Doc. 11293
8 juin 2007

La notion de guerre préventive et ses conséquences pour les relations internationales

Rapport
Commission des questions politiques
Rapporteur : M. Lluis Maria de PUIG, Espagne, Groupe socialiste


Résumé

Les Etats membres et les Etats observateurs du Conseil de l’Europe devraient rejeter le recours unilatéral à la guerre préventive car il est contraire au droit international, comporte des risques considérables pour le maintien de la paix et de la sécurité internationales et porte atteinte à la pertinence, à la crédibilité et à la légitimité du Conseil de sécurité de l’ONU dans ce domaine.

D’autre part, le risque de recours unilatéral à la guerre préventive montre bien l’urgence de trouver un accord sur la réforme du Conseil de sécurité de l’ONU afin de rétablir son rôle légitime et irremplaçable de décision en ce qui concerne les actions à entreprendre pour faire face rapidement et efficacement aux menaces pour la paix et la sécurité.

De la même manière, la réforme des Nations Unies devrait permettre au Conseil de Sécurité d’agir plus rapidement et plus efficacement pour prévenir ou arrêter des violations graves des droits de l’homme, un génocide ou un nettoyage ethnique quand un Etat ne peut ou ne veut pas protéger sa propre population. Dans ce contexte, l’Assemblée souscrit pleinement au principe de la responsabilité de protéger.

A.       Projet de résolution

1. Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, la norme selon laquelle les Etats ne doivent pas, hormis les cas de légitime défense, lancer une action militaire à moins d’en avoir reçu le mandat exprès du Conseil de sécurité des Nations Unies s’est ancrée dans le droit international. Après les événements du 11 septembre, dans le nouveau contexte de la guerre globale contre le terrorisme, les Etats-Unis ont justifié l’opération Liberté immuable, menée en Afghanistan, comme un acte de légitime défense contre l’Etat qui abritait, soutenait et finançait les camps terroristes d’Al-Qaïda. Toutefois, en 2003, les Etats-Unis ont essayé d’étendre le concept d’autodéfense en invoquant la doctrine de la guerre préventive au sujet de l’attaque contre l’Irak, censée anticiper les futures attaques d’un ‘Etat hors-la-loi’ en possession d’armes de destruction massive (ADM).

2. L’Assemblée parlementaire réaffirme son engagement de longue date envers le multilatéralisme et le principe d’une réponse collective aux menaces mondiales, par opposition à l’unilatéralisme. Elle est plus que jamais convaincue qu’un système multilatéral fondé sur l’Organisation et la Charte des Nations Unies est la seule façon de faire face à la complexité des défis d’aujourd’hui, et notamment des menaces anciennes et nouvelles pour la paix et la sécurité internationales, telles que celles du terrorisme et de la prolifération des ADM.

3. Force est toutefois de reconnaître que des actions unilatérales soi-disant justifiées se produisent dans les faits sous couvert de la doctrine de la guerre préventive. De surcroît, il arrive que ces actions recueillent le soutien ouvert ou tacite d’un certain nombre de pays, y compris des Etats membres du Conseil de l’Europe, qui les considèrent comme « le moindre de deux maux », compte tenu en particulier de la difficulté rencontrée par le système de sécurité collective des Nations Unies pour réagir avec célérité, même en cas de menaces majeures pour la paix et la sécurité.

4. L’Assemblée est convaincue que, même lorsqu’elle est considéré comme justifiée par l’urgence de parer à une menace imminente, le recours unilatéral à la guerre préventive, outre le fait qu’il est contraire au droit international, comporte des risques considérables pour le maintien de la paix et de la sécurité internationales à long terme, dans la mesure où un nombre croissant de pays pourraient l’invoquer en tant que précédent. De plus, en cas de recours à la force afin de prévenir des menaces qui ne se sont pas encore concrétisées, il est difficile de prouver que ce recours est conforme aux obligations juridiques de la nécessité et de la proportionnalité. Par-dessus tout, l’usage unilatéral de la force porte atteinte à la pertinence, à la crédibilité et à la légitimité du Conseil de sécurité des Nations Unies dans ce domaine.

5.       L’Assemblée constate par ailleurs que la guerre conventionnelle ne donne pas toujours les résultats escomptés dans le contexte de la lutte contre le terrorisme, les forces armées n’ayant ni la vocation, ni la formation de base pour le faire. Ceci, d’autant plus que, dans ce type de situation, il existe une zone floue où les conventions internationales, telles que les Conventions de Genève de 1949 sur le droit humanitaire et leurs protocoles, et l’éthique militaire traditionnelle ne sont pas forcément appliquées.

6.       D’autre part, le risque de recours unilatéral à la guerre préventive montre bien l’urgence de trouver un accord sur la réforme du Conseil de sécurité des Nations Unies afin de rétablir son rôle légitime et irremplaçable de décision en ce qui concerne les actions à entreprendre pour faire face rapidement et efficacement aux menaces pour la paix et la sécurité et de le rendre pleinement représentatif de la réalité géopolitique actuelle des relations internationales.

7.       De la même manière, la réforme des Nations Unies devrait permettre au Conseil de Sécurité d’agir plus rapidement et plus efficacement contre un risque que la population d’un pays soit victime de violations graves des droits de l’homme, de génocide ou de nettoyage ethnique résultant de l’action délibérée d’un Etat, de sa négligence ou d’une défaillance dont il est responsable. Par conséquent, l’Assemblée souscrit pleinement au devoir d’assistance aux peuples en péril, tel que décrit dans la Résolution 688 du Conseil de Sécurité, concept qui est aussi connu sous la dénomination du droit d’ingérence et qui évolue aujourd’hui vers un principe plus général de la responsabilité de protéger.

8.       En conséquence, l’Assemblée invite les Etats membres et les Etats observateurs du Conseil de l’Europe :

8.1       à rejeter le principe de la guerre préventive unilatérale, considéré comme illégal et illégitime dans le droit international, et à tenir compte des résultats désastreux de l’application de la notion de guerre préventive dans le passé récent et dans l’actualité ;

8.2.       à agir toujours dans un cadre multilatéral et en privilégiant l’action politique et diplomatique face aux crises et aux conflits internationaux ;

8.3.       à s’abstenir de tout usage unilatéral de la force hors des cas prévus par le droit international, et en particulier par la Charte des Nations Unies ;

8.4.       à intensifier leurs efforts diplomatiques pour parvenir à un accord définitif sur la réforme du Conseil de sécurité de l’ONU ; et 

8.5.       à défendre le principe de la « responsabilité de protéger » et le droit du Conseil de sécurité des Nations Unis d’agir pour prévenir ou faire cesser des violations graves des droits de l’homme, un génocide, un nettoyage ethnique ou des crimes contre l’humanité dans un pays qui n’a pas la volonté ou la capacité de protéger sa population.

B.       Exposé des motifs, par M. Lluis Maria de Puig, rapporteur

I.       Introduction

1.       La guerre préventive correspond à un concept aussi ancien que l’histoire elle-même. Ce concept n’en fait pas moins peser une grave menace sur la stabilité du système international tel qu’on le connaît aujourd’hui. Après la Seconde Guerre mondiale, les dirigeants du monde ont décidé de renoncer à leur droit d’entreprendre unilatéralement une guerre. Qu’ils y soient parvenus ou non est une autre affaire ; quoi qu’il en soit, on a vu l’idée prendre racine – désormais inscrite dans le droit international – selon laquelle les Etats ne doivent en aucun cas se lancer dans une action militaire à moins d’en avoir reçu le mandat exprès des Nations Unies. C’est en 2002 que les Etats-Unis ont émis la première contestation officielle de cette idée, avant de mettre leur nouvelle doctrine (dite « doctrine Bush ») à l’essai l’année suivante vis-à-vis de l’Irak.

