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Rapport | Doc. 11502 rev | 23 janvier 2008

Respect des obligations et engagements de la Géorgie

Commission pour le respect des obligations et engagements des Etats membres du Conseil de l'Europe (Commission de suivi)

Corapporteur : M. Kastriot ISLAMI, Albanie, SOC

Corapporteur : M. Mátyás EÖRSI, Hongrie, ADLE

Résumé

Selon la commission de suivi, malgré le caractère déplorable des événements ayant précédé l’élection qui vient d’être organisée en Géorgie de manière précipitée – notamment la dispersion violente de manifestations pacifiques, ainsi que le silence imposé aux chaînes de télévision d’opposition et la décision de déclarer un état d’urgence – l’élection proprement dite s’est caractérisée pour la première fois par une véritable compétition et a permis au peuple géorgien d’exprimer ses choix politiques. D’importantes difficultés sont toutefois apparues, qu’il importe de régler d’urgence, et il faudra que toute allégation de fraude électorale soit portée devant la justice conformément à la loi. Toutes les forces politiques de Géorgie doivent à présent accepter le résultat officiel de l’élection, que les observateurs internationaux jugent essentiellement conforme à la plupart des normes internationales.

La commission déclare qu’il appartient maintenant au Président nouvellement élu de tout mettre en œuvre pour renforcer les libertés démocratiques en Géorgie, de trouver un consensus et de s’engager d’une manière constructive aux côtés de ceux qui n’ont pas voté pour lui, ainsi que de mettre l’accent sur la pauvreté et les autres questions sociales préoccupantes aux yeux de nombreux Géorgiens. Réitérant sa conviction que la démocratie géorgienne a besoin d’un système solide et efficace de garde-fous et de contre-pouvoirs, elle préconise la mise en place d’institutions fortes, d’une justice indépendante et impartiale, d’une administration publique professionnelle et d’une culture politique saine. L’émergence d’une opposition active est la bienvenue, mais celle-ci va devoir proposer à la population des solutions de remplacement réalistes et crédibles et engager un dialogue constructif avec le parti au pouvoir.

La commission souligne qu’en fait, la crise récente a rejeté dans l’ombre les efforts importants accomplis par la Géorgie pour honorer ses obligations et engagements auprès du Conseil de l'Europe. Plusieurs conventions de premier plan ont été ratifiées, et il a été adopté de très nombreuses lois nouvelles, dont la loi sur le rapatriement de la population meskhète et les amendements apportés au Code électoral. Des réformes exhaustives ont été appliquées dans la plupart des domaines de la vie publique. Des institutions essentielles ont été restructurées, et il a été mis un frein à la corruption. Ces profondes réformes se poursuivent à l’heure actuelle.

En attendant, la démocratie ne pourra prospérer vraiment en Géorgie que lorsque le pays se sentira uni et en sécurité. À cette fin, le gouvernement doit continuer de rechercher un règlement pacifique et démocratique des conflits en Abkhazie et en Ossétie du Sud. Les États membres du Conseil de l'Europe, pour leur part, doivent attribuer à la résolution des « conflits gelés » un ordre de priorité supérieur et investir davantage dans l’aide accordée à la Géorgie pour qu’elle se rapproche des institutions euro-atlantiques.

La commission conclut que l’Assemblée devra continuer à suivre la situation en Géorgie jusqu’à ce que des progrès aient été accomplis sur ces points capitaux.

A. Projet de résolution

(open)
1. Le 5 janvier 2008, la Géorgie a procédé à sa cinquième élection présidentielle depuis son indépendance en 1991. L’Assemblée parlementaire note avec satisfaction que, malgré les circonstances inattendues qui ont conduit à l’organisation subite de ce scrutin, les imperfections parfois importantes et la forte polarisation de la vie politique, cette élection animée pour la première fois d’un véritable esprit de compétition a permis aux Géorgiens d’exprimer leurs choix politiques.
2. L’Assemblée déplore les événements qui ont précédé l’élection anticipée, et en particulier la violente dispersion des manifestations pacifiques du 7 novembre 2007, le silence subséquent momentanément imposé à deux chaînes de télévision contrôlées par l’opposition et, enfin, la décision de décréter l’état d’urgence. Ces épisodes ont terni l’image du gouvernement géorgien, aussi bien aux yeux de la population nationale qu’à l’étranger. Mais la décision de mettre fin à la crise en organisant une élection présidentielle anticipée en janvier 2008, doublée d’un référendum pour choisir la date des prochaines élections législatives, a marqué le coup d’arrêt de l’escalade des tensions et il y a lieu de s’en féliciter.
3. L’Assemblée appelle maintenant de toute urgence l’ensemble des forces politiques géorgiennes à accepter le résultat du scrutin présidentiel tel qu’annoncé officiellement, considéré par la mission internationale d’observation des élections comme conforme, pour l’essentiel, à la plupart des normes internationales relatives aux élections démocratiques. Toute allégation de fraude ou de trucage de l’élection devrait être réglée par les voies légales prévues par la Constitution géorgienne et la législation connexe, et non en manifestant dans la rue. L’Assemblée invite instamment les autorités géorgiennes à diligenter des enquêtes rigoureuses et impartiales pour chaque plainte déposée à propos du processus électoral et à traduire en justice les éventuels auteurs d’infractions.
4. L’Assemblée suivra attentivement l’évolution de la situation politique en Géorgie et attend des autorités qu’elles fassent la démonstration de leur volonté de s’engager résolument en faveur de la démocratie, de la prééminence du droit et des droits de l’homme. Il incombe au Président nouvellement élu de faire tout ce qui est en son pouvoir pour renforcer les libertés démocratiques et engager un dialogue constructif avec les électeurs qui n’ont pas voté en sa faveur. L’engagement d’une politique d’ouverture, l’amélioration du fonctionnement des institutions et le respect scrupuleux de la prééminence du droit et des libertés fondamentales seront les meilleurs garants de la stabilité interne et de la prospérité économique. A cette fin, l’Assemblée invite instamment les autorités à réunir les conditions propices à l’émergence et au fonctionnement d’un mécanisme solide et efficace de freins et contrepoids. Il convient également que le gouvernement géorgien remédie immédiatement aux défaillances constatées lors de la récente élection présidentielle, en vue de s’assurer que les élections parlementaires à venir, qui auront lieu au printemps 2008, seront démocratiques, libres, transparentes et concurrentielles.
5. Dans toute société démocratique, l’opposition a une part de responsabilité dans la stabilité du pays et le consensus national, ainsi que dans les réformes en cours. L’Assemblée se félicite de l’émergence en Géorgie, peu de temps avant la dernière élection, d’une opposition dynamique et unie ; elle représente à ses yeux une évolution positive du pays, qui s’achemine vers une véritable démocratie pluraliste. Elle souligne toutefois qu’afin de bénéficier d’un soutien populaire durable, notamment dans la perspective des prochaines élections législatives, l’opposition devrait commencer à proposer des solutions alternatives concrètes et crédibles aux problèmes rencontrés par la population et s’engager dans un dialogue constructif avec le parti au pouvoir sur l’ensemble des principales questions.
6. La démocratie ne peut être établie durablement sans un minimum de sécurité. La normalisation complète de la situation en Géorgie demeure impossible sans un règlement pacifique et démocratique des conflits dans les régions sécessionnistes d’Abkhazie et d’Ossétie du Sud. L’Assemblée réaffirme son adhésion indéfectible à l’intégrité territoriale et à l’inviolabilité des frontières internationalement reconnues de la Géorgie ; elle invite instamment les pays voisins de la Géorgie, notamment la Russie, à faire de même. Elle salue l’action menée sans relâche par le gouvernement géorgien pour parvenir à un règlement pacifique de ces conflits, notamment les mesures prises récemment en vue de rallier la population séparatiste de la région de Tskhinvali (Ossétie du Sud).
7. L’Assemblée se félicite de la première réunion au sommet depuis fort longtemps entre les représentants géorgiens et abkhazes qui s’est tenue à Sukhumi en octobre 2007, tout en regrettant qu’aucune avancée n’ait été enregistrée sur le terrain et que les négociations menées sous les auspices des Nations Unies n’aient jusqu’ici donné aucun résultat. L’Assemblée déplore en particulier que les centaines de milliers de réfugiés et de personnes déplacées à l’intérieur de leur pays (PDI), victimes du nettoyage ethnique pratiqué au début des années 1990, soient toujours privés de toute possibilité de retour sécurisé dans leurs foyers en Abkhazie. L’Assemblée invite les autorités de fait à réunir les conditions de stabilité nécessaires au retour des personnes déplacées à l’intérieur de leur pays (PDI) et à respecter l’inaliénabilité des droits de propriété dans les zones de conflit, conformément à la résolution récemment adoptée par le Conseil de sécurité des Nations Unies. L’Assemblée appelle en outre les autorités géorgiennes à faire tout leur possible pour adoucir la situation sociale difficile dans laquelle se trouvent les PDI et pour qu’elles s’intègrent normalement dans la société géorgienne, sans préjudice de leur droit au retour.
8. L’Assemblée regrette que la crise récente ait occulté les nombreuses mesures positives prises par les autorités géorgiennes en vue de se conformer aux obligations et aux engagements pris par la Géorgie depuis l’adoption de la Résolution 1477 (2006). De très nombreux engagements relatifs aux questions en suspens énoncées dans la résolution précitée ont été en théorie respectés, même si plusieurs lacunes importantes demeurent.
9. S’agissant des instruments juridiques du Conseil de l’Europe, l’Assemblée observe que la Géorgie a ratifié à ce jour cinquante-trois conventions et en a signé neuf autres. Elle se félicite de la ratification de la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales (STE n° 157), de la Convention-cadre européenne sur la coopération transfrontalière des collectivités ou autorités territoriales (STE n° 106) et de la Convention pénale du Conseil de l’Europe sur la corruption (STE n° 173). Il y a toutefois lieu de regretter que la procédure de signature et de ratification de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires (STE n° 148) n’ait connu aucune avancée à ce jour.
10. La collaboration étroite de la Géorgie et du Conseil de l’Europe a contribué à l’adoption de la Stratégie et du Plan d’action relatifs à la lutte contre la corruption, de la loi relative au rapatriement des personnes exilées de force de Géorgie par l’ex-URSS dans les années 1940 (rapatriement de la population meskhète), la loi relative à la restitution des biens et à l’indemnisation sur le territoire géorgien des victimes du conflit de l’ancien district d’Ossétie du Sud, la nouvelle loi relative à l’aide juridictionnelle et la loi relative à l’autonomie locale, ainsi que la loi interdisant le manque d’impartialité en matière de communication. Des codes de déontologie ont par ailleurs été établis à l’intention des services de police, des procureurs, des avocats et des radiodiffuseurs.
11. L’Assemblée se félicite des avancées accomplies dans la réforme électorale, ce qui a facilité l’adoption au dernier moment des modifications apportées au Code électoral, conformément aux recommandations de l’Assemblée et de la Commission de Venise. L’Assemblée se réjouit tout particulièrement de l’accord auquel sont parvenues la majorité et l’opposition parlementaires. Celui-ci prévoit l’abaissement à l’avenir du seuil de représentativité, qui passe ainsi de 7 à 5 %, comme le réclamait depuis longtemps l’Assemblée ; il transforme également la composante majoritaire du scrutin actuel, très contestée, en un système entièrement proportionnel et modifie la composition des commissions électorales et la réglementation relative au financement de la campagne.
12. Pour la quatrième année consécutive, les autorités se sont montrées tout à fait déterminées à édifier une démocratie européenne, stable et moderne, et à mieux intégrer le pays dans les institutions européennes et euro-atlantiques. Bon nombre des principales institutions, y compris le pouvoir judiciaire, l’administration fiscale, les services de police et le parquet, ainsi que les transports, la santé publique et le système éducatif, ont fait l’objet de profondes réformes. Ces efforts ont été récompensés par une croissance économique à deux chiffres et un remarquable niveau d’investissement direct étranger. La corruption ordinaire a diminué de manière frappante et des mesures ont été prises en vue de réformer le système pénitentiaire.
13. Parallèlement, les inquiétudes manifestées dans les Résolutions 1415 (2005) et 1477 (2006) à l’égard d’un régime fort, dépourvu de freins et de contrepoids efficaces, sont plus que jamais d’actualité. Seuls la participation de la population et un large éventail d’institutions au sein de la société, qui permettent aux citoyens de dialoguer avec l’Etat, assureront la pérennité de la démocratie et un développement durable. C’est là le seul moyen, pour un régime démocratique, de parvenir au degré de consensus indispensable à l’irréversibilité de ses réformes. A cet égard, l’Assemblée invite les autorités à s’engager en faveur de la mise en place d’institutions solides, notamment en créant une administration nationale responsable et compétente et en favorisant une culture politique qui ne soit pas encline au favoritisme, au détournement de la législation ou à la restriction des médias indépendants, mais qui recherche un large consensus parmi la pluralité des opinions.
14. L’Assemblée observe qu’un certain nombre de réformes ont été menées de manière extrêmement rapide et sans que la population soit correctement informée de leurs avantages à court ou long terme. Plusieurs réformes ont été ressenties comme un traitement de choc par la société géorgienne, qui juge insuffisantes à ce jour les mesures prises pour lutter contre la pauvreté et les injustices sociales. De fait, l’accès aux services sociaux élémentaires demeure limité, tandis que les revenus restent faibles et inégalement répartis. Le gouvernement a désormais pris conscience de la nécessité de se pencher sur le coût social de son calendrier de réforme. L’Assemblée espère que la volonté, récemment affichée par celui-ci, de privilégier à l’avenir davantage les politiques à caractère social sera suivi d’actes concrets.
15. L’Assemblée se félicite de la mise en place, par les autorités géorgiennes, d’un cadre législatif adapté à l’ensemble des principales réformes. Elle observe toutefois que le succès de ces dernières dépendra, pour une part déterminante, de leur mise en œuvre consciencieuse, équitable et de haute qualité. Les tribunaux ne jouissent toujours pas de la confiance de la population, qui juge sélective la lutte menée contre la corruption, tandis que les droits de propriété sont malmenés. Aussi l’Assemblée invite-t-elle instamment les autorités géorgiennes à intensifier leur action dans le domaine de la réforme de la justice, notamment en mettant en place des mécanismes adéquats pour garantir l’indépendance des juges et des procureurs. Une amélioration de la situation de la protection des droits de l’homme en Géorgie s’impose par ailleurs de toute urgence, notamment en ce qui concerne les conditions de détention, la prévention de la torture et le respect des droits des minorités, des droits religieux ou des droits de propriété.
16. Tout en se félicitant de l’étendue du calendrier de réforme des autorités, l’Assemblée estime que la prise des mesures spécifiques suivantes s’impose, en vue d’accélérer les réformes politiques qui feront finalement de la Géorgie une démocratie européenne stable et prospère.
17. S’agissant des conventions du Conseil de l’Europe :
17.1. signer et ratifier sans plus tarder la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires ;
17.2. améliorer l’état de la ratification par la Géorgie des traités du Conseil de l’Europe.
18. S’agissant du fonctionnement des institutions démocratiques :
18.1. poursuivre la révision de la Constitution, en tenant compte de l’avis de la Commission de Venise ;
18.2. veiller à ce que les prochaines élections législatives, prévues au printemps 2008, soient libres et équitables, ainsi que parfaitement conformes aux normes du Conseil de l’Europe ; tenir, à cette fin, pleinement compte des conclusions rendues récemment par la mission internationale d’observation des élections, présente lors de l’élection présidentielle du 5 janvier 2008, ainsi que des recommandations de la commission ad hoc de l’Assemblée, notamment en ce qui concerne :
18.2.1. l’adoption de modifications supplémentaires apportées à la Constitution géorgienne, en vue d’abaisser le seuil de représentativité en vigueur de 7 % au chiffre convenu de 5 %, et la transformation de la composante majoritaire du scrutin actuel en un système fondé sur la représentation entièrement proportionnelle ;
18.2.2. l’examen, avec l’aide de la Commission de Venise, des amendements récents et futurs au Code électoral ;
18.2.3. la poursuite de l’amélioration de l’exactitude des listes électorales et leur rédaction définitive, de manière à mettre un terme à l’avenir à l’inscription des électeurs le jour du scrutin ;
18.2.4. l’assurance de l’existence de structures gouvernementales clairement distinctes de l’administration électorale ;
18.2.5. l’assurance de l’existence d’un environnement impartial à l’égard de la campagne préélectorale, y compris d’un égal accès aux médias ;
18.2.6. l’amélioration de la formation des membres des commissions électorales ;
18.2.7. la garantie de l’impartialité des tribunaux dans ce processus ;
18.3. mener énergiquement des enquêtes au sujet de l’ensemble des allégations de menaces, de harcèlement et de violation de la législation électorale et traduire en justice tous les auteurs de fraudes électorales ;
18.4. adopter la législation relative à la transparence du financement des partis et veiller à sa bonne mise en œuvre ;
18.5. maintenir l’engagement d’instituer une deuxième chambre parlementaire, en prévoyant, à l’issue de la réintégration politique et administrative de l’Ossétie du Sud et de l’Abkhazie au sein de la Géorgie, la représentation de ces régions autonomes à l’échelon national ;
18.6. poursuivre la réforme des collectivités locales :
18.6.1. mettre en œuvre l'ensemble des textes législatifs comprenant la législation-cadre sur l’autonomie locale et d’autres textes de loi pertinents ;
18.6.2. veiller au bon fonctionnement de la Commission nationale de la décentralisation, chargée de la mise en œuvre de la stratégie de décentralisation ;
18.6.3. suivre les recommandations de la Commission de Venise sur la réforme des collectivités locales.
19. S'agissant de la population meskhète, poursuivre les travaux menés par la Commission nationale de rapatriement, rechercher activement l'aide internationale et créer les conditions favorables au processus de rapatriement, en vue de son achèvement d'ici à 2011 ; mettre pleinement en œuvre les recommandations formulées dans la Résolution 1428 (2005) de l'Assemblée sur la situation de la population meskhète déportée.
20. S'agissant des conflits de 1990–1994 :
20.1. poursuivre la recherche d'un règlement pacifique des conflits d'Abkhazie et d'Ossétie du Sud, en respectant scrupuleusement le droit international, dans l'intérêt de l'ensemble des parties concernées et de la stabilité régionale ;
20.2. veiller à l'égalité des droits des personnes déplacées à l'intérieur de leur pays, conformément à la Recommandation 1570 (2002) de l'Assemblée sur la situation des réfugiés et des personnes déplacées en Arménie, Azerbaïdjan et Géorgie.
21. S'agissant du respect de la prééminence du droit :
21.1. achever les réformes du système judiciaire, du barreau, du parquet et des services de police, dans le respect scrupuleux des normes européennes et en collaboration étroite avec les experts du Conseil de l'Europe ;
21.2. mettre en œuvre un système totalement transparent de nomination et de révocation des juges et veiller à ce que la nouvelle génération de magistrats soit indépendante et extrêmement qualifiée ; assurer le bon fonctionnement de l'école supérieure de la magistrature ; veiller à ce que les tribunaux et l'action publique soient perçus comme équitables et impartiaux ;
21.3. adopter le nouveau Code général de procédure pénale établi en collaboration avec le Conseil de l'Europe ;
21.4. poursuivre la lutte menée contre la corruption et le blanchiment d'argent et mettre pleinement en œuvre l'ensemble des recommandations formulées par le Groupe d'Etats contre la corruption – GRECO et Moneyval ; œuvrer en faveur de la constitution d'une culture et d'une déontologie de la fonction publique ;
21.5. mener des enquêtes transparentes et impartiales sur l'ensemble des allégations plausibles de corruption, notamment dans les plus hautes sphères de l'administration.
22. S'agissant de la protection des droits de l'homme :
22.1. mettre pleinement en œuvre les récentes recommandations du Comité européen pour la prévention de la torture ;
22.2. poursuivre la résolution du problème du surpeuplement des établissements pénitentiaires et des centres de détention préventive et envisager, si besoin est, l'adoption de mesures supplémentaires ;
22.3. assurer l'ouverture d'enquêtes rapides, indépendantes et approfondies sur l'ensemble des allégations de mauvais traitements et appliquer une politique de tolérance zéro à l'égard de l'impunité ;
22.4. s'agissant de la liberté d'expression et d'information :
22.4.1. garantir la pleine indépendance et le pluralisme des médias électroniques ; veiller à ce que la propriété des médias soit transparente et régie par des dispositions démocratiques;
22.4.2. faire disparaître les entraves à l'accès à l'information pour des raisons politiques ou administratives;
22.4.3. assurer une meilleure qualité de la formation des professionnels des médias;
22.4.4. veiller à ce que la chaîne géorgienne de radiodiffusion publique organise régulièrement des débats politiques dans lesquels soient équitablement représentées les différentes opinions politiques.
23. Faciliter la participation active de la société civile à l'élaboration et à la mise en œuvre de la législation.
24. L'Assemblée invite les Etats membres à s'engager encore plus en faveur de l'avenir démocratique, de la sécurité et de la stabilité de la Géorgie. Cela suppose de soutenir sans relâche les réformes internes du pays, le règlement de ses conflits sécessionnistes et son intégration dans les institutions euro-atlantiques. Il convient que l'ensemble des Etats membres du Conseil de l'Europe consacrent les ressources financières nécessaires au succès de la mise en œuvre des programmes de coopération entre la Géorgie et le Conseil de l'Europe. L'Assemblée invite également l'Union européenne à coordonner les activités menées dans le cadre de sa politique européenne de voisinage (PEV) avec le Conseil de l'Europe.
25. L'Assemblée appelle par ailleurs l'Union européenne et l'ensemble des Etats membres du Conseil de l'Europe à prendre une part plus active à la recherche d'un règlement pacifique des conflits dans les régions sécessionnistes du territoire géorgien, en Abkhazie et en Ossétie du Sud, y compris en définissant un cadre international mieux adapté aux négociations, et à garantir le maintien de la paix, du droit, de l'ordre et le respect des droits de l'homme sur le terrain. Les parties prenantes au conflit, et notamment la Fédération de Russie, ont toutes le devoir de démontrer leur engagement de principe, mais également leur engagement concret, en faveur d'une solution pacifique et démocratique, dans le respect scrupuleux de l'intégrité et de la souveraineté territoriales de la Géorgie. Rappelant sa Résolution 1455 (2005) sur le respect des obligations et engagements de la Fédération de Russie (paragraphe 14.ii), l'Assemblée encourage tout particulièrement l'Union européenne à intensifier les négociations relatives aux accords de réadmission et de simplification des visas entre la Géorgie et l'Union européenne, notamment en vue d'éviter toute discrimination entre les citoyens géorgiens et les titulaires d'un passeport russe dans les régions sécessionnistes d'Ossétie du Sud et d'Abkhazie.
26. L'Assemblée décide de continuer à mener sa procédure de suivi sur le respect des obligations et engagements de la Géorgie jusqu'à ce que les réformes actuellement en cours dans les domaines évoqués dans la présente résolution aient produit des effets tangibles. L'Assemblée attend en particulier des dirigeants géorgiens qu'ils fassent la preuve de leur grande maturité politique et qu'ils mettent en œuvre une forme de gouvernance qui recherche le compromis et le consensus au sein d'un système démocratique animé d’un esprit de compétition. Elle demande également à toutes les forces politiques géorgiennes de démontrer leur capacité à organiser en 2008 des élections législatives dans le respect des normes internationales applicables aux élections libres et équitables.

B. B. Exposé des motifs par M. Eörsi et M. Islami

(open)

1. Introduction

1.1. Procédure de suivi

1.1.1. Historique du suivi du respect des obligations et engagements contractés par la Géorgie à l'égard du Conseil de l'Europe

1. La Géorgie est devenue membre du Conseil de l'Europe en 1999 et la procédure de suivi a été engagée immédiatement après. Deux ans plus tard, a été publié un premier rapport sur les progrès de la réforme en Géorgie, qui mettait en exergue les insuffisances persistantes ainsi que le fossé existant entre la législation et sa mise en œuvre 
			(1) 
			Le
rapport a débouché sur l'adoption de la Résolution 1257 (2001) et de la Recommandation
1533 (2001)..
2. En novembre 2003, les co-rapporteurs de la Commission de suivi se trouvaient en Géorgie au moment où les manifestations massives mais pacifiques, organisées à la suite d'élections parlementaires truquées, avaient débouché sur la « révolution des roses » et sur la démission du Président Edouard Chevardnadze. Quelques semaines plus tard, début janvier 2004, ils se sont rendus une nouvelle fois dans le pays à l'occasion de l'élection présidentielle qui a vu la victoire de Mikheïl Saakachvili.
3. Dans la Résolution 1363 (2004) et la Recommandation 1643 (2004) sur le fonctionnement des institutions démocratiques en Géorgie, qu'elle a adoptées en janvier 2004 
			(2) 
			Voir également Doc. 10049, l'Assemblée considérait que les nouveaux dirigeants élus ne pouvaient être tenus pour responsables de l'impuissance du régime précédent à remplir les obligations et engagements du pays à l'égard du Conseil de l'Europe. En signe de soutien aux nouvelles autorités et en raison des circonstances exceptionnelles qui avaient présidé à la transition en Géorgie, l'Assemblée a accepté de fixer de nouveaux délais pour la réalisation des engagements de la Géorgie à l'égard du Conseil de l'Europe.
4. Le nouveau calendrier a été défini un an plus tard dans la Résolution 1415 (2005), adoptée en janvier 2005. Un an après la Révolution des Roses, l'Assemblée indiquait clairement que la situation post-révolutionnaire ne saurait servir d'alibi pour prendre des décisions hâtives et pour négliger les normes démocratiques et des droits de l'homme.
5. En janvier 2006, c'est-à-dire deux ans après la Révolution des Roses, l'Assemblée a examiné le nouveau rapport détaillé sur le respect des obligations et engagements de la Géorgie 
			(3) 
			Doc. 10779 et a adopté la Résolution 1477 (2006).
6. L'Assemblée a conclu que les progrès accomplis par la Géorgie pouvaient être considérés en général comme encourageants, mais qu'ils ne constituaient encore qu'un premier pas sur la voie du respect des obligations et engagements du pays. C'est pourquoi elle a énoncé, à l'intention des autorités, un certain nombre de recommandations portant sur les mesures importantes à prendre en vue de réaliser cet objectif.
7. Consciente que la situation en Géorgie ne pourra être entièrement normalisée tant que les conflits dans les régions séparatistes d'Abkhazie et d'Ossétie du Sud n'auront pas été réglés de manière pacifique et démocratique, l'Assemblée s'est félicitée des efforts déployés par le Président Saakachvili pour rechercher des solutions; elle était toutefois extrêmement préoccupée par le fait qu'aucun réel progrès n'ait été accompli ni sur le terrain ni lors des négociations en cours. Elle en a appelé à toutes les parties intéressées, et notamment à la Fédération de Russie, pour qu'elles manifestent, en principe et en pratique, leur engagement en faveur d'une solution pacifique et démocratique qui respecte pleinement l'intégrité territoriale de la Géorgie.
8. L'Assemblée a décidé de poursuivre le suivi jusqu'à ce qu'elle ait reçu la preuve d'un progrès substantiel, notamment pour ce qui a trait aux questions mentionnées dans la Résolution 1477 (2006).
9. Les sévères sanctions que les autorités russes ont décrétées, à l'automne 2006, à l'encontre de la Géorgie et des citoyens géorgiens résidant en Russie ainsi que l'aggravation des tensions persistantes entre les deux pays qui s'en est suivie ont engendré de vives préoccupations au sein du Conseil de l'Europe 
			(4) 
			 Le 15 décembre 2006,
la Commission européenne contre le Racisme et Intolérance (CERI)
a publié une déclaration condamnant l'expulsion massive des géorgiens
de la Russie. et plus particulièrement de l'Assemblée.
10. La Commission de suivi a chargé M. Eörsi, co-rapporteur pour la Géorgie, et M. van den Brande, co-rapporteur pour la Russie, de se rendre dans les deux pays et de faire un rapport. A l'issue d'une discussion sur la note d'information établie par MM. Eörsi et van den Brande à la suite des visites qu'ils ont effectuées en novembre 2006, la commission a décidé, lors de sa réunion du 13 décembre 2006, de demander la tenue d'un débat selon la procédure d'urgence au cours de la partie de session de janvier 2007. Toutefois, l'Assemblée, considérant que la fermeture avant terme des dernières bases russes de Tbilissi et le retour de l'Ambassadeur de Russie dans la capitale géorgienne constituent des premiers pas dans la bonne direction, a décidé de ne pas tenir ce débat. Le 23 janvier 2007, la Commission de suivi a adopté une déclaration sur la question et déclassifié la note d'information sur les missions d'enquête de ses rapporteurs (AS/Mon (2006) 40 rev.) dans laquelle sont énoncées les mesures immédiates à prendre par les autorités géorgiennes et les autorités russes.

1.1.2. Contexte du présent rapport

11. Le présent rapport se fonde sur des informations recueillies lors d'une série de visites effectuées au cours des derniers mois. Du 10 au 16 septembre 2007, nous nous sommes rendus à Tbilissi, à Batumi, en Abkhazie et en Ossétie du Sud en vue d'évaluer la situation dans le pays. Nous avons accordé une attention particulière aux questions du fonctionnement des institutions démocratiques, de l'avancement des réformes, de la protection des droits de l'homme, de la lutte contre la corruption ainsi qu’aux tensions persistantes avec les régions séparatistes d'Ossétie du Sud et d'Abkhazie. Cette visite a conduit à la préparation d'un premier projet de rapport, que la Commission de suivi a examiné lors de sa réunion à Berlin le 6 novembre 2007. L'analyse complète de la situation en Ossétie du Sud et en Abkhazie présentée dans le chapitre 6 a fourni le contexte d'une audience publique sur les conflits gelés organisée par la Commission de suivi au Bundestag allemand les 5 et 6 novembre 2007.
12. Après la dispersion des manifestations anti-gouvernementales du 7 novembre par la police anti-émeutes, suivie de l'instauration d'un état d'urgence et de l'interruption des émissions des chaînes de TV Imedi et Kavkazia, nous avons immédiatement décidé d'entreprendre une visite éclair à Tbilisi les 9 et 10 novembre.
13. Après la démission du Président Saakashvili le 25 novembre et la proclamation de la tenue d'élections présidentielles anticipées le 5 janvier 2008, nous nous sommes à nouveau rendus à Tbilisi dans le cadre d'une mission préélectorale du 5 au 7 décembre. Une commission ad hoc de 30 membres du Bureau de l’Assemblée a observé les élections le 5 janvier 2008.
14. A toutes ces occasions, nous avons tenu des discussions très franches et très ouvertes avec les plus hautes autorités de l'Etat, les ministres concernés, les chefs (et candidats) des partis de l'opposition et les autorités locales. En marge du programme officiel établi par la délégation parlementaire de Géorgie, nous avons rencontré des représentants de groupes de réflexion, d'ONG et de médias locaux, des ambassadeurs étrangers résidant à Tbilisi et des représentants d'organisations internationales partenaires.
15. En septembre, à Sukhumi et Tshkinvali, nous nous sommes entretenus avec MM. Nugzar Ashuba et Znaur Gassiev, Présidents respectivement des Parlements d'Abkhazie et d'Ossétie du Sud; M. Ivo Petrov, SRSG adjoint de la MONUG à Sukhumi; des représentants du HCNUR à Gali et de la mission de l'OSCE à Tskhinvali. Nous nous sommes également rendus dans le village de Tsikiri (district de Gali) pour y rencontrer une communauté d'anciens réfugiés. Nous regrettons de ne pas avoir eu l'occasion de rencontrer les chefs des gouvernements de facto de Sukhumi et Tskhinvali, ce qui nous aurait permis de nous forger une meilleure idée des voies possibles pour la résolution du conflit dans les deux régions séparatistes. Nous avons également eu l'occasion de rencontrer séparément M. Malkhaz Akishbaia, chef du Gouvernement de la République autonome d'Abkhazie, à Zugdidi en Haute-Abkhazie, et M. Dimitri Sanaloev, chef de l'Unité administrative temporaire pour la région de Tskhinvali, Ossétie du Sud, à Kurta.
16. Nous tenons à remercier les autorités géorgiennes pour leur entière coopération ainsi que pour l'hospitalité dont elles ont fait preuve tout au long de nos visites. Nous remercions le Parlement géorgien et la délégation nationale géorgienne pour l'excellente organisation des visites, dont l'une dans un délai extrêmement court. Nos remerciements vont également à la MONUG et à l'OSCE, dont les missions ont facilité nos visites en Abkhazie et en Ossétie du Sud. Enfin, nous remercions vivement M. Igor Gaon, Représentant Spécial du Secrétaire Général du Conseil de l'Europe en Géorgie et Mme Tamara Katzitadze du Bureau du Conseil de l'Europe à Tbilissi pour l'assistance active qu'ils nous ont apportée, contribuant ainsi à faire de nos visites un succès.
17. Au cours de notre première visite en septembre, nous avions félicité les autorités géorgiennes pour le travail colossal qu'elles avaient entrepris en lançant simultanément des réformes à divers échelons, tout en notant plusieurs domaines où des améliorations restaient nécessaires. Dans l'intervalle, le pays a été bouleversé par les événements qui ont entaché la réputation de la Géorgie en tant que championne des réformes démocratiques de la région. Nonobstant la proximité des élections anticipées et le fait que les résultats définitifs des élections présidentielles du 5 janvier 2008 n’aient pas encore été annoncés au moment de la finalisation de ce rapport, nous avons jugé opportun de respecter le calendrier initial et de tenir un débat au cours de la partie de session de janvier 2008 de l'Assemblée pour ne pas perdre de vue les progrès réalisés au cours des deux dernières années et aider la Géorgie à identifier de nouvelles pistes lui permettant d'aller de l'avant.
18. Enfin, le présent document se fonde sur des informations recueillies au cours de nos récentes visites ainsi que sur les données fournies dans divers rapports antérieurs émanant d'autres organisations internationales gouvernementales et non gouvernementales. Nous n'ignorons pas que la société géorgienne est confrontée à bon nombre d'autres défis, concernant notamment la protection des minorités nationales ou l'éducation, et qui ont trait aux valeurs fondamentales du Conseil de l'Europe. Toutefois, par souci de cohérence avec d'autres exercices de suivi semblables et en vue d'éviter d'ouvrir de nouveaux débats, nous limiterons notre évaluation aux seules questions évoquées dans la Résolution 1477 (2006).

