1. Interprétation du mandat
1. Le 6 juin 2005, le Bureau a soumis la proposition
contenue dans le
Doc. 10531 à
la commission des questions juridiques et des droits de l’homme
pour rapport (Renvoi no 3087). Celle-ci
m’a nommé rapporteur le 7 novembre 2005 (en remplacement de l’ancien
rapporteur, M. Holovaty).
2. La sous-commission sur les problèmes criminels et la lutte
contre le terrorisme, dont le rapporteur est le président, a tenu
le 5 octobre 2006 un échange de vues consacré à cette question.
Mme Akcay (Turquie), vice-présidente
du Comité directeur pour les droits de l’homme (CDDH), et Mme Zankova
(Bulgarie), membre du bureau du Comité directeur sur les médias
et les nouveaux services de communication (CDMC), ont été invitées
à s’exprimer
.
3. Le rapporteur constate d’emblée qu’il existe des divergences
de point de vue quant à l’opportunité ou non de dépénaliser la diffamation.
4. Comme le rapporteur va l’exposer, les législations actuelles
des Etats membres du Conseil de l’Europe prévoient majoritairement
que la diffamation relève du droit pénal et qu’il s’agit d’une infraction
susceptible d’être punie, au moins en théorie, par une peine de
prison.
5. Or, s’il s’agit là d’un état de la législation; force est
de constater que rares sont les Etats ayant recours à de telles
sanctions dans la pratique, pourtant prévues par la loi.
6. Il semble donc nécessaire de soulever la question de savoir
si le caractère pénal des peines encourues en cas de diffamation
est réellement adéquat et sert de manière appropriée son but: garantir
la protection de la réputation et des droits d’autrui.
7. D’une manière générale, et dans le souci d’éviter les répétitions,
le rapporteur renvoie le lecteur pour de plus amples informations
au rapport très complet préparé par le CDMC publié en mars 2006
.
C’est la raison pour laquelle l’aperçu des législations sera présenté
de façon assez succincte, cette question étant particulièrement
développée dans le rapport du CDMC.
2. Définition des concepts
8. La diffamation peut être une affirmation de faits
sous forme écrite ou autre, ou s’exprimer oralement ou gestuellement,
ce que l’on taxe de «calomnie». Pour être considérée comme diffamatoire,
une affirmation de fait doit être publique, porter atteinte à la
réputation et être fausse. L’injure, au contraire de la diffamation,
ne suppose pas l’imputation d’un fait précis.
9. Dans son rapport, le CDMC constate que les distinctions théoriques
entre la diffamation et l’insulte ne sont pas toujours visibles
dans la pratique et rappelle ceci: «Les législations relatives à
la diffamation sont souvent appliquées aux insultes en raison du
caractère flou de leur libellé ou de l’interprétation qui en est donnée.»
10. C’est la raison pour laquelle il considère que «le terme “diffamation”
désigne les affirmations de faits, qu’elles soient exactes ou non,
et l’expression d’opinions qui portent atteinte à la réputation
d’autrui et/ou sont blessantes; il peut également s’appliquer à
des symboles particuliers de l’Etat (drapeau ou hymnes nationaux, par
exemple)»
.
11. Par ailleurs, plusieurs organisations non gouvernementales
(ONG) se sont également penchées sur la question en traitant à la
fois de la diffamation et de l’insulte pour dénoncer l’abus qui
peut être fait des législations y afférant
.
12. Le rapporteur entend également adopter ici cette approche
large afin de prendre en compte tous les cas de figures rencontrés
dans la pratique, tout en maintenant la distinction entre les deux
types d’atteintes à l’honneur et à la réputation. Il est d’avis
que les Etats membres devraient procéder à une révision de leur législations
afin de mieux définir les termes utilisés de manière à éviter toute
confusion, et donc tout risque d’arbitraire dans l’application de
la loi.
3. Aperçu des législations dans les Etats membres:
l’absence d’harmonisation
13. Les législations en matière de diffamation ont pour
objet de garantir la protection de la réputation d’autrui.
14. Il n’existe à ce jour aucune harmonisation législative dans
les Etats membres du Conseil de l’Europe sur la question du caractère
pénal ou civil des sanctions à l’égard de la diffamation. Cependant,
la majorité des Etats membres prévoient encore des sanctions pénales.
15. Les peines d’emprisonnement maximales encourues varient de
un an (en Croatie, en Islande, en Lettonie, à Saint-Marin) à cinq
ans (en Arménie, en Azerbaïdjan, en Allemagne, en Italie, en Slovaquie).
On relève dans plusieurs cas des peines plus importantes encourues
en cas de diffamation du chef de l’Etat (entre autres Italie, Portugal
et Turquie) ou, le cas échéant, de la famille royale (Pays-Bas,
Norvège). On note une disposition spécifique à la Pologne qui prévoit
une peine maximale d’emprisonnement de dix ans en cas d’insulte
publique et par un moyen de communication de masse de la nation
polonaise, son système politique ou ses organes principaux. Ce dernier
cas fait figure d’exception tant par la lourdeur de la peine prévue
que par la nature de l’infraction en tant que telle.
16. Il convient de remarquer que, si la majorité des Etats membres
prévoit des sanctions à caractère pénal – y compris l’emprisonnement
– en cas de diffamation, rares sont ceux qui ont recours à l’incarcération
dans la pratique.
17. Cependant, un nombre significatif d’Etats membres a récemment
procédé à la dépénalisation de la diffamation, ne prévoyant donc
plus que des recours relevant du droit civil
. Les procédures
civiles peuvent déboucher sur d’importantes sommes en termes de
dommages-intérêts.
18. Un nombre assez important d’Etats membres prévoit dans leurs
législations respectives différents moyens qui peuvent être évoqués
par la défense. Au nombre de ceux-là, on compte la vérité, l’intérêt
général et, parfois, la bonne foi.
4. Contexte: la liberté d’expression, pierre angulaire
de la démocratie
19. 19. On se contentera ici de rappeler brièvement certains
éléments du cadre normatif défini par la Cour européenne des Droits
de l’Homme à Strasbourg (ci-après «la Cour»).
20. L’article 10 de la Convention européenne des Droits de l’Homme
(CEDH) garantit le droit à la liberté d’expression. Cette disposition
fait l’objet d’une jurisprudence abondante par la Cour, qui l’interprète
d’une manière particulièrement large.
21. Le pluralisme, la tolérance et l’ouverture d’esprit – et par
là même une société démocratique – ne peuvent exister que si un
débat public libre est possible.
22. C’est la raison pour laquelle les restrictions prévues à l’alinéa
2 de l’article 10 de la CEDH sont interprétées de manière particulièrement
restrictive par la Cour
et celle-ci ne
reconnaît qu’une marge de manœuvre très restreinte aux Etats dans
les limitations à la liberté d’expression.
23. Rappelons l’arrêt Handyside dans lequel la Cour déclare que
la liberté d’expression est «l’un des fondements essentiels» de
la société démocratique. La protection apportée à cette liberté
couvre «les “informations” ou “idées” accueillies avec faveur ou
considérées comme inoffensives ou indifférentes, mais aussi (…)
celles qui heurtent, choquent ou inquiètent l’Etat ou une fraction
quelconque de la population»
.
