Parliamentary Assembly
Assemblée
parlementaire

Doc. 10849
21 mars 2006

Abolition des restrictions au droit de vote
Recommandation 1714 (2005)

Réponse du Comité des Ministres
adoptée à la 958e réunion des Délégués des Ministres (15 mars 2006)


1.       Le Comité des Ministres accueille favorablement la Recommandation 1714 (2005) de l’Assemblée parlementaire et sa Résolution 1459 (2005) sur l’abolition des restrictions au droit de vote, qu’il a transmises pour avis notamment à la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise) et au Comité directeur sur la démocratie locale et régionale (CDLR) (voir Annexes 1 et 2 à la réponse).

2.       Comme la Commission de Venise le souligne à juste titre, le droit de vote est un droit politique fondamental et les principes de l’universalité, de l’égalité, de la liberté et du secret du suffrage constituent les quatre piliers du patrimoine électoral européen, qui figure dans les constitutions et les législations électorales des Etats membres et des Etats observateurs du Conseil de l'Europe. L’abolition des restrictions existantes au droit de vote doit par conséquent continuer de faire l’objet d’activités du Conseil de l'Europe.

3.       Le Comité des Ministres observe que la Conférence des Ministres européens responsables des collectivités locales et régionales, lors de sa 14e session tenue à Budapest en février 2005, a désigné, parmi les défis à relever dans le domaine de la citoyenneté démocratique et de la participation aux niveaux local et régional, « le champ de participation des résidents étrangers à la vie publique au niveau local ». Ils ont convenu « de s’efforcer de surmonter les obstacles sur la voie de l’adhésion à la Convention sur la participation des étrangers à la vie publique au niveau local et de la ratifier le plus rapidement possible ». Le Comité note que le CDLR procède à un tour de table annuel pour faire le point sur les évolutions et rappelle que l’idée d’attribuer un droit de vote actif et passif pour les élections locales à tous les résidents légaux est conforme au Code de bonne conduite en matière électorale de la Commission de Venise1.

4.       Le Comité des Ministres attache de l’importance au fait que l’Assemblée invite instamment les pays concernés à appliquer les recommandations du Commissaire aux Droits de l'Homme du Conseil de l'Europe relatives à l’attribution du droit de vote lors des élections locales aux résidents ayant un statut spécial de « non-citoyens ».

5.       Le Comité des Ministres considère que les Etats membres et observateurs devraient réexaminer les restrictions existantes aux droits électoraux des détenus et membres des forces armées, en vue d’abolir toutes celles qui ne sont plus nécessaires ni proportionnées à la poursuite d’un objectif légitime. A cet égard, il se réfère à nouveau au Code de bonne conduite en matière électorale, qui établit un certain nombre de conditions cumulatives en ce qui concerne la privation du droit de vote et de l’éligibilité2. Il relève que, dans certains pays, le droit de vote des membres des forces de police fait l’objet de restrictions (exclusion du droit de vote ou de l’éligibilité), mais que la non-restriction du droit de vote en l’occurrence est l’approche la plus répandue dans les Etats membres. Il partage le point de vue de la Commission de Venise d’après lequel les restrictions applicables à des catégories telles que les personnes résidant dans des établissements d’hébergement médicalisé, les groupes nomades et les personnes temporairement absentes, devraient être reconsidérées. Il remarque, en outre, que les minorités nationales et les personnes ayant la double nationalité sont également citées par la Commission de Venise parmi les groupes subissant des restrictions ou une discrimination à cet égard.