1.2. Evolution générale depuis l'adoption de la Résolution 1477 (2006) de l'Assemblée

1.2.1. Evénements politiques

19. En novembre 2003, le nouveau gouvernement a hérité d'un État en proie à l'insécurité et à la corruption, qui n'avait aucun contrôle sur de grandes parties de son territoire et qui refusait tout soutien international. Depuis lors, la Géorgie s'est débarrassée du legs de la banqueroute politique et s'est défaite de sa piètre réputation nationale pour jeter les fondations d'une démocratie qui fonctionne et d'une économie de marché libre.
20. Jusqu'en septembre 2007, la Géorgie a connu une relative stabilité politique, ce qui a permis au gouvernement d'engager rapidement des réformes complexes dans tous les principaux domaines de la vie publique. Le cadre législatif et les plans d'action relatifs à toutes les grandes réformes ont été adoptés, le gouvernement a réformé le système éducatif, les organes d'application de la loi et l'Armée, réduit considérablement et rajeuni la bureaucratie étatique, augmenté les salaires des fonctionnaires, s'est attaqué vigoureusement à la corruption et a pris des mesures en vue de renforcer l'indépendance et le professionnalisme des juges. Les marques de la restauration de l'infrastructure sociale et de la reconstruction des infrastructures touristiques sont visibles partout. La Géorgie mérite qu'on la félicite pour tout cela.
21. Néanmoins, certaines réformes ont été menées très rapidement, provoquant un véritable choc pour la société géorgienne. L'Etat a été réduit de ses effectifs et beaucoup de personnes ont perdu leur emploi. La situation sociale a souvent été exacerbée par le blocus économique russe. En dépit de la diminution globale des chiffres de la pauvreté, les préoccupations ayant trait aux injustices sociales ont été insuffisamment prises en compte. Le gouvernement a manqué de courage pour répondre aux espoirs par trop ambitieux suscités par la révolution et n’a pas suffisamment fait connaître les enjeux des réformes. Impatient de remplir ses engagements, le jeune gouvernement a trop souvent négligé les requêtes de l’opposition et le mécontentement public, et s’est frayé un chemin grâce à la force au travers des obstacles perçus. Tous ces facteurs combinés au sentiment populaire d’un manque de transparence, de responsabilité et d’enquêtes crédibles sur des affaires troublantes d’abus de fonction ont confronté en octobre-novembre 2007 le gouvernement réformiste, tant apprécié au plan international, à une crise politique interne majeure.
22. Au début du mois d’octobre, Arkadi (Badri) Patarkatsishvili, l’homme le plus fortuné de Géorgie et le propriétaire de la chaîne TV d’opposition Imedi, a annoncé qu’il dirigerait la campagne antigouvernementale et deviendrait le principal financeur des manifestations de l'opposition dans le pays. Par la suite, il a fait une série de déclarations indiquant qu'il financerait le changement de régime en Géorgie. Le 2 novembre, des manifestations de masse ont éclaté suite à l’appel du bloc nouvellement formé par neuf partis d’opposition, réclamant l’avancement des élections parlementaires de l’automne au printemps 2008, la transformation de la Géorgie en république parlementaire et la démission du Président de l’époque, Mikheil Saakashvili. Patarkatsishvili a par ailleurs annoncé qu'il financerait non seulement les manifestations politiques de l'opposition, mais également les partis politiques formant l'alliance de l'opposition.
23. Le 7 novembre 2007, les troubles politiques se sont achevés par la dispersion violente des manifestants par la police anti-émeutes. Les forces spéciales ont effectué une descente dans les locaux de la chaîne TV Imedi et ont interrompu la diffusion de ses émissions, les autorités déclarant que la chaîne lançait des appels à l’organisation d’un coup d’état orchestré par la Russie. Quelques heures plus tard, suite au communiqué de Patarkatshishvili jurant «… Je mettrais toute mon énergie, toutes mes ressources, toutes les ressources financières, jusqu'à mon dernier Tetri, pour libérer la Géorgie de ce régime fasciste» et à d’autres appels à la désobéissance civique relayés par les stations TV et radio Imedi (propriétés de Patarkatsishvili), le gouvernement a proclamé l’état d’urgence. Plusieurs responsables de l’opposition ont été inculpés d’association de malfaiteurs et d’activités subversives.
24. Le lendemain, le Président Mikheil Saaskashvili, dans une tentative de montrer la tension extrême de la situation politique, a annoncé sa démission en vue de permettre la tenue d’une élection présidentielle anticipée et l’organisation d’un référendum sur la date des élections législatives. L'état d'urgence a été levé neuf jours plus tard, le 16 novembre. A cette même date, il a démis de ses fonctions le Premier ministre Nogaideli et nommé Vladimer Gurgenidze à la tête du nouveau gouvernement. Lors de sa propre démission le 25 novembre, le Président Saakashvili a également signé un décret pour la tenue d'un autre référendum sur l'adhésion à l'OTAN. Imedi TV et radio Imedi ont recommencé à émettre le 8 décembre; mais quinze jours plus tard, au milieu de la campagne électorale, les autorités ont avancé des preuves de l’implication de Badri Patarkatshishvili dans un nouveau complot visant à renverser le gouvernement quelques jours après les élections. Plusieurs journalistes ont quitté la chaîne et la direction d’Imedi a une nouvelle fois décidé de cesser d’émettre. La chaîne est restée fermée au delà des élections présidentielles.
25. Les actions engagées le 7 novembre ont sérieusement entaché la crédibilité du gouvernement et sa volonté de bâtir un État fondé sur les règles de la démocratie et de la primauté du droit. Toutefois, nous saluons la décision du pouvoir géorgien de résoudre cette crise par des élections présidentielles anticipées et de demander l’avis des citoyens sur le calendrier des élections législatives. Cette décision démocratique et constitutionnelle a permis de mettre fin à l’escalade de la violence et incité l'opposition à quitter la rue pour engager une certaine forme de dialogue et se focaliser sur les élections.

1.2.1.1. Élections présidentielles anticipées du 5 janvier 2008

26. Vingt deux candidats ont au départ déclaré vouloir se présenter. Au final, sept candidats ont été enregistrés. Ce sont notamment:
  • Levan Gachechiladze, nommé par une coalition de neuf partis d'opposition;
  • Davit Gamkrelidze, chef du Parti des droits nouveaux;
  • Badri Patarkatsishvili, magnat géorgien des médias;
  • Shalva Natelashvili, chef du Parti travailliste;
  • Mikheil Saakashvili, ex-Président et chef du parti au pouvoir, le Mouvement national uni;
  • Gia Maisashvili, chef du Parti de l'avenir;
  • Irina Sarishvili, chef du Parti de l'espoir;
27. Parallèlement au scrutin présidentiel, les électeurs étaient également appelés à se prononcer par référendum sur la date des prochaines élections législatives et sur l’adhésion à l’OTAN. Selon la Constitution, ces élections devraient se dérouler en novembre 2008, mais l'opposition en a réclamé la tenue dès avril 2008. Le référendum visait à régler ce désaccord en laissant la décision aux électeurs géorgiens.
28. Dès le départ, la campagne électorale s’est déroulée dans un contexte politique hautement polarisé. Le gouvernement a déclaré que son principal objectif est d'organiser des élections libres, transparentes et équitables. A cette fin, il s’est dit prêt à accueillir un grand nombre d’observateurs internationaux et a encouragé la réalisation de sondages à la sortie des urnes. Plus de 1000 observateurs internationaux et 2000 observateurs nationaux ont participé à l’observation des élections le 5 janvier 2008.
29. Néanmoins, certaines forces de l’opposition ont mis en doute l’ensemble du processus avant même que ce dernier n’ait commencé. Bien que ce scrutin constituait la première réelle occasion pour les leaders politiques géorgiens d’organiser des élections présidentielles véritablement compétitives, cette chance n’a pas été saisie par la plupart des candidats. La campagne de l’opposition n’était pas focalisée sur le développement des programmes, mais plutôt sur une rhétorique anti-Saakashvili. Par ailleurs, elle n’est pas non plus parvenue à présenter un candidat commun et unique capable de faire contrepoids. Tout au long du processus électoral, la plupart des candidats de l’opposition se sont davantage attachés à organiser des manifestations post-électorales en vue de contester les résultats des urnes, en cas de victoire de Mikheil Saakashvili, plutôt qu’à remporter le scrutin. Les 24-25 décembre, le gouvernement a publié des enregistrements secrets montrant Badri Patarkatsishvili cherchant à soudoyer le chef du Département des Opérations spéciales du ministère de l’Intérieur pour organiser le renversement du gouvernement et recourir à la violence, notamment en éliminant le ministre de l’Intérieur.
30. Le cadre législatif de ces élections a subi plusieurs changements profonds. Le délai très court entre la date de ces modifications et celle du scrutin a suscité les inquiétudes de diverses parties prenantes. Cependant, le fait que le Parlement ait déjà préparé de nouveaux projets d’amendements au Code électoral en vue des élections prévues au printemps 2008, prenant en compte bon nombre des recommandations précédentes du BIDDH et de la Commission de Venise, a permis à la majorité au pouvoir et à l’opposition de parvenir assez rapidement à un compromis sur ces questions. Le 22 novembre, le Parlement a adopté des modifications à la Loi géorgienne sur le référendum et au Code électoral unifié. D'autres amendements concernant des aménagements techniques ont également été adoptés le 7 décembre. Au cours de notre visite pré-électorale, nous avons constaté que, bien qu'encore perfectible, le Code électoral constituait une base adéquate pour la tenue d'élections présidentielles démocratiques, sous réserve de son application de bonne foi.
31. Le Code électoral amendé a introduit des modifications garantissant la participation des représentants de l’opposition au processus électoral tant au plan central que local. L’obligation de désigner six membres issus des partis de l’opposition et le principe des décisions prises à la majorité des 2/3 ont permis la mise en place d’un garde-fou contre d’éventuelles irrégularités. La nouvelle CEC a fait preuve de sa compétence durant le processus électoral, en dépit de certaines actions non-constructives et de quelques votes partisans relevés par des observateurs à long terme des élections.
32. L’exactitude des listes électorales constitue un problème de longue date en Géorgie. Afin de lutter contre les inexactitudes perçues et réelles, la CEC a effectué une vérification porte-à-porte des listes durant la période préélectorale, qui a donné lieu à un nombre substantiel de révisions. Une campagne de sensibilisation du public a été menée pour inciter les électeurs à vérifier leur inscription sur les listes. Cette vérification était possible par Internet, par la hotline mise en place par la CEC ou en se rendant personnellement dans les PEC et les DEC. Cette mesure additionnelle a permis de rectifier 2123 erreurs dans la base de données. Tout au long de la campagne, l’opposition a prétendu que les listes comportaient des centaines de milliers « d’âmes mortes », sans toutefois porter plainte à cet effet auprès de la CEC dans les délais impartis par la loi. Selon la CEC, près de 31.000 personnes décédées ont été radiées des listes durant la vérification porte-à-porte et ultérieurement. Le ministère de l’Intérieur a communiqué à la CEC des informations sur les personnes décédées enregistrées par le service de l’État civil jusqu’au 22 décembre 2007 et la population a été appelée à informer la CEC de tout proche décédé susceptible de figurer encore sur les listes électorales. En dépit des efforts susmentionnés, les observateurs internationaux ont relevé plusieurs inexactitudes le jour du scrutin. Nous reconnaissons cependant une amélioration considérable de la qualité des listes par rapport aux élections précédentes, et encourageons la CEC à poursuivre dans cette voie sur la base des informations complémentaires collectées le jour du scrutin.
33. L’enregistrement des électeurs le jour du scrutin était une source prévisible de difficultés procédurales. Compte tenu des expériences négatives qu’a connues la Géorgie dans le passé, lorsque des listes électorales supplémentaires étaient à l’origine de fraudes électorales, la plupart des organisations nationales et internationales d’observations des élections ainsi que l’opposition ont contesté leur utilisation. En dépit des garde-fous mis en place par la législation électorale pour lutter contre les activités frauduleuses telles que l’encrage, l’emploi de caméras vidéo, la présentation immédiate des protocoles, l’envoi instantané d’informations par fax et une campagne de sensibilisation du public de grande envergure, les procédures établies par le Code électoral amendé sont restées complexes et vagues sur certains points. Compte tenu des améliorations substantielles et continues portées à la liste électorale d’ensemble après ce scrutin, nous sommes fermement d’avis que l’utilisation de listes supplémentaires devrait à l’avenir être abolie.
34. Nous nous félicitons que les autorités aient répondu à nos recommandations pré-électorales sur la sécurité des votes et qu’elles aient couvert les isoloirs, ôtant ainsi tout doute quant à la confidentialité du scrutin dans les bureaux de vote où des caméras vidéo fixées au plafond étaient utilisées.
35. Au cours de notre mission pré-électorale, l’opposition et des ONG nous ont fait part de nombreuses allégations d’usage de fonds publics et de ressources administratives pour la campagne de l’ancien Président Mikheil Saakashvili. Dans un pays n’ayant jamais connu auparavant de scrutin véritablement compétitif, il est compréhensible que la population ne soit généralement pas familiarisée avec les concessions des politiques démocratiques et ait du mal à saisir où se situe la frontière entre des campagnes électorales acceptables et inacceptables. Nous avons constaté que la notion de ce qui est «équitable» et admissible fait l'objet de nombreux malentendus entre toutes les parties concernées. A titre d’exemple, les observateurs à long terme de l’OSCE/BIDDH ont fait état d’usage abusif de fonds publics lors de la distribution de bons de services ou de fournitures médicales remis à des groupes vulnérables à des fins électorales par l’un des candidats 
			(5) 
			Il convient d’ajouter
que Badri Patarkatshishvili a également promis lors de sa campagne
de verser plus d’un milliard de dollars sur ses fonds propres pour
des programmes sociaux, s’il était élu. Levan Gachechiladze a promis
de débourser cette somme pour les programmes sociaux de son allié
Badri Patarkatshishvili.. Le gouvernement et les responsables du Mouvement national uni (MNU) ont affirmé qu’aucun abus de ressources administratives n’avait été commis, insistant sur le fait que la plupart des initiatives sociales avaient été lancées bien avant l’annonce des élections. Ils ont également confirmé que le parti avait payé tous les services utilisés par son candidat au cours de la campagne. Néanmoins, devant l’absence de visibilité de la campagne des autres candidats, celle surmédiatisée de l’ancien Président est apparue disproportionnée et a conduit le public à en déduire l’utilisation de ressources de l’État.
36. Nous avons attiré l’attention des autorités et des représentants du MNU sur le fait que dans un processus électoral démocratique, l’État devait être un acteur neutre, mature et compétent. Nous pensons que notre conseil a été pris en compte et que la ligne de démarcation et les compétences individuelles des institutions gouvernementales, de la CEC et du candidat MNU ont été clarifiées au cours du processus électoral. A cette fin, nous saluons la mise en place de la « Task-force inter-agence pour des élections libres et équitables » par le Président par intérim. Elle est placée sous la présidence du ministre de la Justice et a pour mission de répondre immédiatement à toute plainte concernant les élections. De même, la CEC a assumé son rôle de seul acteur clé chargé de mener ces élections et l’implication visible des forces de sécurité ou de maintien de l’ordre a pris fin.
37. Néanmoins, tout au long de la campagne, des inquiétudes ont été exprimées quant à la participation de fonctionnaires d'État nationaux ou locaux d'échelons divers à la campagne de l’ancien Président. Nous avons conscience qu’il n’existe pas de «normes européennes» communes relatives aux limites de l'utilisation de ressources administratives et que la campagne de l'ancien Président a peut-être été conforme à la loi géorgienne (Article 73 du Code électoral), il est néanmoins de la responsabilité des autorités gouvernementales de veiller à ce que l'opinion publique ait le sentiment de conditions de campagne équitables entre les candidats. Dans un système politique où les pouvoirs sont largement concentrés entre les mains de la majorité au pouvoir, il serait judicieux, au titre de l’équité du processus, d’appliquer – officiellement ou officieusement – certaines restrictions aux activités de campagne menées par des responsables politiques et des fonctionnaires. Il convient de noter que le Président par Intérim a avalisé le 22 décembre les directives électorales destinées aux fonctionnaires édictées par la CEC et soutenues par la Task-force inter-agence. Ces directives établissent des règles concrètes que tous les fonctionnaires sont tenus de respecter au cours de la campagne électorale et décrivent clairement les activités prohibées et les sanctions prévues. Nous espérons que ces directives seront plus largement soutenues avant les prochaines élections législatives.
38. La campagne a également été ternie par de nombreuses allégations d’intimidations, de pressions exercées par des fonctionnaires locaux et même d’enlèvements, notamment dans les régions. Même si peu de ces allégations sont fondées, elles sont encore trop nombreuses pour ne pas mettre mal à l'aise. Bien qu’il soit peu probable que le gouvernement de Tbilissi et l'équipe électorale qui entoure l'ancien Président aient orchestré ces actes, le gouvernement et le MNU ont contribué au climat de permissivité et d’impunité qui a permis ces intimidations.
39. Nous tenons à souligner que toute forme d’intimidation ou de pression est illégale et porte atteinte au libre choix des électeurs. Face aux allégations, les réponses du gouvernement étaient généralement promptes, parfois outrageusement défensives, avançant des contre-arguments formalistes plutôt que de s’attaquer aux causes profondes du problème. Des fonctionnaires gouvernementaux – mais avant tout l’ancien Président lui-même - n’ont pas su délivrer de messages forts aux échelons inférieurs de la gouvernance pour réaffirmer clairement qu’aucune forme d’intimidation, de pression et de harcèlement ne sera tolérée. Nous appelons les autorités compétentes de l’État à enquêter sérieusement sur tous les cas rapportés d’intimidation, de harcèlement et de violence et d’engager, si besoin est, des poursuites.
40. Un accès égal et impartial aux médias pour tous les candidats est un élément essentiel d'une élection démocratique. La campagne a débuté dans le contexte de l'état d'urgence, avec des restrictions imposées à la radiodiffusion des programmes d'information et à l'information par les médias électroniques dans l'ensemble du pays – à l'exception du radiodiffuseur public. Ces restrictions ont été levées neuf jours plus tard, bien que la chaîne TV Imedi n’ait pas émis durant la quasi totalité de la campagne 
			(6) 
			En
dépit de la reprise des émissions de la chaîne d’opposition Imedi
le 12 décembre, ses journalistes ont cessé d’émettre deux semaines
plus tard, après la publication de la vidéo montrant le propriétaire
de la chaîne, Badri Patarkatshishvili, fomentant un coup d’état., et des mesures d’auto-régulation ont été élaborées. Un certain nombre d'organes publics (Conseil des Médias, CEC, etc.), les diffuseurs privés et des ONG ont lancé des programmes de suivi des médias de l’audiovisuel. Les modifications apportées au Code électoral prévoyaient l'allocation de temps d'antenne égaux à tous les partis «qualifiés». De plus, le Radiodiffuseur public géorgien (RPG) a été tenu de mettre à disposition des temps d'antenne supplémentaires à des «personnes non qualifiées». Vers la fin de la campagne, le RPG a réduit ses tarifs pour les publicités à caractère politique.
41. Au cours de la visite pré-électorale, notre délégation a appelé les autorités des médias à assurer une couverture équilibrée et impartiale de tous les candidats, sans aucune forme d'autocensure ou entrave à l'accès aux médias. En outre, nous avons également appelé les médias et les candidats à organiser et à participer à des débats thématiques télévisés périodiques, afin que les électeurs fassent un choix éclairé le jour de l'élection. Le paysage médiatique a été jugé compétitif par la Mission internationale d’observation des élections (MIOE), reflétant un vaste éventail d’opinions lors des talk shows, débats télévisés et temps d’antenne gratuits pour que les électeurs fassent un choix éclairé. Vers la fin de la campagne, le partage du temps d’antenne était de plus en plus équilibré mais les informations diffusées aux heures de grande écoute sont restées en faveur de l’ancien Président. Aucun débat contradictoire n’a eu lieu, privant ainsi les électeurs de voir les candidats confronter en direct leurs opinions.
42. Dans sa déclaration préliminaire sur les élections du 6 janvier 2008, la MIOE a salué l’atmosphère calme et pacifique qui a régné le jour du scrutin. Mis à part quelques rares incidents, troubles ou actes de violence, le peuple géorgien a pu exprimer librement son suffrage. La conduite des élections a été jugée globalement conforme à la plupart des engagements contractés à l’égard de l’OSCE et du Conseil de l'Europe et aux normes en matière d’élections démocratiques; néanmoins, d'importants problèmes ont été mis en lumière, qui doivent être résolus sans attendre. La MIOE a par ailleurs noté «qu’il s’agissait de la première élection présidentielle véritablement concurrentielle organisée dans le pays, qui permettait aux électeurs de la Géorgie d’exprimer leurs préférences politiques » 
			(7) 
			Mission internationale
d’observation des élections, Géorgie – Elections présidentielles
anticipées, 5 janvier 2008, Statement of Preliminary Findings and
Conclusions (observations et conclusions préliminaires).
43. La majorité des autres missions d’observation internationale (dont celle de la CIE) ont également jugé l’élection présidentielle ouverte et démocratique. Elles ont néanmoins attiré l’attention sur « certaines imperfections organisationnelles » et « des facteurs malencontreux qui jettent une ombre sur la nature démocratique du processus ». Au moment de la rédaction de ce rapport, les conclusions définitives et les recommandations de la mission d’observation des élections de l’OSCE/BIDDH ainsi que de la Commission ad hoc du Bureau de l’Assemblée pour l’observation de l’élection présidentielle anticipée du 5 janvier n’étaient pas encore publiées.
44. Malgré la forte chute de neige et des températures très basses, 1,9 millions de votes ont été comptabilisés, ce qui est un record dans l’histoire géorgienne, bien que ce nombre ne représente que 56 % du nombre total d’électeurs enregistrés.
45. Les résultats officiels n’ont pas encore été annoncés. Cependant, les résultats officiels préliminaires qui ont été publiés laissent entrevoir que Mikheil Saakashvili est sur le point de remporter sa ré-élection au poste de Président de la Géorgie, avec 53,38% des voix devant son rival Levan Gachechiladze qui aurait obtenu 25,66% des suffrages. L’opposition refuse toutefois de reconnaître la victoire de Saakashvili, estimant qu’un deuxième tour est nécessaire. A cette fin, l’opposition rejette la validation du processus électoral par les observateurs internationaux et appelle à un nouveau décompte des voix et à l’annulation pure et simple des résultats du scrutin. D’importantes manifestations de protestation sont prévues durant la semaine du 13 au 18 janvier 2008.
46. Nous invitons instamment toutes les forces politiques à respecter la légitimité du processus démocratiquement mené des élections présidentielles et à accepter les résultats officiellement proclamés. Toute allégation de fraude ou de truquage des élections doit être contestée par les voies légales prescrites par la Constitution de la Géorgie et la législation afférente. La « géopolitique de l’Avenue Rustaveli » selon laquelle l’accès au pouvoir et le changement politique sont dictés par la rue plutôt que par les urnes n’a plus sa place dans une société démocratique mature qui aspire à adhérer à l’Europe et aux structures euro-atlantiques. Il en va de même du langage de haine et de la politique de la corde raide censés apporter la stabilité et le consensus national. Accepter dignement la défaite, même si elle s’est jouée de peu, est un principe fondamental de responsabilité démocratique.

1.2.1.2. Les enjeux politiques à venir

47. Les autorités – et la société géorgienne dans son ensemble – seront confrontées à plusieurs défis majeurs au cours des prochains mois :
48. Pour commencer, l’élection présidentielle n’a pas produit un environnement propice au désamorçage des tensions au sein de la société géorgienne. Le pays traverse une période de turbulences avant les élections législatives anticipées qui devraient se tenir au printemps 2008. Ce prochain scrutin sera un véritable test pour l’avenir de la démocratie pluraliste en Géorgie.
49. Les autorités devront faire la preuve de leur détermination à organiser des élections véritablement démocratiques, libres, honnêtes, concurrentielles et pacifiques, et démontrer leur capacité à atteindre cet objectif. Elles doivent résolument abandonner toutes mauvaises pratiques et tentations de fraudes ou d’actes inéquitables dont nous avons été les témoins au cours des scrutins précédents. La récente élection présidentielle a montré que des améliorations étaient encore possibles pour permettre l’expression libre et démocratique de la volonté du peuple géorgien. A cette fin, nous attendons des responsables politiques géorgiens un engagement sans faille et une collaboration avec la communauté internationale pour traiter les causes des déficiences précédemment relevées et pas seulement leurs symptômes.
50. Concrètement, les autorités auront à faire preuve d’un degré de maturité plus élevé pour créer un environnement de campagne électoral équilibré et concurrentiel, dénué de tout acte d’intimidation ou de pression, et perçu comme tel par la population. Les structures gouvernementales devraient être séparées de l’administration électorale et cette dernière devrait pouvoir agir de manière pleinement indépendante. Il convient encore d’inscrire dans la Constitution les amendements au Code électoral récemment adoptés, qui abaissent le seuil électoral de 7 à 5% et transforment le système électoral actuel à la majorité en un système proportionnel, et de retirer de la législation électorale les autres incohérences. La liste électorale nécessite encore une mise à jour définitive sur la base des informations recueillies à l’occasion du scrutin présidentiel de manière à éliminer les inscriptions le jour des élections lors des scrutins futurs. Il est de la plus haute importance de régler immédiatement ces questions et non quelques jours avant les prochaines élections. Par ailleurs, pour conférer davantage de crédibilité à ces processus et leur permettre de gagner la confiance du public, les prétendues infractions commises lors des élections présidentielles doivent faire l’objet d’enquêtes sérieuses et leurs auteurs poursuivis en justice.
51. Par ailleurs, le style de gestion et de gouvernance des hauts dirigeants du pays devra être plus ouvert et permettre des processus décisionnels et d’élaboration des politiques bien plus inclusifs. La démocratie ne peut être efficacement soutenue qu’avec la participation publique et un vaste éventail d’institutions dans la société par lesquelles les individus peuvent interagir avec l’État. C’est la seule façon pour un gouvernement démocratique d’atteindre le niveau requis de consensus afin de garantir l’irréversibilité des réformes. L’inclusion ne peut se faire sans participation et la participation ne peut se faire sans une panoplie d’institutions de l’État, du marché et de la société civile pour servir de médiateurs de la communication. Dans ce contexte, la mise en place d’institutions fortes et d’une administration étatique, dotée à tous les échelons, d’une culture politique d’indépendance, de respect et de pluralité d’opinions doit être la priorité essentielle des dirigeants politiques.
52. Enfin, il convient de bâtir un Etat véritablement gouverné par la primauté du droit et de la justice. Tant que l’impunité régnera et que les lois seront aménagées pour servir des objectifs ou une justice perçus comme partiaux, le public n’aura aucune confiance en l’État et ses dirigeants.
53. Restaurer la confiance dans les processus démocratiques à l’occasion des prochaines élections législatives anticipées relève de la responsabilité conjointe de toutes les forces politiques en Géorgie. Les autorités de l’État devraient respecter une pluralité d’opinions; mais l’opposition porte également sa part de responsabilité en assurant la stabilité et l’unité nationale et en participant aux réformes en cours. Une nouvelle opposition dynamique a récemment émergé à l’occasion des manifestations anti-gouvernementales, signe positif de la naissance d’une société pluraliste. Cependant, elle doit aussi chercher à engager un dialogue constructif avec le parti au pouvoir sur les principales questions politiques. Pour s’assurer le soutien à long terme des citoyens, l’opposition devrait mettre un terme à ses critiques irréfléchies de l’action du gouvernement et à la politique de la corde raide, et proposer à la population des alternatives constructives à ses problèmes. Ses dirigeants devraient mettre toute leur énergie dans une campagne véritablement concurrentielle et digne de ce nom à l’occasion des prochaines élections législatives.
54. Le parti au pouvoir verra très certainement sa majorité réduite dans le nouveau Parlement. C’est l’occasion de renforcer le processus de démocratisation en intégrant au processus politique le dialogue qui lui a tant fait défaut. Pour les dirigeants géorgiens des deux côtés, c’est l’occasion de tirer les leçons de leurs erreurs et de prendre conscience de la nécessité d’un débat politique constructif pour asseoir leur légitimité et recueillir le soutien du peuple. Une composition plus diversifiée du Parlement renforcerait la capacité de la société géorgienne à régler ses problèmes sociaux et clivages politiques au travers du processus parlementaire, plutôt que dans la rue. La représentation au Parlement d’une proportion plus large de l’opposition pourrait aider ces partis à devenir des acteurs politiques matures, responsables et constructifs, capables de constituer des alternatives crédibles dans la vie politique géorgienne. Cependant, cette perspective suppose des défis car elle implique un renforcement des engagements démocratiques de toutes les parties 
			(8) 
			Cornell, S.E., Popjanevski,
J., Nilsson, N., Learning from Georgia’s Crisis: Implications and
Recommendations, Central Asia-Caucasus Institute Silk Road Studies
Program, Policy Paper, décembre 2007.

1.2.2. La croissance économique

55. La Géorgie mérite d'être félicitée pour sa croissance économique et son dynamisme. Au lendemain de la « révolution des roses », Mikheil Saakachvili a promis de réorienter l'action gouvernementale et l'économie vers la privatisation, l'économie de marché, l'assouplissement de la réglementation et la lutte contre la corruption.
56. Le gouvernement a fait des progrès vers la réalisation de ces objectifs. En janvier 2007, l'Index of Freedom Economy (l'Index 2007 de la liberté économique) publié par le Wall Street Journal et Heritage Foundation a placé la Géorgie au 35ème rang mondial des économies les plus libres (sur 157 pays étudiés). Le rapport Doing Business (La pratique des affaires) publié en 2007 par la Banque Mondiale, qui classe les économies en fonction de la facilité d'y conduire des affaires, a attribué à la Géorgie la 18ème place mondiale, ce qui constitue une avancée majeure comparativement à sa 37ème et 112ème position respectivement occupée l'année d’avant et en 2005.
57. Le pays continue de connaître une forte croissance économique, celle-ci est passée de 9,3% en 2005 à 12% en 2007. Le PIB par habitant est passé de 700 USD en 2003 à 2 300 USD en 2007. L'inflation se maintient aux alentours de 11%. Et ce malgré la forte pression exercée par la Russie en 2006 avec la fermeture de ses frontières aux exportations géorgiennes ayant entraîné l’effondrement du principal marché d’exportation traditionnel et la privation d’une partie de la population de ses moyens d’existence, ainsi que la montée en flèche des prix du gaz importé de Russie à compter de janvier 2007.
58. L'amélioration de la collecte des impôts et de l'administration fiscale a permis au gouvernement d'accroître ses revenus de manière substantielle. Il a été en mesure de verser les arriérés de salaires et de retraites et d'accroître les dépenses pour les infrastructures dont le pays a cruellement besoin, telles que les routes et les réseaux d'alimentation en électricité. Le gouvernement espère être en mesure de privatiser l'ensemble des entreprises commerciales nationalisées (à l'exception des chemins de fer) d'ici à la fin 2008, ce qui lui permettra d'accroître ses recettes et de supprimer les tentations de corruption de l'appareil bureaucratique de l'Etat.
59. La restructuration dans un contexte libéral a exigé une rationalisation, entraînant, d'une part, des suppressions d'emplois et, de l'autre, la création de nouveaux postes. Des stratégies aussi draconiennes ont toutefois comporté certains risques politiques. Le défaut de communication sur la nécessité absolue de ces réformes pour la société, caractérisée par un taux de pauvreté (23%, contre 54,5% en 2003) et de chômage (13-20% selon différentes sources) élevés, l’accès limité aux services sociaux de base, de bas revenus et une répartition inégale de ces derniers ont suscité le mécontentement social qui a conduit à la crise politique de novembre 2007. Le 28 décembre, le Parlement a révisé le budget 2008 afin de lui donner une orientation plus sociale. La priorité des dépenses a été accordée au secteur social, concrétisant ainsi les promesses du gouvernement de régler les problèmes sociaux du pays de manière plus cohérente. Fortes de cet objectif, les prévisions actuelles font état pour 2008 d’un taux de croissance économique de l’ordre de 6%; le PNB devrait atteindre 12 milliards USD et l’inflation 8%.
60. Les investissements étrangers directs (IED) constituent la plus importante source de capital pour la Géorgie et le Gouvernement déploie des efforts considérables en vue d'attirer les investisseurs étrangers. Ces derniers commencent à prendre note des changements qui interviennent dans le pays. Alors que, dans un premier temps, les afflux de capitaux étaient dus aux privatisations, ils reflètent aujourd'hui de plus en plus la volonté des investisseurs de s'établir en Géorgie. Les IED ont atteint 1 milliard USD en 2006, et ont dépassé les 1,5 milliards USD en 2007. L'année dernière, les principaux investisseurs étaient la Turquie, les Etats-Unis et le Kazakhstan.
61. La Turquie a remplacé la Russie en tant que principal partenaire commercial de la Géorgie et un accord de libre-échange avec ce pays a été conclu. Les investisseurs turcs se sont lancés dans plusieurs investissements majeurs dans le domaine des infrastructures, y compris l'aéroport de Tbilissi ainsi qu'un deuxième aéroport à Batumi, qu'utilisent aujourd'hui les citoyens géorgiens et turcs vivant dans la région. Un accord a été conclu avec l'Azerbaïdjan en vue de la construction d'une liaison ferroviaire avec la Turquie, laquelle reliera à terme Pékin et Londres.
62. Enfin, les dirigeants géorgiens sentent que le succès des réformes économiques constitue un modèle pour le reste de la région et contribue à ouvrir des relations commerciales avec les États voisins. Ces liens sont vitaux et ont d'importantes implications, non seulement sur le plan économique, mais également sur le plan de la sécurité énergétique – et peut-être aussi, à long terme, sur le plan de la résolution des conflits sur son propre territoire.

1.2.3. Les relations internationales

63. La situation géopolitique de la Géorgie, pays situé entre la mer Noire, la Russie, l'Arménie, l'Azerbaïdjan et la Turquie, lui confère une importance stratégique bien supérieure à sa taille. Le pays est en train de devenir la porte de la mer Noire vers le Caucase et la région plus vaste de la Caspienne, mais il joue également le rôle de tampon entre la Russie et la Turquie.
64. Le Concept de sécurité nationale, adopté par le gouvernement géorgien au cours de l'été 2005, définit les principales priorités de la politique étrangère et de sécurité nationale. Il décrit la Géorgie comme «une partie intégrante de la zone politique, économique et culturelle européenne» tout en affirmant que la renaissance de la «tradition européenne» dans le pays s'effectuera par le biais de «l'intégration à part entière à l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord et à l'Union européenne» ainsi que par la contribution «à la sécurité de la région de la mer Noire, en tant que partie constituante du système de sécurité euro-atlantique» 
			(9) 
			 cité dans «Transition
économique et politique en Géorgie», rapport de la Commission PA
de l'OTAN, 170 ES CEW 07 E, Rapporteur: Kurt Bodewig..
65. En 2006-2007, la Géorgie a continué d'orienter sa politique étrangère vers l'intégration à l'OTAN et à l'Union européenne. Actuellement, elle cherche également à s'orienter au sein d'un nouveau paradigme identitaire, celui d'une grande région de la mer Noire. Ne voulant plus être considérée uniquement comme un Etat post-soviétique et ne souhaitant pas être identifiée avec la région du Caucase instable et fragmentée, la Géorgie voit ses liens avec la communauté de la mer Noire comme un moyen de se rapprocher du reste de l'Europe. Ainsi emboîte-t-elle le pas aux autres Etats post-communistes orientés vers l'Ouest pour s'engager sur la voie de l'intégration euro-atlantique par le biais de l'OTAN.
66. Les réformes politiques et économiques rapides intervenues en Géorgie ont contribué à renforcer la confiance internationale dans le pays en tant qu'acteur-clé de la région. Le recours accru de la Russie au levier énergétique pour réaliser ses objectifs politiques a également eu pour effet de focaliser davantage l'intérêt de la communauté internationale sur la Géorgie comme faisant partie d'une voie alternative d'acheminement d'énergie vers l'Europe occidentale. La Géorgie a également offert un partenariat fiable en matière de contrôle de l'immigration clandestine et de lutte contre la contrebande et le terrorisme. A l’inverse, les restrictions temporaires récemment imposées par le gouvernement à la liberté des médias et l'état d'urgence proclamé le 7 novembre ont entaché la réputation internationale de la Géorgie en tant que champion des réformes démocratiques aux frontières extérieures de l’Union européenne.

1.2.3.1. Les relations avec l’OTAN

67. L'adhésion à l'OTAN constitue la plus haute priorité du gouvernement et de l'opinion publique en matière de politique étrangère. Le récent référendum du 5 janvier sur l’adhésion à l’OTAN a montré que 72,5% de la population étaient en faveur de l’intégration. Ce soutien massif permet d’expliquer pourquoi le gouvernement géorgien s’est de tout temps focalisé sur cette question. L’adhésion à l’OTAN était l’une des priorités de tous les candidats de l’opposition à la récente élection présidentielle, à une exception près.
68. Ayant achevé le Plan d'action individuel de partenariat (IPAP) en 2006, la Géorgie est aujourd'hui engagée dans un dialogue intensifié sur les aspirations d'adhésion (ID). Les responsables géorgiens rivalisent d’efforts pour que soit entamé un Plan d'action pour l'adhésion (MAP) susceptible de mettre le pays sur la voie de l’adhésion à l’OTAN au plus tôt. La volonté géorgienne d'adhérer à l'OTAN a des conséquences sur le plan intérieur; elle a contribué à consolider le processus de réforme et encouragé les élites politiques à traiter les différends internes en évitant le recours à la force. Le Gouvernement estime également qu'il n'existe pour la Géorgie aucune alternative positive et viable à l'intégration euro-atlantique et que la candidature du pays à l'OTAN aura un impact sur d'autres pays de la région. Elle pourrait, par exemple, constituer un facteur de renforcement des liens entre l'Ukraine et l'OTAN.
69. De leur côté, les responsables de l'OTAN continuent de souligner que l'adhésion à l'Alliance est tributaire de la performance et que la décision des membres de l'OTAN de proposer un MAP à la Géorgie se fondera sur une évaluation collective des progrès qu'elle aura accomplis en matière de réformes dans de nombreux domaines.
70. Bien que l'OTAN n'intervienne pas directement dans la question des conflits gelés et déclare ouvertement que les pays non membres n'ont aucun droit de véto en matière d'élargissement de l'Alliance, l'intégration progressive de la Géorgie suscite des préoccupations dans les régions sécessionnistes et des divergences d'opinion dans les capitales des Etats membres de l'OTAN. Certains estiment que l'adhésion à l'OTAN offrirait un cadre positif dans lequel les différends pourront être réglés pacifiquement. D'autres craignent qu'elle n'ait un impact négatif sur la résolution des conflits: les deux régions séparatistes étant fortement tournées vers la Russie, elles souhaiteront de moins en moins être réintégrées dans une Géorgie devenue membre de l'OTAN. Si la Géorgie devait rejoindre l'Alliance avant la résolution des deux conflits, les forces russes de maintien de la paix pourraient prendre prétexte de cette adhésion pour «protéger» les détenteurs de passeports russes d'Abkhazie et d'Ossétie du Sud. D'un autre côté, décourager la Géorgie d'adhérer à l'OTAN serait certainement perçu dans le pays comme donner de facto un droit de veto à la Russie 
			(10) 
			 Coppieters, B., EU
and Georgia: Time perspectives in conflict resolution, («L'UE et
la Géorgie: Perspectives du temps dans la résolution de conflit»),
Parlement européen –Publication Relations extérieures, Bruxelles,
12 octobre 2007. 
			(10) 
			<a href='http://www.europarl.europa.eu/activities/expert/eStudies.do?languageEN'>http://www.europarl.europa.eu/activities/expert/estudies.do?languageEN</a>..

