cinq minutes. Le rapport affirme également que deux des personnalités britanniques dont les noms figurent sur la liste « Forbes » des personnes les plus riches du monde reçoivent quelques-unes des subventions les plus importantes.51 Le tableau ci-dessous met en évidence ces disparités.

Tableau 10 – Estimation des versements au titre du Programme d’aide en fonction de la superficie des terres arables, par tranches de superficie (2003) (hors sucre)52

 

0-50

50-100

100-500

500-1000

1000+

Total

Toute l’Angleterre – nombre d’exploitations

15 181

12 871

19 845

1199

224

49 230

% des exploitations

30

26

40

2

0.4

100

Versement moyen (€)

5 207 €

(3 632 £)

12 817 €

(8 940 £)

42 860 €

(29 895 £)

155 823 €

(108 687 £)

301 631 €

(210 388 £)

27 238 €

(18 999 £)

53.       Les plus grosses exploitations (2,5%) reçoivent environ 20% de l’ensemble des versements, alors que les plus petites (30%) ne touchent que moins de 6%. L’argent va aux régions et aux producteurs qui sont déjà riches, tandis que les pauvres restent pauvres. L’OCDE a également calculé que le soutien versé par la PAC va aux plus grosses exploitations qui sont les moins susceptibles d’avoir des problèmes de rentrées d’argent. Les 25% plus gros fermières reçoivent 70% de l’aide. Récompenser l’agriculture à grande échelle a des conséquences, on le voit bien, sous forme de dégradations écologiques et de dumping sur les marchés du monde en développement. Cette situation risque d’être encore plus exposée en place publique au Royaume-Uni du fait des dispositions de la Loi de 2000 sur la liberté d’information. Le Service de l’environnement, de l’alimentation et des questions rurales a annoncé que les détails de chaque paiement seront rendus publics à partir d’avril53. Entre-temps, des recherches publiées en septembre 2004 ont mis en évidence les montants auxquels ont droit les cinq plus gros exploitants du Royaume-Uni (voir tableau ci-dessous). La PAC est devenue une sorte de soutien au revenu pour les super-riches ; c’est là une situation que l’on ne saurait tolérer davantage.

Tableau 1154

Propriétaire

Superficie

Valeur

Droit à subvention

Duc de Buccleuch

270 900

857 m € (598 m £)

29,2 m € (20,4 m £)

Propriété du Duché d’Atholl

147 000

286 m € (200 m £)

15,7 m € (11,0 m £)

Duché de Cornouailles

141 000

688 m € (480 m £)

15,2 m € (10,6 m £)

Duc de Northumberland

132 000

663 m € (463 m £)

14,9 m € (9,9 m £)

Duc de Westminster (sans Londres)

129 000

645 m € (450 m£)

13,2 m € (9,2 m £)

54.       Le Ministère britannique de l’Environnement, de l’Alimentation et des Affaires rurales a décidé de publier la liste des bénéficiaires des subventions en mars 2005 (nom et montants perçus) au cours des exercices 2002-2003 et 2003-2004. Cette liste va beaucoup plus loin que les informations du tableau 11 et confirme les conclusions d’Oxfam exposées dans les paragraphes précédents. Les chiffres révélés dans cette liste sont tout simplement renversants. Le plus gros montant de subventions versé au cours de la seule année 2003-2004, 182 millions d’euros (127 millions de livres) pas moins, a été servi en trois versements séparés au géant du sucre Tate & Lyle, qui annonce pour la même année un bénéfice de 322 millions d’euros (225 millions de livres). Un autre géant multimillionaire, Meadow Foods Ltd, a reçu un peu moins avec 43 millions d’euros (30 millions de livres). Les problèmes que le régime communautaire du sucre cause au monde en développement et aux entreprises qui fabriquent des produits utilisant du sucre sont explicités en page 7. Les subventions aux grandes compagnies représentent la plus grosse part des versements de la PAC. La liste présente également les noms de personnes ayant bénéficié à titre individuel de cette manne, et un chiffre saute aux yeux : 1,15 millions d’euros (800 000 livres) ont été versés au Duc de Westminster au cours des deux dernières années. Ce montant tout à fait conséquent n’est que de l’argent de poche pour cet homme qui, avec plus de 7,1 milliards d’euros (5 milliards de livres) est la deuxième personne la plus riche du royaume. Le premier bénéficiaire individuel est Sir Richard Sutton, qui a perçu ainsi 3,15 millions d’euros (2,2 millions de livres) sur deux ans. Il possède des terres d’une valeur nette de 172 millions d’euros (210 millions de livres). Même la Famille royale touche des subventions (1 million d’euros, soit 700 000 livres, pour le domaine de Sandringham et 430 000 euros, soit 300 000 livres, pour le Domaine du Prince Charles, le Duchy Home Farm). Les cent derniers de la liste ont touché moins de 35 euros (25 livres) de subventions en 2004.

Tableau 12

Personnes ayant touché des subventions de la PAC

Personnes

Domaine

Patrimoine estimé

en 2004,

en euros (livres)55

Subventions PAC touchées entre 2002 et 2004, en euros (livres)56

Sir Richard Sutton

Sir Richard Sutton Settled Estates

€172m (£120m)

€3,15m (£2,2m)

Famille Vestey

Thurlow Estates

€1bn (£700m)

€2,15m (£1,5m)

Alan Turner

Water Priory and Lovenden Estates

€111m (£78m)

€3,5m (£2,5m)

Duc de Marlborough

Bleinheim Farm Partnerships

€1,39bn (£97m)

€1,43m (£1m)

Famille Parker

Blankney Estates

€100m (£70m)

€1,41m (£986,000)

Earl of Radnor

Longford Farm

€93m (£65m)

€1,29m (£900,000)

Earl of Plymouth

Earl of Plymouth Estates

€43m (£30m)

€1,29m (£900,000)

Duc de Richmond

Goodwood Estates.

