Doc. 11033
27 septembre 2006

Le VIH/SIDA en Europe

Rapport
Commission des questions sociales, de la santé et de la famille
Rapporteuse : Mme Christine McCafferty, Royaume-Uni, Groupe socialiste


Résumé

Le SIDA est devenu une catastrophe mondiale. Le nombre de personnes atteintes du VIH ne cesse d’augmenter. En 2005, le total mondial s’est monté à 40,3 millions de malades (contre 37,5 millions en 2003). Quatre millions neuf cent mille personnes supplémentaires ont été contaminées en 2005, dont 700.000 enfants. Trois millions cent mille personnes, dont 570.000 enfants, sont morts de maladies liées au SIDA.

L’Afrique sub-saharienne est toujours la région la plus affectée : elle regroupe en effet les deux tiers de l’ensemble des personnes porteuses du VIH. Cependant, le nombre de personnes contaminées est également en forte augmentation ailleurs, notamment en Europe de l’Est et en Asie centrale, où il est passé de 1,2 million en 2003 à 1,6 million en 2005. L’Ukraine, la Russie et l’Estonie sont des pays à avoir atteint un taux de prévalence du VIH probablement supérieur à 1% de la population.

Ces faits et chiffres montrent que les campagnes de prévention et le développement des traitements antirétroviraux (ART) n’ont pas eu les effets qu’ils auraient dû avoir. En raison, principalement, de la « perte d’intérêt pour le sida », ces faits ne reçoivent que peu d’attention. Les jeunes générations ne prennent que faiblement en compte les campagnes d’information au moment de la découverte de la sexualité. On croit encore que le VIH est une épidémie qui ne touche que les « autres », les « étrangers », et qu’en cas de contamination le VIH peut être contrôlé aisément au moyen des antirétroviraux.

D’emblée, le VIH/SIDA a été une maladie politiquement fortement connotée qui a opposé les riches et les pauvres, les puritains et les pragmatiques. Dans la majorité du monde, le VIH/SIDA touche plutôt des groupes marginalisés, habituellement les prostitués, les hommes ayant des relations homosexuelles et les toxicomanes par voie intraveineuse. Dans nos sociétés ces personnes sont très vulnérables. Ces personnes ne sont pas plus aimées des démocraties que des autocraties. Lorsqu’il s’agit de faire appel aux contribuables, ces groupes vulnérables ne figurent pas en général sur la liste des priorités, surtout dans les pays si pauvres que la plupart des citoyens n’a même pas accès aux soins de santé de base.

La rapporteuse estime que les pays doivent s’attaquer aux causes structurelles de l’épidémie de VIH. Le VIH/sida n’est pas seulement un problème de santé : il est aussi un problème de droits de l'homme. Les stratégies relatives au VIH/sida sont étroitement liées au renforcement des valeurs générales de l’Europe concernant la sécurité humaine et la sauvegarde des droits de l’homme, parmi lesquels les droits relatifs à la sexualité et la procréation, les droits des minorités et les droits fondamentaux des migrants, des réfugiés et des personnes déplacées. Ces droits sont encore, dans de nombreux pays, violés pour ce qui concerne les personnes séropositives. Cette situation entraîne une stigmatisation de ces personnes, une discrimination à leur égard, des difficultés d’accès au traitement et par conséquent un risque accru de transmission.

Que ce soit au niveau national ou mondial, il faut intensifier les actions pour empêcher la progression du VIH. Maîtriser la pandémie du SIDA exige d’avoir le courage de prendre des mesures dont l’efficacité a été reconnue. La prévention du VIH requiert que les gouvernements et les collectivités soient fermement résolus à s’attaquer au problème sans restriction aucune et en toute connaissance de cause, quand bien même la rapporteuse est consciente que de nombreux milieux opposent une résistance culturelle à un débat ouvert sur le sexe, la sexualité et la toxicomanie.

A.       Projet de résolution

1.       L’Assemblée parlementaire rappelle sa Résolution 812 (1983) relative au syndrome immuno-déficitaire acquis (SIDA), sa Recommandation 1080 (1988) relative à une politique européenne coordonnée de la santé pour prévenir la propagation du SIDA dans les prisons, sa Recommandation 1116 (1989) sur le SIDA et les droits de l’homme ainsi que sa Résolution 1399 (2004) et sa Recommandation 1675 (2004) sur une Stratégie européenne pour la promotion de la santé et des droits en matière de sexualité et de procréation, eu égard à l’impact dévastateur du VIH/SIDA sur le développement humain, social et économique.

2.       Elle rappelle également les directives internationales concernant le VIH/SIDA et les droits de l’homme, publiées par le Programme commun des Nations Unies sur le VIH/SIDA (ONUSIDA) et le Haut-Commissaire aux droits de l’homme des Nations Unies (HCDH) en 1998, ainsi que la Déclaration d’engagement sur le VIH/SIDA adoptée par la Session extraordinaire de l’Assemblée Générale des Nations Unies sur le VIH/SIDA en 2001, le projet de déclaration politique adopté par la Session extraordinaire de l’Assemblée Générale des Nations Unies sur le VIH/SIDA en 2006 et la déclaration de l’Union européenne sur la prévention du VIH pour une génération sans SIDA datant de décembre 2005.

3.       Tout en réaffirmant les objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) énoncés dans la Déclaration du Millénaire des Nations Unies, l’Assemblée reconnaît que ces objectifs ne pourront être atteints tant que des progrès ne seront pas réalisés dans le domaine de la lutte contre les infections sexuellement transmissibles, et notamment le VIH/SIDA, ainsi que dans le domaine de la santé et des droits en matière de sexualité et de procréation.

4.       L’Assemblée constate avec préoccupation que :

4.1.       chaque année, le nombre de personnes infectées par le VIH ne cesse de croître, tout comme le nombre d’enfants rendus orphelins par le VIH/SIDA;

4.2.       physiologiquement et du fait de la discrimination, les femmes sont particulièrement vulnérables au VIH/SIDA ;

4.3.       l’ignorance et l’intolérance restent une cause de marginalisation des personnes touchées ou supposées touchées par le VIH/SIDA, ce qui se traduit par des actes discriminatoires dans le domaine de l’assistance médicale, de l’emploi, de l’éducation, du logement et plus généralement, dans tout aspect lié au bien-être social de ces personnes ;

4.4.       certains gouvernements se refusent encore à reconnaître l’existence et la gravité de la pandémie de VIH/SIDA, et à admettre que les préjugés et la discrimination auxquels se heurtent les personnes vivant avec le VIH/SIDA, en particulier les femmes, compromet l’efficacité des réponses à cette pandémie.

5.       L’Assemblée reconnaît que la pandémie mondiale de VIH/SIDA constitue une menace redoutable pour la vie et la dignité humaines et la pleine jouissance des droits de l’homme, et que le plein exercice, par les personnes touchées, des droits de l’homme et des libertés fondamentales est un élément essentiel de la réponse globale à la pandémie.

6.       Elle affirme également que le respect, la protection et l’exercice des droits fondamentaux des femmes et des filles sont des composantes nécessaires et fondamentales de la stratégie de lutte contre le VIH/SIDA. En outre, cette lutte ne saurait être dissociée du combat contre la pauvreté, laquelle touche principalement les femmes et les enfants, ce qui fragilise la population active et entrave le développement social et économique.

7.       L’Assemblée considère que, même si le recours aux médicaments antirétroviraux associés à des traitements appropriés peut retarder la progression du VIH/SIDA, des millions de personnes infectées n’ont pas les moyens de s’offrir ces traitements. Dans ce contexte, l’Assemblée souligne qu’aux termes de l’Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (Accord ADPIC) de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), les membres de l’OMC peuvent autoriser la production de médicaments brevetés en cas d’urgence sanitaire ; elle encourage les Etats membres de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) à user pleinement de la souplesse qu’autorise l’accord ADPIC pour promouvoir l’accès aux antirétroviraux et autres produits pharmaceutiques essentiels.