2.       Le présent rapport se propose :

3.       J’aimerais que le présent rapport soit considéré une contribution au débat en cours sur l’intérêt du multilatéralisme en tant que moyen de régler les conflits internationaux et de préserver la paix et la sécurité. Il fait naturellement suite aux précédents rapports de l’Assemblée sur l’Organisation des Nations Unies, la guerre en Irak et les relations euro-atlantiques. Il vient à point nommé alors que se pose la question d’une éventuelle réaction à la politique nucléaire iranienne.

4.       Dans le présent rapport, je m’en tiendrai à la définition classique de la guerre préventive, même lorsqu’il sera question de textes et de déclarations employant d’autres termes1.

5.        Plusieurs experts soutiennent que la distinction entre guerre préemptive et guerre préventive est artificielle, ou au mieux hautement subjective, et que la seule différence entre les deux types de guerre tient à la solidité des preuves dont dispose un pays pour se croire sur le point d’être attaqué, ce qui est évidemment sujet à diverses interprétations selon la partie qui procède à une telle analyse.

6.       Comme sa définition le montre clairement, la guerre préventive a pour objectif la légitime défense. Toutefois, il faut commencer par définir ce qu’il s’agit de défendre. Certains universitaires et analystes politiques ont estimé que la promotion des droits de l’homme, l’expansion de la démocratie ou même la liberté de commercer dans le monde entier peuvent être considérées comme des intérêts nationaux si fondamentaux pour une nation donnée que quiconque menace la poursuite de ces objectifs s’expose à une réaction de « légitime défense ». D’autres auteurs ont préconisé que le droit de légitime défense s’étende également à la poursuite d’objectifs humanitaires, d’où le « droit » qu’aurait l’Organisation des Nations Unies de renverser un dictateur afin de sauver ceux qui souffrent de sa politique cruelle. En règle générale, cette inflation sémantique a toujours été rejetée, mais certains experts politiques, y compris ceux du Département de la Défense des Etats-Unis, ont eu à cœur d’allonger la liste des intérêts de la sécurité nationale qui sont assez cruciaux à leurs yeux pour justifier une réaction de « légitime défense » en cas de menace par un autre pays2.

7.       Etant donné la possibilité d’étendre à l’infini ou presque la définition de ce qu’il s’agit de défendre au niveau national, le présent rapport s’en tiendra à l’interprétation classique du concept en question, selon laquelle ne relèvent de la légitime défense que les réactions proportionnées et nécessaires à des menaces imminentes contre « l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique » d’un Etat, ainsi qu’il ressort de l’Article 51 de la Charte des Nations Unies3.

8.       Le droit international qualifie clairement d’illégitime toute guerre préventive contre une autre nation souveraine. L’Article 51 de la Charte des Nations Unies n’autorise l’usage de la force militaire qu’en réaction à « une agression armée ». Bien que l’article ne mentionne pas explicitement l’attaque préemptive, il est effectivement fait recours à ce type d’attaque, quand bien même de telles prétentions sont des plus rares et prêtent généralement à controverse. Ainsi l’attaque préemptive est-elle considérée en général comme la limite extrême de l’exception de légitime défense à la prohibition générale de l’usage de la force imposée par le droit international, qui ressort de l’Article 2.4 de la Charte des Nations Unies : « Les Membres de l’Organisation s’abstiennent, dans leurs relations internationales, de recourir à la menace ou à l’emploi de la force, soit contre l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique de tout Etat, soit de toute autre manière incompatible avec les buts des Nations Unies. » Seule une minorité d’analystes soutiennent que tout pays peut définir la légitime défense comme il l’entend, en se fondant uniquement sur sa perception des réalités tactiques des menaces potentielles auxquelles il est exposé. Les partisans de la guerre préventive reconnaissent eux-mêmes que celle-ci représente une rupture par rapport au droit international classique.

9.       Le rapport « Un monde plus sûr : notre affaire à tous »4, publié en décembre 2004 par le Groupe de haut niveau de l’ONU puis approuvé par le Secrétaire général des Nations Unies, indique ne pas être partisan d’une révision ou d’une nouvelle interprétation de l’Article 51. Selon le même rapport, pour déterminer s’il doit autoriser l’usage de la force militaire, le Conseil de sécurité devrait examiner les cinq critères suivants :

      -       gravité de la menace ;

      -       légitimité du motif ;

      -       dernier ressort ;

      -       proportionnalité des moyens ;

      -       mise en balance des conséquences.

10.       Le Groupe de haut niveau défend l’idée qu’« [i]l ne s’agit pas de chercher à remplacer le Conseil de sécurité en tant que source d’autorité, mais d’en améliorer le fonctionnement ».

II.       Intervention humanitaire et responsabilité de protéger

11.       J’ai décrit jusqu’à présent les interventions préventives lancées par un Etat afin de parer à une menace imminente contre lui-même ou sa population. La question suivante reste posée : existe-t-il un droit d’entreprendre des opérations militaires pour prévenir un grave danger auquel est exposée la population d’un autre Etat, tel qu’un génocide, un nettoyage ethnique ou d’autres crimes contre l’humanité ?

12.       Cette question a suscité un vif débat dans les années 90, à la suite des événements survenus en Somalie (1993), au Rwanda (1994) et dans l’ex-Yougoslavie. Avant les massacres d’un grand nombre de civils au cours de ces conflits internes, la question suivante s’était posée : compte tenu de l’inaction du Conseil de sécurité, certains Etats avaient-ils un droit d’intervention en vue de prévenir ou de faire cesser une catastrophe humanitaire majeure ou, comme on le disait souvent à l’époque, un droit d’ingérence dans ce qui aurait pu – suivant une approche traditionnelle – être considéré comme « les affaires internes d’un Etat souverain » ?

13. Tels étaient aussi les termes employés par la Commission des questions juridiques et des droits de l’homme lorsqu’elle mentionnait, en 1992, l’apparition d’un nouveau droit, le « droit d’ingérence », découlant de la Résolution 688 du Conseil de sécurité des Nations Unies en date du 5 avril 19915. Cette Résolution du Conseil de Sécurité des Nations-Unies (CSNU) demandait en réalité à l’Irak de donner aux organisations humanitaires internationales un accès immédiat à toutes les personnes ayant besoin d’une assistance, dans toutes les régions du pays. Cependant, certains Etats – parmi lesquels les Etats-Unis, le Royaume-Uni et la France – ont interprété cette résolution comme leur donnant implicitement l’autorisation d’instaurer et de faire respecter une zone d’exclusion aérienne dans le nord de l’Irak, afin de protéger les activités des organisations humanitaires internationales offrant aide et refuge aux Kurdes d’Irak victimes des persécutions du régime. Dans son rapport, la Commission des questions juridiques et des droits de l’homme indiquait voir là « l’ébauche d’une nouvelle phase de l’évolution du droit international qui tente de concilier en droit un impératif politique suprême (la pleine indépendance de l’Etat-nation) et une exigence morale (le désir de sauver des milliers d’êtres humains menacés d’extermination) ».

14.        En dépit de ce précédent important, les Etats ont montré une certaine réticence à s’appuyer sur un droit d’ingérence formel. Par exemple, l’intervention de l’OTAN au Kosovo en 1999 a été justifiée en tant que moyen de protéger les Albanais du Kosovo des violations graves des droits de l’homme et de nettoyage ethnique de la part de la population majoritaire et des autorités nationales serbes. Toutefois, les arguments juridiques invoqués par un certain nombre de membres de l’OTAN – parmi lesquels les Etats-Unis et le Royaume-Uni – étaient que le Conseil de sécurité avait implicitement autorisé l’intervention en condamnant le manque de respect des résolutions du CSNU de la part de la Serbie, plusieurs fois dans le passé. Aucun Etat n’a mentionné l’existence formelle d’un principe d’intervention humanitaire, même si la motivation humanitaire apparaissait clairement, dans diverses déclarations, derrière l’intervention militaire.