€64,5m (£45m)

€1,29m (£900,000)

Duc de Westminster

Grosvenor Estates

€7,1bn (£5bn)

€1,1m (£799,000)

La Reine

Sandringham

€368m (£250m)

€1m (£700,000)

Duché de Cornouailles

Duchy Home Farm

€573m (£400m)

€430,000 (£300,000)

Tableau 13

10 premières sociétés du RU pour le montant de subventions PAC en euros (£)

 

2002-03

2003-04

Tate & Lyle Europe

€109m (£76,17 m)

€139,8m (£97,56m)

Meadow Foods Limited

€28,2m (£19,71m)

€37,17m (£25,93m)

Tate & Lyle Europe

€26,89m (£18,76m)

€29,37m (£20,49m)

C Czamikow Sugar Limited

€20,57m (£14,56m)

€28,04m (£19,56m)

Granox Limited

€20,97 (£14,63m)

€25,02m (£17,58m)

Co Op Centrale Rai Ffeisen Bank

-

€21,74m (£15,17m)

Philpot Diary Products Ltd

€27,31m (£19,05m)

€21,26m (£14,83m)

Fayrefield Foods Ireland Ltd

-

€20,54m (£14,33m)

Lisburn Proteins

€20,32m (£14,18m)

€16,75m (£11,69m)

Nestle UK Ltd

€28,38m (£19,80m)

€16,6m (£11,61m)

55.       Ces chiffres démontent le mythe selon lequel les subventions aident les fermiers pauvres à s’en sortir : les grands propriétaires fonciers et les grandes sociétés touchent des montants élevés de subventions, alors que de nombreux petits fermiers ne reçoivent qu’une portion congrue de soutien chaque année. En outre, enrichir ceux qui sont déjà riches au-delà de toute expression est un gâchis honteux de l’argent public.

56.       La PAC n’a pas empêché l’agriculture d’entrer en déclin et a étouffé l’innovation en protégeant le secteur des réalités du marché. Dans une certaine mesure, comme les producteurs se sont habitués à compter sur les versements de la PAC, ils n’ont pas été incités à rechercher d’autres moyens de faire de l’argent. La PAC a servi de béquille à certains pour éviter la concurrence des pays outre-mer.

57.       Comme le déclarait un agriculteur, « un drogué ne peut pas passer une journée sans sa dose ; les agriculteurs non plus ne peuvent plus se passer des subventions, c’est le même phénomène d’accoutumance»57.

6.       Le coût pour l’environnement

58.       La PAC, et les avancées technologiques qui l’ont accompagnée, ont abouti à une forme d’agriculture intensive ayant pour but de produire en quantité, et non en qualité. Pour cela, il a fallu recourir aux pesticides et herbicides ainsi que modifier la gestion foncière, ce qui a pollué les cours d’eaux et la chaîne alimentaire et détruit des habitats d’un certain nombre d’espèces d’oiseaux et d’insectes. L’exemple de l’alouette des champs servira à illustrer comment la PAC a modifié les pratiques agricoles au détriment d’une espèce ; cependant, d’autres aspects seront également abordés, notamment comment le régime applicable au tabac a dégradé l’environnement. La meilleure manière de mesurer les dégâts écologiques est de s’intéresser à la situation de certaines espèces ornithologiques, car ce sont celles qui sont suivies de plus près, parfois depuis trente ans. Pour autant, les autres espèces aussi, mammifères, végétaux et insectes, ont aussi été touchées.

59.       Quelques exemples donneront une idée des dégâts. On a estimé qu’au cours des soixante dernières années, au Royaume-Uni, 190 000 miles de haies ont été supprimés pour agrandir les parcelles, 60% de forêts plantées il y a fort longtemps ont été détruites et 97% des prairies ont été perdues. Cela tient avant tout à l’intensification qui a entraîné une uniformisation du paysage. Pour WWF (Worldwide Fund for Nature), cette situation est caractérisée par sept éléments clés58 :

. l’augmentation des captages d’eau ;

. l’utilisation accrue d’engins agricoles lourds ;

. une réduction de la main d’œuvre agricole ;

. la suppression de haies, murs et zones boisées pour accroître les surfaces cultivées ;

. une forte utilisation d’engrais et pesticides chimiques pour pouvoir cultiver toute l’année ;

. le drainage largement répandu d’habitats situés dans des zones humides ;

. une extension des périodes de culture grâce aux possibilités de semailles hivernales ;

. l’introduction de nouvelles variétés.

L’alouette des champs Alauda arvensis

60.       « Les populations d’oiseaux vivant sur des terres cultivées ont connu les plus forts reculs dans les pays européens recourrant aux systèmes de culture les plus intensifs. Au Royaume-Uni, entre 1970 et 1999, la population de l’alouette des champs a diminué de 52%, celle du bruant jaune de 53% et celle du bruant proyer de 88%. » 59 6

61.       Au Royaume-Uni, entre 1975 et 1994, le nombre d’alouettes des champs capables de se reproduire a reculé de 58% dans les habitats sur les terres cultivées des basses terres60. Cette espèce et trente-neuf autres sont inscrites sur la liste rouge des oiseaux dont la préservation suscite de vives inquiétudes. Selon cette liste, la population capable de se reproduire a diminué de plus de 50% au cours des 25 dernières années61.

