Doc. 11373
14 septembre 2007

La régionalisation en Europe

Rapport
Commission de l’environnement, de l’agriculture et des questions territoriales
Rapporteur: Mr Lluís Maria de PUIG, Espagne, Groupe socialiste


Résumé

Le rapport rappelle l'évolution du régionalisme en Europe au cours de ces dernières années et présente un aperçu de la situation dans les différents pays européens régionalisés. Il préconise de ne pas voir dans l'autonomie régionale un problème ou un risque, mais de la considérer comme un moyen efficace et intégrateur pour faire participer les régions aux processus de décision politique, tant au niveau national qu'européen. Il constate un important essor du régionalisme en Europe et le grand intérêt et engagement des régions pour l'Europe. L'autonomie régionale doit être comprise comme un moyen d'améliorer, d'approfondir et de mieux ancrer la démocratie dans nos pays, parallèlement au processus d'intégration européenne et dans le contexte de la mondialisation en cours. L'évolution politique de l'Europe ne permet pas de prévoir l'avenir, mais on peut constater une augmentation du nombre d'Etats et une brèche du principe d'intangibilité des frontières. Face à cette réalité mouvante, la voie régionaliste, avec ses différentes variantes, offre des garanties de plus grande stabilité politique et d'une meilleure prise en compte des principes du Conseil de l'Europe, en particulier en ce qui concerne le développement de la démocratie. Le projet de recommandation recommande aux Etats-membres, au Comité des Ministres, au Congrès du Conseil de l'Europe et à l'Union européenne de suivre et de promouvoir cette voie, en développant les principes de subsidiarité, de proximité, de bonne gouvernance et de participation citoyenne.

A.       Projet de recommandation

1.       L’Assemblée parlementaire constate qu’une majorité d’Etats membres du Conseil de l’Europe sont des Etats fédéraux, confédéraux ou régionalisés, où les régions jouissent d’un fort degré d’autonomie ou, du moins, d’une décentralisation administrative considérable.

2.       Elle constate en outre que la sphère politique régionale est une réalité institutionnelle d’une grande utilité en tant que niveau sub-étatique de gouvernement dans une majorité d’Etats membres du Conseil de l’Europe, dans la mesure où la région, pour des raisons de superficie et de proximité, est le niveau idéal pour l’exercice de la gouvernance.

3.       L’Assemblée souligne que, sur la base des principes politiques qu’il promeut, le Conseil de l’Europe a toujours soutenu le développement d’une Europe des régions, conçue comme une garantie supplémentaire de la démocratie dans la mesure où elle accroît les possibilités pour les citoyens de participer activement à la vie politique.

4.       Elle observe que le Conseil de l’Europe est aussi favorable à la régionalisation en raison de son efficience politique, administrative et financière, puisqu’il s’agit d’un niveau de gouvernement plus proche de la réalité et des citoyens que ne l’est l’Etat.

5.       Elle observe aussi que de nombreux Etats européens ont accompli ces dernières années des progrès considérables en matière de développement ou de restructuration de leurs systèmes d’administration fédérale, régionale ou autonome.

6.       L’Assemblée note qu’une majorité d’Etats membres du Conseil de l’Europe comptent des communautés dotées d’une forte identité culturelle, politique et historique, qui ne sont pas simplement des régions, mais aussi des peuples et des sociétés à l’identité collective marquée (qu’on les appelle régions, nations, nationalités, pays…) et qui, sans avoir créé leur propre Etat, conservent des caractéristiques distinctes qui motivent leur aspiration politique à l’autonomie.

7.       Elle considère qu’il est nécessaire de créer un niveau sub-étatique solide au sein des Etats membres, ne serait-ce que pour garantir une plus grande efficience de la gouvernance dans les Etats qui ne pourraient pas assurer une action de la puissance publique qui soit permanente et effective sur l’ensemble de leur territoire.

8.       L’Assemblée note l’élan insufflé au mouvement régionaliste du fait de son association avec le concept de bonne gouvernance, la nécessité d’appliquer le principe de subsidiarité et les revendications des citoyens concernant l’organisation au niveau régional.

9.       Elle souligne l’importance du régionalisme dans le projet européen, dont témoigne le fait que l’Union européenne a mis en place des fonds structurels au niveau régional et conçu des milliers de projets mis en œuvre à ce même niveau, afin de parvenir à une plus grande cohésion sociale et territoriale.

10.       L’Assemblée note également que certains Etats semblent encore réticents à toute forme de régionalisation, aussi limitée soit-elle, et continuent de nier la présence de minorités sur leur territoire.

11.       Elle est fermement convaincue qu’une large majorité des citoyens des Etats membres souhaitent préserver l’existence de l’Etat en tant qu’institution essentielle du processus politique, principal détenteur de prérogatives en matière de politique internationale et niveau ultime de la prise de décision au sein des institutions européennes.

12.       L’Assemblée constate toutefois qu’au cours des dernières années un nombre considérable de nouveaux Etats sont apparus en Europe et que nous voyons maintenant apparaître de nouvelles nations dont l’indépendance et le statut d’Etat sont reconnus par la communauté internationale.

13.       Elle rappelle le précédent établi par, et les conditions exigées pour, l’indépendance du Monténégro et témoigne du chemin accompli par le Kosovo sur la voie de l’indépendance, apparemment acceptée par la communauté internationale.

14.       Elle tient compte du fait que, dans plusieurs Etats membres du Conseil de l’Europe, au sein des communautés marquées par une conscience politique profonde de leur identité, il existe des minorités nationalistes qui revendiquent leur indépendance et leur accession au rang d’Etat à part entière.

15.       L’Assemblée rappelle l’existence de conflits fondés sur l’appartenance ethnique ou sur l’existence de minorités nationales, culturelles/linguistiques, religieuses ou frontalières, et la nécessité de parvenir à résoudre ces problèmes de manière pacifique, durable et satisfaisante pour toutes les parties.

16.       Elle est consciente des problèmes que la création de nouveaux Etats peut entraîner, tels que des conflits de toute sorte, des clivages au sein des sociétés, des affrontements entre les minorités et la majorité, entre les différentes minorités ou entre des pays voisins, et le risque d’une déstabilisation profonde du projet européen.

17.       L’Assemblée insiste sur le caractère démocratique des Etats européens, qui veut que ces situations soient toujours traitées par des moyens démocratiques, tels que des élections, des référendums, des réformes constitutionnelles et institutionnelles, la création de nouvelles entités, en s’appuyant toujours sur la participation des citoyens, auxquels il appartient en dernier ressort de trancher.

18.       Elle est convaincue que la plupart de ces problèmes peuvent être résolus de manière satisfaisante dans le cadre d’une autorité sub-étatique institutionnalisée, en application du principe de subsidiarité, du régionalisme, de l’autonomie ainsi que du fédéralisme.

19.       L’Assemblée note que le régionalisme a rencontré un succès considérable dans les Etats européens où il a été mis en place, comme le montrent des exemples tels que l’Autriche, la Belgique, l’Allemagne, l’Italie, l’Espagne, la Suisse ou le Royaume-Uni.

20.       Elle est convaincue en outre des vertus de la gouvernance régionale, de l’efficacité de la subsidiarité et de la force démocratique de la proximité, qui rapproche les citoyens de l’administration des affaires publiques.

21.       L’Assemblée pense que l’exercice des droits des minorités est compatible avec les actions de l’Etat, qui doit prendre en compte ces minorités et défendre leurs droits culturels, linguistiques, religieux et politiques.

22.       Elle reconnaît le rôle que les organisations régionalistes ont joué en Europe, et en particulier des institutions européennes telles que le Congrès du Conseil de l’Europe ou le Comité des Régions de l’Union européenne, ainsi que des associations telles que la Conférence des assemblées législatives régionales européennes (CALRE), qui représente le régionalisme européen au niveau parlementaire.

23.       L’Assemblée soutient l’initiative du Congrès du Conseil de l’Europe d’élaborer un nouveau projet de texte sur la démocratie régionale, à adopter en mai 2008, qui proposera des solutions à la fois souples et réalistes dans un document qui devrait recueillir l’adhésion d’une majorité des Etats membres.

24.       Elle se félicite du succès de la première Conférence des parlements nationaux et des assemblées régionales européennes qu’elle a organisée conjointement avec la CALRE à Strasbourg le 12 septembre 2007.

25.       L’Assemblée souhaite poursuivre sa coopération avec les institutions régionales européennes, en particulier avec le Congrès du Conseil de l’Europe et sa Chambre des Régions, afin de développer une approche commune et d’explorer le potentiel considérable du régionalisme pour l’Europe de demain.

26.       Elle souhaite également renforcer ses liens avec les régions dotées de pouvoirs législatifs et avec les organisations qui les représentent, telles que la REGLEG au niveau des gouvernements régionaux ou la CALRE pour ce qui concerne les assemblées régionales.

27.       Elle veillera en particulier à nouer des relations avec la CALRE et avec les parlements des régions dotées de pouvoirs législatifs, afin de coopérer dans le domaine du parlementarisme et de comparer le rôle des parlements régionaux, des parlements nationaux et des organisations parlementaires internationales telles que l’Assemblée parlementaire.