24. Le débat sur la diffamation se situe clairement dans le contexte
de la liberté d’expression de la presse, bien plus que des particuliers.
Ce sont évidemment les journalistes qui sont le plus souvent l’objet
de poursuites judiciaires pour diffamation, et quasi systématiquement
en raison de leurs propos sur des personnes publiques et/ou politiques.
25. Or la presse est détentrice du rôle bien affirmé dans la jurisprudence
de «chien de garde» qui lui a été reconnu à maintes reprises par
la Cour
, qui met en évidence le rôle
essentiel joué par les médias dans les sociétés démocratiques.
26. Il est nécessaire que la distinction soit faite entre les
faits et l’opinion (y compris le jugement de valeur, la critique
et la satire). Dans le second cas, la possibilité d’ingérence de
l’Etat est encore plus réduite, afin d’éviter un effet d’autocensure
dans l’expression d’opinions par crainte de poursuites judiciaires.
L’Assemblée a d’ailleurs très clairement procédé à cette distinction
dans sa
Résolution 1003
(1993) en affirmant: «Le principe de base de toute réflexion
morale sur le journalisme doit partir d’une claire différenciation
entre nouvelles et opinions, en évitant toute confusion. Les nouvelles
sont des informations, des faits et des données, et les opinions
sont l’expression de pensées, d’idées, de croyances ou de jugements
de valeur par les médias, les éditeurs ou les journalistes.»
27. Enfin, et c’est primordial, toute ingérence de l’Etat dans
la liberté d’expression doit être nécessaire dans une société démocratique,
c’est-à-dire répondre à un «besoin social impérieux»
.
5. Appels en faveur de la dépénalisation de la diffamation
28. Le représentant sur la liberté des médias de l’Organisation
pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) s’est engagé
avec détermination en faveur de la dépénalisation de la diffamation.
Il multiplie les actions et les prises de position en ce sens, non
sans un certain succès.
29. Le représentant sur la liberté des médias s’engage non seulement
en dénonçant les cas d’emprisonnement de journalistes sur la base
des législations relatives à la diffamation, en appelant les autorités
des Etats concernés à dépénaliser la diffamation, mais également
en organisant et en participant à des tables rondes consacrées à
cette question. Une table ronde a, par exemple, été organisée en
Azerbaïdjan, à laquelle ont été invités tant des membres du gouvernement
que des représentants de la société civile. Il apporte également
son soutien dans la préparation et la rédaction de projets de lois
relatifs à la diffamation.
30. En 2003, l’OSCE et Reporters sans frontières (RSF) ont conjointement
organisé une Table ronde sur la diffamation dans les pays de l’OSCE,
à l’issue de laquelle ont été adoptées des recommandations qui préconisent,
entre autres, d’abroger les lois pénales concernant les délits de
diffamation et d’insulte ainsi que celles sur l’offense conférant
une protection excessive aux pouvoirs constitués. Elles insistent
également sur l’interprétation restrictive à appliquer à ce qui
peut être considéré comme diffamatoire, en le limitant aux déclarations
de faits et non à l’expression d’opinions
.
31. Le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe s’est prononcé,
en mai 2006, sans ambiguïté en faveur de la dépénalisation de la
diffamation, considérant que «les menaces de poursuites pour diffamation constituent
une forme particulièrement insidieuse d’intimidation»
.
32. L’Assemblée a également adopté plusieurs textes pertinents.
Dans certains d’entre eux, elle est allée assez loin dans ses conclusions
relatives à la dépénalisation de la diffamation en recommandant
dans des cas précis, par exemple à l’Albanie, «d’abroger ou (…)
revoir en profondeur la législation pénale relative à la diffamation
et de réformer la législation civile s’y rapportant, pour empêcher
toute application abusive
».
6. Des situations à différencier
33. Le rapporteur souhaite distinguer différentes situations
afin d’essayer de cerner si la législation pénale peut être une
réponse appropriée dans des cas particuliers.
6.1. Personnalités politiques et chefs d’Etat
34. Parmi les arrêts fondateurs de la jurisprudence en
matière de liberté d’expression, on retiendra particulièrement l’arrêt
Lingens c. Autriche qui précise
que «la liberté de la presse fournit à l’opinion publique l’un des
meilleurs moyens de connaître et juger les idées et attitudes des
dirigeants. (…) Les limites de la critique admissible sont plus
larges à l’égard d’un homme politique, visé en cette qualité, que
d’un simple particulier: à la différence du second, le premier s’expose
inévitablement et consciemment à un contrôle attentif de ses faits
et gestes tant par les journalistes que par la masse des citoyens;
il doit, par conséquent, montrer une plus grande tolérance»
.
35. La Cour estime donc, et l’a répété à de nombreuses reprises
, que les personnes publiques,
et surtout les hommes politiques, qui sont le plus souvent les cibles
de ce qui est susceptible de relever de la diffamation, doivent
accepter une critique plus grande que les particuliers du fait même
de leurs fonctions.
36. Toute disposition juridique qui apporterait une protection
contre la diffamation renforcée aux hommes politiques, aux membres
du gouvernement, et aux hauts fonctionnaires se révèle donc incompatible
avec l’article 10 de la CEDH
.
37. On notera également la Déclaration sur la liberté du discours
politique dans les médias adoptée le 12 février 2004 par le Comité
des Ministres, qui déclare que «l’Etat, le gouvernement ou tout
autre organe des pouvoirs exécutif, législatif ou judiciaire peuvent
faire l’objet de critiques dans les médias. En raison de leur position
dominante, ces institutions ne devraient pas être protégées en tant
que telles par le droit pénal contre les déclarations diffamatoires
ou insultantes. Lorsque ces institutions bénéficient toutefois d’une
telle protection, cette protection devrait être appliquée de façon
très restrictive en évitant, dans tous les cas, qu’elle puisse être
utilisée pour restreindre la liberté de critique. Les personnes
représentant ces institutions restent par ailleurs protégées en
tant qu’individus».
38. Par ailleurs, la Cour a appliqué la même jurisprudence dans
les cas d’allégations de diffamation à l’encontre de chefs de gouvernements
et de chefs d’Etat étrangers
.
39. A la suite de sa condamnation par la Cour
, la France
a modifié sa législation et, par la loi du 9 mars 2004, a abrogé
l’article 36 de la loi du 29 juillet 1881 qui punissait le délit
d’offense commis publiquement envers les chefs d’Etats étrangers,
les chefs de gouvernements étrangers et les ministres des Affaires étrangères
d’un gouvernement étranger de un an d’emprisonnement et/ou d’une
amende d’environ 45 000 euros. Des observateurs notent que plusieurs
dispositions de la loi française sur la liberté de la presse ont
été abrogées à la suite de leur censure répétée de la part des juges
de Strasbourg et que ces abrogations ponctuelles ont entraînées
certaines incohérences dans cette loi
. Ainsi donc l’on pourrait penser
qu’il serait utile que la législation française relative à la presse
fasse l’objet d’une refonte globale visant à la mettre en conformité,
de manière cohérente, avec la jurisprudence développée par la Cour
. Dans ce contexte,
le rapporteur note que la législation irlandaise fait actuellement
l’objet d’une refonte complète et qu’un projet de loi sur la diffamation
a été publié en juin 2006. Cette réforme très attendue, tant par
les professionnels des médias que par la doctrine, a pour but de
réviser la législation afin de la mettre en conformité avec la jurisprudence
de la Cour
.