62.       La plus forte diminution de la population des alouettes des champs a été enregistrée dans les zones de terres cultivées. La cause la plus probable avancée est celle des changements dans la gestion des sols agricoles. Cette espèce est très sensible à la structure de la végétation et donc aux changements de gestion foncière portant sur les types de cultures et les régimes de pâturage, par exemple. Les alouettes des champs ne se reproduisent pas dans une végétation haute ou dense et préfère un habitat mixte, avec des parcelles plantées de cultures moins hautes (céréales de printemps). « Les pratiques de semailles ont changé ; au cours des années 1970, les céréales d’hiver ont remplacé les céréales de printemps sur une part prédominante des terres arables cultivées. »62. Il est possible que d’autres changements tels que la culture d’espèces mal adaptées (colza, par exemple) et un recul généralisé de la diversité soient aussi à blâmer. Cela signifie que les oiseaux tentent moins de se reproduire et que les oisillons sont moins nombreux. L’augmentation des céréales d’hiver pourrait avoir une autre conséquence : les chaumes de céréales, qui sont importants pour la nourriture que les oiseaux peuvent y trouver en-dehors de la saison de reproduction, ont considérablement diminué depuis le début des années 1970.

63.       BirdLife International a publié une évaluation couvrant toute l’Europe de la situation des oiseaux des champs qui apporte d’autres preuves des dégâts causés par l’agriculture intensive. Le tableau ci-dessous donne une idée de l’étendue du problème. Le rapport conclut que les tendances à la réduction des espèces d’oiseaux des champs sont corrélées significativement avec le rendement céréalier, ce qui indique une forte corrélation entre l’intensité de la production agricole et le déclin des espèces d’oiseaux des champs63.

Tableau 14 - Situation des espèces64

Pays

% des espèces qui se reproduisent menacées (nombre d’espèces)

France

41% (281)

Allemagne

36% (253)

Espagne

46% (261)

Italie

42% (250)

Grèce

43% (252)

Portugal

47% (201)

Irlande

31% (151)

Le régime du tabac dans l’UE

64.       De tous les produits agricoles qui bénéficient d’un soutien par la PAC, le tabac est celui qui illustre le mieux les dommages que cette dernière a causé à l’environnement. Le tabac n’est cultivé que dans une très petite zone de l’UE et est concentré dans un tout petit nombre d’Etats membres seulement. Malgré cela, l’UE est le 5ème producteur de tabac mondial. Le régime communautaire a créé une dépendance, qui, malgré ses effets négatifs, commence seulement à être combattue.

65.       « Le secteur est préservé grâce aux subventions extrêmement élevées actuellement versées sous forme de prime à la production. La prime représente en moyenne 76% des revenus que les producteurs de tabac tirent de leur récolte » 656

66.       Le tableau ci-dessous, émanant de cette même Royal Society for the Protection of Birds, donne un bref aperçu de la politique communautaire dans ce domaine66 :

Tableau 15

Montant consacré par l’UE au soutien à la production

963 millions d’euros (2002)

Montant consacré par l’UE à décourager le tabagisme chez les jeunes

6 millions d’euros (2003)

Prime moyenne perçue pour la production de tabac

7 800 euros/ha (2002)

Prime moyenne perçue pour des cultures sur terre arable en Angleterre

371 euros/ha (2002)

Nombre de morts dues au tabagisme

550 000/an (2001)

67.       La culture du tabac, une plante qui épuise la terre et est vulnérable aux maladies, dégrade l’environnement. Il faut utiliser des engrais et des pesticides en grandes quantités, ce qui est néfaste pour la qualité de l’eau, celle des sols et la biodiversité sur les terres cultivées. Les pesticides ont été

reconnus comme un facteur de diminution du nombre d’oiseaux, d’invertébrés et de végétaux. Il coûte 172 millions € (120 millions £) par an aux Royaume-Uni pour épurer l’eau potable des résidus de pesticides67.

68.       Il est par ailleurs particulièrement absurde de financer la production du tabac alors que, dans le même temps, les Gouvernements des Etats membres dépensent chaque année des millions d’euros pour des campagnes de lutte et de prévention du tabagisme et pour des soins de santé liés au traitement des maladies dues au tabagisme telles que le cancer du poumon. Le tabac produit en Europe n’est pas d’une qualité suffisante pour être commercialisé sur le marché européen ; en conséquence, il est exporté vers le monde en développement, avec tous les risques sanitaires que cela comporte68.

69.       Une étude menée par un groupe de chercheurs de l’université d’Essex69 a cherché à estimer le coût de la dépollution après la pratique de l’agriculture intensive, par exemple pour supprimer la pollution chimique. Ses auteurs sont parvenus à la conclusion que, pour 1996, en Angleterre, il pouvait en coûter au total jusqu’à 2,3 milliards £ pour éliminer les nitrates et pesticides dans l’eau potable, réparer l’érosion des sols et restaurer les habitats disparus.

70.       La réforme de la PAC est réellement une opportunité de réparer une partie des dégâts causés à l'environnement et de donner aux agriculteurs un rôle à jouer pour cela. Dans le dernier paquet de réformes proposées, les versements seront liées au respect de normes environnementales. Certains résultats positifs sont déjà notés avec la création de nouvelles parcelles boisées et la restauration de haies. Cependant, comme les programmes d’amélioration rurale et d’environnement ne reçoivent qu’une toute petite fraction du budget global, leur portée en est limitée. La PAC a été réformée en lui donnant une orientation environnementale, un « vernis écologique », au lieu de s’attaquer aux véritables coûts de cette politique.

7.       Quelques modèles

      Nouvelle-Zélande

71.       « La suppression des subventions agricoles en Nouvelle-Zélande a donné naissance à une économie rurale vivante, diversifiée et en croissance. » 70

72.       La Nouvelle-Zélande est un cas d’école qui montre ce que la situation pourrait être si la Politique agricole commune était abolie et un exemple dont on pourrait s’inspirer. Des réformes ont été menées dans ce pays entre 1984 et 1989, à la suite de quoi les subventions agricoles ont été pratiquement supprimées.