8.       Consciente que pour pouvoir exercer leurs droits les personnes vivant avec le VIH/SIDA doivent avoir accès sans discrimination à certains services, et notamment aux soins de santé et aux traitements ainsi qu’aux services sociaux et juridiques dans un environnement social favorable, l’Assemblée est convaincue que :

8.1.       la reconnaissance du degré atteint par la pandémie de VIH/SIDA dans chaque pays permettra aux gouvernements respectifs d’adapter leurs programmes de prévention, de traitement, de soins et d’assistance pour répondre à leurs besoins propres ;

8.2.       le renforcement des capacités dans le domaine de la santé publique est essentiel pour la prévention et le traitement efficaces du VIH/SIDA ;

8.3.       toute réponse à l’épidémie ne sera efficace que si elle s’attaque aux causes de sa propagation, et notamment la traite des êtres humains, en particulier la traite des femmes et des filles, la toxicomanie et le trafic de drogues, ainsi que la violence sexiste ; à ce propos, il faut souligner le rôle central de la famille, de la religion et des valeurs et principes éthiques fondamentaux traditionnels.

9.       Soulignant que la pandémie du VIH/SIDA est une urgence à la fois médicale, sociale et économique, l’Assemblée parlementaire appelle les parlements et les gouvernements du Conseil de l’Europe :

9.1.       à faire en sorte que leurs lois, leurs politiques et leurs pratiques respectent les droits de l’homme dans le contexte du VIH/SIDA, en particulier les droits à l’éducation, au travail, au respect de la vie privée, à la protection et à l’accès à la prévention, aux traitements, aux soins et à l’assistance ;

9.2.       à protéger les personnes vivant avec le VIH/SIDA contre toute forme de discrimination, tant dans le secteur public que dans le secteur privé, à promouvoir l’égalité entre les sexes, à assurer le respect de la vie privée et la confidentialité dans la recherche sur des sujets humains, et à prévoir des recours judiciaires, administratifs et civils rapides et efficaces en cas de violation des droits des personnes vivant avec le VIH/SIDA ;

9.3.       à assurer l’élaboration et la mise en œuvre accélérée de stratégies nationales d’émancipation des femmes, notamment par l’accès aux droits de propriété, la promotion et la protection de la pleine jouissance par les femmes de tous leurs droits fondamentaux et la réduction de leur vulnérabilité au VIH/SIDA en éliminant toute forme de discrimination et de violence à l’égard des femmes et des filles, et notamment les pratiques traditionnelles ou coutumières nocives, les sévices, le viol et autres formes de violence sexuelle ; à protéger le droit qu’ont les femmes vivant avec le VIH/SIDA de prendre librement les décisions relatives à leur sexualité et à leur santé reproductive, notamment en leur assurant l’accès aux services qui préviennent la transmission du VIH de la mère à l’enfant et en permettant aux femmes enceintes de recevoir un traitement ARV à long terme;

9.4.       à adopter et à financer les mesures nécessaires pour garantir, de manière durable et pour toutes les personnes touchées (quel que soit leur statut social, leur situation juridique, leur sexe, leur âge ou leur orientation sexuelle), la disponibilité et l’accessibilité de services et d’informations de qualité sur le VIH/SIDA en matière de prévention, de gestion, de traitement, de soins et d’assistance ; cela englobe la mise à disposition de tous, en portant une attention particulière aux personnes et aux groupes vulnérables tels que les femmes et les enfants, de moyens de prévention du VIH/SIDA tels que les préservatifs masculins et féminins, les seringues stériles et les trousses de soins préventifs, la mise à disposition de médicaments antirétroviraux peu onéreux et autres médicaments sûrs et efficaces, d’un soutien psychologique, de moyens de dépistage et autres technologies de diagnostic ;

9.5.       à mettre en place des mesures pour renforcer la capacité des femmes et des adolescentes à se protéger du risque d’infection par le VIH, principalement par l’éducation, y compris l’éducation par les pairs, et par la mise à disposition de services de santé, notamment en matière de sexualité et de procréation ;

9.6.       à adopter les mesures nécessaires pour poursuivre, intensifier, conjuguer, rendre mutuellement bénéfiques et harmoniser les efforts nationaux et multinationaux de recherche-développement visant à mettre au point de nouveaux traitements contre le VIH/SIDA – y compris des médicaments VIH/SIDA pédiatriques spéciaux pour les enfants qui vivent avec le VIH/SIDA –, de nouveaux moyens de prévention et de nouveaux outils et tests de diagnostic, notamment des vaccins et des méthodes de prévention dont les femmes aient la maîtrise, telles que les microbicides ;

9.7.       à reconnaître les effets sanitaires, socio-économiques et autres du VIH/SIDA sur les individus, les familles, les sociétés et les nations, et à adopter les mesures législatives, administratives et sociales appropriées pour en enrayer la propagation ;

9.8.       à adopter et à mettre en œuvre des politiques respectueuses des droits fondamentaux des personnes vivant avec le VIH/SIDA et, par l’intermédiaire de tous les médias disponibles, à défendre et faire connaître leurs droits ;

9.9.       à élaborer et à mettre en œuvre une législation et des politiques nationales axées sur les besoins et les droits fondamentaux du nombre croissant d’enfants rendus orphelins et vulnérables par la pandémie de VIH/SIDA ;

9.10.       à interdire le dépistage obligatoire du VIH/SIDA pour les demandeurs de visas, les demandeurs d’emploi ou les personnes souhaitant s’inscrire à l’université, et à lui préférer le dépistage volontaire ;

9.11.       à établir des politiques et programmes nationaux coordonnés, participatifs, transparents et responsables pour lutter contre le VIH/SIDA, et à concrétiser ces politiques nationales par des mesures au niveau des collectivités locales et des quartiers en associant à leur élaboration et à leur mise en œuvre, chaque fois que possible, les organisations non gouvernementales et locales, les organisations religieuses, le secteur privé et, surtout, les personnes vivant avec le VIH/SIDA, en particulier les plus vulnérables d’entre elles, y compris les femmes et les enfants.

10.       En outre, l’Assemblée parlementaire invite les Etats membres du Conseil de l’Europe :

10.1.       à préparer des stratégies nationales dans l’objectif de juguler, d’ici à 2015, la propagation du VIH/SIDA et de commencer à inverser la tendance de cette pandémie ;

10.2.       à parrainer le lancement officiel de stratégies nationales contre le VIH/SIDA et à établir des bilans périodiques nationaux et régionaux sur les progrès de la lutte contre le VIH/SIDA et de la réalisation des OMD, en particulier dans le domaine de la lutte contre le VIH/SIDA ;

10.3.       conformément à la Résolution 1325 (2000) du Conseil de Sécurité de l’Organisation des Nations Unies sur les femmes, la paix et la sécurité, à veiller à ce que les membres de l’armée et de la police ainsi que le personnel des opérations de maintien de la paix reçoivent une formation adéquate concernant le problème du VIH/SIDA ;

10.4.       à coordonner leur action avec celle de l’Organisation des Nations Unies, des organisations non gouvernementales et des autres entités ou institutions participant à la prévention du VIH/SIDA, et à soutenir les travaux de ces dernières afin de défendre et de protéger les droits fondamentaux des personnes vivant avec le VIH/SIDA ;

10.5.       à traiter les problèmes de pauvreté, intrinsèquement liés au VIH/SIDA, et à mettre en place des approches multisectorielles pour combattre ses effets négatifs sur le développement social et économique ;

10.6.       à affecter des ressources suffisantes à leur système de santé, y compris des ressources humaines et des ressources consacrées au VIH/SIDA (prévention, traitement, soins et assistance), en tenant compte des trois grands principes directeurs de l’ONUSIDA (« Three Ones ») à l’intention des autorités nationales et de leurs partenaires ;

10.7.       à appliquer les mesures recommandées dans le document de l’ONUSIDA/OMS intitulé Guidance on ethics and equitable access to HIV treatment and care afin d’encourager une répartition équitable des soins en matière de VIH lorsque les ressources sont limitées.

11.       L’Assemblée parlementaire appelle les parlements :

11.1.       à légiférer ou à modifier la législation existante pour définir des normes nationales de protection des personnes atteintes par le VIH/SIDA, et notamment celles appartenant à des groupes vulnérables, comme les femmes et les enfants, en portant une attention particulière à la situation de toutes les personnes ayant perdu un membre de leur famille proche du fait du VIH/SIDA ;

11.2.       à réviser et à adapter la législation pour qu’elle soit conforme aux directives internationales concernant le VIH/SIDA et les droits de l’homme ;

11.3.       à légiférer pour punir quiconque transmet volontairement le VIH/SIDA.