40. L’OSCE a mis en exergue la nécessité d’amender certaines dispositions
du nouveau Code pénal turc afin de le mettre en conformité avec
les normes internationales en matière de liberté d’expression, y
compris son article 125.3. Cet article prévoit des sanctions alourdies
pour des calomnies à l’égard de personnalités publiques officielles
(assorties d’une peine d’emprisonnement)
. Une telle disposition
semble aller à l’encontre de la jurisprudence de la Cour susmentionnée.
6.2. Atteintes aux symboles de l’Etat
41. Il semblerait qu’un consensus existe et que cette
question ne soit pas considérée sous l’angle de la diffamation.
Cependant, un abus des dispositions légales spécifiques garantissant,
dans certains Etats membres, la protection des symboles de l’Etat,
est susceptible d’apporter une restriction à la liberté d’expression
très proche de celles issues de l’abus des lois antidiffamation.
C’est la raison pour laquelle le rapporteur a choisi d’évoquer cette
question ici. Le rapporteur constate que le représentant sur la
liberté des médias a demandé aux autorités turques d’abolir les
dispositions prévues à l’article 301 du Code pénal turc relatives
au «dénigrement de l’identité turque»
.
Le Conseil de l’Europe, l’Union européenne et l’OSCE ont également
exprimé de vives inquiétudes eu égard à cette disposition, allant
jusqu’à en demander l’abrogation
. A la fin de l’année
2006, le Premier ministre turc, Recep Erdog˘ an, s’est dit prêt
à amender cette loi limitant la liberté d’expression
.
On rapporte que le gouvernement aurait initié des discussions en
ce sens avec la société civile. Le rapporteur se félicite de cette
initiative et espère que des résultats concrets seront très prochainement
réalisés
.
6.3. Caractère pénal de la sanction
42. Concernant les restrictions à la liberté d’expression,
un élément prévaut dans l’argumentation de la Cour européenne des
Droits de l’Homme: celui du respect de la proportionnalité. Ainsi,
elle s’exprime en ces termes: «Il reste certes loisible aux autorités
compétentes de l’Etat d’adopter, en leur qualité de garantes de
l’ordre public, des mesures même pénales, destinées à réagir de
manière adéquate et non excessive à de pareils propos.»
La
Déclaration sur la liberté du discours politique dans les médias
du Comité des Ministres soutient clairement cette position
.
43. Si la Cour n’a encore jamais considéré le recours aux sanctions
à caractère pénal en tant que tel comme une violation de l’article
10 de la CEDH, elle a cependant statué que «la position dominante
que [le gouvernement] occupe lui commande de témoigner de la retenue
dans l’usage de la voie pénale, surtout s’il a d’autres moyens de
répondre aux attaques et critiques injustifiées de ses adversaires
ou des médias»
.
44. La voie civile peut-elle être actuellement toujours considérée
comme un moyen autre plus approprié pour répondre aux attaques et
critiques injustifiées susceptibles de provenir des médias?
45. On notera avec intérêt la jurisprudence de la Cour de cassation
française en assemblée plénière qui affirme que «les abus de la
liberté d’expression prévus et réprimés par la loi du 29 juillet
1881 ne peuvent être réparés sur le fondement de l’article 1382
du Code civil»
.
La Cour de cassation a en effet considéré qu’un tel recours fondé
sur le Code civil permettrait aux personnes se prétendant diffamées
d’échapper aux rigueurs procédurales de la loi de 1881 destinées
à protéger la presse. La Cour de cassation considère donc en l’occurrence
que la loi de 1881, quoique prévoyant des sanctions en vertu du
Code pénal, accorde une plus grande protection à la liberté de la
presse que les dispositions du Code civil.
46. Cet exemple témoigne que, en l’état actuel des législations
civiles, la liberté de la presse et la liberté d’expression pourraient
en fait pâtir d’une dépénalisation de la diffamation. Une refonte
complète des dispositions législatives serait nécessaire, voire
une redéfinition de certains concepts juridiques.
47. Cependant, n’oublions pas qu’une sanction pénale, même sans
incarcération, entraîne son inscription au casier judiciaire de
la personne responsable. Ce fait peut être lourd de conséquences,
tant sur le plan symbolique que sur le plan pratique.
48. Le rapporteur relève avec inquiétude que certains Etats membres
ne font pas preuve de la modération nécessaire en termes de sanctions
en cas de diffamation, qu’elles relèvent du droit pénal ou du droit
civil. On retiendra l’exemple de l’Albanie qui a déjà été dénoncé
par l’Assemblée parlementaire dans sa
Résolution 1377 (2004) .
Dans cette résolution, l’Assemblée appelle les autorités à réformer
tant les dispositions du Code pénal que celles du Code civil eu
égard à la diffamation «pour empêcher toute application abusive»
. Dans
son rapport relatif à l’Albanie, la Commission européenne note des
tentatives de la part des autorités d’influencer les informations
diffusées par les médias, entre autres «par le recours systématique
à des plaintes en diffamation
». Article 19 a également dénoncé des recours
abusif à la législation anti diffamation en Fédération de Russie
.
6.4. Peines d’emprisonnement pour diffamation
49. Dans sa Déclaration sur la liberté du discours politique
dans les médias adoptée le 12 février 2004, le Comité des Ministres
affirme ceci: «La diffamation ou l’insulte par les médias ne devrait
pas entraîner de peine de prison, sauf si cette peine est strictement
nécessaire et proportionnée au regard de la gravité de la violation des
droits ou de la réputation d’autrui, en particulier si d’autres
droits fondamentaux ont été sérieusement violés à travers des déclarations
diffamatoires ou insultantes dans les médias, comme le discours
de haine.»
50. La Cour a récemment statué de la sorte: «Si la fixation des
peines est en principe l’apanage des juridictions nationales, la
Cour considère qu’une peine de prison infligée pour une infraction
commise dans le domaine de la presse n’est compatible avec la liberté
d’expression journalistique garantie par l’article 10 de la Convention
que dans des circonstances exceptionnelles, notamment lorsque d’autres
droits fondamentaux ont été gravement atteints, comme dans l’hypothèse,
par exemple, de la diffusion d’un discours de haine ou d’incitation
à la violence.»
51. La Cour se positionne ainsi clairement en faveur de l’abrogation
des peines de prison en cas de diffamation, dès lors qu’il n’y pas
eu atteinte grave à d’autres droits fondamentaux.
52. En 2003 l’Assemblée s’est prononcée contre les peines d’emprisonnement
des journalistes, les considérant inacceptables
.
53. Un certain nombre d’Etats membres du Conseil de l’Europe ont
d’ores et déjà procédé à la suppression des peines de prison en
cas de diffamation
.
Dans ce contexte, on peut s’interroger sur l’opportunité et la légalité
de la peine de prison prononcée en appel à l’encontre d’un journaliste,
Slavko Savic, en Serbie quelques mois après l’entrée en vigueur
du nouveau Code pénal ayant supprimé la peine d’emprisonnement en
cas de diffamation. Grâce aux efforts entrepris en ce sens par le
représentant pour la liberté des médias le procureur a soulevé la
question de la légalité de cette sentence en demandant à la Cour
suprême de réexaminer l’affaire
.
