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Doc. 10730

21 octobre 2005

Les voies navigables européennes : le point sur le projet de canal Danube-Oder-Elbe

Rapport

Commission des questions économiques et du développement

Rapporteur : M. Márton Braun, Hongrie, Groupe du Parti populaire européen

Résumé

Les voies navigables du continent européen proposent un mode de transport qui, en comparaison, est peu onéreux, efficient sur le plan énergétique, propre, sûr et fiable. Elles jouent aussi un rôle important dans la gestion des ressources hydriques, par exemple pour l’approvisionnement en eau et en électricité, la prévention des inondations, l’irrigation et le tourisme. Les liaisons par voies navigables entre et dans les pays européens sont actuellement sous-utilisées, voire négligées, alors que les voies routières et aériennes sont de plus en plus encombrées. Le développement des voies navigables peut donc contribuer à réguler de manière plus équilibrée et plus efficiente le flux global du trafic, surtout si l’on recourt à des modes de transport combinés.

Le rapport préconise de renforcer les interconnexions et d’étoffer le réseau des voies navigables européennes. Ce conseil vaut en particulier pour l’Europe centrale, qui concentre la majeure partie de trafic mais où de nombreux maillons pourtant indispensables manquent encore à l’appel. Dans le contexte de l’élargissement de l’Union européenne et de la Politique commune de transport de l’UE, les études de faisabilité et les consultations politiques concernant le projet de canal Danube-Oder-Elbe devraient être accélérées pour que ce projet puisse être intégré à une liste de priorités révisée du Réseau transeuropéen de transport (TEN-T).

Le rapport souligne que les voies navigables sont très importantes si l’on veut tirer le maximum du Marché intérieur de l’UE. Il formule également un ensemble de recommandations pour aider au processus de consultation lancé par la Commission européenne en vue d’établir un programme d’action intégré pluriannuel pour le développement du réseau de transport européen par voies navigables.

I.       Projet de résolution

1.       L’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe et la Conférence européenne des Ministres du Transport (CEMT) ont à de nombreuses reprises insisté sur le fait qu’il est important d’améliorer les voies navigables dans et entre les pays européens. Elles ont signalé la valeur de ce moyen qui permet de déplacer beaucoup de marchandises, en particulier des pondéreux en vrac et des matières premières et semi-transformées, mais également des conteneurs, par un mode de transport relativement peu onéreux, efficient sur le plan énergétique, propre, sûr et fiable. En outre, les voies navigables jouent un rôle important dans la gestion de l’eau, par exemple pour l’approvisionnement en eau et en électricité, la prévention des inondations, l’irrigation et le tourisme.

2.       L’augmentation des besoins en transport en Europe d’environ 2% par an - du fait de la croissance économique, de l’intensification du commerce et des déplacements ainsi que de l’intégration des systèmes de production - est assurée pour l’essentiel par une expansion de la capacité routière et du trafic aérien. Or, au vu de l’engorgement croissant des routes en Europe et, dans une certaine mesure, de l’espace aérien également, on pourrait envisager de délester une partie du transport au moins grâce au rail et aux voies navigables, qui opèrent en sous-capacité et ont donc un fort potentiel d’optimisation du trafic global, notamment par le biais d’un transport combiné conjuguant la route, le rail et les voies navigables.

3.       L’Assemblée est donc persuadée qu’il est extrêmement intéressant de renforcer les interconnexions et d’accroître la densité du réseau européen de voies navigables. Cela vaut en particulier pour l’Europe centrale, où est concentrée la majeure partie des voies navigables continentales et où d’importantes liaisons manquent. A juste titre, il est reconnu que le Danube – le deuxième plus long fleuve du continent, artère reliant l’Allemagne, l’Autriche, la Slovaquie, la Hongrie, la Croatie, la Serbie-Monténégro, la Roumanie, la Bulgarie, la Moldava et l’Ukraine –, comme le Rhin, forment une partie cruciale, bien que sous-employée, du réseau de transport continental.

4.       Dans le contexte de l’élargissement de l’Union européenne et de sa Politique de transport commun, l’Assemblée attire en particulier l’attention sur le projet de Canal Danube-Oder-Elbe, un corridor de transport prévu dans le cadre du Réseau de transport transeuropéenne (TEN-T) et sur l’Accord européen sur les grandes voies navigables continentales d’importance internationale. Bien que ce projet de canal n’ait pas encore été ajouté à une liste révisée des priorités du TEN-T, il est mentionné dans le traité d’adhésion à l’Union européenne et mérite une plus grande attention alors que l’Union européenne poursuit l’intégration de ses nouveaux pays membres et s’efforce de maximiser les avantages du commerce et de la concurrence dans le cadre du Marché intérieur.

5.       Prenant en compte l’importance générale de la promotion du transport multimodal et du besoin régional de renforcer la navigation par voies navigables en Europe centrale, l’Assemblée invite les Etats membres concernés à accélérer les études de faisabilité et les consultations politiques sur le projet de Canal Danube-Oder-Elbe, ainsi qu’à procéder à une étude approfondie des coûts/avantages et à une évaluation environnementale stratégique selon les dispositions des normes de l’UE et traités internationaux pertinents.

6.       L’Assemblée se félicite du processus de consultation lancé par la Commission européenne en vue de présenter, d’ici à la fin de 2005, une Communication sur la Promotion du Transport par les voies navigables continentes, avec un programme d’action pour la période 2006-2013 par la Communauté européenne et d’autres. L’Assemblée demande aux Etats membres du Conseil de l’Europe concernés de prendre part activement aux travaux sur cette Communication, en particulier pour ce qui de formuler recommandations d’actions.