28.       En conséquence, l’Assemblée invite le Comité des Ministres à recommander aux Etats membres :

28.1.       de s’employer résolument à améliorer, ou mettre en place lorsqu’il n’existe pas encore, dans les pays où ce serait approprié, un système régional, en tant que niveau de gouvernance sub-étatique, afin de moderniser les institutions et de les adapter aux nouveaux défis politiques, économiques et sociaux du monde moderne, dans le respect des principes défendus par le Conseil de l’Europe ;

28.2.       d’utiliser cette voie pour résoudre les problèmes de structure institutionnelle et de répondre aux revendications des régions ayant une ambition nationale, afin de leur accorder un degré satisfaisant d’autonomie en tant qu’instrument de leur réalisation politique, en coopération avec le gouvernement et les autres institutions de l’Etat et, le cas échéant, avec celles de l’Union européenne ;

28.3.       de corriger la situation de marginalisation dont souffrent de grandes régions au sein des institutions européennes et de leur accorder une reconnaissance et un statut qui leur permettront de participer au projet européen de manière proportionnée à leur contribution, et de vaincre ainsi leur sentiment actuel de frustration.

29.       L’Assemblée invite en outre le Comité des Ministres :

29.1.       à insister sur le respect scrupuleux des droits de l’homme, et en particulier des droits des minorités, qui peuvent trouver dans le régionalisme un modèle pour parvenir à une reconnaissance démocratique et à une application pleine et entière de ces droits, conformément aux principes du Conseil de l’Europe ;

29.2.       à soutenir une idée du régionalisme suffisamment large et souple pour qu’aucune forme d’organisation régionale ne soit jamais imposée : ce seront les Etats qui choisiront, le moment venu, la forme de régionalisation qui convient le mieux à leurs citoyens, puisque ce seront ces derniers qui trancheront en dernier ressort ;

29.3.       à soutenir les organisations régionalistes européennes, notamment en renforçant le rôle du Congrès du Conseil de l’Europe, afin de donner au mouvement régionaliste une plus grande cohérence et de lui insuffler une logique européenne allant bien au-delà des exigences spécifiques de chaque Etat.

30.        L’Assemblée invite par ailleurs le Congrès :

30.1.       à s’efforcer de développer le mouvement régionaliste sous toutes ses formes, et sous la forme la plus appropriée pour chaque situation, afin de mettre en valeur la réalité positive et la bonne gouvernance que représente l’Etat régionalisé ;

30.2.       à poursuivre ses travaux sur le nouveau projet de texte relatif à la démocratie régionale, en appliquant des critères actualisés et souples qui permettront son adoption, à la fois, par le Comité des Ministres et une majorité d’Etats membres ;

30.3.       à réserver l'appartenance à la Chambre des régions aux seuls représentants de régions dans les Etats membres où elles existent, et à la Chambre des pouvoirs locaux aux représentants de collectivités intermédiaires et locales ;

30.4.       à accorder aux régions dotées de pouvoirs législatifs, compte tenu de leur caractère politique particulier, un statut et une reconnaissance spécifiques et rechercher des solutions structurelles qui leur permettront de débattre et d’adopter des décisions à leur propre niveau.

31.       L'Assemblée invite également l'Union européenne :

31.1.        à faciliter la participation des grandes régions européennes aux politiques communes et aux processus de prise de décision ainsi qu'à la mise en oeuvre des réglementations communautaires, en leur accordant une reconnaissance et un statut appropriés ; 

31.2.        à renforcer le rôle des régions dans les institutions de l'Union européenne, notamment en développant les compétences et les moyens du Comité des régions ; 

31.3.        à reconnaître, dans le cadre des travaux de rédaction du nouveau Traité modificatif que doit préparer la Conférence intergouvernementale, le rôle important des régions et de la politique régionale.

B.       Exposé des motifs par M. de Puig, Rapporteur

Sommaire

I.       Les régions : une réalité européenne

II.      Le régionalisme européen : aperçu

III.     Un problème et une solution

IV.      La progression du régionalisme

V.       Etats, régions, mondialisation et Europe

VI.      Nouveaux Etats ou grandes régions ?

VII.     La voie régionaliste

VIII.    La Charte européenne de la démocratie régionale

I.       Les régions : une réalité européenne

1.       Au cours des cinquante dernières années, l’Europe a connu une évolution politique d’une nature apparemment contradictoire qui s’est manifestée par la création d’institutions européennes supranationales et, simultanément, l’institutionnalisation d’échelons intermédiaires de gouvernement que nous qualifierons, en termes généraux, de régions. Il s’agit d’un niveau sub-étatique d’autonomie régionale à l’intérieur de l’Etat. La régionalisation n’est ni généralisée, ni uniforme ni symétrique. Dans certains pays européens, les régions ont acquis une influence politique énorme ; dans d’autres, elles ne sont qu’une division décentralisée de l’Etat, chargées de simples fonctions administratives. Elles n’existent parfois que pour recevoir des fonds ou exécuter des projets européens régionalisés. Bien qu’il soit récent et divers, le phénomène régional est devenu indéniablement une réalité politique prioritaire.

2.       Le Conseil de l’Europe, par le biais de plusieurs initiatives mises en œuvre au cours de ces dernières années (création du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux et plus tard de sa Chambre des régions ainsi que par l’organisation de nombreux débats, conférences, rapports, recommandations, voire propositions de conventions régionales), a appuyé le processus de régionalisation européen en tenant compte des différentes évolutions historiques, de l’expérience acquise à ce jour en la matière et du contexte général. Le Conseil de l’Europe est convaincu que la tendance à la régionalisation est une garantie supplémentaire de démocratie en Europe. Les régions sont une solution possible aux problèmes des minorités, elles rapprochent les pouvoirs publics des citoyens et favorisent la démocratie participative par une proximité et une pluralité plus grandes.

3.       Le rôle des régions (ce terme standard, qui recouvre des réalités très différentes, doit néanmoins être utilisé car il permet de ne pas recourir à d’autres formules comme pays, peuple, nationalité, nation, communauté, république… et désamorce les querelles sibyllines potentielles) dans la nouvelle Europe sera incontestablement l’un des défis principaux à relever dans les prochaines années, car il s’agira non seulement d’accompagner la formation des régions, leur légitimation et leur contenu, mais également d’éviter l’écueil d’une Europe dans laquelle les régions ne se considéreraient pas comme légitimes ou totalement impliquées dans le projet politique de leur Etat ou de l ‘Europe.

4.       La question « régionale » n’est pas un problème collatéral mais un problème important qui concerne la nature même du processus démocratique européen. Elle est très liée au renforcement démocratique dans les Etats membres, reconnaît pleinement et respecte les minorités et tient compte du principe de subsidiarité et de proximité. Il s’agit de valeurs qui devront être prises en compte dans la future organisation de la pratique politique.

5.       Ce problème devrait être résolu en accordant une légitimité plus grande aux pouvoirs sub-étatiques qui pourraient participer davantage à la vie politique en fonction de leurs possibilités. Les politiques négationnistes et anti-régionalistes ne peuvent être que suicidaires à terme : toute sous-représentation des régions constituera un problème en suspens et les revendications et les conflits qui auraient pu être évités éclateront au grand jour. Les Etats et les institutions de l’Europe (Conseil de l’Europe et Union européenne) doivent contribuer à la recherche de solutions pragmatiques pouvant faire avancer le processus de régionalisation en vue de résoudre les conflits visibles et d’éviter les problèmes latents.

6.       Ce que nous avons appelé « régions » en Europe, dotées de capacités fonctionnelles et politiques différentes, représentent désormais un pouvoir décisionnel d’une très grande importance du point de vue de la structure institutionnelle européenne. Il est évident que ces structures autonomes ont un rôle essentiel à jouer dans la formation d’Etats équilibrés et d’une Europe vertébrée et politiquement cohérente, ce qui semble a priori aussi souhaitable que fondamental.

II.       Le régionalisme européen : aperçu

7.       Dans ce rapport il convient d'établir un panorama succinct de l'état de la régionalisation en Europe que nous allons développer dans ce chapitre. Nous nous bornerons cependant à donner des indications très générales qui nous rapprochent de la réalité régionale concrète dans chaque Etat considéré afin de constater la grande importance des régions et une progressive organisation régionale dans les pays membres du Conseil de l'Europe.

8.       Il faut toutefois tenir compte de certaines circonstances. D'abord que les petits Etats (Andorre, Liechtenstein, Malte, Monaco, Saint Marin ….) n'ont pas, par leur propre nature, de divisions régionales et il n’est d'ailleurs pas possible ni sans doute souhaitable d'en établir. En outre, il faut tenir compte de la diversité des régions et donc ne pas confondre les différents types de dimensions considérées  (géographique, politique, juridique, identitaire, administrative). Au contraire, il faut tenir compte de ces différentiations.

9.       Par ailleurs, la politique de répartition des fonds structurels et projets de l'UE a obligé certains Etats à établir des régions nouvelles, parfois purement et simplement inventées, afin d'adapter leurs structures administratives aux règles européennes. Beaucoup de ces "régions" n'ont pas d'autre objectif. Ce ne sont pas par conséquent des régions autonomes comme celles dont nous traitons dans ce rapport.

10.       L'Albanie, Andorre, l'Arménie, l'Azerbaïdjan, la Bulgarie, la Croatie, l'Estonie, la Grèce, l'Irlande, l'Islande, la Lettonie, le Liechtenstein, la Lituanie, le Luxembourg, Malte, Monaco, le Monténégro, la Norvège, la Roumanie, Saint Marin, la Slovaquie, la Slovénie, la Suède, l'ex-République yougoslave de Macédoine, la Turquie n’ont pas de régions au sens d’une autonomie politique, bien que dans certains pays il existe des divisions administratives de l’Etat ou bien des divisions pour des raisons statistiques, de planification ou, dans le cas des pays membres de l’UE, pour la répartition des fonds structurels. Mais il est cependant intéressant de constater que dans un certain nombre de ces pays a commencé un processus de régionalisation.

11.       Par contre, dans les grands pays européens on note une présence très développée de régions autonomes. Plus de vingt Etats on dû établir l'une ou l'autre forme d’autonomie, soit particulière pour un territoire donné, soit généralisée comme dans les Etats fédéraux.