54. Des cas d’emprisonnements subsistent dans plusieurs pays,
comme la Turquie et l’Azerbaïdjan. De nombreux cas de poursuites
à l’encontre de journalistes ont été relevés en Azerbaïdjan par
le représentant pour la liberté des médias. Nombre de ces poursuites
ont été initiées par des officiels du gouvernement. On compte plusieurs
journalistes actuellement emprisonnés à l’issue de telles procédures.
Le représentant pour la liberté des médias regrette que cette tendance
aille à l’encontre de l’appel lancé en mars 2005 par le Président
Ilham Aliyev, à la suite du meurtre d’Elmar Huseynov, demandant
aux officiels azéris de ne pas initier de poursuites pour diffamation
à l’encontre des journalistes et des médias
. Dans le même sens, deux éditeurs,
emprisonnés pour diffamation et insulte envers des personnalités
publiques, ont bénéficié d’un pardon via un décret présidentiel
en octobre 2006
. Ces pardons ont été qualifiés
d’avancées positives par le représentant pour la liberté des médias
. Malgré ces avancées,
le rapporteur relève avec inquiétude qu’un éditeur a été condamné
le 20 avril 2007 à deux ans et demi de prison pour diffamation.
On rapporte que cette condamnation se situerait dans le contexte
de la volonté des autorités de réduire au silence les médias critiques
.
55. Les journalistes ne sont pas les seules victimes de peines
de prison pour avoir usé de leur liberté d’expression, le rapport
de M. Pourgourides relatif à «l’équité des procédures judiciaires
dans les affaires criminelles d’espionnage ou de divulgation de
secrets d’Etat» est suffisamment éloquent et démontre l’injustice de
l’emprisonnement de scientifiques, MM. Soutiaguine et Danilov, pour
avoir «révélé» des informations qui faisaient pourtant déjà partie
du domaine public
.
56. Chacun de ces cas d’emprisonnement est une entrave inacceptable
à la liberté d’expression et fait peser une réelle épée de Damoclès
sur les journalistes dans l’exercice de leur travail dans l’intérêt
public. C’est la société tout entière qui pâtit des conséquences
des pressions que peuvent ainsi subir des journalistes muselés dans
l’exercice de leur métier. Le rapporteur est d’avis que les peines
carcérales pour diffamation doivent être abrogées sans délais. Il
exhorte urgemment les Etats membres du Conseil de l’Europe dont
les législations prévoient encore des peines de prisons, mais qui
n’y ont jamais recours, de les abroger sans délais afin de ne plus
offrir une excuse trop évidente, quoique injustifiée, aux Etats
y ayant encore recours pour refuser d’abolir des dispositions similaires
de leurs législations
.
6.5. Moyens de défense et charge de la preuve pour
des allégations ayant un caractère d’intérêt public
57. Au vu de la jurisprudence de la Cour, en l’absence
de besoin social impérieux, les personnes accusées de diffamation
doivent avoir la possibilité d’invoquer l’intérêt général pour se
défendre. La protection de la réputation d’autrui ne devrait pas
l’emporter, dans ce cas, sur la communication de bonne foi d’informations
et d’opinions sur des questions d’intérêt général.
58. La Cour a d’ailleurs clairement statué qu’en cas de procédure
pénale les journalistes doivent avoir la possibilité de prouver
la véracité de leurs déclarations de fait
(exceptio
veritatis) et de s’exonérer ainsi de leur responsabilité
pénale
.
59. L’effet dissuasif d’une sanction pénale, aussi minime soit-elle,
fait peser un risque sur la liberté d’expression. Il est donc d’autant
plus important que les dispositions procédurales apportent une protection appropriée
aux journalistes et aux particuliers étant poursuivis pour s’être
exprimés.
60. Par ailleurs, si l’accusé est en mesure de prouver avoir fait
preuve de la diligence nécessaire dans la publication et s’il peut
prouver qu’il était donc raisonnable de publier les allégations
en question, même si elles se révèlent fausses a posteriori, l’accusé
devrait être relaxé. Cette revendication repose sur la constatation faite
par la Cour que «l’information est un bien périssable et en retarder
la publication, même pour une brève période, risque fort de la priver
de toute valeur et de tout intérêt»
. La Cour a par ailleurs considéré
que «la presse doit en principe pouvoir s’appuyer sur des rapports
officiels sans avoir à entreprendre des recherches indépendantes»
.
Le fait justificatif de bonne foi
garantit
que l’expression de la liberté d’expression, qui autorise l’expression
d’opinions critiques, se fait légitimement sur la base d’un fondement
solide même s’il n’est pas possible d’en prouver entièrement la
véracité. La Cour considère donc dans sa jurisprudence que des allégations
qui ne sont pas dépourvues de toute base factuelle relèvent de l’exercice
de la liberté d’expression
.
61. Dans ce contexte, le rapporteur s’étonne des dispositions
de l’article 35 de la loi française sur la liberté de la presse
du 29 juillet 1881 qui prévoit de nombreuses exceptions, pour lesquelles
apporter la preuve de la vérité de faits diffamatoires en vue de
mettre fin aux poursuites n’est pas autorisé. Ainsi, l’article 35
de cette loi dispose ce qui suit:
«La
vérité des faits diffamatoires peut toujours être prouvée, sauf:
a. lorsque l’imputation concerne
la vie privée de la personne;
b. lorsque l’imputation
se réfère à des faits qui remontent à plus de dix années;
c. lorsque l’imputation se
réfère à un fait constituant une infraction amnistiée ou prescrite,
ou qui a donné lieu à une condamnation effacée par la réhabilitation
ou la révision; (…)»
62. Le rapporteur pense qu’il est injustifié de ne pas permettre
à l’inculpé de prouver la véracité de faits diffamatoires dès lors
que l’imputation se réfère à des faits vieux de plus de dix ans.
Bien au contraire, c’est souvent à l’issue de délais assez longs
que les témoignages font surface ou que les documents sont accessibles
et permettent de faire toute la lumière sur certains faits. On peut
s’avancer à faire une analogie avec la jurisprudence développée
par la Cour dans l’arrêt Colombani et penser que la Cour de Strasbourg considérerait
cette disposition non conforme à la Convention
. En effet, dans cette affaire, la Cour
a considéré que le régime exorbitant applicable aux offenses à l’égard
des chefs d’Etat étrangers, qui à l’inverse du droit commun interdisait
de prouver la véracité des faits, était non conforme avec les dispositions
de l’article 10 de la CEDH
.
6.5.1. Charge de la preuve pour des allégations ayant
un caractère d’intérêt public
63. Au Royaume-Uni, on notera avec intérêt une décision
porteuse d’importantes conséquences en termes jurisprudentiels.
Il s’agit de l’affaire
Jameel c. Wall
Street Journal Europe dans laquelle la Chambre des Lords a statué
qu’un journal est en droit de publier des allégations non prouvées
dès lors qu’elles relèvent de l’intérêt général, à la condition
d’avoir fait tout ce qui était possible pour établir les faits
.
64. Les législations des Etats membres ne sont pas toutes conformes
à cette jurisprudence et prévoient au contraire que la charge de
la preuve de la véracité des faits repose sur le journaliste
.