15.       Sous l’effet d’expériences aussi diverses que celles du Rwanda – où ni les Nations Unies ni les Etats ne sont intervenus pour faire cesser le massacre – et du Kosovo, le Secrétaire général des Nations Unies Kofi Annan a encouragé vivement les Etats membres à trouver un consensus sur la question difficile de l’intervention humanitaire. Lloyd Axworthy, à l’époque Ministre des Affaires étrangères du Canada, a créé à cette fin la Commission internationale de l’intervention et de la souveraineté des Etats (CIISE), un groupe de réflexion constitué d’experts indépendants, d’universitaires et de responsables politiques. Les travaux de la CIISE ont abouti à ce que soit énoncée, pour la première fois, la doctrine de la « responsabilité de protéger ». La substitution de ce terme à l’intervention humanitaire découlait du fait que la souveraineté devait être considérée comme une question de « responsabilité » : tout Etat souverain est responsable de la protection des personnes placées sous sa juridiction.

16. La doctrine de la responsabilité de protéger a été entérinée officiellement en 2005, dans le rapport de Kofi Annan intitulé Dans une liberté plus grande. Le rapport de Kofi Annan appelait notamment les gouvernements à adopter ce principe comme fondement de l’action collective : bien entendu, la responsabilité de protéger sa propre population incombe en premier lieu à l’Etat intéressé ; mais si cet Etat n’a pas la volonté ou la capacité d’exercer cette responsabilité, elle devrait devenir celle de la communauté internationale. Celle-ci devrait recourir à des moyens diplomatiques, humanitaires ou autres et, si ces moyens s’avéraient insuffisants, le Conseil de sécurité de l’ONU devrait avoir la faculté de prendre des mesures en vertu de la Charte, notamment le recours à la menace ou, en dernier ressort, à la force.

17.       Dans une ligne autocritique, il faut reconnaître que malgré de nombreux développements de principe en ce domaine, l’Europe et le monde occidental n’ont pas toujours été à même d’intervenir pour éviter des situations extrêmes de violation des droits de l’homme, voire des génocides. Parmi les occasions d’interventions manquées il faudrait rappeler des cas très récents tels que le Congo, ou le Darfour (Soudan) où une catastrophe humanitaire sans précédent se déroule en ce moment.

III.       La guerre en Irak en tant qu’exemple d’une guerre préventive

18.       Les arguments invoqués en 2002 par les Etats-Unis, ainsi que par nombre de leurs alliés en Europe, pour justifier la guerre récente contre l’Irak présentent de nombreuses similitudes avec ceux qui avaient été utilisés en 1981 lors de l’attaque israélienne contre le réacteur nucléaire Osirak en Irak. Bien qu’Israël ait parlé à cet égard d’une frappe préemptive, la plupart des spécialistes sont convenus depuis lors que cette attaque était de nature préventive. A l’époque, les Israéliens ont cherché à la justifier en soutenant que si l’on avait laissé l’Irak acquérir des armements nucléaires, cela aurait constitué une menace pour l’existence de leur pays et d’autres Etats du Proche-Orient. Israël a considéré que cette menace – quoique n’ayant pas encore atteint sa pleine maturité – était assez grave pour justifier une action préventive unilatérale. Le Premier Ministre Menahem Begin jugeait les options diplomatiques d’Israël infructueuses et craignait que le fait de différer la décision ne conduise à une fatale incapacité d’agir, eu égard en particulier à la proximité des élections. Israël lança donc son attaque surprise qui, selon lui, a retardé d’au moins dix ans les ambitions nucléaires irakiennes.

19.       Les arguments présentent donc des analogies évidentes (et rappellent aussi fortement ceux qui sont avancés aujourd’hui en faveur d’une éventuelle intervention contre l’Iran) :

20.       L’attaque de 1981 a généralement été tenue pour contraire au droit international. C’est le point de vue que semblait exprimer la réaction internationale à l’action d’Israël – ostensiblement du moins, car Antony D’Amato, professeur à la Northwestern School of Law, présente trois arguments possibles pour soutenir que l’action d’Israël était justifiée.

21.       Ces deux motifs ont aussi été invoqués par les Etats-Unis pour justifier la guerre contre l’Irak. Comme il est indiqué ci-dessus, la doctrine Bush qualifie la guerre contre l’Irak de préemptive plutôt que de préventive. En outre, les juristes du Département d’Etat ont cherché à justifier l’invasion de l’Irak par le fait que celui-ci violait les accords de cessez-le-feu des Nations Unies conclus après la première guerre du Golfe, en 1991. Les commentateurs internationaux ont largement rejeté ces deux arguments favorables à la guerre contre l’Irak, comme ils l’avaient fait des justifications présentées par Israël pour avoir bombardé le réacteur nucléaire Osirak en 1981.

22.       D’Amato présente en fait, à l’appui de la frappe israélienne, un troisième argument qui évoque tout à fait notre thème de la guerre préventive, à savoir que cette action se justifiait en tant que « guerre par procuration conduite pour le compte de la communauté internationale ». Se référant au droit international coutumier, D’Amato soutient que le but de la frappe en question était « de créer la condition préalable à l’instauration de la paix et au respect des droits de l’homme » et que par conséquent, étant donné le potentiel de destruction massive des armements nucléaires, « beaucoup des anciennes raisons d’être de ces règles… », élaborées en songeant aux armements conventionnels » « … ne sont plus valables ».Ainsi, dans l’intérêt de la « survie du monde », D’Amato considère que la guerre préventive peut se justifier dans une étroite mesure pour peu qu’elle réponde aux conditions suivantes :

.       « La frappe [préventive] doit viser une unité de production d’armements nucléaires, et non d’autres types d’armement ;.

.       « l’Etat visé doit être un Etat hors-la-loi, c’est-à-dire à la fois instable et capable d’utiliser ses armements nucléaires pour pratiquer un chantage international et s’agrandir ;.

.       « La frappe [préventive] doit être limitée à l’installation nucléaire visée et conduite avec le moins possible de pertes en vies humaines ;.

.       « La communauté internationale doit être dans l’incapacité de facto de procéder elle-même à la frappe, ce qui autorise implicitement l’Etat attaquant à agir pour elle par procuration. »2

23.       Cette argumentation s’inscrit tout à fait dans le débat contemporain sur la guerre préventive : comme le soulignait D’Amato, après la crise de 1981, la communauté internationale a administré au mieux « une petite tape sur la main » à Israël tout en « poussant secrètement un soupir collectif de soulagement »6. Si l’on fait un parallèle avec d’autres situations, il peut y avoir des cas où les « contraintes » du droit international empêchent d’agir collectivement face une menace grave – par exemple en raison d’une paralysie du Conseil de sécurité résultant de l’exercice du droit de veto. En pareil cas, la communauté internationale devrait-elle se croiser les bras en regardant grandir le danger ? Ou serait-il justifié qu’un pays qui en aurait la capacité militaire intervienne par procuration pour le compte de plusieurs autres pays ?

IV.       Arguments contre la guerre préventive

24.       Un examen de la manière dont se sont terminées certaines guerres préventives ayant réellement été menées suffit à illustrer les arguments contre ce type de guerre :

i.       Sous l’angle du droit international

25.       Paul Schroeder, conservateur et professeur émérite d’histoire internationale à l’Université de l’Illinois, Urbana-Champaign, écrit ceci7 :

26.       L’importance du point de vue de Schroeder va de soi pour les membres d’une institution politique telle que le Conseil de l’Europe. Schroeder partage les préoccupations de nombreux autres commentateurs qui estiment que toute nation ayant adopté une politique de guerre préventive risque fatalement de miner les fondations du droit international, qui sont la souveraineté et l’aversion de la violence.