7.       De manière plus générale, afin de rendre le transport par voies navigables plus accessible, plus efficient, plus concurrentiel et plus durable sur le plan de l’environnement, l’Assemblée invite les Etats membres du Conseil de l’Europe à :

7.1       travailler pour une amélioration continue d’infrastructure et des technologies dans le domaine de la navigation continentale ;

7.2       étudier les possibilités d’utiliser davantage l’infrastructure des voies navigables dans la protection contre les inondations, pour une meilleure gestion des ressources hydriques et pour le développement durable de régions adjacentes ;7

7.3       proposer des incitations pour le développement de services de transport combinés incorporant des tronçons de voies navigables ;

7.4       veiller à l’étroite coordination des mesures destinées à développer les systèmes de transport par navigation maritime sur courtes distances et systèmes combinés voies navigables-navigation maritime;

7.5       poursuivre l’harmonisation paneuropéenne des normes et réglementations techniques pour les bâtiments de navigation fluviale, les unités de chargement et le trafic, sous l’égide de la Commission économique pour l’Europe des Nations unies et de l’Union européenne.

II.        Exposé des motifs, par M. Braun, Rapporteur

Table des matières

1.        INTRODUCTION

2.        LES VOIES NAVIGABLES EUROPEENNES : ASPECTS

ECONOMIQUES

3.        LE CANAL DANUBE-ODER-ELBE : CONTEXTE

3.1. Avantages et inconvénients

3.2. Coûts

3.3. Conclusion

4.        LE CANAL DU BRAS BYSTROE

5.        CONCLUSIONS

* *

*

1.        INTRODUCTION

1.       En novembre 2003, plusieurs membres de l'Assemblée parlementaire ont présenté une proposition de Recommandation sur l'intégration des voies navigables européennes (doc. 10005) recommandant l'établissement d'un vaste réseau de voies navigables en Europe, « combinaison de rivières naturels et de canaux artificiels ». Ce réseau devrait former une partie essentielle du système de transport européen et offrirait un potentiel considérable pour les expéditions de marchandises, les activités de loisirs, et, dans certains cas, la production d'électricité. Toutefois, étant donné que les sections orientales du réseau sont sous-développées, il reste beaucoup à faire pour revitaliser et stimuler l'utilisation des voies navigables. Les auteurs de la proposition s'attachent en particulier à l'importance du projet de canal Danube-Oder-Elbe, qui, selon eux, s’il était repris pour être mené à bonne fin, «servirait à combler le vide au centre du réseau et constituerait le chaînon manquant entre les ports maritimes septentrionaux de l’Allemagne et de la Pologne et le système de voies navigables du Danube».

2.       Dans ce contexte, il nous faut également rappeler que l'Assemblée fait régulièrement rapport sur les politiques de transport européennes et, en particulier, mentionner sa dernière Résolution 1321 (2003) qui invitait les Etats membres de la Conférence des ministres européens des Transports (CEMT) à «améliorer les voies fluviales et, en particulier, à assurer leurs interconnexions, seules à même de répondre à l’augmentation des transports de matières pondéreuses, ou par conteneur, en respectant pleinement l’environnement».

3.       Récemment, une grande attention a été portée à l'ouverture à la navigation du premier tronçon du canal Bystroe1 dans le delta du Danube, région écologiquement vulnérable dont une bonne partie est classée au patrimoine mondial de l'Unesco et à ce titre protégée. Malgré des appels de la Roumanie et de la Commission européenne pour que l'Ukraine retarde le projet jusqu'à ce que l'on ait pu mener une évaluation de l'impact environnemental conformément aux règles et conventions internationales, ces efforts ne portent guère de fruits et les relations entre les parties demeurent tendues sur cette question. La Commission de l'environnement, de l'agriculture et des questions territoriales de l'Assemblée parlementaire a préparé un rapport sur la protection des deltas européens qui traite également les aspects environnementaux associés au canal Bystroe (voir Doc. 10542; Résolution 1444 (2005)).

4.       Le Rapporteur de la Commission économique s'efforcera, dans ce rapport, de présenter de manière générale les voies navigables européennes pour faire ensuite le point sur la situation concernant deux projets spécifiques, à savoir le canal Danube-Oder-Elbe et le canal Bystroe. Son rapport se fonde en particulier sur des informations de la CEMT.

2.       LES VOIES NAVIGABLES EUROPEENNES : ASPECTS ECONOMIQUES

5.       Les voies navigables sont de manière générale précieuses parce qu'elles constituent un mode de transport économique, efficient sur le plan énergétique, propre, sûr et fiable2. Elles peuvent s’adapter à de nombreuses exigences des clients et sont considérablement sous-utilisées à l'heure actuelle. La navigation par voie navigable est considérée comme particulièrement adaptée pour le transport en vrac et de matières pondéreuses, ou de conteneurs. La « multifonctionnalité » des voies navigables mérite également d’être prise en compte : leur rôle est particulièrement important en matière de gestion de l’eau, par exemple pour l’eau potable et l’approvisionnement en électricité, la prévention des inondations, l’irrigation et le tourisme.

6.       Toutefois, le développement du réseau européen de voies navigables a pris du retard par rapport aux attentes des décideurs politiques autant que des utilisateurs. Si, au cours des trois dernières décennies, les marchés du transport - stimulés par la croissance économique, le commerce et l'intégration de la production dans toute l'Europe - ont connu en moyenne une croissance d'environ 2 % par an, une bonne partie de cette expansion a bénéficié aux transports routiers et aériens, alors que, dans une large mesure, le trafic ferroviaire et fluvial est demeuré plus ou moins stable. On estime qu'à l'heure actuelle, les voies navigables représentent environ 7 % du trafic en Europe de l’Ouest contre 3% seulement en Europe centrale et orientale, alors que les chiffres en ce qui concerne l'intensité du trafic dans certains corridors de transports et pays3 sont bien supérieurs.

