Doc. 11276
27 avril 2007

La féminisation de la pauvreté

Rapport
Commission sur l’égalité des chances pour les femmes et les hommes
Rapporteur : Mme Hermine NAGHDALYAN, Arménie, Alliance des Démocrates et des Libéraux pour l’Europe


Résumé

L’expression « féminisation de la pauvreté » signifie que les femmes sont plus touchées que les hommes par la pauvreté, que leur pauvreté est plus grande que celle des hommes et qu’il y a une tendance à l’accroissement de la pauvreté des femmes.

L’Assemblée considère que la prévention et l’éradication de la pauvreté des femmes sont des éléments importants du principe fondamental de solidarité sociale.

Or, l’inégalité entre les sexes est un obstacle à la réduction de la pauvreté et compromet les perspectives de développement économique et humain. L’Assemblée invite par conséquent les Etats membres du Conseil de l’Europe à considérer l’égalité des sexes comme conditionnant non seulement la justice sociale, mais aussi la promotion du développement.

Dès lors, elle appelle les Etats Membres à mener des actions pour lutter contre la pauvreté, voire le paupérisme des femmes. Elle leur demande instamment de prendre en compte une perspective sexospécifique en tant qu’élément central de toutes les politiques et tous les programmes nationaux d’élimination de la pauvreté et de lutte contre l’exclusion sociale, afin de résoudre et de prévenir les risques de pauvreté des femmes.

Elle les invite notamment à renforcer la participation des femmes sur le marché du travail tout en promouvant une politique d’égalité.

Elle insiste sur la nécessité que les Etats développent les mesures et les moyens de combattre efficacement la pauvreté chronique et l’exclusion sociale par exemple en instaurant une pension minimum de retraite pour les personnes de plus de soixante ans et en élaborant des projets de soins de santé ciblés. Elle invite aussi les Etats membres à promouvoir l’élargissement des chances pour les femmes par l’éducation.

Enfin, elle recommande au Comité des Ministres de mettre en place une étude sur la féminisation de la pauvreté.

A.       Projet de résolution

1. L’expression « féminisation de la pauvreté » signifie que les femmes sont plus touchées que les hommes par la pauvreté, que leur pauvreté est plus grande que celle des hommes et qu’il y a une tendance à l’accroissement de la pauvreté des femmes. La prévention et la réduction de la pauvreté des femmes, si ce n’est son éradication, est un élément important du principe fondamental de solidarité sociale auquel le monde souscrit.

2.        La pauvreté peut être décrite comme l’impossibilité d’une personne à satisfaire ses besoins biologiques, sociaux, spirituels et culturels minimaux. L’Assemblée note qu’à cet égard, les femmes constituent le groupe le plus vulnérable. Les femmes peuvent en effet se retrouver dans des situations délicates qui les exposent particulièrement à la pauvreté, par exemple lorsqu’elles sont jeunes avec des grossesses précoces ou qu’elles n’ont pas de qualification professionnelle, après un divorce ou bien au moment de la retraite, quand la valeur de leur travail domestique n’est pas reconnue. Pour les ménages dirigés par des femmes, le risque de pauvreté est supérieur d’un tiers à celui des autres ménages. En fait, les familles nombreuses et les mères célibataires sont dans une situation identique, voire pire dans de nombreux cas.

3.        Cela constitue le fondement d’un phénomène appelé « féminisation de la pauvreté », expression par laquelle il est entendu la prédominance du nombre de femmes et d’enfants sur le nombre total de personnes pauvres. Cette évaluation fait référence principalement à la pauvreté matérielle (revenu et propriété). Cependant, du point de vue de la pauvreté humaine, en l’occurrence l’élargissement des chances ou la liberté de choix, l’inégalité entre les sexes est plus forte.

4.        Tout en définissant la pauvreté comme un phénomène multidimensionnel, l’Assemblée constate que l’inégalité entre les sexes est l’un des facteurs qui en sont à l’origine. Il existe trois groupes de problèmes :

4.1.        la répartition du travail selon les sexes, qui fait que les emplois à salaire élevé sont généralement pour les hommes, et les emplois moins rémunérés pour les femmes ;

4.2.        l’inégalité devant l’accès aux ressources et la jouissance de celles-ci ;

4.3. le caractère limité du pouvoir qu’ont les femmes de défendre leurs intérêts, dû à des facteurs économiques, juridiques, sociaux, culturels et autres.

5.        L’inégalité entre les sexes est un obstacle à la réduction de la pauvreté et compromet les perspectives de développement économique et humain. L’Assemblée invite par conséquent les États membres du Conseil de l’Europe à considérer l’égalité des sexes comme conditionnant non seulement la justice sociale, mais aussi la promotion du développement.

6.        Les résultats de l’étude pilote sur l’utilisation du temps menée en 2004 dans certains pays ont montré que dans les pays en développement, les femmes consacrent plus de temps aux travaux domestiques que les hommes. De ce fait, il existe une nette différence entre les sexes en matière de compatibilité entre emploi lucratif et vie privée. Cette différence existe aussi dans d’autres pays, y compris les pays développés, mais à une échelle plus petite.

7.        Le même bilan peut être dressé pour le chômage. Dans les pays en développement, le taux de chômage des femmes est nettement supérieur à celui des hommes. Cette manifestation de l’inégalité entre les sexes dans le problème du chômage est liée à l’âge et à la situation matrimoniale. Si les chances de trouver un emploi pour les jeunes hommes et femmes célibataires sont presque identiques, les femmes de cinquante à cinquante-quatre ans ont plus de risques de se retrouver au chômage et sont donc plus exposées au risque de pauvreté.