27.       Tel qu’il se présente aujourd’hui, le droit international ne permet pas la guerre préventive, à moins – comme indiqué ci-dessus – qu’on ne fasse « violence à la langue ». Néanmoins, il est difficile de dissuader des Etats puissants de mener une politique qui va dans le sens de leurs intérêts nationaux. Afin de conserver sa pertinence, le droit international doit donc en fin de compte être assez souple pour refléter toute modification des circonstances de fait sur le terrain. Ainsi, les inquiétudes américaines au sujet des ADM et de leur utilisation potentielle par des Etats hors-la-loi et terroristes sont partagées par d’autres pays, qui pourraient bien être soulagés que les Etats-Unis agissent unilatéralement pour prévenir une escalade de la menace. Une interprétation trop rigide du droit international pourrait même être contreproductive, car elle risquerait de saper son autorité et sa pertinence, ce qui, à long terme, serait évidemment préjudiciable à la sauvegarde de la paix.

ii.       Sous l’angle stratégique et militaire

28.       Les stratèges militaires doutent souvent de l’opportunité de recourir à l’attaque préventive dans le cadre d’une stratégie militaire nationale. Selon Steven R. Prebeck, qui a servi comme spécialiste des missiles au sein de l’US Air Force, « les attaques préventives sont politiquement indéfendables et militairement impraticables »8. Ecrivant en 1993, et citant l’exemple de la Corée du Nord, Prebeck concluait que les Etats-Unis ne disposent tout simplement ni de la technologie militaire, ni de la capacité de renseignement nécessaires pour détruire complètement à la fois la capacité de fabrication et les têtes nucléaires d’un Etat hors-la-loi aspirant à se doter d’armements nucléaires. Prebeck soutenait même qu’une telle attaque entraînerait inévitablement des représailles de la part du pays attaqué, ainsi qu’une guerre prolongée « pour finir le travail ». Les écrits de Prebeck semblent tristement prémonitoires des événements d’Irak, qui ont révélé d’énormes lacunes aussi bien dans la précision du renseignement américain que dans celle de la gestion de l’après-guerre, et qui ont abouti en fin de compte à une longue guerre d’usure sous forme d’actions terroristes.

iii.       Sous l’angle politique

29.       Même les attaques préventives n’aboutissant pas à une défaite militaire ont, en matière de sécurité, des incidences mal définies. L’image extrêmement négative des Etats-Unis dans toute l’Amérique latine et tout le Proche-Orient suffit à faire comprendre le risque politique qu’il y a, pour une superpuissance, à vouloir poursuivre contre ses rivaux une politique de guerre par procuration. De même, peu de commentateurs de la situation au Proche-Orient seraient prêts à soutenir que l’action préventive d’Israël contre les ambitions nucléaires irakiennes lui ait apporté beaucoup d’amis dans le monde arabe, quoiqu’il soit permis de dire que d’autres pays potentiellement menacés par un éventuel programme nucléaire irakien – l’Iran, l’Arabie Saoudite et le Koweït, entre autres – ont bien profité de l’action israélienne. Dans les deux cas considérés ci-dessus, l’action préventive n’a servi qu’à accroître la suspicion vis-à-vis de la partie attaquante.

30.        De nombreux commentateurs ont prétendu qu’une aussi large suspicion populaire à l’égard d’un puissant pays crée naturellement un terreau favorable à l’ancrage de mouvements contestataires radicaux. Selon cet argument, il est fréquent que les populations qui se perçoivent comme victimes d’une politique néo-impérialiste de la part de pays étrangers soutiennent tacitement ou explicitement des organisations terroristes, telles que Al Qaïda ou le Hezbollah, qui utilisent leurs ressources pour trouver des moyens de déstabiliser les pays taxés par eux d’impérialisme.

31.       D’autres commentateurs ont déclaré que toute politique d’action préventive débouche logiquement sur une politique néo-impérialiste de guerre permanente. Lorsqu’un pays puissant se montre déterminé à combattre la montée de menaces même seulement potentielles contre sa sécurité en usant pour cela de moyens militaires, tout Etat cible potentiel censé élabore des plans pour prévenir de telles attaques de son territoire, au besoin en essayant lui-même d’agir avant ce qu’il pense être une attaque imminente. Les pays qui se considèrent comme étant dans la même position qu’un pays ayant été la cible d’une attaque préventive, peuvent être tentés d’accélérer leur propre stratégie de « dissuasion » fondée sur des ADM, ce qui porte atteinte à la stabilité mondiale. L’ironie veut que ce scénario apocalyptique soit justement celui invoqué par de nombreux partisans actuels de l’intervention préventive pour faire passer leurs idées.

32.       Sur le plan politique, les attaques préventives portent atteinte à la cohésion des membres des organisations internationales. Ainsi en Irak, le caractère unilatéral de la guerre préventive décidée par les Etats-Unis contre l’avis d’autres Etats et sans l’accord de l’ONU a porté atteinte à la crédibilité de l’Organisation, à la légitimité de l’opération et surtout à l’unité des Etats luttant contre le terrorisme. Ainsi, la décision des Etats-Unis de mener une coalition en comprenant notamment de la Pologne, la Grande-Bretagne et l’Australie a profondément divisé l’OTAN et l’UE comme en témoigne par exemple la lettre de huit pays d’Europe pour un front uni face à l’Irak en janvier 2003.

33.       Au contraire, l’opération « Liberté immuable » en Afghanistan, en 2001, décidée conjointement et non unilatéralement, s’est appuyée sur les résolutions 1368, 1373 et 1378 du Conseil de sécurité des Nations Unies et s’est organisée autour d’un front uni de nations membres de l’OTAN, de pays musulmans et d’armées locales (Pachtounes de l’Alliance du Nord, Ouzbeks du général Dostom, etc.). Mises à part les résistances talibanes qui perdurent encore, cette opération a évité une désagrégation sociale et politique de la société afghane et n’a pas remis en cause la cohésion et l’efficacité des membres de la coalition dans leur volonté d’agir pour la stabilité de la région. Surtout, les membres du Conseil de sécurité n’ont jamais contesté la légitimité, au regard du droit international, de cette opération en tant qu’acte d’autodéfense des Etats-Unis et de ses alliés à la suite des attentats terroristes perpétrés sur le sol américain.

34.       D’autres commentateurs encore – parmi lesquels des conservateurs américains – craignent qu’une politique américaine d’intervention préventive n’entraîne en définitive la ruine de tout ordre international dans la mesure où d’autres pays finiraient par réagir et (ou) se rallier à la politique américaine en élaborant leurs propres stratégies d’intervention préventive. De nombreux spécialistes, y compris la majorité des commentateurs européens, ont signalé le danger d’une telle situation et la multitude des régions en crise qui, dans le monde, pourraient faire l’objet de ce genre d’attaque préventive de la part d’une ou de plusieurs parties : tel serait le cas des conflits entre l’Inde et le Pakistan, la Chine et Taiwan, la Corée du Sud et la Corée du Nord, etc. En somme, une politique d’intervention préventive risquerait, à long terme, d’aboutir à l’anarchie totale, c’est-à-dire à une situation voisine de l’« état de nature » selon Hobbes.

V.       Historique de la politique des Etats-Unis

35.       Puisqu’une grande partie de ce débat se situe implicitement ou expressément en réaction aux récents changements de la politique des Etats-Unis, un bref examen de l’histoire de cette dernière est ici justifié. Pendant la guerre froide, les Etats-Unis s’appuyaient essentiellement sur une politique de dissuasion et de « containment » (endiguement) pour protéger leurs intérêts nationaux vis-à-vis de l’Union Soviétique. L’objet de cette politique était de bien démontrer que le prix à payer pour une éventuelle agression contre les Etats-Unis ou leurs alliés serait si prohibitif qu’aucun pays censé n’oserait se poser en agresseur. Connue sous la dénomination de « théorie de la destruction mutuelle assurée », elle reposait largement sur la terrible menace créée par les armements nucléaires et la technologie des missiles balistiques intercontinentaux. L’existence d’un grand nombre de ces armes en Union Soviétique comme aux Etats-Unis, combinée à la décision de geler les efforts de l’un et l’autre pays tendant à élaborer des technologies efficaces contre les missiles balistiques, vidait de son sens la notion d’attaque préventive contre l’un ou l’autre pays, puisqu’un nombre suffisant de ces armes survivraient inévitablement à l’attaque initiale et détruiraient non seulement le pays ayant attaqué en premier, mais aussi – probablement – la plupart des formes de vie sur la planète.