73.       L’agriculture tient une place importante dans l’économie du pays et, jusqu’à 1984, le soutien des pouvoirs publics à l’agriculture n’avait fait qu’augmenter pour tenter de protéger le secteur et les consommateurs des chocs pétroliers au cours des années 1970. Le pays s’est retrouvé dans une situation de cercle vicieux où, grâce au protectionnisme, le secteur était à l’abri de la concurrence des marchés mondiaux, mais où, dans le même temps, il fallait injecter de l’argent pour le sortir de la stagnation. Au fil du temps, les subventions ont atteints des niveaux insupportables.

Tableau 1671

 

Assistance (NZ $)

Production (NZ $)

1980

226 m € (405 m)

1 467 m € (2 621 m)

1985

579 m € (1 035 m)

2 562 m € (4 577 m)

1990

115 m € (206 m)

3 441 m € (6 148 m)

74.       « Le coût de la protection au niveau national a entraîné une dégradation permanente de la concurrence relative des secteurs (agricoles) protégés, et il a fallu augmenter les compensations » 72 Les problèmes économiques ont conduit à repenser cette politique et, entre 1984 et 1986, le gros des subventions a été supprimé. Cette mesure a, dans premier temps, entraîné une période de réajustement difficile pour les agriculteurs mais, et c’est le point crucial, elle n’a pas fait de ce secteur une activité sinistrée. En mars 2000, selon des rapports, en définitive, seules près de 1% des 8 000 exploitations dont on avait prédit la disparition ont fait l’objet de ventes forcées 73 7

75.       La libéralisation du secteur agricole néo-zélandais a eu des conséquences positives pour les agriculteurs, l’environnement et le contribuable. Le tableau 4 montre que les consommateurs en ont également tiré avantage. La Fédération des Agriculteurs néo-zélandais a publié un rapport, « Life after Subsidies » (La vie après les subventions), concluant que l’expérience avait été positive : « L’expérience de la Nouvelle-Zélande montre que, dans une économie moderne, les agriculteurs n’ont pas besoin de compter sur la charité publique »74.

76.       Le rapport formule un certain nombre d’observations sur le résultat de ce changement de politique :

77.       La comparaison entre le secteur agricole néo-zélandais et un secteur agricole en recul dans l’UE se passe de commentaires, tout comme les avantages procurés par la suppression des subventions. Une évaluation de la manière dont les agriculteurs se sont adaptés conclut que la suppression des subventions s’est révélée un catalyseur pour des gains de productivité, l’innovation et la diversification. Aujourd’hui, les agriculteurs cultivent mieux, ils sont davantage conscients que leurs activités doivent être saines sur le plan commercial. Ils ne cultivent plus pour chasser la subvention. Ils s’en tiennent à des structures de coûts qui reflètent la véritable capacité de leur exploitation à dégager des bénéfices. Ils investissent dans la protection de leur environnement et la valeur de leurs terres est fonction du rendement qu’ils peuvent en espérer. Les agriculteurs néo-zélandais ont désormais pris davantage leur destinée en main et sont moins à la merci des pouvoirs publics pour la fixation des prix/les subventions. Ils se sont montrés plus adaptables et souples qu’on aurait pu s’y attendre lorsque les subventions avaient été supprimées.75

78.       L’agriculture de la Nouvelle-Zélande suit désormais les règles du marché et s’adapte aux consommateurs, les dégâts infligés à l’environnement ont diminué du fait de méthodes de culture moins intensives, la population rurale est demeurée stable et la croissance économique dans le secteur agricole a dépassé tous les autres secteurs de l’économie dans ce pays. Certains opposeront que la comparaison entre l’UE et la Nouvelle-Zélande ne sert que les critiques de la PAC et que la Nouvelle-Zélande est trop différente de l’UE. Il n’en reste pas moins qu’elle propose un

exemple (dont on pourrait s’inspirer) de transition d’un système dominé par les subventions vers une politique libérale, et qu’elle démontre clairement les problèmes entraînés par les subventions. Le fait de se doter d'une politique agricole présente quelques avantages.

79.       Tout comme le cas de la Nouvelle-Zélande, l’analyse de politiques agricoles appliquées dans d’autres pays est également intéressante. Nous commencerons par le cas le plus évident, celui des Etats-Unis, qui est l’un des acteurs les plus puissants sur les marchés mondiaux pour bon nombre de denrées alimentaires.

      Etats-Unis

80.       Le secteur agricole américain affiche des tendances similaires à celles notées en Europe. La taille des exploitations a énormément augmenté avec la mécanisation, tandis que le volume de la main d’œuvre employée dans l’agriculture a décliné. Alors que, dans les années 1930, l’agriculture faisait vivre un quart de la population et contribuait directement au PIB à hauteur de 7%, dans les années 1990, les agriculteurs ne représentent plus que 2% de la population et la contribution directe du secteur au PIB a chuté à 1,5%76. Les Etats-Unis ont adopté une politique similaire dans une large mesure à celle de l’Europe, à savoir garantir l’approvisionnement alimentaire et le niveau de vie des agriculteurs, des objectifs soutenus par un puissant lobby sectoriel.

81.       La politique agricole des Etats-Unis s’appuie sur un certain nombre de textes de loi adoptés dans les années 1930 et 1940 en réaction aux conditions de la Dépression et pour stimuler la reprise de l’après-guerre. Ces textes sont des points de référence clé pour la politique agricole car ils contiennent des dispositions permanentes telles que le soutien des prix que le Congrès peut réactiver à tout moment. Jusque dans les années 1990, les fermiers ont perçu des aides de soutien à la production, et les Etats-Unis continuent de verser des subventions et d’assurer des garanties de crédit pour les exportations.

82.       Les textes législatifs américains les plus récents concernant l’agriculture (en 1996 et en 2002) présentent la politique américaine et permettent d’opérer une certaine comparaison avec l’UE. La Loi fédérale de 1996 sur l’amélioration et la réforme de l’agriculture avait les mêmes objectifs que les réformes MacSharry de la PAC en 1992, en ce qu’elle introduisait un découplage des subventions et commençait à exposer les agriculteurs aux conditions de marché, même si le niveau des subventions demeurait relativement élevé. Elle a été suivie du projet de loi de 2002 sur l’agriculture. Ce texte, qui a accru les mesures de protection et conduit à une augmentation des dépenses de soutien de 70%, a été perçu comme une volte-face par rapport aux objectifs de 1996. Comme pour la récente réforme de la PAC, des efforts ont été faits pour lier les versements à des considérations écologiques.