8.        Les enfants qui grandissent dans la pauvreté risquent également d’être sous-alimentés –donc d’avoir un mauvais développement physique– et peu instruits, ce qui réduit, là encore, leurs chances d’échapper plus tard à la pauvreté. Non seulement les enfants pauvres sont confrontés aux difficultés matérielles, mais il sont aussi privés des chances de développer leur capital humain, ce qui rend presque inévitable la transmission de la pauvreté de génération en génération.

9.        L’Assemblée attire l’attention sur les conséquences de l’extrême pauvreté, qui peuvent déboucher sur des situations pires s’agissant de la violence, de la prostitution et de la traite des êtres humains.

10.        L’Assemblée accorde ainsi une grande importance à l’élimination, et non pas seulement à la réduction de la pauvreté, c’est-à-dire à l’ensemble des mesures publiques passives d’aide sociale, y compris les allocations familiales et la protection sociale. Elle appelle les gouvernements des États membres à agir dans le sens du développement humain et de l’instauration de la justice sociale, donc à identifier la nature et le rôle des politiques d’élimination de la pauvreté fondées sur les approches conceptuelles de l’éradication de la pauvreté ainsi que sur l’établissement de priorités et de lignes directrices. Une disposition de principe devrait être énoncée dans les approches conceptuelles : l’élimination de la pauvreté devrait être considérée comme une question de développement et non de survie. L’approche susmentionnée, bien que valable pour tous les pays, est d’une importance primordiale pour les pays en développement et en transition.

11.        L’Assemblée pense qu’il est nécessaire d’adopter une perspective d’égalité des sexes comme élément central de toutes les politiques et de tous les programmes nationaux d’élimination de la pauvreté et de lutte contre l’exclusion sociale, afin de résoudre et de prévenir les risques de pauvreté des femmes.

12.        Le développement de l’emploi est en fait la manière la mieux acceptée socialement et la plus économiquement efficace de vaincre la pauvreté. A cet égard les principaux problèmes relatifs à la situation économique des femmes sont notamment la discrimination envers les femmes sur le marché du travail, l’insuffisance des possibilités d’emploi des femmes et celle de la sécurité sociale des femmes actives.

13.        En conséquence, l’Assemblée invite les États membres du Conseil de l’Europe à :

13.1.        prendre la mesure des inégalités entre les sexes sur le marché du travail formel et en révéler les causes ;

13.2.        considérer d’influencer le marché du travail (au besoin par une discrimination positive, des quotas en matière de sexe ou d’autres méthodes) visant à l’application pratique du principe d’égalité des chances ;

13.3.        observer les paramètres du marché du travail informel, y compris la dimension de l’égalité entre les sexes, dont la sous-estimation jette le doute sur le niveau de justification des projets de développement économique et social ;

13.4.        promouvoir le développement d’un artisanat national, de l’industrie à domicile et des petites entreprises par une politique de prêt et de fiscalité favorable, en particulier dans les zones rurales ;

13.5.        appliquer immédiatement le principe « à travail de valeur égale, salaire égal » ;

13.6.        prendre les mesures nécessaires pour promouvoir la conciliation de la vie professionnelle et de la vie privée, pour permettre aux femmes qui le souhaitent de poursuivre leur carrière professionnelle ou de travailler à plein temps ;

13.7.        sensibiliser les employeurs à la nécessité de prévoir une évolution de carrière pour tous les salariés, quel que soit leur sexe ;

13.8.        garantir le principe de « représentation équilibrée » pour toutes les nominations dans la fonction publique, au besoin via des mesures de discrimination positive ;

13.9.        aider les femmes à s’insérer ou à se réinsérer sur le marché du travail ;

13.10.        offrir des possibilités de formation professionnelle à tout âge de la vie, pour permettre aux femmes qui n’ont pas les qualifications adéquates d’obtenir un emploi ;

13.11.        aider et encourager les employeurs et entreprises qui favorisent l’emploi des femmes, proposent des horaires souples, donnent accès aux structures de garde des enfants, etc. ;

13.12.        promouvoir la création d’un système de qualification et de formation pour les femmes entrepreneurs, contribuer à la formation d’une image positive de l’entrepreneuriat féminin auprès du public et apporter un financement public pour le développement de l’entrepreneuriat féminin.

14.        L’Assemblée recommande aux États membres d’appliquer les mesures suivantes afin d’améliorer l’accompagnement social :

14.1. évaluer l’impact des redistributions sociales en fonction du sexe des bénéficiaires et procéder le cas échéant à un rééquilibrage des allocations ;

14.2. augmenter de façon significative les allocations pour la naissance et la garde des enfants, ainsi que la durée du congé partiellement payé ;

14.3. mettre en place des structures de garde d’enfants (par exemple, des garderies à horaires souples) et autres services sociaux ;

14.4. mettre en place un congé payé pour s’occuper des enfants malades ;

14.5. impliquer les prestataires de soins non professionnels dans les projets de services sociaux pour les personnes âgées et handicapées à domicile ;

14.6. mettre en place des allocations et autres privilèges (par exemple, un congé payé) pour la garde des personnes âgées et les autres membres valides de la famille ;

14.7. intégrer dans les programmes nationaux d’élimination de la pauvreté un élément visant à l’élimination de la pauvreté des enfants, qui prévoira en particulier une forte augmentation de la somme allouée aux mineurs dans le système d’allocations familiales ;

14.8. établir des programmes de formation pour surmonter les situations stressantes, et mettre en place des services socio-psychologiques (par exemple des services d’assistance téléphonique) pour les femmes et pour les hommes.