36.       L’ancien Président Ronald Reagan fut le premier président américain à remettre vraiment en question le principe de la dissuasion, qui s’était avéré si stabilisateur pendant la guerre froide. Le 23 mars 1983, il prononça son désormais célèbre discours sur la « guerre des étoiles », qui fit craindre aux analystes soviétiques que les Etats-Unis n’essayent de rompre l’équilibre de la « destruction mutuelle assurée » et ne se lancent dans une nouvelle course aux armements. Deux ans après, il exposait ce que l’on allait bientôt connaître comme étant la « doctrine Reagan », qui allait se traduire par un accroissement spectaculaire des dépenses militaires et un soutien actif aux mouvements anticommunistes dans le monde entier. En fait, l’idée que les Etats-Unis puissent dépasser leur politique «d’endiguement» et se lancer dans une nouvelle course aux armements devait exercer des pressions politiques, technologiques et économiques considérables sur l’Union Soviétique et entraîner un affaiblissement sensible de la position de ce pays dans les négociations, marquant ainsi – selon certains analystes – le déclin soviétique. Réagissant, en 1986, à l’explosion d’une bombe dans une boîte de nuit de Berlin, à laquelle les Etats-Unis soupçonnaient la Libye d’être mêlée, le Président Reagan lança une attaque contre ce pays. Les Etats-unis soutinrent qu’ils avaient attaqué la Libye pour empêcher que d’autres attentats terroristes ne se produisent à l’avenir. Quinze ans après, les Etats-Unis usèrent d’une logique analogue pour justifier leur attaque de l’Afghanistan après les attentats du 11 septembre 2001 commis à New York et Washington, mais cette fois avec l’approbation d’un grand nombre de pays.

37.       Le Président Reagan a eu pour successeur George W. H. Bush, dont le mandat devait être marqué par la chute du mur de Berlin, l’effondrement de l’Union Soviétique et l’invasion de l’Irak par une force multilatérale ayant à sa tête les Etats-Unis. Ces événements ont eu lieu dans l’euphorie politique consécutive à la guerre froide, qui devait inciter d’éminents universitaires à écrire sur « la fin de l’histoire »9. Les Etats-Unis sortirent de la guerre froide comme seule superpuissance, et il semblait que les portes du monde s’ouvraient toutes grandes au changement démocratique. De grandes difficultés subsistaient cependant, et l’administration Bush dut s’accommoder d’une situation mondiale radicalement différente en matière de sécurité. Le spectre de la prolifération des ADM, la faillite de plusieurs Etats et les guerres ethniques menaçaient de gâcher l’optimisme du moment et amenaient d’autres observateurs à mettre en garde contre le « choc des civilisations »10 qui allait remplacer l’ancienne confrontation bipolaire par un nouveau type d’affrontement fondé sur les rivalités ethniques.

38.       En réaction à ces menaces, certains des stratèges de l’administration Bush les plus réputés comme « faucons » préconisèrent qu’on révise la politique américaine classique «d’endiguement » et de dissuasion. Selon eux, étant la seule superpuissance restant dans le monde, les Etats-Unis devaient défendre leur prééminence militaire de façon proactive. Dans une série de directives militaires internes au Pentagone, mais ayant fait l’objet de fuites, Paul Wolfowitz soulignait que la guerre préventive était la seule solution à la prolifération des ADM. A l’entendre, le « droit » qu’avait l’Amérique de mener des guerres préventives procédait non d’une quête impérialiste du pouvoir, mais plutôt de la responsabilité « exceptionnelle » qui incombait à son pays de promouvoir dans le monde entier la démocratie et la liberté des échanges commerciaux. Le premier endroit où ces faucons appelèrent à une guerre préventive fut l’Irak. A l’époque, toutefois, le Président Bush et Colin Powell, son chef d’état-major interarmées, rejetèrent le texte en question comme inapproprié et imprudent.

39.       Sous l’administration Clinton, la question de l’intervention préventive continua d’alimenter un débat animé. Beaucoup de partisans de l’actuelle doctrine Bush soutiennent que le Président Clinton lui-même avait partiellement adopté l’idée de la guerre préemptive, notamment fin 1993, avec l’introduction de l’« initiative antiprolifération ». Bien que ne se référant pas explicitement au principe de guerre préventive, cette politique flirtait néanmoins avec l’idée de « localiser, neutraliser ou détruire les ADM d’autres pays avant que ceux-ci ne puissent s’en servir »11. Dans un discours de 1997, le Président Clinton a déclaré que les Etats-Unis « ne peuvent tout simplement pas permettre » à Saddam Hussein d’acquérir des ADM12. En 1998, l’administration Clinton a même lancé deux frappes militaires contre des sites soupçonnés d’abriter des unités de production d’ADM : la première au Soudan, où elle pensait qu’il y avait une usine d’armements chimiques, et la seconde à nouveau en Irak, où elle croyait à l’existence d’usines d’armements chimiques et biologiques ainsi que de missiles. Toutefois, aucune de ces deux attaques ne réussit. L’installation soudanaise s’avéra être un laboratoire pharmaceutique. En ce qui concerne l’Irak, des spécialistes affirmaient qu’il était facile de remettre en route une installation préexistante de production d’armes chimiques et biologiques ; or, ainsi qu’on le sait à présent, les renseignements américains relatifs aux ADM irakiennes étaient fort peu fiables, de sorte qu’on ne sait pas au juste si l’Irak possédait de telles installations lors de l’intervention militaire. Eu égard aux critères exposés ci-dessus, ces deux attaques préventives ont donc échoué faute de renseignements exacts (s’agissant à la fois du Soudan et de l’Irak, comme on le sait depuis la seconde guerre faite à ce dernier pays), et aussi à cause de leur inutilité du point de vue de la stratégie militaire.

40.       Comme indiqué ci-dessus, la question fut au centre de l’actualité en 2002, avec la publication de la Stratégie Bush de sécurité nationale, appelée aussi « doctrine Bush ». A bien des égards, ce document met en œuvre les recommandations des néo-conservateurs, telles que Paul Wolfowitz les avait formulées à l’origine sous l’administration de M. Bush père. Faisant état de la menace représentée par les « Etats voyous » possesseurs d’armes de destruction massive qui, en outre, peuvent coopérer avec des organisations terroristes cherchant à détruire les Etats-Unis, le document NSS-2002 annonce – en vue d’éliminer cette menace – une politique d’intervention préemptive (qui, comme expliqué ci-dessus, comporte en fait des actions qu’on qualifierait autrement de préventives). L’élément sous-jacent de cette politique est la croyance selon laquelle les Etats-Unis sont en quelque sorte dispensés de suivre le droit international « normal », tant du fait de leur puissance sans rivale que parce qu’ils ont seuls, selon eux, la mission morale de répandre la démocratie et la paix, au besoin par la force, car aucune autre puissance au monde n’est en mesure de le faire aussi efficacement. Comme si elle avait été conçue spécialement pour s’appliquer à l’Irak, la politique en question fut mise à l’essai en 2003, lors de la guerre contre Saddam Hussein.

41.       Déstabilisation de l’Irak et du Proche-Orient : La guerre préventive étant presque toujours incomprise par les populations et perçue comme injuste, les Etats-Unis ont vite acquis une impopularité croissante en Irak et dans le monde musulman. Dans le cadre de la guerre contre l’Irak où cette politique de guerre préventive fut appliquée à partir de 2003, les conséquences ont été désastreuses. Ces attaques ont détruit toute l’organisation politique, économique et religieuse du pays et ont répandu le chaos et la guerre civile entre les sunnites qui détenaient le pouvoir politique et les chiites, majoritaires dans le pays mais persécutés sous Saddam Hussein. Le fragile équilibre religieux traditionnel a été rompu et la vie des irakiens est désormais rythmée par les attentats sanglants commis par les rebelles sunnites contre leurs homologues chiites ou contre les forces américaines.