83.       L’effet de ces politiques est ressenti en particulier dans le monde en développement. La politique de soutien aux producteurs de coton américains et ses conséquences rappelle de très près le subventionnement des producteurs de sucre dans l’UE. Les producteurs de coton américains bénéficient d’aides plus élevées que celles versés à n’importe quel autre secteur agricole dans le pays, ce qui leur permet d’exporter leur coton à des prix inférieurs aux cours des marchés mondiaux. Ils perçoivent 176 € (230 $) par acre contre 30,6 à 38,8 € (40 à 50 $) pour les céréaliers. Cette situation a un effet pervers en ce qu’elle pénalise des producteurs plus efficients d’Afrique de l’Ouest, ce qui entraîne une perte de revenus pour les producteurs et les pays concernés. Dans cette région du monde, 10 millions de gens dépendent de la production de coton. Selon des estimations d’Oxfam, en 2001, les pertes se sont chiffrées à 229 m € (300 m $) pour l’ensemble de l’Afrique (dont 146 m € (191 m $) pour l’Afrique de l’Ouest)77. Pour un pays comme le Burkina Faso, ces pertes sont équivalentes aux allégements de la dette accordés au titre de l’Initiative en faveur des pays pauvres très endettés.

84.       Cette politique a fait l’objet d’une action intentée par le Brésil devant l’OMC, qui a rendu sa décision au début de cette année : ces subventions violent les règles commerciales. Toutefois, il est peu probable que les choses changent avant l’adoption d’un nouveau texte de loi sur l’agriculture, qui devrait intervenir en 2007.

85.       Le système américain ne donne guère d’indications sur des possibilités de remplacement de la PAC et une éventuelle réforme. Les politiques américaine comme européenne souffrent, semble-t-il, du même problème essentiel : elles ont été élaborées alors que les contextes économiques et politiques étaient différents d’aujourd’hui, et elles se sont révélées très difficiles à réformer. Etant donné que les décideurs politiques de l’UE sont de plus en plus tenus de prendre en compte les effets de la PAC au-delà des frontières communautaires, il est instructif de voir l’influence des Etats-Unis sur d’autres parties du monde.

      Suisse

86.       La Suisse propose un exemple dont l’étude se révèle plus utile et qui se démarque de la politique adoptée en Nouvelle-Zélande. L’agriculture helvétique présente des tendances générales similaires à celles notées dans l’UE et aux Etats-Unis. L’agriculture représente 1,5% de l’activité économique, contre 34% pour l’industrie. Elle emploie de moins en moins de gens (4,6% de la population actuellement)78.

87.       Le soutien public de la Suisse à son agriculture est l’un des plus généreux au monde. L’Estimation du soutien aux producteurs (ESP-soutien aux agriculteurs en pourcentage de leurs revenus nets par le biais d’une aide publique, OCDE) s’établit actuellement à près de 70%79 pour la Suisse, contre quelque 30% pour l’UE. Même si cela pourrait être le signe d’un régime très onéreux et très protectionniste, la Suisse a entamé un certain nombre de réformes intéressantes dont la CAP pourrait s’inspirer.

88.       Des propositions ont été faites en 1996 en vue de recentrer la politique agricole sur l’environnement, propositions acceptées par la majorité des électeurs. L’Article 104 de la Constitution fédérale reconnaît le rôle joué par l’agriculture et s’engage à garantir l’approvisionnement alimentaire et à faire en sorte que l’agriculture y contribue. La Confédération a un certain nombre de responsabilités, notamment d’apporter un soutien financier, avec un bémol toutefois : les versements sont conditionnés à des garanties sur le plan de l’environnement. Des aides financières supplémentaires sont offertes aux fermiers qui n’utilisent pas de fongicides et qui adoptent des techniques d’élevage respectueuses de la qualité de vie des animaux. Les versements ne sont pas liés à la production. L’incitation en faveur des agriculteurs dépend maintenant du respect de normes écologiques strictes plus que de la faible utilisation d’engrais. Cela a abouti à une réduction de 35% des pesticides80. Dans sa présentation, M. Boetsch a souligné que les principes directeurs de sa politique mettaient l’accent sur la conservation des ressources naturelles et des paysages ruraux. La structure des paiements avait évolué, privilégiant les versements directs, et ceux-ci sont passés de 29% du total en 1990-92 à 66% en 2000-2002, sans que cela entraîne de baisse significative des revenus des agriculteurs81. Des tentatives ont été faites pour orienter davantage la PAC vers l’environnement, mais de manière dispersée. En cas de refonte des objectifs de la PAC, l’exemple suisse pourrait être très instructif.

89.       En Suisse82, l’on craint que la libéralisation ne signe l’arrêt de mort de l’agriculture, craintes souvent entendues également au sujet de la proposition de réforme de la PAC. Au lieu d’emboîter le pas à la Nouvelle-Zélande, la Suisse a choisi une autre voie. Cet exemple montre comment il est possible d’intégrer des considérations environnementales dans une politique agricole, même si tout n’est pas encore réglé au sujet de ce qu’il en coûterait aux contribuables et aux consommateurs de poursuivre une telle politique. Les agriculteurs sont encore protégés des réalités du marché et une telle générosité pourra difficile être poursuivie du fait des contraintes budgétaires83. Passer aux versements directs ne réduit pas nécessairement la facture pour le contribuable et l'on pourrait même y voir une manière de maintenir la logique de la PAC, au lieu de la réformer en profondeur comme on l’a mentionné au début du présent rapport.