7.       Au vu de la congestion de plus en plus fréquente des routes européennes (ce qui vaut, dans une certaine mesure, également pour les corridors aériens), l’on pourrait penser qu'au moins une partie du fret pourrait être acheminée par le chemin de fer et les voies navigables, notamment par des modes de transport combinés. Ces deux modes de transport fonctionnent bien en deçà de leurs capacités et présentent donc un fort potentiel pour l'optimisation des chaînes de trafic et de logistique en général. Le transport par voies navigables est particulièrement adapté chaque fois que la régularité des services et la modicité des coûts sont plus importants que la rapidité. De nouvelles parts de marché peuvent être gagnées en proposant des installations de chargement plus appropriées, un réseau plus dense et des services diversifiés, ainsi qu’en développant de nouvelles niches de marchés (pour le transport d’automobiles, de biens de consommation, de denrées alimentaires, de déchets et de matériaux à recycler, par exemple).

8.       Pour concrétiser le potentiel des voies navigables, il conviendrait de considérer plusieurs domaines d'action, par exemple étudier les interventions techniques et d'ingénierie pour obtenir de meilleures interconnexions et une plus grande densité du réseau, ainsi que des mesures de réglementation, un cadre de politiques et des actions de marketing pour soutenir l'exploitation du réseau. La nature de la plupart des voies navigables continentales de l'Europe est telle que le secteur compte beaucoup de petits opérateurs - ce qui se traduit par certaines faiblesses structurelles dans la mise en place de la chaîne logistique du réseau. Une des difficultés supplémentaires est que le principal concurrent du secteur est le rail, et non la route. On estime que 70 % de l'investissement pour achever le réseau de transport transeuropéen dans l'Union européenne concerne les infrastructures ferroviaires. Malgré l’ouverture à la navigation du canal Rhin-Main-Danube ces dernières années (une initiative dont il convient de se réjouir), l’intégration des voies navigables des nouveaux pays membres de l’UE et des pays candidats avec le réseau existant dans l’Union est un défi important.

9.       La plus grande partie du réseau continental de voies navigables (fleuves et canaux) est concentrée en Europe centrale, où l’on recense 98 ports fluviaux (plus 40 ports mixtes fluviaux et maritimes) et une longueur totale d'environ 10 800 km, dont pratiquement la moitié (4800 km) est située dans les nouveaux Etats membres de l'UE et Etats candidats. Plus de 36 000 kilomètres de voies navigables et plus de 300 ports sur le continent desservent des zone économiques d’importance majeure en Europe. Cependant, les conditions des infrastructures sont très hétérogènes d’un pays et d’une région à l’autre. De longs tronçons du réseaux sont engorgés, ce qui limite la compétitivité de la navigation continentale, en particulier sur le Danube supérieur et le Danube moyen et sur l’Oder et l’Elbe. Dans une UE à 25 plus la Bulgarie et la Roumanie, l’ancienne UE « à 15 » concentre 84% du transport total de fret par des voies navigables continentales.

10.       En juillet 2005, la Commission européenne a lancé un processus de consultation en vue de présenter une Communication sur la promotion du transport par voies navigables continentales, d’ici la fin de 2005. Cette Communication passera en revue les domaines stratégiques considérés comme essentiels pour le développement du transport par voies navigables (conditions de fourniture de services, modernisation de la flotte, emplois et compétences dans la navigation, image et coopération, infrastructure et réseau institutionnel) et établira un programme d’action intégré pour la période 2006-2013.

11.       Pour développer le réseau de voies navigables dans l'UE, il faudrait, selon les estimations, investir environ 5,1 milliards d'euros entre 2002 et 2010, dont 2,7 milliards d'euros uniquement pour la France. Parmi les nouveaux Etats membres de l'UE, ce seront la République tchèque et la Slovaquie qui investiront le plus dans leurs infrastructures de voies navigables fluviales. Toutefois, l'investissement déjà réservé pour le développement de ce secteur ne représente qu'environ 0,2 % de l'investissement total lié aux transports dans les Etats membres de l'Union européenne. 95 % de l'investissement nécessaire aux voies navigables continentales doivent encore être trouvés pour venir compléter l'investissement déjà évoqué dans les pays candidats et nouveaux Etats membres de l'UE.

12.       Pour que les navires naviguent dans toute l’Europe sans entrave, nous devrons disposer non seulement de connexions aisées, mais aussi du meilleur environnement réglementaire possible. Cela signifie que, non seulement les normes régissant la navigation et les navires empruntant les voies navigables devront être harmonisées dans toute la mesure du possible, mais aussi que l’interfaçage juridique et réglementaire entre la navigation maritime sur courtes distances et le transport par voies navigables soit plus homogène. Etant donné la similitude entre les deux formes de transport, il conviendrait de rechercher une intégration plus étroite des modes de transport maritime et par voies navigables, dans le cadre de systèmes de transport multimodaux. Des travaux utiles allant dans ce sens sont menés par la Commission économique pour l’Europe des Nations Unies (CEE-ONU) et l’UE. Il est à espérer que cela aboutira à des mesures plus coordonnées pour le développement de ces deux modes de transports et à de meilleures conditions pour la concurrence multimodale (notamment avec les chemins de fer, encore lourdement subventionnés dans de nombreux pays) dans des conditions de marché de plus en plus déréglementées.

3.        LE CANAL DANUBE-ODER-ELBE : CONTEXTE

13.       Le Danube est, après la Volga, le deuxième fleuve le plus long d'Europe. Il constitue la principale voie d'eau continentale reliant l'Europe de l'Ouest et l'Europe de l'Est via le Rhin, le Main, et le canal Rhin-Main-Danube. Le Danube traverse l'Allemagne, l'Autriche, la Slovaquie, la Hongrie, la Croatie, la Serbie-Monténégro, la Roumanie, la Bulgarie, la Moldova et l'Ukraine. Au fil du temps, certains progrès ont déjà été faits, par exemple grâce à la Loi sur les voies navigables (1901) et à l'accord entre la Tchécoslovaquie et l'Allemagne concernant la construction du tronçon Danube-Oder. Certains tronçons limités de la voie d'eau Danube-Oder-Elbe ont effectivement été construits à cette époque, notamment l’écluse de Koblov, près d’Ostrava sur l’Oder, constituant le premier bassin d'expansion de cette interconnexion. En 1941, environ 6 km de canal avaient été déjà achevés.