15.        L’Assemblée considère que le régime de vieillesse est essentiel pour la réduction de la pauvreté à la fois au niveau des familles et du public au sens large, et recommande aux États membres de :

15.1. veiller à ce que le champ d’application et les conditions d’accès aux régimes de vieillesse permettent aux femmes d’avoir une pension de retraite suffisante, notamment en compensant les pauses dans la carrière et le travail à temps partiel lié à la garde des enfants et des personnes âgées ou dépendantes;

15.2. instaurer une pension minimum de retraite pour les personnes de plus de soixante ans qui n’ont pas cotisé ou ont cotisé insuffisamment pour leur permettre d’avoir un niveau de vie décent, pension à laquelle s’ajoutera un supplément de retraite lié aux revenus perçus pendant la période d’activité ;

15.3. garantir la couverture sociale des femmes qui s’occupent d’enfants ou de personnes dépendantes ou qui ont une retraite modique ;

15.4. supprimer les sanctions et restrictions appliquées par de nombreux régimes de vieillesse aux employés qui ont eu une activité professionnelle irrégulière (changements fréquents d’emploi, changement d’activité professionnelle, mobilité géographique), ainsi que dans ce qu’on appelle les « emplois souples » (travail à temps partiel, travail temporaire ou intérimaire, travail à domicile ou télétravail) ;

15.5. introduire dans les systèmes de pension le droit à une pension en cas de perte du soutien de famille, pour les femmes divorcées et leurs enfants, ainsi que pour les femmes qui n’ont pas déclaré leur mariage ;

15.6. ne pas limiter à six ans l’accès à une assurance dans le système des pensions de retraite en cas de pause dans la carrière liée à la naissance et à la garde d’un enfant ;

15.7. transmettre le droit au cumul des retraites au conjoint par succession ; le transfert de ce droit peut également se faire en convertissant les ressources accumulées des pensions individuelles des conjoints en une rente « commune ».

16.        L’Assemblée considère qu’une santé précaire peut être à la fois une cause et une conséquence de la pauvreté. Les personnes pauvres sont prises dans un cercle vicieux : à cause de leur pauvreté, elles n’ont pas les moyens de faire des dépenses (services médicaux, alimentation, eau potable, conditions sanitaires et d’hygiène suffisantes, qui sont les conditions nécessaires pour une bonne santé) pour préserver leur santé, ce qui réduit leur capacité de travailler et les appauvrit davantage encore. De ce fait, la préservation de la santé humaine est un élément important de la réduction de la pauvreté et de l’augmentation du niveau de vie, et il faudrait mener à cet égard une politique aussi volontaire qu’efficace.

17.        L’Assemblée invite donc les États membres à :

17.1. agir séparément, en fonction de groupes « de pauvreté » et de zones géographiques, pour définir les objectifs de soins de santé de la population en les associant à des « cartes de pauvreté », et élaborer des projets de soins de santé ciblés ;

17.2. inclure les représentants des groupes les plus vulnérables dans la formulation des services de base fournis par l’État, en mettant l’accent sur les maladies sociales (tuberculose, maladies infectieuses et sexuellement transmissibles), la prestation de services médicaux visant à la protection de la santé maternelle et infantile, et les services ayant une importance démographique (santé génésique) ;

17.3. encourager une répartition plus rationnelle du personnel médical afin d’améliorer l’accès à l’assistance médicale ; en particulier, les États membres devraient :

17.3.1. favoriser à titre prioritaire l’installation de médecins généralistes dans les zones rurales ;

17.3.2. créer des conditions plus attractives pour inciter les jeunes diplômés à travailler en zone rurale ;

17.3.3. prendre des mesures plus actives pour prévenir les maladies sexuellement transmissibles, dont le VIH/SIDA, notamment des projets éducatifs destinés aux jeunes.

18. Une éducation de qualité est l’un des principaux facteurs de réduction de la pauvreté et des inégalités. Grâce à l’éducation, les femmes augmentent considérablement leurs chances et leur niveau de vie. L’Assemblée voit un lien direct entre le niveau d’instruction des femmes et les conditions socio-économiques dans lesquelles elles vivent, car un niveau d’instruction bas pour les futures générations est synonyme d’occasions manquées. L’Assemblée invite ainsi les États membres à promouvoir l’élargissement des chances pour les femmes par l’éducation, en raison de l’effet boomerang de l’éducation des femmes sur les soins de santé et l’éducation des générations futures.

B.       Projet de recommandation

1. L’Assemblée parlementaire renvoie à sa Résolution n° … (2006) sur la féminisation de la pauvreté.

2.        Elle estime que le Conseil de l’Europe a un rôle fondamental à jouer en matière de cohésion sociale et dans la lutte contre la pauvreté des femmes.

3.        Elle recommande donc au Comité des Ministres de prendre en compte la dimension de genre dans ses politiques de cohésion sociale et dans ses programmes de coopération avec les Etats membres du Conseil de l’Europe, en insistant en particulier sur l’élimination de la pauvreté des femmes.

4.        Elle lui recommande également de charger ses comités intergouvernementaux compétents :

4.1 de mettre en place une étude sur la féminisation de la pauvreté, afin de définir des indicateurs de la pauvreté ventilés selon le sexe et prenant en compte les besoins des femmes et la redistribution des revenus entre les femmes et les hommes, qui serviront de références communes aux Etats membres du Conseil de l’Europe et qui permettront de déterminer les raisons pour lesquelles les femmes sont surreprésentées dans la population pauvre et souffrent d’une pauvreté plus prononcée ; pour ce faire, collaborer avec l’Union européenne, en particulier dans la mise en œuvre des statistiques ;

4.2 de proposer des solutions concrètes pour inclure la question de genre dans les stratégies de réduction de la pauvreté ;

4.3 d’élaborer un programme visant à sensibiliser le public et les médias sur le fait que la responsabilité des enfants et des autres personnes à charge doit être assumée autant par les femmes que par les hommes.