12.       Afin d’atteindre ces objectifs, l’Assemblée appelle les parlementaires :

12.1.       à se tenir informés sur la question du VIH/SIDA et à se faire les avocats des personnes vivant avec le VIH/SIDA en faisant preuve d’ouverture d’esprit face au VIH ;

12.2.       à dénoncer la stigmatisation et la discrimination sociale, à briser les tabous sociaux et à venir à bout des mythes ;

12.3.       à démontrer de manière visible la volonté et l’engagement politiques en faveur de la lutte contre le VIH/SIDA, à participer aux organismes nationaux de lutte contre le VIH et à soutenir les ONG, notamment les ONG religieuses et les organisations locales œuvrant dans le domaine de la santé et des droits en matière de sexualité et de procréation, des infections sexuellement transmissibles, du VIH/SIDA et de la toxicomanie, ainsi que les entreprises privées travaillant dans le domaine du VIH/SIDA ;

12.4.       à créer des commissions parlementaires et/ou d'autres structures officiellement liées aux parlements ayant pour mission spécifique de juguler et d’inverser la tendance à la propagation du VIH/SIDA, de partager des expériences, des informations et des bonnes pratiques et d’associer tous les secteurs de la société aux décisions importantes dans le cadre de programmes de partenariat ;

12.5.       à utiliser efficacement les processus parlementaires pour une responsabilisation accrue et à renforcer les mécanismes nationaux tels que les commissions, les tribunaux, la législation et les stratégies coordonnées afin de protéger, de faire appliquer et de superviser, dans leurs pays respectifs, les droits fondamentaux des personnes infectées ou affectées par le VIH/SIDA, et pour éliminer toute forme de préjugés et de discrimination, notamment à l’égard des groupes vulnérables.

13.       Enfin, l’Assemblée parlementaire demande d’accorder une attention particulière à la prévention du VIH/SIDA en diffusant des informations adéquates et ciblées, en faisant appel à tous les médias et relais disponibles, en sensibilisant et en éduquant les hommes et les femmes, en particulier les adolescents, garçons et filles ; elle demande que l’éducation sexuelle soit inscrite dans les programmes scolaires, pour les filles comme pour les garçons, en tant que moyen de prévention ; elle encourage vivement les organismes nationaux et locaux compétents à donner une priorité élevée à l’assistance aux femmes enceintes et aux mères allaitantes atteintes du VIH pour protéger leur bébé contre l’infection, ainsi qu’à administrer aux mères un traitement ARV pour ralentir la progression de l’infection VIH/SIDA, leur permettant ainsi de vivre plus longtemps et en meilleure santé.

B.       Projet de recommandation

1.       L’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe se réfère à sa Résolution … sur le VIH/SIDA en Europe et recommande au Comité des Ministres :

1.1.       de transmettre cette résolution aux gouvernements des Etats membres en leur demandant d’en tenir compte lors de l’élaboration de la législation et des stratégies nationales en matière de VIH/SIDA ;

1.2.       de charger son comité compétent, en l’occurrence le Comité européen de la santé, en coopération avec les partenaires européens concernés :

C.       Exposé des motifs, par Mme McCafferty, rapporteuse

I.       INTRODUCTION

1.       Le SIDA est devenu une catastrophe mondiale. Le nombre de personnes atteintes du VIH ne cesse d’augmenter. En 2005, le total mondial s’est monté à 40,3 millions de malades (contre 37,5 millions en 2003). Quatre millions neuf cent mille personnes supplémentaires ont été contaminées en 2005, dont 700.000 enfants. Trois millions cent mille personnes, dont 570.000 enfants, sont morts de maladies liées au SIDA.

2.       L’Afrique sub-saharienne est toujours la région la plus affectée : elle regroupe en effet les deux tiers de l’ensemble des personnes porteuses du VIH. Cependant, le nombre de personnes contaminées est également en forte augmentation ailleurs, notamment en Europe de l’est et en Asie centrale, où il est passé de 1,2 million en 2003 à 1,6 million en 2005. En Europe, l’Ukraine, la Russie et l’Estonie sont des pays à avoir atteint un taux de prévalence du VIH probablement supérieur à 1% de la population.

3.       En Europe de l’Est et en Asie centrale, le SIDA a tué environ 62.000 adultes et enfants en 2005 et 270.000 personnes ont été contaminées par le VIH l’année passée. L’écrasante majorité des personnes porteuses du VIH dans cette région est jeune; 75% des contaminations recensées entre 2000 et 2004 concernaient des personnes de moins de 30 ans (en Europe de l’Ouest, le chiffre correspondant était de 33%).

4.       L’épidémie est en train de changer de forme dans plusieurs pays où les cas de VIH transmis par voie sexuelle représentent une part croissante des nouveaux diagnostics. En 2004, 30% ou plus de tous les nouveaux cas de contaminations par le VIH rapportés au Kazakhstan et en Ukraine, et 45% ou plus au Belarus et en République de Moldova ont été dus à des rapports non protégés. Un nombre grandissant de femmes sont touchées, dont beaucoup sont contaminées par des partenaires masculins ayant contracté le VIH par injection de drogues.

5.       Depuis le passage des pays d’Europe de l’Est et d’Asie centrale à l’économie de marché et, à des degrés variables, à la démocratie, le VIH/sida est très rapidement devenu une menace majeure pour la santé, la stabilité économique et le développement humain. Les bouleversements sociaux et politiques ont entraîné une augmentation de la consommation de drogue par voie intraveineuse, le déclin économique et la détérioration des systèmes et services de santé.

6.       Les gouvernements ont tardé à prendre la mesure de l’épidémie et à y répondre, et les systèmes de santé ne permettent pas un recensement satisfaisant des cas. En outre, les professionnels de santé sont fortement opposés à la médecine scientifique. Tous ces éléments constituent des principaux obstacles à l’élaboration des politiques publiques de promotion de la santé.

7.       En Europe de l’Ouest, alors qu’on avait observé une diminution ou une stabilisation des contaminations, les cas d’infection par le VIH connaissent une recrudescence dans certains pays. Cette recrudescence est parfois liée à des relations hétérosexuelles entre personnes originaires, principalement, des pays d’Afrique subsaharienne, mais l’augmentation est aussi visible, dans certains pays, en liaison avec l’homosexualité masculine.

8.       Ces faits et chiffres montrent que les campagnes de prévention et le développement des traitements antirétroviraux (ART) n’ont pas eu les effets qu’ils auraient dû avoir. En raison, principalement, de la « perte d’intérêt pour le sida », ces faits ne reçoivent que peu d’attention. Les jeunes générations ne prennent que faiblement en compte les campagnes d’information au moment de la découverte de la sexualité. On croit encore que le VIH est une épidémie qui ne touche que les « autres », les « étrangers », et qu’en cas de contamination le VIH peut être contrôlé aisément au moyen des antirétroviraux.

9.       Le VIH/sida n’est pas seulement un problème de santé : il est aussi un problème de droits de l'homme. Les stratégies relatives au VIH/sida sont étroitement liées au renforcement des valeurs générales de l’Europe concernant la sécurité humaine et la sauvegarde des droits de l’homme, parmi lesquels les droits relatifs à la sexualité et la procréation, les droits des minorités et les droits fondamentaux des migrants, des réfugiés et des personnes déplacées. Ces droits sont encore, dans de nombreux pays, violés pour ce qui concerne les personnes séropositives. Cette situation entraîne une stigmatisation de ces personnes, une discrimination à leur égard, des difficultés d’accès au traitement et par conséquent un risque accru de transmission.

10.       Aucun relâchement de la vigilance n’est permis. Depuis plus de vingt ans que dure l’épidémie, moins d’une personne sur cinq a accès aux services élémentaires de prévention du VIH. La Rapporteuse se félicite de la découverte d’un traitement efficace et peu coûteux mais reconnaît que sans un renforcement massif de la prévention du VIH, le nombre de personnes contaminées chaque année continuera de progresser. La capacité des pays à atteindre l’objectif qu’est un traitement accessible à tous s’en trouve menacée. Il serait donc opportun que les Etats membres du Conseil de l'Europe reconsidèrent leur engagement dans le domaine des maladies sexuellement transmissibles (MST) et de la prévention du VIH ainsi que des grossesses non désirées comme une composante intégrale de l’action globale contre le VIH/SIDA.

11.       2006 est une année inhabituelle et hautement symbolique pour la lutte contre le SIDA ; en effet, voilà 25 ans, en juin 1981, qu’est parue l’histoire de cinq hommes homosexuels vivant à Los Angeles et atteints d’une mystérieuse pneumonie. Depuis lors, 65 millions de personnes ont été contaminées et 25 millions tuées par le VIH/SIDA.