14.       Après la deuxième Guerre mondiale, les projets et conceptions antérieures ont été ressortis des cartons et l’on trouve dans certains documents internationaux de références à l’importance de ce canal. Pourtant, rien n'a été fait à l'époque pour le réaliser, en grande partie du fait de complications administratives dans des pays tels que la Tchécoslovaquie d'alors et la Pologne. C'est dans les années 1950, sous le communisme, que l'on ressort le projet, lorsque les gouvernements concernés décident d'unifier les voies navigables dans le contexte du COMECON (Conseil pour l'aide économique mutuelle). Au-delà de la simple fonction de transport, il était question à l'époque d'un projet annexe pour transférer de l'eau du Danube vers les bassins de la Moravie, de l'Oder et de l'Elbe. Cette entreprise est achevée en 1988. L’étude de la CEE-ONU de 1981 (modifiée en 1993) recommandait à l’époque aux gouvernements de la Tchécoslovaquie, ainsi que de l’Autriche et de la Pologne, de prendre des mesures concrètes pour la préparation du projet.

15.       L'idée de relier le Danube à la Mer du Nord et à la Baltique grâce à un canal artificiel, à l’Elbe et à l’Oder, refait surface dans les années 1990, avec pour toile de fond l'élargissement de l'UE et la politique de transport commune de cette dernière. Les décideurs tchèques, slovaques et autrichiens sont extrêmement favorables à ce projet, que l’on connaît davantage comme un corridor de transport possible dans le cadre du réseau de transport transeuropéen « TEN-T » et de l’Accord européen sur les grandes voies navigables continentales d’importance internationale. Le projet fait partie d'une initiative européenne pour mieux relier tous les moyens de transport, en particulier entre l'Europe orientale et occidentale. L'élargissement de l’UE vers l'Europe centrale et orientale exige un renforcement substantiel des liaisons de transport entre les anciens Etats membres et les nouveaux, ainsi qu'entre ces derniers. Cela devrait, à terme, aboutir à un meilleur fonctionnement du marché intérieur et maximiser le commerce.

16.       Depuis 1996, la Commission européenne travaille à développer un réseau de transport élargi et cohérent, en grande partie par le biais de l’évaluation des besoins en infrastructures de transport (connu également comme le processus TINA). Une commission, établie à Vienne (Autriche), a pour mission de garantir la cohérence entre les réseaux européens existants. Le processus TINA a abouti à une proposition de réseaux couvrant 18 000 km de routes, 20 000 km de voies de chemin de fer, 38 aéroports, 13 ports maritimes et 49 ports fluviaux. En 2003, la Commission européenne a complété la liste avec de nouveaux projets, dans le but d'étendre le réseau TEN-T aux nouveaux Etats membres et de lui donner les moyens de mieux pallier la congestion due aux goulets d’étranglement persistants, aux chaînons manquants et au manque d'interopérabilité et de promouvoir un meilleur équilibre entre différents modes de transport. Bien que le projet de canal Danube-Oder-Elbe n'ait pas encore été inclus dans une liste révisée de priorités du TEN-T, il est mentionné dans le Traité d'adhésion à l'Union européenne (annexe II).

17.       Dans le cadre du plan général pour le réseau de voies navigables, le canal Danube-Oder-Elbe et le canal Oder-Warta-Vistule-Bug constituent deux des projets proposés, en complément du « Projet 17 » en Allemagne, qui relie le Rhin à l'Oder via Berlin. Ces canaux doivent être reliés également à des voies existantes, autrement dit au Rhin, via le canal Danube-Main-Rhin, et au Danube. Quatre villes, qui sont appelées à devenir des ports d'importance majeure, font l’objet d’une l'attention spécifique, à savoir Stettin, Wroclaw, Bratislava et Prague. Il est prévu que toutes les voies navigables soient amenées à des dimensions suffisantes pour être praticables par des convois poussés mesurant 185 mètres de long et 11,4 mètres de large et ayant 2,8 mètres de tirant d'eau.

18.       À plus long terme, il est prévu que le réseau d'Europe centrale soit connecté à des régions en dehors de l'Union. Ce réseau de voies navigables continentales fait partie d'une stratégie de la Commission européenne visant à limiter le transport de fret de la route pour privilégier le rail et les transports fluviaux, ce qui s'explique tout particulièrement pour des raisons écologiques, le transport routier étant considéré comme l'une des principales sources de pollution atmosphérique, de bruit et de dégradation des paysages.1

19.       La longueur totale du canal Danube-Oder-Elbe (499 km sans les bras adjacents de l'Oder et de l'Elbe) est comparable à celle de la voie navigable Rhin-Main-Danube entre Aschaffenburg et Regensburg. Les écluses seraient moins nombreuses et les conditions de navigation seraient donc meilleures que sur la voie Rhin-Danube. La majeure partie de canal Danube-Oder-Elbe traverserait le territoire de la République tchèque, avec des tronçons plus courts en Autriche et en Pologne. Conformément à la classification des voies navigables européennes élaborée par la CEE-NU, la liaison Danube-Oder-Elbe répond aux paramètres de la catégorie des voies navigables V.b’ et serait donc accessible à des convois poussés ayant un poids mort pouvant aller jusqu'à 4 000 t. Sa majeure partie est couverte par des cartes numériques, et le projet peut être réalisé par tranches (voir la section ci-dessous relative au coût).