12.       Dans ces pays, les régions et leur autonomie sont très diverses, et d’une dimension juridique et politique très variée. On ne peut pas faire d’amalgame, mais il s’agit d'Etats où les différents statuts d’autonomie ont pu régler les problèmes territoriaux historiques ainsi que d’identité culturelle et politique.

13.       Les Etats disposant d'une régionalisation consolidée sont les suivants :*

i.       Autriche

14.       L'Autriche est un Etat fédéral, constitué par neuf länder ou régions autonomes. Chaque Land compte un exécutif qui peut exercer toutes les compétences qui ne sont pas attribuées au gouvernement fédéral et un Parlement qui élit l'exécutif et qui peut légiférer dans toutes les matières qui ne sont pas réservées à l'Etat par la constitution.

ii.       Belgique

15.       La Belgique est un Etat fédéral, du point de vue territorial divisé en trois régions: Bruxelles, Flandre et Wallonie. Ces institutions autonomes ont un pouvoir législatif avec un Parlement formé par les élus de chaque région. Elles ont de nombreuses compétences en matière économique, de développement, d'environnement et énergie et aussi dans le domaine des relations européennes et internationales. Par contre, en ce qui concerne la culture, les langues et l'éducation ce sont les Communautés flamande, française et germanophone qui s'occupent de ces matières avec une organisation et des pouvoirs semblables à ceux des régions.

iii.       Bosnie-Herzégovine

16.       C'est un système d'une grande complexité, régi par le Traité de Dayton de 1995, en raison des confrontations ethniques et du résultat de la guerre des Balkans. Il existe deux entités: la Fédération de Bosnie-Herzégovine (comprenant 10 cantons) et la République Srpska. La Fédération n’a pas une structure « régionale » en son sein. Elle a beaucoup de compétences et d'autorité sur les pouvoirs locaux, mais il s’agit d'un pouvoir partagé. Dans la République Srpska tout est plus clair; elle a une très grande autonomie avec une légère dépendance de l’Etat. La division en deux entités tient compte de manière asymétrique de la présence des trois groupes ethniques.

iv.       Chypre

17.       Chypre est divisée en deux communautés (grecque et turque) avec le contentieux dont la solution est en suspens aux Nations Unies qui proposent une fédération. En tout cas la division en deux entités ethniques et culturelles est claire.

v.       République tchèque

18.       Traditionnellement divisée en trois régions historiques, Bohème, Moravie et Silésie, en 2002 un processus de décentralisation a donné lieu à la création de 14 régions (Kraje) avec une assemblée régionale élue par suffrage universel et dotées d'une importante autonomie. Ces régions ont un certain pouvoir législatif. Pour l'attribution des Fonds européens ont été établies 7 régions et le district de Prague.

vi.       Danemark

19.       L’Etat danois a un système de cinq nouvelles régions à partir de 2007, mais elles n'ont pas le caractère de région politiquement autonome. Par contre, il possède deux territoires de grande importance politique et géographique. Le Groenland dans le continent américain et les Iles Féroé. Ces deux espaces possèdent une grande capacité d'autogouvernement en ce qui concerne leurs propres affaires, avec un pouvoir législatif et des compétences très vastes, coordonnées et négociées la plupart du temps avec le Haut Commissaire qui représente l'Etat.

vii.       Finlande

20.       Il n'existe pas un véritable niveau régional bien qu'il y a 19 régions qui ne sont pas beaucoup plus que des fédérations ou des groupements de communes. Pour les fonds européens ont été établis quatre groupements régionaux. Cependant les Îles Aland ont un statut d'autonomie; elles disposent d'une assemblée parlementaire avec un vaste pouvoir législatif et un gouvernement autonome qui exerce sa politique dans de très nombreuses compétences. La région de Kainuu a aussi des compétences en matière de services.

viii.       France

21.       L'Etat unitaire classique qu'était la France a dû changer ces derniers temps et présente de nos jours différentes formes de régionalisme. En premier lieu, on peut citer l'autonomie des quatre territoires d'outre-mer. Ensuite, la France a donné à la Corse un statut particulier d'autonomie et elle a mis en oeuvre un processus général de régionalisation avec 25 régions qui n’ont pas une véritable autonomie et qui n'ont pas de pouvoir législatif. Il faut remarquer par ailleurs la force des départements et des conseils généraux, constitués d'élus.

ix.       Géorgie

22.       Il existe une structure territoriale à caractère régional comptant 12 organismes, bien que leur statut n'est ni clair ni symétrique. Les deux Républiques autonomes d’Abkhazie et d'Adjarie ainsi que la capitale Tbilissi se distinguent du reste. D’autre part il y a un contentieux ouvert entre l'Etat géorgien et les Républiques d'Abkhazie et d'Ossétie du Sud qui revendiquent leur indépendance ayant rejeté jusqu'à aujourd'hui la possibilité d'établir une Fédération.

x.       Allemagne

23.       L'Allemagne est un Etat fédéral constitué de 16 länder ou états autonomes. Chacun d'eux dispose d'une assemblée législative avec le pouvoir d’élire un pouvoir exécutif, avec des compétences sur un  nombre important de matières. Ils ont une vaste autonomie financière et comptent un organe fédéral qui les représente, le Bundesrat.

xi.       Hongrie

24.       Il y a une division administrative dans laquelle les 19 comtés (megye) ont une certaine importance qui dérive de l'histoire de la Hongrie elle-même et de son identité. Ils font de la politique régionale avec quelques compétences. La Hongrie a aussi créé sept régions statistiques ou de planification territoriale qui comprennent plusieurs comtés et qui s'occupent du développement régional. Mais elles n'ont pas d'autonomie politique.

xii.       Italie

25.       L’Etat italien est actuellement un modèle constitutionnel décentralisé de 20 régions : cinq régions à statut spécial, 15 à statut normal et deux provinces autonomes avec une grande autonomie. Les régions sont dotées de pouvoir législatif. En 2001 a eu lieu une réforme constitutionnelle pour renforcer l'autonomie qui est désormais très large et pour améliorer les mécanismes fédéraux.

xiii.       Moldova

26.       En réalité, en Moldova, on combine trois types de division régionale dans un Etat qui est administrativement défini comme décentralisé et qui compte un territoire autonome, la Gagaouzie. Avec beaucoup de problèmes, on a voulu remplacer les dix régions (judets) par 32 districts (rayony) dans une opération plutôt de diminution de l'autonomie territoriale. La Gagaouzie dispose d'un pouvoir exécutif et d'un législatif dans un cadre de larges compétences.

xiv.       Pays-Bas

27.       Il y a une régionalisation faible dans les 12 provinces, sans pouvoir législatif mais avec certaines compétences sur le territoire, avec une province, la Frise, qui possède une certaine identité différenciée.

xv.       Pologne

28.       Après l'accession à la démocratie on a mis en oeuvre une réforme législative importante qui a changé l'organisation territoriale de l'Etat en passant de 49 régions (voivodies) à 16, mais il ne s’agit pas de régions avec une autonomie politique. La plupart ont des pouvoirs administratifs et certaines ont un certain pouvoir législatif. Les régions se chargent en particulier du développement régional et culturel. 

xvi.       Portugal

29.       C'est un Etat unitaire mais avec une régionalisation asymétrique. Il y a deux régions autonomes à pouvoir législatif et à statut particulier : les îles des Açores et de Madère. Un projet de régionalisation a été rejeté en 1998, mais actuellement on examine de nouveau un nouvel aménagement régional du pays. La partie continentale compte cinq régions de planification territoriales.

xvii.       Fédération de Russie

30.       La constitution fédérale établit différents niveaux de pouvoir sub-étatique, comme les 21 Républiques, qui ont leur constitution propre, les six territoires (kraja), les 49 régions (oblasti), une région autonome, dix districts autonomes et deux villes fédérales (Moscou et Saint Pétersbourg). Il s'agit d'un régionalisme très asymétrique puisque les Républiques ont certains droits spéciaux et le fait que différentes  entités constituantes ont signé un traité bilatéral avec la Fédération a augmenté considérablement cette asymétrie.

xviii       Serbie

31.       Cette république est à l’heure actuelle un Etat formé par deux provinces autonomes: Voivodine et Kosovo et Metohija. La première est composée de beaucoup de minorités nationales (26) bien que la majorité soit serbe. Au Kosovo une majorité écrasante est constituée par des albanais et à la fin de la guerre il est devenu un protectorat international de facto. La communauté internationale discute aujourd’hui le statut futur de cette région, que beaucoup voudraient voir se transformer en un nouvel Etat comme l'a déjà fait le Monténégro récemment.

xix.       Slovaquie

32.       Elle a divisé son territoire en 12 (8) organismes territoriaux supérieurs, simplement pour l'application de la politique régionale communautaire. Le débat sur cette organisation territoriale reste ouvert.

xx.       Slovénie

33.       L’Etat a adopté une loi portant la création de régions, mais elles n'ont pas encore été constituées formellement.

xxi.       Espagne

34.       L'Etat est organisé en 17 régions autonomes à partir de la Constitution de 1978. En général, la personnalité des différentes identités historiques et politiques a été respectée. Les autonomies ont de nombreuses compétences, à l'exception des plus strictement fédérales que conserve l'Etat. Toutes les autonomies ont un exécutif et un Parlement avec un large pouvoir législatif. Cependant, le système n'est pas symétrique; Catalogne, Pays Basque, Galice et Andalousie ont un régime différent de celui des autres régions mais aussi entre elles-mêmes. Sont aussi différents par leur insularité les statuts d'autonomie des Iles Canaries et des Iles Baléares. De même les villes de souveraineté espagnole dans le nord de l'Afrique, Ceuta et Melilla, ont un statut de villes autonomes.