1.2.3.2. Les relations avec l'Union européenne

71. L'intégration à l'Union européenne est une priorité élevée dans le calendrier de politique étrangère du gouvernement géorgien. Bien qu'il aspire depuis longtemps à rejoindre l'Union européenne, il reconnaît que les perspectives d'adhésion sont encore lointaines. Il n'en reste pas moins qu'il souhaite ardemment exploiter les instruments existants pour associer son pays aussi étroitement que possible à l'UE et le conduire, à terme, vers l'adhésion.
72. Les relations de la Géorgie avec l'Union européenne se développent dans le cadre du Plan d'Action pour la politique européenne de voisinage approuvé le 14 novembre 2006. Le pays a adopté une approche pragmatique pour faire plein usage de cet instrument afin d'améliorer son intégration sur les plans économique et réglementaire et de renforcer les échanges bilatéraux ainsi que les relations économiques avec l'Union européenne. Le Parlement géorgien prépare l'intégration, là où c'est possible, des normes juridiques européennes dans le droit géorgien. La Géorgie espère pouvoir accéder plus largement au marché intérieur de l'UE et souhaite conclure avec elle des accords de libre-échange, notamment compte tenu de l'embargo décrété récemment par la Russie. 
			(11) 
			 «Transition économique
et politique en Géorgie», rapport de la Commission PA de l'OTAN,
170 ES CEW 07 E, Rapporteur: Kurt Bodewig..
73. S'agissant des perspectives à long terme en matière de relations bilatérales, le PA PEV prévoit que, lorsque l'Accord de partenariat et de coopération (APC) UE-Géorgie sera arrivé à son terme, en 2009, on pourrait envisager la conclusion d'un nouvel accord renforcé reflétant l'évolution générale des relations bilatérales résultant de la mise en œuvre du PA PEV. 
			(12) 
			 Instrument européen
de voisinage et de partenariat de la Commission européenne: Document
de stratégie pour la Géorgie, 2007-2013.
74. L'Union européenne accorde une attention particulière aux enjeux sécuritaires en Géorgie et dans la région du Caucase du Sud en général. La Géorgie demande depuis longtemps une participation accrue aux structures de maintien de la paix dans les zones de conflit d'Abkhazie et d'Ossétie du Sud. Des efforts sont actuellement déployés en vue d'accorder une plus grande importance aux questions de résolution des conflits dans le cadre de la politique de voisinage de l'Union européenne. Toutefois, l'UE doit encore élaborer une approche stratégique de ces conflits et une politique cohérente à l’égard de la Géorgie. Parallèlement, elle assume un rôle plus important en Abkhazie et en Ossétie du Sud en devenant le plus important donateur pour ces régions. Elle soutient le développement économique et la remise en état des infrastructures (réseaux de distribution d'eau et d'électricité), ainsi que l'aide à l'éducation et le renforcement des capacités en liaison avec les ONG locales.
75. La Géorgie est très préoccupée par l'accord sur l’allégement du régime des visas conclu entre l'UE et la Russie, qui reconnaît implicitement les passeports délivrés par la Russie dans les régions séparatistes de Géorgie. Il est aujourd'hui plus facile aux habitants de ces régions qu'aux Géorgiens de se rendre dans les pays de l'espace Schengen, ce qui est considéré comme un soutien plutôt malvenu au séparatisme de la part de l'Union européenne. La Commission européenne et le Conseil européen devraient donc être encouragés à prendre sous peu des mesures en vue d'engager des négociations relatives à un accord similaire entre l'UE et la Géorgie.
76. Un autre point qui contribuerait à accélérer le renforcement des relations de la Géorgie avec l'UE et la croissance économique du pays concerne l'accord de libre-échange entre l'Union et la Géorgie en vue de donner aux exportations géorgiennes accès à l'UE.
77. Un nouveau centre de gravité est apparu dernièrement au sein de l'UE/OTAN pour ce qui concerne la politique à l'égard des voisins orientaux de l'Europe, y compris la Géorgie. Huit États membres de l'Union européenne – les trois États baltes, la Pologne, la Roumanie, la Bulgarie, la République tchèque et la Suède – ont récemment formé un groupe dénommé «les Nouveaux amis de la Géorgie»; ces pays ont décidé de travailler ensemble et individuellement à promouvoir les objectifs euro-atlantiques de la Géorgie. Les Nouveaux amis viennent remplacer l'ancien groupe des «Amis des la Géorgie» qui avait été formé il y a une décennie par les États-Unis, l'Allemagne, le Royaume-Uni et la France; toutefois, celui-ci a perdu de son efficacité et, en fin de compte de sa pertinence en admettant la Russie dans ses rangs et en se réinventant lui-même sous la forme des « Amis de la Géorgie du Secrétaire Général des Nations Unies ». Réunis les 13 et 14 septembre à Vilnius, les Nouveaux Amis ont soutenu l'objectif de la Géorgie de progresser vers le MAP de l'OTAN au printemps 2008, ont lancé un appel en vue d'une meilleure adaptation du PEV à la performance interne de la Géorgie en matière de réformes ainsi qu'aux intérêts de l'UE dans la région, notamment en ce qui concerne la facilitation des voyages et les accords commerciaux et ont souligné les intérêts communs que sert la résolution des conflits. Avec les Etats-Unis, les Nouveaux Amis peuvent constituer une masse critique en vue de l'élaboration de la stratégie et de la politique à l'égard de la Géorgie.

1.2.3.3. Les relations avec les États-Unis

78. La Géorgie considère les États-Unis comme son principal allié. Les États-Unis se sont impliqués en Géorgie dans les années 90 en raison de leurs intérêts énergétiques dans la région. Après les événements du 11 septembre 2001 et la guerre en Irak, la situation géopolitique de la Géorgie a acquis un intérêt supplémentaire. La Géorgie a le plus important contingent militaire par habitant en Irak.
79. Les États-Unis apportent une importante aide militaire et bon nombre de conseils au Gouvernement géorgien ainsi qu'un ferme soutien politique pour ce qui a trait à l'intégrité territoriale de la Géorgie et à ses aspirations à devenir membre de l'OTAN.
80. Les États-Unis soutiennent largement les programmes de réformes démocratiques, économiques et de sécurité, en mettant l'accent sur le renforcement des institutions et la mise en œuvre de réformes durables. Depuis 1991, la Géorgie a reçu de la part des États-Unis une aide s'élevant à près de 1,7 milliard USD. Elle a également répondu aux normes rigoureuses donnant droit à l'assistance des États-Unis dans le cadre du projet «Millenium Challenge». Le 12 septembre 2005, la Géorgie a signé avec la «Millenium Challenge Corporation», un contrat pour un programme d'aide financière sur cinq ans d'un montant de 295,3 millions USD. Ce programme vise à galvaniser le développement économique en soutenant les infrastructures régionales, le développement des entreprises et les initiatives de lutte contre la pauvreté. Il vise également à soutenir la transition démocratique en Géorgie et à faciliter la mise en œuvre des réformes économiques et sociales.

1.2.3.4. Les relations avec la Fédération de Russie

81. Les tensions avec la Russie constituent, pour la Géorgie, un problème politique permanent. Elles reflètent le profond fossé qui s'est creusé au cours des dernières années entre les deux pays en matière d'aspirations politiques et économiques, de compréhension de l'interdépendance mutuelle et de résolution des conflits gelés.
82. Le soutien que la Russie accorde depuis des années aux républiques sécessionnistes d'Abkhazie et d'Ossétie du Sud a été la principale épine dans les relations russo-géorgiennes, et ce d'autant plus que la Géorgie sait que toute reprise de contrôle des régions séparatistes implique nécessairement le consentement de la Russie. L'intransigeance de la Russie à cet égard, qui se traduit notamment par la délivrance de passeports russes aux citoyens géorgiens vivant dans ces régions, ainsi que le lien établi par la Russie entre le statut définitif du Kosovo et les aspirations sécessionnistes dans les deux régions séparatistes ont également contribué à accroître les tensions entre Tbilissi et Moscou.
83. La ferme aspiration de la Géorgie à adhérer à l'OTAN constitue la principale source de contrariété pour la Russie qui ne manque aucune occasion de condamner l'orientation de la Géorgie en matière de politique étrangère et de répéter que l'adhésion du pays à l'OTAN aurait des retombées négatives à long terme 
			(13) 
			 Conclusions des co-rapporteurs
de l'APCE sur les relations Russie-Géorgie sur la base de leur visite
à Moscou, 28‑30 novembre 2006.. La Géorgie voit dans la réticence des dirigeants russes à accepter le passage de sa politique étrangère d'est en ouest et notamment le resserrement de ses liens avec les structures européennes et euro-atlantiques, une menace pour son indépendance et sa souveraineté. Elle craint qu'en engageant des actions visant à déstabiliser son économie encore fragile et en affirmant à ses partenaires européens et américains que ce petit pays s'apprête à régler ses conflits gelés par la force armée, les autorités russes ne parviennent à saper la crédibilité de la Géorgie en tant que partenaire fiable et de renforcer l'impression qu'elle est un «satellite docile et faible» 
			(14) 
			Nos entretiens avec
les membres du gouvernement géorgien, Tbilissi, 11-13 septembre
2007..
84. De fait, les différentes mesures punitives et sanctions économiques décrétées unilatéralement par la Fédération de Russie à l'encontre de la Géorgie en 2006-2007 ont confirmé ces craintes. Depuis décembre 2006, les autorités russes ont imposé toute une série d'embargos sur les fruits et légumes, les vins, le brandy et même l'eau minérale en provenance de Géorgie, au motif que ces produits ne satisfaisaient pas aux normes sanitaires applicables en Russie. Le caractère politique de ces embargos est démontré par l'adoption, le 21 mars 2005, par la Douma, d'une résolution abolissant ces restrictions pour le segment abkhaze de la frontière russo-géorgienne 
			(15) 
			 Résolution de la Douma
d’État russe n° 154 du 21 mars 2006 «portant amendement à la Résolution
du Gouvernement de la Fédération de Russie n° 1223 du 5 novembre»..
85. A la suite de l'expulsion, en septembre 2006, de cinq officiers des services de renseignements russes, qui a entraîné la rupture des relations diplomatiques et la fermeture des frontières en octobre 2006, la Russie a coupé toute communication par air, route, mer et chemin de fer, toute liaison postale et tout transfert de fonds avec la Géorgie et lancé une grande campagne contre les ressortissants géorgiens vivant en Russie, les expulsant massivement du pays. Grâce à l'intervention diplomatique de plusieurs organisations internationales, on a pu éviter une nouvelle escalade et, en janvier 2007, l'ambassadeur de Russie est revenu à Tbilissi. Toutefois, les sanctions économiques sont maintenues et la frontière est encore largement fermée 
			(16) 
			 Commission de suivi
de l'APCE (2007). Note d'information des co-rapporteurs à la suite
des missions d'enquête qu'ils ont effectuées à Tbilissi et à Moscou
(novembre 2006).. Après le rétablissement partiel, en mai, de la délivrance de visas aux Géorgiens ayant de la famille en Russie, le Gouvernement a assoupli une nouvelle fois le régime de visas en juillet en vue de stabiliser les relations bilatérales. Néanmoins, le plus important groupe de personnes souhaitant obtenir un visa – les touristes – reste exclu de ces dispositions 
			(17) 
			 Voir Kommersant (20
Juillet 2007) La Russie devrait lever la plupart des contrôles sur
les visas pour les Géorgiens..
86. Le 26 mars, la Géorgie a saisi la Cour européenne des Droits de l'Homme d'une requête contre la Fédération de Russie pour violation des droits des Géorgiens de souche expulsés de Russie en 2006 
			(18) 
			 La Géorgie prétend
que les autorités russes ont violé plusieurs dispositions de la
Convention européenne des Droits de l'homme, dont l'interdiction
des expulsions collectives, le déni du droit à la vie et la discrimination
pour des motifs d'appartenance ethnique..
87. La réticence de la Russie à considérer la Géorgie comme une voie alternative pour l'acheminement d'énergie vers l'Europe occidentale est sans aucun doute la troisième cause majeure du conflit qui sévit actuellement entre les deux États et qui risque de s'aggraver à l'avenir. Les tactiques de Moscou qui consistent à interrompre la fourniture d'énergie, mettant à mal l'économie géorgienne par le biais d'embargos ou de hausses du prix du gaz n'ont pas eu pour effet d'obliger Tbilissi à céder à Gazprom la partie du gazoduc Nord-Sud dont elle est propriétaire (contrairement à sa voisine, l'Arménie). La récente décision de la Russie de doubler le prix du gaz qu'elle fournit à la Géorgie a plutôt incité cette dernière à réorganiser rapidement ses marchés de l'énergie et à moderniser son propre potentiel d'acheminement de l'énergie 
			(19) 
			Conclusions
des co-rapporteurs de l'APCE sur les relations Russie-Géorgie sur
la base de leur visite à Moscou, 28‑30 novembre 2006.. La Russie conduit une politique énergétique différente à l'égard des régions séparatistes d'Abkhazie et d'Ossétie du Sud. En décembre 2006, Gazprom a démarré la construction d'un gazoduc en Ossétie du Nord, déclenchant les vives protestations de Tbilissi. D'un coût de 15 milliards de roubles (plus de 580 milliards USD), selon certaines sources, le gazoduc entre Dzuarikau en Ossétie du Nord et Tskhinvali, la capitale séparatiste d'Ossétie du Sud, court sur 163 Km et pourra fournir plus de 252,5 millions m3 de gaz par an 
			(20) 
			 Gazprom
Chief Meets S Ossetian leader (Rencontre entre le patron de Gazprom
et le dirigeant de l'Ossétie du Sud), Civil Georgia, 23 octobre
2007, <a href='http://www.civil.ge/eng/article.php?id=16078'>http://www.civil.ge/eng/article.php?id=16078</a>.
88. Pour conclure sur une note positive, il convient de mentionner que la Russie a enfin honoré dans une large mesure l'engagement qu'elle avait contracté à l'égard du Conseil de l'Europe; ainsi a-t-elle retiré sa garnison de Tbilissi et évacué les bases d'Akhalkakali et de Batumi – et ce, avant même le délai fixé dans une Déclaration commune du 30 mai 2005. Conformément aux engagements inscrits dans le Traité sur les forces conventionnelles en Europe (FCE) du Sommet d'Istanbul (1999), la base militaire de Gudauta (près de Sukhumi) a dû être fermée le 1er juillet 2001. Néanmoins, la question reste en suspens, la base continuant d'être utilisée par les forces de maintien de la paix de la CEI sans cadre juridique.

1.2.3.5. Les relations avec les organisations régionales

89. Récemment, les relations avec la CEI se sont tendues. Depuis plus d'un an maintenant, la Géorgie se montre critique à l'égard de l'organisation. Selon plusieurs responsables gouvernementaux, la CEI a perdu à la fois son sens et son objectif et représente une communauté de valeurs à laquelle la Géorgie ne souhaite guère adhérer. Le pays a, à plusieurs reprises, annoncé son intention de se retirer de la CEI 
			(21) 
			 Voir
la déclaration de la Géorgie à propos de la réunion des chefs de
gouvernement de la CEI (25 mai 2006). <a href='http://www.mfa.gov.ge/index.php?lang_id=ENG&sec_id=461&info_id=1440'>http://www.mfa.gov.ge/index.php?lang_id=ENG&sec_id=461&info_id=1440#</a>; mais, étant donné que les sommets de l'organisation offrent une plate-forme pour les contacts et les échanges avec les États voisins, et notamment avec la Russie, il semble peu probable que la Géorgie s'engage dans un tel processus dans un proche avenir.
90. Parallèlement, le GUAM 
			(22) 
			 GUAM-
Organisation pour la démocratie et le développement économique;
Le groupe, fondé par l'Azerbaïdjan, l'Ukraine, la Géorgie et la
Moldova, est parfois considéré comme un moyen de résister à l'influence
de la Russie dans la région et comme une stratégie soutenue par
les Etats-Unis. constitue pour la Géorgie une alternative plus conforme à ses aspirations en matière de politique étrangère, car il préserve les relations et promeut l'intégration avec quelques États de la CEI partageant son état d'esprit. En mai 2006, les chefs des États membres du GUAM ont annoncé que le groupe chercherait à mieux s'intégrer à l'Ouest. En décembre 2006, les représentants militaires de l'Ukraine auraient, selon certaines informations, annoncé qu'une force de maintien de la paix du GUAM serait mise en place début 2007 en vue de soutenir les opérations de maintien de la paix des Nations unies. A la même occasion, les ministres des Affaires étrangères des membres du GUAM ont publié une déclaration commune dans laquelle ils en appellent à la Russie pour qu'elle s'abstienne d'actions unilatérales contre la Géorgie et soutiennent l'installation de forces internationales dans les régions séparatistes.

1.2.4. Structure d’État et sécurité

91. Il est impossible de bâtir une démocratie durable en l’absence de sécurité. La Géorgie soutient avoir mis en œuvre des programmes largement démocratiques face à un gouvernement russe ouvertement hostile, qui a fermé ses frontières avec le pays et tenté sans cesse de l’intimider par des manœuvres telles que des attaques de missiles. La contestation par la Russie de la structure d’Etat géorgienne a donné naissance à un état de crise permanent et généré une mentalité d’assiégé dans le pays. Bâtir une démocratie solide dans ces conditions est à l’évidence une tâche ardue.
92. Dans ces circonstances, il n’est pas étonnant que la fragile démocratie géorgienne ait commis des erreurs. Bien que le facteur « Russie » ait probablement été grossièrement exagéré lors du déclenchement de la crise en novembre 2007, le bras de fer permanent avec la Russie et les tensions actuelles dans l’arène politique internationale ne font que contribuer à augmenter l’instabilité en Géorgie.
93. Pourtant, les réactions occidentales, et notamment européennes, à divers actes d’agression ont été faibles, voire inexistantes. Les gouvernements occidentaux doivent reconnaître que leur refus de s’engager avec la Géorgie sur une base sérieuse en matière de sécurité entrave le développement du pays et porte ainsi atteinte à l’intérêt de l’Europe à la stabilité de ses voisins orientaux, qui constituent désormais une voie de communication importante pour les ressources énergétiques de la Caspienne. Dans ce contexte, construire une Géorgie démocratique et stable ne sera possible que si l’Europe est prête à investir davantage dans la sécurité et la stabilité du pays. Cela implique de soutenir en permanence les réformes intérieures du pays, de porter plus d’attention à la résolution des conflits sécessionnistes et de faciliter son intégration dans les structures euro-atlantiques 
			(23) 
			Cornell,
S.E., Les élections en Géorgie: leçons pour l’Europe, Die Welt,
3 janvier 2008.

2. Adhésion aux normes et instruments du Conseil de l'Europe

2.1. Signature et ratification des conventions du Conseil de l'Europe

94. Depuis l'adoption de la Résolution 1477 (2006) en janvier 2006, les autorités géorgiennes ont déployé des efforts importants pour mettre en œuvre les obligations et engagements de la Géorgie à l'égard du Conseil de l'Europe. A cette fin, elles ont ratifié la Convention-cadre sur les minorités nationales (STE n° 157, entrée en vigueur le 1er avril 2006 
			(24) 
			le 16 juillet 2007,
la Géorgie a soumis le Rapport d’État du 1er cycle,
voir : 
			(24) 
			<a href='http://www.coe.int/t/e/human_rights/minorities/Country_specific_eng.asp'>http://www.coe.int/t/e/human_rights/minorities/Country_specific_eng.asp#P316_16629</a>) et la Convention-cadre européenne sur la coopération transfrontalière des collectivités ou autorités territoriales (STE n° 106, entrée en vigueur le 25 octobre 2006).
95. Le dernier engagement formel contracté par la Géorgie lors de l'adhésion au Conseil de l'Europe est la signature et la ratification de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires et le délai – tel qu'indiqué dans la Résolution 1415 (2004) – a expiré en septembre 2005. En dépit des promesses du gouvernement géorgien annonçant en janvier 2007 que la Charte serait signée puis ratifiée par le parlement à l'automne 2007 
			(25) 
			« Gorgia’s Democratic Transformation : An Update
Since the Rose Revolution », publié par le gouvernement
de la Géorgie, janvier 2007., aucun véritable effort en ce sens ne semble avoir été engagé depuis. M. Nikoloz Vashakidze, vice-ministre des Affaires étrangères, nous a déclaré que ce retard était dû à l'élaboration d'un concept national des minorités.
96. Nous sommes convaincus que la ratification et l'application de la Charte des langues régionales ou minoritaires ne mettent aucunement en danger l'intégrité territoriale de la Géorgie, contrairement à ce qu'affirment parfois certains dirigeants nationaux. Au contraire, l'incapacité à résoudre de façon adéquate ces questions et à protéger les droits et, en particulier, les droits linguistiques des minorités nationales risque d'exacerber les tensions entre les minorités et la majorité et de mettre en danger, par conséquent, la stabilité du pays. C'est pourquoi nous recommandons au parlement géorgien d'accélérer le processus de ratification de la Charte. Nous rappelons aussi aux autorités géorgiennes que, contrairement à nombre des 25 États membres du Conseil de l'Europe qui n'ont pas encore ratifié la Charte, la Géorgie s'est engagée volontairement à la signer et à la ratifier lors de son adhésion en 1999.
97. Nous invitons également les autorités géorgiennes à accélérer d'une manière générale la ratification des instruments du Conseil de l'Europe. En huit années d'appartenance, la Géorgie n'a ratifié que 52 des 200 traités du Conseil de l'Europe. Pendant la période couverte par ce rapport, seules trois nouvelles ratifications 
			(26) 
			l'Accord européen sur
la transmission des demandes d'assistance judiciaire (STE 092),
la Convention pour la protection des personnes à l'égard du traitement
automatisé des données à caractère personnel (STE 108) et la Convention
du Conseil de l'Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains
(STE 197). sont intervenues et aucun traité n'a été signé. Huit conventions sont signées mais non ratifiées.

2.2. Coopération juridique avec le Conseil de l'Europe

98. La Géorgie entretient d'excellentes relations de travail avec les différents organes et directions du Conseil de l'Europe. Elle a largement bénéficié des programmes d'aide de l'Organisation et, en particulier, de ceux qui visent à mettre la législation du pays en conformité avec les normes européennes. Le Plan d'action sur la Géorgie, adopté en 2005, est en cours d'application.
99. Pendant la période soumise à évaluation, la coopération efficace menée avec le Conseil de l'Europe a contribué à l'adoption de la stratégie et du plan d'action pour la lutte contre la corruption, de la loi sur le rapatriement des personnes déportées hors de Géorgie par l'ex‑URSS pendant les années 1940 (rapatriement des Turcs meskhètes), de la loi sur la restitution des biens et le dédommagement sur le territoire de la Géorgie des victimes du conflit dans l'ex-district d'Ossétie du Sud, de la nouvelle loi sur l'aide juridictionnelle, de la loi sur l'autonomie locale et de la loi sur l'interdiction des communications unilatérales.
100. Un certain nombre de codes de déontologie, notamment celui de la police, des procureurs, des avocats et des radiodiffuseurs, ont été élaborés en coopération avec le Conseil de l'Europe.
101. La Direction des institutions démocratiques du Conseil de l'Europe a soutenu activement le processus de réforme de l'autonomie locale en Géorgie en réalisant une expertise juridique de plusieurs projets ou amendements législatifs nouveaux, en particulier: le projet de loi sur les biens des municipalités, le projet de loi sur le budget des collectivités locales, le document d'orientation sur la réforme administrative et territoriale, la loi amendant et complétant le texte de loi sur la capitale de la Géorgie (Tbilissi), le projet de loi sur la supervision des activités des organes de l'autonomie locale, la loi organique révisée sur l'autonomie locale, etc. Les amendements nécessaires pour mettre la loi organique sur l'autonomie locale en conformité avec les recommandations du Conseil de l'Europe sont en cours d'élaboration. Le Conseil de l'Europe, en outre, a terminé récemment l'évaluation, effectuée à la demande du Conseil de sécurité de Géorgie, du projet de loi sur le développement régional et le document d'orientation sur la planification et la mise en œuvre du développement régional en Géorgie.
102. L'expertise de la Commission de Venise a été sollicitée pour l'examen d'un certain nombre de projets de loi, dont le projet de loi sur la restitution des biens et le dédommagement sur le territoire de la Géorgie des victimes du conflit dans l'ex‑district d'Ossétie du Sud 
			(27) 
			CDL-AD(2006)007,
adopté les 17-18 mars 2006; CDL-AD(2006)010, 9-10 juin 2006., les amendements au code électoral (avis conjoints OSCE/BIDDH) 
			(28) 
			 CDL-EL(2006)017rev
du 18 mars 2006, CDL-AD(2006)023 des 9 et 10 juin 2006 et CDL‑AD(2006)037
des 15 et 16 décembre 2006., le projet de loi sur l'amendement de la constitution 
			(29) 
			CDL-AD(2006)040, 15-16
décembre 2006. et la loi sur la responsabilité et les poursuites disciplinaires des juges des tribunaux ordinaires 
			(30) 
			CDL-AD(2007)009, 16-17
mars 2007.. La Commission conseille actuellement les législateurs géorgiens sur de nouvelles modifications au code électoral.
103. Ces dernières années, le parlement géorgien s'est lancé dans un véritable marathon d'adoption de textes de loi afin de respecter le calendrier des réformes législatives. Nous comprenons parfaitement qu'une grande partie de la législation ait dû être adoptée dans des délais très courts, peu favorables à la réflexion et à un débat parlementaire ou public approfondi. Néanmoins, nous constatons une nouvelle fois que les réformes continuent à être menées par un cercle très étroit de dirigeants politiques qui partagent les mêmes idées et non par un large éventail de personnes reflétant les riches potentialités du pays. Ceci ne favorise chez les parlementaires ni une attitude de responsabilité, ni une véritable appropriation de la législation.
104. Une source fréquente de frustration pour les experts du Conseil de l'Europe désireux d'aider la Géorgie est le fait que la législation soit souvent soumise pour expertise par les autorités après son adoption, ce qui nécessite ensuite d'interminables modifications pour la rapprocher des standards européens. Récemment, plusieurs textes législatifs importants n'ont été envoyés à certains organes du Conseil de l'Europe comme la Commission de Venise qu'après la première lecture, puis ont été adoptés quelques jours plus tard ou après qu'eut été rendu l'avis juridique, mais sans tenir compte de ce dernier. A cet égard, nous encourageons les autorités à envoyer immédiatement à l'Organisation pour évaluation par des experts tous les textes de loi relevant des compétences du Conseil de l'Europe.Il serait aussi hautement souhaitable que les experts du Conseil de l'Europe soient consultés dès l'étape d'élaboration des textes de loi car ceci assurerait d'emblée une haute qualité au processus législatif et permettait aussi d'économiser un temps précieux.
105. L'expérience d'autres États membres qui se sont soumis à la procédure de suivi de l'Assemblée montre l'importance essentielle de l'expertise juridique du Conseil de l'Europe pour une adaptation sans heurt de la législation aux normes européennes, y compris celles qui découlent de l'acquis communautaire de l'Union européenne.

3. Institutions démocratiques

3.1. Changements constitutionnels

106. Les modifications apportées à la Constitution géorgienne ont longtemps fait l'objet de discussions approfondies. Les présidents successifs n'ont adopté de nouvelles constitutions «pour le bien de la population» que pour s'apercevoir par la suite que le résultat était tout autre en réalité.
107. Immédiatement après l'élection du Président en février 2004, de nouvelles modifications ont été apportées à la constitution en vue de rétablir la fonction de Premier ministre. En vertu de cette Constitution, le Président nomme le Premier ministre, qui, à son tour, désigne les ministres de l'Intérieur et de la Défense. Il a également le droit de nommer un Cabinet des Ministres, si celui-ci se voit refuser à trois reprises le soutien du parlement. Il peut même dissoudre le parlement, si celui-ci refuse les projets de budget de l'Etat. Il est investi de pouvoirs illimités pour dissoudre le gouvernement. Les amendements de 2004 prévoient également que le Président préside le Conseil suprême de la Justice et nomme et révoque les juges «en vertu de la constitution et de la loi organique». La Commission de Venise, qui avait examiné ces amendements avant leur adoption, avait conclu qu'ils n'étaient pas pleinement conformes à un «modèle semi-présidentiel» en raison du maintien de pouvoirs considérables au Président 
			(31) 
			Commission de Venise,
CDL-AD(2004)008, adopté le 29 mars 2004.. Il n'a pas été donné suite aux recommandations de la Commission.
108. En février 2005, de nouvelles modifications ont été apportées à la constitution, concernant la diminution du nombre total de sièges au Parlement monocaméral passé de 235 à 150. Selon cet amendement, cent députés seront élus au scrutin proportionnel de liste de parti et cinquante autres, au scrutin majoritaire à un tour. L'amendement s'appliquera aux prochaines élections législatives prévues en 2008. Le ministère géorgien de la Justice ayant invité la Commission de Venise à formuler ses observations sur le projet de loi portant modification de la constitution, celles-ci ont été présentées sous la forme d'un avis conjoint avec l'OSCE/BIDDH en décembre 2004. Dans ce cas également, les recommandations de la Commission n'ont pas été prises en considération.
109. En janvier 2006, l'Assemblée a demandé aux autorités géorgiennes de «revoir les changements constitutionnels de février 2004, en tenant compte de l'avis de la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise), notamment en ce qui concerne les pouvoirs considérables du Président».
110. Le 27 décembre 2006, de nouveaux amendements à la constitution ont été adoptés, que le Président a promulgués le 10 janvier 2007. En vertu de ces amendements, ce n'est plus le Président de la République (mais le président de la Cour suprême) qui préside le Conseil supérieur de la Justice; il n'a plus non plus le droit de nommer ou de révoquer les juges. En outre, alors que la constitution permettait jusque là au Président de dissoudre maintes fois le parlement, le nouvel amendement ne l'autorise à le faire que deux fois. Cette mesure marque sans aucun doute une avancée positive.
111. De plus, un amendement a introduit la tenue simultanée d'élections présidentielles et législatives entre octobre et décembre 2008. Cet amendement a prorogé le mandat du parlement en place (du moins des législateurs élus par le biais du système de listes présentées par les partis) d'au moins six mois et réduit celui du Président de trois voire six mois 
			(32) 
			 Il
règne une certaine confusion quant au terme du mandat parlementaire.
Certains législateurs ont été élus selon un système proportionnel
de listes présentées par les partis le 28 mars 2004, et leur mandat
doit expirer au printemps 2008. D'autres ont été élus le 2 novembre
2003 sur la base d'un scrutin majoritaire et, en conséquence, leur
mandat arrive à échéance en novembre de cette année.. Les législateurs du parti au pouvoir ont avancé que ces élections simultanées étaient nécessaires pour des raisons de politique étrangère, en ce qu'elles seront considérées comme un référendum d'approbation des mesures prises par les autorités face à l'accentuation des pressions de la Russie sur le pays 
			(33) 
			 Quelques
parlementaires du parti du Mouvement national déclarent que cet
amendement a été introduit afin d'éviter que les élections législatives
en Géorgie ne coïncident avec les élections présidentielles en Russie,
qui sont prévues en mars 2008. La raison invoquée à ce propos était
«le risque grave» de manipulation des élections géorgiennes par
la Russie ou même «l'organisation de graves provocations» en Géorgie
à des fins de consommation intérieure en Russie à la veille des
élections présidentielles ; voir<a href='http://www.civil.ge/eng/article.php?id=16082'>http://www.civil.ge/eng/article.php?id=16082</a>.
112. Les partis de l'opposition ont contesté l'adoption précipitée des amendements, et notamment de la disposition prévoyant la tenue simultanée d'élections présidentielles et législatives; selon eux en effet, la prorogation du mandat du parlement en place, une première en la matière, créerait un précédent négatif. En octobre-novembre, les partis de l'opposition ont intensifié leur action pour la tenue d'élections législatives en avril au lieu de fin 2008. Le 8 novembre, le Président a annoncé la tenue d'élections anticipées et d'un référendum sur cette question. Plus de 60% des électeurs se sont déclarés favorables à la tenue des élections en avril 2008.
113. Le 22 novembre, le Parlement a adopté des modifications du Code électoral, concrétisant l’accord conclu par la majorité et l’opposition pour abaisser le seuil de représentativité de 7% à 5% et remplacer le système majoritaire par un système proportionnel. D'autres amendements à la constitution sont attendus pour abaisser le seuil de représentativité. Nous avons noté que ce seuil avait été porté de 5% à 7% sous le Président Chevardnadze en 1999. Dans les huit dernières années, ce seuil élevé a entravé le développement des parties d’opposition et ne les a pas incité à s’unir pour constituer une plate-forme politique plus forte.
114. Le 28 décembre, le Parlement a présenté un projet d’amendement à la Constitution qui rendrait contraignant les résultats du référendum sur le calendrier des élections législatives.
115. Nous recommandons vivement aux autorités géorgiennes d'associer la Commission de Venise, en tant que premier organe européen compétent en matière constitutionnelle, à la rédaction de tout amendement constitutionnel ou d'une nouvelle constitution, et ce, dès le début des travaux.

3.2. Création d'une deuxième chambre parlementaire

116. Même s'il est généralement admis qu'une telle mesure permettrait de développer plus avant le système de freins et contrepoids, en l'absence d'avancées dans le règlement des conflits en Abkhazie et en Ossétie du Sud, la question reste en suspens.
117. Le Président et le ministre d’État chargé du règlement des conflits nous ont assuré que les autorités géorgiennes étaient disposées à accorder la plus large autonomie possible, et notamment à créer une deuxième chambre parlementaire. Le président du parlement de fait de Tskhinvali a reconnu en outre que la partie géorgienne était disposée à leur offrir ce qui avait été demandé au début des années 1990; nous estimons toutefois qu'il n'y a guère lieu de s'attendre à des progrès notables dans un proche avenir.