3.1.        Avantages et inconvénients

20.       La contribution du canal Danube-Oder-Elbe au réseau européen est particulièrement bien démontrée dans l'Accord européen sur les grandes voies navigables continentales d’importance internationale. Cette liaison est l’une des voies essentielles et également l’un des chaînons manquants dont l'absence se fait le plus sentir dans le réseau européen. Ce canal pourra réduire substantiellement la distance entre le Danube et de grands ports maritimes européens, ce qui contribuera ainsi à accroître la valeur ajoutée du fleuve (voir l’annexe). Il traverse le grand bassin hydrographique européen aux endroits les plus commodes. Le canal peut également servir à d'autres fonctions importantes qui ne sont pas liées aux transports, par exemple pour la protection contre les inondations, ce qui augmenterait d'autant la valeur des terrains riverains.

21.       Toutefois, un certain nombre de ces projets concernant les voies navigables sont sévèrement critiqués par certaines ONG qui font valoir, par exemple, que les préparatifs pour le projet de canal Danube-Oder-Elbe pourraient menacer d'importantes zones naturelles le long du Danube, de la Morava, de l'Oder et de l'Elbe. Même si le transport par voie fluviale est beaucoup plus écologique que le transport routier, certaines préoccupations majeures demeurent en ce qui concerne la régulation des fleuves pour les rendre navigables. L'on craint que cela ne détruise des zones humides adjacentes et ne fasse peser un risque sur la biodiversité et les ressources d'eau potable.

22.       La politique de l'Union européenne en matière d’environnement (notamment Natura 2000 et la Directive cadre sur l'eau) pourrait en conséquence aller à l'encontre des politiques de transport du TEN. L'élargissement ajoute d’autres aspects préoccupants, car certains font valoir, premièrement, que le traité d'adhésion donne le feu vert officiel à une planification de transports potentiellement dommageables pour l'environnement dans les pays nouveaux membres de l’UE, et, deuxièmement, que le nouveau réseau transeuropéen de transport sera étendu à ces pays sans que l'on ait procédé à l'évaluation écologique et sociale nécessaire. On ne sait pas clairement si les projets figurant sur la liste, tels que les voies navigables continentales, y compris le canal prévu Danube-Oder-Elbe, seront considérés comme respectant les obligations de la Directive cadre sur l'eau qui pose des conditions en ce qui concerne la situation écologique de l'eau. Tous les pays nouveaux membres font déjà état de menaces concernant des sites Natura 2000 potentiels. Ainsi, selon certains, le canal Danube-Oder-Elbe peut constituer une menace pour 26 sites potentiels Natura 2000 dans la seule Pologne.

23.       Un collectif de cinq groupements écologistes (Transport et environnement, WWF, BirdLife international, Friends of the Earth Europe et CEE Bankwatch Networks) appelle à la réalisation d'une évaluation complète de la réalisation du réseau de transport TEN sur les plans environnemental et stratégique. À la suite du rapport du Parlement européen, ces groupements estiment que la Commission européenne devrait procéder à une évaluation environnementale stratégique de l'ensemble du réseau de transport TEN avant d'ajouter d'autres nouveaux projets à la liste de priorités de ce réseau. Il s'agit d'éviter une situation où des principes clés tels que l'analyse du rapport coût avantage, un découplage et une évaluation environnementale stratégique seront laissés de côté dans le processus TEN, et de faire au contraire en sorte que le développement du TEN soit cohérent avec les principes du développement durable. Le collectif souhaite que les systèmes de transports locaux et régionaux soient entretenus et améliorés avant que des fonds nationaux et communautaires soient alloués à une infrastructure de transports transnationale. En outre, ils estiment qu'il conviendrait de veiller tout particulièrement au respect de certaines dispositions concernant la prévention de toute dégradation ultérieure de la qualité de l'eau et de parvenir à ce que toutes les eaux soient d'une qualité écologique et chimique correcte.

24.       Bien entendu, les défenseurs du canal ne sont pas d'accord avec cette position. Ils affirment, quant à eux, que la conception récente de la voie d'eau navigable respecte tous les aspects environnementaux, et que, durant la préparation de la solution technique, tous les confits possibles ont été étudiés et résolus. Les préoccupations écologiques énoncées par la Direction générale pour l'environnement sont reflétées dans les principes directeurs de la Communauté pour le développement du transport (Décision n° 1692/96/CE) qui régissent tous les projets dans le cadre du TEN et exigent que, lorsque ces projets se sont développés et menés à terme, les Etats membres prennent impérativement en compte la protection de l’environnement.

25.       De plus, les principes directeurs indiquent que cette protection doit être mise en oeuvre conformément aux conclusions d'une évaluation d'impact environnemental du projet menée selon la législation communautaire. Ces exigences sont également reflétées dans les principes directeurs pour l'aide financière communautaire dans le domaine du réseau de transport transeuropéen, selon lesquels tous ceux qui demandent une aide financière doivent respecter des conditions de compatibilité avec la législation de l’UE en matière d’environnement. Selon le secrétariat du TINA4, il convient d'examiner les aspects socio-économiques autant que ceux liés à l’environnement. Selon certains, le TEN vise à trouver des moyens de transport combiné qui soient à la fois écologiques et bénéfiques sur le plan social, et les préoccupations exprimées par les écologistes ne sont donc pas fondées. Une grande partie des incertitudes concernant les aspects environnementaux du projet est due au fait qu’il n’existe aucun document permettant de se faire une opinion définitive sur les solutions techniques à adopter ou l’évaluation de l’impact environnemental. Ces documents devraient être réalisés au plus vite.

3.2.        Coûts

26.       Selon l'Association Danube-Oder-Elbe, le coût total du projet s'élève au moins à 5,2 milliards de dollars, et l'investissement par kilomètre se situe dans une fourchette de 5,5 à 15 millions d’euros. Ces estimations sont basées sur une documentation relativement fouillée. Depuis 2002, les efforts pour construire le canal se sont accompagnés de tentatives pour obtenir un soutien financier communautaire sur les fonds versés dans le cadre du processus d'adhésion des pays d'Europe centrale. Le réseau global d'infrastructures de transport est estimé à environ 90 milliards d'euros. Pour les pays candidats et nouveaux membres, l'aide financière de l'Union européenne a été apportée par l’intermédiaire de l'Instrument structurel de pré-adhésion (ISPA) à partir de janvier 2000. Similaire au Fonds de cohésion, et distribuant environ 500 millions par an, cet Instrument privilégie des projets prioritaires (autrement dit ceux qui les relient les pays candidats aux réseaux existants de l'Union européenne) dont la conception a été entièrement menée à terme. Le budget d'investissement du TEN est en cours de révision à la suite de l'élargissement de l'Union européenne, et au nombre des autres sources potentielles de financement, on citera la Banque européenne d'investissement, la Banque européenne pour la reconstruction et le développement et d'autre.