Le rapporteur est d’avis que, afin de garantir la liberté d’expression
et en considérant que la société a intérêt à ce que les sujets d’intérêt général
fassent l’objet d’un débat ouvert, il conviendrait de reprendre
la jurisprudence de la Chambre des Lords précitée afin d’établir
une meilleure protection de la liberté d’expression des journalistes
quand il est manifeste qu’ils ont fait tout ce qui était possible
pour établir les faits.
6.6. Protection des sources journalistiques
65. Une question assez délicate quant à l’apport de la
preuve de la véracité des faits réputés diffamatoires se pose. En
effet, le respect de la protection des sources journalistiques interdit
parfois aux journalistes de révéler l’origine de leurs informations
.
66. A plusieurs reprises, la Cour a affirmé que «la protection
des sources journalistiques est l’une des pierres angulaires de
la liberté de la presse» et qualifie cette protection «d’intérêt
public capital»
.
La Cour est même allée jusqu’à considérer que l’obligation de divulguer
la source journalistique violait le droit à la liberté d’expression
au sens de l’article 10 de la Convention, même si l’information
était confidentielle et que l’informateur se l’était procurée par
des moyens déloyaux.
67. Des évolutions en droit national sous l’effet de la jurisprudence
de la Cour ont été particulièrement visibles sur cette question.
On retiendra l’exemple français, dont les instances judiciaires
nationales avaient développé un délit de «recel de violation du
secret professionnel ou de l’instruction» pour des cas dans lesquels
des journalistes publiaient des informations sur la base de documents
obtenus à la suite d’une infraction (commise par leurs sources et
provenant, par exemple, de la violation du secret professionnel
ou d’un vol par celles-ci). La Cour a considéré que le délit de
recel ainsi défini était constitutif d’une violation de l’article
10 de la CEDH
.
De plus, le délit de recel peut empêcher le journaliste poursuivi
de s’exonérer de sa responsabilité pénale, ce qui porte atteinte
aux droits de la défense de ce dernier
.
68. A travers cette jurisprudence, la Cour a créé ce qui a été
qualifié par la doctrine de «véritable immunité de défense» au profit
du journaliste poursuivi pour diffamation, lui permettant de taire
ses sources ou encore de produire un document à la base de la défense
sans pour autant devoir justifier l’avoir reçu par des voies prévues
dans le Code pénal, c’est-à-dire licites
. Ce faisant, la Cour a renforcé le droit
à l’information car «l’absence d’une protection [des sources journalistiques]
pourrait dissuader les sources journalistiques d’aider la presse
à informer le public sur des questions d’intérêt général»
.
69. On remarque que la législation d’un certain nombre d’Etats
membres ne semble pas être en conformité avec la jurisprudence de
la Cour. On retiendra l’exemple de l’Azerbaïdjan: Article 19 rapporte
que la loi sur la diffamation peut être interprétée de manière que
le refus de révéler ses sources puisse être pris en considération
comme un élément retenu à charge en matière de diffamation. Article
19 exhorte les autorités à préciser les dispositions de l’article
7.2 de la loi sur la diffamation afin qu’une telle interprétation
en soit clairement exclue
. Dans ce contexte,
on note avec intérêt la récente décision du Bundesverfassungsgericht (Cour
constitutionnelle allemande) en date du 27 février 2007. Cette décision
a sensiblement renforcé la protection des sources journalistiques,
car la perquisition des locaux d’un journal
(Cicero),
dans le but principal de découvrir l’identité de la source, a été
déclarée anticonstitutionnelle. Le journal avait publié des documents secrets
du Service fédéral des renseignements allemand (BND)
.
6.7. Diffamation/Discours de haine et négationnisme
70. Le rapporteur est d’avis que l’on ne peut pas amalgamer
ces situations. Certes la diffamation – affirmation inexacte de
faits – et les insultes peuvent se révéler, par nature, blessantes.
Mais le discours de haine a une tout autre intensité intentionnelle
et est largement plus lourd de conséquences du fait de son caractère
incitatif.
71. Dans sa Recommandation no R (97)
20, le Comité des Ministres définit le discours de haine en ces termes:
«Le terme de “discours de haine” doit être compris comme couvrant
toutes formes d’expression qui propagent, incitent à, promeuvent
ou justifient la haine raciale, la xénophobie, l’antisémitisme ou
d’autres formes de haine fondées sur l’intolérance, y compris l’intolérance
qui s’exprime sous forme de nationalisme agressif et d’ethnocentrisme,
de discrimination et d’hostilité à l’encontre des minorités, des
immigrés et des personnes issues de l’immigration.»
En
revanche, le Comité d’experts pour le développement des droits de l’homme
(DH-DEV), au sein du Comité directeur pour les droits de l’homme,
constate qu’il n’existe pas de définition universellement reconnue
du discours de haine et que les législations des Etats membres n’appréhendent
pas ce concept de façon uniforme
.
72. 72. La Commission européenne contre le racisme et l’intolérance
(ECRI) recommande que soient érigées en infractions pénales l’incitation
publique à la violence, à la haine ou à la discrimination; les injures
ou la diffamation; les menaces à l’égard d’une personne ou d’un
ensemble de personnes, en raison de leur race, leur couleur, leur
langue, leur religion, leur nationalité ou leur origine nationale
ou ethnique, dès lors qu’il s’agit de comportements intentionnels
.
73. La jurisprudence de la Cour opère également une distinction
entre différentes catégories de diffamation. En effet, à l’inverse
de sa position dans les autres cas de diffamation, il est arrivé
que la Cour ne constate pas de violation de la Convention même dans
le cas d’imposition d’une peine de prison dans des affaires de diffamation
comportant une incitation à la violence ou la diffusion d’un discours
de haine
.
74. Elle va même beaucoup plus loin en excluant du champ d’application
de la Convention un discours clairement raciste, xénophobe ou négationniste.
Elle se fonde sur l’article 17 de la Convention dont le but est de
«retirer à ceux qui veulent utiliser les garanties conventionnelles
le bénéfice de ces droits puisque leur objectif est de remettre
en cause les valeurs que la Convention protège»
. La Cour a,
par la suite, statué que «la négation ou la révision de faits historiques
[en l’occurrence les exactions du régime national-socialiste] remettent
en cause les valeurs qui fondent la lutte contre le racisme et l’antisémitisme
et sont de nature à troubler gravement l’ordre public»
. La Cour a finalement statué de
façon on ne peut plus claire: «il ne fait aucun doute que des expressions
concrètes constituant un “discours de haine”, qui pourrait être
insultant pour des individus ou groupes spécifiques, ne bénéficient
pas de la protection de l’article 10 de la Convention
».
75. En France, un projet de loi adopté en première lecture par
l’Assemblée nationale a suscité une inquiétude particulière en ce
sens qu’il prévoit la pénalisation de la contestation du génocide
arménien
.
Il s’agirait d’une évolution en sens inverse de la tendance constatée
à la dépénalisation qui viserait à soumettre à une peine allant
jusqu’à cinq ans d’emprisonnement, ou 45 000 euros d’amende, la
contestation du génocide arménien. Le représentant pour la liberté
des médias a immédiatement réagi et a appelé le Sénat français à rejeter
ce projet de loi
. Les réactions en ce sens n’ont
d’ailleurs pas manqué, entre autres le groupe des Verts du Parlement
européen a demandé aux parlementaires français de renoncer à cette
loi qui représente «une sérieuse menace pour la liberté d’expression»
.