xxii.       Suède

35.       La Suède a un niveau régional de décentralisation en 18 comtés, mais plutôt dans le cadre des pouvoirs locaux, avec quelques compétences et sans pouvoir législatif.

xxiii.       Suisse

36.       C'est un Etat fédéral formé par des cantons ou des demi-cantons, avec un concept particulier de la souveraineté (exécutif, législatif et judiciaire) qui appartient aux cantons (régions). C'est un cas particulier avec 26 cantons, dans un modèle d’autonomie presque totale, jusqu'au point de pouvoir conclure des traités internationaux. Ils ont aussi un pouvoir de décision sur la base de referenda.

xxiv.       Turquie

37.       Il n'y a pas de processus de régionalisation. Il existe sept régions géographiques dont l'objet est purement statistique. Malgré la pression des kurdes, on ne leur a pas accordé d'autonomie, sauf certains droits linguistiques et culturels.

xxv.       Ukraine

38.       Elle est composée de 24 régions (oblast) purement administratives et sans capacité de gestion et de la République autonome de Crimée. Celle-ci dispose d'une constitution propre et d'un pouvoir législatif et d'un exécutif autonomes, toujours sous la souveraineté des lois étatiques, du président de l'Ukraine et de la Cour constitutionnelle ukrainienne. Elle dispose toutefois d'un nombre important de compétences sur son territoire.

xxvi.       Royaume-Uni

39.       C'est un État unitaire qui s’est décentralisé récemment en donnant une autonomie considérable aux nations historiques : Ecosse, Pays de Galles et Irlande du Nord dans un processus appelé "devolution". L'Ecosse et l'Irlande du Nord ont un pouvoir législatif. Le Pays de Galles dispose d'un pouvoir exécutif important mais sans pouvoir législatif. D'autre part, une réforme régionale de la quatrième nation, l'Angleterre, est en cours.

40.       En résumé, si nous éliminons les petits Etats où la création de régions n'a pas de sens, nous nous rendons compte que dans la majorité d'Etats membres du Conseil de l'Europe, soit il existe déjà une régionalisation consolidée, soit elle est sur la voie de se produire. Dans la plupart des grands pays européens on trouve un niveau sub-étatique très développé avec des régions avec une très grande autonomie et un pouvoir législatif.

41.       Certes il existe dans certains pays des formules de semi- régionalisation: c'est-à-dire un niveau sub-étatique au-dessus du niveau  strictement local, mais qui n'a toutefois pas la force juridique ni politique d'une autonomie régionale. Et dans beaucoup de ces pays un débat reste ouvert sur comment organiser ce niveau institutionnel sur son territoire en tenant compte des critères de subsidiarité et de proximité.

42.       Il convient d'indiquer par ailleurs que dans plusieurs pays membres sont posées un certain nombre de revendications linguistiques, culturelles et d'identité, associées à des groupes ethniques, à des communautés historiques, à des minorités nationales qui réclament leur part de droits culturels et politiques, problèmes dont la meilleure solution passe probablement (pour autant qu'elle soit fonctionnellement possible) par des formules d'autonomie régionale. Du moins dans un certain nombre de cas.

43.       D’autre part, il n'est pas réaliste de penser que ces revendications identitaires vont diminuer ou disparaître; bien au contraire, la mondialisation a provoqué un certain retour aux racines et a développé un sentiment d’appartenance à la petite patrie, au groupe le plus proche, régional, local. Pour répondre à ces mouvements vers le terroir, la communauté la plus immédiate, la langue maternelle ou la culture traditionnelle il faut une reconnaissance de ces réalités culturelles et politiques, une solution satisfaisante pour tous qui pourrait être de type fédéral ou régional dans la plupart des cas. 

III.       Un problème et une solution

44.       L’idée d’inclure des régions dans l’Etat ou dans le processus politique européen n’est pas toujours considérée comme positive. Le concept d’autonomie est parfois considéré comme négatif car il est assimilé à un processus d’indépendance ou de dilution de l’Etat. Cependant, ce concept, présenté dans ce rapport, doit être compris dans un sens opposé : l’autonomie que nous proposons est une autonomie selon laquelle un groupe minoritaire au sein d’un Etat peut agir en vue de défendre ses droits et gérer de nombreux aspects de la vie de son territoire avec les garanties nécessaires pour l’intégrité de l’Etat. L’autonomie ou la régionalisation ne doivent pas être synonymes de sécession. Au contraire, nous devons souligner le caractère intégrateur du système régional. Des exemples comme l’Allemagne, l’Autriche, la Belgique, l’Espagne, l’Italie, le Royaume-Uni, la Russie ou la Suisse (en Europe) ou, dans le reste du monde, des cas comme ceux du Canada ou des Etats-Unis, montrent que le respect et la reconnaissance de la diversité ainsi que la continuité de l’Etat sont des solutions qui s’imposent pour éviter tout conflit interethnique ou séparatiste.

45.       Pour certains, la présence croissante du régionalisme et sa revitalisation récente sont un problème. D’autres estiment cependant qu’une organisation efficace et viable d’un pouvoir sub-étatique peut être une solution positive à un tel problème. Et notre approche n’a rien de candide. Comme vous le verrez, nous connaissons bien ce sujet et nous n’en cachons aucun de ses aspects. Nous sommes conscients de la nature épineuse de cette question et, pour cette raison, nous nous efforçons d’évaluer toutes les solutions possibles et de prévoir, dans la mesure du possible, les difficultés qui peuvent se présenter.

46.       Le plus grand problème n’est pas la nécessité de diviser chaque pays en structures administratives plus ou moins artificielles afin de distribuer des fonds européens. Ce découpage n’a rien de difficile. Le vrai problème pour certains Etats est de répondre aux besoins politiques et culturels de régions existantes qui exigent une reconnaissance et leur part d’autonomie politique. La question devient épineuse lorsque de telles revendications sont de nature séparatiste et impliquent la création d’un nouvel Etat. Ces revendications et la possibilité que d’autres régions aux demandes plus modérées puissent suivre cette voie suscitent la panique parmi les Etats et les rend réticents à tout développement régional.

47.       Pour votre rapporteur, l’anti-régionalisme est une erreur. D’abord parce que les groupes nationalistes qui ont toujours exigé une autodétermination indépendantiste continueront de le faire dans l’avenir, ensuite parce qu’il sera extrêmement difficile à ces revendications de se faire entendre dans des régions qui ont déjà atteint un niveau adéquat d’autonomie.

48.       Au contraire, une organisation adéquate du régionalisme européen peut créer un équilibre entre des Etats et des régions (des pouvoirs sub-étatiques reconnus), qui est nécessaire pour des motifs les plus divers. L’Etat doit montrer qu’il est un Etat pour tous. S’il est plurinational, multiculturel ou multilingue, il doit le reconnaître au niveau institutionnel. Les minorités, si elles existent, ne peuvent pas être ignorées, ne serait-ce que pour des raisons démocratiques ou humanitaires. Si elles restent ignorées, l’Etat aura inéluctablement à faire face à des conflits insolubles.

49.       Nous devons cependant reconnaître que le régionalisme est une question complexe que la réalité de nos sociétés ne rend pas plus facile à traiter. Si nous abordons cette question du point de vue européen, il est clair que nous sommes confrontés à de nombreux dysfonctionnements. Premier problème : le poids écrasant de certains Etats par rapport à d’autres. Par ailleurs, d’autres différences résident dans leur structure constitutionnelle, l’existence de communautés, peuples, nations sans Etat, de régions ayant des identités, des politiques et des économies qui leur sont propres, et le traitement différent qui leur est accordé selon les lois et constitutions des Etats. Toutes ces situations posent des questions sur la manière de vertébrer la future Europe du point de vue politique et juridique, sur la base d’un régime juste et rationnel capable de satisfaire tous ses citoyens ainsi que tous ceux qui se sentent patriotiquement motivés parce qu’ils appartiennent à une communauté spécifique s’inscrivant dans un Etat divers.

50.       Cette description doit prendre en compte certains faits précis. Par exemple, lorsque nous parlons de petits Etats, notons que certains sont beaucoup plus petits que de nombreuses régions européennes. Ils n’en sont pas moins des Etats pour autant et malgré leurs limites, ils sont pleinement reconnus en tant que tels et participent dans une mesure considérable aux processus de décision de l’Union européenne et du Conseil de l’Europe. Ces Etats, très petits du point de vue géographique et démographique, peuvent participer directement aux affaires européennes, contrairement à des régions plus grandes ayant un pouvoir politique, de grands territoires et des populations infiniment plus nombreuses, dont la contribution au PIB de l’Union est inversement proportionnelle et qui font l’objet d’un traitement secondaire et mineur et sont privées de toute possibilité de participer au processus de décision. Il s’agit là d’une réalité incontestable.

51.       Si nous ne pouvons pas trouver de formule pour corriger ces deux paradoxes politiques (petits Etats politiquement privilégiés et grandes régions négligées), et si l’Etat continue d’être le seul élément de la structuration politique d’une communauté, le message envoyé aux régions ayant une identité forte et une ambition politique ne sera pas celui d’une approche politiquement efficace, équitable et structurante. Nous devons cependant prendre conscience que si les Etats ou l’Union européenne persistent à affirmer (ce qui n’est pas notre cas, bien au contraire) que les structures intermédiaires n’ont pas leur place et qu’il n’y a pas de possibilités institutionnelles à l’intérieur de l’Union européenne ou du Conseil de l’Europe, les régions éprouveront un sentiment de frustration tel qu’elles chercheront d’autres voies ou formuleront d’autres revendications.