12.       Cette année est également le 10ème anniversaire d’une découverte de première importance : le traitement anti-rétroviral (ART) peut stopper le développement de la maladie et permettre de retrouver une vie normale. Cet événement a révolutionné la maladie, du moins dans les pays riches. Ce n’est que depuis peu que cette remarquable évolution technologique est également accessible aux pays plus pauvres et elle reste un rêve pour plusieurs millions de personnes qui en auraient besoin aujourd’hui, notamment pour les femmes et les enfants.

13.       L’année 2006 marque aussi le 5ème anniversaire de la session spéciale de l’Assemblée générale des Nations Unies consacrée au SIDA – la première fois que les Nations Unies ont débattu au plus haut niveau politique, en présence de 35 chefs d’Etat, un problème de santé publique, ce qui a incité de nombreux pays à constituer des Conseils nationaux SIDA, souvent dirigés par des chefs de Gouvernement.

14.       Dans le cadre de la rédaction du présent rapport – basé sur la référence N° 3005 (8 octobre 2004) – la Commission des questions sociales, de la santé et de la famille a organisé un débat avec des experts de l’UNAIDS, des parlementaires tanzaniens, la Coalition sur le SIDA et des ONG de Suède et de Russie (17 décembre 2004), voir Annexe I. Le 23 septembre 2005, à Moscou, la sous-commission a tenu une discussion sur la situation en Russie.La rapporteuse a aussi visité AIDS Infoshare, une ONG russe qui travaille dans le domaine du HIV/SIDA. Elle s’attache particulièrement à la prévention , la protection de la santé, la défense des droits de l’Homme et au contrôle du HIV/SIDA dans la fédération de Russie, voir Annexe II. Le rapport s’appuie également sur les conclusions de ces consultations.

i.       Caractéristiques régionales: Europe de l’Ouest et Europe centrale

15.       Plus d’un demi million de personnes sont porteuses du VIH en Europe de l’ouest et ce nombre ne cesse de croître grâce à la recrudescence des comportements sexuels à risque constatée dans plusieurs pays. Un changement majeur observé dans la région est que ce sont désormais les rapports hétérosexuels qui sont à l’origine de la majorité des nouvelles contaminations par le VIH. En effet de très nombreux cas de contaminations on été diagnostiqués chez des personnes originaires de pays gravement touchés par l’épidémie, principalement des pays d’Afrique sub-saharienne.

16.       Plus d’un tiers des 20.000 nouveaux diagnostics de contaminations par le VIH établis en 2004 (à l’exclusion de l’Italie, de la Norvège et de l’Espagne, pour lesquelles les données n’étaient pas disponibles), concernait des femmes.

17.       Bien que les contaminations par consommation de drogues injectables soient en diminution dans la plupart des pays d’Europe de l’ouest, leur nombre demeure très élevé dans plusieurs pays, dont l’Italie, le Portugal et l’Espagne. Au Portugal (où les taux de nouveaux diagnostics du VIH sont plus élevés que partout ailleurs en Europe), la consommation de drogues injectables était encore à l’origine de près de 50% des cas de VIH en 2002. Dans d’autres pays (dont la France, l’Italie et les Pays-Bas). Les nouvelles infections par le VIH se font parfois par l’intermédiaire de prostitués, et résultent dans d’autres cas d’une transmission du VIH de la mère à l’enfant. Certains pays ont réussi à diminuer la prévalence du VIH parmi les prostitués, principalement au moyen de politiques d’incitation à l’utilisation des préservatifs avec les clients et d’initiatives associant directement les prostitués aux actions de promotion du préservatif. De nombreux pays sont aussi parvenus à faire reculer la transmission de la mère à l’enfant grâce aux centres de dépistage et de conseil, aux césariennes électives, aux traitements antirétroviraux et aux produits de substitution au lait maternel.

18.       Dans les pays d’Europe centrale (dont la République tchèque et la Hongrie), le nombre de nouvelles contaminations par le VIH est resté stable depuis la fin des années 1990, la plupart des nouveaux cas étant relevés en Pologne. En République tchèque, en Hongrie, en Slovénie et en République slovaque, le sexe entre hommes est connu comme étant le mode prédominant de transmission du VIH.

19.       Contrairement à d’autres endroits du monde, une large majorité des habitants de la plupart des pays de la région qui nécessitent des traitements anti-rétroviraux y ont effectivement accès. Il en résulte que le nombre de personnes développant le SIDA et le nombre de décès dus au SIDA est resté faible depuis l’introduction des ART dans les années 1995 et suivantes.

20.       Cette tendance persiste en Europe de l’ouest ; en effet, les décès dus au SIDA ont fortement diminué (3905 décès en 2000 et 2252 en 2004) – soit une baisse de 42%. En revanche, en Europe de l’est où l’accès aux traitements anti-rétroviraux est limité, le nombre de morts du SIDA a triplé depuis 2000.

21.       Par ailleurs, dans certains pays, une grande partie des contaminations par le VIH reste non diagnostiquée. Au Royaume-Uni, par exemple, on estime qu’un tiers des porteurs du VIH ignorent leur statut sérologique et ne sont susceptibles de le découvrir qu’une fois touchés par des maladies liées au SIDA. En outre, des preuves alarmantes de résistance aux médicaments anti-rétroviraux ont été relevées chez des individus récemment contaminés par le VIH en Europe de l’ouest.

ii.       Europe de l’Est et Asie centrale

22.       Le VIH conforte sa présence dans toutes les régions de l’ex Union soviétique, à l’exception du Turkménistan (pour lequel on dispose de peu d’informations sur l’épidémie de VIH). Plusieurs républiques d’Asie centrale et du Caucase n’en sont qu’aux premiers stades de l’épidémie mais le taux de comportements à risque, très élevé en Europe du sud-est, laisse présumer que le VIH pourrait s’y propager si les actions de prévention ne se multiplient pas.

23.       La grande majorité des porteurs du VIH se concentre dans deux pays: la Fédération de Russie et l’Ukraine. L’épidémie continue de s’étendre en Ukraine, avec une augmentation annuelle constante des cas de VIH. Pour sa part, la Fédération de Russie connaît la plus forte épidémie de SIDA de toute l’Europe. Ces épidémies ont acquis une telle ampleur qu’elles nécessitent des efforts considérables en matière de prévention, de traitements et de soins.

24.       L’épidémie que connaissent les pays touche un nombre considérable de jeunes consommateurs de drogues injectables. Plus de 340.000 utilisateurs de drogues injectables ont été recensés à la fin de l’année 2004 dans la Fédération de Russie, mais leur nombre réel pourrait être de quatre à dix fois plus élevé. Les pratiques à risque d’injection de drogues sont encore à l’origine de la plupart des contaminations par le VIH, le pourcentage de toxicomanes n’utilisant pas de seringues ou d’aiguille stériles étant estimé à 30-40%, ce qui accroît grandement les probabilités de transmission du VIH.

25.       Pendant ce temps, l’épidémie se développe. La plupart des toxicomanes sont sexuellement actifs et, s’ils sont contaminés par le VIH, ils peuvent transmettre le virus à leurs partenaires occasionnels ou réguliers (nombre d’entre eux n’ayant pas de rapports protégés). Par conséquent, une augmentation significative des transmissions par voie sexuelle a été observée. En 2001, près de 6% des contaminations recensées étaient dues à lune transmission sexuelle; en 2004, cette proportion se montait à 25% (Service fédéral de la Fédération de Russie pour la protection des droits des consommateurs et le bien-être de l’Homme, 2005).

26.       Le VIH contamine désormais de plus en plus de femmes.Bien que les hommes représentent la majorité des personnes porteuses du VIH en Fédération de Russie, près de 38% du total des cas de VIH recensés concernent des femmes – une proportion plus élevée que jamais auparavant.

27.       De plus en plus d’enfants naissant de femmes porteuses du VIH, il faut faire une priorité de la prévention de la contamination de mère à enfant avec une attention particulière à la prévention d’une infection primaire VIH chez les femmes, ainsi que la prévention d’une grossesse mon désirée chez les femmes vivant avec le VIH/SIDA, et donnant accès à des césariennes sécurisées et une alternative à l’allaitement maternel à la fois pour la mère et pour l’enfant et la mise à disposition d’une traitement ARV. Les cas recensés de femmes enceintes atteintes du VIH ont fortement augmenté au cours des six dernières années et le nombre total d’enfants nés de mères séropositives dans la Fédération de Russie excède désormais les 13.000 (Centre fédéral russe contre le SIDA, 2005). Selon une enquête récente, les femmes et enfants séropositifs font l’objet d’une forte discrimination, y compris de la part des professionnels de la santé, (Human Rights Watch, 2005).