Le Gouvernement français a, pour sa part, exprimé son désaccord
avec la décision de l’Assemblée nationale
.
Le Sénat n’a pas encore examiné le projet de loi. Le rapporteur
remarque qu’une telle loi lui semble a priori conforme à la jurisprudence
de la Cour eu égard à ce qu’elle a statué dans l’affaire Garaudy.
La Cour considère en effet que «la négation ou la révision de faits historiques
de ce type [en l’occurrence la contestation de l’Holocauste] remettent
en cause les valeurs qui fondent la lutte contre le racisme et l’antisémitisme
et sont de nature à troubler gravement l’ordre public. Portant atteinte
aux droits de l’autrui, de tels actes sont incompatibles avec la
démocratie et les droits de l’homme et leurs auteurs visent incontestablement
des objectifs du type de ceux prohibés par l’article 17 de la Convention»
.
76. Dans ce contexte, le rapporteur note avec intérêt que les
ministres de l’Intérieur de l’Union européenne viennent de décider
d’ériger en crime, dans tous les pays membres de l’Union européenne,
l’incitation au racisme
.
Il n’a cependant pas été aisé de parvenir à cet accord, plus de
six années de discussions ont été nécessaires et la pénalisation
pure et simple de la négation de l’Holocauste n’a pas pu faire l’objet
d’un consensus.
77. Malgré cette absence de consensus, et malgré le fait qu’un
tel consensus n’existe sans doute pas non plus au sein des Etats
membres du Conseil de l’Europe, la position de la Cour semble permettre
la pénalisation de la négation de l’Holocauste et éventuellement
d’autres génocides.
78. Enfin, le rapporteur attire l’attention sur la liste d’exemples
et d’initiatives nationales axées sur la prévention du «discours
de haine» et sur la promotion de la tolérance incluse dans le rapport
du DH-DEV. Cette liste devrait pouvoir servir de source d’inspiration
aux Etats membres
.
6.8. Montant des dommages-intérêts
79. Là encore, la Cour a développé une jurisprudence
qui prône le respect de la proportionnalité dans l’usage des amendes
au titre des dommages-intérêts, et considère qu’une indemnité d’une
ampleur disproportionnée est constitutive d’une violation de l’article
10 de la CEDH
. La loi doit par ailleurs offrir des garanties
adéquates et effectives contre les indemnités disproportionnées.
En effet, des montant disproportionnés, et parfois arbitraires,
d’indemnités revêtent un aspect de sanction dépassant de loin la réparation
qu’elles sont censées apporter. Il s’agit là d’un détournement de
la procédure judiciaire à caractère civil vers une sentence proche
de la procédure devant les tribunaux criminels, à l’effet dissuasif
certain et tout aussi lourde de conséquences que cette dernière
sur l’exercice de la liberté d’expression et de la profession de
journaliste.
80. Par ailleurs, la Cour considère que la loi doit prévoir des
garanties adéquates et effectives contre des montants de dommages-intérêts
disproportionnés par rapport au préjudice réel subi
.
81. Il est clair que, à la lumière de la jurisprudence de la Cour,
les sanctions prononcées par les tribunaux – qu’elles soient pénales
ou civiles – en cas de diffamation avérée doivent être proportionnées
afin d’éviter un effet d’autocensure sur les médias. Un tel effet
ne peut qu’être dommageable dans une société démocratique en annihilant
les discussions et les débats sur des thèmes d’intérêt public.
82. Le Comité des Ministres s’est d’ailleurs exprimé en ce sens
dans sa Déclaration sur la liberté du discours politique dans les
médias: «Les dommages-intérêts et amendes imposés en cas de diffamation
ou d’insulte doivent présenter un rapport raisonnable de proportionnalité
avec la violation des droits ou de la réputation d’autrui, en prenant
en considération les éventuels remèdes volontaires effectifs et
adéquats qui ont été accordés par les médias et acceptés par les
personnes concernées.»
6.9. Offenses aux sensibilités religieuses
83. Le rapporteur fait remarquer qu’il convient d’éviter
de mélanger les questions relevant de la conscience morale et celles
relevant de la légalité. Si certaines prises de position ou choix
éditorialistes peuvent choquer les valeurs morales d’une partie
des lecteurs, cela ne signifie pas pour autant que ces choix sont répréhensibles
devant la loi.
84. Le rapporteur rappelle la
Résolution 1510 (2006) de l’Assemblée
relative à la liberté d’expression et au respect des croyances religieuses
qui précise qu’«une société doit (…) autoriser, au nom de la liberté
de pensée et d’expression, un débat ouvert sur les sujets relatifs
à la religion et aux croyances» et dans laquelle elle émet l’avis
que «la liberté d’expression, telle qu’elle est protégée en vertu
de l’article 10 de la Convention européenne des Droits de l’Homme,
ne doit pas être davantage restreinte pour répondre à la sensibilité croissante
de certains groupes religieux».
85. Comme l’a statué la Cour, «la liberté journalistique comprend
aussi le recours possible à une certaine dose d’exagération, voire
de provocation»
. Dans l’affaire
Bladet Tromso et Stensaas c. Norvège,
la Cour rappelle sa jurisprudence constante en ces termes: «Les
méthodes permettant de faire des reportages objectifs et équilibrés
peuvent varier considérablement, en fonction notamment du moyen
de communication dont il s’agit; il n’appartient pas à la Cour,
ni aux juridictions nationales d’ailleurs, de se substituer à la
presse pour dire quelle technique de compte rendu les journalistes
doivent adopter»
. La satire fait indéniablement partie de
ces techniques.
86. Force est pourtant de constater que la liberté satirique est
durement remise en cause ces derniers temps.
87. Elle doit pourtant évidemment, de par sa nature même, faire
l’objet d’une plus grande tolérance, sans quoi elle serait certainement
l’objet de poursuites et de condamnations continues – ou deviendrait
ennuyeuse et dénuée de tout intérêt. Deux raisons peuvent étayer
cette souplesse: d’une part, la satire joue un rôle utile dans toute
société démocratique en tant qu’acteur à part entière de la société
civile et du débat démocratique; d’autre part, la satire est, par
sa nature même, emprunte d’une dose d’humour clairement identifiable;
or, le genre humoristique doit bénéficier d’une liberté d’expression
particulièrement large.
88. Mais il est clair que le mode humoristique ne saurait être
prétexte à des atteintes à la dignité humaine, ni même permettre
un outrage délibéré destiné exclusivement à ridiculiser ou à blesser.
89. Dans sa Déclaration sur la liberté du discours politique dans
les médias, le Comité des Ministres s’exprime en ces termes: «Le
genre humoristique et satirique, tel que protégé par l’article 10
de la Convention, autorise un plus grand degré d’exagération et
même de provocation, pour autant qu’il n’induise pas le public en
erreur sur les faits.»
90. Dans ce contexte, on ne peut rester silencieux sur l’affaire
des caricatures danoises. Il est rassurant de constater que, au
nom de la liberté d’expression et en se référant à la jurisprudence
de la Cour européenne des Droits de l’Homme, la procureure chargée
du dossier en France a estimé que le délit d’injures publiques n’était
pas constitué et a requis la relaxe du directeur de publication
du journal satirique
Charlie Hebdo qui
avait reproduit ces caricatures
.