C.       Exposé des motifs par Mme Hermine Naghdalyan, rapporteur

I.       Introduction

1. Lorsque l’on parle de la féminisation de la pauvreté, nul doute que la première image qui vient à l’esprit représente des femmes rurales, principalement dans les pays en développement, sur les continents africain, sud-américain ou asiatique. Malheureusement, force est de constater que les femmes d’Europe ne sont pas épargnées par ce problème. En effet, la lenteur et l’inégalité des processus d’allègement de la pauvreté et de ce qui est perçu comme la féminisation de la pauvreté sont une préoccupation grandissante de la dernière décade. Même si les données globales sur l’incidence de la pauvreté ne sont pas désagrégées selon le genre, il n’est pas contestable que les femmes représentent une part plus importante que les hommes de la population qui vit dans la pauvreté. Dès lors, les valeurs d’égalité et de droits de la personne humaine prônées par le Conseil de l’Europe conduisent l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe à se pencher sur cette fondamentale question de cohésion sociale.

2. La rapporteuse rappelle que, suite à la notre introductive de Mme Vermot-Mangold, la précédente rapporteuse, la Commission a tenu une audition1, le 10 mars 2006 à Paris, qui a été fort instructive et à laquelle elle suggère de se référer, ayant faites siennes quelques unes des propositions pertinentes qui y ont été suggérées.

3. Elle propose de se pencher sur cette notion (I) et les facteurs qui conduisent à cette situation (II) avant de proposer des solutions pertinentes aux problèmes existants (III).

II.       La définition de la féminisation de la pauvreté

4. De multiples questions se posent à la lecture de ce sujet dont les contours ne paraissent pas préalablement définis : Que recouvre le terme de pauvreté ? Quelles sont les femmes concernées ? Qu’en est-il du seuil de pauvreté ? Quels sont les indicateurs de la pauvreté des femmes en particulier ?

5. L’expression « féminisation de la pauvreté » viendrait des Etats-Unis dans les années soixante-dix, dans un contexte de mères célibataires, en particulier dans la communauté afro-américaine. La féminisation de la pauvreté a d’abord été liée à l’accroissement du nombre de femmes chefs de famille avant de toucher l’arrivée des femmes dans les secteurs peu payés dans les années quatre-vingts. Aujourd’hui, cela signifie que les femmes sont plus touchées que les hommes par la pauvreté, que leur pauvreté est plus importante que celle des hommes et qu’il y a une tendance à l’accroissement de la pauvreté chez les femmes2.

6. Concrètement, les explications de ces risques différenciés pour les femmes et les hommes à l’égard de la pauvreté ne reposent pas uniquement sur le risque moyen de pauvreté dans un pays. Le risque de pauvreté après transferts sociaux est beaucoup plus élevé chez les femmes que chez les hommes dans les pays de l’Union européenne, à l’exception de quelques pays tels que la Pologne –seul pays où le risque est plus grand chez les hommes– et la Lettonie, Malte, le Portugal, la Slovaquie et la Roumanie –où le risque de pauvreté est identique pour les femmes et les hommes–. Dans les pays où les femmes sont plus sujettes au risque de pauvreté, l’écart varie de 5,3 % en Italie à plus de 15 % dans 9 pays : République tchèque, Allemagne, Estonie, Chypre, Luxembourg, Autriche, Slovénie, Suède et Bulgarie. S’agissant d’un groupe de pays très mélangés par rapport à leur développement, toute association entre le niveau de développement et le niveau de pauvreté est donc impossible3.

7. En outre, les femmes sont parmi les plus pauvres des Etats membres du Conseil de l’Europe. De plus, le fossé entre les femmes et les hommes pris dans le cycle de pauvreté continue à se creuser. Cette tendance à l’accroissement de la pauvreté marque un retour en arrière vis-à-vis du mouvement de défense de l’égalité des chances pour les femmes et les hommes. En effet, la rapporteuse remarque, par exemple, que les femmes ont de nouveau plus de difficultés à trouver un emploi correct. Comme le soulignait Mme Hammer4, il existe une sorte de « boîte noire », même dans les familles les plus pauvres. L’homme dépense pour lui-même alors que la femme aura tendance à veiller à ce que les enfants aient le minimum, au détriment de leurs propres besoins. Le ressentiment qui s’en suit chez la femme est qu’elle n’est pas maîtresse de son destin, n’ayant pas les moyens d’y subvenir. La rapporteuse constate dès lors qu’il existe une inégalité dans la répartition des revenus du ménage, même chez les plus pauvres, au détriment des femmes. Pour pallier cette injustice, elle propose que les allocations sociales destinées à l’entretien et aux charges familiales soient versées à la femme qui redistribuera les revenus ainsi perçus, comme cela existe au Portugal. En effet, Mme Ferreira rapporte que le versement à la femme du revenu minimum attribué par l’Etat portugais a eu une influence sur la dynamique familiale et une répercussion directe de la politique5.

8. En outre, Mme Hammer nuance la notion de pauvreté avec l’expérience subjective des privations de la pauvreté. Elle relève que les femmes ont une expérience accrue de la pauvreté. En effet, l’emploi des femmes influence la façon dont l’argent est dépensé. Les femmes ont plus le contrôle de l’argent dans la famille lorsqu’elles travaillent à plein temps. Quand elles n’ont pas de revenus, les maris ont trois fois plus de chance de contrôler les dépenses6.