42.       Par ailleurs, la politique de guerre préventive en Irak, ne recueillant pas l’aval de la plupart des Etats de la région comme ce fut le cas par exemple lors de la première guerre du Golfe, a désorganisé l’équilibre géopolitique du Proche-Orient entre Etats consentants (Koweït, Arabie Saoudite) et Etats hostiles (Syrie, Iran) qui s’organisent désormais en fronts opposés. Enfin, les tensions inter-palestiniennes, l’arrêt du processus de paix au Proche-Orient et l’instabilité politique au Liban sont également des conséquences indirectes de ce climat de tension engendré par l’intervention de la coalition en Irak.

VI.       Quelques « effets secondaires » de la politique de guerre préventive des Etats-Unis

43.       En laissant complètement de côté, pour l’instant, l’issue pratique et militaire de la guerre préventive de la coalition en Irak, on peut d’ores et déjà identifier plusieurs ramifications internationales de la nouvelle doctrine Bush.

i.       Prolifération du recours à la doctrine de l’attaque préventive

44.       L’historien conservateur Paul Schroeder avertissait en 2002 que l’annonce par l’Amérique d’une politique d’intervention préventive aurait pour résultat logique, notamment, que d’autres pays imiteraient les Etats-Unis. Or, la prédiction de Schroeder s’est avérée entièrement exacte. Après que l’administration Bush eut commencé de plaider pour une guerre préventive en Irak, d’autres pays se joignirent rapidement au débat en annonçant chacun (ou en menaçant d’annoncer) sa propre politique d’intervention préventive face aux menaces particulières pesant sur sa sécurité nationale. Ainsi, le 1er décembre 2002, John Howard, Premier Ministre de l’Australie, évoqua le « droit » de l’Australie à entreprendre une action préventive en Asie du Sud-Est afin de contrer les menaces terroristes, ce qui suscita une émotion considérable dans les pays voisins. Il fut suivi dans cette voie, le 9 avril 2003, par Yashwant Sinha, Ministre indien des Affaires étrangères, qui suscita des clameurs de protestation au sein du Pakistan voisin en soutenant que l’Inde avait de bien meilleurs motifs de déclencher une guerre préventive contre le Pakistan que les Etats-Unis n’en avaient de déclencher la leur contre l’Irak. Un mois après, le ministre japonais Junichiro Koizumi parla du droit du Japon au choix de l’option préemptive, dans une déclaration qui s’adressait en grande partie aux Nord-Coréens. En octobre, le Président russe Vladimir Poutine mentionna à son tour le droit de son pays aux frappes préemptives, en citant nommément la crise nord-coréenne, ainsi que le précédent créé en la matière par les Etats-Unis. Après l’attentat terroriste de Beslan, il déclara également que la Russie avait le droit de frapper le terrorisme « partout dans le monde ». A l’époque, les Français aussi envisageaient d’infléchir leur politique nucléaire, et Jacques Chirac évoqua la possibilité d’user de frappes préemptives contre les Etats hors-la-loi. Enfin, pour finir l’année, Shaul Mofaz, Ministre israélien de la Défense, menaça en décembre les Iraniens d’une frappe préventive analogue à leur action de 1981 contre le réacteur irakien Osirak au cas où l’Iran poursuivrait la réalisation de son programme d’armement nucléaire. Manifestement, beaucoup de pays ne partagent pas le point de vue de certains commentateurs américains selon lequel l’Amérique est si exceptionnelle qu’elle seule peut s’engager dans une politique d’intervention préventive.

ii.       Prolifération des armes de destruction massive - Iran et Corée du Nord

45.       De nombreux analystes pensent que les plus graves menaces de prolifération des armements nucléaires viennent de l’Inde et du Pakistan. Ces pays sont en effet connus pour être des sources de prolifération de la technologie militaire, bien qu’ils aient tous deux été traités par la diplomatie américaine avec une « courtoisie » qui contraste singulièrement avec la politique des Etats-Unis vis-à-vis de l’Irak. En retour de leur coopération dans la guerre contre le terrorisme, l’Inde et le Pakistan ont été « excusés » par les Etats-Unis de constituer des arsenaux nucléaires. Quant à la Corée du Nord, qui a relancé ses programmes d’armement nucléaire après avoir été incluse dans le fameux « axe du mal » dénoncé par le Président Bush, elle a fait depuis l’objet d’un intense effort diplomatique multilatéral pour éviter que la péninsule coréenne ne se trouve bloquée dans une impasse nucléaire. Depuis quelques mois, l’attention de la communauté internationale se porte sur l’Iran ; le Conseil de sécurité est saisi de la question et plusieurs hauts responsables des Etats-Unis n’excluent pas la possibilité d’une intervention militaire destinée à empêcher l’Iran d’acquérir une technologie susceptible d’être utilisée pour produire des armes de destruction massive.

46.       L’ironie est que cette différence de traitement compromet en grande partie la motivation des Etats à s’abstenir de s’équiper en armements nucléaires. Ainsi que Jonathan Schell l’écrit dans The Nation : « Quelle leçon y a-t-il à en tirer jusqu’à présent ? Exactement l’opposée de celle qu’on cherchait à donner : si vous voulez échapper à un « changement de régime » opéré chez vous par les Etats-Unis, dotez-vous d’un arsenal nucléaire, mais assurez-vous de le faire vite et discrètement…, car alors vous aurez droit à des négociations, et non pas à une action militaire »13.

VII.       Alternatives à la guerre préventive

47.       Etant donné le précédent historique constitué par le fait que les pays puissants appliquent tacitement ou expressément une politique de guerre préventive, les décideurs doivent encore régler une question fondamentale : veulent-ils considérer la guerre préventive sous l’angle des idéaux et des principes (en se prononçant pour ou contre elle et en exigeant ensuite que tout le monde se range à leur position), ou bien préfèrent-il adopter un point de vue réaliste ?

48.       Selon Robert Kagan14, l’acception européenne classique du « multilatéralisme » implique une adhésion stricte à la lettre des textes de droit international, indépendamment des intérêts nationaux à court terme d’un pays (multilatéralisme de principe). Mais l’interprétation américaine de l’expression, ajoute Kagan, est axée davantage sur le résultat souhaité : ainsi, pour diverses raisons diplomatiques et politiques, les Etats-Unis commencent par essayer de trouver des solutions multilatérales à leurs problèmes, tout en se réservant la faculté d’entreprendre ensuite une action unilatérale s’il s’est avéré impossible de construire une coalition (multilatéralisme instrumental)15. En supposant que l’interprétation américaine du « multilatéralisme » représente l’option « réaliste », ceux qu’inquiètent les nombreuses retombées négatives, voire dangereuses de la guerre préventive doivent chercher à élaborer une structure multilatérale qui assurera un encadrement juridique à l’usage de la guerre préventive, mais aussi qui réduira le plus possible la nécessité, pour les Etats, de recourir à une telle option16.

i.       Intégration régionale

49.       La première chose à recommander à la communauté internationale pour faire face aux menaces de l’après-guerre froide est de soutenir l’intégration régionale. Ce qu’a vécu l’Europe après la Seconde Guerre mondiale doit servir d’exemple dynamique de la manière dont une région dévastée par la guerre peut se rassembler et constituer une communauté d’Etats souverains, mais s’observant mutuellement. Aujourd’hui, il serait hautement improbable qu’un pays d’Europe occidentale se mette à menacer militairement un de ses voisins. C’est là le résultat d’une longue histoire d’intégration qui remonte à 1949, avec la création du Conseil de l’Europe, et qui s’est poursuivie en 1952, avec la création de la Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier (CECA), laquelle devait conduire ensuite à l’Union européenne de vingt-sept membres existant à l’heure actuelle.