52.       Par ailleurs, il existe des Etats unitaires et des Etats fédéraux. La structure la plus courante étant une structure mixte. Il s’agit soit d’un système fédéral intégral, soit d’un système reposant sur des régions autonomes ou des statuts particuliers de décentralisation (Allemagne, Autriche, Belgique, Espagne, Italie, Portugal, Royaume-Uni, Finlande, Russie, Suisse, entre autres, et bien évidemment la France et le statut de décentralisation accordé à la Corse). Mais une politique axée sur les régions est de nature très différente, au point que les gouvernements sont peu enclins à admettre le rôle des régions à l’intérieur de l’Europe. Dans la plupart des cas, cette réticence est liée aux traditions historiques, à la répartition actuelle des compétences, voire à l’idéologie et aux programmes politiques des gouvernements, qui peuvent être plus ou moins favorables à une présence régionale.

53.       Nous ne devons pas oublier la variété et le pluralisme du régionalisme européen, qui est autant une caractéristique qu’une difficulté. De nos jours, la réalité européenne, du point de vue social, politique et institutionnel, est une mosaïque complexe de structures, de dimensions et d’échelons différents, parfois institutionnels et administratifs, incluant des communautés géographiques et des identités culturelles évidentes, voire des réalités collectives très marquées côtoyant des réalités institutionnelles dont le poids administratif est fort (départements, provinces, comtés, régions simplement administratives) mais l’importance politique plus faible.

54.       Les régions sont si différentes les unes des autres que la recherche d’une formule générale est encore plus compliquée. L’égalité structurelle entre les régions, proposée dans certaines institutions régionales européennes, est une fiction. Il existe toutes sortes de régions. Parfois, d’importantes minorités nationales sont directement liées à d’autres Etats nationaux existants, n’ayant pas pu, pour de multiples raisons, devenir un Etat à un moment historique donné. Elles font désormais partie d’Etats membres mais préservent leur identité et un poids politique important. Dans certains cas, nous le savons tous, ces territoires ont une langue et une culture qui leur sont propres, différentes de celle de l’Etat auquel elles appartiennent.

55.       Ces régions ne peuvent pas être comparées aux régions de l’Union européenne (régions créées pour des raisons de cohésion et de solidarité en vue de réduire les inégalités au moyen des instruments de la politique régionale, et classées par objectifs de type 1, 2 ou 3 selon leurs caractéristiques économiques). Ces régions, dont le poids politique est plus faible et le caractère plus administratif ou gestionnaire, résultent d’une simple décentralisation de l’Etat ou sont utiles du point de vue de la répartition des fonds régionaux de l’Union européenne. Compte tenu de la grande différence entre ces deux types de régions, il est impératif d’éviter tout amalgame régional qui pourrait être uniforme, sans nuances ou sans différences. Il serait encore moins judicieux d’unifier les politiques régionales avec celles des villes ou des collectivités locales comme cela a été le cas au cours des décennies récentes.

56.       Nous ne devons pas non plus oublier que les régions sont le plus souvent les instances qui doivent mettre en oeuvre les décisions adoptées par l’Union européenne ou le Conseil de l’Europe, en tenant compte de l’absolue nécessité de respecter la répartition interne des pouvoirs propre à chaque Etat. En ce sens, il a été dit à juste titre que de nombreuses régions sont directement responsables de l’élaboration et de l’application du droit européen. En effet, ce sont bien les régions qui ont des responsabilités législatives et politiques importantes qui mettent en œuvre ces politiques. Il n’est donc pas surprenant dès lors qu’elles veuillent également être présentes et engagées dans le processus de décision.

57.       La situation était différente au début de la Communauté européenne, qui ne comptait qu’un seul pays véritablement décentralisé, l’Allemagne. Depuis, les choses ont énormément changé. Le phénomène régional a fait un formidable bond en avant au cours des trente dernières années. Le cas de l’Espagne n’est pas unique. D’autres changements ont eu lieu en Belgique, par exemple. Citons également la décentralisation britannique, les statuts particuliers de la décentralisation en France, voire un certain degré de décentralisation dans la plupart des pays. Il faut également tenir compte des Etats de l’Europe orientale où la tradition fédérale de niveaux de gouvernement sub-étatiques est enracinée, sans oublier que la Russie est une fédération. Dans une certaine mesure, l’Europe a progressivement accepté la réalité régionale et nous devons reconnaître les progrès accomplis par rapport aux années quatre-vingt.

58.       Nous sommes par conséquent dans une Europe très consolidée mais inéquitable, face à de nouveaux processus de régionalisation, à des revendications qui dépassent le cadre de la région et à une volonté de créer de nouveaux Etats, que l’on soit pour ou contre ces évolutions.

59.       Il s’agit bien entendu d’une question compliquée à l’origine d’importants désaccords politiques, voire de différends idéologiques. A l’intérieur du Conseil de l’Europe et de l’Union européenne, on compte des unionistes et des partisans d’une Europe intergouvernementale, proche de la vieille tradition jacobine, qui estiment que seul les Etats doivent être maîtres du processus décisionnel ou du contrôle politique d’un macro-Etat européen. Il existe également des Etats-nations sans présence régionale et ces gouvernements sont rarement intéressés par la question puisqu’elle ne s’applique pas à leur territoire.

60.       On compte cependant des régions qui aspirent à l’autonomie, où l’on trouve notamment des fédéralistes et des autonomistes favorables à la subsidiarité. Ces derniers estiment qu’il est extrêmement difficile de faire avancer leurs idées bien qu’ils souhaitent institutionnaliser la réalité européenne telle qu’elle est ou, plus précisément, transposer les particularités politiques, culturelles et territoriales des sociétés européennes dans l’organisation institutionnelle de l’Europe.

61.       Compte tenu des difficultés mentionnées, les progrès accomplis par les Etats membres du Conseil de l’Europe en la matière sont absolument remarquables. Dans la plupart d’entre eux, des mécanismes de régionalisation ont été mis en oeuvre et, au cours des vingt dernières années, ce niveau sub-étatique a progressé de manière extraordinaire du point de vue quantitatif, voire qualitatif. En outre, l’organisation d’institutions favorisant le régionalisme européen s’améliore progressivement.

IV.        La progression du régionalisme

62.       L’essor du régionalisme dans les différents pays européens est récent ainsi que les progrès accomplis en la matière, bien que les solutions politiques et constitutionnelles mises en oeuvre soient différentes. Même le Conseil de l’Europe et l’Union européenne ont dû concevoir des politiques en vue d’élaborer des projets tenant compte de cette nouvelle réalité.

63.       Ce processus d’institutionnalisation des régions et de l’autonomie est indéniablement un succès tout à fait extraordinaire. Examinons le cas de l’Espagne. Dix-sept régions autonomes ont été créées à la suite de la transition démocratique. EIles sont en place depuis trente ans et leur contribution aux progrès de l’Espagne a été fondamentale. La stabilité et le bien-être de l’Etat espagnol n’auraient pu être possibles sans la contribution énorme des régions autonomes.

64.       Ces régionalismes sont profondément proeuropéens. Tous, à quelques exceptions près, affirment leur rôle sans remettre en question leur appartenance à l’Etat. Ils souhaitent s’inscrire dans l’Europe en vue d’enrichir, de renforcer et de légitimer le projet européen. En ce sens, comme ils incarnent la représentation populaire, ils sont une garantie du pluralisme politique et des droits des citoyens, c’est-à-dire une plus-value démocratique et une garantie de soutien au projet européen. Ils sont également l’expression politique de la volonté des régions et des mécanismes de développement socio-économique des territoires et de leurs citoyens.

65.       Outre la demande de progrès en matière de modèle régional, ces régionalismes souhaitent également élaborer une culture régionale européenne permettant aux régions de devenir des partenaires efficaces dans le processus d’intégration. Plus spécifiquement, leurs intentions seraient de créer les conditions nécessaires à la participation directe ou individuelle des régions dans certains domaines pertinents des politiques communautaires, ainsi qu’à la participation au processus de définition par l’Etat de ses propres positions, de sa prise de décisions et de sa représentation. Enfin, ils proposent la participation conjointe des régions aux institutions européennes par le biais d’un régionalisme organisé à l’intérieur du Comité des régions, clairement distinct pour les régions dites législatives ou constitutionnelles.

66.       Les politiques de l’Union européenne ont elles-mêmes déclenché un mouvement en faveur du régionalisme. Elles ont divisé les régions en différents niveaux en vue de programmer leurs actions et, surtout, de répartir les fonds structurels. Dans de nombreux cas, les régions créées dans l’Union européenne coïncident avec des régions politiques existantes ou des divisions administratives ; dans d’autres, il a fallu mettre sur pied de simples divisions utilitaires, pour des raisons de planification ou de réception de fonds de l’Union européenne.

67.       Ajoutons à cela que l’Union européenne a créé le Comité des régions où les régions institutionnalisées des Etats membres sont représentées. Nous devons également reconnaître que l’Union européenne n’a pas voulu donner au mouvement régional l’importance et le poids qu’il mérite. Rappelons seulement le fait que le Comité des Régions est aussi composé de collectivités locales. Par ailleurs, le traité constitutionnel ne prévoyait que de faibles avancées concernant les régions. Elles étaient négligées dans le projet européen. Par ailleurs, nous devons aussi mentionner l’apparition du concept d’euro-région, déjà matérialisé dans des projets aboutis et qui, même s’il n’est pas lié à des régions politiques et s’il est présenté principalement comme un instrument visant à renforcer les structures et le développement, n’en reste pas moins un projet régionaliste. Comme nous le voyons, l’Union européenne s’est vue contrainte de reconnaître la réalité régionale sans pouvoir organiser de manière adéquate, au niveau européen, un régionalisme plus engagé dans les affaires communautaires.