9. Le Parlement européen a relevé que la pauvreté se manifeste sous des formes diverses, parmi lesquelles l’absence de revenu et de ressources productives suffisantes pour assurer son gagne pain durablement, la faim et la malnutrition, une santé précaire, l’accès limité, ou inexistant, à l’enseignement et à d’autres services de base, la mortalité croissante du fait de la maladie, l’absence de foyer et un logement inapproprié, un environnement peu sûr, la discrimination et l’exclusion sociales. Il souligne, dans ce contexte, que la pauvreté se caractérise aussi par l’absence de participation aux processus de décision et à la vie civile, sociale et culturelle7.

10. La rapporteuse exprime sa préférence pour une approche relative de la pauvreté, telle que définie par Peter Townsend : « Les individus, familles ou groupes de la population peuvent être considérés en état de pauvreté quand ils manquent des ressources nécessaires pour obtenir l’alimentation type, la participation aux activités et avoir les conditions de vie et les commodités qui sont habituellement ou sont au moins largement encouragées ou approuvées dans les sociétés auxquelles ils appartiennent. Leurs ressources sont si significativement inférieures à celles qui sont déterminées par la moyenne individuelle ou familiale qu’ils sont, de fait, exclus des modes de vie courants, des habitudes et des activités ».

11. Le seuil de pauvreté est le seuil au-dessous duquel un individu est considéré comme pauvre. Dès lors, le seuil de pauvreté peut aussi être défini en termes absolus, c’est-à-dire par un certain montant de ressources, ou en termes relatifs par référence aux conditions d’existence jugées indispensables. Concrètement, ces seuils sont le plus souvent calculés par référence au niveau de vie moyen qui prévaut dans une société donnée à un moment donné. Seront ainsi considérées aujourd’hui comme pauvres en France les personnes dont le niveau de vie est inférieur par exemple, à la moitié du niveau de vie moyen des Français cette même année. Ces seuils sont qualifiés de relatifs dans la mesure où ils varient dans le temps et dans l’espace. Le niveau du seuil de pauvreté ne sera donc pas le même dans les pays de l’Europe de l’Ouest et dans ceux du Caucase par exemple. Il n’aura pas la même valeur en termes de pouvoir d’achat aujourd’hui qu’hier.

12. La rapporteuse estime que des indicateurs de la cohésion sociale pourraient permettre de déterminer des références de base qui serviraient à tous les pays d’Europe pour cerner la réalité vécue par les femmes défavorisées. En tout état de cause, des données chiffrées semblent manifestement faire défaut en la matière. Il apparaît donc nécessaire de développer des indicateurs ventilés selon le sexe et des méthodologies en vue de différencier l’impact de la pauvreté et de l’exclusion sociale sur les femmes et les hommes, dans tous les Etats membres du Conseil de l’Europe.

13. En outre, la rapporteuse insiste sur la nécessité de mettre un terme rapide au recul qu’elle constate dans la société par rapport aux droits des femmes. Elle ne peut s’empêcher de relever qu’aujourd’hui encore les filles sont discriminées dès le plus jeune âge, facteur évident de vulnérabilité à la pauvreté pour l’avenir. Les filles sont discriminées quant à l’accès à l’école, quant à la qualité de la formation, souvent cantonnées dans des métiers peu rémunérateurs malgré leur capacité. La rapporteuse estime urgent d’agir à ce niveau-là, pour faire respecter l’égalité des chances mais comme soutien premier à toute politique de réduction de la pauvreté.

III.       Le processus de féminisation de la pauvreté

14. Pourquoi les femmes sont-elles plus vulnérables à la pauvreté ? Cette question est liée au constat que le genre différencie les processus qui conduisent les femmes ou les hommes à la pauvreté. De plus, du fait des contraintes sexospécifiques, les femmes dans la pauvreté ont plus de difficultés à s’en sortir.

15. La pauvreté se manifeste sous diverses formes et de nouvelles formes de pauvreté et de marginalisation existent. Elle ne se caractérise pas uniquement par des revenus insuffisants. Concrètement, elle peut se manifester par des accès limités ou inexistants à la santé, l’éducation, un environnement dangereux, une discrimination sociale et l’exclusion. La rapporteuse propose de commencer à examiner certains de ces facteurs, notamment structurels, qui conduisent à la féminisation de la pauvreté.

Les femmes ayant une situation économique précaire

16. La répartition sexuée des tâches familiales et la discrimination sur le marché du travail affectent directement l’accès et la participation des femmes au marché du travail. En général, les femmes accèdent à des postes moins bien rémunérés et ont des conditions de travail moins intéressantes. Ainsi, le travail à temps partiel, les contrats à durée déterminée et le chômage aggravent la précarité de leur situation. Les femmes doivent, en outre, supporter « la double journée de travail » : elles sont contraintes d’avoir une activité économique et d’assumer en même temps des responsabilités familiales et domestiques. Cela implique aussi une charge de travail inégale entre les sexes et impose également des limites à la capacité des femmes à rivaliser, dans des conditions égales, avec les hommes sur le marché du travail. Par la suite, la réinsertion des femmes sur le marché de l’emploi est compliquée par la demande croissante de qualifications, ce qui se conjugue défavorablement avec le fait qu’elles ont moins accès à la formation professionnelle.

17. Déjà en 1995, le programme d’action de la quatrième conférence mondiale des femmes de Beijing8 notait qu’au cours des dix dernières années, le nombre de femmes vivant dans la pauvreté avait augmenté plus rapidement que celui des hommes, en particulier dans les pays en développement. La féminisation de la pauvreté est également devenue un problème important dans les pays en transition du fait des conséquences à court terme des transformations politiques, économiques et sociales. En effet, dans ces pays, malgré une tendance à l’amélioration de la situation économique qui a fait baisser le taux de 20 % de pauvres en 1998 à 12 % en 2003, la pauvreté reste un problème majeur, principalement dans les pays du Caucase du Sud et en Moldova. Le phénomène de « féminisation de la pauvreté » à l’époque post-soviétique tient au fait que le système social, la fermeture massive des structures d’accueil d’enfants, ont fait peser beaucoup plus de responsabilités sur les femmes, telles que la garde des enfants et des personnes âgées9. Ainsi, les taux d’activité économique des femmes sont inférieurs à ceux des hommes et le chômage des femmes est extrêmement important, pouvant aller jusqu’à 68 % en Moldova où la tendance ne fait qu’empirer.