50.       Beaucoup des Etats hors-la-loi les plus menaçants de la planète posent des problèmes régionaux, et non pas mondiaux. La Corée du Nord fait peser une menace principalement sur la Corée du Sud et le Japon. L’Iran et l’Irak, eux aussi, représentent des menaces régionales. Selon certains, même le national-socialisme aurait pu être étouffé dans l’œuf en 1936 si l’Europe d’alors avait adopté une politique plus unie et moins apathique vis-à-vis du regain de l’expansionnisme allemand. Une politique tournée vers l’avenir et visant à encourager l’application de solutions régionales aux problèmes régionaux pourrait non seulement empêcher la prolifération des armements dangereux, mais aussi promouvoir les droits de l’homme, la démocratie, le développement économique, l’intégration mondiale et la tolérance interethnique. Tout en continuant à respecter les coutumes, sensibilités et préoccupations locales, les Nations Unies seraient en mesure de conduire cette politique dans le cadre d’une stratégie à long terme ayant pour but de décentraliser et de régionaliser les efforts de prévention des conflits en les rendant moins sensibles aux effets de l’impasse politique qui est une caractéristique des organisations internationales d’envergure mondiale. Une telle stratégie permettrait peut-être de dresser une première et indispensable ligne de défense contre des menaces nouvelles qui, sans cela, risqueraient d’inciter tel ou tel pays à envisager une intervention préventive.

ii.       Sanctions

51.       L’Article 41 de la Charte des Nations Unies institue un mécanisme en vertu duquel le Conseil de Sécurité peut inviter les Etats membres à appliquer des sanctions décidées contre tel ou tel pays. De telles sanctions multilatérales ont été imposées quatorze fois depuis la création de cette Organisation, et cinq pays y sont soumis à l’heure actuelle. [Des sanctions sont actuellement à l’examen vis-à-vis du Soudan, en réaction à la crise du Darfour17.] On peut dire que la plus grande réussite en la matière fut l’usage multilatéral de sanctions contre le régime d’apartheid de l’Afrique du Sud. Bien entendu, tout pays a aussi la faculté d’infliger des sanctions à un autre pays, mais l’expérience a montré qu’à moins que le pays sanctionnant ne jouisse d’un monopole commercial disproportionné sur un produit vital pour le bien-être du pays sanctionné (pétrole ou produit agricole, par exemple), les sanctions unilatérales n’entraînent en général qu’une modification des équilibres commerciaux. Au surplus, de nombreux dictateurs ont vu dans l’existence de sanctions unilatérales une justification commode pour bloquer ou faire échouer des réformes intérieures. Ces sanctions peuvent cependant avoir un effet bénéfique, comme ce fut le cas, en 1978, des sanctions prises par les Etats-Unis contre la dictature sanglante d’Idi Amin Dada en Ouganda.

52.       Sur le plan diplomatique : Les sanctions diplomatiques constituent la forme de sanction la moins coûteuse (en termes de perturbations économiques, de pertes en vies humaines et d’épreuves pour les populations concernées). Leur but est de marginaliser publiquement un Etat et de l’embarrasser au point de l’amener à observer une politique donnée. Elles semblent produire des résultats particulièrement satisfaisants dans les sociétés démocratiques et ouvertes. Mais leur emploi nécessite manifestement la croyance des pays visés en la valeur du multilatéralisme et de la politique fondée sur le droit, valeur dont il a été prouvé que certains pays la mettaient en doute.

53.       Sur le plan économique : Les sanctions économiques sont généralement envisagées en cas d’échec des sanctions diplomatiques. Elles prêtent beaucoup à controverse, car elles mettent bien souvent à rude épreuve les éléments les plus vulnérables de la population de l’Etat visé, où elles occasionnent le chaos économique, la misère et même de nombreux décès. Là encore, l’Irak peut servir d’exemple de tout ce qui pose problème en matière de sanctions. Après la première guerre conduite par les Etats-Unis en Irak, en 1991, les Nations Unies ont imposé des sanctions à Saddam Hussein pour l’obliger à se dessaisir de ses armes de destruction massive. Alors que ces sanctions avaient été conçues à l’origine comme un moyen temporaire de contraindre l’Irak à respecter les résolutions du Conseil de Sécurité de l’Organisation des Nations Unies, elles ont duré plus de treize ans, et leurs détracteurs ont souligné que c’était le peuple irakien, et non ses dirigeants, qui avait supporté le plus gros de leurs conséquences. Une étude détaillée des sanctions économiques outrepasserait le cadre du présent rapport. Il existe néanmoins toute une littérature dans laquelle sont suggérés différents moyens de concevoir des « sanctions plus intelligentes » permettant de cibler avec davantage de précision les individus qui, au sein d’une population, portent la responsabilité des atteintes à la paix, et de ne pas pénaliser l’ensemble de cette population18.

iii.       Opérations unilatérales limitées

54.       Les pays ont un dernier moyen de contrer la prolifération de régimes hors-la-loi : il consiste à parrainer et à soutenir les groupes d’opposition au gouvernement en place. Il va de soi que cette option est hautement politique et que les pays qui la retiennent peuvent rarement éviter d’être accusés d’interventionnisme. Mais s’il faut choisir entre mener une guerre préventive et soutenir un mouvement politique éventuellement opprimé et sous-représenté qui promet de mieux respecter les valeurs internationales universels, beaucoup de gouvernements peuvent adopter la seconde forme d’intervention, surtout s’ils forment une coalition de pays soutenant (moralement et matériellement) le parti d’opposition.

VIII.       Conclusions

55.       J’estime qu’une Organisation comme le Conseil de l’Europe, dont l’une des missions consiste à défendre la prééminence du droit, devrait s’opposer à tout comportement contraire au droit international, y compris l’usage unilatéral et préventif de la force par un Etat ou une coalition d’Etats sans décision expresse du Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations Unies.

56.       Force est toutefois de reconnaître que, dans les faits, des actions unilatérales sont néanmoins menées sous le couvert de la doctrine de la guerre préventive. De surcroît, ces actions recueillent souvent le soutien ouvert ou tacite d’un certain nombre de pays qui les considèrent comme « le moindre de deux maux », compte tenu en particulier de la difficulté rencontrée par le système de sécurité collective des Nations Unies pour réagir avec célérité.

57.       Je suis convaincu que les actions unilatérales affaiblissent l’autorité et la crédibilité de l’Organisation des Nations Unies et qu’elles portent le risque d’accroître l’instabilité et de susciter de nouvelles menaces pour la paix. Les Etats membres du Conseil de l’Europe ainsi que ses Etats observateurs devraient s’engager envers le multilatéralisme et le principe d’une réponse collective face aux menaces mondiales, par opposition à l’unilatéralisme.

58.       Conformément aux prises de position antérieures de l’Assemblée, je pense que la solution réside dans un renforcement de l’Organisation des Nations Unies en termes de pertinence, de crédibilité et de légitimité. Il importe, en particulier, de réformer de toute urgence le Conseil de sécurité de l’ONU, qui devrait être non seulement plus représentatif des réalités géopolitiques actuelles, mais aussi plus efficace et capable de réagir face à des menaces pour la paix et la sécurité internationale, y compris le terrorisme et la prolifération d’armes de destruction massive.

59.       En outre, le Conseil de sécurité devrait disposer des instruments nécessaires pour appliquer la doctrine de la responsabilité de protéger, même préventivement, les populations civiles contre les violations graves des droits de l’homme, le génocide, le nettoyage ethnique et les crimes contre l’humanité. Par ailleurs, en ligne avec ses valeurs et ses principes, l’Europe devrait trouver la volonté politique d’intervenir dans des situations extrêmes de violations des droits de l’homme et de génocides auxquelles des populations sont confrontées sans que leur Etat puisse ou veuille les protéger.

60.       Finalement, le Conseil de l’Europe, par son autorité dans le domaine de la défense des droits de l’homme, serait une institution en mesure d’exercer un rôle de médiation dans la prévention et dans la résolution des conflits. Cette possibilité mérite d’être explorée avec attention.