6.       L’Assemblée parlementaire invite les services du Conseil de l'Europe, en particulier la Commission de Venise et son Conseil des élections démocratiques, à développer leurs activités pour améliorer les conditions permettant l’exercice effectif des droits électoraux des groupes qui rencontrent des difficultés particulières. A ce sujet, le Comité des Ministres souligne que les deux organes précités suivent les évolutions dans le domaine des élections démocratiques et du respect du droit de vote, au moyen d’avis d’experts, d’études, de réunions consultatives et de séminaires. Il partage l’avis de la Commission de Venise, qu’il est important de coordonner dans ce domaine, par le biais du Conseil des élections démocratiques, les activités menées avec celles d’autres organes du Conseil de l'Europe, en particulier l’Assemblée parlementaire, le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l'Europe et le CDLR, ainsi qu’avec celles du BIDDH/OSCE.

7.       Le Comité des Ministres estime, comme l’Assemblée parlementaire, que les Etats membres devraient prendre des mesures pour faciliter l’exercice du droit de vote des citoyens vivant à l’étranger, grâce par exemple aux votes postal, consulaire ou électronique. Il constate avec satisfaction que l’Assemblée se réfère à sa Recommandation Rec(2004)11 sur les normes juridiques, opérationnelles et techniques relatives au vote électronique. Toutefois, il ne lui semble pas nécessaire, pour l’instant d’élaborer une convention en vue d’améliorer la coopération internationale sur cette question.


Annexe 1 à la réponse

Avis de la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise)

I.       Remarques générales

1.       La Commission de Venise a étudié à plusieurs reprises la question du droit de vote (tant actif que passif) et réaffirmé à de nombreuses occasions l’importance de ce droit dans toute démocratie. Elle a examiné cette question à la fois en tant que thème général intéressant les Etats membres du Conseil de l'Europe, et dans le cas concret de la participation des minorités à la vie publique. Le droit de vote a également fait l’objet de discussions et commentaires dans le cadre de la coopération de la Commission de Venise avec certains pays concernant des problèmes constitutionnels.

2.        Le problème des restrictions du droit de vote a fait l’objet de deux rapports de Mme M. Lazarova Trajkovska et M. F. Matscher (CDL-AD(2005)011 et 012) entérinés par la Commission de Venise lors de sa 61e session plénière des 3 et 4 décembre 2004.

3.        Le droit de vote en tant qu’un des droits politiques fondamentaux est également essentiel à la réalisation d’un certain nombre de droits civils et sociaux. Par ailleurs, les principes d’universalité, d’égalité, de liberté et de secret du suffrage constituent les quatre piliers du patrimoine électoral européen qui figure dans les constitutions et les lois électorales des Etats membres et des Etats observateurs du Conseil de l'Europe. A cet égard, l’abolition des restrictions au droit de vote devrait intéresser les Etats et servir d’objectif pour de nouvelles activités du Conseil de l'Europe et d’autres organisations internationales.

4.        Dans certains Etats membres et observateurs du Conseil de l'Europe, la mise en œuvre des normes et des principes généraux en vigueur est profondément influencée par les coutumes et les traditions, mais surtout par le niveau de culture politique. Dans un certain nombre de cas et de situations dans des pays d’Europe et ailleurs, diverses normes et pratiques visent à limiter le droit de vote de certaines catégories de personnes. Ces restrictions sont problématiques du point de vue des droits de l’homme. Les institutions européennes et notamment l’Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe s’efforcent de supprimer ces restrictions.

5.        Cet avis a été rédigé à la demande de l’Assemblée parlementaire et il se propose de traiter la Recommandation 1714 (2005) relative à l’abolition des restrictions au droit de vote. La recommandation se réfère à la Résolution 1459 (2005) et doit être analysée et examinée à la lumière de celle-ci.

6.        La recommandation invite le Comité des Ministres, premièrement, à demander instamment aux Etats membres et observateurs d'examiner cette question à la lumière des derniers développements en Europe ; deuxièmement, à demander aux services compétents du Conseil de l'Europe, notamment la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise) et son Conseil des élections démocratiques, de développer leurs activités d’amélioration des conditions permettant l’exercice effectif des droits électoraux des groupes rencontrant des difficultés particulières ; et troisièmement, à analyser les instruments existants visant à faciliter l’exercice des droits électoraux des expatriés.