Les femmes dont le statut économique et social est fragile

18. Les familles monoparentales ont souvent à leur tête une femme. Or, le soutien aux familles monoparentales est si faible qu’elles sont souvent vulnérables à la pauvreté. Se pose d’ailleurs là aussi de façon accrue le problème de la garde des enfants. En effet, dans la mesure où la femme se trouve être l’unique source de revenus pour faire vivre la famille, la conciliation entre une activité rémunérée et la garde des enfants ne peut se réaliser que si la femme a à sa disposition la possibilité de faire garder les enfants. En Europe, quatre familles monoparentales sur cinq sont dirigées par des femmes, qui sont les plus pauvres parmi les pauvres10.

19. En outre, quand bien même une femme ne vit pas dans un ménage pauvre, elle peut toutefois se trouver en situation de pauvreté du fait qu’elle n’aurait pas un accès équitable aux revenus du ménage. Cette réflexion renforce d’ailleurs la position de la rapporteuse qui estime indispensable de définir des indicateurs spécifiques ventilés selon le sexe, sinon la pauvreté des femmes et les inégalités qu’elles subissent resteront invisibles. En effet, par exemple, Mme Jones11 relève le problème de la pauvreté cachée des femmes. Dans les familles pauvres, la femme assure la plus grande responsabilité pour l’éducation des enfants et l’homme gagne l’argent. Il n’y a pas de partage égal des ressources du ménage, chaque personne gardant ce qu’elle perçoit. Ainsi, si la famille a une voiture, c’est l’homme qui l’utilisera. La pauvreté de la femme ne sera pas mise à jour. La rapporteuse pense important de traiter de la pauvreté cachée des femmes et de l’écart entre les revenus individuels et les dépenses car les femmes dépensent plus pour les enfants.

Les femmes âgées et le système inadapté des pensions de retraite

20. Souvent facteurs supplémentaires de vulnérabilité, l’avancée dans l’âge et la longévité sont plus difficiles pour les femmes qui bénéficient souvent de revenus insuffisants au regard de leurs charges, qui vont parfois en s’accroissant, telles que les dépenses de santé ou pour faire face à la baisse d’autonomie. En général, il faut effectivement faire en sorte que les personnes âgées qui ont atteint l’âge légal de la retraite aient droit à des revenus de pension décents, c’est-à-dire à des revenus qui ne leur permettent pas seulement d’éviter la pauvreté extrême, mais aussi de rester en phase avec l’évolution de la prospérité de la société. Les individus doivent pouvoir bénéficier d’un taux de remplacement de revenu élevé au moment de la retraite. S’agissant en particulier des femmes âgées, il faut veiller à ce que les systèmes de pension tiennent davantage compte de la carrière des femmes qui assument des responsabilités de garde ou de soins –d’enfant ou de personnes âgées– et qui demandent des interruptions de carrière pour ce faire.

21. Selon un rapport de 2006 concernant l’Union européenne, en comparaison avec la tranche d’âge des 16-64 ans, les personnes âgées risquent entre 1,5 et 2 fois plus d’être pauvres. Pour les femmes, le tableau est encore plus morose. « En moyenne, le taux de situation à risque de pauvreté des hommes âgés dans les dix nouveaux Etats membres est de 6 % seulement contre 10 % pour les femmes dans les nouveaux Etats membres, 16 % pour les hommes âgés dans l’UE15 et 21 % pour les femmes âgées dans l’UE15 », selon le rapport. Les femmes âgées de 75 ans et plus présentent le risque de pauvreté le plus élevé.12

22. La rapporteuse s’interroge sur la rétribution des femmes pour élever un enfant puisqu’à l’âge de la retraite, elles sont très peu récompensées alors qu’elles ont participé au renouvellement des générations. Selon Mme Ginn, au Royaume-Uni, un retraité sur cinq est pauvre. Les plus pauvres sont des femmes. Le revenu personnel des femmes est de 57 % de celui des hommes13.

23. En effet, la plupart des systèmes de pension de retraite, à l’origine conçus pour des hommes qui avaient une carrière linéaire, se révèlent aujourd’hui dépassés. Les femmes sont plus nombreuses qu’autrefois sur le marché du travail, et se trouvent le plus souvent chargées d’examiner les éventuelles propositions de garde pour les enfants ou les personnes à charge. Certaines choisissent volontairement de les garder. Pour d’autres, bien souvent, l’interruption du travail est dictée par l’absence de moyens de garde. En tout état de cause, elles se trouvent dans une position où les périodes d’interruption ne sont souvent pas prises en considération dans le calcul des pensions. Dans un souci d’équité pour la personne qui interrompt son travail, il faudrait donc réfléchir à la façon de pallier ces discontinuités dans le système de calcul de la pension de retraite. Certains systèmes permettent par exemple de couvrir une partie des congés parentaux. Les femmes ayant travaillé à temps partiel se retrouvent aussi devant le fait que le montant de la pension sera généralement inférieur à celui d’un travailleur à temps plein, et souvent de fait insuffisant.

24. Pour faire face aux inconvénients des systèmes actuels de retraite, la rapporteuse suggère que la retraite soit constituée d’une base forfaitaire et d’un supplément lié aux revenus.