27.       Il semble raisonnable, comme cela a été fait, de subdiviser la voie d’eau navigable en cinq volets (1a, 1b, 2, 3 et 4). Le volet 1a, le tronçon le plus important (Danube -- Moravie du Sud) a une longueur de 80 km et est dans une très large mesure simple, pour un coût d'investissement tournant autour de 640 millions d'euros. Le volet 1b, entre la partie navigable de l'Oder et la région de Ostrava (un tronçon de 53 km) est également relativement facile à construire et devrait, selon les estimations, coûter 345 millions d'euros. Le tronçon le plus simple de tous, cependant, est le volet 2 (prolongation du volet 1a jusqu’à Prerov en Moravie centrale, 112 km pour 618,2 millions d'euros), étant donné que certaines parties de la voie navigable, ainsi que les barrages nécessaires sur le fleuve Morava, sont déjà terminés. Le volet 3 (Prerov-Ostrava, 94 km, 1 156,4 millions d’euros) compléterait la liaison Danube-Oder, et, avec lui, le principal objectif du projet pourrait être atteint.

28.       Le volet 4 (de Prerov à l’Elbe, 160 km, 2 405 millions d’euros) est le plus compliqué et le plus onéreux. Toutefois, l'on pourrait surseoir à la décision de le mener à terme tant que l'on n'aura pas tiré l'expérience et les leçons des volets précédents pour se convaincre de la faisabilité du projet. En outre, le calendrier pour sa construction pourrait être modifié en fonction des possibilités de financement et des flux optimum de capitaux. La durée totale de réalisation n'a pas besoin d'être très longue pour les diverses volets. Au cours des négociations entre la Tchécoslovaquie et l'Allemagne en 1938, par exemple, la liaison Danube-Oder devait, selon les prévisions, prendre six ans à être établie.

29.       Le gros des coûts devra cependant être assumé par les pays eux-mêmes, ce qui signifie que les projets prendront du temps. Si l'on tient compte du coût de la construction, plus le fait qu'en Europe, le transport fluvial est passé de 12 % à 8 % du transport total entre 1970 et 1993, et qu'on y ajoute les coûts élevés sur le plan de l'environnement, il faudra trouver au final un consensus pour concilier, d'une part, l'importance de conserver des fleuves naturels et des écosystèmes fonctionnels, et, d'autre part, l'importance de pouvoir disposer d'un transport fluvial efficient qui il stimule un développement durable de toute la région. Dans ce contexte, il conviendra d'examiner également d'autres options telles que le transport ferroviaire.

30.       L'efficience économique du projet a été évaluée par un groupe de rapporteurs de la CEE-NU, dont les conclusions ont été très favorables : le retour sur investissement affiché était de 11,1% à 11,9% pour ce qui est de la liaison Danube-Oder (volets 1a, 1b, 2 et 3) et de 7,2% à 7,9% en cas de liaison complète. Ces chiffres ne sont pas sensibles aux évolutions des principaux paramètres économiques. Les utilisateurs de la liaison Danube-Oder-Elbe devront s'acquitter de droits de passage ordinaires. Les taux peuvent être fixés par comparaison à des voies navigables similaires, et ne devraient pas être trop élevés pour ne pas décourager l'utilisation de celle-ci. Grâce à ces redevances, le concessionnaire pourrait récupérer 57% des coûts d'investissements pour ce qui est du volet 1a et jusqu'à 104 % pour ce qui est de l'ensemble de la liaison Danube-Oder (volet 1a, 1b, 2 et 3) sur une période de 30 ans. De plus, d'autres types de revenus (la plus-value foncière, les subventions publiques etc.) pourraient entrer en jeu.

31.       Les opposants au projet relèvent des coûts supplémentaires substantiels nécessaires pour adapter les berges de l'Oder et de l'Elbe et les nombreux ponts routiers et ferroviaires (126 et 31 respectivement) pour permettre le passage des bateaux, qui pourraient réduire les capacités naturelles de protection contre les inondations. Ils critiquent également le projet sur des points financiers, faisant valoir que le réseau ferroviaire existant le long de la majeure partie des trajets proposés pour le canal Danube-Oder-Elbe est sous-utilisé et pourrait très facilement faire face à un surcroît de transport en cas de nécessité. En outre, un rapport de 2003 par le Groupe de haut niveau de la Commission européenne sur le réseau de transport transeuropéen a identifié des projets de modernisation et de construction ferroviaires prioritaires qui font double emploi avec le tracé prévu pour le canal Danube-Oder-Elbe.

32.       Du côté des utilisateurs, des études de marché ont établi que bon nombre de compagnies de transport tendent à se détourner des péniches pour transporter leur marchandise car cela prend trop de temps, il faut un fort volume de fret à transporter (contrairement à la route où l'on peut procéder à de petites expéditions multidirectionnelles) et le réseau de voies navigable est insuffisant. Ceci tendrait à indiquer que le simple fait de construire de nouvelles voies navigables ne conduira pas, sui generis, à une augmentation des flux de transport de marchandises par ce biais. D'autres considérations sur l'utilisation de l'énergie laissent à penser que, la construction et l'entretien du canal nécessitant une forte consommation d'énergie, cela pourrait obérer toute économie potentielle d'énergie obtenue par le transport fluvial. Pour ce qui est des émissions, la navigation semble, par expérience, beaucoup moins écologique que les lignes ferroviaires électrifiées, par exemple.