90.       On peut déduire de l’expérience suisse et des nouveaux accords communautaires pour des versements uniques que le secteur agricole a une remarquable puissance d’influence. Le lobby des agriculteurs est parvenu à déplacer la question des subventions, décriée sur le plan économique, pour la placer sur le terrain de l’environnement. Une bonne partie des arguments est bien fondée, grâce à de meilleures méthodes de travail qui sont moins dures pour les animaux et l’environnement naturel. On a davantage de mal à suivre l’argument selon lequel c’est l’agriculture qui a créé la belle campagne dont dépend une bonne partie de notre tourisme. C’est la main de la nature et non celle des agriculteurs qui a façonné ces beaux paysages. Il est extrêmement improbable qu’en l’absence de culture, nos régions se couvrent à nouveau de forêts et de bruyère d’une frontière à l’autre. De nombreuses activités agricoles mettent en valeur la beauté des paysages. D’autres l’enlaidissent. Passer d’activités agricoles à des activités de détente et de loisir a souvent un effet bénéfique sur la beauté du paysage et améliore la prospérité rurale. Sur le long terme, tant la politique suisse que la PAC réformée ne pourront pas perdurer.

8.       Conclusions

91.       La Politique agricole commune a été inspirée par la situation de l'Europe après la Deuxième Guerre mondiale. Cette situation a énormément évolué au cours des 50 dernières années. A l'évidence, le soutien à l'agriculture, sous une forme ou une autre, a un rôle à jouer en Europe, en particulier comme bouclier contre les menaces qui pèsent sur notre patrimoine culturelle et nos langues minoritaires, qui sont souvent intrinsèquement liées aux régions rurales.

92.       Néanmoins, toutes les mesures montrent que l'agriculture est en déclin et que la PAC n'est pas parvenue à enrayer ce phénomène.

93.       Le présent rapport a apporté la preuve que la PAC a un coût pour le monde en développement, qui dépend davantage de l'agriculture, et a donné quelques exemples (notamment le régime du sucre dans l'UE) des obstacles auxquels des agricultures du reste du monde (en Mozambique, par exemple) sont confrontés. Une réforme de la PAC pourrait faire une différence considérable pour la vie des populations du monde en développement en les aidant à sortir de la pauvreté.

94.       Les consommateurs et les contribuables en Europe sont pénalisés par la PAC, en particulier les foyers à revenus modestes.

95.       Désormais, d'autres secteurs ont supplanté l'agriculture et sont devenus plus importants pour l'économie européenne, et la PAC semble orientée dans une large mesure en faveur des agriculteurs les plus riches. La récente publication du montant considérable de fonds publics que les grands propriétaires fonciers et grandes entreprises reçoivent sous forme de subventions devrait servir de catalyseur pour un changement, car cette pratique totalement injustifiée est intenable. Les fonds structurels ont réussi à aider des communautés touchées par le déclin des secteurs manufacturiers traditionnels, alors que la PAC ponctionne encore (et de très loin) la plus grosse partie du budget de l'UE.

96.       Les "pères fondateurs" de la PAC n'avaient certainement pas l'intention que celle-ci aboutisse à la disparition d'espèces et d'habitats; c'est pourtant ce qui s'est produit, et, s'ils sont regrettables, les considérables dégâts infligés à l'environnement n'en sont pas moins réels. La dernière réforme de la PAC visant à lier les versements directs à des normes environnementales est une bonne chose en ce qu'elle reconnaît les problèmes créés auparavant.

97.       La Nouvelle-Zélande propose une solution radicale pour sortir de l'impasse, qui pourrait ne pas être du goût de l'Europe, mais qui offre un point de référence utile pour ce débat. La Suisse offre un autre modèle de réforme, mais le coût financier important est toujours là.

9.       Recommandations

98.       Le présent rapport recommande que le Conseil de l'Europe se penche sur le coût de la PAC pour le monde en développement, les contribuables et les consommateurs, d'autres secteurs économiques et l'économie de l'UE ainsi que l'environnement. Il devrait également prendre en compte que la PAC a des retombées positives en ce qui concerne les langues minoritaires et que toute réforme doit faire l'objet d'une réflexion approfondie. Des enseignements peut être tirés des problèmes de la PAC, des programmes dispendieux tels que le soutien au tabac devraient être arrêtés et le soutien à l'agriculture réorienté pour tenir compte des besoins des agriculteurs, mais aussi du monde en développement, du reste des Européens et de l'environnement. Même en cas de réforme de la PAC, elle serait forcément limitée car il est urgent de s’attaquer à la diminution des ressources hydriques et à la menace que constitue le changement climatique.

Commission saisie du rapport : Commission de l’environnement, de l’agriculture et des questions territoriales

Renvoi en commission : Doc. 9853, renvoi. n° 2852 du 8 septembre 2003.