28.       Fait significatif, moins de 10% (tout au plus, de 4000 à 6500) des personnes nécessitant une thérapie anti-rétrovirale en en bénéficié en 2005 en Russie.

II.       SUJETS DE PRÉOCCUPATION

i.       Droits de l’homme

29.        La prévention du VIH à une grande échelle nécessite une bonne gouvernance et l’existence aux niveaux national et international d’un cadre juridique favorable. La pandémie du VIH/sida continue de se nourrir des violations des droits de l'homme, telles que le refus du droit à l’éducation sur la sécurité des relations sexuelles, la violence à l’égard des minorités sexuelles et d’autres groupes marginalisés tels que les mères célibataires, et le dépistage obligatoire. Les violations des droits de l'homme aggravent encore la stigmatisation des personnes qui présentent le risque d’infection le plus élevé et elles poussent vers la clandestinité ceux qui ont le plus cruellement besoin d’informations, de services de prévention et de traitements. Les violations des droits de l'homme sont aussi consécutives à l’infection et elles font qu’il est encore plus difficile, pour les personnes atteintes du VIH et du sida, de prévenir d’autres maladies et de se protéger contre une nouvelle transmission. Les gouvernements nationaux doivent adopter des lois et des mesures visant à protéger et faire appliquer les droits de l’homme de leurs citoyens concernant le VIH/sida, la santé sexuelle et génésique, l’égalité entre les sexes et le droit international.

ii.       Prévention

30.       La prévention demeure la clé de voûte de toutes les autres activités qui entrent dans la stratégie globale de lutte contre le VIH/SIDA. Il faut dans un premier temps investir dans l’éducation et l’information. Le VIH/SIDA suscite une réprobation sociale et une discrimination souvent dues aux soupçons et à l’ignorance. Une sensibilisation et des informations factuelles sont des conditions préalables à toute parade efficace contre le VIH/SIDA

31.       Les statistiques relatives aux programmes de prévention menés actuellement montrent que ces programmes n’offrent pas une protection exhaustive. La stratégie ABC (pour Abstain, Be faithful, use a Condom : abstinence, fidélité, utilisation du préservatif) est l’approche de la prévention choisie majoritairement par les principaux organismes. Toutefois, certaines études menées en Afrique et en Asie ont montré que le mariage n’est pas une mesure de protection. Dans certaines régions, le risque d’infection par le VIH est plus grand pour les femmes mariées que pour les femmes célibataires. Dans le mariage, l’abstinence n’est pas possible et les femmes ne sont pas en mesure de s’assurer de la fidélité de leur partenaire ni qu’il utilise des préservatifs. La stratégie ABC est aussi fragilisée du fait de la politique des Etats-Unis, qui privilégient les programmes visant à promouvoir la seule abstinence. De nombreuses ONG reçoivent un financement important pour la prévention du VIH mais ce financement est assorti de restrictions concernant les programmes globaux, et en particulier l’utilisation du préservatif. La stratégie ABC ne peut pas répondre à la réalité complexe d’une prévention globale, et la prévention doit donc être réinventée afin de mettre davantage l'accent sur la manière dont chaque nouvelle infection survient dans un cadre socioéconomique et un contexte politique donnés.

32.       La prévention traditionnelle vise majoritairement les personnes séronégatives. Si cette voie est essentielle, elle néglige cependant les besoins et le rôle important des personnes séropositives. Les programmes de prévention doivent accorder une place plus importante aux besoins des personnes séropositives concernant la sexualité et la procréation. La prévention pour ces personnes est un aspect essentiel de la mise en relation de la prévention et des soins. Elle consiste en particulier à garantir que les personnes atteintes du sida protègent leur santé sexuelle, évitent de contracter une autre infection sexuellement transmissible, retardent le progrès de la maladie et veillent à ne pas transmettre le VIH à d’autres personnes.

33.        La nécessité de répondre aux besoins de protection des personnes séropositives est indissociable du rôle que ces personnes doivent jouer dans la conception des politiques et des programmes. En dépit du soutien apporté au principe d’une plus grande participation des personnes atteintes du sida, de multiples exemples montrent que sa mise en œuvre est insuffisante. Les réseaux de promotion de cette participation doivent être soutenus et les responsables politiques doivent veiller à traduire le principe dans des actions concrètes.

34.       Compte tenu du niveau élevé de transmission du VIH parmi les usagers de drogues par voie intraveineuse, les activités de prévention ciblées – telles que les programmes de réduction des dommages et l’échange des seringues – doivent être intensifiées. Le fait, pour un usager de drogues par voie intraveineuse, de posséder des seringues propres ne doit plus être une infraction, car leur vulnérabilité au VIH est supérieure en prison et compromet par conséquent la réussite de tous les programmes de prévention.

35.       L'augmentation rapide du nombre d’enfants séropositifs provient d’une incapacité à prévenir la transmission de la mère à l’enfant. Globalement, 90 % des enfants séropositifs sont infectés de cette manière. En fournissant aux mères toute une gamme de services de prévention (comprenant les césariennes électives, les traitements antirétroviraux et les produits de substitution au lait maternel), le taux de transmission de la mère à l’enfant peut être réduit à moins de 2 %. Il est indispensable de renforcer les programmes de prévention de la transmission de la mère à l’enfant, en accordant des ressources, une assistance technique et de nouveaux traitements à toutes les femmes et tous les enfants qui en ont besoin.

iii.       Surveillance

36.       Les décisions prises en matière de santé publique doivent se fonder sur des éléments de fait. C’est pourquoi il est vital de surveiller de près l’évolution de la situation pour fournir des informations fiables et d’actualité qui permettent d’anticiper l’ampleur et la nature de l’épidémie et des tendances. Malheureusement, même en Europe, les systèmes de surveillance varient d’un pays à l’autre et les ressources pour assurer une collecte de données cohérentes sont insuffisantes. Le signalement des cas de VIH est désormais l’instrument clé du contrôle de l’épidémie en Europe. C’est la raison pour laquelle il est crucial d’obtenir des données de l’ensemble des pays européens, ce qui n’est pas le cas pour le moment. Des informations plus précises concernant les facteurs de comportements à risque (absence de préservatifs, échange de seringues et d’aiguilles) permettraient de concevoir de meilleures stratégies et des mesures plus ciblées.

37.       Dans les pays où la prévalence du VIH est faible, il convient également d’organiser la surveillance de manière à détecter dès les premiers signes l’entrée du VIH dans les groupes de population plus exposés au risque d’infection. Pour faciliter la planification des futurs besoins en traitements et en services, il faut aussi connaître le nombre réel de nouvelles infections à VIH par an (l’incidence du VIH). À l’heure actuelle, la majorité des nouveaux cas signalés sont, en réalité, des infections contractées voici de nombreuses années.

iv.       Conseils et dépistages volontaires, traitements, soins et soutien

38.       Des services accessibles et peu coûteux, ainsi que des traitements efficaces peuvent aider à réduire la condamnation et l’exclusion sociales et à encourager des pratiques sexuelles responsables qui, à leur tour, contribueront à empêcher la propagation du VIH. Nous avons besoin d’un système global de services de santé pour offrir des traitements et des soins de qualité. Le conseil et le dépistage volontaire (VCT) est un élément essentiel pour tous les services car il permet un diagnostic précoce de l’infection par le VIH et une intervention rapide et adaptée sur les personnes contaminées. Ces services doivent également être ouverts à des personnes atteintes de coinfections VIH/SIDA/hépatite B, VIH/SIDA/hépatite C ou VIH/SIDA/tuberculose.

39.       Les thérapies de substitution pour les consommateurs de drogues injectables (CDI) sont une activité importante. Les personnes atteintes du VIH/SIDA doivent jouer un rôle actif dans la gestion de leur propre santé (préparation au traitement). Les services offerts doivent être fiables, ouverts à tous et aider les personnes à mieux s’assumer et à exercer un plus grand contrôle sur leur vie. Les services sociaux doivent dans la mesure du possible être intégrés dans les services de santé et rendus attentifs aux groupes particulièrement vulnérables.