3.3. Réforme électorale

118. Depuis la « révolution des roses », on estime que dans l'ensemble les élections sont libres et, hormis quelques irrégularités mineures, qu'elles se déroulent conformément aux normes internationalement reconnues. Venir à bout d'une fraude électorale sévissant à grande échelle et jusqu'ici endémique constitue pour la Géorgie une réalisation majeure eu égard à ses normes démocratiques. Cela étant, la législation électorale est encore susceptible d'être améliorée et la concurrence politique n'est guère importante à ce jour, malgré l’environnement compétitif de la récente élection présidentielle.
119. Au cours des années passées, les partis politiques d’opposition et les autorités géorgiennes ont tenu un débat sérieux sur la nécessité d’améliorer les principes et les procédures inscrites dans le Code électoral de la Géorgie, notamment les questions liées aux principes de représentativité et de transparence. Le gouvernement a engagé des discussions sur ces points. En octobre 2005, le Parlement de la Géorgie a demandé à la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise) d’émettre un avis sur le Code électoral géorgien. Le 19 décembre 2006, la Commission de Venise et le Bureau de l’OSCE pour les institutions démocratiques et les droits de l’homme (BIDDH) ont publié un avis conjoint sur le Code électoral de la Géorgie, tel qu’amendé au 24 juillet 2006.
120. Le processus de négociation a été très actif au cours des années 2006-2007 et les amendements législatifs devaient être adoptés bien avant les élections législatives de 2008, comme prévu par la Constitution géorgienne. Le Code de bonne conduite en matière électorale de la Commission de Venise souligne que les modifications importantes de la législation électorale doivent être effectuées au plus tard un an avant les élections. Dans ces circonstances, nous avons dans le premier projet de rapport invité instamment les autorités géorgiennes à modifier le Code électoral avant la fin de cette année, notamment en ce qui concerne l'abaissement du seuil de représentativité, la mise en place de garanties pour l'indépendance de l'administration électorale et l'amélioration du système de réclamations et de recours. Dans l'intervalle, la tenue le 5 janvier d'une élection présidentielle anticipée a été annoncée. Toutefois, sous la pression de l'agitation politique du début du mois de novembre, d'importants changements ont été une fois encore entrepris dans le système électoral un mois à peine avant l’élection.
121. Le 22 novembre, le Parlement a voté et adopté en troisième lecture des modifications du Code électoral. Elles portent notamment sur la composition de l'administration électorale et la répartition des pouvoirs, les dispositions juridiques relatives aux premier et second tours des élections présidentielles, le nombre de signatures nécessaires à la nomination d'un candidat, la règle régissant la création et la taille des circonscriptions électorales, les listes électorales supplémentaires, la répartition du temps d'antenne entre les différents sujets électoraux et autres questions d'ordre technique.
122. Suite à une série de discussions avec les partis de l'opposition, le gouvernement a convenu des demandes visant à remplacer le système électoral majoritaire actuel en place pour le Parlement par un système électoral fondé sur la représentation proportionnelle. Certains parlementaires seront élus selon un système de listes présentées par les partis à l'échelon national et d'autres sur la base de listes présentées au niveau régional. Ce changement met ainsi fin au système précédent et hautement contesté qui imposait l'élection d'un tiers des membres du Parlement au scrutin uninominal à un tour.
123. Le 15 novembre, le Parlement a exprimé un premier avis favorable aux amendements constitutionnels permettant un abaissement du seuil de représentativité au Parlement de 7% à 5%. Ces amendements ont été soumis à un débat public durant un mois et devraient désormais être adoptés sans plus attendre. Nous nous félicitons du fait que les autorités remplissent partiellement cette demande de longue date de l’Assemblée.
124. En vue des prochaines élections législatives, fixées au printemps 2008, nous espérons que ces modifications seront transposées dans la loi dans les meilleurs délais.

3.4. Réforme de l'autonomie locale

3.4.1. Législation

125. La Géorgie est un État partie à la Charte européenne de l'autonomie locale depuis le 1er avril 2005. Vers la fin de la même année, elle a lancé un programme général de décentralisation. À l'époque de l'adoption du rapport précédent, en janvier 2006, la Commission d’État sur la décentralisation 
			(34) 
			 L'appellation officielle
de la commission est la «Commission nationale pour la mise en place
de structures de gouvernance et d'une organisation territoriale
efficaces». et le parlement procédaient à la rédaction ou à la modification de plusieurs lois, notamment de la Loi organique relative à l'autonomie locale, qui constitue, avec le Code électoral, la législation fondamentale en la matière. Cette législation comprend également un projet relatif au contrôle des activités des collectivités locales et à la participation des citoyens. Le Conseil de l'Europe a pris une part active à la rédaction de ces textes.
126. À cette époque, le Parlement géorgien et les experts du Conseil de l'Europe ont proposé un calendrier selon lequel la plupart de ces lois seraient adoptées avant la fin du mois de juin 2006. Les autorités ont estimé qu'il faudrait environ cinq ans pour mettre pleinement en œuvre la stratégie de décentralisation. Les élections locales d'octobre 2006 devaient être le premier véritable test pour la démocratie locale.
127. Les mesures de décentralisation sont cependant toujours en cours d'examen au parlement. La loi relative à l'autonomie locale et le projet de loi sur le budget des collectivités locales ont été adoptés mais le projet de loi sur la participation des citoyens aux activités des collectivités locales est toujours en suspens 
			(35) 
			 Information de janvier
2007.  « Georgia's Democratic Transformation:An Update Since the Rose Revolution », publié
par le Gouvernement de Géorgie, janvier 2007..
128. La Loi relative au transfert de biens de l'Etat aux collectivités locales a été adoptée en mars 2005. Des ressources importantes ont été transférées du pouvoir central aux collectivités locales. Selon l'USAID, qui a participé à la mise en œuvre de la loi, cette initiative a permis d'améliorer l'efficacité de gestion des ressources locales et de renforcer la transparence de l'administration 
			(36) 
			Idem.. Grâce aux ressources supplémentaires dont elles disposent désormais, les collectivités locales seront en mesure de définir des programmes générateurs de recettes au niveau des districts.
129. D'après un rapport récent du CPLRE 
			(37) 
			Élections locales en
Géorgie observées le 5 octobre 2006, rapport de la Commission permanente
du CPLRE adopté à la session d'automne de 2006 à Moscou; Rapporteur:
Wim Van Gelder, Pays-Bas, Chambre des Régions, PPE/DC., un certain nombre d'évolutions positives en termes de démocratie locale sont intervenues en Géorgie depuis la ratification de la Convention européenne sur l'autonomie locale. Pourtant, il reste encore beaucoup à faire pour garantir le respect total de la Charte et d'autres normes du Conseil de l'Europe.
130. L'un des principaux problèmes de la réforme de l'autonomie locale en Géorgie est la faiblesse des ressources financières d'un grand nombre de districts et collectivités locales. Grâce à la nouvelle loi sur l'autonomie locale qui entre en vigueur, certains problèmes devraient disparaître, et les collectivités locales devraient parvenir à une certaine viabilité financière. Une formule spéciale a été mise au point pour assurer la répartition des finances entre les collectivités locales. Les budgets municipaux sont élaborés sur la base des revenus per capita de chaque municipalité, puis ajustés par des transferts de compensation provenant du budget central. Une municipalité disposant de revenus per capita supérieurs à la moyenne nationale ne peut prétendre à ces transferts de compensation. Dans celles dont les revenus per capita sont inférieurs à la moyenne nationale, le nombre de résidents est multiplié par la différence entre cette moyenne nationale et les revenus per capita effectifs de la municipalité. Le chiffre ainsi obtenu est soumis ensuite à un coefficient de correction pour les régions montagneuses ou les zones à faible densité de population. Ces municipalités perçoivent une subvention du budget central qui ne peut être inférieure à 70% du résultat de la formule évoquée ci-dessus. Enfin, il convient de consolider l'infrastructure locale afin de donner aux pouvoirs locaux la possibilité de mieux administrer leurs municipalités.
131. Nous constatons que le pouvoir central exerce toujours un contrôle considérable à l'échelon local. En raison notamment de leur manque de professionnalisme, d'expertise et de capacité technique, les collectivités locales continuent de se heurter à des difficultés de gestion. Ces circonstances forment le terreau de la corruption, qui reste un problème préoccupant à l'échelon local.

3.4.2. Mise en œuvre de la réforme

132. Le rapport de suivi de 2005 saluait la volonté des autorités géorgiennes d'accélérer la réforme de l'autonomie locale. Il appelait l'attention sur plusieurs éléments positifs mis en avant par les experts du Conseil de l'Europe, comme la réduction du nombre de communes, la démarche simple et objective adoptée pour la mise en œuvre de la réforme, la transparence de l'attribution des pouvoirs et des fonctions, etc. Il invitait cependant les autorités géorgiennes à se garder d'adopter les nouvelles lois par trop rapidement et de précipiter la mise en œuvre de la réforme alors que sa conception devait encore être revue conformément aux recommandations du Conseil de l'Europe. Il conseillait au gouvernement géorgien de ne pas fixer le calendrier d'élaboration de la réforme territoriale uniquement en fonction de la date des prochaines élections locales; en dépit des bonnes intentions qui l'animent, la réforme risque fort d'avoir un effet perturbateur et par là même d'être en définitive inefficace 
			(38) 
			APCE Doc. 10779 du 5 janvier 2006, pp. 16-17.. Il appelait également les autorités à consulter davantage les collectivités locales et l'ensemble de la population, et à régler au préalable les questions fondamentales de l'étendue des pouvoirs et des fonctions qui seront «délégués» ou «transférés» aux collectivités locales.
133. D'après le récent rapport de l'ONG Freedom House, intitulé Freedomin the World 2007:Nations in Transit, la création de nouvelles instances locales a commencé après les élections locales d'octobre 2006. Elles ont été mises en place au niveau des districts, ainsi que dans les six plus grandes villes de la Géorgie et dans la capitale Tbilissi, qui seront gérées par des conseils élus au niveau local qui disposeront de leurs propres ressources. Les municipalités ont été dotées de tous les pouvoirs et ressources nécessaires à la mise en œuvre de leurs compétences, conformément à la Charte européenne de l'Autonomie locale et aux meilleures pratiques internationales.

3.4.3. Commission d’État sur la décentralisation

134. Le rapport de 2006 regrettait que la question de la Commission d’État sur la décentralisation ait été laissée de côté lors de la présentation au parlement de sujets essentiels comme la révision de la Loi sur Tbilissi et du Code électoral national. Il demandait instamment aux autorités de reconnaître – non seulement sur le papier, mais aussi dans la pratique – la fonction de coordination qu'assume la Commission d’État, ainsi que son rôle de tribune pour un dialogue institutionnel. Il demandait aussi de lui conférer une véritable autorité et de la doter des moyens nécessaires pour diriger l'élaboration et la mise en œuvre de la stratégie de décentralisation. Nous notons avec satisfaction que cette requête a été prise en considération et que le rôle de la Commission a été considérablement étendu depuis 2006.
135. Le secrétariat de la Commission d’État 
			(39) 
			L'appellation officielle
de ce secrétariat est le «Centre pour l'aménagement du territoire
et les structures de gouvernance efficaces» créé en avril 2006 grâce à un financement du PNUD et de l'Urban Institute (institut d'aménagement et d'urbanisme) a pour mission de garantir la viabilité à long terme de la réforme. Il a son propre siège et comprend un directeur exécutif et une équipe d'experts et d'assistants administratifs tous employés à plein temps. Le Conseil de l'Europe l'assiste dans la rédaction et la mise en œuvre de son plan d'action.

3.4.4. Élection du maire de Tbilissi

136. Avant l'adoption de la loi sur l'autonomie locale en 2005, les maires des villes de Tbilissi, Poti et Batoumi étaient nommés directement par le Président, alors que les maires du reste du pays étaient élus par les habitants. Le maire de Tbilissi n'avait donc pas le statut de représentant élu. Une telle procédure de désignation allait à l'encontre de l'article 3.2 de la Charte européenne de l'autonomie locale. Le 16 février 2005, la Cour constitutionnelle a établi que cette procédure violait également les principes de la constitution.
137. Le 1er juillet 2005, le parlement a approuvé en troisième et dernière lecture la proposition de loi soutenue par le gouvernement sur l'élection du maire de Tbilissi. La nouvelle loi prévoit l'élection de 37 membres du sakrebulo (conseil municipal): 25 au scrutin majoritaire, et 12 autres selon le système dit de la «liste compensatoire» entre les partis ayant obtenu 4% des voix sur l'ensemble des 10 circonscriptions de la capitale. Le conseil municipal élira ensuite le maire parmi ses 37 membres pour un mandat de quatre ans à la majorité des deux tiers des votes. Contrairement à ce qui se passe dans d'autres communes , l'électeur ne dispose que d'une seule voix (et non de deux voix distinctes, l'une pour le scrutin majoritaire, l'autre pour le scrutin proportionnel).
138. Les premières élections selon ce nouveau système se sont déroulées en octobre 2006. Le maire sortant, M. Giorgi Ougoulava, (nommé par le Président en juillet 2005) a été élu.

4. Prééminence du droit

4.1. Réforme du système judiciaire

139. Depuis qu'en juillet 2005, le «concept» relatif à l'organisation du système judiciaire a été approuvé par décret présidentiel, la Géorgie a accompli des progrès significatifs dans la transformation d'une bureaucratie judiciaire corrompue en un appareil judiciaire européen moderne. À bien des égards, il nous semble que la réforme judiciaire en Géorgie – bien qu’encore au stade initial de sa mise en œuvre - a progressé plus rapidement et avec des objectifs plus clairs que dans de nombreuses autres sociétés en mutation d'Europe centrale et orientale, dont certaines sont aujourd'hui membres de l'Union européenne.
140. Conformément au «concept» et au plan d'action ultérieurement établi par le Gouvernement, le principal objectif de cette réforme en profondeur est de créer un système judiciaire fort, indépendant et efficace pour remplacer l'appareil judiciaire en place, largement corrompu, partial et excessivement mal administré. La réforme concerne l'organisation du système judiciaire, ainsi que le renforcement de la mission du conseil supérieur de la justice et des moyens à la disposition de l'école supérieure de la magistrature. Depuis 2005, le Gouvernement a affecté plus de 560 millions USD à la modernisation du système judiciaire géorgien et aux efforts visant à placer le pays sur le chemin du droit établi conformément aux normes démocratiques européennes.
141. La Résolution 1477 de l'Assemblée, adoptée en janvier 2006, appelait les autorités géorgiennes à mener à terme la réforme de l'appareil judiciaire et à veiller au respect des garanties constitutionnelles et législatives relatives à l'indépendance des membres de la Cour suprême et de la Cour constitutionnelle; à garantir la mise en place d'un système transparent et démocratique de remplacement des juges; à assurer l'indépendance et le haut niveau de professionnalisme de la nouvelle génération de magistrats; et à veiller à la réussite de la mise en route et du fonctionnement de l'école supérieure de la magistrature 
			(40) 
			Paragraphes 10.5.1
à 10.5.3..

4.1.1. Réforme des tribunaux

142. La réorganisation systémique de l'appareil judiciaire est en cours, et sa phase initiale, fondamentale, l'introduction d'une succession hiérarchisée de juridictions, est d'ores et déjà achevée. Les tribunaux de première instance ont été séparés des cours d'appel et de cassation, ce qui est pleinement conforme à la configuration classique des systèmes judiciaires des pays européens.
143. Deux cours d'appel ont été créées. Actuellement, la Cour suprême est cantonnée au rôle de cour de cassation, afin de faire progresser de manière uniforme et unifiée l'interprétation des lois, ce qui sera décisif pour renforcer la sécurité du droit (juridiction dite doctrinale).
144. Afin de focaliser l'emploi des ressources et d'améliorer l'efficacité de l'action judiciaire, les structures des tribunaux urbains d'arrondissement sont élargies et de nouveaux magistrats et membres du personnel judiciaire ont été recrutés pour mieux diligenter les procès et, ce faisant, mieux protéger les droits des accusés.
145. Lorsque cette réforme sera achevée, normalement en 2009, il y aura 18 tribunaux urbains d'arrondissement, répartis dans toutes les régions, au lieu des 70 petits tribunaux de première instance d'arrondissement actuels. Cinq tribunaux d'arrondissement élargis, reposant sur le principe de la spécialisation des juges, ont déjà été créés à Tbilissi, Mcheta, Khashuri, Ahalkalaki et Sachkhere. Les tribunaux urbains d'arrondissement seront les juridictions de première instance pour les affaires pénales, civiles et administratives. Les tribunaux d'instance, nouvellement créés, seront intégrés à l'échelon inférieur des tribunaux ordinaires dans les subdivisions territoriales où il n'existe pas de tribunal urbain d'arrondissement.
146. Les magistrats nommés dans les subdivisions territoriales et administratives du ressort des tribunaux d'arrondissement veilleront à ce que les habitants des régions éloignées du tribunal d'arrondissement puissent accéder rapidement à la justice au niveau local. En même temps, le fait de libérer les tribunaux d'arrondissement de leurs compétences en matière d'affaires civiles et administratives mineures contribue à réduire l'encombrement du rôle dans les tribunaux urbains d'arrondissement.
147. La Cour constitutionnelle est investie de la totalité des compétences en matière de contrôle constitutionnel. Elle arbitre les litiges entre les différents pouvoirs et se prononce sur les allégations individuelles de violation des droits de l'Homme. La Cour interprète de manière restrictive son rôle en matière de droits de l'Homme, puisqu'elle consent à se prononcer uniquement sur les affaires dans lesquelles des droits de la personne humaine ont été bafoués du fait de l'application d'articles de lois spécifiques.
148. Les budgets affectés à l'infrastructure matérielle des tribunaux ont considérablement augmenté. Au cours des deux dernières années, les édifices abritant 20 tribunaux ont été entièrement rénovés et équipés; la restauration des sept autres est en cours. Ces travaux sont entièrement financés par le budget de l'Etat. Cette année, par exemple, une enveloppe budgétaire de plus de 5.850.000 GEL a été allouée à ces fins.
149. Le budget du système judiciaire a triplé au cours des trois dernières années, pour atteindre un montant supérieur à 20 millions USD. Il nous a été dit que les salaires et les pensions des juges atteignent désormais l'équivalent de 800 USD. pour un juge de première instance, 1200 à 1300 USD pour un magistrat du second degré et 1700 USD pour un juge de la Cour suprême. Ceci a substantiellement amélioré les conditions de travail des juges. À ce jour, tous les magistrats disposent d'outils de recherche puisqu'ils ont accès à Internet et à des réseaux numériques spécialisés leur permettant de suivre les affaires et les décisions de justice.
150. Des systèmes spéciaux de gestion des bases de données ont été élaborés pour faciliter l'administration des affaires et de l'appareil judiciaire, ce qui contribuera à améliorer la transparence et l'efficacité de l'ensemble du système.

4.1.2. L’indépendance de la justice

151. Un aspect essentiel de la réforme consiste à renforcer l'indépendance du système judiciaire. Précédemment, nous avions exprimé notre inquiétude au sujet des amendements constitutionnels introduits au début de l'année 2004, qui renforçaient les pouvoirs du Président de Géorgie en matière de nomination et de révocation des magistrats. Le gouvernement s'est ensuite attaqué au problème de corruption au sein du système judiciaire, mais les procédures de révocation des juges accusés de corruption manquaient de transparence et n'offraient pas les garanties d'une procédure régulière. En 2005, les autorités ont annoncé à un certain nombre de magistrats qu'ils devaient démissionner sous peine de donner lieu à une procédure disciplinaire. Vingt et un des trente-sept juges de la Cour suprême ont démissionné du fait de ces pressions. Neuf ont refusé de démissionner, ont fait l'objet de procédures disciplinaires en décembre 2005 et ont été reconnus coupables et révoqués. Ces procédures portaient sur des questions liées à l'interprétation des lois par les magistrats mis en cause plutôt que sur des questions de déontologie ou de conduite donnant matière à un examen disciplinaire.
152. Depuis lors, d'importants amendements législatifs, notamment constitutionnels, ont été mis en œuvre en vue de renforcer encore l'indépendance des tribunaux. Depuis les derniers amendements constitutionnels, adoptés en janvier 2007, le conseil supérieur de la justice n'est plus un organe consultatif au service du Président de Géorgie. Celui-ci ne préside plus le conseil, dont il a même cessé d'être membre. Le conseil supérieur est présidé par le président de la Cour suprême. La procédure de nomination des membres de ce conseil garantit que les magistrats détiennent la majorité des sièges (10 sur 18), ce qui leur donne un rôle décisif dans le processus décisionnel. Le ministre de la Justice ne siège plus au conseil supérieur de la magistrature et le parlement ne nomme plus les membres permanents de cette instance. Toutefois, d'autres personnes, issues de l'exécutif et du législatif, continuent de siéger au conseil supérieur de la magistrature 
			(41) 
			 Les 18 membres du
conseil supérieur de la magistrature sont: dix juges, le directeur
de la commission juridique du Parlement, cinq autres personnalités
nommées par le Parlement dont quatre députés, et deux membres nommés
par le Président..
153. Les membres du conseil supérieur de la justice exercent leurs compétences disciplinaires par le biais d'un jury composé de six de ses membres: trois magistrats et trois membres non juges.
154. Le 10 août 2006, la chambre disciplinaire de la Cour suprême a confirmé la décision prise à l'encontre des magistrats convaincus fin 2005 d'avoir, entre autres choses, gravement violé la loi en rendant leur jugement ; aucune allégation de fraude ou de faute n'a été portée à leur encontre. Cette action a été largement critiquée par les ONG et les juristes comme portant atteinte à la mission au cœur de la fonction des juges, qui est d'interpréter et d'appliquer les lois conformément à leurs connaissances et leur expérience. Ces juges ont été mis à pied. Cette décision a eu pour effet de dissuader les magistrats d'exercer leur pouvoir de rendre la justice en toute indépendance.
155. Le 25 octobre 2006, la commission de suivi a décidé de demander à la commission de Venise de rendre un avis sur 1) la loi sur la responsabilité des magistrats des tribunaux ordinaires et les poursuites disciplinaires les concernant, et 2) le champ d'application de l'article 2.2.a de ladite loi, invoqué pour engager une procédure disciplinaire à l'encontre de plusieurs juges, dont des magistrats siégeant à la Cour suprême, qui ont été révoqués sur décision du conseil disciplinaire datée du 26 décembre 2005 (décision confirmée par la Cour suprême de Géorgie le 10 août 2006). La commission de Venise a rendu l'avis demandé lors de sa 70e session plénière des 16 et 17 mars 2007 
			(42) 
			Commission
de Venise, CDL-AD(2007)009.. Elle a conclu que si la loi géorgienne sur la responsabilité des magistrats des tribunaux ordinaires et les poursuites disciplinaires les concernant partait d'une intention louable, consistant à fournir des fondements juridiques permettant de sanctionner les magistrats qui ne s'acquittent pas de leurs responsabilités, et donc, incidemment, de lutter contre la corruption, « ses dispositions, libellées en termes vagues, constituent une menace réelle pour l'indépendance de l'appareil judiciaire, mais aussi, à terme, pour la prééminence du droit. Cette loi devrait donc être révisée et ses dispositions, reformulées en termes plus clairs et précis afin de garantir leur conformité avec les normes européennes. »La loi sur la responsabilité des magistrats et les poursuites disciplinaires les concernant a depuis lors été amendée en s'inspirant des recommandations de la Commission de Venise. Une décision du jury disciplinaire du conseil supérieur de la justice est désormais susceptible d'appel, interjeté auprès de la chambre disciplinaire de la Cour suprême de Géorgie, pour en obtenir la réformation en droit comme en fait. Ceci signifie également que les décisions définitives concernant les procédures disciplinaires ne peuvent être rendues que par des magistrats. De plus, seul un juge peut présider le jury disciplinaire du conseil supérieur de la justice: ceci assure une voix prépondérante aux magistrats siégeant au sein du jury. Les magistrats siégeant au conseil supérieur de la justice sont élus par la conférence des magistrats parmi les membres du conseil.
156. Selon des sources gouvernementales, les amendements à la loi géorgienne sur la responsabilité des magistrats des tribunaux ordinaires et les poursuites disciplinaires les concernant ont été adoptés par le Parlement en juillet 2007. Ces amendements visent à définir plus clairement et de manière exhaustive les faits entraînant la responsabilité disciplinaire des juges et contiennent une définition plus détaillée de ce que l'on entend par «violation grave de la loi» afin de protéger les juges contre d’éventuelles poursuites engagées à leur encontre suite à leurs jugements. Il est désormais clairement établi qu’une interprétation erronée de la loi reposant sur l’intime conviction du juge ne peut servir de fondement à des poursuites disciplinaires.
157. L'adoption récente de la loi sur la communication unilatérale constitue une autre avancée significative qui renforce l'indépendance du système judiciaire. Elle protège les magistrats des tentatives de pressions en provenance d'acteurs extérieurs. Elle oblige également les juges à signaler sur-le-champ au conseil supérieur de la justice toute tentative d'ingérence dont la cour est l'objet, que l'auteur soit un fonctionnaire de l'Etat, un membre de l'exécutif, un avocat ou un particulier. En outre, cette loi interdit expressément d'entreprendre un magistrat sur l'objet d'un litige dont il est saisi.
158. Le Code de déontologie judiciaire a été substantiellement révisé. Un projet de règlement déontologique judiciaire, pleinement conforme aux normes européennes afférentes à la déontologie de la magistrature, a récemment été présenté à l'association des magistrats de Géorgie.
159. En dépit de toutes ces initiatives positives, la population géorgienne a toujours le sentiment que l’appareil judiciaire est soumis à la corruption et aux pressions du pouvoir exécutif. Nous avons entendu plusieurs ONG alléguer que le pouvoir exécutif et des intérêts extérieurs «puissants» continuent à exercer des pressions sur les autorités judiciaires. De nombreuses ONG se plaignent du fait que les autorités judiciaires continuent d'agir comme de simples «chambres d'enregistrement» des décisions du procureur, que la «justice téléphonée» demeure une pratique fréquente et que l'exécutif exerce une influence indue. Le sentiment d’une application sélective de la justice est également à l’origine des récentes manifestations politiques.
160. Nous n’avons aucune raison de douter de la réelle volonté du Gouvernement géorgien de mettre en place un système judiciaire exemplaire dans le pays. Cependant, il faudra plus de temps pour éradiquer des traditions profondément enracinées de corruption, de pratiques et de mentalités partiales que pour appliquer des réformes. Dans leur effort en vue de mettre fin à la corruption de l'appareil judiciaire, les autorités de Géorgie ont osé faire ce devant quoi ont reculé la plupart des autres pays en transition: débarrasser la vieille garde de ses juges corrompus et les remplacer par un nouveau corps judiciaire qui, espérons-le, sera plus qualifié. Ce processus, bien entendu, était douloureux, et de nombreuses erreurs ont été commises en chemin. Nous ne doutons pas de la nécessité de cette démarche, qui devrait toutefois demeurer exceptionnelle.
161. La question que les autorités actuelles doivent désormais affronter est de savoir comment éviter que de nouvelles loyautés se mettent en place. Nous estimons que la poursuite des progrès dépend avant toute chose: de la volonté politique des responsables du gouvernement de respecter la primauté du droit et la séparation des pouvoirs, de procédures pleinement transparentes, d'une supervision efficace exercée par un Parlement élu démocratiquement, mais également du recrutement et de la promotion au fil du temps de personnes formées et qualifiées, capables de prendre des décisions en toute indépendance et désireuses d'exercer la justice dans le pays en appliquant des procédures ouvertes et transparentes.
162. En dépit des nombreuses mesures positives introduites en vue de renforcer l'indépendance du système judiciaire, certains motifs de préoccupation persistent concernant l'influence exercée par la sphère politique sur le fonctionnement de la justice. Quoique dans d'autres juridictions européennes, le sommet de l'appareil judiciaire soit aussi souvent désigné ou élu par l'exécutif et le législatif, la composition et le fonctionnement actuels du conseil supérieur de la justice continuent de permettre l'ingérence du politique dans l'administration de la justice au quotidien. C'est pourquoi, nous exhortons les autorités et le législateur géorgiens à réviser de nouveau la législation conformément à la Charte européenne sur le statut des juges, afin de limiter l'influence exercée par le personnel politique sur le recrutement des juges et les procédures disciplinaires dirigées à leur encontre.

4.1.3. Nomination et formation des juges et des magistrats

163. Selon les renseignements que nous a communiqué le président de la Cour suprême de Géorgie, depuis 2005, quelques 140 nouveaux juges ont été recrutés. Cependant, environ 120 des 400 postes de juges que compte le système judiciaire géorgien demeurent vacants. Le pays a un besoin urgent d'au moins 30 à 40 nouveaux juges. Il demeure apparemment très difficile de trouver des candidats intègres, éduqués et qualifiés. Le taux de réussite à l'examen ne dépasse pas 8%.
164. Le manque de personnel qualifié grève l'aptitude du système à rendre efficacement la justice. Afin de faciliter le recrutement de candidats appropriés aux postes vacants, des amendements constitutionnels introduits récemment ont abaissé à 28 ans l'âge minimum requis pour devenir juge.
165. Nos interlocuteurs des ONG s'inquiètent du fait que les personnes (surtout les plus jeunes) nouvellement nommées au sein de l'appareil judiciaire manquent d'expérience et de formation pour agir de manière indépendante. De plus, en raison du nombre élevé de postes inoccupés dans les tribunaux de première instance, les délais d'inscription des causes au rôle sont longs, et de ce fait, les détenus en attente de jugement sont maintenus dans des centres de détention surpeuplés pendant de longues périodes.
166. Selon les autorités géorgiennes, la situation se serait grandement améliorée. Des règles de procès rapide ont été instaurées par la nouvelle législation. La nomination de nouveaux juges a permis d’alléger leur charge de travail et la simplification de certaines procédures a contribué à la réduction de la durée moyenne des affaires.
167. Un nouveau système de sélection et de nomination des juges a été introduit il y a de cela quelques mois. L'école supérieure de la magistrature sera au cœur de ce nouveau modèle. Les normes de qualité de l'enseignement supérieur du droit seront conformes au processus de Bologne. Après avoir obtenu leur licence dans l'une des trois filières du droit (juges, avocats et procureurs) les candidats devront obtenir un certificat unifié. Ceux qui parviennent au bout de ce processus de sélection ne seront pas directement nommés juges, ils seront admis à l'école supérieure de la justice où ils recevront une formation juridique exhaustive. À l'issue de ce cursus, les candidats disposeront de la formation requise et seront nommés par le conseil supérieur de la justice à l'un des postes vacants, sans autre formalité de sélection. Un plan de carrière progressif dûment réglementé est également en cours d'élaboration. Il a été demandé au Conseil de l'Europe de rendre un avis d'expert sur cette procédure de sélection et de nomination, ainsi que sur les statuts de l'école, et de conseiller les autorités géorgiennes sur l'élaboration du cursus.
168. La première promotion a été formée en octobre 2007 et suit un cours accéléré de 18 mois en procédures légales et judiciaires. Le nouveau cursus a été préparé avec l'aide d'experts du Conseil de l'Europe et d'écoles similaires des pays membres de l'Union européenne.
169. Les ONG nous ont fait part de nombreuses critiques concernant le manque de transparence de la procédure de nomination, suscitées principalement par le fait que les candidats sont interrogés oralement à huis clos, et qu'aucun procès-verbal d'examen ou compte-rendu de témoin n'est rédigé. Nous souhaitons recevoir plus d'information de la part des autorités juridiques du pays à ce sujet.
170. Nous sommes néanmoins convaincus que le système nouvellement établi est sur le bon chemin. Le nouveau modèle vient tout juste d'être introduit et il lui faudrait simplement un peu plus de temps pour prendre racine. Globalement, le public doit être mieux informé des différentes mesures positives prises pour réformer l'appareil judiciaire afin de favoriser leur mise en œuvre effective et améliorer la confiance de la population.

4.1.4. L'ordre des avocats

171. En janvier 2006, nous avons rapporté l'organisation, en 2003 et 2004, de deux sessions d'examen d'entrée par le conseil supérieur de la justice. Mille deux cents avocats ont réussi ces examens, ont prêté serment et ont été admis au Barreau. L'assemblée fondatrice de l'ordre des avocats s'est tenue en mars 2005. Elle a adopté la charte de l'ordre et a élu sa présidence, mais à l'heure où nous écrivons, le barreau n'est pas encore en service car l'examen d'entrée a été mis en cause. Les litiges afférents ont ultérieurement été réglés par des arrangements extrajudiciaires.
172. Selon les renseignements reçus de la Direction générale des affaires politiques du Conseil de l'Europe, le barreau est en fonction depuis un an. Actuellement, l'ordre des avocats focalise principalement ses efforts sur l'élaboration d'un code de déontologie et de procédure disciplinaire. Le Conseil de l'Europe a proposé de lui apporter son appui et son expertise.

4.1.5. Système d'aide judiciaire

173. Le 2 juillet 2007, la loi sur l'aide judiciaire est entrée en vigueur. Elle a introduit un modèle entièrement basé sur l'octroi d'une aide judiciaire par des défenseurs publics et sur un organisme pratiquement indépendant (ne relevant pas du Ministère de la justice) pour l'administrer.
174. La nouvelle loi transforme radicalement le système antérieur de services judiciaires financés par le secteur public, profondément influencé par l'héritage soviétique. Elle tente de pallier ses défauts en mettant en place des procédures claires d'évaluation de l'éligibilité des personnes à l'aide gratuite et l'assistance d'un avocat commis d'office, et en introduisant l'obligation pour les avocats privés désireux d'être commis d'office de s'enregistrer et faire rapport. Cette loi prévoit une mise en place progressive de ce système au cours des deux prochaines années. Pour financer cet ambitieux programme de réformes, le Gouvernement géorgien a augmenté considérablement le budget affecté à l'aide judiciaire, qui est passé à 800.000 USD (contre 30.000 environ en 2005). 
			(43) 
			La
nouvelle loi sur l'aide judiciaire adoptée en Géorgie,Service
de presse de l'Initiative pour la justice de la société ouverte,
Tbilissi, 26 juin 2007.
175. Selon la loi, les Bureaux territoriaux du Service d’aide juridique doivent couvrir tous les niveaux des procédures pénales et des procédures administratives sur le territoire relevant de leur compétence (ils couvriront l’ensemble des procédures civiles et administratives à compter de 2009). Les Bureaux doivent également assurer des consultations juridiques gratuites et la rédaction de documents juridiques. En 2007, la compétence des Bureaux a été élargie, ils ont été dotés d’équipements adaptés et de nouveaux juristes ont été recrutés par voie de concours. Avant la fin de l’année, de nouveaux Bureaux territoriaux seront créés et un Registre des avocats commis d’office sera mis en place. Du 1er janvier au 20 septembre 2007, les avocats des Bureaux de Tbilissi et Imereti ont pris en charge 747 affaires pénales et 11 affaires administratives.
176. L'établissement d'un régime d'aide judiciaire unifié constitue certainement une entreprise louable, même s’il reste à ce système à devenir pleinement opérationnel sur le terrain pour devenir réellement efficace. Plusieurs organisations de défense des droits de l'Homme que nous avons rencontrées ont fait part de leurs préoccupations concernant le fonctionnement actuel de l'aide judiciaire gratuite en pratique. Elles ont souligné que la qualité du travail des avocats commis d'office laissait souvent à désirer, et que l'on pouvait douter du fait que ces avocats seraient perçus comme étant indépendants des forces de l'ordre et du parquet. Ainsi, de nombreux justiciables préféraient se passer d'avocat plutôt que d'être représentés par un avocat commis d'office. Compte tenu de ce qui précède, nous espérons que le nouveau système sera élaboré et mis en œuvre en coopération étroite avec l'ordre des avocats de Géorgie, en particulier pour améliorer la qualité professionnelle et l'indépendance des services offerts.