7.        Le présent avis, qui a été établi sur la base des commentaires de Mme M. Lazarova Tradjkovska et M. F. Matscher, a été adopté par le Conseil des élections démocratiques lors de sa 14e réunion (Venise, 20 octobre 2005) et par la Commission de Venise lors de sa 64e session plénière (Venise, 21-22 octobre 2005).

II.       Appel aux Etats membres et observateurs

8.        Renvoyant à sa Résolution 1459 (2005), l'Assemblée parlementaire invite le Comité des Ministres à demander instamment aux Etats membres et observateurs, premièrement, de signer et de ratifier la Convention de 1992 du Conseil de l'Europe sur la participation des étrangers à la vie publique au niveau local (STE n° 144) et d'accorder des droits électoraux actifs et passifs aux élections locales à tous les résidents légaux et, deuxièmement, de réexaminer les restrictions existantes aux droits électoraux des détenus et des membres des forces armées afin d'abolir toutes celles qui ne sont plus nécessaires ni proportionnées dans la poursuite d'un objectif légitime.

9.       Il faut se féliciter de l'appel aux Etats membres et observateurs à signer et ratifier la Convention de 1992 du Conseil de l'Europe sur la participation des étrangers à la vie publique au niveau local (STE n° 144) visant à accorder des droits électoraux actifs et passifs aux élections locales à tous les résidents légaux. Cette approche est conforme au Code de bonne conduite en matière électorale3, qui indique au point I.1.1.b.ii : «…il est tout à fait souhaitable que, après une certaine durée de résidence, les étrangers disposent du droit de vote sur le plan local ». Ce droit pourrait être accordé après cinq ans de résidence permanente, par exemple.

10.        L'appel aux Etats membres et observateurs à réexaminer les restrictions existantes aux droits électoraux des détenus et des membres des forces armées afin d'abolir toutes celles qui ne sont plus nécessaires ni proportionnées dans la poursuite d'un objectif légitime est particulièrement important. Dans certains pays, les droits de vote des personnes servant dans la police sont soumis à des restrictions (elles n'ont pas le droit de voter ou d'être élues). Cette pratique est contraire à l'approche la plus courante qui évite de restreindre les droits de vote de ces personnes. Cette approche devrait également s'appliquer à des groupes tels que les résidents de maisons de retraite, les personnes condamnées pour une infraction pénale, les groupes nomades et les personnes temporairement absentes de leur domicile.

III.       Futures activités de la Commission de Venise et du Conseil des élections démocratiques

11.        L'Assemblée parlementaire invite les services du Conseil de l'Europe, notamment la Commission de Venise et son Conseil des élections démocratiques, à développer leurs activités d'amélioration des conditions permettant l'exercice effectif des droits électoraux des groupes rencontrant des difficultés particulières, comme les expatriés, les détenus, les personnes condamnées pour une infraction pénale, les personnes vivant dans des établissements d'hébergement médicalisé, les militaires ou les groupes nomades. Ici, nous ajouterons les minorités nationales et les personnes ayant une double nationalité. Selon nous, ces deux groupes font également l'objet de restrictions ou de discriminations4.

12.        La Commission de Venise et son Conseil des élections démocratiques suivent les réalisations dans le domaine des élections démocratiques et concernant le droit de vote, qui fait partie des droits de l'homme fondamentaux par des avis d'experts, des études, des réunions consultatives et des séminaires. Ces réalisations continueront à influencer l’amélioration des législations internationales et nationales. Il est extrêmement important que le Conseil des élections démocratiques coordonne les activités dans ce domaine avec celles d'autres organes du Conseil de l'Europe, en particulier l'Assemblée parlementaire, le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe ainsi qu'avec le BIDDH de l'OSCE.