68.       La revitalisation du régionalisme européen est indéniable et les changements observés dans ce domaine sont récents dans des pays très différents. La Suisse a par exemple modifié les liens financiers unissant la Confédération et les cantons. En Allemagne, la structure fédérale et le rôle du Bundesrat, chambre où les « laender » sont représentés, ont subi des changements. En Belgique, de nouveaux pouvoirs fédéraux ont été transférés aux régions. Dans d’autres pays, comme l’Italie, un processus analogue a été entamé. En Espagne et au Royaume-Uni aussi, comme nous l’avons indiqué précédemment

69.       Personne ne conteste que le régionalisme et le renforcement de l’autonomie régionale font partie d’un processus de démocratisation de nos Etats, d’autant qu’ils rapprochent les pouvoirs décisionnels des citoyens, accroissent et renforcent la participation des territoires et des sociétés dans les affaires publiques.

70.       Le mouvement régionaliste européen s’est affirmé au cours des années. Des organisations régionales initiales comme le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe, ou parmi les associations européennes le Conseil des communes et régions d’Europe et l’Assemblée des régions d’Europe (pour ne citer que les plus importantes), nous sommes passés à un Comité des régions institutionnalisé dans l’Union européenne et à une Chambre des régions au Conseil de l’Europe et à la création d’un groupe de pression non négligeable, les régions disposant d’un pouvoir législatif, ou régions constitutionnelles, qui revendiquent une reconnaissance et une participation plus grande aux affaires publiques, conformément à leur poids dans la politique et l’économie européenne.

71.       Nous devons également signaler l’importance de la CALRE (Conférence des assemblées législatives régionales européennes), qui est l’organe représentant les parlements régionaux avec lequel la commission de l’environnement, de l’agriculture et des questions territoriales travaille depuis sa création. Cette conférence fait entendre la voix des parlementaires et supervise les gouvernements régionaux, les capacités normatives et les initiatives en matière de législation, notamment en faveur de la démocratie régionale. L’Assemblée parlementaire apprécie et suit volontiers les travaux réalisés à ce niveau parlementaire, qui a su trouver sa place parmi les institutions européennes.

72.       Les efforts déployés par les régions pour proposer un mode de fonctionnement fédéral s’inscrivent dans un contexte où le fédéralisme fait l’objet d’un débat, compte tenu de l’existence d’Etats fédéraux d’une part et parce que la régionalisation suppose des mécanismes de nature fédérale, explicites ou implicites. A l’évidence, toute solution conçue pour donner à l’Europe un modèle politique et juridique viable intégrant les régions, appliquant une subsidiarité effective et privilégiant une proximité du citoyen doit être fédérale et « fédéralisante », qu’elle soit désignée comme telle ou implicitement, sans la désigner nommément.

73.       Ce débat n’est pas nouveau. La question de l’unionisme ou du fédéralisme a été soulevée à La Haye en 1948. Les uns prônant une Europe intergouvernementale, les autres une Europe fédérée et fusionnée. Votre rapporteur estime que les événements ont prouvé que des progrès importants ont été accomplis sur la voie de la fédération, malgré de vives résistances, sachant que cette dénomination est loin d’être acceptée. La question a notamment été soulevée lors du débat sur le traité constitutionnel de l’Union européenne.

74.       Ce nouveau fédéralisme suppose d’impliquer les régions, les territoires et les organisations de la société civile dans la construction de l’Europe. Il plaide en faveur d’une participation plus grande des citoyens dans le processus d’intégration européenne, sur la base d’une véritable proximité. Les possibilités sont multiples : de celles qui modifient la manière dont les Etats interagissent avec l’Europe à celles qui pourraient entraîner la création d’une deuxième chambre de l’Union ou transformer le Conseil de l’Europe en organe de représentation territoriale. De nombreuses recommandations ont été formulées en ce sens, d’autres suivront certainement.

V.       Etats, régions, mondialisation et Europe

75.       Les manuels d’histoire montrent que l’Europe s’est progressivement structurée de différentes manières par le biais de mécanismes institutionnels variés. Citons pour mémoire les tribus dispersées, les « polis » grecques, l’empire romain et sa division en provinces, l’apparition des communes et comtés féodaux, puis des royaumes, jusqu’à la naissance de l’Etat moderne, des grandes monarchies et la transition du féodalisme au capitalisme, qui a préparé la création des « Etats-nations ». L’Etat-nation a été l’institution qui a accompagné l’industrialisation et le libre échange et, jusqu’au dix-huitième siècle, permis la progression politique des sociétés modernes. Ce processus, dans lequel les Etats occupaient une position prééminente, a duré jusqu’aux dix-neuvième et vingtième siècles. On se contentera de souligner qu’au cours du siècle précédent, plus de douze Etats ont été créés en Europe.

76.       Le développement cohérent des sociétés et des institutions publiques du dix-septième au vingtième siècle a conduit à la mise en place de toutes sortes d’arrangements territoriaux selon l’idée qu’un Etat est une nation et une nation un Etat. Certains Etats ont poussé la logique de cette idée en affirmant que l’Etat ne pouvait qu’être unitaire, ignorant le fait que celui-ci a des visages multiples et que la forme mixte est l’arrangement le plus courant. Là où le jacobinisme était la doctrine dominante, la réalité unitaire de l’Etat n’a pas permis aux autres communautés, identités, nationalités et régions de s’exprimer. Elles ont été intégrées dans leurs Etats respectifs sans pouvoir se développer. La plupart ont été assimilées et certaines sont restées latentes pendant de nombreuses années. Toutes n’ont pas disparu.

77.       Depuis la fin de la seconde guerre mondiale, l’institution pivot qu’est l’Etat a entamé un déclin visible sous l’effet de la mondialisation des marchés et de la finance, des communications et de la culture, et de toutes formes d’échanges. D’une certaine manière, aucun Etat ne peut relever seul les nouveaux défis et assurer un progrès durable à ses populations. Confronté à ce défi, le recours traditionnel à l’autarcie (marchés nationaux fermés) s’est avéré inadapté. L’impérialisme, quant à lui, présentait trop de risques sur le long terme. Le vieil Etat a commencé à donner des signes d’épuisement et s’est avéré incapable de fournir à ses citoyens ce qu’il avait toujours su lui prodiguer : la stabilité financière, une monnaie, le progrès, la défense et une présence institutionnelle.

78.       Quelques Européens conscients de la faiblesse de leurs Etats et de leur incapacité à contrôler les processus en cours (les marchés, les politiques et la culture débordant le cadre national et l’ouverture des frontières physiques, politiques et financières rendant l’autarcie inutile et contre-productive) ont fini par être convaincus que la seule solution était de placer les Etats dans des cadres politiques et financiers suffisamment larges pour qu’ils puissent relever les défis géostratégiques, technologiques et financiers que l’avenir ne manquerait pas de poser. L’idée selon laquelle l’union fait la force, le souci de faire face ensemble aux nouvelles menaces stratégiques, sociales et économiques, et la volonté de débarrasser les Etats européens des vieilles politiques ayant conduit aux horreurs des deux guerres mondiales ont animé ces visionnaires.

79.       Ces réflexions ont conduit les gouvernements européens à créer de nouvelles formes institutionnelles de regroupements intergouvernementaux, notamment le Conseil de l’Europe, l’Union de l’Europe occidentale, l’Organisation du traité de l’Atlantique nord, l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe et les Communautés européennes, puis la Communauté économique européenne et enfin l’Union européenne, qui implique une intégration des Etats dans un cadre multi et supra national. Nous sommes donc entrés dans une phase où l’Etat-nation est devenu obsolète en tant que cadre économique, politique et institutionnel propre à assurer cohésion et progrès aux sociétés européennes.

80.       Fondamentalement, l’Union européenne s’oriente vers une structure plus ou moins fédérative d’Etats aboutissant, au terme d’un processus de transformation, à une réalité constitutionnelle et institutionnelle multiétatique. Dans le cas de l’Union européenne, l’idée serait de créer une nouvelle communauté qui ne serait pas considérée comme nationale (au moins pour l’instant, voire jamais), mais qui pourrait devenir un cadre institutionnel, économique, juridique et politique analogue à un Etat classique prévalant sur les Etats membres, comme il l’est aujourd’hui sous de nombreux aspects, notamment financiers.

81.       Le projet européen, que cela plaise ou non, suppose un affaiblissement des Etats, même si certains s’y opposent avec acharnement. Il convient d’ajouter que l’Union européenne étant une construction des gouvernements et des Etats, ceux-ci n’ont pas de raison de se plaindre. Cependant, l’Union européenne suppose un transfert de souveraineté massif à partir des Etats, analogue à celui qui a précédé la création de l’OTAN dans le domaine de la défense. Les Etats ne sont plus ce qu’ils étaient : leur rayon d’action s’est considérablement réduit.

82.       Ce rapport montre que le remplacement de l’Etat classique par une réalité beaucoup plus large et englobante, ainsi que le phénomène de la mondialisation, ont produit un double mouvement conduisant à la naissance de la réalité régionale européenne. D’une part, les craintes des Etats européens à l’égard de la mondialisation semblent si vives et floues que ces Etats ont ressenti le besoin de se raccrocher à quelque chose de proche et de tangible, à des racines, à une identité et une culture historique. D’autre part, l’émergence de nombreuses superstructures européennes et géostratégiques ont fait naître le besoin de politiques et d’institutions de proximité, de subsidiarité et d’une participation directe des citoyens.