La justice française a finalement relaxé le journal et c’est un
signe encourageant du respect de la liberté d’expression
.
91. Enfin, il n’est pas inutile de rappeler, comme le relève le
Comité d’experts pour le développement des droits de l’homme, que
la Cour «a énoncé de façon répétée que les membres d’une communauté
religieuse devaient tolérer le fait que d’autres personnes contestent
leurs croyances religieuses»
. Cependant, la
Cour accorde une large marge d’appréciation aux Etats membres qui
peuvent restreindre la liberté d’expression dans le cas d’attaques
insultantes gratuites à l’encontre d’objets du culte. Le rapporteur
est d’avis que les contours de cette marge d’appréciation sont encore
trop flous et mériteraient d’être définis plus avant par la jurisprudence.
6.10. Voies alternatives – mécanismes d’autorégulation
92. Les codes de conduite adoptés dans certains Etats
membres énoncent bon nombre de principes de déontologie auxquels
les journalistes devraient se tenir
.
En outre, la Fédération internationale des journalistes (FIJ) a
adopté une déclaration de principe sur la conduite des journalistes
qui fait partie des textes de référence en la matière
.
Le rapporteur encourage les organismes professionnels de la presse
dans les Etats membres ne disposant pas encore d’un code de bonne
conduite des journalistes à en rédiger en s’inspirant de la jurisprudence
de la Cour en matière de liberté d’expression.
93. Le rapporteur rappelle, par ailleurs, qu’un recours approprié
au droit de réponse, ou de rectification, peut parfois offrir une
réponse adéquate à des allégations diffamatoires, particulièrement
dans les médias électroniques. Dans ce contexte, il rappelle la
Recommandation Rec(2004)16 du Comité des Ministres sur cette question
dans laquelle ce dernier recommande aux gouvernements des Etats
membres «d’examiner et, si nécessaire, d’introduire dans leur droit
ou leur pratique interne un droit de réponse ou toute mesure équivalente,
permettant une correction rapide des informations inexactes diffusées
dans les médias en ligne ou hors ligne selon les principes minimaux
présentés [dans cette recommandation], sans préjudice de la possibilité
d’ajuster leur exercice selon les spécificités de chaque type de
média».
7. Conclusions
94. Malgré des prises de positions assez nombreuses,
et parfois très tranchées, il est difficile de dégager une position
commune susceptible de faire l’unanimité. Les efforts continus du
représentant pour la liberté des médias en faveur de la dépénalisation
de la diffamation ont, certes, des conséquences réelles en termes
de modification des législations, mais ces conséquences restent
limitées et ne concernent pas les pays d’Europe occidentale, qui,
bien que ne prononçant pas de peines d’emprisonnement, n’abrogent
pas leur législation pénale en matière de diffamation.
95. Par ailleurs, la Cour européenne des Droits de l’Homme, qui
s’est illustrée dans bien des domaines par une jurisprudence que
l’on pourrait qualifier d’audacieuse et d’avant-gardiste, se contente,
en l’occurrence, de souligner la nécessité de respecter le principe
de la proportionnalité de la restriction, sans considérer le caractère
pénal de la peine encourue en cas de diffamation comme problématique
en lui-même.
96. Le caractère pénal de la diffamation a une finalité tout autre
qu’une procédure devant les instances civiles. On a recours au droit
pénal à la fois pour son effet dissuasif et pour sa dimension symbolique
en tant qu’il exprime la désapprobation d’un acte par la société.
97. Par la voie de déclarations et d’allégations fausses, et de
manière intentionnelle, il est possible de faire un tort important
à la réputation d’autrui. Les conséquences peuvent se révéler irréparables,
et peuvent, par exemple, ruiner la carrière d’une personne. S’il
est avéré que ce tort a été causé en connaissance de cause et avec
l’intention de nuire, il appelle alors une sanction pénale, et pas
seulement une réparation civile.
98. Evidemment, il convient de ne pas sanctionner des déclarations
ou allégations présentant un intérêt public, y compris fausses,
si elles ont été faites sans connaissance de leur caractère inexact,
en ayant fait preuve de la diligence nécessaire pour en vérifier
la véracité et sans intention de nuire.
99. Si le caractère pénal de la peine encourue en cas de diffamation
avérée peut être acceptable en soi, les peines de prison apparaissent
en revanche disproportionnées. Certains cas évoqués dans ce rapport
sont suffisamment éloquents pour démontrer qu’il s’agit là d’une
mesure trop restrictive eu égard à la liberté d’expression et de
la presse. La simple menace du risque d’incarcération peut conduire
les journalistes à pratiquer l’autocensure et donc les empêcher
d’exercer leur profession librement. Une telle entrave, réel muselage
de la liberté d’expression et de la presse, est inacceptable.
100. Cependant, certaines formes de diffamation peuvent se révéler
plus lourdes de conséquences que d’autres. Il en va ainsi des insultes
à caractère raciste et du discours de haine. Le rapporteur préconise d’adopter
une approche nuancée et de maintenir la possibilité de prononcer
des peines de prison dans des cas de ce type. En effet, la dimension
incitative à la haine raciale d’un discours de haine doit être prise
en compte, ainsi que le cas particulier du négationnisme.
101. En ce qui concerne les poursuites en dommagesintérêts dans
le cadre de plaintes relevant du droit civil, le rapporteur appelle
les Etats membres à la modération et à veiller à ce que leurs législations
soient appliquées en conformité avec la jurisprudence de la Cour.
Des dommages-intérêts très élevés se révèlent être une ingérence
tout aussi grave et inacceptable à l’encontre de la liberté d’expression.
102. Le rapporteur pense qu’il est judicieux de différencier certaines
situations et de proposer en conséquences des adaptations législatives
qui seraient à même de mieux protéger la liberté d’expression tout en
présentant un degré d’acceptation potentiel plus élevé. Préconiser
purement et simplement la dépénalisation de la diffamation ne lui
semble pas, à ce stade, être la meilleure solution pour renforcer
les garanties et la protection de la liberté d’expression.
8. Recommandations
103. Au vu des développements exposés ci-dessus, le rapporteur
formule les propositions suivantes:
8.1. Personnalités politiques et chefs d’Etat
104. Au vu de la jurisprudence de la Cour, le rapporteur
considère que les personnalités politiques et les chefs Etat ne
devraient pas jouir d’une protection renforcée en matière de diffamation
par rapport aux citoyens ordinaires. Il appelle les législateurs
des Etats membres à réviser leurs législations respectives le cas
échéant.
8.2. Abolition des peines d’emprisonnement pour diffamation
105. Le rapporteur est d’avis que les peines d’emprisonnement
doivent être exclues en cas de diffamation. Une telle sentence apparaît
trop restrictive eu égard à l’article 10 de la Convention. A l’appui
de cette proposition, le rapporteur constate que si la Cour n’a
jamais condamné en soi le caractère pénal de la sanction en cas
de diffamation, elle a le plus souvent constaté une violation de
l’article 10 de la Convention dans les affaires impliquant une peine
de prison.