IV.       L’éradication de la pauvreté des femmes

25. La rapporteuse est persuadée de ce que les Etats membres du Conseil de l’Europe peuvent apprendre mieux l’un de l’autre en échangeant des bonnes pratiques, en particulier des Etats scandinaves où la participation élevée des femmes et des hommes sur le marché du travail va de pair avec des taux de fertilité parmi les plus élevés d’Europe et où les services de garde d’enfants sont gratuits ou abordables, les possibilités de congé parental et la réglementation du congé de maternité sont des facteurs qui contribuent à la participation importante des femmes sur le marché du travail.

26. La rapporteuse marque son accord avec la Présidente de la commission des droits des femmes et de l’égalité des genres du Parlement Européen et rapporteuse sur « femmes et pauvreté dans l’Union Européenne » qui souligne que l’éradication de la pauvreté constitue un impératif éthique, social, politique et économique. Le bien-être de la société se mesure à l’attention qu’elle porte envers ses membres les plus faibles. Aussi la Stratégie de Lisbonne devrait-elle dépasser sa logique exclusivement économique au profit d’une approche intégralement humaine. Elle s’interroge sur les moyens de promouvoir le partenariat étroit entre les femmes et les familles les plus pauvres, pour combattre efficacement la grande pauvreté et vaincre l’exclusion sociale, les femmes étant les premières à défendre leurs proches contre la pauvreté et l’exclusion sociale14.

27. Ce problème se dédouble puisqu’il faut réagir à la situation des femmes qui se trouvent actuellement dans une situation de pauvreté et envisager des politiques efficaces et volontaires pour éviter que les femmes ne tombent dans la pauvreté. En effet, la rapporteuse est soucieuse de l’amélioration des conditions et de la qualité de vie des femmes européennes. Elle invite les responsables politiques à prendre conscience si ce n’est déjà fait de la situation de pauvreté dans laquelle vivent les femmes et à s’engager fermement dans la lutte contre cette pauvreté.

28. Si l’emploi ne constitue pas en lui-même un rempart suffisant contre l’extrême pauvreté, il peut s’avérer une solution assez sûre pour sortir de la pauvreté. Dès lors, les gouvernements et l’ensemble des acteurs concernés devront inclure la question de l’égalité des sexes dans leur stratégie de réduction de la pauvreté.

29. La rapporteuse est assez favorable à l’étude du comportement des hommes qui sont au centre de problèmes sociaux. Par exemple, les hommes qui ne paient pas la pension alimentaire pour leur ex-épouse ou pour leurs enfants mettent la femme qui a la garde habituelle des enfants en position financière délicate. Elle souhaite que des moyens soient étudiés pour que les hommes débiteurs d’une dette alimentaire ou d’éducation soient mis face à leur responsabilisés et qu’une solution soit trouvée en cas de défaillance de ces derniers.

30. Les préoccupations des femmes seules ou des familles dont les ressources sont faibles qui doivent affronter le problème de la garde des enfants rejoignent la question de l’équilibre entre vie professionnelle et vie familiale dans un environnement défavorisé. Les structures de garde d’enfants de qualité, accessibles et à un prix abordable devront être mises en place. Elles devront également être suffisamment souples pour permettre aux femmes qui ont des horaires de travail atypiques de faire garder leurs enfants. Il faudrait de même se pencher sur les moyens de garde et de soins des autres personnes dépendantes.

31. A l’aune des principes de l’inclusion sociale, certaines politiques sociales ne mettent pourtant pas ces femmes en position de bénéficier des minima vitaux. Par exemple, certaines règles de sécurité sociale les privent d’accès aux soins élémentaires de santé. Bref, une couverture sociale incluant les plus pauvres devra être envisagée. La rapporteuse est persuadée de ce que l’accès aux services de santé génésique est absolument indispensable en ce qui concerne les efforts entrepris pour réduire la mortalité maternelle et infantile, prévenir la propagation du VIH/Sida, promouvoir la santé et in fine réduire la pauvreté. L’accès aux droits et aux services en matière de santé sexuelle et génésique est la principale clé permettant notamment de promouvoir la santé et la réduction de la pauvreté. De même, des mesures ciblées pour assurer aux femmes défavorisées l’accès au logement ou à l’éducation devront être mises en œuvre.

32. La rapporteuse constate que l’encadrement des enfants diffère beaucoup d’un pays à l’autre. Les pays nordiques considèrent qu’il s’agit d’un droit social et subventionnent massivement ces structures. Au Royaume-Uni ou en Irlande, les subventions sont limitées et les services à la petite enfance sont proposés au prix fort du marché par le secteur privé. Dans d’autres Etats comme la Hongrie ou Malte, le nombre limité de places dans les structures de garde ou leur prix élevé constitue une barrière à la participation des femmes au marché du travail. Les pays du sud comme la Grèce, l’Italie, l’Espagne ainsi que la Pologne ont des services limités : l’opinion publique désapprouve le comportement des parents qui confient leur enfant à la crèche. Des solutions alternatives (congé parental) ou informelles (garde des enfants par les grands-parents) sont préférées. Le rôle des employeurs sur cette question est limité, sauf aux Pays-Bas, où la question de l’encadrement des enfants est vue comme une responsabilité partagée de l’Etat, de l’employeur et de l’employé15. La rapporteuse souhaite que les structures de garde soient plus flexibles, que leurs horaires d’ouverture soient adaptés aux horaires de travail des parents et que le coût de la garde des enfants soit raisonnable.

33. En outre, dans un souci d’autonomisation des femmes pauvres, il paraît indispensable de vraiment impliquer les femmes socialement exclues à tous les niveaux décisionnels.