VI.       Nouveaux Etats ou grandes régions ?

83.       L’un des principes établis de la politique européenne après la seconde guerre mondiale a été l’intangibilité des frontières, inscrite dans un accord signé par la communauté internationale à Helsinki en 1975 et maintenue jusqu’à la chute du mur de Berlin. L’effondrement du bloc soviétique a cependant modifié un certain nombre de frontières et provoqué la disparition de plusieurs Etats (l’Union soviétique, la Yougoslavie, la République démocratique d’Allemagne, la Tchécoslovaquie) et l’apparition de nouveaux Etats, issus de la dislocation des précédents : Estonie, Lituanie, Lettonie, Arménie, Géorgie, Azerbaïdjan, Fédération de Russie, Ukraine, Bélarus, Moldova ; Etats issus de la division des Balkans : Slovénie, Croatie, « l’ex-République yougoslave de Macédoine », Bosnie-Herzégovine, la nouvelle Serbie et le Monténégro.

84.       Autre résultat de ces changements, la séparation à l’amiable de la Slovaquie et de la République tchèque. Nous avons ensuite enregistré la proclamation d’indépendance du Monténégro qui a fait suite à un référendum sur l’autodétermination et nous assistons désormais au processus d’indépendance du Kosovo, qui est pratiquement adopté par les Nations Unies et la communauté internationale.

85.       Il est par conséquent indéniable que le principe d’intangibilité des frontières n’a pas prévalu. L’Europe prise en charge par le Conseil de l’Europe était composée de trente-cinq Etats en 1989, contre quarante-neuf à l’heure actuelle (quarante-sept Etats membres du Conseil de l’Europe plus le Bélarus et le Vatican). Quatorze nouveaux Etats sont apparus. La plupart d’entre eux sont des républiques qui faisaient auparavant partie d’une fédération (Union soviétique, Yougoslavie), ou sont issus d’autres événements (République tchèque et Slovaquie, ou réunification allemande). La décision finale concernant le Kosovo est imminente, ce qui pourrait porter le nombre d’Etats à cinquante, dont quinze créés au cours des quinze dernières années.

86.       Il est par conséquent impératif de savoir dans quelle direction nous nous orientons. Beaucoup s’accordent à dire qu’une Europe incluant dix ou douze Etats supplémentaires (s’ajoutant aux cinquante Etats existants) est difficile à imaginer et serait encore plus complexe à gérer. Mais il existe indéniablement une force dont la dynamique ne peut pas être mesurée et qui nous pousse vers cette nouvelle structure dans un avenir proche. La mondialisation et la nature même du projet européen tel qu’il se présente nous conduisent vraisemblablement dans cette direction.

87.       Cet avenir n’est pas lointain. Personne ne peut prédire avec certitude les contours de l’Europe dans cinquante ans. Nous n’avons aucun moyen de le savoir d’autant que nous ne serons pas décisionnaires en la matière. Les Européens décideront eux-mêmes (nos petits enfants et nos arrière-petits-enfants) s’ils veulent continuer à être italiens, français, espagnols, belges, écossais, basques, catalans ou européens. Laissons-les choisir. Mon analyse se limite à ce qui pourrait se passer dans un avenir proche. En ce sens, je considère que, compte tenu des événements historiques et des évolutions politiques de ces vingt dernières années, les aspirations indépendantistes seront plus marquées, à moins que nous ne trouvions les mécanismes pour satisfaire une majorité de citoyens des régions concernées.

88.       Mon analyse repose sur une conception exigeante de l’Etat de droit, de l’exercice de la démocratie et du respect le plus strict des droits de l’homme. C’est la raison pour laquelle, du point de vue démocratique, j’estime qu’il est très difficile de refuser à une partie de la population d’un Etat le droit à l’autonomie qu’elle a exprimé majoritairement lors d’un scrutin électoral. Je pense notamment au Monténégro, à la République tchèque et à la Slovaquie, dans lesquels une majorité écrasante de la population s’est exprimée en faveur de la séparation. Dans ce cas, les pressions politiques et les pratiques démocratiques ne sont pas seulement importantes, elles sont décisives. En revanche, en démocratie, si seule une minorité de citoyens revendique l’indépendance territoriale, la communauté internationale est fondée à ne pas reconnaître le nouvel Etat.

89.       Notre propos n’est pas de passer en revue les difficultés et les problèmes, les soutiens ou les oppositions propres aux processus de création de nouveaux Etats, ce qui est pratiquement impossible dans la plupart des cas, notamment à court terme. Nous sommes conscients du risque de confrontation, de déstabilisation entre des Etats voisins, entre des minorités et des majorités, de la perte d’une cohésion minimale dans les sociétés concernées et des nouveaux défis que doit relever le projet européen.

90.       Cependant, la réalité est obstinée, et la décision de l’Union européenne de reconnaître le nouvel Etat du Monténégro si les Monténégrins le décidaient par référendum a créé un précédent dont les conséquences vont s’avérer importantes, non seulement parce que l’autonomie devait être légitimée par un référendum, mais également du point de vue des conditions fixées pour ce référendum : participation minimale fixée à 50 % et seuil d’approbation à 55 % (le niveau de participation a été de 80 %, 55,5 % des votants ayant voté oui). Le Monténégro a donc obtenu son indépendance pour un demi point au-dessus du seuil minimum, dans un processus électoral irréprochablement transparent et légitime.

91.       La prolifération de nouveaux Etats, redoutée par certains et encouragée par d’autres, soulève des questions d’une grande importance historique et politique. D’autres Etats doivent-ils être créés dans un avenir proche ? Quelles sont les conditions propres à un processus d’indépendance conduisant à un nouvel Etat au sein de l’Europe ? Doivent-elles être identiques à celles qui ont été appliquées au Monténégro ? Ou l’indépendance doit-elle être conditionnelle, comme il est recommandé pour le Kosovo ? D’autres cas se présenteront-ils ?

92.       Ces questions ne sont pas gratuites ou hors sujet. Nous connaissons tous l’existence en Europe de revendications d’indépendance très anciennes auxquelles les événements du Monténégro et du Kosovo ont redonné une certaine actualité. Dans des lieux aussi distants les uns des autres que peuvent l’être la Voïvodine, la Tchétchénie, l’Abkhazie, l’Ossétie du sud, la Transnistrie, le Kurdistan turc, l’Ecosse, le Pays de Galles, la Flandre, la Catalogne, le Pays Basque, la Galice, le Haut Adige, voire d’autres régions aux velléités indépendantistes, la création de nouveaux Etats et les conditions requises par l’Union européenne (le cas du Monténégro) a encouragé le séparatisme. Entre autres réactions, nous avons tous observé le résultat des élections en Ecosse et l’intention de tenir un référendum sur l’indépendance d’ici 2010. Nous ne pouvons ignorer la réalité ou l’évolution potentielle de ces revendications.

93.       Le précédent du Monténégro montre que si un nouveau cas se présentait (en l’espèce le Kosovo), l’Union européenne ne pourrait pas modifier les conditions préalablement fixées ou se montrer plus exigeante en ce qui concerne la participation ou les votes favorables à la sécession. Pourquoi de telles conditions s’appliqueraient-elles au Monténégro et pas aux autres ? Nous devons estimer que les responsables de l’Union européenne (tous les Etats ont appuyé les décisions et les conditions fixées) ont pris la décision la plus favorable au peuple monténégrin du point de vue de la protection de leurs droits et de la transparence des pratiques démocratiques, et que cette décision a été suffisamment évaluée et méditée pour que les conséquences de ce précédent aient pu être acceptées. C’est du moins ce que je suis enclin à penser.

VII.       La voie régionaliste

94.       Comme l’a affirmé notamment l’Assemblée parlementaire, la reconnaissance d’entités sub-étatiques est la formule la plus efficace pour trouver des solutions aux conflits politiques, culturels, identitaires et ethniques en Europe. Il s’agit de la meilleure solution et l’histoire a pu le prouver récemment.

95.       Exclure ou sous-estimer les régions d’Europe conduirait indéniablement à une désaffection croissante qui, à long terme, serait mortelle pour le projet européen et les Etats eux-mêmes. L’Europe ne peut pas se construire si une partie considérable de sa population n’est pas en mesure de s’identifier à son projet partagé. Nous ne devons pas oublier que de nombreuses régions européennes représentent fondamentalement la volonté politique des citoyens qui se reconnaissent dans cette identité. Le sentiment d’appartenance à un territoire, une culture ou une réalité nationale est souvent si fort que les citoyens ne veulent être Européens que si l’Europe reconnaît leur identité. Une Europe qui évolue vers l’uniformité et la dépersonnalisation et refuse de reconnaître leur identité, la subsidiarité et la proximité ne les intéresse pas. Historiquement, le moment est venu de faire admettre l’idée que les régions doivent s’inscrire dans le cadre institutionnel européen.

96.       Cela étant, il est clairement établi que tout retour au jacobinisme et à la dénégation des droits politiques, culturels, linguistiques ou historiques n’aurait pas d’autre effet que de contraindre les peuples à revendiquer une reconnaissance proche des vues séparatistes. L’Etat unitaire appartient au passé. Les Etats doivent reconnaître, le cas échéant, la diversité de leur nature et traduire cette réalité dans une institutionnalisation démocratique. Entre l’Etat centralisateur et la sécession, il existe de nombreuses solutions dans le cadre de ce que nous appelons le régionalisme en Europe.

97.       La décentralisation des Etats peut prendre de nombreuses formes, notamment le département, la province ou la région…, incluant divers types de transfert de délégation, dont la capacité de promulguer des lois et l’exercice indépendant du pouvoir, traditionnellement réservés à l’Etat. Dans les Etats membres du Conseil de l’Europe, la régionalisation prendra donc des formes différentes selon leur organisation territoriale et la volonté de leurs citoyens. Un système symétrique général ne semble pas plausible. Chaque pays est différent et un modèle unique ne serait pas applicable.