3. 3 Conclusions

33.       En conclusion, pour l'instant, il est difficile de trancher entre les arguments pour et les arguments contre le projet de canal Danube-Oder-Elbe. D'une part, il semble intéressant et économiquement sain, puisqu'il pourrait apporter une contribution précieuse à l'amélioration du réseau de voies navigables européennes, décharger des routes déjà encombrées et promouvoir le développement et la coopération régionales. D'autre part, l'impact environnemental mérite plus amples discussions et une analyse plus approfondie des coûts par rapport aux avantages de fret devra être entreprise avant de trancher.

4.        LE CANAL DU BRAS BYSTROE

34.       La récente construction par l'Ukraine du canal du bras Bystroe, dans le delta du Danube, a soulevé de fortes objections autant de la part de l’Etat voisin, la Roumanie, que de celle de divers groupes écologistes de toute l'Europe. Le projet implique de draguer un chenal existant et d’en faire une liaison navigable de 160 km de long reliant la Mer Noire au Danube. Visant à stimuler l'économie dans la région, le projet a été critiqué au motif qu'il pourrait avoir des impacts environnementaux négatifs sur des espèces et habitats uniques du delta du Danube, ce dernier étant protégé au titre du Programme sur l’homme et la biosphère de l'Unesco.

35.       Le canal du bras Bystroe est situé à proximité de la ville ukrainienne de Vikovo, elle-même sur la rive du bras Chilia du Danube. Il se trouve au cœur même de la réserve biologique du delta du Danube, au sein du site de Kilyiskie Ramsar créé par l'Ukraine en 1995 et de la réserve naturelle de Dunaskyskiy établie en 1998. Le projet de canal vise à stimuler le développement de la région en mettant en place une liaison navigable allant de la Mer Noire au Danube, ce qui permettrait de créer, selon les estimations, de 4 000 à 5 000 emplois plus ou moins directement liés à la navigation. Il se compose de deux volets : le volet I couvre le dragage d'un canal d'entrée vers la voie d'eau naturelle pour permettre le passage des navires ayant un tirant d'eau de 5,85 mètres, la consolidation des berges du canal et la construction de la digue de protection à l'entrée du chenal ; le volet II prévoit pour l'essentiel l'approfondissement du chenal pour permettre le passage de bateaux ayant un tirant d'eau de 7,2 mètres, ainsi que le dragage dans certains endroits précis le long des bras Bystroe et Chilia et entre la Mer Noire et le port de Reni.

36.       A l’automne 2004, une équipe d'experts5 sous la direction de l'UE a été mandatée pour analyser les informations disponibles et s'est rendue sur le site du projet pour se faire une idée plus claire de la situation. Étant donné que le premier tronçon de canal est ouvert à la navigation depuis août 2004, les experts ont demandé aux autorités ukrainiennes de surseoir à toute extension supplémentaire de la voie navigable tant qu'un programme de suivi n'aura pas évalué tous ses effets potentiels sur l'environnement. Tout en reconnaissant le droit de l'Ukraine de développer cette région économiquement défavorisée par le biais de la navigation, le Groupe d’experts a signalé qu'il est nécessaire de veiller à ce que le canal ne soit pas durable uniquement sur le plan économique, mais aussi sur le plan de l'environnement. Les experts ont estimé que le volet II du projet ne doit être poursuivi que si les programmes d’observation en cours recueillent suffisamment d'éléments favorables à cette poursuite. Ce suivi devrait durer au moins un an avant qu’une décision définitive puisse être prise sur la poursuite du projet. En outre, le financement à long terme de l'entretien de canal devait être vérifié et garanti avant que le deuxième volet du projet ne soit mis en route. En dehors d’un centre de contrôle moderne établi à Izmaïl, aucune infrastructure nouvelle telle que des ports ou des routes n'est prévue dans le cadre du projet.

37.       Il est donc important de maintenir pleinement le dialogue avec toutes les parties en présence en ce qui concerne les différents volets du projet, y compris pour ce qui est d'une consultation publique concernant la compatibilité du volet II avec les accords internationaux en matière d'environnement. Le Rapporteur est persuadé que la Commission de l’environnement, de la culture et des questions territoriales de l’Assemblée continuera de suivre l'évolution de la situation en ce qui concerne les implications de ce projet pour l’environnement.

5.       CONCLUSIONS

38.       Les voies navigables européennes jouent un rôle essentiel dans la gestion multifonction des ressources hydriques. Elles peuvent contribuer utilement à un trafic plus équilibré et plus fluide de fret et de passagers entre les différentes régions du continent, en particulier en Europe centrale où les plus grands fleuves – le Rhin et le Danube – sont considérés comme l’épine dorsale naturelle des voies navigables. Cet aspect est d’autant plus porteur que les besoins en transport en Europe augmentent d’au moins 2% par an et que les routes et l’espace aérien des grands pays de transit sont de plus en plus engorgés. Les voies navigables continentales, avec les chemins de fer, qui opèrent bien en deçà de leur capacité, présentent un fort potentiel d’optimisation du trafic grâce au transport combiné.

39.       Votre Rapporteur estime donc que l’Assemblée devrait se positionner clairement en faveur du développement des voies navigables en Europe. Les décideurs devraient avoir une vision claire et une ambition affirmée pour renforcer les connexions par voies navigables, en particulier pour ce qui est du financement des chaînons manquants en Europe centrale. Plus particulièrement, dans le contexte de l’élargissement de l’Union européenne et de sa Politique de transport commune, les conséquences économiques et écologiques du projet envisagé pour un canal Danube-Oder-Elbe

doivent être réexaminées au plus tôt afin que ce projet soit ajouté à une liste révisée de priorités TEN-T. L’UE s’efforçant d’intégrer ses nouveaux Etats membres et de maximiser les avantages du commerce et de la concurrence au sein du Marché intérieur, il est indispensable qu’elle se dote de liaisons de transport efficientes entre ses membres ainsi qu’avec des pays tiers.