4.2. Système d'aide judiciaire Réforme de la justice pénale

4.2.1. Nouveau Code de procédure pénale

177. En 2004, le Gouvernement géorgien a adopté une stratégie d'ensemble pour réformer le système de justice pénale, prévoyant l'adoption d'un nouveau Code de procédure pénale. En janvier 2005, l'Assemblée s'est réjouie d'apprendre par les autorités géorgiennes que le nouveau code était en cours d'élaboration. En février 2005, les experts du Conseil de l'Europe ont exprimé l'avis que la plupart des amendements proposés étaient compatibles avec les normes européennes, mais que le projet était néanmoins à considérer comme largement insatisfaisant. Le projet de code a alors été élaboré en collaboration avec le Conseil de l'Europe et d'autres organisations internationales et nationales, et il a été adopté en première lecture en mai 2006. Ce document comporte de nombreuses avancées, comme l'adoption d'un mode de procédure accusatoire (dans lequel le juge pourra vraiment jouer le rôle d'arbitre (et non celui cumulé d'instructeur, de procureur, d'enquêteur et de jury), l'examen des témoins exclusivement devant le juge, des procès conduits par des jurys, des délais raisonnables, des procédures d'enquêtes simples mais efficaces, etc.
178. À la place, les autorités géorgiennes ont introduit des amendements progressifs au code en vigueur, pour permettre de s'habituer aux changements et, au besoin, de revenir sur les faiblesses du système. Sont concernés:
  • la charge de la preuve concernant la nécessité du maintien en détention préventive, qui revient au procureur, et non plus à la défense;
  • l'abolition des témoignages reçus hors prétoire, qui constituaient un élément essentiel des procès au pénal;
  • la réduction de la durée maximum du procès de 24 à 9 mois; la durée maximale de la détention préventive passe de 9 à 4 mois  
			(44) 
			 Après l'adoption du
nouveau Code de procédure pénale, cette période de 4 mois passera
à 45 jours. La période de détention, de la phase préventive à l'appel
et la cassation ne pourra excéder 9 mois.;
  • l'introduction de la libération sous caution et du système de «marchandage» sur les chefs d'accusation (plea-bargaining).
179. Le premier stade de l'investigation, c'est-à-dire l'enquête policière, fait désormais partie de l'enquête préliminaire. Ceci a grandement contribué à simplifier la procédure d'enquête criminelle et les rouages bureaucratiques.
180. Pour garantir la transparence et la protection des droits de la personne, les justiciables ont désormais le droit d'inviter deux témoins à assister à toute mesure d'investigation ou de fouille. Par le passé, les forces de l'ordre étaient tenues de choisir des témoins pour assister aux mesures d'instruction. En pratique, les mêmes personnes étaient toujours appelées à assister aux mesures de fouilles, ce qui entraînait des injustices et des interprétations erronées. La faculté de choisir les témoins dans le cadre de l'instruction appartient désormais au justiciable. De plus, le projet de code, s'il est adopté, accordera au défendeur, et dans certains cas, au plaignant également, le droit de conduire une enquête privée.
181. Face à l'augmentation alarmante du nombre des détenus et à l'aggravation du surpeuplement qui en résulte dans les centres de détention (voir 5.2.) depuis l'adoption par le Gouvernement de sa politique de «tolérance zéro face au crime», le Gouvernement a pris des mesures en vue de limiter la détention des inculpés. Pour placer une personne en détention, les autorités doivent maintenant prouver l'existence d'une forte présomption que l'intéressé se soustraie à la justice, refuse de comparaître, détruise des preuves, menace les parties à un procès imminent ou commette une infraction pénale. D'après le ministre de la Justice, le nombre de cas de détention préventive décidée par les juridictions inférieures et de condamnations rendues par les cours d'appel et de cassation a considérablement diminué, cependant que le recours aux libérations sous caution a augmenté de 55,3% cette année. Le recours au «marchandage judiciaire» s'est aussi développé.
182. Dans notre précédent rapport, nous avons exprimé certains doutes au sujet de l'application du système de marchandage judiciaire (plea-bargaining), qui, selon nous, permet à certains auteurs présumés d'infraction d'utiliser le produit de leur crime pour acheter leur libération de prison, et qui, d'autre part, risque d'être appliqué arbitrairement ou abusivement, voire à des fins politiques. Cependant, ce système de négociation des chefs d'accusation a été amélioré par l'introduction d'une procédure d'appel. Désormais, l'accord sur les chefs d'accusation n'est recevable que si le tribunal s'est assuré qu'il n'y a eu ni torture, ni traitement inhumain ou humiliant. En cas de mauvais traitement, l'inculpé a le droit de demander l'ouverture d'une procédure pénale à l'encontre des personnes impliquées. En dépit de ces améliorations, nous maintenons les réserves exprimées précédemment sur le risque d'application arbitraire du système de marchandage judiciaire.
183. Quoique la nécessité de procéder progressivement à l'amélioration du code de procédure pénale soit compréhensible, et que les amendements graduels apportés soient parvenus à rapprocher considérablement le système de justice pénal de Géorgie des normes occidentales libérales de la justice pénale, un nouveau code de procédure pénale intégrant les meilleures pratiques européennes est une nécessité incontournable pour la crédibilité et la pérennité du système judiciaire géorgien. Son adoption permettrait en outre de faire progresser plus rapidement la réforme des différentes branches des services de répression.
184. Une question distincte, et plus litigieuse, posée par la réforme de la justice pénale a trait au récent amendement, ratifié le 27 mai 2007 par le président géorgien, qui abaisse de 14 à 12 ans l'âge minimum de la responsabilité pénale à l'égard de crimes spécifiques, parmi lesquels l'assassinat, les coups et blessures intentionnels, et la plupart des catégories de vols et agressions. Le Conseil de l'Europe, se joignant à d'autres observateurs internationaux et nationaux des droits de l'Homme, a sévèrement critiqué ces amendements, en soulignant qu'ils allaient à l'encontre de la pratique européenne reconnue et qu'au lieu de régler le problème de la délinquance juvénile, le fait d'abaisser l'âge de la responsabilité pénale risquait au contraire de l'exacerber.
185. Nous avons soulevé la question devant le Président et les ministères concernés, qui ont expliqué que la criminalité juvénile, en particulier la toxicomanie et la violence, pouvant même entraîner la mort, était en train de devenir un problème grave dans le pays, surtout dans certains quartiers riches. Ils nous ont assuré que les détenus mineurs ne seraient pas envoyés dans des centres de détention ordinaires, mais qu'ils seraient placés dans des centres correctionnels éducatifs spéciaux et que la loi ne sera applicable que lorsque les conditions requises pour l'incarcération des mineurs auront été réunies.
186. Nonobstant, nous considérons cela comme une mesure destinée à traiter les symptômes plutôt que les causes expliquant le taux élevé de criminalité juvénile, qui, selon nous, sont liées, au moins partiellement, à l'évolution socio-économique rapide que connaît le pays. Pour éviter que des enfants délinquants tombent dans l'ornière de la récidive, l'incarcération des mineurs devrait être une mesure de dernier recours, utilisée uniquement dans des cas exceptionnels. La protection des droits de cette catégorie de personnes particulièrement vulnérables, leur éducation et leur réinsertion sociale devraient faire l'objet du plus grand soin.

4.2.2. Réforme du ministère public

187. La conception de la réforme du parquet et la stratégie afférente ont été élaborées et en sont actuellement à la phase de mise en œuvre 
			(45) 
			 Respect
des engagements et obligations: la situation en Géorgie; rapport
régulier préparé par la Direction générale des affaires politiques
(mai 2006); SG/INF(2006)8.. Selon cette conception, il est notamment envisagé créer un conseil du ministère public afin de s'assurer de l'efficacité de l'administration de cette instance et de sa participation aux procédures de nomination et aux procédures disciplinaires. L'adoption de la loi sur le ministère public, qui contiendra la réforme du bureau du procureur général, est au point mort, bloquée par la non adoption du nouveau code de procédure pénale.
188. Entre-temps, un projet de code déontologique des procureurs a été approuvé par le procureur général en juin 2006. Il prévoit des règles visant à renforcer le sens des responsabilités inhérent au rôle de procureur, garantir la protection des droits de l'Homme, et contribuer à l'efficacité et l'impartialité des poursuites pénales et de l'administration de la justice. Tout employé du parquet responsable d'une infraction aux prescriptions du code déontologique s'expose à des mesures disciplinaires. L'inspection générale du bureau du procureur général est chargée d'enquêter sur ces violations.
189. De même, le rôle de surveillance exercé par le parquet en matière d'enquête préliminaire a été étendu. Au pénal, un enquêteur ne peut demander à modifier, étendre ou classer une plainte qu'avec l'accord du procureur. Ceci confère au ministère public des pouvoirs discrétionnaires de supervision assez étendus. Dans le même temps, les procédures sont lentes et ne donnent pas des résultats convaincants dans les enquêtes qui présentent une certaine complexité.
190. Pour des raisons de conflit d'intérêts, le parquet ne supervise plus le système pénitentiaire.
191. Le ministère public est chargé de toutes les enquêtes pénales relatives à des allégations de torture et de mauvais traitement. Les procureurs doivent enquêter sur le recours à la force par la police dès qu'un détenu blessé au cours de son arrestation est signalé. La loi impose au parquet d'ouvrir une enquête chaque fois que des renseignements concernant une éventuelle violation lui parviennent, même de source anonyme. Si, à l'issue de l'enquête, les procureurs concluent qu'il n'est pas nécessaire d'engager des poursuites, il peut être fait appel de cette décision auprès de l'instance supérieure du parquet.
192. En 2006, une enquête a été ouverte dans 137 cas de torture et de mauvais traitements. Seize fonctionnaires ont fait l'objet de poursuites devant les tribunaux. Sept ont été condamnés dans quatre affaires pénales. Au cours des quatre premiers mois de 2007, quelque 44 affaires portant sur des allégations de torture et de mauvais traitements ont donné lieu à des enquêtes. La justice a été saisie de deux affaires ayant conduit à condamnation et de six autres inculpations à l'encontre de fonctionnaires. Onze fonctionnaires ont été reconnus coupables dans trois affaires 
			(46) 
			 Aperçu de la mise
en œuvre du Plan d'action pour la Géorgie, Politique de voisinage
de l'Union européenne, juillet 2007..
193. De source du département d’État des États-Unis 
			(47) 
			 Département d’État
américain, Géorgie: Rapport national 2006 sur les pratiques en matière
de droits de l'homme, publié par le Bureau de la démocratie, des
droits de l'homme et du travail, 6 mars 2007., des ONG signalent que le parquet ouvre des enquêtes qui, souvent, se poursuivent indéfiniment sans parvenir à une conclusion, ou qui justifient, lorsqu'elles aboutissent, le recours à la coercition par la police comme étant raisonnable. En 2006, au moins neuf enquêtes conduites par le ministère public au sujet d'allégations de torture et de mauvais traitements ont abouti à la conclusion que la police n'avait commis aucune infraction. Les statistiques montrent qu’après la Révolution des Roses, 68 policiers et procureurs ont été poursuivis et condamnés pour des violations des droits de l’homme. De plus, 27 agents du Ministère public ont été démis de leurs fonctions, 46 ont reçu un avertissement, 19 de sévères réprimandes et 99 ont reçu un blâme.
194. Malheureusement, nous n'avons pas eu la possibilité d'aborder ce point avec le bureau du procureur général.

4.3. Réforme de la police

195. La réforme de la police géorgienne, qui a permis de réduire remarquablement la petite corruption, peut être considérée comme un succès majeur du gouvernement en place. Quoique la loi sur la police ne puisse être adoptée tant que le code de procédure pénal ne l'aura pas été, la réorganisation de la police, subdivisée en «police de patrouille» (chargée de l'ordre public), police criminelle et police des frontières, progresse à grands pas. Le nouveau gouvernement a entièrement réorganisé la police de la circulation, qui avait la réputation d'être particulièrement corrompue avant la «Révolution des Roses». Il s'enorgueillit de pouvoir affirmer que la petite corruption et les pots-de-vin ont été pratiquement éradiqués parmi les forces de police.
196. Un office principal de protection et de surveillance des droits de l'Homme a été créé au Ministère de l'intérieur. Il est chargé d'assurer la supervision interne des services répressifs et des centres de détention préventive. Il travaille en étroite collaboration avec le Médiateur et les ONG.
197. Cependant, l'impunité demeure un problème grave au sein des forces de police, ce qui n'a été contesté par aucun des représentants des autorités concernées que nous avons rencontrés. Bien que l'an dernier, le nombre d'infraction ait considérablement diminué, il est rapporté que les policiers continuent d'être impliqués dans des violations des droits de l'Homme, qui prennent principalement la forme d'un recours excessif à la force, en particulier dans les commissariats et lors des opérations spéciales, de cas de torture des détenus et d'autres mauvais traitements. Selon les informations du ministère de l’Intérieur, rien qu’en 2006, 612 agents du ministère ont fait l’objet de sanctions diverses : 83 ont reçu un blâme, 220 un avertissement, 121 de sévères réprimandes, 11 ont été rétrogradés, 166 démis de leurs fonctions, et 6 suspendus. Par ailleurs, 32 agents ont fait l’objet de poursuites et deux sont actuellement recherchés.
198. En juin 2006, un nouveau code déontologique est entré en vigueur. Les observations et suggestions formulées par le Conseil de l'Europe au sujet du projet de code déontologique de la police ont été prises en compte dans la version finale du document. Le code impose aux policiers de respecter les droits individuels de toutes les personnes et de recourir à la force uniquement lorsque cela se révèle strictement nécessaire pour mener à bien leur mission. Cependant, la responsabilité professionnelle des policiers n'est pas engagée.
199. Selon les autorités, le problème du recours excessif à la violence serait lié au manque de formation professionnelle des forces de police. C'est pourquoi le Ministère de l'intérieur attache une grande importance à la formation des policiers. À l'académie de police, la formation de base de la police de patrouille contient des cours de droits de l'Homme et une formation complémentaire spécialisée sur ce même thème est assurée en conjonction avec des partenaires internationaux, parmi lesquels le Conseil de l'Europe. Cependant, la formation initiale et continue de la police, et notamment de la police criminelle, demeure sérieusement lacunaire; il convient de régler efficacement ce problème 
			(48) 
			Idem.. À de nombreuses reprises, le Conseil de l'Europe s'est déclaré prêt à accorder une aide substantielle aux autorités géorgiennes dans ce domaine.
200. Le Conseil de l'Europe pourrait également offrir son savoir-faire et son assistance en matière de décentralisation des forces de police; il pourrait notamment aider à mettre en place un système de police de proximité en Géorgie, système qui, dans de nombreux États membres, s'est révélé efficace pour rapprocher effectivement la police des populations locales, et ainsi, renforcer son rôle et améliorer sa réputation dans la société.

4.4. Lutte contre la corruption

201. Depuis le début, le président Saakachvili et la nouvelle administration géorgienne ont déclaré faire de la lutte contre la corruption leur priorité absolue. Une stratégie et un plan d'action anti-corruption ambitieux ont déjà permis d'obtenir des résultats significatifs, notamment dans le secteur du maintien de l'ordre. La corruption à petite échelle, qui paralysait la société géorgienne, a considérablement diminué. Selon des données reçues du Ministère de l'intérieur, 211 policiers ont été arrêtés et accusés de corruption, principalement parce qu'ils recevaient des pots-de-vin. Aujourd'hui, d'après les sondages, la corruption n'affecte plus que 2% des forces de police. La stratégie anti-corruption est également appliquée en limitant drastiquement l'ingérence du gouvernement dans la vie des citoyens et celle des entreprises. Des observateurs indépendants ont noté une forte mobilisation en faveur de l'effort de lutte contre la corruption dans les hautes sphères gouvernementales 
			(49) 
			 Instrument relatif
au voisinage et au partenariat de l'Europe avec la Géorgie; document
stratégique par pays de la Commission européenne, 2007-2013.. L'enquête BERD-Banque Mondiale sur l'environnement commercial et les performances des entreprises (BEEPS 2005) révèle que la Géorgie arrive en première position parmi les pays en transition pour ce qui est de la réduction de la corruption entre 2002 et 2005.
202. Une enquête plus récente de l'organisation Transparency International, publiée le 26 septembre 2007, classait la Géorgie en 79ème position sur 180 pays, et lui attribuait un indice de perception de la corruption de 3,4 points (sur 10) 
			(50) 
			 L'indice
de perception de la corruption permet de classer les pays en fonction
de l'étendue de la corruption dans les secteurs publics et politiques,
telle que perçue par les milieux d'affaires et les observateurs
du pays, à la fois résidents et extérieurs., ce qui représente une amélioration significative par rapport aux résultats obtenus en 2006 (2,8 points). Si cet indice «révèle que la corruption demeure un problème significatif dans le secteur public 
			(51) 
			 TI communiqué de presse
de Géorgie du 26 septembre 2007.», il indique néanmoins que la Géorgie est sortie du groupe de pays dans lesquels la corruption est considérée comme endémique (ceux dont l'indice est inférieur à 3).
203. Globalement, la volonté de réduire la corruption et le zèle du Gouvernement dans cette entreprise sont perceptibles dans pratiquement tous les domaines de la vie publique. Aujourd'hui, les mesures anti-corruption vigoureuses appliquées parallèlement à la libéralisation de l'économie et à la réduction de la bureaucratie étatique ont, en effet, pratiquement éradiqué la petite corruption et la pratique des pots-de-vin dans la vie quotidienne des citoyens géorgiens. Ceci a permis au Gouvernement de se concentrer davantage sur la corruption sophistiquée à haut niveau. De ce fait, pas moins de 400 fonctionnaires ont été poursuivis pour abus de pouvoir en janvier 2007, dont 11 anciens ministres, neuf vice-ministres, deux députés, le directeur de la Cour des comptes, 21 juges, 17 procureurs, six maires et 96 hauts fonctionnaires de collectivités territoriales 
			(52) 
			 Poursuites
et législation pénales: Réformes entreprises et planifiées, présentation
(powerpoint) du ministère
public de Géorgie du 26.01.2007 disponible sur le site Internet
du Ministère de la justice (<a href='www.justice.gov.ge).'>www.justice.gov.ge).</a>. Cette tendance s'est maintenue, voire amplifiée au fil de la progression des enquêtes sur la corruption. Le Président est intervenu en personne pour souligner que nul ne serait traité comme étant au-dessus des lois.
204. Ainsi, et plus particulièrement à la suite des accusations récemment lancés par l'ex-Ministre de la défense Irakli Okruashvili, faisant état de corruption dans les hautes sphères politiques, le Président Saakachvili a annoncé la création d'une commission spéciale de lutte contre la corruption qui relèverait directement de lui et du président du parlement 
			(53) 
			 Saakachvili
Plans Special Anti-Corruption Commission, Civil Georgia, 4 octobre
2007, <a href='http://www.civil.ge/eng/article.php?id=15955'>http://www.civil.ge/eng/article.php?id=15955</a>. Le Président a déclaré que la tâche principale assignée à cette commission consisterait à contrôler les ministres et les membres de leurs familles. À l'heure où nous écrivons, nous ne connaissons ni la composition de la future commission, ni la date de sa création, pas plus que les modalités de son fonctionnement.Suivant les normes démocratiques, et pour que cet organe ait toute la crédibilité voulue, nous suggérons que la création de la commission en question soit proposée par l'opposition. Lors d'une réunion télévisée du Gouvernement, le 4 octobre 2007, il a souligné que les citoyens devaient être confiants quant à sa composition, sa capacité à communiquer avec le public et la transparence de son action. De plus, pour garantir l'efficacité du travail de cette commission, l'Etat devra consentir un surcroît d'effort pour renforcer l'autorité et l'indépendance des institutions chargées de la prévention et de l'éradication de la corruption, telles que la Cour des comptes, les inspections générales, le service des marchés publics, l'appareil judiciaire et le bureau du Médiateur. Il devrait en outre renforcer le droit de regard parlementaire, accroître la transparence de l'action du ministère public et du Ministère de l'intérieur.
205. Il convient certainement de se réjouir de cette initiative, qui devra être rapidement mise en œuvre pour conserver la confiance de la population. Néanmoins, nous percevons certains risques et défis dans la manière dont le président et le Gouvernement gèrent actuellement le dossier de la lutte contre la corruption au sommet. Nous souhaitons souligner les points suivants:
  • Pour assurer la crédibilité à long terme des stratégies gouvernementales, la lutte contre la corruption ne devrait pas être menée au coup par coup, mais plutôt par le biais d'une surveillance systématique et constante de tous les avoirs et biens des fonctionnaires et de leurs relations avec le secteur des entreprises;
  • Au-delà des mesures répressives indispensables, nous encourageons les autorités géorgiennes à se concentrer sur les causes profondes de la corruption dans la société afin de trouver un juste équilibre entre les causes et les conséquences sur la société des poursuites à grand échelle engagées contre les fonctionnaires corrompus; dans ce contexte, il faudrait revoir les politiques et les mécanismes de surveillance des marchés publics et se focaliser sur des dépenses publiques transparentes, ciblées et prioritaires;
  • Bien que toute affaire de corruption de haut niveau s'inscrive dans un contexte politique, les autorités devraient prendre garde, lorsque des accusations de corruption sont lancées, d'éviter de donner l'impression qu'elles visent sélectivement les opposants politiques. À cette fin, toute condamnation pour corruption devrait faire l'objet d'une enquête minutieuse soumise à un tribunal, en respectant pleinement la présomption d'innocence, et devrait être expliquée au public dans un jugement dûment motivé;
  • En cas de libération sous caution, tous les renseignements pertinents concernant notamment l'identité de celui qui acquitte la caution, son montant et les faits reprochés devraient immédiatement être rendus publics; le montant de la caution devrait être justifié et raisonnable.
206. Dans la Résolution 1477 (2006), l'Assemblée a recommandé aux autorités géorgiennes de «poursuivre la lutte contre la corruption, appliquer l'ensemble des recommandations du Groupe d’États contre la corruption (GRECO) et ratifier la Convention pénale du Conseil de l'Europe sur la corruption (STE n° 173);» (paragraphe 10.5.5.). En 2004, le nouveau Gouvernement a hérité d'une situation dans laquelle seules deux des 25 recommandations formulées dans le rapport d'évaluation de la conformité du premier cycle du GRECO avaient été suivies d'effet. Ce retard a motivé le déclenchement d'une procédure de non-conformité. Toutefois, d'après l'évaluation globale définitive 
			(54) 
			Greco
Eval II Rep (2006)2E, adopté lors de
sa 31 assemblée plénière, tenue à Strasbourg du 4 au 8 décembre
2006. du GRECO, publiée en septembre 2006, la Géorgie s'est totalement ou partiellement conformée aux recommandations restantes. Par conséquent, il a clos la procédure de non-conformité, tout en exhortant les autorités géorgiennes à poursuivre sans relâche leurs efforts de lutte contre la corruption. Le GRECO a également souligné la nécessité d'impliquer activement la société civile dans ce processus. La Géorgie a entrepris la rédaction d'un deuxième rapport d'évaluation.
207. Il est à regretter que la Géorgie soit l'un des 11 États membres à ne pas avoir ratifié la Convention pénale du Conseil de l'Europe sur la corruption. Nous exhortons les autorités à envisager de ratifier cet instrument international important dans les plus brefs délais.
208. La Résolution 1477 (2006) exhortait également le Gouvernement géorgien à renforcer les activités visant à favoriser le développement d'un esprit et d'une déontologie de la fonction publique (paragraphe 10.5.5.). De fait, le service public a été remanié en profondeur, et le nombre de ministères, de services publics et de fonctionnaires a considérablement diminué 
			(55) 
			 Le nombre
de ministères est passé de 18 à 13 et celui des organismes publics
et passé de 52 à 3. L'effectif des fonctionnaires, quant à lui,
a diminué de 35,1 et 65,4% respectivement.. Selon des sources gouvernementales, les salaires des fonctionnaires ont été multipliés par 15 environ, ce qui a permis d'attirer de jeunes professionnels motivés dans la fonction publique. La dérégulation de l'économie, menée parallèlement à la transformation des institutions et l'optimisation des ressources humaines, a considérablement limité, voire éradiqué, la corruption dans certains services autrefois gangrenés par ce phénomène. Dans certains cas, et surtout dans la police de patrouille et le service de sécurité des produits, le personnel a été entièrement renouvelé. Depuis, les citoyens sont devenus beaucoup moins tolérants et plus sensibles aux problèmes de corruption. Un code de conduite à l'usage de la fonction publique a été élaboré. Le Conseil de la fonction publique, organe consultatif rattaché au président de Géorgie, est chargé de l'application de ce code, de la supervision globale de la stratégie de réforme de la fonction publique et du plan d'action afférent.
209. Malgré l'optimisation de l'efficacité du service public, la rédaction ou l'application des réformes structurelles du secteur public ne sont pas encore terminées dans plusieurs domaines. Dans un pays où traditionnellement, le pouvoir est centralisé verticalement, beaucoup reste à faire pour motiver, responsabiliser et autonomiser l'échelon administratif intermédiaire. Une administration publique responsable, non corrompue et apolitique, capable de résister aux aléas du pouvoir politique du pays serait un élément clé pour garantir la pérennité des réformes géorgiennes. C'est pourquoi une importance particulière devrait être accordée à l'amélioration des critères de sélection et d'admission et à la transparence de l'accès à l'emploi dans la fonction publique.

5. QUESTIONS DE DROITS DE L'HOMME

5.1. Prévention des actes de torture et des traitements inhumains, problème de l'impunité des délits commis par des agents des services de maintien de l'ordre

210. La Résolution 1477 (2006) de l'Assemblée invitait les autorités géorgiennes «à consolider les premières mesures prises pour éradiquer la «culture de la violence» et la torture dans les prisons et les centres de détention provisoire, à adopter de toute urgence d'autres mesures à cette fin, en se préoccupant plus spécialement des régions de la Géorgie autres que la capitale, en particulier pour engager sans tarder une enquête indépendante et approfondie sur toutes les allégations de torture et de mauvais traitements, et à appliquer la «tolérance zéro» de l'impunité» (10.6.3.).
211. La constitution et le droit géorgiens contiennent des dispositions importantes en matière de protection des droits de l'homme. Des progrès considérables ont été réalisés pour empêcher les mauvais traitements infligés aux personnes en détention. Alors qu'en 2006, Amnesty International, le Département d'État américain, les ONG nationales et le bureau du Médiateur signalaient de nombreux cas de détenus blessés à la suite des mauvais traitements infligés par la police au cours leur arrestation 
			(56) 
			 Selon les statistiques
du Ministère des Affaires intérieures, des 18.083 détenus en 2006,
2.962 (16%) étaient blessés, parmi lesquels 191 affirmaient avoir
été violentés par les forces de police., le Ministère de l'Intérieur nous informe que, cette année, ces cas ont été jusqu'ici très rares. La torture a pratiquement été éliminée. Cela traduit un changement majeur dans le bon sens.
212. En 2006-2007, le gouvernement a pris des mesures concrètes pour éradiquer la torture grâce à des amendements au Code de procédure pénale (CPP) et des réformes du système pénitentiaire. Par exemple, à son arrivée au centre de détention, chaque nouveau détenu fait l'objet d'un examen médical. Lorsqu'un détenu est transféré vers un autre établissement pénitentiaire, il est soumis à un nouvel examen médical. Tout échange entre les agents des services de répression et les détenus est consigné par écrit. L'ensemble du personnel judiciaire et pénitentiaire doit être identifié par le port d'un badge, et les agents en civil des services de maintien de l'ordre se sont vus attribuer des numéros d'identification figurant sur la carte qu'ils sont tenus de porter durant leur service 
			(57) 
			 'Georgia's
Democratic Transformation:An
Update Since the Rose Revolution', publié par le Gouvernement
de Géorgie, janvier 2007..
213. Les nouveaux amendements au CPP adoptés en 2006 considèrent les preuves obtenues par des procédés illégaux comme irrecevables et exigent que les aveux des détenus durant la détention provisoire soient acceptés par le tribunal avant d'être retenus comme preuves. Ces mesures ont pour but d'empêcher les autorités d'exercer des pressions sur les présumés coupables afin de les faire passer aux aveux lors de l'enquête préliminaire. Il convient également de préciser qu'un compromis sur le chef d'accusation est nul et non avenu s'il entrave les poursuites judiciaires contre des agents des services de maintien de l'ordre pour actes de torture ou mauvais traitements.
214. Afin de protéger les suspects de pressions physiques et psychologiques au cours des interrogatoires, ces derniers ont le droit d'enregistrer l'interrogatoire, s'ils le souhaitent, avec leur propre matériel d'enregistrement.
215. Le gouvernement a créé des départements de suivi des droits de l'homme au sein du Ministère de l'Intérieur, du bureau du procureur général et du département des services pénitentiaires afin de renforcer le contrôle interne des pratiques relatives aux droits de l'homme dans les organes des forces publiques. Depuis mars 2005, les maisons d'arrêt sont subordonnées aux départements de suivi des droits de l'homme du Ministère de l'Intérieur. En septembre 2006, une nouvelle entité structurelle a été créée au sein du département des prisons – le bureau de protection des droits des détenus – pour superviser et faire respecter les droits des détenus dans le système pénitentiaire. En plus du renforcement du contrôle interne exercé par l'unité de protection et de contrôle des droits de l'homme, les services de police font l'objet d'une inspection régulière par le bureau du Médiateur et les ONG.
216. En outre, une nouvelle approche est employée pour la sélection, le recrutement et la formation du personnel du Ministère de l'Intérieur. L'adoption d'un code d'éthique de la police en janvier 2006 constitue une autre avancée importante. Des investissements considérables ont été effectués dans l'acquisition de moyens technologiques modernes d'investigation et d'équipements scientifiques.
217. Malgré les efforts cités précédemment, l'impunité demeure un problème sérieux, en particulier dans les régions 
			(58) 
			 Département d’État
américain, Géorgie: Rapport national 2006 sur les pratiques en matière
de droits de l'homme, publié par le Bureau de la démocratie, des
droits de l'homme et du travail, 6 mars 2007. Les enquêtes menées à bien sont rares. Selon des sources gouvernementales, entre 2004 et 2006, 68 officiers de police et procureurs ont été poursuivis et 33 inculpés pour violation des droits de l'homme; 27 agents du Ministère public ont été démis de leurs fonctions, 46 agents ont été réprimandés, 19 ont reçu des avertissements graves et 99 ont reçu un blâme. Des 105 enquêtes préliminaires menées par le bureau de l'Inspection générale du Ministère de l'Intérieur en 2006, 70 ont été renvoyées au parquet général. Dans la même période, ce dernier a introduit 46 affaires contre des agents des forces de l'ordre; des poursuites judiciaires ont été lancées contre 8 agents dans 5 affaires; et 4 affaires mettant en cause 6 agents ont été portées devant les tribunaux. En 2006, les tribunaux ont prononcé 4 condamnations pour mauvais traitements impliquant 7 agents de police.
218. D'après les ONG, des liens étroits entre le Bureau du procureur général et la police nuiraient à leur capacité à prouver les fautes professionnelles des agents de police. Les ONG affirment également que l'absence de professionnalisme et d'indépendance du corps judiciaire l'empêcherait de donner suite aux allégations d'actes de torture 
			(59) 
			Idem.. Par conséquent, malgré la mise en œuvre de réformes positives, les agents des services de répression auraient encore la possibilité de recourir à la torture ou aux mauvais traitements, tout en courant peu de risques d'être démasqués ou punis. Les ONG sont d'avis que l'absence de formation adéquate pour faire appliquer la loi, ainsi que le manque de connaissances des citoyens sur la protection qui leur est accordée, entravent les progrès. Les autorités maintiennent que les statistiques prouvent le contraire et que les fonctionnaires de police sont sanctionnés pour tous les types d'inconduite.
219. Les organisations des droits de l'homme ont aussi fait part de leurs inquiétudes au sujet des abus de plus en plus fréquents commis depuis 2005 par le personnel pénitentiaire et par les forces spéciales de police à l'encontre de détenus, lorsque le gouvernement a renforcé la lutte contre la criminalité et cherché à briser le pouvoir des chefs du crime organisé, notamment dans le système pénitentiaire. Ces mesures ont entraîné un recours plus fréquent à la force pour soumettre ou punir les détenus. En effet, les forces de sécurité ont employé la force de façon répétée pour réprimer les émeutes dans les prisons.
220. Le 30 janvier 2006, les forces spéciales auraient procédé à une fouille à la prison n°1 de Rustavi, au cours de laquelle plusieurs détenus ont été violentés. Cependant, selon HRW, personne n'a été en contact avec les détenus pour recueillir directement leurs déclarations.
221. Le 27 mars 2006, les forces spéciales ont utilisé une arme à feu automatique à la Prison n°5 de Tbilissi pour contenir une émeute, et entraîné la mort d'au moins 7 détenus. D'après HRW, personne, pas même les avocats ni les membres du Conseil officiel de contrôle, n'a été autorisé à entrer dans la prison durant deux jours. Le gouvernement a déclaré avoir empêché une émeute à l'échelle nationale dans les établissements pénitentiaires, fomentée par des criminels, et qu'une répression extrême était nécessaire pour prévenir de nouvelles violences. Il a présenté pour preuve un enregistrement vidéo et de conversations téléphoniques au cours desquelles des détenus planifiaient l'émeute. Cependant, l'opposition et les défenseurs des droits de l'homme ont mis en doute la version officielle et prétendu que cette révolte était une action spontanée des détenus pour protester contre les traitements inhumains infligés par le personnel pénitentiaire, dans la nuit du 26 au 27 mars, et que la force employée par la police était excessive.
222. Nous ne disposons pas d'informations pour savoir si l'enquête sur les incidents mentionnés précédemment progresse.
223. Cette année, aucune plainte majeure contre des employés d'établissements pénitentiaires n'a été déposée. Des caméras de surveillance ont été installées dans les couloirs de plusieurs centres de détention, ce qui a certainement contribué à améliorer le traitement des détenus par le personnel pénitentiaire. Aucune émeute dans les prisons n'a par ailleurs été à déplorer.
224. Nous rappelons aux autorités géorgiennes que toute allégation de mauvais traitements ou de recours abusif à la force par les agents des services de maintien de l'ordre doit faire l'objet d'une enquête approfondie et, le cas échéant, de poursuites judiciaires. Nous saluons les mesures prises pour limiter la force abusive et pour sensibiliser les forces de police aux droits de l'homme. Néanmoins, il importe que les autorités restent vigilantes dans ce domaine.