40.       La thérapie anti-rétrovirale active (ART) a des effets significatifs sur la qualité de vie des personnes atteintes du VIH/SIDA. Pour être concluante, cette thérapie suppose des efforts considérables pour suivre un traitement à vie, ainsi que des moyens permettant de contrôler les réactions, la toxicité des drogues et les éventuelles interactions. Dans plusieurs pays, le manque de prestataires de services expérimentés chargés d’aller au devant des groupes vulnérables, tels les utilisateurs de drogues injectables ou les populations migrantes, peut rendre la gestion du traitement plus complexe.        Une attention plus grande doit être accordée à la formation des prestataires de services concernant la qualité de la prise en charge et le respect des droits de l’homme.

41.        L’intérêt accru dont bénéficient, au niveau mondial, les relations évidentes entre le VIH/sida et la santé sexuelle et génésique a permis d’intensifier les synergies et par conséquent de développer la mobilisation contre l’épidémie et les structures pour la combattre. Le récent rapport d’un groupe interpartis du Parlement britannique sur l’audition parlementaire Population, développement & santé génésique, intitulé « Le chaînon manquant » et relatif au rapprochement entre la santé sexuelle et génésique et le VIH/sida, et le document ONUSIDA/OMS/FNUAP/FIPF Cadre pour des liens prioritaires s’appuient tous deux sur l’Appel de New York à l’engagement et l’Appel à l’action lancé à Glion. Toutefois, pour que ces appels se traduisent par des actions concrètes, il faut par exemple que des ressources globales soient accordées pour soutenir l’établissement de tels liens et que les parlementaires s’associent à la société civile et fassent preuve d’une forte volonté politique. Le FMSTP (Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme) constitue un bon exemple de voie encore inexplorée pour garantir l’établissement de tels liens au niveau des Etats.

v. Enrôler la société civile

42.       Enfin, on ne saurait trop insister sur l’importance de la création de partenariats et d’un travail de sensibilisation. Dès les débuts de l’épidémie, des organisations relevant de la collectivité ont montré la voie en agissant concrètement dans les domaines de la sensibilisation et de la responsabilisation et en fournissant des services. Dans les pays qui ont mené avec succès leur lutte contre le VIH/SIDA, le rôle des organisations non gouvernementales et, plus généralement, de la société civile, s’est révélé crucial. Il faut nous assurer que la voix des organisations représentant les malades du VIH/SIDA ne soit pas seulement entendue, mais aussi qu’elle influe sur l’élaboration de la politique en ce domaine. C’est pourquoi la société civile et les instances municipales et de district des pouvoirs locaux, ainsi que le secteur privé, doivent participer au combat contre ce fléau et bénéficier du soutien du Gouvernement pour éviter la propagation du VIH et améliorer la qualité de vie des personnes atteintes du VIH/SIDA.

III.       RECOMMANDATIONS

43.       La rapporteuse propose que les points suivants soient considérés comme des composantes cruciales d’une action globale et fondée sur des connaissances scientifiques et elle encourage vivement les gouvernements des Etats membres du Conseil de l’Europe à prendre les mesures suivantes :

-        élaborer et mettre en œuvre au niveau national des stratégies multisectorielles efficaces sur le VIH/sida, intégrer leur action dans ce domaine à l’ensemble de leur programme politique et garantir la participation pleine et active de la société civile, des entreprises et du secteur privé ; -

-        veiller à ce que l’impact d’une insuffisance des services de santé et des droits relatifs à la sexualité et la procréation et de la prise en charge du VIH/sida figure parmi les indicateurs utilisés pour mesurer le degré de mise en œuvre des stratégies nationales ;

- protéger et promouvoir les droits de l’homme pour les personnes atteintes du VIH/sida – femmes et enfants – et les personnes appartenant à des groupes vulnérables, et veiller à ce que ces personnes jouent un rôle central dans toutes les actions ;

-        prendre des mesures pour combattre la violence à l’égard des femmes et garantir une protection et un soutien aux victimes de violences, y compris au moyen d’actions visant à prévenir la violence sexuelle en toute circonstance et notamment en tant qu’acte de guerre, par l’éducation et la formation des forces armées ;

-        adopter et appliquer des lois et des mesures visant à éliminer la stigmatisation et la discrimination dont sont victimes les personnes atteintes du sida, y compris pour les toxicomanes, les prostitués, les hommes qui ont des relations sexuelles avec d’autres hommes et les autres populations vulnérables, et encourager les efforts visant à soutenir les actions associatives et, à tous les niveaux, les initiatives visant à combattre la stigmatisation et la discrimination liées au sida ;

-        lever les obstacles législatifs, réglementaires et autres qui interdisent l’accès à des interventions et des moyens de prévention du VIH efficaces, de bonne qualité et ayant fait leur preuve tels que les préservatifs masculins et féminins et les stratégies de réduction des dommages telles que les traitements de substitution et la mise à disposition de seringues propres ;

-        garantir l’accès à une information et à des services complets concernant la santé sexuelle et génésique pour les femmes, les hommes et les jeunes, y compris les personnes atteintes du VIH/sida, afin qu’elles aient accès à un vaste choix d’options, en matière de sexualité et de procréation, conformément au Programme d’action du CIPD/le Caire ;

-        garantir l’égalité d’accès aux services, notamment pour le traitement du VIH/sida, ainsi qu’une reconnaissance et un soutien pour les soignants non profesionnels qui prennent en charge à domicile les personnes atteintes du VIH/sida et les orphelins ;

-        fournir aux toxicomanes des services coordonnés et accessibles de promotion de la santé et de réduction des dommages ;

-        garantir l’accès de tous à l’instruction, à l’éducation sexuelle et à l’acquisition des compétences de la vie courante afin d’améliorer la protection contre les mauvais traitements, les viols, les grossesses non désirées et les maladies sexuellement transmissibles, dont le VIH ;

-        encourager l’intégration des interventions de prévention du VIH, dont le conseil et le dépistage volontaires pour le VIH, dans d’autres services sanitaires (santé sexuelle et génésique, planning familial, maternité, tuberculose et transmission de la mère à l’enfant pour les femmes enceintes atteintes du VIH) et renforcer les systèmes actuels de prise en charge sanitaire et sociale ;

-        favoriser l’adoption de bonnes pratiques sanitaires sur les lieux de travail, notamment par un contrôle généralisé des risques d’infection et d’échanges sanguins afin d’empêcher la transmission du VIH aux patients, aux personnels de santé, aux urgentistes et à d’autres travailleurs de première ligne ;

-        prendre des mesures, le cas échéant, pour fidéliser et motiver les personnels de santé, les éducateurs et les personnels associatifs y compris les personnes atteintes du VIH/sida et les personnes qui travaillent avec des jeunes ;

-        adopter des mesures de renforcement des ressources humaines chargées d’assurer la prévention, la prise en charge et le traitement du VIH, afin de permettre aux systèmes de santé, d’éducation et d’aide sociale d’organiser une réponse efficace au VIH/sida ;

-        soutenir l’investissement dans le développement de nouvelles technologies biomédicales de prévention (dont les microbicides et les vaccins) et, sachant que ces technologies et produits ne seront pas disponibles dans un avenir immédiat, donner un nouvel élan à la recherche opérationnelle sur la santé et les comportements sexuels en vue de la conception, de la diffusion et de l’utilisation des informations, services et produits existants pour la prévention du VIH et du sida ;

-        s’engager à augmenter la part du budget national consacrée aux services concernant le VIH/sida et les droits relatifs à la sexualité et la procréation, y compris les produits, augmenter le financement à long terme des travaux des organisations non gouvernementales assurant des activités de prévention, de prise en charge et de traitement du VIH/sida et celles qui travaillent dans le domaine de la santé sexuelle et génésique et des droits correspondants, et accorder aux organisations de la société civile d’Europe de l’Est un soutien ciblé plus important.

IV.       REMARQUES DE CONCLUSION

44.       D’emblée, le VIH/SIDA a été une maladie politiquement fortement connotée qui a opposé les riches et les pauvres, les puritains et les pragmatiques . Dans la majorité du monde, le VIH/SIDA touche plutôt des groupes marginalisés, habituellement les prostitués, les hommes ayant des relations homosexuelles et les toxicomanes par voie intraveineuse.Dans nos sociétés ces personnes sont très vulnérables.Ces personnes ne sont pas plus aimées des démocraties que des autocraties. Lorsqu’il s’agit de faire appel aux contribuables, ces groupes vulnérables ne figurent pas en général sur la liste des priorités, surtout dans les pays si pauvres que la plupart des citoyens n’a même pas accès aux soins de santé de base.