8.3. Distinction entre diffamation et discours de haine
106. Il semble nécessaire et justifié d’opérer une distinction
entre la diffamation et le discours de haine. On pourrait donc préconiser
qu’une distinction claire entre le discours de haine et la diffamation
soit faite et que le discours de haine, pour sa part, demeure passible
de prison.
8.4. Charge de la preuve des allégations et intérêt
public
107. Comme il a été exposé au paragraphe 64, il faut œuvrer
pour établir une meilleure protection des journalistes quand il
est manifeste qu’ils ont fait tout ce qui était possible afin d’établir
les faits. Sans aller jusqu’au renversement de la charge de la preuve,
qui supposerait un bouleversement qui pourrait nuire aux droits
à la vie privée des personnes publiques, il faut confirmer dans
les textes législatifs la jurisprudence de la Cour visant à donner
aux journalistes la possibilité de prouver la véracité de leurs
informations et commentaires, et de s’exonérer ainsi de leur responsabilité
pénale
.
108. Cette confirmation dans les législations nationales de la
jurisprudence de la Cour devrait aussi se référer à l’arrêt récent
de la Chambre des Lords
. Il s’agit,
en définitive, de réduire sensiblement l’effet d’autocensure qu’exercent
les journalistes dans leur travail lorsqu’ils se savent menacés
de poursuites judiciaires alors qu’il peut se révéler très difficile
de prouver la véracité des faits, sans pour autant que les allégations
soient fausses.
8.5. Montant des dommages-intérêts
109. Le montant des dommages-intérêts fixé par les instances
judiciaires dans le cadre de procédures civiles doit être raisonnable
et proportionné au dommage subi. Les dommages-intérêts ne doivent
en aucun cas être d’une nature à inclure, en raison de leur montant
élevé, un élément disproportionné de sanction (impropre au droit
civil)
et
se borner à atteindre le but de la réparation qui est le leur. Les
législations devraient prévoir des garanties en ce sens.
110. De plus, le rapporteur pense que l’Assemblée devrait inviter
les Etats membres:
- à faire
preuve de prudence et de retenue en recourant à des poursuites pénales
pour diffamation;
- à définir plus précisément dans leurs législations le
concept de diffamation dans le but d’éviter une application arbitraire
de la loi;
- à garantir dans leurs législations des moyens de défense
appropriés aux personnes poursuivies pour diffamation, et en particulier
des moyens reposant sur l’exceptio veritatis et
l’intérêt général;
- à mettre leurs législations en conformité avec la jurisprudence
de la Cour en matière de protection des sources journalistiques;
- à se doter, s’ils n’en ont pas encore, de codes de déontologie
journalistique.
111. Finalement, le rapporteur est convaincu qu’une action urgente
du Conseil de l’Europe est nécessaire pour promouvoir le strict
alignement des lois nationales relatives à la diffamation et de
leur application sur la jurisprudence de la Cour européenne des
Droits de l’Homme et propose de suggérer au Comité des Ministres:
- de charger son comité intergouvernemental
compétent, le Comité directeur sur les médias et les nouveaux services
de communication (CDMC), d’élaborer, à la suite de ses importants
travaux sur la question et à la lumière de la jurisprudence de la
Cour, un projet de recommandation à l’attention des Etats membres
définissant des règles précises en matière de diffamation en vue
d’éradiquer l’usage abusif des poursuites pénales; et
- par ailleurs, considérant les travaux importants sur la
question du discours de haine menés par le Comité directeur pour
les droits de l’homme (CDDH), et notamment par son Comité d’experts
pour le développement des droits de l’homme (DH-DEV), de suggérer
au Comité des Ministres de charger le CDDH de réviser sa Recommandation
no R (97) 20, ou de préparer des lignes
directrices, pour prendre en compte de nouvelles évolutions en la
matière, notamment dans la jurisprudence de la Cour.
* * *
Commission chargée du rapport: commission des questions juridiques
et des droits de l’homme.
Renvoi en commission: Doc. 10531 et
Renvoi no 3087 du 6 juin 2005.
Projet de résolution et projet de recommandation adoptés à
l’unanimité par la commission le 14 mai 2007.
Membres de la commission: M. Dick Marty (Président),
M. Erik Jurgens (remplaçant: M. Frans Weekers),
M. György Frunda (remplaçant: M. Vasile Ungureanu), Mme Herta Däubler-Gmelin (Vice-Présidents),
M. Athanasios Alevras, M. Miguel
Arias, M. Birgir Ármannsson, Mme Aneliya
Atanasova, M. Abdülkadir Ates¸, M. Jaume Bartumeu
Cassany, Mme Meritxell Batet,
Mme Soledad Becerril, Mme Marie-Louise Bemelmans-Videc, M. Erol Aslan Cebeci, Mme Pia Christmas-Møller,
Mme Ingr-ıda Circene, Mme Lydie
Err, M. Valeriy Fedorov, M. Aniello Formisano, M. Jean-Charles Gardetto,
M. József Gedei, M. Stef Goris, M. Valery Grebennikov, M. Holger
Haibach, Mme Gultakin Hajiyeva, Mme
Karin Hakl, M. Nick Harvey (remplaçant: M. Christopher Chope), M. Andres Herkel, M. Serhiy Holovaty, M. Michel Hunault, M. Rafael Huseynov, Mme Fatme
Ilyaz, M. Kastriot Islami, M. Zˇ eljko
Ivanji, M. Sergei Ivanov (remplaçant: M. Andres Herkel), Mme Katerˇina Jacques, M. Antti Kaikkonen (remplaçant: M. Kimmo Sasi), M. Karol Karski, M. Hans
Kaufmann (remplaçant: M. Andreas Gross),
M. András Kelemen, Mme Katerˇina Konecˇná, M. Nikolay Kovalev, M. Jean-Pierre
Kucheida, M. Eduard Kukan,
Mme Darja Lavtizˇar-Bebler, M. Andrzej Lepper, Mme Sabine Leutheusser-Schnarrenberger,
M. Tony Lloyd, M. Humfrey Malins, M. Pietro Marcenaro,
M. Alberto Martins, M. Andrew McIntosh, M. Murat Mercan, Mme Ilinka
Mitreva, M. Philippe Monfils, M. João Bosco Mota Amaral, M. Philippe
Nachbar, Mme Nino Nakashidzé, M. Tomislav Nikoli´c,
Mme Carina Ohlsson, Mme Ann
Ormonde, M. Claudio Podeschi, M. Ivan Popescu,
Mme Maria Postoico, Mme Marietta
de Pourbaix-Lundin, M. Christos Pourgourides, M. Jeffrey Pullicino
Orlando, M. Valeriy Pysarenko, M. François Rochebloine, M. Francesco
Saverio Romano, M. Armen Rustamyan, M. Christoph Strässer, M. Mihai
Tudose (remplaçante: Mme Florentina Toma), M. Øyvind Vaksdal, M. Egidijus Vareikis, M. Miltiadis
Varvitsiotis (remplaçant: M. Theodoros Pangalos),
Mme Renate Wohlwend, M. Marco Zacchera, M. Krzysztof
Zaremba, M. Vladimir Zhirinovsky, M. Miomir Zˇ uzˇul.
N.B. Les noms des membres présents à la réunion sont indiqués
en gras.
Ces textes seront débattus ultérieurement.