5.2. Conditions de détention

225. Le surpeuplement des prisons et les conditions médiocres de détention, en particulier dans les maisons d'arrêt, demeurent la préoccupation majeure en matière de droits de l'homme en Géorgie.
226. En 2006, le Ministère de la Justice, dont dépend le Département des services pénitentiaires, a lancé un plan d'action global sur plusieurs années (2006 – 2010) pour réformer l'intégralité du système pénitentiaire. Ce plan d'action vise à mettre en place un système pénitentiaire humain fondé sur les droits de l'homme et la dignité humaine, en remédiant au problème du surpeuplement des prisons et en améliorant les conditions de vie et la réinsertion des prisonniers dans la société. Il entend également revoir la sélection, la formation et la rémunération du personnel pénitentiaire en vue de lutter contre la corruption. Ce plan d'action a été financé par une hausse importante du budget (plus d'un milliard de GEL pour les quatre années), notamment pour la rénovation des établissements existants et la construction de nouveaux établissements. La première année, le budget public affecté par le gouvernement au Département des prisons a connu une hausse de 87% par rapport à 2005. Il a plus que doublé en 2007 en comparaison avec 2006. Toutefois, la population de détenus est passée d'environ 8895 détenus en 2005 à 19.441 au 30 septembre 2007 
			(60) 
			Données présentées
sur le site Internet officiel du Ministère de la justice., ce qui a mis à mal certains des avantages qui auraient pu être tirés de l'augmentation des ressources allouées. D'après le Ministère de la Justice, les détenus seront plus de 22.000 d'ici la fin de l'année.
227. Pour faire face à l'augmentation brutale du nombre de détenus, le Ministère de la Justice a ouvert six nouveaux établissements pénitentiaires conformes aux normes physiques internationales, avec une capacité totale de 5.178 détenus à Tbilissi, Kutaisi, Rustavi et Khoni depuis octobre 2005 
			(61) 
			 Aperçu
de la mise en œuvre du Plan d'action pour la Géorgie, Politique
de voisinage de l'Union européenne, Tbilissi, juillet 2007, Géorgie.. Quatre autres nouvelles prisons ayant une capacité maximum de 6.300 détenus sont en construction à Rustavi (extension des prisons n°2 et n°6), Batumi et Zugdidi. Étant donné que la capacité d'accueil d'avant octobre 2005 était d'environ 12.200 places calculées sur la base de 2,5m² d'espace de vie par détenu 
			(62) 
			Idem. (et non sur la base des 4 m² recommandés par le CPT), les nouvelles infrastructures suffiront à peine. Le pays aura du mal à maintenir le rythme soutenu de construction de prisons, puisque chaque nouvelle structure nécessite non seulement une infrastructure physique, mais aussi le recrutement et la formation d'un personnel pénitentiaire supplémentaire.
228. De plus, indépendamment du dévouement du personnel et de la politique de «tolérance zéro du crime» lancée par le gouvernement géorgien, les procureurs et les magistrats du pays ne peuvent continuer à envoyer un nombre sans cesse croissant de citoyens derrière les barreaux. Il convient plutôt d'étudier plus activement de nouvelles possibilités juridiques utilisant l'incarcération en dernier ressort et proposant des mesures non privatives de liberté, un recours plus fréquent à la probation ou à la libération conditionnelle précoce. A cet égard, des progrès notables semblent déjà avoir été réalisés au cours des deux dernières années. Le ratio détenus condamnés/détenus en détention provisoire est passé de 43,1: 56,9 en 2005 à 78,3: 21,7 en septembre 2007 
			(63) 
			Idem.. Les cas de probation ont doublé l'année dernière. Il est nécessaire de se tourner vers les mesures facilitant la réinsertion des anciens détenus.
229. En outre, malgré l'ouverture de nouveaux établissements et le réaménagement des anciens établissements, et les efforts du Ministère de la Justice, les conditions de détention «permanente» et de détention provisoire restent dans l'ensemble médiocres et non conformes aux normes européennes. Selon un récent rapport de Human Rights Watch, la majorité des détenus géorgiens occupe des cellules bondées, mal ventilées et insalubres. Les détenus ne sont pas alimentés ni soignés correctement, ont un accès limité à l'information et aux visites de leurs familles. En 2006, certains ont passé des semaines, voire des mois, sans quitter leur cellule pour faire de l'exercice et pour s'oxygéner. En l'occurrence, on peut qualifier ces conditions de détention de traitement dégradant.
230. D'autres questions soulevées durant notre mission par nos interlocuteurs des ONG ont révélé l'insuffisance des activités proposées aux détenus. Très peu d'entre eux sont autorisés à travailler ou à suivre une formation professionnelle, et la plupart passe 23 heures dans leurs cellules sans activité mentale ni physique. Les postes de télévision et de radio ne sont généralement pas autorisés, même si ces derniers ne sont pas interdits par la loi.
231. Une autre plainte des organisations des droits de l'homme, dont nous avons informé le Médiateur, concernait l'augmentation du taux de mortalité dans le système pénitentiaire et le fait suspect que la quasi-totalité des détenus décédés aurait succombé à une crise cardiaque. En 2006, le Ministère de la Justice a signalé la mort de 92 détenus, contre 46 en 2005. 79 détenus sont décédés au cours des neuf premiers mois de cette année. Bien que déplorable d'une manière générale en termes de pourcentage, la situation est relativement stable depuis 1999 (avec une augmentation d'environ 0,5%-0,6%). En outre, le décès de 31 détenus sur 92 est survenu en 2006 en juillet/août, période où les conditions inadaptées ont été aggravées par des températures de saison très élevées. Le Ministère de la Justice a redoublé d'efforts pour améliorer les conditions de vie au cours de cette période, par la mise à disposition de ventilateurs et la suppression des volets métalliques. Cependant, également cette année, ce sont les conditions climatiques de février et de juillet qui ont le plus affecté la santé des prisonniers. Le Médiateur a indiqué que son bureau sollicitait fréquemment le personnel pénitentiaire pour que les détenus reçoivent les traitements médicaux nécessaires.
232. Nous avons visité la prison n°7 de Tbilissi, établissement traditionnellement employé pour la réclusion de détenus «très médiatisés», y compris de grands criminels en col blanc et de détenus condamnés à perpétuité. Nous avons sciemment choisi cet établissement en raison de nos impressions négatives antérieures sur ses conditions de détention. Nous avons noté avec satisfaction de nombreux progrès dans cet établissement, notamment concernant la propreté et la rénovation des cellules, la séparation des équipements sanitaires, l'espace par détenu et la luminosité dans la plupart des cellules, l'ouverture d'une boutique avec un système moderne de paiement par «carte de crédit» et l'installation de caméras de surveillance 
			(64) 
			 Nous
n'avons pas de raison de suspecter une quelconque «mise en scène»
pour notre visite, étant donné que nous avons changé notre programme
de visites la veille.. Nous avons été informés que, pendant un an, il n'y avait pas eu de plaintes d'actes de torture ni de violence dans cet établissement pénitentiaire. Les détenus avec lesquels nous nous sommes entretenus n'avaient pas non plus de griefs à cet égard.
233. Au moment de notre visite, la prison fonctionnait en dessous de sa capacité (81 détenus pour une capacité totale de 108 places). Gardant cela à l'esprit, nous avons été surpris de voir huit détenus à perpétuité entassés dans une cellule faisant moins de 15/16 m². Leur cellule (située au 1er niveau du bâtiment) n'était quasiment pas éclairée, l'unique fenêtre étant obstruée par un dense grillage permettant à peine le passage de la lumière du jour et le renouvellement de l'air. Nous avons découvert par la suite que les détenus concernés n'avaient pas été autorisés à faire de l'exercice en plein air depuis plus de deux semaines. Il ne fait pas de doute que cette situation est inacceptable 
			(65) 
			Dans d'autres cellules,
les détenus ont affirmé pouvoir faire 1h/1h30 d'exercice en plein
air par jour.. Les détenus se sont également plaints d'avoir été transférés sans explication d'une autre prison. Aucun d'entre eux n'a été informé des raisons de ces transferts dans un autre établissement. Ils étaient dans l'ensemble bien informés de leurs droits et jugeaient les conditions de détention inadaptées aux détenus à perpétuité. Les autorités pénitentiaires semblent avoir conscience de ces plaintes mais ignorer le problème. Selon elles, ces détenus ont été transférés vers un autre établissement de Rustavi pour la période de rénovation de leur établissement d'origine. Aucun des détenus n'avait connaissance de la possibilité de faire appel de la décision de transfert.
234. Les détenus que nous avons interrogés à la prison n°7 n'étaient pas autorisés à se lancer dans des activités ou formations professionnelles. Il convient d'améliorer ce point. L'accès à la radio, à la télévision ou à la presse écrite (autres que les journaux envoyés par les proches) était totalement interdit, même s'il est permis par la loi. Il est nécessaire de remédier immédiatement à cela, en particulier compte tenu de la durée des peines que doivent purger la plupart des détenus dans cet établissement. Au moment de notre visite, nous nous sommes entretenus avec un détenu à perpétuité placé en isolement cellulaire, qui ne s'est pourtant pas plaint de cette situation et a indiqué avoir quelques contacts avec d'autres détenus durant la journée. Il nous semble que la restriction des visites et de la correspondance est excessive, notamment pour les prisonniers en détention provisoire.
235. Il nous semble que la restriction des visites et de la correspondance est excessive, notamment pour les prisonniers en détention provisoire. La restriction des visites et de la correspondance semble excessive, notamment pour les prisonniers en détention provisoire. En effet, ceux-ci ont besoin de l'autorisation préalable de l'autorité d'enquête compétente ou du tribunal pour recevoir des visites qui – même si elles sont autorisées – ne peuvent avoir lieu que deux fois par mois. Le droit de visite est encore plus restrictif pour les détenus à perpétuité, en particulier pour ceux qui purgent leur peine dans le cadre d'un régime de détention en cellule: les visites sont limitées à deux par an. Les installations prévues pour les visites que nous avons observées à la prison n°7 ne permettent pas le contact physique entre détenus et visiteurs. Dans de telles conditions, il est impossible pour les détenus purgeant de longues peines de maintenir un contact suffisant avec leurs familles.
236. A la lumière de ce qui précède, nous pouvons conclure que les conditions de détention se sont améliorées d'une manière générale, même si le surpeuplement risque de demeurer un problème majeur. Nous espérons que le nouveau projet de Code pénitentiaire 
			(66) 
			Le projet de code a
reçu l'approbation des experts du Conseil de l'Europe., visant à rendre le système pénitentiaire géorgien conforme aux normes internationales, sera adopté sans tarder. Nous encourageons les autorités à tenir compte des récentes recommandations et observations faites par le CPT durant sa visite en Géorgie en mars 2007, au moment de l'examen du projet de Code. Nous saluons l'initiative des autorités géorgiennes de rendre public le rapport du CPT le 25 octobre 2007 
			(67) 
			Voir <a href='http://www.cpt.int/documents/gro/2007-Inf-eng.htm'>http://www.cpt.int/documents/gro/2007-Inf-eng.htm</a> En raison du peu de temps disponible, les recommandations du
CPT n'ont pu être prises en compte dans l'élaboration de ce document.
Elles seront reprises dans la version finale de ce rapport..
237. Il semble que les mesures prises pour éradiquer les mauvais traitements subis par les détenus ont donné de bons résultats; cependant, nous comptons sur l'introduction de garanties renforcées à cet égard avec l'adoption du Code d'éthique du personnel du système pénitentiaire. Qui plus est, nous invitons les autorités à accorder une attention particulière aux conditions de détention des mineurs.
238. Nous apprécions le fait que, depuis 2006, les autorités géorgiennes aient rendu les prisons accessibles 24 heures sur 24 aux divers organes de contrôle, tels que le bureau du Médiateur, le département de l'inspection et du contrôle du Ministère de la justice, ainsi qu'aux commissions locales de suivi composées d'ONG représentatives et de personnalités publiques. Nous espérons que les observations et recommandations de ces organes de contrôle seront dûment prises en compte dans l'élaboration de la nouvelle législation et dans les mesures prises pour améliorer les conditions de détention.
239. Du peu que nous avons nous-mêmes observé lors de la visite à la prison n°7, nous recommandons que tant que cet établissement fonctionnera en dessous de sa capacité totale, ses occupants soient mieux répartis dans les cellules afin de disposer du maximum d'espace possible (même si le minimum conseillé de 4 m² ne peut pour l'heure être pleinement respecté). Par ailleurs, nous exhortons les autorités à prendre des mesures pour fournir l'éclairage et l'exercice en plein air nécessaires à tous les détenus, quelle que soit la durée de leur incarcération. De plus, nous recommandons d'améliorer nettement les activités proposées aux détenus, notamment l'accès aux informations de l'extérieur par l'installation de postes de télévision et de radio. Enfin, nous demandons aux autorités de revoir les réglementations actuelles trop strictes sur les visites et la correspondance, en particulier concernant les prisonniers en détention provisoire et ceux soumis au régime sévère.

5.3. Rapatriement de la population meskhète

240. Le rapatriement en Géorgie de la population meskhète d'ici à fin 2011 était l'un des engagements pris par le pays au moment de son adhésion en 1999. Pourtant, ce n'est que depuis l'arrivée au pouvoir du gouvernement actuel que cet engagement a été sérieusement pris en considération et partiellement respecté.
241. En janvier 2006, la Résolution 1477 (2006) de l'Assemblée invitait les autorités géorgiennes «à poursuivre le travail de la Commission nationale de rapatriement, à rechercher activement une aide internationale et à accélérer le processus d'adoption de la législation pertinente afin de créer les conditions qui permettront d'engager le processus de rapatriement, en vue de l'achever d'ici à 2011; à appliquer pleinement les recommandations énoncées dans la de l'Assemblée sur la situation de la population meskhète déportée» (paragraphe 10.3.).
242. En mars 2005, une Commission nationale a été formée pour présenter un nouveau projet en coopération avec le Conseil de l'Europe et les experts du Centre européen pour les questions des minorités (ECMI). Parallèlement, la commission parlementaire concernée a entrepris l'étude d'une loi sur le rapatriement. Le projet de loi mentionnait des mécanismes globaux de soutien de l'État aux rapatriés, ainsi que des mécanismes de réglementation du rapatriement, concernant les lieux d'implantation et les mesures à prendre pour l'intégration des rapatriés. Ce projet de loi est passé par une série de consultations d'experts juridiques du Conseil de l'Europe, de représentants meskhètes et d'autres organisations de la société civile 
			(68) 
			 Can
Meskhetian Repatriation to Georgia Begin? Law Adopted by Georgian
Parliament, T. Trier, Bulletin d'information du Centre
européen des questions relatives aux minorités, Vol. 4, Numéro 2,
octobre 2007.. Néanmoins, le processus a été à nouveau suspendu à l'automne 2006.
243. Le gouvernement a présenté une version très abrégée du projet de loi au Parlement en juin 2007, portant uniquement sur les procédures de demande et les conditions d'octroi du statut de rapatrié et de citoyen. C'est dans cette version réduite que le projet de loi sur «le rapatriement des personnes forcées à s'exiler de la Géorgie par l'ex-URSS dans les années 1940» a finalement été adopté en première lecture, le 22 juin 2007 (par 134 voix contre 14).
244. Même si cette adoption a été largement critiquée, nous comprenons qu'il s'agit du seul moyen pour les législateurs géorgiens de faire ne serait-ce qu'un premier pas vers le respect de leur engagement. Le Président Saakachvili et les législateurs du pays considèrent la question du rapatriement comme une «obligation morale» et il n'y a pas lieu de douter de leur sincérité. Toutefois, le gouvernement se trouve confronté à la forte réticence de l'opinion publique vis-à-vis du rapatriement meskhète. En effet, il ressort d'un sondage effectué par l'Institut républicain international en février 2007 que 67% de la population étaient contre et seulement 16% pour. L'opposition était même plus élevée que dans un sondage de 2006, où 53% étaient contre. Le Samtskhe-Javakheti, région d'où les Meskhètes ont été déportés, est peuplé d'une grande minorité arménienne. Les communautés locales tant arméniennes que géorgiennes se sont vivement prononcées contre le rapatriement.
245. Une résistance similaire est ressortie du débat parlementaire de juin, certains partis de l'opposition faisant des déclarations d'une provocation alarmante. Même les partis moins virulents ont laissé entendre que la Géorgie n'était pas préparée à proposer un retour digne de ce nom aux Meskhètes et que leur présence risquerait d'exacerber l'instabilité politique ou de menacer l'intégrité territoriale de la Géorgie.
246. Seule une force de l'opposition – le Parti républicain – a soutenu le projet. Néanmoins, ce parti a émis des critiques quant à l'incapacité des autorités à lancer une véritable campagne de sensibilisation publique en vue de rallier la population à la proposition 
			(69) 
			<a href='http://www.civil.ge/eng/article.php?id=15325'>http://www.civil.ge/eng/article.php?id=15325</a>.
247. Le contenu du projet de loi tel qu'adopté a été fortement critiqué; d'aucuns ont même été jusqu'à le qualifier de «loi sur le non rapatriement». Pour avoir examiné cette loi, nous adoptons une position plus modérée, tout en convenant que bon nombre de dispositions sont vagues et laissent trop de marge d'interprétation aux fonctionnaires chargés de traiter les demandes de rapatriement – et risquent donc que certaines soient rejetées pour des raisons techniques. De plus, cette loi stipule que les demandes ne seront traitées qu'entre le 1er janvier 2008 et le 1er janvier 2009. Aucune ne sera jugée recevable passé ce délai. Selon Giga Bokeria, président de la délégation de Géorgie auprès de l'APCE, la période d'un an permettra aux autorités de déterminer précisément combien de personnes souhaitent être rapatriées. Le gouvernement sera donc en mesure de planifier – de façon rationnelle et conformément aux intérêts nationaux – l'évolution du processus 
			(70) 
			Selon le site Internet Civil Georgia,<a href='http://www.civil.ge/eng/article.php?id=15325'>http://www.civil.ge/eng/article.php?id=15325</a>.
248. Une autre ambiguïté de la loi concerne la question de la citoyenneté. Le texte stipule que d'ici le 1er janvier 2010, un décret sur des procédures simplifiées pour les rapatriés sera promulgué. Pendant un certain temps, on ne pourra donc savoir clairement ce à quoi les rapatriés doivent s'attendre en termes de citoyenneté 
			(71) 
			 Can Meskhetian Repatriation to Georgia Begin?
Law Adopted by Georgian Parliament, T. Trier, Bulletin
d'information du Centre européen des questions relatives aux minorités,
Vol. 4, Numéro 2, octobre 2007..
249. Par ailleurs, la loi mentionne le droit de faire une demande de statut de rapatrié, mais pas le droit au rapatriement. Elle ne prévoit pas l'ordre ni les procédures de réinstallation et reste floue sur les moyens de régler les questions de propriété, d'imposition ou de sécurité sociale à l'arrivée des rapatriés en Géorgie. Elle ne définit pas non plus leurs droits ni leurs devoirs.
250. De nombreux points étant ignorés ou traités de façon ambiguë, il sera nécessaire de revoir par la suite la loi adoptée. Bien que la Géorgie ait officiellement rempli son engagement consistant à adopter une loi sur le rapatriement de la population meskhète, il reste fort à faire pour respecter l'échéance de 2011 en vue son achèvement. Nous invitons donc les autorités géorgiennes à:
  • mettre au point une stratégie nationale satisfaisante pour la réinstallation et l'intégration des futurs rapatriés meskhètes;
  • considérer la création d'une commission mixte avec la participation de représentants du gouvernement, d'organisations internationales et des ONG concernées pour étudier la mise en œuvre de la loi ainsi que des améliorations de la législation existante;
  • envisager d'apporter un soutien financier et technique aux Meskhètes rapatriés, même si cela ne fait pas partie des engagements pris initialement par la Géorgie en 1999;
  • explorer tous les moyens possibles pour faire changer l'opinion publique fort négative sur le rapatriement des Meskhètes. Leur déportation n'est pas encore suffisamment reconnue dans les livres d'histoire et les musées.
251. Il est indispensable que le gouvernement règle ce problème avec force attention et sensibilité pour éviter qu'il ne devienne un élément majeur de la campagne électorale de l'année prochaine.
252. Enfin, au moment même de l'établissement du présent rapport, le Conseil de l'Europe organise un séminaire à Tbilissi sur la mise en œuvre de cette loi. Nous encourageons le Comité des Ministres du Conseil de l'Europe à continuer à fournir une aide et un soutien importants au gouvernement géorgien pour lui permettre d'honorer pleinement ses engagements d'adhésion d'ici à fin 2011.

5.4. Pluralisme des médias et liberté d'expression

253. Depuis la Révolution des Roses, la législation sur la liberté de parole et les médias a fait l’objet d’un débat ouvert, animé et critique au sein de la société civile géorgienne. La Loi sur la liberté de parole et d’expression, adoptée en juin 2004, est généralement considérée comme l’une des plus démocratiques et libérales de ce type en Europe. Elle repose sur les dispositions concernant la liberté d’expression inscrites dans la Constitution géorgienne et les traités des droits de l’homme auxquels la Géorgie est partie.
254. La Loi interdit la censure et protège les journalistes contre les pressions indues des propriétaires et éditeurs. Elle prévoit une procédure permettant aux journalistes, à titre individuel, d’assigner les propriétaires et éditeurs devant les tribunaux civils. Ils bénéficient ainsi d’une voie de recours juridique pour les affaires concernant l’État, mais également pour les violations des principes d’indépendance des journalistes par les propriétaires et éditeurs. Cette loi garantit aux journalistes l’indépendance et la liberté de pensée. Ce volet particulier de la législation encourage les professionnels des médias à prendre des décisions éditoriales en se fiant à leur propre discernement. La loi prévoit également une protection spéciale des « donneurs d’alerte » et des personnes communiquant de bonne foi des informations confidentielles pour prévenir ou signaler des infractions.
255. La loi accorde une immunité absolue des sources journalistiques confidentielles. Elle garantit qu’un tribunal ne peut imposer à un journaliste de dévoiler ses sources d’informations au cours d’actions en justice. Une protection absolue est consentie aux individus, ce qui signifie qu’un journaliste ne peut être tenu de dévoiler ses sources, quelle que soit l’importance des principes opposés. Le Code de procédure pénale de la Géorgie contient des garanties additionnelles pour l’activité journalistique.
256. Le gouvernement n'exerce pas d'influence ni de pression directe sur les médias, bien que selon le rapport Freedom House 2008, une partie des médias se soit montrée vulnérable à la pression exercée en coulisses par le gouvernement après la Révolution des Roses. Les ONG et les analystes indépendants des médias accusent parfois les hauts fonctionnaires d'exercer une influence abusive sur les décisions relatives au contenu éditorial et à la programmation, par le biais de leurs relations personnelles avec les directeurs de l'information et les instances dirigeantes des médias 
			(72) 
			Rapport étatique 2006
du Secrétariat d'État américain sur la Géorgie.. Cette situation est principalement due au fait que bon nombre des responsables actuels des médias appartenaient auparavant à l'opposition et qu'avec le changement de gouvernement, ces derniers se sont automatiquement rapprochés du nouveau gouvernement et d'autres autorités. Cette évolution a favorisé une certaine autocensure. La faible indépendance des rédactions, qui utilisent les points de vente de presse pour promouvoir les intérêts politiques de leurs propriétaires, et l'insuffisance de normes professionnelles sont des problèmes majeures dans le domaine des médias.
257. Le gouvernement et les représentants de la société civile déplorent la qualité de la presse écrite et audiovisuelle. Un projet de code d'éthique à l'intention des diffuseurs est en cours d'élaboration, avec l'aide d'experts du Conseil de l'Europe. Cette initiative a suscité les vives critiques de la majorité des journalistes et a été dénoncée comme une tentative gouvernementale pour contrôler les médias audiovisuels. Par conséquent, la Commission nationale de régulation des communications a reporté l'adoption de ce code pour permettre un débat public.
258. La Loi de 2004 sur la liberté d'expression a supprimé la diffamation du Code pénal et déchargé les journalistes de leur responsabilité pénale pour la révélation de secrets d'État. Aucun cas de demande de dommages-intérêts excessive n'a été signalé au cours des dernières années. La nouvelle loi prévoit que la responsabilité d’un individu ne peut être engagée qu’en cas de fausse déclaration portant gravement atteinte à une personne ou à sa réputation et non pour une simple erreur. La loi a ainsi créé un environnement favorable à l’engagement de discussions et de débats libres. Par ailleurs, elle établit une distinction entre personnes privées et publiques lors des actions en diffamation. Cette distinction traduit le principe bien établi selon lequel les personnalités publiques, en raison de leur statut au sein de la société, doivent tolérer un niveau plus élevé de critiques que le citoyen ordinaire. La charge de la preuve n’incombe plus au défendeur (c’est-à-dire le média), mais au plaignant, les actions contre les médias devenant ainsi plus difficiles à gagner. Selon la loi, seul le propriétaire du média peut être tenu pour responsable par le tribunal en cas de diffusion ou de publication de déclarations diffamatoires. La responsabilité individuelle d’un journaliste ou d’un éditeur ne peut en aucun cas être engagée en cas de publication de déclarations diffamatoires. Il s’agit d’une protection juridique importante, évitant aux journalistes, en cas d’accusation de diffamation, d’être dans l’obligation de s’assurer à titre personnel les services d’avocats coûteux ou de verser des dommages alors qu’ils n’en auraient pas les moyens.
259. Il n'existe pas d'association officielle puissante des médias, cependant, en 2006, le Conseil des médias a pris des mesures pour l'application de normes professionnelles auxquelles la quasi‑totalité des médias a souscrit.
260. Même si le Code administratif général stipule que tout citoyen a le droit de demander des informations aux agents du service public, il semblerait que certaines institutions financées par des fonds gouvernementaux ne délivrent jamais les informations sollicitées – tout du moins pas immédiatement, comme l'exige la loi. En effet, si l'information n'est pas disponible sur le moment, la loi prévoit qu'elle soit délivrée dans les 10 jours qui suivent le dépôt de la demande.
261. La liberté des médias a récemment été placée sur le devant de la scène. L’environnement médiatique a été affecté par le récent état d’urgence au cours duquel les radiodiffuseurs ont été soumis à des restrictions dans leurs reportages et deux chaînes TV ont été temporairement interdites d’émission. Tous les radiodiffuseurs ont repris le cours normal de leurs activités après la levée de l’état d’urgence, neuf jours plus tard, mais la chaîne TV d’opposition Imedi, victime d’une descente de police le 7 novembre et dont la licence a été momentanément suspendue, n’a pu recommencer à émettre qu’un mois plus tard. Le 26 décembre, six journalistes ont annoncé leur décision de quitter la chaîne Imedi suite aux accusations portées contre son propriétaire, Badri Patarkatsishvili. La direction de la chaîne a de ce fait stoppé la diffusion soucieuse de ne pas être mêlée à des jeux politiques « au parfum de scandale », et affirmant subir des pressions tant de son propriétaire que des autorités.
262. Une conséquence positive de la réaction déplorable de la majorité géorgienne de ce 7 novembre, et de ses contrecoups, est la sensibilisation accrue aux normes professionnelles et éthiques des médias en Géorgie. Le cadre légal régissant la liberté d'expression, et notamment la radiodiffusion en Géorgie, est extrêmement libéral et repose sur l'autorégulation. Néanmoins, la qualité et le professionnalisme des médias laissent encore à désirer alors que les tentatives d'adoption d'un Code déontologique pour les radiodiffuseurs ont échoué en raison du refus opposé par les journalistes. La fermeture de la chaîne Imedi, bien que largement condamnée, a placé la qualité des comptes-rendus au cœur du débat public. Elle a également suscité la multiplication de la diffusion d’opinions divergentes par des radiodiffuseurs privés. Alors qu'avant le 7 novembre Imedi était la seule chaîne de télévision à offrir des débats politiques, d'autres chaînes privées ont depuis lors suivi cette voie. L'élaboration par le Conseil des Médias de lignes directrices visant à encourager la liberté et la pondération des médias au cours de la période pré et post-électorale est un développement majeur. Ces lignes directrices ont été acceptées par la plupart des principales chaînes TV géorgiennes. Les experts du Conseil de l'Europe travaillent à l'heure actuelle à la révision d'un projet de Code déontologique pour les radiodiffuseurs.

5.5. Bureau du Médiateur (Défenseur public)

263. La Résolution 1477(2006) de l'Assemblée invitait les autorités géorgiennes «à accorder au bureau du Médiateur toute l'indépendance nécessaire aux plans politique et financier, et à envisager d'étendre ses compétences» (paragraphe 10.6.5.).
264. Opérationnel depuis déjà plus d'une décennie, le bureau du Médiateur est une force d'appui efficace pour la protection des droits de l'homme en Géorgie. Il s'emploie à examiner rapidement toutes les allégations de violation des droits de l'homme. La confiance publique et le crédit accordés au bureau se sont donc considérablement renforcés. Ce succès s'accompagne d'une augmentation constante du nombre de plaintes déposées à son bureau. Selon lui, les requêtes relèvent essentiellement de la sphère socioculturelle, notamment du logement et du droit du travail, mais aussi de procédures pénales et civiles. Les plaintes pour violations des droits de propriété ont récemment augmenté, en particulier concernant la destruction de biens par l'État sans compensation équitable.
265. Les citoyens se tournent souvent vers le bureau du Médiateur au sujet de l'illégalité de décisions prises par les tribunaux. Toutefois, conformément à la Loi organique sur le Médiateur, celui-ci ne peut interférer avec les procédures judiciaires, ni citer des témoins à comparaître devant le tribunal, ni assumer les fonctions d'avocat de la défense. Au mieux, le Médiateur a la possibilité de soumettre des propositions au Conseil supérieur de la Justice relatives à la responsabilité disciplinaire des magistrats, en cas d'infraction de la loi. Le Médiateur regrette pourtant que ses propositions de sanctions disciplinaires à l'encontre des magistrats n'aient pas été suivies d'effet jusqu'ici. En outre, M. Subari déplore la fréquente réticence du ministère public à ouvrir des enquêtes sur des crimes commis par des fonctionnaires, tels que des actes de torture et des traitements inhumains, des arrestations arbitraires, la non exécution de décisions de justice, la conduite d'enquêtes peu objectives, etc.
266. En Géorgie, le bureau du Médiateur bénéficie d'un droit de contrôle bien plus étendu que dans la plupart des autres pays européens. Dans le cadre de la mise en œuvre du Plan d'action 2005-2009 pour la réforme de la justice pénale, le suivi de la prévention de la torture, des mauvais traitements et d'autres manquements aux droits de l'homme dans les institutions fermées est devenu une fonction centrale du Médiateur. Depuis janvier 2005, il a effectué plus de 3.000 visites dans des centres de détention provisoire et des commissariats de police et émis des recommandations. Le contrôle des établissements pénitentiaires, des cliniques psychiatriques, des orphelinats, des unités militaires et des centres d'hébergement pour personnes âgées fait également partie des attributions du Médiateur.
267. Plusieurs centres spécialisés du bureau du Médiateur, comme le Centre de la tolérance, le Centre du droit des patients et le Centre juridique ont été mis sur pied avec l'aide du PNUD et d'autres organisations donatrices. L'ouverture de ces centres a permis de parfaire l'analyse de questions spécifiques des droits de l'homme. A titre d’exemple, le Centre juridique, créé en 2006, examine des projets de lois ainsi que des lois en vigueur. Depuis sa création, il a proposé des amendements à 35 projets de lois.
268. Le bureau du Médiateur s'investit activement dans le suivi de la situation en matière de tolérance ethnique et religieuse dans le pays. Des représentants d'organisations civiles ont néanmoins fait remarquer que le bureau devrait élargir ses compétences pour également traiter d'autres formes de discrimination, y compris la discrimination pour des raisons d'appartenance ou d'orientation sexuelles. Compte tenu de la perception généralement négative de l'homosexualité en Géorgie, qui va parfois jusqu'à l'homophobie et est soutenue par l'Église orthodoxe géorgienne, et du fait que même la campagne du Conseil de l'Europe «Tous différents – tous égaux» a dû être annulée plus tôt dans l'année à cause de violentes attaques des médias qualifiant l'événement de «gay pride» 
			(73) 
			 La campagne a été
annulée pour des raisons de sécurité après que l'Église orthodoxe
géorgienne a affirmé que la manifestation avec la participation
des minorités sexuelles risquerait de déclencher des affrontements., nous recommandons que l'attitude problématique envers l'homosexualité et les droits des LGBT soit étudiée par le bureau du Médiateur dans le cadre ses activités de suivi et soit intégrée dans ses formations aux droits de l'homme.
269. Dans le cadre de la réforme de la justice pénale, il est prévu d'étendre l'autorité du bureau du Médiateur. A cet égard, celui-ci a rédigé des amendements relatifs à ses compétences, à la Loi organique le concernant.
270. De plus, cette réforme prévoit d'augmenter le budget du bureau du Médiateur. Selon les données disponibles sur le site officiel du Ministère de la Justice, le budget total du Plan d'action 2006-2009 le concernant s'élèverait à 2.050.000 GEL. D'après le Médiateur, le budget total pour 2007 affecté à son bureau serait de 1.340.000 GEL.

6. Conflits touchant les régions de l'Abkhazie (Géorgie) et de l'Ossétie du Sud (Géorgie)

6.1. Engagement à un règlement pacifique des conflits

271. Au moment de leur adhésion au Conseil de l'Europe, la Géorgie (1999) 
			(74) 
			Avis n° 209 (1999) OPI 209 de l'APCE. ainsi que la Russie (1996) 
			(75) 
			Avis n° 193 (1996) OPI 193 de l'APCE. se sont soumises volontairement à l'obligation de régler tous les conflits internationaux et les différends intérieurs par des moyens pacifiques. Par la suite, dans ses résolutions, l'Assemblée a recommandé aux autorités géorgiennes d'adopter un cadre légal pour le rétablissement des droits de propriété et d'occupation ou le dédommagement des biens perdus pendant les conflits intérieurs et de veiller à ce que les personnes déplacées à l'intérieur du pays jouissent des mêmes droits que le reste de la population. 
			(76) 
			Résolutions
1415 et 1477 (2005) de l’APCEEn 2005, l'Assemblée a appelé par deux fois la Fédération de Russie «à user de sa grande influence pour soutenir les efforts du gouvernement géorgien visant à résoudre de manière pacifique et politique les conflits qui perdurent avec l'Ossétie du Sud et l'Abkhazie; à créer les conditions nécessaires pour garantir une large autonomie à l'Ossétie du Sud et à l'Abkhazie, et pour rétablir l'intégrité territoriale de la Géorgie» 
			(77) 
			Résolution 1415 (2005) de l’APCE et à «contribuer de manière constructive à la résolution des problèmes encore en suspens et mettre un terme aux pratiques qui, comme la délivrance de passeports russes aux habitants des régions géorgiennes des régions de l'Abkhazie et de l'Ossétie du Sud, peuvent – de manière directe ou indirecte – porter atteinte à la souveraineté et à l'intégrité territoriale de ces pays». 
			(78) 
			Résolution 1455 (2005) de l’APCE Ces obligations et recommandations donnent mandat au Conseil de l'Europe d'évaluer les progrès réalisés en vue de la stabilisation de la situation et d'un règlement pacifique en Abkhazie et en Ossétie du Sud.
272. Le Comité de suivi de l'Assemblée parlementaire et le Comité des Ministres suivent parallèlement l'évolution de la situation dans les deux régions séparatistes depuis plusieurs années. Le Commissaire aux Droits de l'Homme du Conseil de l'Europe a visité récemment les deux régions et a transmis en septembre 2007 un rapport d'évaluation de la situation des droits de l'homme dans ces régions. 
			(79) 
			La campagne a été annulée
pour des raisons de sécurité après que l’Eglise orthodoxe géorgienne
a affirmé que la manifestation avec la participation des minorités
sexuelles risquerait de déclencher des affrontements. Lors de la partie de session d'avril 2007, l'Assemblée a adopté la Résolution 1553 (2007) sur les personnes disparues en Arménie, en Azerbaïdjan et en Géorgie dans les conflits touchant les régions du Haut-Karabakh, de l'Abkhazie et de l'Ossétie du Sud, préparée par notre collègue M. Platvoet (Pays-Bas, ULE), qui abordait aussi certaines questions importantes en matière de droits de l'homme dans les deux régions séparatistes. Lors de notre récente visite, en outre, nous avons examiné les facteurs politiques qui s'opposent aujourd'hui à un règlement de ces conflits
273. L'état d'esprit des communautés, qui empêche l'adoption de mesures visant à restaurer la confiance, est à notre avis l'obstacle principal au règlement des conflits. Les communautés sont isolées les unes des autres depuis maintenant près de quinze ans et ont été soumises à une propagande intensive de tous les côtés. Ceci a conduit à ancrer solidement chez chacune des parties une image déformée et négative de «l'autre» qui ne correspond pas à la réalité mais dont il sera nécessaire de tenir compte dans la recherche d'une solution. Il faut aussi déplorer le fait que les parties et la communauté internationale ne soient pas parvenues jusqu'ici à créer les conditions minimales nécessaires au retour dans la sécurité des personnes déplacées à l'intérieur du pays, question que nous abordons également dans ce chapitre du rapport.
274. D'une manière générale, le gouvernement géorgien continue à respecter ses obligations internationales relatives au règlement pacifique des conflits intérieurs. Il affirme ne pas chercher à résoudre par la voie militaire les conflits à l'intérieur des frontières de la Géorgie et nous n'avons en fait aucune raison de penser que les autorités géorgiennes, qui travaillent déjà main dans la main avec les structures de l'OTAN et de l'UE dans la perspective d'un renforcement de l'intégration, aient l'intention de résoudre ces conflits par des moyens autres que pacifiques, bien que leur impatience sans cesse proclamée à propos du blocage de la situation actuelle puisse parfois laisser croire le contraire. 
			(80) 
			Les autorités géorgiennes
sont souvent critiquées par les organisations internationales parce
qu’elles ne diffusent pas les mêmes messages à l’intérieur du pays
et à l’étranger. Les messages destinés à l’audience interne « nous
ne pouvons tolérer ceci plus longtemps » pourraient contenir des
menaces voilées pour entrer à nouveau en guerre et encourager la
méfiance et l’isolation entre les parties en conflit. Il n'existe aujourd'hui en Géorgie aucune force politique défendant l'idée d'un possible règlement militaire. L'image que la propagande russe donne souvent de la Géorgie, à savoir celle d'un pays agressif, armé jusqu'aux dents et prêt à se lancer à tout moment dans une nouvelle attaque militaire, est absurde. Pendant les dernières années, la Géorgie a proposé plusieurs plans de paix qui ont reçu le soutien de l'OSCE et de l'UE. Ces propositions de paix, cependant, ont été rejetées par les autres parties qui les ont interprétées comme servant principalement à attester la bonne volonté de la Géorgie devant la communauté internationale et à lui permettre ainsi d'imposer une solution conforme à ses vœux. 
			(81) 
			«Le
conflit sud-ossète en Géorgie: hâtez-vous lentement», International
Crisis Group, Rapport Europe n° 183, 7 juin 2007.
275. Selon le ministre d'Etat chargé du règlement des conflits, la Géorgie ne s'occupe plus maintenant des seules questions opérationnelles quotidiennes, comme le traitement des incidents frontaliers, mais fait porter ses efforts sur les aspects plus stratégiques du règlement du conflit, notamment la reconstruction économique, le retour des personnes déplacées, la restitution des biens, etc. Cette évolution, cependant, n'a guère été facilitée par les incidents frontaliers et les raids aériens répétés qui enflamment régulièrement les esprits et éloignent l'attention – à la fois dans le pays et au niveau international – des problèmes spécifiques à résoudre en vue d'un règlement pacifique. Néanmoins, le gouvernement géorgien a fait preuve, semble-t-il, d'une maturité beaucoup grande face à ces provocations l'an dernier. Lors du dernier incident militaire de violation de ses frontières 
			(82) 
			 Le 6 août 2007, l'espace
aérien de la Géorgie a été violé à partir du territoire de la Fédération
de Russie et un missile a atterri près du village de Tsitelubani., il a réagi de manière sobre et responsable en cherchant immédiatement à obtenir une réponse diplomatique des pays occidentaux au lieu d'engager une riposte unilatérale. 
			(83) 
			 Cornell S.E., Smith
D.J. et Starr S.F., «The August 6 Bombing Incident in Georgia: Implications
for the Euro-Atlantic Region», Central Asia-Caucasus Institute,
Silk Road Studies Program, Silk Road Paper, octobre 2007.
276. L'ensemble des parties au processus de négociation sont depuis longtemps d'avis que, pour parvenir à un règlement pacifique de ces conflits, il est nécessaire de renforcer l'attrait de la Géorgie pour l'Abkhazie et l'Ossétie du Sud. Depuis peu, la Géorgie a fortement modéré sa politique à l'égard des régions sécessionnistes et elle privilégie maintenant une méthode «douce» de résolution des conflits qui devrait créer des possibilités de dialogue. Sa stratégie actuelle met en avant le lien entre le règlement des conflits et les réformes internes. Les mesures prises à cet égard comprennent l'investissement à grande échelle dans les infrastructures (reconstruction des routes, des écoles, des hôpitaux et des bâtiments de l'administration publique) et la distribution de nourriture et de médicaments dans les régions actuellement sous contrôle géorgien afin de rendre visible l'écart croissant entre ces régions et le reste de l'Abkhazie et de l'Ossétie du Sud en termes de développement économique. Elles impliquent aussi une prise en compte de la nouvelle «unité administrative provisoire» à l'échelon politique national: récemment, par exemple, un membre de l'organe dirigeant de l'«unité administrative provisoire» a été nommé vice‑ministre de l'économie. Cette stratégie, qui est appliquée surtout au règlement du conflit en Ossétie du Sud, a suscité de nouvelles tensions dans la région mais pourrait déboucher sur de réels progrès politiques si elle est appliquée de manière adéquate.
277. Les observateurs internationaux, cependant, notent que la nouvelle stratégie adoptée par la Géorgie pourrait se retourner contre elle et que les fréquents problèmes de sécurité risquent de dégénérer si elle n'agit pas avec prudence 
			(84) 
			 «Le conflit sud-ossète
en Géorgie: hâtez-vous lentement», International Crisis Group, Rapport
Europe n° 173, 7 juin 2007.. Ils conseillent aussi à la Géorgie de ne pas chercher à aller trop loin trop rapidement, en soulignant qu'une impatience excessive pourrait favoriser l'escalade des tensions et aboutir à une perte totale de contrôle de la situation.
278. Sur les conseils de la communauté internationale, le Gouvernement géorgien concentre actuellement ses efforts sur la relance de relations bilatérales avec les autorités séparatistes. Le 25 octobre, le ministre d'Etat chargé du règlement des conflits a rencontré le ministre de facto des Affaires étrangères d'Abkhazie à Soukhoumi, refermant la parenthèse d'une année de suspension des relations bilatérales entre les hauts fonctionnaires de Géorgie et d'Abkhazie 
			(85) 
			 State
Minister Bakradze to Visit Sokhumi (Le ministre d’État Bakradze
en visite à Soukhoumi), Civil Georgia, 24 octobre 2007, <a href='http://www.civil.ge/eng/article.php?id=16091'>http://www.civil.ge/eng/article.php?id=16091</a>. Soukhoumi avait précédemment soumis la reprise du dialogue à un certain nombre de conditions, comme le retrait des forces géorgiennes et du «gouvernement alternatif» soutenu par Tbilissi de la vallée de la Kodori, dans la région séparatiste contrôlée par Tbilissi. Actuellement, le dialogue semble plus difficile à établir avec les autorités de Tskhinvali, qui ne souhaitent pas participer à une solution négociée.
279. Le Gouvernement géorgien a récemment mis en train la création d'une Commission d'Etat chargée de réfléchir au nouveau statut de l'Ossétie du Sud au sein de l'Etat géorgien; cette commission devrait réunir au sein d'un vaste dialogue l'ensemble des parties de même que les partenaires internationaux de la Géorgie. Le Gouvernement géorgien a entrepris de faire appel à l'expertise du Conseil de l'Europe pour le projet à élaborer.
280. 2008 sera une importante année-test pour le gouvernement géorgien: la Géorgie, en effet, attache une grande importance au Sommet de l'OTAN prévu en avril 2008 à Bucarest, à l'issue duquel elle pourrait rejoindre le Plan d'action pour l'adhésion à l'OTAN (MAP). La Géorgie considère son adhésion éventuelle à l'OTAN comme une garantie supplémentaire de protection de son intégrité territoriale. Pour le moment, cependant, la voie est étroite entre le respect des normes diplomatiques que l'OTAN et l'UE attendent de ses membres potentiels et l'adoption de mesures pour sauvegarder la souveraineté, la sécurité et la dignité du pays. 
			(86) 
			Voir
note de bas de page 98 2008 sera aussi une année d'élections présidentielles et législatives en Géorgie. La restauration de l'intégrité territoriale est une priorité inscrite à l'ordre du jour politique, tant pour le Mouvement national uni que pour l'opposition nouvellement unifiée. Les Géorgiens, en outre, font observer que les vieux modèles n'ont pas permis de résoudre les désaccords en suspens et soulignent que le temps est venu d'en adopter de nouveaux. Ces modèles devront toutefois tenir compte des réalités actuelles du terrain ainsi que de l'évolution de la situation géostratégique dans l'ensemble de la région du Caucase.