* * *

Commission chargée du rapport : Commission des questions politiques

Renvoi en commission : renvoi n° 2969 du 21 juin 2004

Projet de résolution adopté à l’unanimité le 22 mai 2007

Membres de la commission : M. Abdülkadir Ateş (Président), M. Konstantion Kosachev (Vice-Président), M. Zsolt Németh (Vice-Président), M. Giorgi Bokeria (Vice-Président), M. Miloš Aligrudić, M. Birgir Ármannsson, M. Claudio Azzolini, M. Andris Bērzinš, M. Alexandër Biberaj, Mme Raisa Bohatyryova (remplaçante : Mme Olena Bondarenko), M. Luc Van den Brande, Mme Cornelia Cazacu, M. Lorenzo Cesa, M. Mauro Chiaruzzi, Mme Elvira Cortajarena (remplaçante : Mme Maria Aburto), Mme Anna Čurdová, M. Noel Davern, M. Dumitru Diacov, M. Michel Dreyfus-Schmidt, Mme Josette Durrieu, M. Joan Albert Farré Santuré, M. Piero Fassino (remplaçant : M. Pietro Marcenaro), M. Per-Kristian Foss (remplaçant : M. Vidar Bjørnstad), Mme Doris Frommelt, M. Jean-Charles Gardetto, M. Charles Goerens, M. Andreas Gross, M. Jean-Pol Henry, M. Serhiy Holovaty, M. Joachim Hörster, Mme Sinikka Hurskainen, M. Tadeusz Iwiński, M. Miloš Jeftić, Mme Corien W.A. Jonker, Mme Darja Lavtižar-Bebler, M. Göran Lindblad, M. Younal Loutfi, M. Mikhail Margelov, M. Tomasz Markowski, M. Dick Marty, M. Frano Matušić, M. Murat Mercan, M. Jean-Claude Mignon, M. Marko Mihkelson, Mme Nadezhda Mikhailova, M. Aydin Mirzazada (remplaçant : M. Sabir Hajiyev), M. Joāo Bosco Mota Amaral, Mme Natalia Narochnitskaya, Mme Miroslava Nemcova, M. Grygoriy Nemyrya, M. Fritz Neugebauer, M. Theodoros Pangalos, Mme Elsa Papadimitriou, M. Christos Pourgourides, M. Gordon Prentice (remplaçant : M. John Austin), M. Gabino Puche (remplaçant : M. Pedro Agramunt), M. Lluís Maria de Puig, M. Jeffrey Pullicino Orlando, M. Andrea Rigoni, Lord Russell-Johnston, M. Oliver Sambevski, M. Ingo Schmitt, Mme Hanne Severinsen, M. Samad Seyidov, M. Leonid Slutsky, M. Rainder Steenblock, M. Zoltán Szabó, Baroness Taylor of Bolton, M. Mehmet Tekelioğlu, M. Tigran Torosyan, M. Mihai Tudose (remplaçant : Mme Florentina Toma), M. José Vera Jardim, Mme Biruté Vesaité, M. Björn Von Sydow, M. Harm Evert Waalkens, M. David Wilshire, M. Wolgang Wodarg, Mme Gisela Wurm, M. Boris Zala, M. Krzysztof Zaremba (remplaçant : M. Karol Karski).

Ex-officio: MM. Mátyás Eörsi, Tiny Kox

N.B. : Les noms des membres qui ont pris part à la réunion sont imprimés en caractères gras

Chef du Secrétariat : M. Perin

Secrétaires de la Commission : Mme Nachilo, M. Chevtchenko, Mme Sirtori-Milner, Mme Pieter, M. Alarcón


1 Une grande partie du rapport traite de la guerre lancée contre l’Irak en 2003. Pour plus de cohérence terminologique, le rapport parle de cette guerre comme d’une guerre préventive, bien qu’on puisse prétendre que l’actuelle Stratégie de sécurité nationale des Etats-Unis d’Amérique englobe la notion de guerre préventive dans le concept global de guerre préemptive, permettant ainsi aux politiques de présenter comme préemptive la guerre en Irak. Voir Michael E. O’Hanlon, Susan E. et James B. Steinberg, « The New National Security Strategy and Preemption », Policy Brief # 113 of the United States of America, September 2002, The Brookings Institution (disponible aussi sur le site http://www.brook.edu/comm/policybriefs/pb113.htm) p.15.

2 Department of Defense, « Quadrennial Defense Review » (Washington, D.C.: U.S. Government Printing Office, September 30, 2001), p. 2 (disponible aussi sur le site http://www.defenselink.mil/pubs/qdr2001.pdf)

3 En fait, la Stratégie de sécurité nationale Clinton, publiée en 1998 (et qui est la dernière en date portant le nom de ce Président), divise les intérêts nationaux des Etats-Unis en « intérêts vitaux », « intérêts nationaux importants » et « intérêts humanitaires et autres ». En vertu de cette division, seule une menace affectant les « intérêts vitaux » des Etats-Unis peut susciter une réaction américaine de légitime défense. « A National Security Strategy for a New Century ». The White House, October 1998, p. 5-6 (disponible aussi sur le site http://clinton2.nara.gov/WH/EOP/NSC/html/documents/nssr.pdf)

4 In « Dans une liberté plus grande : développement, sécurité et droits de l’homme pour tous », mars 2005.

5 Rapport de la Commission des questions juridiques et des droits de l’homme sur la création d’un tribunal international pour juger les crimes de guerre, rapporteur : Mme Haller, Doc. 6587.

6 Anthony D’Amato, « Israel’s Air Strike Against the Osiraq Reactor : A Retrospective ».

7 Paul W. Schroeder, « Iraq, the Case Against Preemptive War », The American Conservative, October 21, 2002 (disponible aussi sur le site http://www.amconmag.com/10_21/iraq.html)

8 Steven R. Prebeck, Preventive attacks in the 1990s, 1993.

9 Francis Fukuyama, « The End of History and the Last Man » [La Fin de l’histoire et le dernier homme] (1992).

10 Samuel P. Huntington, « The Clash of Civilizations » [Le choc des civilisations], Foreign Affairs. v72, n3, Summer 1993

11 Henry D. Sokolski, « Mission Impossible », Bulletin of the Atomic Scientists, v57, n2, March/April 2001, pp.62-68 (disponible sur le site http://www.thebulletin.org/issues/2001/ma01/ma01sokolski.html))

12 Steven R. Weisman, “Doctrine of Pre-emptive War Has its Roots in Early 1990s,” New York Times, 24 mars 2003. (disponible sur le site: http://www.iht.com/articles/90747.html)

13 Jonathan Schell, « The Case Against the War », The Nation, March 3, 2003 (disponible aussi sur le site http://www.thenation.com/doc.mhtml?i=20030303&s=schell)

14 Robert Kagan, « Multilateralism, American Style », The Washington Post, Sept. 13, 2002 (disponible sur le site http://www.newamericancentury.org/global-091302.htm). Voir aussi Richard Falk, « Les Nations unies prises en otage », Le Monde Diplomatique, n° 585, déc. 2002 p. 1, 23, qui décrit ce concept comme un « multilatéralisme de façade ».

15 En ce qui concerne ces divergences transatlantiques, la Commission des questions politiques de l’APCE a approuvé un rapport sur « Les relations entre l’Europe et les Etats-Unis » (Doc. 10353), qui expose en détail les origines possibles des divergences en question et les moyens éventuels d’y remédier.

16 La Commission des questions politiques de l’APCE a approuvé un rapport sur « Le renforcement des Nations Unies » (Doc. 10120), dans lequel elle étudie les moyens de réformer l’Organisation des Nations Unies afin de la rendre plus efficace et mieux équipée pour répondre aux besoins de ses pays membres.

17 Résolution 1556 (2004) du Conseil de Sécurité de l’ONU imposant un embargo sur les armes et Résolution 1591 (2005) établissant la Commission pour les sanctions à l’encontre du Soudan.

18 Voir, par exemple, le manuel pratique pour la conception et la mise en œuvre de sanctions publié par le gouvernement suisse et le Watson Institute for International Studies (Brown University). Thomas Bierstecker et al, « Targeted Financial Sanctions : A Manual for Design and Implementation », 2001 (disponible sur le site http://www.smartsanctions.ch/interlaken_manual.htm)