98.       Nous avons souligné l’existence de régions dont la personnalité politique et culturelle est marquée et auxquelles il conviendrait d’offrir un degré d’institutionnalisation conforme à leur identité. Mais il faudrait préalablement créer au sein de chaque Etat des mécanismes de proximité et de subsidiarité, ce qui suppose d’adapter les régions pour qu’elles puissent répondre aux besoins actuels ou créer des institutions sub-étatiques là où elles n’existent pas encore.

99.       Il incombe à chaque Etat (et à ses citoyens) de décider du degré de régionalisation qu’il juge utile et, le cas échéant, d’adopter le type d’organisation régionale qui doit être créé. A cet égard, le Conseil de l’Europe doit formuler un nombre minimal (et facultatif) de critères qui ne doivent pas être imposés, mais recommandés, à la seule condition que le processus soit véritablement démocratique, tous les citoyens étant impliqués dans la prise de décision.

100.       Les régions les plus importantes n’auront le sentiment d’être à leur place dans leurs Etats et considérées comme des acteurs du projet européen que si elles obtiennent un degré d’autonomie et de souveraineté leur permettant de gouverner conjointement avec la puissance publique. Cette troisième voie, qui consiste à donner aux régions/peuples/nationalités ou nations un rôle important en tant qu’institutions sub-étatiques, est la seule manière de répondre aux revendications nationalistes qui, en l’absence de solutions de remplacement, s’exprimeraient en faveur de la création d’un nouvel Etat.

101.       A ce moment historique précis, votre rapporteur estime que le réalisme politique exige que nous abordions les questions telles qu’elles se présentent dans la réalité. Si nous estimons aujourd’hui que le centralisme et le jacobinisme défendent une vision unitaire de l’Etat aussi passéiste que source potentielle de conflits, mais si, par ailleurs, nous pensons qu’il faut mettre fin à la création sans fin de nouveaux Etats dont la prolifération rendrait l’Europe ingérable, il semble que la seule solution à ce dilemme puisse être trouvée dans le régionalisme ou le fédéralisme.

VIII.       La Charte européenne de la démocratie régionale

102.       Le besoin de créer un ensemble de principes partagés par les pays européens, de structurer le régionalisme et de veiller à ce qu’il soit coordonné plaide en faveur d’une charte européenne de la démocratie régionale, que le Congrès du Conseil de l’Europe et sa Chambre des régions s’emploient à élaborer avec une grande détermination. Il est essentiel pour l’Europe de se doter d’un document de base sur la régionalisation qui puisse servir de référence juridique et politique acceptée par tous les Etats membres. Ce document doit être pragmatique, convaincant et représentatif.

103.       En 1997, le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux a adopté un projet de charte européenne de l’autonomie régionale prévoyant un ensemble de compétences, de pouvoirs et de financements pour les régions européennes. Ce projet, soutenu par l’Assemblée, n’a été adopté ni à la conférence ministérielle d’Helsinki en 2002 ni à celle de Budapest en 2005. Si nous voulons une nouvelle charte, nous devons lever les réserves que les Etats ont formulées au point de rejeter le projet.

104.       Depuis, le Congrès se penche sur une version plus réaliste et évolutive du document afin de définir un niveau régional entre les autorités centrales et locales qui tienne compte du fait que la plupart des Etats membres du Conseil de l’Europe ont entrepris récemment des réformes en profondeur de leurs systèmes régionaux.

105.       Qu’ils découlent de la mondialisation, d’une réponse aux revendications des citoyens, d’une réorganisation démocratique conforme au respect des droits des minorités dans les nouvelles démocraties ou d’une intégration européenne, les processus de régionalisation sont incontestablement en cours, en préparation ou réformés dans un certain nombre d’Etats membres comme l’Italie, la France, l’Espagne, le Royaume-Uni ou le Portugal.

106.       Le nouveau document suppose que de nombreux Etats membres du Conseil de l’Europe se pencheront sur la question de la régionalisation dans un avenir proche, ce qui semble logique puisque les institutions régionales sont soumises aux mêmes pressions que les gouvernements centraux en ce qui concerne les changements structurels, sociaux et économiques. Par ailleurs, elles apparaissent comme le lieu idéal pour renforcer les responsabilités publiques car elles sont proches des secteurs sociaux et économiques, idéalement proportionnées pour les tâches de planification, d’exécution et de suivi, sans oublier leurs nombreux autres atouts.

107.       Le Congrès et son rapporteur, M. Jean-Claude Van Cauwenberghe, ont relancé les travaux d'élaboration d'un nouveau document sur la démocratie régionale auquel l'auteur de ce rapport a contribué en représentation de l'Assemblée parlementaire. Le 1er juin 2007, lors de la 14e Session plénière, sur proposition de sa Chambre des Régions, le Congrès a présenté un rapport et a adopté sa Résolution 244 (2007) sur les Principes régissant la démocratie régionale: propositions et stratégie. Ce rapport contient une première proposition de charte européenne de la démocratie régionale qui constitue la base d'un projet plus élaboré qui sera débattu lors de la 15e Session plénière du Congrès, en 2008.

108.        Cette première proposition de charte européenne de la démocratie régionale comporte trois parties: la partie I fixe un corps commun minimum de principes généraux de régionalisation. La partie II propose trois solutions alternatives pour chacun des aspects considérés, permettant à chaque pays le choix de celle qui correspond mieux à son niveau d'autonomie régionale. La partie III précise les formes et les conditions de la mise en oeuvre de la régionalisation selon une méthode d'adoption non contraignante qui laisse à chaque Etat le choix de formuler un grand nombre de réserves.

109.        Ce nouveau projet de charte ouvrira de nombreuses perspectives sur les formes les plus variées d'autonomie régionale, des plus modestes aux plus ambitieuses, et devra permettre de s'adapter à tous les systèmes constitutionnels existants. Compte tenu des mesures de précaution prévues et dans l'attente de la décision finale des gouvernements, libres de signer et de ratifier cette future nouvelle charte, votre rapporteur est convaincu que le renforcement du niveau sub-étatique est fondamental pour la stabilité et la cohésion de l'Europe.

110.        En conséquence, votre rapporteur recommande donc à l'Assemblée parlementaire de soutenir le moment venu avec enthousiasme la nouvelle charte européenne de la démocratie régionale devant le Comité des Ministres telle qu'elle aura été rédigée et adoptée par le Congrès du Conseil de l'Europe.

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Commission chargée du rapport : commission de l’environnement, de l’agriculture et des questions territoriales

Renvoi en commission : Doc. 10844, Renvoi n° 3210 du 29 mai 2006

Projet de recommandation adopté à l’unanimité par la commission le 12 septembre 2007

Membres de la commission : M. Walter Schmied (Président), M. Alan Meale (1e Vice-Président), Mme Elsa Papadimitriou (2e Vice-Présidente), M. Pasquale Nessa (3e Vice-Président), M. Ruhi Açikgöz, M. Milos Aligrudić, M. Gerolf Annemans, M. Ivo Banac, M. Tommaso Barbato, M. Rony Bargetze, M. Jean-Marie Bockel, M. Ivan Brajović, M. Mauro Chiaruzzi, Mme Pikria Chikhradze, M. Valeriu Cosarciuc, M. Osman Coşkunoğlu, M. Alain Cousin, M. Taulant Dedja, M. Hubert Deittert, M. Tomasz Dudziński, M. József Ékes, M. Savo Erić, M. Bill Etherington, M. Nigel Evans, M. Ivàn Farkas, M. Adolfo Fernández Aguilar (remplaçant : M. Julio Padilla), M. György Frunda, Mme Eva Garcia Pastor, M. Peter Götz, M. Vladimir Grachev, M. Rafael Huseynov, M. Stanislaw Huskowski, M. Jean Huss, M. Fazail Ibrahimli, M. Ilie Ilaşcu, M. Mustafa IIicali, Mme Fatme Ilyaz, M. Ivan Ivanov, M. Bjørn Jacobsen, M. Gediminas Jakavonis, Mme Danuta Jazłowiecka, Mme Liana Kanelli, M. Karen Karapetyan, M. Victor Kolesnikov, M. Juha Korkeaoja, Mr Gerhard Kurzmann, M. Ewald Lindinger, M. François Loncle, M. Aleksei Lotman, Mme Kerstin Lundgren, M.Theo Maissen (remplaçant : M. John Dupraz), Mme Maria Manuela de Melo, M. José Mendes Bota, , M. Gilbert Meyer, M. Vladimir Mokry, M. Stefano Morselli, M. Tomislav Nikolić, Mme Carina Ohlsson, M. Pieter Omtzigt, M. Ivan Popescu, M. Cezar Florin Preda, M. Jakob Presečnik, M. Lluís Maria de Puig, M. Jeffrey Pullicino Orlando, Mme Adoración Quesada Bravo (remplaçant : M. Gabino Puche), M. Kamal Qureshi, M. Dario Rivolta, Mme Anta Rugāte, M. Fidias Sarikas, M. Herman Scheer, M. Steingrimur J. Sigfùsson, M. Ladislav Skopal, M. Christophe Spiliotis-Saquet, M. Rainder Steenblock, M. Vilmos Szabó, M. Nikolay Tulaev, M. Victor Tykhonov, M. Tomas Ulehla, M. Geert Versnick, M. Rudolf Vis, M. Harm Evert Waalkens, M. G.V. Wright, M. Mykola Yankovsky, Mme Maryam Yazdanfar, M. Blagoj Zasov.

N.B.: Les noms des membres qui ont participé à la réunion sont indiqués en gras.

Secrétariat de la commission : M. Alfred Sixto, M. Bogdan Torcătoriu, Mme Marine Trévisan


* selon l’ordre alphabétique anglais