6.2. Raisons du blocage persistant de la situation

281. Le processus de règlement pacifique du statut politique de l'Abkhazie et de l'Ossétie du Sud est aujourd'hui interrompu; aucune négociation véritable n'a lieu actuellement entre les parties et aucune tentative de médiation n'est en cours au niveau international. Les discussions que nous avons pu avoir avec les différents acteurs nous permettent de distinguer cinq facteurs ou objets de désaccord fondamentaux s'opposant aujourd'hui au règlement effectif de ces conflits.
282. Premièrement, la communauté internationale reconnaît de façon univoque la souveraineté étatique et l'intégrité territoriale de la Géorgie, légitimant ainsi le droit de l'Etat géorgien à contrôler l'ensemble de son territoire. La Géorgie considère son incapacité de fait à rétablir le contrôle sur l'ensemble de son territoire comme un obstacle à la construction de l'Etat géorgien, à la sécurité nationale et au développement économique du pays. Des centaines de milliers de personnes sont toujours déplacées du fait de la purification ethnique du début des années 90 en Abkhazie et la plupart d'entre elles vivent dans des conditions très difficiles en Géorgie et aussi en Russie. Les meurtres et enlèvements fréquents ainsi que l'absence de loi, d'ordre et de garanties pour le retour en sécurité des réfugiés dans les zones de conflit contribuent à accroître la nervosité et l'impatience du gouvernement géorgien qui a recours occasionnellement à l'invective verbale, ce qui n'est guère apprécié des autres parties à un règlement pacifique. Les Géorgiens considèrent qu'ils ne peuvent laisser se poursuivre la «tactique visant à prolonger la situation, prolonger l'injustice et prolonger les persécutions dans le but ultime d'annexer ces territoires». 
			(87) 
			Featherly
W., «The Messenger interviews: Giga Bokeria», The Messenger, 20
octobre 2007.
283. Ils s'impatientent aussi de ce que, chaque fois qu'ils cherchent à rétablir leur contrôle sur une zone troublée (comme ils l'ont fait dans la haute vallée de la Kodori en juillet 2006), ou lorsqu'ils s'efforcent de reconstituer une force militaire afin de modifier la posture du pays dans le processus de négociations, organisent un camp d'été patriotique pour la jeunesse à Ganmukhuri afin de mettre en contact les jeunes d'origine ethnique différente ou demandent la mise en place sous l'égide de l'ONU d'une force de maintien de la paix et de police neutre et professionnelle, la Géorgie subit les reproches à la fois de ses partenaires occidentaux et de la Russie et se voit rappeler l'obligation de s'en tenir aux mécanismes existants de résolution des conflits, alors que ceux-ci ont fait la preuve de leur échec complet 
			(88) 
			Cornell,
S.E., Georgia After the Rose Revolution: Geopolitical Predicament
and Implications for US Policy, Strategic Studies Institute (SSI)
Publication, Ffévrier 2007.. Cette forme de soutien international de la souveraineté et de l'intégrité territoriale de la Géorgie est perçue par Tbilissi comme contribuant au maintien du statu quo au lieu de conduire à un règlement fructueux.
284. Deuxièmement, ces conflits sont originellement des conflits intercommunautaires dont le règlement a été «gelé» du fait de différences d'appréciation de leurs causes et de différences d'interprétation du droit international. La Géorgie affirme le principe de la souveraineté et de l'intégrité territoriale du pays, tandis que les Abkhazes et les Ossètes du Sud invoquent le droit à l'autodétermination comme base de leur combat pour l'indépendance. Cependant, même si d'authentiques griefs de la part des populations minoritaires et les erreurs graves commises par les dirigeants géorgiens de l'époque sont à l'origine de ces conflits, l'influence exercée par la Russie sur les régions sécessionnistes s'est accrue au fil des ans à un point tel que la nature de ces conflits a changé. Dans le même temps, le rôle de la Géorgie comme partenaire stratégique de l'Europe et des États-Unis s'est aussi renforcé. On peut donc se demander si les caractéristiques essentielles de ces conflits sont encore celles d'une guerre civile de sécession ou s'ils ne constituent pas plutôt une forme non dissimulée de confrontation entre la Russie et la Géorgie par acteurs interposés 
			(89) 
			Idem., ou bien même s'ils ne s'inscrivent pas dans une rivalité entre grandes puissances mettant aux prises des acteurs internationaux se caractérisant eux‑mêmes par des identités et des intérêts incompatibles.
285. Depuis 2004, en effet, la Russie a adopté une nouvelle position, plus affirmée, à l'égard des deux régions sécessionnistes, récusant ainsi son rôle précédent de simple «facilitateur» de la paix. La partie géorgienne considère que le soutien politique, financier et militaire apporté par la Russie aux autorités de facto de Sukhumi et Tskhinvali n'est pas compatible avec le rôle d'intermédiaire fiable. Les Géorgiens affirment que la grande majorité de la population de l'Abkhazie détient un passeport russe, que le rouble russe est la monnaie qui a cours dans la région et qu'un certain nombre de retraités touchent des retraites russes. Moscou a détaché des officiers russes auprès de l'armée et des services de sécurité et des gouvernements de facto de l'Abkhazie et de l'Ossétie du Sud. Le ministre de la défense de l'Abkhazie et son chef d'état‑major, par exemple, sont tous deux d'anciens officiers russes. Deux officiers russes remplissent également les fonctions de ministre de la défense et de chef des services de sécurité à Tskhinvali. Le 18 novembre 2006, le dirigeant de facto de l'Ossétie du Sud, Eduard Kokoiti, qui est soutenu par la Russie, a déclaré que «l'Ossétie du Sud rejoindra de toutes façons l'Ossétie du Nord et deviendra membre de la Fédération de Russie dans un avenir proche». 
			(90) 
			Cornell,
S.E., Georgia After the Rose Revolution: Geopolitical Predicament
and Implications for US Policy, Strategic Studies Institute (SSI)
Publication, Ffévrier 2007. Ces différents éléments sont jugés intolérables par les Géorgiens qui y voient la preuve que la Russie a l'intention de remettre en cause la stabilité de la Géorgie et de réduire à néant les perspectives de rétablissement de l'intégrité territoriale du pays.
286. La partie russe considère que les Abkhazes et les Ossètes du Sud ne veulent pas vivre sous domination géorgienne et souhaitent le déploiement de forces russes de maintien de la paix sur leur territoire, au moins jusqu'à ce que la Géorgie parvienne à les convaincre qu'elle ne cherchera pas à régler militairement ces conflits. L'importance de ce dernier aspect s'est accrue depuis l'opération des forces spéciales géorgiennes dans la haute vallée de la Kodori en juillet 2006, qui a été perçue par la partie russe comme un recours à la force militaire pour résoudre le conflit en Abkhazie. Ce même mois, la Douma russe a adopté une résolution autorisant les troupes russes à intervenir n'importe où pour protéger des citoyens russes, y compris – on peut le supposer – ceux qui résident de façon permanente en Abkhazie et en Ossétie du Sud. L'adoption par la Douma russe le 6 décembre 2006 de deux autres résolutions appelant à reconnaître la sécession de l'Abkhazie et de l'Ossétie du Sud de la Géorgie en vue de leur intégration potentielle dans la Fédération de Russie a bloqué tout espoir de progrès dans les négociations à la fin 2006.
287. En tant que parties directement impliquées dans les deux conflits, la Russie et la Géorgie s'accusent mutuellement de chercher à les résoudre sur la base de leurs intérêts particuliers et de l'image qu'elles se font des réalités sur le terrain. La Russie affirme vouloir régler rapidement les conflits en cours par la seule voie pacifique mais ne pouvoir admettre le refus de la Géorgie de tenir compte des réalités dans les deux régions sécessionnistes. Les actions provocatrices de la Géorgie sont perçues comme humiliantes pour les forces russes de maintien de la paix et pour la Russie en général 
			(91) 
			Cf. notre entretien
avec l'ambassadeur russe en Géorgie, M. Vyacheslav Kovalenko, le
12 mars 2007. qui demande sur un ton quelque peu paternaliste à la partie géorgienne d'assumer la responsabilité de ses actes. La Géorgie, de son côté, affirme être prête à considérer la Russie comme un élément de la solution et non comme un élément du problème. La Géorgie, de son côté, affirme être prête à considérer la Russie comme un élément de la solution et non comme un élément du problème. Les Géorgiens ne cherchent pas à exclure la Russie du processus de paix mais, compte tenu de la partialité de la Russie et des intérêts en jeu pour elle dans les zones de conflit, les modalités des négociations et des opérations de maintien de la paix devraient être modifiées de façon à permettre une participation internationale au processus de négociation et l'arrivée de forces de police internationales dans les deux régions. Ce point de vue, que rejettent Moscou et les deux régions séparatistes, ne bénéficie pas d'un soutien très affirmé parmi les partenaires occidentaux de la Géorgie qui ne souhaitent pas envenimer plus encore leurs relations avec la Russie.
288. La Géorgie a placé tous ses espoirs de récupération des territoires perdus dans son intégration à l'Ouest et notamment la perspective de son adhésion à l'OTAN. Cette adhésion est vigoureusement soutenue par les États-Unis. Il s'agit là d'une source d'irritation pour la Russie qui envisage ses relations avec les États-Unis dans la région selon une logique à somme nulle et a indiqué clairement que l'adhésion de la Géorgie à l'OTAN «compliquera énormément et reportera à un avenir très lointain» la résolution des conflits en Ossétie du Sud et en Abkhazie. La série d'incidents frontaliers et les violations récentes de l'espace aérien géorgien sont peut-être l'indication que la Russie cherche à tester la patience de la Géorgie et les réactions internationales et à faire comprendre à la Géorgie que, bien que désireux de resserrer leurs liens avec elle dans le domaine de l'énergie, les États-Unis et l'Europe ne sont peut être pas prêts à endosser de nouvelles obligations en matière de sécurité. 
			(92) 
			Voir note 115.
289. La Russie affirme avoir adopté une approche à long terme du règlement des conflits et défend l'idée que le renforcement de la confiance entre les parties est une condition préalable à la cohabitation dans un État commun. Cependant, on ne peut pas dire qu'elle fasse beaucoup pour restaurer cette confiance. La propagande de Moscou continue à présenter la Géorgie comme coupable d'agression et de nettoyage ethnique contre les Abkhazes et les Ossètes. La Russie se sert fréquemment de la plate‑forme que lui offrent le Conseil de Sécurité de l'ONU et ses résolutions pour faire valoir ses arguments, ce qui ne fait que renforcer le blocage politique. 
			(93) 
			 Socor V., «Intransigence
in Moscow, Sukhumi, Tskhinvali after UN Resolution and Okruashvili
Resignation», Eurasia Daily Monitor,
22 novembre 2006.
290. Pendant la nuit du 11 mars 2007, des hélicoptères russes ont lancé une attaque aérienne de grande envergure dans la haute vallée de la Kodori en Géorgie. 
			(94) 
			Deux
ou trois hélicoptères, apparemment de type MI-24, ont volé dans
l'espace aérien géorgien reconnu à l'échelle internationale au dessus
la haute vallée de Kodori et ont lancé des projectiles téléguidés
qui ont endommagé les quartiers généraux du gouvernement local,
une école et quelques autres bâtiments de l'administration civile
dans plusieurs villages. Cette attaque constituait au moins la 5e violation
russe dans l'espace aérien géorgien dans la haute vallée de Kodori
en 6 mois. Plus récemment, le 6 août, un ou plusieurs appareils militaires russes de type SU-24 ont violé de nouveau l'espace aérien géorgien en pénétrant plus de 75 kilomètres à l'intérieur du territoire souverain de la Géorgie et en lâchant un missile tactique anti-radar de précision Raduga Kh-58 à proximité du village de Tsitelubani, près de la région de Tskhinvali, en Ossétie du Sud (à environ 60 km de Tbilissi). 
			(95) 
			Pour
des information plus complètes sur cet incident et les rapports
de divers experts internationaux, voir Cornell, S.E., Smith, D.J.
et Starr, S.F., Le bombardement du 6 août en Géorgie: implications
pour la région euro-atlantique, Institut du Caucase d'Asie centrale
et du Caucase et du Programme d´études sur la route de la soie,
document de la Route de la soie, octobre 2007 Cette dernière incursion avait probablement pour objectif d'endommager ou de détruire le radar géorgien installé à Tsitelubani mais le missile n'a pas atteint sa cible. 
			(96) 
			Idem L'analyse des données de radar civiles et militaires géorgiennes a conclu que l'avion était entré dans l'espace aérien de la Géorgie à partir de la Fédération de Russie. Une équipe de l'OSCE présente sur le terrain, qui incluait des représentants de la Russie, a confirmé que des appareils étaient entrés et sortis de Géorgie par le nord-est.
291. Comme lors de l'attaque du 11 mars, la Russie a d'abord déclaré que les Géorgiens étaient responsables de l'incident puis, de façon contradictoire, que l'incident n'avait pas eu lieu. La Géorgie, de son côté, a réaffirmé qu'elle était prête à ouvrir immédiatement des consultations bilatérales avec la partie russe afin d'empêcher la répétition de tels incidents. Deux réunions de consultation ont effectivement eu lieu le 17 août à Tbilissi puis, au niveau politique, le 30 août à Moscou. 
			(97) 
			Déclaration
de M. Zurab Tchiaberashvili, Représentant permanent de Géorgie auprès
du Conseil de l'Europe, à la 1003e réunion
des Délégués des Ministres, 5 septembre 2007 à Strasbourg. Après la déclaration de la Présidence portugaise de l'UE le 10 août, qui soulignait «la nécessité d'une enquête rapide, approfondie et indépendante pour éclaircir et vérifier la totalité des faits entourant cet incident», le ministère des affaires étrangères de la Géorgie a appelé à une enquête internationale indépendante 
			(98) 
			«indépendante» signifie
que les experts offriraient leurs services et que le groupe travaillerait
en dehors du cadre des organisations contraintes par le véto russe,
comme les Nations Unies et l'OSCE – Socor, V,. Rapport d'experts Le tir de missile en Géorgie laisse des questions
sans réponse, Eurasia Daily Monitor, 16 août 2007. des circonstances de l'incursion aérienne et du lâcher de missile. Deux groupes d'experts se sont rendus en Géorgie 
			(99) 
			 Le premier groupe
d'experts (Lettonie, Lituanie, Suède et Etats-Unis) a travaillé
en Géorgie du 12 au 14 août et remis son rapport le 14 août. Le
second groupe d'experts (Estonie, Pologne et Royaume-Uni) a travaillé
sur place du 18 au 20 août et remis son rapport le 20 août. et ont l'un et l'autre confirmé que l'espace aérien géorgien avait été violé trois fois le 6 août par des appareils volants venus de l'espace aérien russe et que la Géorgie ne disposait pas des capacités nécessaires pour lancer un missile de ce type. 
			(100) 
			 «Report investigating
possible violations of Georgian airspace and the recovered missile
near Tsitelubani, Georgia, 6 August 2007», Second Independent Inter-governmental
Expert Group (IIEG-2), distribué à la demande de l'Estonie, 22 août
2007.
292. Dans la Résolution 1752 du 13 avril 2007, le Conseil de Sécurité de l'ONU a condamné en tant que telle l'attaque contre les villages de la haute vallée de la Kodori mais en évitant d'attribuer des responsabilités, sans doute à cause du veto russe. L'OSCE, lors de sa réaction à la crise du mois d'août, comparable à celle de l'ONU après l'incident du mois de mars et l'incident plus tardif de la vallée de la Kodori, s'est montrée tout aussi incapable de réagir à cet événement.
293. Ceci nous amène à la troisième raison expliquant le blocage actuel de la situation: les mécanismes internationaux existants pour répondre à ce type d'incidents sont inefficaces 
			(101) 
			 Cornell S.E., Smith
D.J. et Starr S.F., «The August 6 Bombing Incident in Georgia: Implications
for the Euro-Atlantic Region», Central Asia-Caucasus Institute,
Silk Road Studies Program, Silk Road Paper, octobre 2007. : tant l'ONU que l'OSCE sont mal armées pour empêcher la répétition de tels incidents, 
			(102) 
			 Socor
V., «Moscow Pleased with OSCE's Response to Missile Drop on Georgia», Eurasia Daily Monitor, 11 septembre
2007. principalement parce que ces organes multilatéraux internationaux sont soumis à un veto politique ou budgétaire de la Russie. L'incapacité à réagir de façon convaincante aux provocations de ce type laisse en fait accroire à la Russie qu'elle peut se livrer à des intimidations à l'égard de ses voisins sans avoir à rendre de comptes afin de dissuader la Géorgie d'adhérer aux institutions euro‑atlantiques. 
			(103) 
			Voir
note 124.
294. Quatrièmement, il n'existe pas en général de consensus international sur les moyens de résoudre le problème. Les organisations multilatérales internationales ne disposent ni d'une stratégie claire ni d'une véritable expérience du règlement des conflits sécessionnistes en Europe. Associée à la crainte de remettre en cause les fragiles accords de cessez-le-feu, cette absence de stratégie cohérente aboutit généralement à la défense du statu quo. Les décideurs occidentaux incitent régulièrement à la «prudence» et conseillent aux dirigeants géorgiens de faire confiance au «processus de paix» et aux institutions internationales travaillant sous l'égide de l'ONU et de l'OSCE. Ce «processus», cependant, n'est pas seulement inefficace; il sert d'excuse à l'inaction. 
			(104) 
			Cornell, S.E., La Géorgie après la Révolution des Roses: situation
géopolitique difficile et implications pour la politique des Etats-Unis,
poublication de l'Institut d'Etudes stratégiques, février 2007. Les dernières résolutions de l'ONU depuis octobre, par exemple, demandent en termes vigoureux à la Géorgie d'appliquer les conditions de l'accord de Moscou de 1994. Citant ces résolutions, Moscou et Sukhumi exigent par conséquent le retrait de la police et des autorités civiles géorgiennes de la haute vallée de la Kodori comme condition préalable à la reprise des négociations. La diplomatie occidentale a ainsi fourni à Moscou et Sukhumi des arguments pour continuer à bloquer les négociations que les diplomates occidentaux souhaitent voir reprendre. 
			(105) 
			 Socor
V., «Intransigence in Moscow, Sukhumi, Tskhinvali after UN Resolution
and Okruashvili Resignation», Eurasia Daily
Monitor, 22 novembre 2006.
295. Dans sa récente allocution devant l'Assemblée générale de l'ONU le 26 septembre 2007, le président géorgien a déclaré que «quatorze années se sont écoulées sans qu'une seule fois ait été menée une analyse approfondie des raisons pour lesquelles la paix n'a pu s'imposer». Il a appelé à «un examen détaillé de tous les aspects du processus de paix» qui devrait aboutir à des «changements fondamentaux» des modalités actuelles de «médiation» et de «maintien de la paix». Il a demandé en outre qu'une présence «compétente et neutre» se substitue au rôle «partial et non équilibré des soi‑disant forces de maintien de la paix». 
			(106) 
			Allocution
de S.E. Mikhail Saakachvili lors de la 62e Session
des Nations Unies, Civil Georgia,
27 septembre 2007.
296. L'Union européenne n'a pas exclu en principe de participer à des opérations de maintien de la paix. Ceci nécessiterait toutefois que les opérations conjointes soient approuvées par les autres parties, y compris la Russie. 
			(107) 
			«Kelam:
Euroopa Liidu sônum peab olema Gruusia terviklikkuse tingimusteta
toetamine», BNS, 9 octobre 2007.
297. Enfin, le maintien du statu quo sert aussi d'alibi aux gouvernements occidentaux qui soutiennent – à des degrés divers toutefois – l'indépendance du Kosovo à l'égard de la Serbie. Cette approche admet tacitement le lien établi par Moscou entre les conflits post‑soviétiques et le conflit du Kosovo, alors que cette thèse est officiellement rejetée par les États-Unis et l'Union européenne. Toute reconnaissance tacite ou implicite de ce lien pourrait faire le jeu de Moscou dont la tactique est de bloquer la résolution des cinq conflits. 
			(108) 
			 Socor V., «Saakachvili
at UN: International Organisations Failing on Post-Soviet Conflict
Resolution», Eurasia Daily Monitor,
1er octobre 2007.
298. Le «précédent du Kosovo» a suscité une attitude politique nouvelle parmi les régions sécessionnistes. La perspective de l'indépendance du Kosovo, bien qu'encore «conditionnelle», alimente la détermination des entités sécessionnistes à résister à tout règlement du conflit dans l'espoir que, tôt ou tard, elles pourront suivre l'exemple du Kosovo. 
			(109) 
			Popescu
N., «'Outsourcing' de facto Statehood: Russia and the Secessionist
Entities in Georgia and Moldova», Centre for European Policy Studies
(CEPS) Policy Brief n° 109, juillet 2006. Le président de facto de l'Abkhazie a ouvertement déclaré qu'«en cas de reconnaissance du Kosovo, l'Abkhazie sera reconnue dans les trois jours qui suivent». 
			(110) 
			Entretien
avec Sergei Bagapsh, Président de facto d'Abkhasie, Svobodnaya Gruzia,
28 février 2006, mentionné dans Popescu N., «'Outsourcing' de facto
Statehood: Russia and the Secessionist Entities in Georgia and Moldova»,
Centre for European Policy Studies (CEPS) Policy Brief n° 109, juillet
2006.

6.3. Évolution de la situation et de l'état d'esprit dans les régions sécessionnistes

299. Dans son allocution récente devant l'ONU, le président géorgien a précisé la proposition politique de la Géorgie aux communautés sud-ossète et abkhaze: une «complète autonomie sur la base des principes ayant guidé l'Europe», accompagnée d'une protection spéciale des droits linguistiques et des droits des minorités dans le cadre des garanties constitutionnelles, ainsi que de garanties internationales à négocier. Il a également établi un lien entre la préservation durable de l'identité ethnique avec la garantie légale des droits de propriété. 
			(111) 
			Socor
V., «Saakachvili at UN: International Organisations Failing on Post-Soviet
Conflict Resolution», Eurasia Daily Monitor,
1er octobre 2007. L'implication tacite
est que les garanties de propriété sous la loi géorgienne pourraient
anticiper la possibilité d'un rachat massif de la part des Russes
des propriétés en front de mer en Abkhazie, où les Abkhazes eux-mêmes
pourraient être réduits à une petite minorité. Cette éventualité
est reconnue préoccupante par de nombreux Abkhazes et semble de
plus en plus probable à moins que la loi géorgienne n'y garantisse
des droits de propriété indigène. Comme on pouvait s'y attendre, cette proposition a été reçue avec des sentiments partagés dans les zones en conflit.

6.3.1. Ossétie du Sud

La période de conflit ouvert en Ossétie du Sud, qui a duré de 1990 à 1992, a coûté la vie à environ un millier de personnes. Le conflit s'est achevé par un accord de cessez-le-feu signé le 14 juillet 1992. Cet accord de cessez-le-feu s'est traduit par la mise en place d'une opération trilatérale de maintien de la paix comprenant des troupes russes et géorgiennes et des troupes des autorités sud‑ossètes de facto. Une commission conjointe de contrôle (JCC) au sein de laquelle sont représentées la Russie, l'entité sud‑ossète de facto, l'Ossétie du Nord (région de la Fédération de Russie) et la Géorgie supervise la situation en matière de sécurité et poursuit des négociations pour le règlement du conflit. L'OSCE surveille la situation. Le gouvernement géorgien s'est plaint à de nombreuses reprises que le format actuel des discussions le met en situation de désavantage; il souhaite une plus grande participation de la communauté internationale. L'UE participe en tant qu'observateur aux réunions de la JCC sur les questions économiques.

300. A la suite de l'élection de Mikhaïl Saakachvili à la présidence en janvier 2004, le gouvernement géorgien a intensifié les efforts pour rétablir son contrôle sur l'Ossétie du Sud. La stratégie adoptée à cet égard a inclus une campagne de lutte contre la contrebande, dirigée principalement contre le marché florissant d'Ergneti 
			(112) 
			 Situé
sur la route transcaucasienne reliant l'Ossétie du Sud et la Géorgie
proprement dite, directement au sud de Tskhinvali, le marché d'Ergneti
a servi de plaque tournante à de nombreuses activités commerciales
illégales, à la contrebande et au trafic de drogue mais aussi aux
activités d'enlèvement et de trafic d'armes. Les Géorgiens y achetaient surtout
des biens qu'ils revendaient à bas prix sur le marché géorgien sans
étiquetage légal, ce qui a entraîné une perte importante de droits
de douane pour le gouvernement. Malgré ses effets négatifs sur la
Géorgie au plan légal, politique et économique, ce marché n'était
peut-être pas sans avantages dans la mesure où il permettait au
citoyen moyen de bénéficier des échanges en tant que tels mais aussi
du prix artificiellement bas de certains biens essentiels puisque
ceux-ci ne sont pas taxés. Toutefois, l'aspect le plus important
sans doute est que ce marché était un lieu où Géorgiens et Ossètes
moyens pouvaient se rencontrer, établir des contacts et identifier
leurs intérêts communs., et une campagne d'aide humanitaire visant à saper le pouvoir des dirigeants sud‑ossètes. Ces mesures, cependant, ont eu pour effet de renforcer le soutien dont bénéficient les autorités de facto car la survie économique de nombreux Ossètes du Sud dépend d'activités commerciales illégales. La politique agressive de lutte contre la contrebande s'est aussi traduite par un renforcement de la présence des troupes géorgiennes sur le terrain, ce qui a provoqué des réactions brutales de la partie ossète. L'été 2004 a vu une escalade de la tension qui a failli déboucher sur une nouvelle guerre ouverte. Au bout d'un mois, les deux parties sont parvenues à se mettre d'accord sur un cessez-le-feu qui, toutefois, n'empêche pas les tirs et les incidents criminels de se produire quotidiennement dans la région.
301. Dans le cadre de la nouvelle stratégie du gouvernement géorgien visant à modifier de façon pacifique le statu quo, Tbilissi soutient depuis novembre 2006 une autre administration en Ossétie du Sud qui est dirigée par Dmitri Sanakoev, un ancien officiel du gouvernement de facto de Tskhinvali. Un gouvernement alternatif a été créé à Kurta en Ossétie du Sud, à 5 kilomètres seulement de Tskhinvali. Il existe donc maintenant une dualité de pouvoirs en Ossétie du Sud. Le 10 mai 2007, le gouvernement géorgien a nommé Sanakoev chef de la nouvelle «unité administrative provisoire» de la région de Tskhinvali / Ossétie du Sud. 
			(113) 
			Le
processus a commencé avec le référendum et les élections «présidentielles»
dans des zones sous contrôle géorgien en Ossétie du Sud, où de nombreux
résidents des zones contrôlées par les sécessionnistes ont réussi
à se rassembler pour voter. La proposition qui appelait à l'autonomie
à l'intérieur des frontières géorgiennes ont remporté le référendum
et Sanakoyev a gagné l'élection en tant que «président». Parallèlement,
un référendum et des élections «présidentielles» se sont tenues
dans les zones sous contrôle russe qui se sont exprimées en faveur
de la sécession de la Géorgie et on élu Eduard Kokoiti comme «président». Jusqu'ici, Sanakoev a réussi à obtenir le soutien des villages de population géorgienne 
			(114) 
			 La répartition des
groupes ethniques en Ossétie du Sud est en général très enchevêtrée.
Villages géorgiens et ossètes voisinent en une sorte de patchwork
complexe. mais il n'est pas certain qu'il parvienne à acquérir une réelle influence dans la partie de territoire gouvernée par les Ossètes, ce qui déterminera l'évolution ultérieure du conflit.
302. Le gouvernement géorgien considère Sanakoev comme un véritable interlocuteur ossète avec lequel il pourrait négocier un règlement permettant de maintenir l'Ossétie du Sud à l'intérieur de la Géorgie. Sa crédibilité tient à ses yeux au fait qu'il s'agit d'un Ossète et d'un ancien sécessionniste ayant combattu contre les Géorgiens en 1991-1992. Le président Saakachvili et plusieurs officiels gouvernementaux nous ont déclaré avoir confiance dans la capacité de Sanakoev à obtenir le soutien de la majorité de la population des villages actuellement placés sous le contrôle des autorités sud‑ossètes de facto. Toutefois, ils n'excluent pas l'éventualité de provocations graves orchestrées par Moscou qui pourraient ralentir le processus.
303. Le soutien politique apporté à Sanakoev par Tbilissi s'accompagne d'un effort de réhabilitation économique des zones sous contrôle géorgien, avec l'aide des donneurs internationaux et en particulier des Etats‑Unis. Diverses entreprises géorgiennes de construction et autres construisent, avec le soutien du gouvernement, des routes, des banques, des cinémas et des hôtels ou rénovent des écoles et la différence avec les zones administrées par les autorités sécessionnistes est déjà visible. L'économie est certainement un domaine dans lequel des progrès sont possibles. Néanmoins, d'autres réalités économiques contribuent aussi à alimenter le conflit: il est probable en effet que tous ceux qui bénéficient des opérations lucratives de contrebande et de contrefaçon en Ossétie du Sud résisteront à une réaffirmation de l'autorité de l'Etat.
304. Lors de l'entretien que nous avons eu avec lui, Dmitri Sanakoev a indiqué que le géorgien devrait devenir la langue officielle du territoire sud-ossète et une complète autonomie garantie afin de préserver l'identité linguistique et culturelle ossète. 
			(115) 
			«Le conflit sud-ossète
en Géorgie: hâtez-vous lentement», International Crisis Group, Rapport
Europe n° 183, 7 juin 2007. Il a également souligné que l'attrait de l'UE pourrait devenir un facteur décisif d'instauration de la confiance entre Ossètes et Géorgiens. L'UE est à son avis particulièrement bien placée pour servir d'intermédiaire en vue de l'ouverture d'un dialogue politique et du règlement du conflit.
305. Le gouvernement géorgien s'efforce activement d'obtenir le soutien international de l'unité administrative dirigée par Sanakoev. C'est la raison pour laquelle Sanakoev accompagne souvent le président ou les officiels gouvernementaux dans leurs déplacements à l'étranger. De plus, le 21 septembre 2007, la Géorgie a organisé à Tamarasheni, en Ossétie du Sud, une conférence internationale sur le conflit. Cette manifestation, la toute première de ce type dans une zone de conflit post‑soviétique, a été suivie par des ambassadeurs et des officiels de presque tous les États membres de l'UE et de l'OTAN ainsi que par les représentants des missions de l'UE et de l'OSCE en Géorgie. 
			(116) 
			Socor
V., «International Conference Held in South Ossetia», Eurasia Daily Monitor, 25 septembre
2007.
306. Malgré ces développements positifs, nous approuvons l'analyse de l'ICG (International Crisis Group) selon lequel Tbilissi, bien que faisant preuve d'une certaine imagination dans son approche du conflit, devrait aussi comprendre que cette stratégie ne peut donner des résultats du jour au lendemain et que les incitations économiques ne seront pas, à elles seules, suffisantes. Les aspirations et les craintes de la partie ossète devront aussi être prises en compte. Les Ossètes de Tskhinvali doutent que Sanakoev soit en mesure de représenter leurs intérêts en les faisant passer avant ceux de Tbilissi. Dans les villages contrôlés par les autorités de Tskhinvali, un grand nombre d'Ossètes le considèrent comme un traître. L'ICG pense par conséquent que Tbilissi devrait rouvrir le dialogue sur les questions de fond avec Tskhinvali pendant que Sanakoev s'efforce d'accroître sa crédibilité auprès des Ossètes. 
			(117) 
			 «Le
conflit sud-ossète en Géorgie: hâtez-vous lentement», International
Crisis Group, Rapport Europe n° 183, 7 juin 2007.
307. Les Géorgiens indiquent avoir accepté depuis mars 2007 la reprise partielle des travaux de la Commission conjointe de contrôle tout en soulignant que les négociations bilatérales entre la Géorgie et l'Ossétie du Sud sont le facteur principal. Ils regrettent néanmoins qu'au cours des négociations, le groupe Kokoiti ait représenté principalement les intérêts russes et non les intérêts de la population locale.
308. Comme on le sait, les autorités sud‑ossètes de facto cherchent aussi à obtenir la reconnaissance européenne; cependant, ni M. Kokoiti ni aucun officiel des autorités de facto n'a répondu à notre demande d'entretien. Le président du parlement de facto est la seule personne que nous ayons pu rencontrer à Tskhinvali. Il a exprimé le regret que la proposition du président Saakachvili en faveur de l'autonomie complète à l'intérieur du territoire de la Géorgie intervienne 18 ans après la première demande du parlement sud-ossète à cet égard. La situation, à son avis, ne pourra être débloquée tant que ne sera pas organisé l'équivalent d'un procès de Nuremberg pour l'Ossétie du Sud. Il souhaite aussi obtenir des garanties du gouvernement géorgien que les atrocités ne pourront se reproduire. Le président du parlement de Tskhinvali, un Ossète, considère que le conflit est entièrement de nature politique et qu'il ne s'agit pas d'un conflit interethnique.
309. Une session plénière de la Commission conjointe de contrôle (JCC) sur l'Ossétie du Sud devait avoir lieu les 23 et 24 octobre 2007 à Tbilissi. On s'attendait à ce que la partie géorgienne mette en avant une nouvelle fois sa demande de démilitarisation de la région et de désarmement des groupes armés illégaux et cherche à reprendre le contrôle du tunnel de Roki, qui relie l'Ossétie du Sud sécessionniste à la Fédération de Russie. Tbilissi a aussi proposé que l'équipe dirigeante de Sanakoev participe aux négociations dans leur format actuel, sur des questions pratiques comme l'approvisionnement en eau, l'électricité, les routes, les projets humanitaire et de rétablissement de la confiance, sachant qu'elle contrôle environ 50% du territoire. La partie sud-ossète, de son côté, devait défendre un accord de non-recours à la force dont elle espère qu'il pourra être signé par le chef sécessionniste sud ossète, Eduard Kokoiti, et par le président Saakachvili. Mais les deux jours de pourparlers ont été totalement stériles, ce que la partie géorgienne a interprété comme la démonstration de l'inefficacité du cadre de négociation posé par les Russes. L'Ossétie du Sud a estimé quant à elle que le refus de Tbilissi de signer l'accord non-recours à la force était responsable de l'échec des pourparlers 
			(118) 
			 JCC on South Ossetia
Pointless - Georgian Négociations (Négociations géorgiennes – résultat
nul pour la Commission de contrôle mixte (JCC) sur l'Ossétie du
Sud), Civil Georgia, Tbilissi, 24 octobre 2007, <a href='http://www.civil.ge/eng/article.php?id=16090'>http://www.civil.ge/eng/article.php?id=16090</a>.