34. Si besoin est, la rapporteuse entend souligner les conséquences de l’extrême pauvreté qui peuvent déboucher sur toute forme de violence à l’égard des femmes, en particulier la traite des femmes et de leurs enfants et aussi leur prostitution forcée. En effet, souvent dévalorisées, certaines femmes dans une situation économique précaire veulent quitter leur pays d’origine, à la recherche d’un avenir meilleur. Elles se trouvent être la proie des trafiquants d’êtres humains.

V.       Conclusion

35. La rapporteuse compte sur la prise de conscience des autorités politiques pour mener à bien des politiques d’inclusion sociale à l’égard des femmes pauvres. Elle propose à la Commission d’adopter les avant-projets de résolution et de recommandation joints au présent rapport et de les soumettre à l’Assemblée plénière.

* * *

Commission chargée du rapport: Commission sur l'égalité des chances pour les femmes et les hommes

Renvoi en commission : Doc. n° 10605, renvoi n° 3109 du 24 juin 2005

Projet de résolution et projet de recommandation adoptés à l'unanimité par la commission le 17 avril 2007.

Membres de la commission: Mme Gülsün Bilgehan (Présidente), Mme Anna Čurdová (1ère Vice-Présidente), Mme Svetlana Smirnova (2ème Vice-Présidente), M. José Mendes Bota (3ème Vice-Président), Mme Elmira Akhundova, Mme Željka Antunović, Mme Aneliya Atanassova, M. John Austin (suppléant : M. Boswell), M. Denis Badré, Mme Marieluise Beck, Mme Oksana Bilozir, Mme Raisa Bohatyryova (suppléant : M. Popescu), Mme Olena Bondarenko, Mme Mimount Bousakla, M. Paul Bradford, Ms Sanja Čekoviċ, Mme Ingrīda Circene, M. James Clappison, Mme Minodora Cliveti, M. Cosidó Gutiérrez, Mme Diana Çuli, Mr Ivica Dačiċ, M. Marcello Dell’utri, M. José Luiz Del Roio, Mme Lydie Err, Mme Catherine Fautrier, Mme Maria Emelina Fernández Soriano, Mme Sonia Fertuzinhos, Mme Margrét Frímannsdóttir (suppléante : Mme Ögmundsdóttir), M. Piotr Gadzinowksi, Mme Alena Gajdůšková, M. Pierre Goldberg, Mme Claude Greff, M. Attila Gruber, Mme Carina Hägg, M. Poul Henrik Hedeboe, M. Ilie Ilaşcu, Mme Halide Incekara, Mme Eleonora Katseli, M. Marek Kawa, Mme Angela Leahu, M. Dariusz Lipinski, M. Arthur Loepfe (suppléant : M. Dupraz), Mme Assunta Meloni, Mme Danguté Mikutiené, Mme Ilinka Mitreva, M. Burkhardt Müller-Sönksen, Mme Christine Muttonen, Mme Hermine Naghdalyan, M. Kent Olsson, Mme Vera Oskina, M. Ibrahim Özal, Mme Elsa Papadimitriou (suppléante : Mme Kanellopoulou), M. Jaroslav Paška, Mme Fatma Pehlivan, Mme Maria Agostina Pellegatta, Mme Antigoni Pericleous-Papadopoulos, M. Leo Platvoet, Mme Majda Potrata, M. Jeffrey Pullicino Orlando, Mme Marlene Rupprecht, Mme Klára Sándor, M. Arto Satonen, M. Giannicola Sinisi, Mme Darinka Stantcheva, Mme Ruth-Gaby Vermot-Mangold, Mme Betty Williams, Mme Jenny Willott (suppléant : M. Gray), M. Gert Winkelmeier, Mme Karin S. Woldseth, Mme Gisela Wurm.

N.B. Les noms des membres qui ont pris part à la réunion sont imprimés en gras

Chef du Secrétariat : Mme Kleinsorge

Secrétaires de la commission: Mme Affholder, Mme Devaux, M. Diallo


1 Le procès-verbal de l’audition sur la féminisation de la pauvreté est disponible au secrétariat de la Commission sur l’Egalité des chances pour les femmes et les hommes, sur simple demande, sous la référence AS/Ega (2006) PV 3 addendum I.

2 Voir PV, intervention de Mme Ferreira, p. 2.

3 Idem.

4 Voir P-V p. 2.

5 Voir PV, p. 4.

6 Voir PV, intervention de Mme Hammer, pp. 1 et 2.

7 Voir rapport d’initiative de Mme Záborská, sur Femmes et pauvreté dans l’Union européenne, 22 septembre 2005 :

http://www.europarl.europa.eu/omk/sipade3?PROG=REPORT&L=FR&SORT_ORDER=D&S_REF_A=%25&LEG_ID=6&AUTHOR_ID=23894

8 Paragraphe 48 du Programme d’action de la Quatrième conférence mondiale des Nations Unies sur les femmes, 1995.

9 “Growth, Poverty and Inequality in Eastern Europe and the Former Soviet Union”, Rapport de la Banque mondiale, octobre 2005
http://web.worldbank.org/WBSITE/EXTERNAL/COUNTRIES/ECAEXT/
0,,contentMDK:20627214~pagePK:146736~piPK:146830~theSitePK:258599,00.html

10 Voir PV, intervention de Mme Ferreira, p. 3.

11 Voir PV, p. 5.

12 La pauvreté parmi les personnes âgées plus faible dans les nouveaux Etats membres de l'Union européenne

http://www.globalaging.org/elderrights/world/2006/newEUmembers.htm

13 Voir PV, intervention de Mme Ginn, p. 5.

14 Voir PV, intervention de Mme Záborská, p. 9.

15 Voir PV, intervention de Mme Henrotte-Forsberg, p. 8.