Annexe 2 à la réponse

Avis du Comité directeur sur la démocratie locale et régionale (CDLR)

Le CDLR a examiné avec intérêt la Recommandation 1714 (2005) de l’Assemblée parlementaire relative à l'abolition des restrictions au droit de vote. Ses commentaires suivent l’ordre dans le lequel les recommandations figurent dans le texte.

En ce qui concerne la recommandation du Comité des Ministres invitant les Etats membres à signer et à ratifier la Convention européenne relative à la participation des étrangers à la vie publique au niveau local, le CDLR rappelle que la 14e session de la Conférence des ministres européens responsables des pouvoirs locaux et régionaux, tenue à Budapest en février 2005, a identifié le domaine de la participation démocratique et de l’éthique publique au niveau local et régional comme l’un des défis à relever, car il élargit « le champ de participation des résidents étrangers dans la vie publique au niveau local ». Sur cette base, il est convenu de « s’efforcer de surmonter les obstacles sur la voie de l’adhésion à la Convention sur la participation des étrangers à la vie publique au niveau local et de la ratifier le plus rapidement possible ». Par conséquent, le CDLR organise un tour de table annuel pour dresser le bilan des développements intervenus. Le dernier tour de table a eu lieu à sa réunion de novembre 2005. Les résultats de ce bilan sont présentés à l’annexe 11 du rapport de la réunion. Le Comité des Ministres souhaitera peut-être en faire part à l’Assemblée parlementaire.

En ce qui concerne le point invitant les Etats membres à réexaminer les restrictions au droit de vote, le CDLR, de par ses attributions en matière de démocratie locale et régionale, est réticent à donner un avis dans la mesure où cette question touche plusieurs points qui ne sont pas couverts par son mandat. Toutefois, comme dans d’autres cas similaires, le CDLR est prêt et disposé à prendre part à tout exercice associant d’autres organes compétents du Conseil de l’Europe.

De même, le CDLR est prêt à apporter sa contribution à tout processus de promotion d’activités visant à améliorer les conditions permettant l’exercice effectif des droits électoraux des groupes rencontrant des difficultés particulières. Le CDLR rappelle en particulier que la Recommandation Rec(2001)19 sur la participation des citoyens à la vie publique contient une série de recommandations visant à encourager les catégories de citoyens, qui pour diverses raisons, ont plus de difficultés pour participer (Annexe II, parties B et D).

En ce qui concerne le troisième élément majeur de la recommandation, à savoir une Convention éventuelle du Conseil de l’Europe sur l’amélioration de la coopération internationale, cela dans le but de faciliter l’exercice des droits des expatriés, le CDLR s’abstient d’exprimer un avis car il estime que cette question concerne essentiellement les élections au niveau national.


1 Le Comité des Ministres a apporté son soutien politique à ce code élaboré par la Commission de Venise, à travers de sa Déclaration sur le Code de bonne conduite en matière électorale, adoptée le 13 mai 2004, à sa 114e Session. Selon le code « il serait souhaitable que les étrangers soient habilités à voter lors des élections locales après une certaine période de résidence » (point I.1.bb.ii). Ce droit pourrait être accordé, par exemple, après 5 ans de résidence permanente.

2 Ces conditions sont les suivantes :

ii. elle doit être prévue par la loi ;

iii. elle doit respecter le principe de la proportionnalité ; l’exclusion de l’éligibilité peut être soumise à des conditions moins sévères que celles du droit de vote ;

iv. elle doit être motivée par une interdiction pour motifs liés à la santé mentale ou des condamnations pénales pour des délits graves ;

v. En outre, l’exclusion des droits politiques ou l’interdiction des droits politiques ou l’interdiction pour motifs liés à la santé mentale doit être prononcé par un tribunal dans une décision spécifique (point I.1.dd.ii-v.).

3 Code de bonne conduite en matière électorale, adopté par la Commission de Venise lors de sa 52e session plénière
CDL-AD(2002)023rev.

4 Voir le rapport de la Commission de Venise sur l'abolition des restrictions au droit de vote aux élections générales
CDL-EL(2005)008.