6.3.1.1. Restitution des biens

310. La Géorgie s'est engagée à adopter un texte de loi sur la restitution des biens aux victimes du conflit sud-ossète comme condition d'adhésion au Conseil de l'Europe en 1999. En 2004, le gouvernement a élaboré un projet de loi sur la restitution des logements et des biens aux victimes du conflit entre la Géorgie et l'Ossétie du Sud sur lequel la Commission de Venise a rendu un avis assez critique. En 2006, le projet de loi a été révisé en tenant compte des observations de la Commission de Venise. Il a été adopté en première lecture le 9 juin 2006 et la loi, intitulée «loi sur la restitution des biens et le dédommagement sur le territoire de la Géorgie des victimes du conflit dans l'ex-district d'Ossétie du Sud», est finalement entrée en vigueur le 1er janvier 2007. La Géorgie a ainsi rempli un autre des engagements contractés lors de l'adhésion au Conseil de l'Europe.
311. La loi autorise les Ossètes et les Géorgiens ayant perdu des biens au cours du conflit à demander la restitution de leur logement en justifiant de leur titre légal de propriété. Si les biens en question ont été endommagés au cours du conflit, ces personnes peuvent prétendre à un dédommagement adéquat ou à un logement équivalent.
312. Dans son avis sur le projet révisé de loi, la Commission de Venise indiquait que ce texte, bien que plus clair que les versions précédentes et permettant de résoudre plusieurs problèmes, laissait certaines questions en suspens, compte tenu en particulier du fait que la loi devait servir aussi à rétablir la confiance. Elle soulignait également la nécessité d'introduire des moyens de réparation efficaces du préjudice moral subi en relation avec les violations des droits de l'homme commises au cours du conflit. L'ensemble législatif devait aussi, selon elle, s'accompagner de mesures d'intégration économique et sociale et de mesures en vue d'améliorer l'infrastructure des zones concernées. Elle appelait enfin les autorités géorgiennes à établir en détail le coût financier de la loi avant son adoption. Ses conséquences financières doivent être évaluées non seulement au plan national mais dans une perspective internationale 
			(119) 
			Commission de Venise,
CDL-AD(2006)010..
313. Depuis l'adoption de la loi le 1er janvier, la Géorgie est maintenant théoriquement prête à commencer à traiter les demandes de restitution de biens. Une commission de restitution tripartite, qui comprendra des représentants du gouvernement géorgien, des autorités de Tskhinvali et des organisations internationales, est en cours de création. Plusieurs organisations internationales comme le Conseil de l'Europe, l'OSCE, l'ONU, la Commission européenne, ainsi que l'ambassade des États-Unis, travaillent avec le gouvernement géorgien au règlement des questions organisationnelles.
314. S'agissant des personnes déplacées, cependant, les relations tendues entre Tbilissi et les autorités de facto de Tskhinvali ont plus ou moins bloqué l'application de la loi. Outre les tensions politiques, de nombreuses raisons expliquent la réticence de beaucoup de personnes déplacées à revenir dans leur région d'origine: la peur, le manque de confiance dans la loi ou les autorités géorgiennes, l'intégration en Ossétie du Nord, etc. Selon certains, la loi pourrait susciter des tensions entre anciens et nouveaux propriétaires, avec le risque de haine interethnique qui pourrait en résulter
315. Les autorités de Tskhinvali hésitent en outre à participer à un système régi par le droit de la Géorgie, Etat dont elles déclarent avoir fait sécession. Elles considèrent aussi que la loi les place en situation de désavantage puisque qu'elles n'occuperont qu'un tiers des sièges de la commission tripartite appelée à statuer sur chaque réclamation, les autres sièges revenant aux officiels géorgiens et aux organisations internationales. Enfin, elles craignent que des demandes de restitution de biens ne soient déposées par des Géorgiens ayant fui l'Ossétie du Sud.
316. L'Ossétie du Nord, république de 700,000 habitants qui accueille un nombre très important de réfugiés, est plus favorable au retour des personnes déplacées mais considère qu'en l'absence d'un accord entre la Géorgie et la Russie ou la Géorgie et l'Ossétie du Sud, elle ne peut être partie prenante de cette loi.

6.3.2. Abkhazie

Le conflit en Abkhazie a coûté la vie à plus de 10.000 personnes entre 1992 et 1994. La période la plus intense du conflit a duré d'août 1992 à septembre 1993. Une «Déclaration sur les mesures à prendre en vue d'un règlement politique du conflit entre la Géorgie et l'Abkhazie» a été signée en avril 1994 à Moscou ainsi qu'un accord de cessez-le-feu et de séparation des forces (accord de Moscou) en mai 1994. Une opération de maintien de la paix dirigée par la Russie et organisée sous mandat de la Communauté des Etats indépendants (CEI) et sous la supervision des Nations Unies (Mission d'observation des Nations Unies en Géorgie, MONUG) se poursuit en Abkhazie.

317. Pour Tbilissi, l'Abkhazie représente une région extrêmement importante et ceci pour plusieurs raisons: l'emplacement stratégique de la région sur le littoral de la mer Noire 
			(120) 
			 La région, qui partage
une frontière avec la Fédération de Russie au nord, représente environ
un huitième du territoire de la Géorgie; elle couvre la moitié du
littoral géorgien et comprend deux des ports les plus importants
du pays., son intérêt du point de vue du développement durable de l'économie géorgienne, le nombre élevé de personnes déplacées qui continuent à être affectées par le non‑règlement du conflit ainsi que la difficulté à résoudre le conflit et les problèmes qu'il soulève dans les relations avec la Russie.
318. Le conflit est alimenté par des récits historiques concurrents. Pour les Abkhazes, la population indigène de l'Abkhazie a été victime au cours des derniers siècles de transferts massifs et d'un processus de colonisation qui explique la très faible proportion d'Abkhazes de souche à la fin de l'ère soviétique 
			(121) 
			 Alors que les Abkhazes
de souche ne représentent que 18% de la population de l’Abkhazie,
les Géorgiens d’origine forment près de 46% de la population. Voir
International Crisis Group (2006). Abkhazia Today. Europe Report
No. 176.. Les Géorgiens, par contre, considèrent la guerre civile de 1992 à 1994 comme une lutte pour le pouvoir non pas entre des peuples ou des nations mais entre des groupes aux intérêts différents, l'un d'entre eux étant celui des Abkhazes. Géorgiens et Abkhazes qualifient généralement les événements qu'ils ont subis de «purification ethnique». 
			(122) 
			Géorgie: les conditions
de vie des personnes déplacées restent déplorables alors que la
stratégie nationale se développe, Centre de Surveillance du Déplacement
Interne (IDMC), 1 septembre 2006. Du fait de la guerre, la population a diminué d'environ 535.000 à 120.000 habitants.
319. La confrontation militaire entre les forces abkhazes et géorgiennes en 1992-1993 a abouti essentiellement à l'entier contrôle par les premières du territoire de l'ex‑République soviétique autonome d'Abkhazie. Des atrocités ont été commises des deux côtés mais ni les autorités géorgiennes ni les autorités abkhazes n'ont encore commencé à enquêter sur les crimes de guerre, déclaré une amnistie ou condamné de manière significative les auteurs de crimes de guerre.
320. Les Abkhazes cherchent à obtenir l'indépendance complète de la Géorgie, non l'intégration au sein de la Russie. Ils soulignent que, lors des élections présidentielles de facto organisées en 2004, le candidat soutenu par Moscou a perdu les élections. Néanmoins, les Abkhazes «sous‑traitent» certaines de leurs institutions «étatiques» essentielles à des organes de l'Etat russe. La plupart des habitants de la région détiennent un passeport russe, les retraités touchent des retraites de l'Etat russe et le rouble est la seule monnaie ayant cours dans la région. En outre, bien que l'essentiel de la législation en vigueur date toujours de l'époque soviétique, un processus d'harmonisation des systèmes légaux de l'Abkhazie et de la Russie est en cours 
			(123) 
			 Popescu
N., «‘Outsourcing' de facto Statehood: Russia and the Secessionist
Entities in Georgia and Moldova», Centre for European Policy Studies
(CEPS) Policy Brief n° 109, juillet 2006..
321. En mai 1994, l'accord de Moscou a instauré un cessez‑le‑feu avec séparation des forces et abouti à la mise en place d'une force de maintien de la paix de la CEI composée en fait uniquement de troupes russes. Ces troupes contrôlent encore aujourd'hui le district frontalier entre l'Abkhazie et le reste de la Géorgie, qui est divisé en une «zone intérieure de sécurité» et une «zone extérieure d'accès restreint» dans laquelle toute présence militaire ou déploiement d'armes lourdes sont interdits. L'accord de Moscou prévoit aussi la supervision par l'ONU des forces de maintien de la paix de la CEI, ce qui a abouti à la création de la mission d'observation de l'ONU en Géorgie (MONUG). Le mandat de cette mission, qui a pour but de faciliter le retour des réfugiés et des personnes déplacées, a été régulièrement prolongé.
322. La situation en Abkhazie est aujourd'hui relativement stable si l'on excepte les violations occasionnelles du cessez‑le‑feu et le retour dans le district de Gali de quelques 45.000 personnes déplacées. La coopération entre Abkhazes et Géorgiens se limite à certaines questions économiques comme l'exploitation de la centrale électrique d'Inguri et la construction à travers l'Abkhazie d'une voie ferrée d'importance stratégique. Les négociations restent néanmoins bloquées à l'échelon politique. Au printemps 2006, une vague d'optimisme a pu faire croire à la reprise des discussions en vue d'un renforcement de la coopération et d'une résolution des différends: pour la première fois depuis janvier 2001, les parties ont rouvert les pourparlers sous l'égide du Conseil de coordination placé sous la direction de l'ONU. Les Abkhazes ont présenté un document intitulé «Pour ouvrir la voie de l'avenir» et la Géorgie une «Feuille de route» mais ces initiatives sont restées sans lendemain. 
			(124) 
			Synthèse, Abkhazie:
la marche à suivire, International Crisis Group Europe Rapport n°
179, 18 janvier 2007. Après l'opération de lutte contre la criminalité lancé contre les rebelles armés de Kvitsiani qui a permis au gouvernement géorgien de rétablir son contrôle sur la haute vallée de la Kodori en juillet 2006 et la reprise de la surveillance de l'ONU et l'introduction de mesures supplémentaires en matière de transparence dans cette zone, auparavant gouvernée par les seigneurs de guerre, toutes les discussions ont été interrompues par les Abkhazes.
323. La partie abkhaze continue à faire dépendre la reprise du dialogue d'un retour au statu quo ante dans la vallée de la Kodori, c'est-à-dire avant l'opération des forces spéciales géorgiennes en 2006, tandis que la partie géorgienne affirme que la situation dans cette zone n'est pas négociable. 
			(125) 
			Rapport du Secrétaire
Général du Conseil de sécurité des Nations Unies sur la situation
en Abkhazie, Géorgie, UN S/2007/588, 3 octobre 2007. La Géorgie considère comme seul représentant légitime le gouvernement de la République autonome d'Abkhazie dirigé par Alkhaz Akishbaia qui était depuis longtemps «en exil» à Tbilissi et s'est installé provisoirement à Chkalta, dans la partie supérieure de l'Abkhazie, depuis septembre 2006 seulement, quelques semaines après la reprise du contrôle par la Géorgie de la vallée de la Kodori. A la suite de ces événements, en octobre 2006, des élections locales géorgiennes ont été organisées dans la haute vallée de la Kodori.
324. La partie géorgienne exige l'établissement d'un «plan sérieux et praticable pour le retour des personnes déplacées», incluant notamment la définition d'un cadre légal et d'un programme de retour, un projet de réhabilitation économique, la garantie des droits fondamentaux des personnes déplacées, y compris leurs droits de propriété, et la reprise du dialogue direct entre les interlocuteurs géorgiens et abkhazes, sans aucune condition préalable. 
			(126) 
			Remarques de M. Mikhail
Saakashvili lors de la 62e Session des
Nations Unies, Civil Georgia, 27 septembre 2007. Elle demande aussi certains changements fondamentaux des modalités du processus de négociation et de l'opération de maintien de la paix que la partie abkhaze, soutenue par la Russie, n'est pas prête à accepter.
325. De l'avis des observateurs internationaux, le problème majeur réside dans l'absence d'un minimum de confiance entre les Géorgiens et les Abkhazes. Les effets du nettoyage ethnique, qui continuent de se faire ressentir, sont un obstacle majeur à la confiance et aux efforts pour la rétablir. Le fait que la communauté géorgienne n'ait pas été autorisée à retourner en Abkhazie – hormis dans le district de Gali qui, de toutes façons, a toujours été majoritairement géorgien – rend impossibles les contacts entre les communautés (qui sont la clé d'une restauration de la confiance) et la mise en oeuvre de mesures conjointes. De ce fait, le climat politique n'est toujours pas propice à un déblocage de la situation en dépit d'une première tentative de réconciliation: à Sukhumi, le 25 octobre 2007, s'est déroulée une rencontre à haut niveau entre le ministre d'Etat géorgien chargé du règlement des conflits et le ministre de facto des Affaires étrangères d'Abkhazie – qui ne s'étaient pas réunis depuis plus d'un an –, à la suite de l'accord de Tbilissi de libérer sept militaires Abkhazes placés en détention lors des affrontements du 20 août avec les forces du ministère géorgien de l'Intérieur 
			(127) 
			 La Résolution 1781
(2007) du Conseil de sécurité des Nations Unies – SC/9142 adoptée
le 15 octobre 2007 a exprimé la grave préoccupation du Conseil de
sécurité au sujet de cet incident. Voir la résolution à l'adresse: <a href='http://www.un.org/News/Press/docs//2007/sc9142.doc.htm'>http://www.un.org/News/Press/docs//2007/sc9142.doc.htm</a>. Les parties ont également convenu de reprendre les réunions quadripartites hebdomadaires 
			(128) 
			 Un engagement à cette
fin a été pris lors d'une réunion présidée par les Nations Unies
à Bonn les 27-28 juin 2007. La récente Résolution 1781 (2007) du
Conseil de sécurité exhorte les deux parties à honorer cet engagement..
326. Parallèlement à la reprise des contacts bilatéraux, il serait souhaitable de commencer par des mesures limitées d'instauration de la confiance, notamment en allégeant les restrictions commerciales. Enfin, beaucoup de travail reste à faire avec la société civile et les ONG qui ont toutes deux un rôle à jouer dans la création de conditions favorables à la paix et à la réconciliation.

6.3.2.1. Conditions de retour des personnes déplacées

327. La guerre civile de 1992-1993 a entraîné le départ massif des Géorgiens, qui étaient auparavant le groupe majoritaire en Abkhazie, ainsi que d'autres groupes ethniques comme les Grecs, les Estoniens, les Arméniens et les Azéris. Il s'est agi d'un processus de purification ethnique. Près de la moitié de la population d'avant-guerre, qui comptait 535.000 personnes, a été déplacée de force, principalement vers la Géorgie et la Russie.
328. La presque totalité de la population du district de Gali, qui comptait environ 79.000 personnes, pour la plupart des Géorgiens de souche, a été déplacée. On estime à 45.000 le nombre de personnes revenues dans le district de Gali depuis 1999. Ce district est actuellement la seule zone dans laquelle les personnes déplacées sont autorisées à revenir, bien que la situation politique ne puisse être considérée comme propice à ce retour. 
			(129) 
			Entretien
avec Mme Yuka Hasegawa, Directrice du Bureau du HCR à Gali. Les personnes déplacées rentrent dans leur région d'origine de façon semi-légale, sans aucune aide du gouvernement géorgien. Leur retour est toléré par les autorités abkhazes qui ne leur reconnaissent néanmoins aucun droit. De nombreuses personnes déplacées reviennent dans la région comme travailleurs saisonniers à l'époque des moissons. L'ancienne propiska (permis de résidence de l'époque soviétique) leur sert à prouver qu'ils résidaient auparavant dans la région et leur donne aussi le droit de demander la «citoyenneté abkhaze».
329. La «loi sur la citoyenneté de la république d'Abkhazie» a été adoptée par le parlement abkhaze de facto en octobre 2005. Elle restreint la possibilité d'acquérir ou de conserver une deuxième citoyenneté autre que celle de la Fédération de Russie. Les personnes déplacées qui reviennent dans le district de Gali n'ont donc pas la possibilité de conserver leur passeport géorgien en acquérant la «citoyenneté» abkhaze. Le bureau du HCR nous a indiqué que personne n'est contraint à adopter le passeport abkhaze (qui de toutes façons n'a aucune validité internationale). Les autorités abkhazes de facto ont elles‑mêmes confirmé que la loi n'est pas appliquée de façon très stricte dans le district de Gali et que la plupart des personnes déplacées qui reviennent détiennent à la fois un passeport géorgien et un passeport abkhaze.
330. L'obtention de la citoyenneté abkhaze est cependant soumise à une période de service militaire obligatoire dans l'«armée abkhaze». Des informations de diverses sources internationales et géorgiennes semblent indiquer que, dans le district de Gali, des Géorgiens de souche ont été incorporés de force dans les forces militaires abkhazes. Les autorités abkhazes de facto rejettent ces allégations en soulignant que seuls des citoyens abkhazes ont été incorporés. Certains représentants locaux des personnes déplacées aujourd'hui rentrées dans la région nous ont indiqué cependant que le problème existe et que c'est la raison pour laquelle pratiquement aucun homme de 18 à 40 ans n'est revenu s'installer de façon permanente dans le district de Gali.
331. De graves problèmes subsistent en matière d'éducation: les écoles sont très peu nombreuses et l'enseignement y est dispensé uniquement en russe. De nombreuses familles géorgiennes rapatriées envoient par conséquent leurs enfants à l'école à Zugdidi. En dépit des propos du président de facto Bagapsh qui, en février 2007, avait affirmé au Commissaire aux Droits de l'Homme du Conseil de l'Europe avoir donné l'ordre au «ministère de l'éducation» abkhaze d'ouvrir des écoles de langue géorgienne dans le district de Gali, nous avons appris qu'aucune école de ce type n'a encore été créée. Nous avons nous‑même visité une petite école dans le village de Tsikiri (district de Gali) où toutes les familles interrogées étaient géorgiennes. Ces familles nous ont indiqué qu'elles n'étaient autorisées ni à enseigner en géorgien ni à se servir de manuels géorgiens. Les manuels que nous avons examinés suivaient tous le programme scolaire russe et leur contenu était fortement imprégné de patriotisme russe.
332. Les conditions de vie des personnes déplacées revenues dans la région restent extrêmement insuffisantes, notamment en raison du manque de logements adaptés, des opportunités économiques réduites et de l'absence générale de services publics. La situation, cependant, n'est guère meilleure dans les centres de regroupement collectif de Zugdidi où les personnes déplacées vivent entassées. Néanmoins, de nombreuses personnes déplacées préfèrent rester dans les centres de regroupement où elles reçoivent une indemnité de l'Etat d'un montant minuscule (14 GEL) et des allocations couvant leur frais d'eau et d'électricité.
333. La situation générale en matière de sécurité et la situation en matière de droits de l'homme demeurent précaires dans le district de Gali. On fait état de nombreuses allégations de meurtre, d'enlèvement et de détention extrajudiciaire, en particulier pendant la période des moissons et en période électorale, et l'impunité règne. Le manque de confiance des victimes dans l'efficacité des autorités locales de facto et dans leur détermination à enquêter sur ces crimes, ainsi que la désinformation et la politisation des nouvelles, renforcent le sentiment d'insécurité des personnes déplacées rentrées dans la région.
334. Aucun Géorgien de souche n'a encore pu revenir dans les autres régions de l'Abkhazie. Ayant déclaré unilatéralement l'indépendance et inquiets de perdre leur actuelle prépondérance démographique, les Abkhazes déclarent être prêts à envisager le retour d'un grand nombre de Géorgiens uniquement sous certaines conditions rigoureuses. Ils indiquent qu'ils s'opposeront au retour des Géorgiens qui ont combattu lors du conflit et soulignent que «ceux qui reviennent doivent savoir qu'ils reviennent dans une république ayant ses propres lois et sa propre identité». 
			(130) 
			Entretien
avec le Président du parlement des autorités abkhazes de facto, le 14 septembre 2007 à
Sukhumi.
335. La question des biens demeure un sujet de préoccupation grave. Dans toute la campagne abkhaze ainsi qu'à Sukhumi, des dizaines de milliers de maisons détruites, inoccupées ou à l'abandon témoignent de manière sinistre de la violence du dernier conflit en Abkhazie. Les autorités géorgiennes sont préoccupées par certaines informations faisant état de la privatisation accélérée des biens appartenant aux Géorgiens de souche qui ont fui l'Abkhazie. Les tribunaux rejettent apparemment comme irrecevables les réclamations des propriétaires déplacés par le conflit armé depuis 1992 qui demandent la restitution de leurs biens occupés de manière illégale. La Résolution 1781 (2007) du Conseil de sécurité des Nations Unies, adoptée à sa 5759e séance le 15 octobre 2007, a réaffirmé «l'importance fondamentale du droit au retour en Abkhazie (Géorgie) des réfugiés et des déplacés» et «que les droits de propriété de ces personnes n'ont en rien été affectés par le fait que les propriétaires ont dû fuir pendant le conflit et que le droit de résidence et l'identité desdits propriétaires doivent être respectés» 
			(131) 
			Resolution de CSNU
No. 1781 (2007), para. <a href='http://www.un.org/french/docs/sc/2007/cs2007.htm'>http://www.un.org/french/docs/sc/2007/cs2007.htm</a>
336. En réponse à cela, le ministère géorgien des réfugiés et du logement a lancé en mars 2006 un programme appelé «Ma maison» qui prévoit le recensement par l'Etat des titres fonciers et immobiliers détenus par les personnes déplacées, afin de protéger les droits de propriété de ces personnes en Abkhazie et en Ossétie du Sud.
337. D'après le même ministère, les personnes déplacées vivant en Géorgie proprement dite représentent actuellement 6% de la population: 232.623 viennent d'Abkhazie et 12.673 de la région de Tskhinvali, soit au total 245.296 personnes. La grande majorité des personnes déplacées vivent dans des centres de regroupement et sont logées dans des bâtiments publics dans des conditions très précaires. Les autres vivent avec des parents ou des amis, louent un appartement ou ont acheté un logement. En 2006, le gouvernement géorgien a annoncé la création d'une commission d'Etat pour l'élaboration d'une stratégie nationale en faveur des personnes déplacées avec le soutien de la communauté internationale et des organisations de la société civile. La stratégie nationale a depuis été adoptée et le plan d'action correspondant devrait être prêt d'ici la fin 2007. Ce plan d'action couvrira tous les aspects du déplacement: logement, emploi, questions sociales et statut légal. Le gouvernement a souligné à ce propos que l'intégration des personnes déplacées n'empêchera pas leur retour ultérieur dans leur ancien lieu de résidence. 
			(132) 
			 Georgia: IDPs' living
conditions remain miserable, as national strategy is being developed,
International Displacement Monitoring Centre (IDMC), 1 septembre
2006.

6.4. Enjeux futurs

338. Comme on le voit, les obstacles à un règlement effectif des deux conflits qui perdurent sur le territoire géorgien restent nombreux et tiennent pour une part à la logique à somme nulle qui est celle de nombre des parties au processus de paix. Le processus lui-même est fondamentalement défectueux: la politique globale d'apaisement n'a pas donné de résultats; les mécanismes existants – qu'il s'agisse des modalités des négociations et de l'opération de maintien de la paix ou de l'enquête effective et indépendante sur les incidents frontaliers – se sont révélés inefficaces et il n'existe pas de consensus international sur la nature actuelle des conflits et sur les moyens de les résoudre. La conséquence en est le maintien du statu quo et le blocage des «négociations sur la manière de négocier». Le prix à payer pour le maintien du statu quo, cependant, est très élevé. C'est pourquoi une véritable analyse internationale indépendante serait nécessaire afin d'établir pour quelle raison et à quel moment le processus s'est fourvoyé.
339. Pour être efficace, un processus de paix doit être reconnu comme impartial et équitable par toutes les parties au conflit. Compte tenu des raisons évoquées plus haut, le rôle primordial que tient la Russie dans les processus de médiation (du fait de son droit de veto à l'ONU et à l'OSCE) et de maintien de la paix est obsolète; il reflète les réalités géopolitiques de la décennie précédente, à un moment où les intérêts occidentaux dans la région étaient encore minimes. Dans tout le Caucase‑Sud et plus généralement autour de la mer Noire, les réalités géostratégiques sont aujourd'hui différentes, ce qui nécessite évidemment une internationalisation des structures de médiation et de maintien de la paix dans les situations de «conflit gelé». Ceci ne veut pas dire que le contingent russe en place doive être réduit mais il devrait être placé sous un mandat international bien défini. Le rôle de Médiateur de l'Union européenne devait être renforcé de manière significative dans ce processus.
340. Il y a quatre ans, la Géorgie a annoncé que l'intégration euro-atlantique – et notamment l'adhésion à l'OTAN – constituait le but ultime de sa politique étrangère et elle a engagé une série de réformes afin d'atteindre ce but aussi rapidement que possible. Cet objectif bénéficie aujourd'hui d'un très large soutien public et politique dans le pays. La communauté internationale devrait reconnaître et respecter les aspirations de la Géorgie à cet égard car la poursuite des progrès du pays vers la réalisation de ses objectifs permettra aussi de mieux garantir la sécurité commune, la démocratie et la gouvernance fondée sur l'état de droit.
341. La résolution des conflits est l'objectif central de la politique du gouvernement géorgien. Son action est animée par la préoccupation légitime d'édifier un État souverain à l'intégrité territoriale entière et contrôlant l'ensemble de son territoire. L'opinion publique géorgienne, en outre, n'est pas prête à accepter une solution qui ne serait pas conforme à la politique officiellement poursuivie par le gouvernement géorgien et qui n'impliquerait pas la réintégration complète des territoires séparatistes. Malgré ces contraintes, cependant, le gouvernement géorgien devrait se montrer plus ouvert à un compromis et favoriser le développement d'une attitude plus pragmatique dans la population géorgienne. Il devrait travailler à modifier l'état d'esprit actuel et, pour ce faire, il est nécessaire de comprendre et de prendre en compte les craintes et les objectifs des autres parties. Il importe tout particulièrement que la Géorgie parvienne à créer des conditions permettant aux Abkhazes et aux Sud Ossètes de surmonter leur crainte séculaire d'une «géorgianisation» forcée et qu'elle leur offre des garanties de sécurité afin d'instaurer un climat de confiance. La méthode qui consiste à isoler ces populations, à les soumettre à un blocus et à leur tenir un discours hostile n'a pas favorisé de progrès dans le sens d'une solution aux conflits 
			(133) 
			Williamson, R., South
Caucasus: Perceptions and Challenges of the Region, Wilton Park
Paper, décembre 2006.. A l'inverse, se mobiliser plus activement dans le rétablissement de la confiance favorisera le retour des réfugiés et des personnes déplacées, ce qui constituerait un progrès considérable.
342. De leur côté, les chefs séparatistes, soutenus par les autorités russes, devraient s'engager dans un dialogue authentique avec les autorités géorgiennes en vue de parvenir à des résultats. De plus, c'est cette absence de dialogue pragmatique sur le fond qui incite la partie géorgienne à faire preuve de créativité dans la recherche de nouvelles «solutions administratives».
343. Enfin, les autorités russes devraient comprendre que les actes de provocation ou les violations ciblées du droit international visant à «tester la patience» de l'autre partie ne peuvent en aucune façon favoriser le règlement des conflits et auront des répercussions négatives sur la Russie elle‑même. De même, les sanctions, boycotts ou tout autre forme excessive de «punition» ne peuvent constituer des moyens efficaces de résoudre les conflits mais risquent au contraire – tout comme les provocations verbales – d'avoir des conséquences désastreuses.

7. Etapes ultérieures du processus de suivi

344. Deux ans se sont écoulés depuis notre précédent rapport et notre impression générale est que les autorités géorgiennes ont accompli des progrès rapides et substantiels sur la voie du respect de leurs obligations et engagements. D'un point de vue formel, pratiquement tous les engagements relatifs aux questions en suspens mentionnées dans la Résolution 1477 (2006) ont été satisfaits. Néanmoins, des insuffisances importantes subsistent dans les domaines analysés aux différents chapitres du présent rapport.
345. Le relèvement des normes démocratiques et la création de conditions adéquates pour l'opposition parlementaire, ainsi que le développement de la tolérance à l'égard des opposants politiques dans la vie publique, sont à notre avis les domaines prioritaires à surveiller avant de pouvoir envisager de clore la procédure détaillée de suivi. Nous attendons de la Géorgie qu'elle manifeste un véritable respect des normes démocratiques en conduisant des élections libres et, ce qui est encore plus important, équitables en 2008. Hormis quelques lacunes mineures, nous nous félicitons que la législation électorale ait été amendée à cette fin.
346. La Géorgie devrait consacrer tous ses efforts au développement d'institutions de l'Etat stables ainsi qu'au renforcement de ses capacités administratives et de son aptitude à faire face aux aléas de la vie politique.
347. Le pays devrait aussi engager des efforts plus déterminés et de plus grande ampleur pour réformer le système judiciaire, mettre en place des mécanismes garantissant de façon adéquate l'indépendance des tribunaux et du ministère public, lutter contre la corruption et faire avancer la décentralisation. Il devrait aussi améliorer ses performances dans d'autres domaines des droits de l'homme comme les conditions de détention, la prévention de la torture et le respect des droits des minorités et des droits en matière de religion. Le règlement pacifique des conflits en Ossétie du Sud et en Abkhazie serait une garantie supplémentaire en vue de l'édification d'un État moderne et prospère.
348. Toutes les grandes réformes sont aujourd'hui en cours de réalisation. Toutefois, la mise en place d'un cadre législatif adapté, bien qu'évidemment importante, n'est pas en tant que telle suffisante. La volonté politique dans la mise en œuvre de ces réformes sera le facteur décisif qui permettra de rompre avec les habitudes et les mentalités ancrées dans le passé.
349. La Géorgie a engagé l'une des étapes les plus décisives de son processus de réforme. Tant qu'elle poursuivra sur la voie de la démocratie, elle réussira, quels que soient les résultats des élections présidentielles et législatives de 2008. Toutefois, tout recourt à la violence peut remettre en cause les réalisations des dernières années. Aider le pays à maintenir son cap démocratique est aujourd'hui la tâche essentielle du gouvernement.

Commission chargée du rapport:commission pour le respect des obligations et engagements des Etats membres du Conseil de l'Europe (commission de suivi)

Renvoi en commission:Résolution 1115 (1997)

Projet de résolutionadopté à l'unanimité par la commission le 22 janvier 2008

Membres de la commission: M. Serhiy Holovaty (Président), M. Leonid Slutsky (1st Vice-président), M. György Frunda (2nd Vice-président), M. Konstantin Kosachev (3rd Vice-président), M. Aydin Abbasov, M. Pedro Agramunt, M. Jaume Bartumeu Cassany, Mme Meritxell BatetLamaña, M. Ryszard Bender, M. József Berényi, M. Aleksandër Biberaj, M. Luc Van den Brande, M. Patrick Breen, M. Mevlüt Çavuşoğlu, M. Sergej Chelemendik, Mme Lise Christoffersen, M. Boriss Cilevičs, M. Georges Colombier, M. Valeriu Cosarciuc, Mme Herta Däubler-Gmelin, M. Joseph Debono Grech, M. Juris Dobelis, Mme Josette Durrieu, M. Mátyás Eörsi, M. Per-Kristian Foss, M. Jean-Charles Gardetto, M. József Gedei, M. Marcel Glesener, M. Charles Goerens, M. Andreas Gross, M. Michael Hagberg, Mme Gultakin Hajiyeva, M. Michael Hancock, M. Davit Harutyunyan, M. Andres Herkel, M. Kastriot Islami, M. Miloš Jeftić, Mme Evguenia Jivkova, M. Ali Rashid Khalil, M. Andros Kyprianou, M. Jaakko Laakso, Mme Sabine Leutheusser-Schnarrenberger, M. Eduard Lintner, M. Pietro Marcenaro, M. Mikhail Margelov, M. Bernard Marquet, M. Dick Marty, M. Frano Matušić, M. Miloš Melčák, Mme Assunta Meloni, Mme Nadezhda Mikhailova, M. Neven Mimica, M. João Bosco Mota Amaral, M. Zsolt Németh, M. Theodoros Pangalos, Mme Maria Postoico, M. Christos Pourgourides, M. Andrea Rigoni, M. Dario Rivolta, M. Armen Rustamyan, M. Oliver Sambevski, M. Kimmo Sasi, M. Andreas Schieder, M. Samad Seyidov, Mme Aldona Staponkienė, Mme Elene Tevdoradze, M. Mihai Tudose, M. Egidijus Vareikis, M. Miltiadis Varvitsiotis, M. José Vera Jardim, Mme Birutė Vėsaitė, M. Robert Walter, M. David Wilshire, Mme Renate Wohlwend, M. Boris Zala, M. Andrej Zernovski.

N.B. Les noms des membres qui ont participé à la réunion sont indiqués en gras

Secrétariat de la commission:Mme Ravaud, Mme Chatzivassiliou, Mme Odrats, M. Karpenko