Projet de résolution adopté par la Commission le 1er juillet 2005

Membres de la Commission: M. Walter Schmied (Président), M. Alan Meale (1e Vice-Président), M. Renzo Gubert (2e Vice-Président), Mme Elsa Papadimitriou (3e Vice-Présidente), M. Ruhi Açikgöz, M. Olav Akselsen, M. Gerolf Annemans (remplaçant : M. Luc Goutry), Mme Sirkka-Liisa Anttila, M. Ivo Banac (remplaçant : M. Miljenko Dorić), M. Rony Bargetze, M. Jean-Marie Bockel, M. Malcolm Bruce, Sir Sydney Chapman, Mme Pikria Chikhradze, Mme Grażyna Ciemniak, M. Valeriu Cosarciuc, M. Osman Coşkunoğlu, M. Alain Cousin, M. Miklós Csapody, M. Taulant Dedja, M. Hubert Deittert, M. Adri Duivesteijn, M. Mehdi Eker, M. Bill Etherington, Mme Catherine Fautrier, M. Adolfo Fernández Aguilar, Mme Siv Fridleifsdóttir, M. György Frunda, Mme Eva Garcia Pastor, M. Fausto Giovanelli remplaçant : M. Giovanni Crema), Mme Maja Gojkoviċ, M. Peter Götz, M. Vladimir Grachev, Mme Gultakin Hajiyeva, M. Poul Henrik Hedeboe, M. Mykhailo Hladiy, M. Anders G. Högmark, M. Jean Huss, M. Ilie Ilaşcu, M. Jaroslav Jaduš, Mme Renate Jäger, M. Gediminas Jakavonis, M. Ivan Kaleziċ, Mme Liana Kanelli, M. Karen Karapetyan, M. Orest Klympush, M. Victor Kolesnikov, M. Zoran Krstevski, M. Miloš Kužvart, M. Ewald Lindinger, M. Jaroslav Lobkowicz, M François Loncle (remplaçant : M. Guy Lengagne), M. Theo Maissen (remplaçant : M. John Dupraz), M. Andrzej Mańka, M. Tomasz Markowski, M. Giovanni Mauro (remplaçant : M. Pasquale Nessa), Mme Maria Manuela De Melo, M. José Mendes Bota, M. Gilbert Meyer, M. Goran Milojeviċ, M. Vladimir Mokry, Mme Carina Ohlsson, M. Gerardo Oliverio, M. Pieter Omtzigt, M. Mart Opmann (remplaçant : M. Toomas Alatalu), M. Cezar Florin Preda, M. Jakob Presečnik, M. Lluís Maria de Puig, M. Jeffrey Pullicino Orlando, M. Maurizio Rattini, M. Marinos Sizopoulos, M. Rainder Steenblock, Mme Maria Stoyanova, M. Gàbor Szalay, M. Nikolay Tulaev, M. Iñaki Txueka (remplaçant : M. Julio Padilla), M. Vagif Vakilov, M. Borislav Velikov, M. Geert Versnick, M. Klaus Wittauer, M. G.V. Wright (replaçant : M. Brendan Daly), M. Kostyantyn Zhevago

N.B. Les noms des membres présents à la réunion sont indiqués en gras

Secrétariat de la Commission : M. Sixto, M. Torcătoriu et Mme Lasén Díaz


1 Deux échanges de vues ont été tenus pour préparer le rapport: le 4 novembre 2004 avec M. Boetsch, Directeur de l’Office fédéral de l’agriculture suisse, et le 26 mai 2005 avec M. Tangermann, Directeur de l’alimentation, de l’agriculture et de la pêche à l’OCDE, et M. Collignon, Président du Centre Européen d’Intérêt Rural et Environnemental (CEIRE) et Directeur de Ruralité-Environnement-Développement (RED).

2 Profils Commission européenne www.uoc.edu/euromosaic/web/homean/index1.html.

3 ibid.

4 “Persons engaged in work on agricultural holdings, 2001”, National Assembly for Wales Digest – Statistiques locales du Pays de Galles.

5 « One or more skills in Welsh Language », Recensement 2001, Bureau de la Statistique du Royaume-Uni.

6 « EU hails new era of healthy food and green living », Rory Watson, The Times, 27 juin 2003.

7 « So, what is the future of our countryside ? » Faysal Islma, The Observer, 12/08/01.

8 Cité de l’Association des consommateurs du Royaume-Uni « EU hails new era of healthy food and green living », Rory Watson.

9 Déclaration des objectifs –Réunion du Conseil européen, Lisbonne, mars 2000.

10 Claude Vidal Eurostat "Trente ans d'agriculture en Europe. Evolutions de l'emploi dans le secteur agricole ».

11 “Our Common Interest”, Rapport de la Commission pour l’Afrique publié en mars 2005, p. 256.

12 “Our Common Interest”, Rapport de la Commission pour l’Afrique publié en mars 2005, p. 256.

13 “Dumping on the Poor The Common Agricultural Policy, the WTO and International Development”, Duncan Green et Matthew Griffith CAFOD 2002, p. 1.

14 Trade and Development at the WTO : Issues for Cancun, Commission sur le développement international, Chambre des Communes.

15 “The Age of Consent” George Monbiot Flamingo Great Britain 2004, p. 190.

16 Ibid. p. 24.

17 Ibid. p. 188.

18 Rapport de la Commission spéciale sur le développement international concernant la politique agricole du DFID “DFID’s Agriculture Policy” HC 602, p. 6.

19 Statistiques OCDE www.oecd.org.

20 « Up in Smoke », New Economics Foundations, octobre 2004. .

21 “Water Deficits Growing in Many Countries”, Earth Policy Institute, version mise à jour 15 août 2002, Lester R. Brown.

22 "Sweet smell of cynism", Charlotte Denny, The Guardian, 18/01/04.

23 Communiqué de presse Agra Europe, septembre 2002.

24 Déclaration de Franz Fischler.

25 Réponse écrite du 26 octobre 2002 de Hilary Benn, Députée, Secrétaire d’Etat pour le développement international, à une Question parlementaire.

26 Discours de Gordon Brown, Chancellor of the Exchequer, 6 janvier 2005.

27 « Evaluation de l’Organisation communautaire des marchés dans le secteur sucrier », Institut néerlandais de l’économie, 2000.

28 “Dumping on the World. How EU Sugar policies hurt poor countries”, Document Oxfam Briefing Paper 61, mars 2004, p. 25

29 Ibid p. 1.

30 “Sweet dreams go sour across culture divide”, Charlotte Denny et John Vidal, The Guardian, 23 août 2002.

31 Dumping on the Poor The Common Agricultural Policy, the WTO and International Development”, Duncan Green et Matthew Griffith CAFOD 2002, p. 14.

32 Ibid p. 14.

33 “A Sweeter Future? The potential for EU sugar reform to contribute to poverty reduction in southern Africa”, Oxfam, novembre 2004.