40.       Parmi les autres mesures concrètes de soutien de l’accessibilité, de l’efficience, de la compétitivité et de la durabilité sur le plan de l’environnement du transport par voies navigables dans les Etats membres du Conseil de l’Europe, il conviendrait de citer les mesures visant à améliorer en permanence les techniques et infrastructures de navigation ; les efforts pour adapter l’infrastructure des voies navigables afin de prévenir les inondations ; les mesures visant à faciliter le développement de services de transport combiné ; une coordination plus étroite de la navigation maritime sur courtes distances et des systèmes de transport fluviaux ; et la poursuite de l’harmonisation paneuropéenne des normes techniques et juridiques concernant les navires de navigation marchande, les unités de chargement et le trafic.

Annexe: Les trajets proposés pour le canal Danube-Oder-Elbe.

Source: Document sur le canal Danube-Oder-Elbe par DAPHNE, octobre 2003

Source: Ing. Jaroslav Kubec, CSc., Président de l’Association Porta Moravica, République Tchèque

Commission chargée du rapport : commission des questions économiques et du développement

Renvoi en commission : Doc. 10005 ; renvoi n° 2910 du 26.01.2004

Projet de résolution adopté à l’unanimité par la commission des questions économiques et du développement le 4 octobre 2005

Membres de la commission: M. Evgeni Kirilov (Président), Mme Antigoni Pericleous Papadopoulos (Vice-Président), M. Márton Braun (Vice-Président), M. Konstantinos Vrettos (Vice-Président), MM. Ruhi Açikgöz, Ulrich Adam, Hans Ager, Abdülkadir Ateş, Radu-Mircea Berceanu, Akhmed Bilalov (Umar Dzhabrailov), Jaime Blanco (remplaçante: Mme Elvira Cortajarena), Patrick Breen, Milos Budin (Andrea Rigoni), Erol Aslan Cebeci, Mme Ingrīda Circene, MM. Ignacio Cosidó, Giovanni Crema, Øystein Djupedal, Ioannis Dragassakis, Iván Farkas, Joan Albert Farré Santuré, Relu Fenechiu, Mme Siv Friđleifsdóttir, MM. Carles Gasóliba, Francis Grignon, Alfred Gusenbauer (remplaçante: Mme Christine Muttonen), Nick Harvey, (remplaçant: David Marshall), Norbert Haupert, Anders G. Högmark, Ivan Ivanov, Klaus Werner Jonas, Mme Verica Kalanović, MM. Karen Karapetyan, Orest Klympush, Anatoliy Korobeynikov, Rudolf Kraus, Zoran Krstevski, Jean-Marie Le Guen, Harald Leibrecht, Rune Lund, Gadzhy Makhachev (remplaçante: Mme Liudmila Pirozhnikova), Jean-Pierre Masseret, (remplaçante: Mme Josette Durrieu), MM. Miloš Melčák (remplaçant : Petr Lachnit), José Mendes Bota, Mme Ljiljana Milićević, MM. Neven Mimica, Gebhard Negele, Conny Öhman, Guilherme de Oliveira Martins, Mart Opmann, Bogdan Podgórski, Jakob Presečnik, Jeffrey Pullicino Orlando, Luigi Ramponi, Maurizio Rattini, Maximilian Reimann, Dario Rivolta, Volodymyr Rybak, Kimmo Sasi, Bernard Schreiner, Samad Seyidov (remplaçant: Aydin Mirzazada), Leonid Slutsky, (Victor Eltsov) Mme Geraldine Smith (remplaçante : Baroness Gloria Hooper) Mme Aynur Sofiyeva, MM. Christophe Spiliotis-Saquet, Qazim Tepshi, Frans Timmermans (remplaçant: M. Tiny Kox), Dragan Todorović, Mme Ágnes Vadai, (Mr Gábor Szalay) M. Luc Van den Brande, Mme Jelleke Veenendaal, Mme Birutė Vėsaitė, MM. Oldřich Vojíř, Varujan Vosganian, Robert Walter, Andrzej Wielowieyski, Marek Wikiński (remplaçante: Mme Grażyna Ciemniak), Paul Wille, Mme Rosmarie Zapfl-Helbling, M. Kostyantyn Zhevago

N.B. : Les noms des membres qui ont pris part à la réunion sont imprimés en caractères gras

Chef du Secrétariat : M. Torbiörn

Secrétaires de la commission : Mme Ramanauskaite et M. de Buyer


1 Le premier tronçon a été inauguré le 26 août 2004.

2 Le Livre blanc de l’UE « Politique européenne des transports pour 2010 : le temps des décisions » indique que la navigation continentale est le mode de transport le plus durable et le plus sûr, et qu’il présente un potentiel considérable en matière de croissance et d’efficience énergétique.

3 Par rapport au transport de fret par la route et le rail, en 2000, les voies navigables avaient une part de marché de 53,4% aux Pays-bas, de 24,8% au Luxembourg, de 15,7% en Allemagne, de 10,7% au Luxembourg, de 14% en Serbie-Monténégro, de 8,6% en Roumanie, de 7,1% en Ukraine, de 4,5% en Fédération de Russie, de 4,2% en Hongrie et de 4,1% en Slovaquie.

4 www.tinasecretariat.at

5 La délégation comprenait des représentants de la Commission européenne et de plusieurs institutions internationales, notamment du Secrétariat et des experts chargés du respect de la Convention de Berne du Conseil de l’Europe (relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel en Europe), de la Commission internationale pour la protection du Danube, de la Convention de Ramsar sur les zones humides, de la Convention d’Aarhus (par la CEE-NU sur l'accès à l'information, la participation du public et l'accès à la justice en matière d'environnement) et de la Convention d’Espoo (de la CEE-NU sur l’évaluation de l’impact sur l’environnement dans un contexte transfrontière).