45.       Cependant, lorsque le VIH/SIDA n’est pas jugulé ou sa prévention assurée, il s’étend vite à l’ensemble de la population, comme cela a été le cas en Afrique où il touche toutes les couches sociales – des habitants des taudis aux paysans et aux cols blancs. Quiconque se livre à cette activité quasi universelle qu’est le sexe s’expose à un risque. En réalité, le SIDA ne respecte aucune morale: il frappe les bébés dès leur naissance, les enfants orphelins, les infirmières accidentellement piquées par une aiguille infectée ou les patients contaminés lors d’une transfusion de sang.

46.       Cette maladie frappe l’ensemble de la société dans laquelle vivent et meurent ses victimes. La leçon est la même pour les riches et les pauvres ; pour juguler le VIH/SIDA, il faut mettre la moralité au second rang. Les politiciens peuvent trouver plus facile de céder devant les représentants moralisateurs de groupes de pression que d’expliquer qu’il est plus sensé de s’abstenir de juger autrui. Mais cela ne les excuse en rien. Trop de vies sont en jeu.

47.       La rapporteuse estime que les pays doivent s’attaquer aux causes structurelles de l’épidémie de VIH; ceci exige d’agir pour réduire la pauvreté et de placer la protection, la promotion et le respect des droits de l’Homme (y inclus l’égalité entre les sexes, l’élimination de la violence sexiste, la condamnation sociale et la discrimination) à la base de toute politique de lutte contre le SIDA et de la planification et de la mise en œuvre des programmes.

48.       La rapporteuse est aussi convaincue que ces actions doivent avoir pour but d’établir le contact avec toutes les personnes vulnérables – les jeunes, les femmes, les toxicomanes, les hommes homosexuels, les prostitués, les femmes victimes de la traite, les prisonniers, les migrants et les réfugiés, ainsi que les personnes atteintes du VIH et SIDA.

49.       Que ce soit au niveau national ou mondial, il faut intensifier les actions pour empêcher la progression du VIH. Maîtriser la pandémie du SIDA exige d’avoir le courage de prendre des mesures dont l’efficacité a été reconnue. La prévention du VIH requiert que les Gouvernements et les collectivités soient fermement résolus à s’attaquer au problème sans restriction aucune et en toute connaissance de cause, quand bien même la Rapporteuse est consciente que de nombreux milieux opposent une résistance culturelle à un débat ouvert sur le sexe, la sexualité et la toxicomanie.

50.       Il faut accorder autant d’importance à la prévention du VIH qu’au traitement de la maladie et se fixer pour but une génération sans VIH. La priorité doit être de préserver les jeunes du VIH, projet peut-être encore plus ambitieux que l’accès au traitement, mais nous n’avons pas le choix, il nous faut agir. A long terme, cela signifiera changer les normes et valeurs de la société. Enfin, nous devons de toute urgence renforcer les systèmes de livraison qui sont souvent le talon d’Achille de nombreux programmes.

Références


Annexe 1

Assemblée parlementaire, Commission des questions sociales, de la santé et de la famille

Audition

Paris, le 17 décembre 2004

      Pendant l’audition, la commission entend l’évidence de et a tenu un échange de vues avec les personnes suivantes :

Mme Irina Savtchenko, conseillère technique auprès de ONUSIDA,

Mme Lediana Mafuru Mng’ong’o, Fondatrice de la Coalition des parlementaires tanzaniens contre le SIDA,

Mme Anastasia Kamlyk, représentante des ONG “Positive movement” de Russie

Jan-Olof Morfeldt, Directeur de la Noaks Ark-Red Cross Foundation

Annexe II

Assemblée parlementaire, commission des questions sociales, de la santé et de la famille

Programme de la visite de la rapporteuse en Russie 22-23 septembre 2005

Rapporteuse:       Mme Christine McCAFFERTY (MP, Royaume-Uni, SOC)

Secrétariat:       Dana KARANJAC – ancienne co-Secrétaire à la Commission

Accompagnatrice :       Kari MAWHOOD (Royaume-Uni)

Mercredi 21 septembre 2005

Arrivée de Mme McCAFFERTY à Moscou

Jeudi 22 septembre 2005

10.30 Rencontre avec l’ONG « AIDS Infoshare » au 1 Dorozhniy Proezd 9/10, bureau 350, Moscou

▪ la prévention et le traitement, qui sont inextricablement liés

▪ l’accès au traitement, qui est vita

Vendredi 23 septembre 2005

09h30       Toute la journée : auditions à la Douma d’Etat, Moscou.

Les personnes suivantes ont fourni des éléments d’information :

Samedi 24 septembre 2005

Départ de Moscou de Mme McCAFFERTY


Annexe III

Compte rendu de la visite d’information du rapporteur dans le sud de l’Espagne

(22-25 juillet 2006)

En Europe, il existe différentes politiques en matière de prévention du SIDA et de conseils et dépistage volontaires, y compris les soins de santé aux personnes contaminées par le VIH et ayant un statut de résidence précaire (demandeurs d’asile et populations itinérantes). En outre, les législations nationales et les réglementations locales peuvent imposer des barrières à l’accès illimité aux services proposés à la population locale en matière de SIDA.

Dans la plupart des pays d’Europe, les personnes séropositives ayant un statut de résidence précaire sont menacées d’expulsion vers des pays où il n’existe pas de traitement. Cette politique risque de gravement porter atteinte au droit fondamental de tous aux soins de santé et peut être considérée comme une violation de l’Article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme.

Les informations épidémiologiques sur le virus VIH en Espagne se fondent sur le Registre national du SIDA, qui est un système de recensement au cas par cas. Ces données ont été utilisées pour diverses études sur le SIDA dans différents groupes de population, notamment dans la population immigrée.

Bien que l’immigration en Espagne soit un phénomène relativement récent, ces dernières années, la population immigrée a considérablement augmenté pour atteindre 6,24% de la population totale.

Les caractéristiques économiques, culturelles et sociales de la population immigrée jouent un rôle très important pour déterminer les facteurs de santé. Dans ce contexte, la prévention du virus du SIDA pourrait constituer un problème majeur dans ces communautés.

Depuis le début de l’épidémie, il y a eu 2 009 cas d’immigrés atteints du VIH en Espagne, ce qui représente 2,9% des cas recensés. L’origine la plus fréquente des personnes touchées était l’Amérique latine (27%), suivie de l’Afrique sub-saharienne (22%) et de l’Europe occidentale (21%).

L’épidémie du SIDA en Espagne a essentiellement touché la population indigène, bien que la proportion de personnes diagnostiquées originaires d’autres pays ait augmenté ces dernières années.

Parmi les personnes qui ont effectué un dépistage volontaire du virus VIH en 2000-2002, un tiers étaient des étrangers, essentiellement originaires d’Amérique latine. Parmi les nouveaux cas de SIDA diagnostiqués dans le cadre des analyses volontaires effectuées en 2003, les relations homosexuelles étaient la cause la plus fréquente de contamination. Source : ministère espagnol de la Santé, octobre 2004.

L’Espagne est une porte d’entrée vers l’Europe et un pays où les flux migratoires ont radicalement changé au cours des quinze dernières années ; ancien pays d’émigration qui exportait sa main d’œuvre, elle est devenue un pays « d’accueil » pour les immigrés.

L’Espagne est aussi une porte d’entrée pour les immigrants qui souhaitent se rendre dans d’autres pays d’Europe. Cependant, un fort pourcentage de ces immigrants en transit finissent par s’établir en Espagne, car les processus de migration présentent un risque d’expulsion beaucoup plus élevé pour eux, en raison des obstacles mis en place par la police.

Le groupe le plus vulnérable de la population immigrée est celui des personnes qui sont restées dans les enclaves espagnoles, comme les villes de Ceuta et Melilla, sur la côte nord-africaine. Ces dernières années, il y a eu une augmentation du nombre des immigrants qui s’y sont établis.

Cette situation résulte des difficultés d’obtention d’un visa pour entrer en Europe. Entrer en Espagne de manière légale par bateau à partir du Maroc coûte entre 20 et 30 euros, alors que le coût d’un voyage clandestin (avec tous les risques qui y sont associés) est d’environ 1 500 euros.