34 “A rough Guide to PAC”, Briefing CAFOD.

35 Mémorandum présenté par le Groupe des utilisateurs de sucre industriel du Royaume-Uni pour le rapport sur la réforme du régime du sucre présenté par la Commission de l’environnement, de l’alimentation et des questions rurales de la House of Commons.

36 Base de données OCDE sur les estimations des soutiens producteurs et consommateurs 1986-2003

37 Réponse parlementaire de Ben Bradshaw, ministre, au Service pour l’environnement, l’alimentation et les questions rurales, 19 juin 2003.

38 “Cultivating a crisis: The Global Impact of the CAP”, professeur Sir John Marsh et Professeur Seconda Tarditi, p. 34.

39 « Scrap the CAP », communiqué de presse de l’Association britannique de consommateurs, 11 décembre 2001 – Etude commanditée par l’Association des consommateurs et réalisée par le Economist Intelligence Unit en mars 2001.

40 idem supra.

41 « Les Européens et la Politique agricole commune », Eurobaromètre 221 2005.

42 « Our Common Interest », Rapport de la Commission pour l’Afrique 2005, p. 282.

43 Trésor britannique, Programmes de dépenses publiques 2001-2002 à 2002-2002, CM 4615 avril 2000.

44 Department of Trade and Industry, Royaume-Uni , nov. 1999, « Manufacturing in the Knowledge Driven Economy ».

45 “Manufacturing”, Dominic Webb, Note House of Commons, Standard Note p. 2.

46 Trésor britannique, Programmes de dépenses publiques 2001-2002 à 2002-2002, CM 4615 avril 2000.

47 ‘Produit national brut 2001’ Roberto Barcellan Eurostat.

48 ‘Employment in Europe 2003 Recent Trends and Prospects’ Commission européenne 2003.

49 Chris Pond, sous-secrétaire d’Etat parlementaire pour le travail et les pensions, « European Social Fund », Débat à Westminster Hall, 17 juin 2004.

50 Ibid.

51 « Spotlight on subsidies Cereal injustice under the CAP in Britain », Briefing Paper Oxfam 55, janvier 2004.

52 Ibid, p. 14.

53 “EU farm subsidies uncovered”, David Hencke et Rob Evans, The Guardian, 7 janvier 2005.

54 ‘Who Owns Britain’2001 Kevin Cahill table published in ‘Property Scandal’ Jason Cowley New Statesman 20th September 2004.

55 As published in The Sunday Times Richlist 2004.

56 As published by Department for Environment, Food and Rural Affairs 2004.

57 It pays you according to how much land you have which is bloody stupid », Peter Hetherington, The Guardian, 22/09/2003.

58 Agriculture in the EU’ Worldwide Fund for Nature www.wwf.org.uk/filelibrary/pdf/ag_in_the_eu.pdf.

59 « Dire warning for Europe’s farmland birds », RSPB janvier 2004.

60 « Population declines and reproductive performance in skylarks in different regions and habitats of the United Kingdom », Chamberlain et Crick, 1999.

61 « The population status of birds in the UK. Birds of conservation concern : 2002-2007 » RSPB.

62 ‘The importance of arable habitat for farmland birds in grassland landscapes.’ Robinson R. A., Wilson, J. D. , Crick, H. Q. P. Journal of Applied Ecology 2001.

63 “Birds in the European Union: a status assessment”, BirdLife International 2004, p. 11.

64 Ibid adapted from data included in report.

65 Tobacco Production in the EU Background Paper’ Royal Society for the Protection of Birds mars 2004 p.1.

66 Ibid p.2.

67 Ibid p. 5.

68 Débat janvier 2003 – House of Commons.

69 Une évaluation de l’ensemble des externalités de l’agriculture au Royaume-Uni, J.N. Pretty, C. Brett, D. Gee, R.E. Hine, C.F. Mason, J.I.L. Morison, H. Raven, M.D. Rayment, G. van der Bijl, 2000.

70 « Life after Subsidies. The New Zealand Farming Experience 15 Years Later » - Federated Farmers of New Zealand 2002.

71 OCDE – Politiques agricoles dans les pays de l’OCDE, 1997, p. 64.

72 « Farming Without Subsidies. New Zealand’s Recent Experience », Ron Sandrey & Russell Reynolds, 1990, page 17

73 « Fruits of the Kiwi », The Guardian, 30/03/00.

74 ‘Life After Subsidies. The New Zealand Farming Experience 15 Years Later’ Federated Farmers of New Zealand 2002 p.1.

75 « The New Zealand Agricultural Sector : Policy Approaches and Initiatives used to Help Farmers Adapt. », Professeur Anton Meister et Dr Shamin Shakur, Massey University, Nouvelle-Zélande, août 2003, p. 63.

76 « 1996 Farm Act increases Market Orientation » Département américain de l’agriculture, service de la recherche économique, C Edwin Young et Paul C Westcott.

77 « Cultivating Poverty : US cotton subsidies and Africa », Oxfam Policy Paper.

78 Statistiques fournies par le Gouvernement suisse.

79 « Doing it the Swiss Way », Stefan Mann, EuroChoices, Vol. 2 n° 3, 2003.

80 “Réforme de la politique agricole helvétique: résultats et défis”. Présentation par M. Boetsch, Directeur du Bureau fédéral suisse de l’Agriculture, 4 novembre 2004.

81 « Doing it the Swiss Way », Stefan Mann, EuroChoices, Vol. 2 n° 3, 2003.

82 « Doing it the Swiss Way », Stefan Mann, EuroChoices, Vol. 2 n° 3, 2003.

83 “Réforme de la politique agricole helvétique: résultats et défis”. Présentation par M. Boetsch, Directeur du Bureau fédéral suisse de l’Agriculture, 4 novembre 2004.