Depuis 2000, les autorités espagnoles ont créé des centres de séjour temporaire pour les immigrants. Inévitablement, ces centres sont immédiatement surpeuplés car le nombre d’immigrants se trouvant dans la même situation est trop élevé.

Les immigrants qui ont la chance d’être acceptés dans ces centres sont bien traités par des professionnels humains et compétents. Toutefois, le nombre limité de places disponibles dans les centres de rétention temporaire a des conséquences directes sur le plan humanitaire et de la santé pour la population immigrée.

Chaque immigré doit se soumettre à un bilan de santé complet, y compris un test de dépistage du VIH. Ceux qui sont séropositifs ne sont pas traités s’il n’y a pas de garantie que le traitement sera poursuivi. Dans ce contexte, les actions des ONG peuvent être entravées par les autorités, qui les empêchent parfois de faire leur travail ou leur compliquent la tâche.

Cependant, il semblerait que l’Espagne traite les migrants économiques et les demandeurs d’asile qui sont séropositifs avec plus de compréhension que de nombreux autres Etats membres du Conseil de l'Europe.

Rares sont les programmes nationaux de lutte contre le SIDA qui prennent en compte la mobilité de la population comme un facteur important de l’épidémie. Il convient de créer un contexte favorable pour fournir les bonnes informations et dispenser les bons services aux immigrés atteints du VIH/SIDA.

L’Espagne a mis en place un programme national de lutte contre le VIH/SIDA. Actuellement, dans le cadre de ce programme, un traitement progressif des immigrés atteints du virus VIH/SIDA est prévu, avec un service consacré aux immigrés et aux minorités ethniques qui travaille en collaboration avec diverses ONG sur le terrain.

Toutefois, il conviendrait de mettre plus particulièrement l’accent sur les mouvements démographiques et leurs liens avec le VIH/SIDA, ainsi que sur des ressources adaptées (et suffisantes) pour aider les immigrés dans leur vie quotidienne et les défis qu’elle comporte.

Les populations immigrées sont souvent laissées à l’écart et marginalisées. Leur réintégration dans leur pays d’origine est parfois tout aussi difficile, car leurs familles et leurs communautés ont évolué pendant leur absence.

Certaines mesures innovatrices de prévention transfrontalière, d’information, de traitement et de soins permettent aux immigrés d’être informés avant leur processus d’immigration, pendant la migration et dans leur nouveau pays de résidence. Ces mesures impliquent un travail en réseau des ONG et des gouvernements ainsi que la création d’associations autonomes de soutien au sein des communautés.

La mobilité en soi n’est pas un facteur de risque de contamination par le virus VIH/SIDA ; les situations et les modèles de comportement adoptés lors des processus migratoires sont des facteurs qui augmentent la vulnérabilité et le risque d’être contaminé par le VIH.

Les immigrés peuvent se retrouver en marge de la société pendant leur transit, dans le pays de destination ou de retour dans leur pays d’origine. Ils peuvent être victimes de discrimination, de xénophobie, d’exploitation et d’accusations. Ils ne bénéficient guère d’une protection judiciaire, sociale ou de santé, si ce n’est d’aucune. Cette situation augmente leur vulnérabilité à la contamination par le VIH, ainsi que les difficultés à vivre avec le virus du VIH/SIDA.

Les immigrés ne disposent souvent d’aucune information sur le VIH ou très peu ; ils n’ont pas non plus accès au système de santé ni aux méthodes de prévention du SIDA.

La pauvreté et l’absence de revenus peuvent forcer les immigrés à accroître leur risque de contracter la maladie, par exemple lorsqu’ils sont contraints de négocier ou de vendre des services sexuels, probablement sans protection, pour pouvoir vivre ou poursuivre leur migration.

Il reste encore beaucoup à faire pour améliorer la situation des immigrés atteints du VIH/SIDA. Ils devraient avoir un meilleur accès au système juridique et de santé, et les pays d’accueil devraient être davantage conscients des origines sociales et culturelles des immigrés afin d’améliorer les normes en matière de soins. Il conviendrait de déployer davantage d’efforts en matière de conseils et de dépistage volontaires, ainsi que de protection contre les préjugés et la discrimination à l’encontre des personnes atteintes du VIH.

Les immigrés atteints du VIH/SIDA retournent souvent dans leur propre pays sans savoir qu’ils sont contaminés. Les personnes qui connaissent leur séropositivité sont dans une meilleure position pour demander de l’aide et un soutien, ainsi que pour se protéger elles-mêmes et leurs partenaires.

Nous devons nous souvenir que, dans les pays développés et en développement, l’épidémie du SIDA est un problème de santé publique ; mais dans les pays en développement, c’est également devenu un problème économique.

A travers l’histoire, les flux migratoires ont toujours été un moyen pour les immigrés d’améliorer leurs conditions économiques, sociales et de santé.

Il faut tenir compte des immigrés dans la lutte mondiale contre le VIH/SIDA car ce sont des agents potentiels d’information et de changement en matière de VIH/SIDA entre les pays d’origine, de transit et de résidence.

* * *

Commission chargée du rapport : commission des questions sociales, de la santé et de la famille

Renvoi en commission : Doc.10307, Renvoi n° 3005 du 08.10.2004

Projet de recommandation et projet de résolution adoptés à l'unanimité par la commission le 14 septembre 2006

Membres de la commission: Mme Christine McCafferty (Chair), Mme Patrizia Paoletti Tangheroni (2ème Vice Présidente), Mme Helena Bargholtz (3ème Vice Présidente), MM. Vicenç Alay Ferrer, Giuseppe Arzilli, Jorodd Asphjell, Miguel Barcelo Perez, Miroslav Benes, Andris Berzins, Jaime Blanco, M. Jean-Marie Bockel, Mme Maria Bolognesi, Mme Monika Bruning, M.. Saulius Bucevicius, Ms Sanja Cekovic, MM. Igor Chernyshenko, Dessislav Chukolov, Mme Minodora Cliveti, M. Imrie Czinege, Mme Helen D’Amato, MM. Dirk Dees, Stepan Demirchayan, Karl Donabauer, Ioannis Dragassakis, John Dupraz, Sören Espersen, Nigel Evans, Claude Evin, Paul Flynn, Mme Margrét Frimannsdottir, Mme Doris Frommelt, MM. Jean-Marie Geveaux, Stepan Glävan, Marcel Glesener (remplaçant: M. Jean Huss), MM. Igor Glukhovskiy, Mme Claude Greff, MM. Ali Riza Gülçiçek, Michael Hancock, Mykhailo Hladiy, Mme Sinikka Hurskainen, MM. Rafael Huseynov, Fazail Ibrahimli, Mustafa Ilicali, Mme Gratiela Denisa Iordache, Mme Halide Incekara, M. Denis Jacquat, Mme Krinio Kanellopoulou, M. Andras Kelemen, Mme Katerina Konečná, M. Bohdan Kostynuk, Mme Marie-José Laloy, MM. Slaven Letica, Jan Filip Libicki, Gadzhy Makhachev, Bernard Marquet, Paddy McHugh, Mme Ljiljana Milićević, M. Philippe Monfils, Mme Nino Nakashidzé, M. Conny Öhman, Mme Vera Oskina, Mme Lajla Pernaska, MM. Cezar Florin Preda, Fiorello Provera, Anatoliy Pysarenko, Mme Adoración Quesada (remplaçante: Mme Blanca Fernandez-Capel, MM. Andrea Rigoni, Walter Riester, Ricardo Rodrigues, Mme Marlene Rupprecht, Mme Maria de Belém Roseira, MM. Fidian Sarikas, Walter Schmied, Mme Anna Sobecka, Mme Darinka Stantcheva, Mme Ewa Tomaszewka, MM. Oleg Tulea, Alexander Ulrich, Milan Urbani, Bart van Winsen, Mme Ruth-Gaby Vermot-Mangold, M. Aleksandar Vucic, Angela Watkinson, Mme Gisela Wurm, M. Andrej Zernovsksi, Mme Barbara Žgajner-Tavs, N. …, N. …

N.B. Les noms des membres qui ont participé à la réunion sont indiqués en gras.

Secrétariat de la commission :

Chef du Secrétariat: M. Geza Mezei

Secrétaires: Mme Agnès Nollinger, Mme Christine Meunier