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Avis de commission | Doc. 11569 | 14 avril 2008

Les communautés musulmanes européennes face à l'extrémisme

(Ancienne) Commission sur l'égalité des chances pour les femmes et les hommes

Rapporteure : Mme Gisela WURM, Autriche, SOC

Origine - Voir Doc. 11540, déposé par la commission des questions politiques. 2008 - Deuxième partie de session

A. Conclusions de la commission

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La commission sur l’égalité des chances pour les femmes et les hommes soutient pleinement les projets de résolution et de recommandation déposés par la commission des questions politiques. Elle souhaite cependant présenter quelques amendements visant à souligner que, si les femmes et les filles sont souvent les premières victimes de l’extrémisme dans les communautés musulmanes européennes, elles peuvent aussi être d’importants moteurs de changement au sein même de leur communauté.

B. Propositions d’amendements au projet de résolution

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Amendement A (au projet de résolution)

Ajouter deux nouveaux paragraphes après le paragraphe 8.3:

«à lutter contre toutes les formes de discrimination et de violence (en particulier les mariages forcés, les mutilations sexuelles féminines, les crimes dits “d’honneur”), qui, au nom d’une interprétation erronée des textes religieux ou des coutumes, bafouent les droits fondamentaux des femmes et l’égalité entre les femmes et les hommes; à combattre toute forme de relativisme culturel ou religieux qui justifie des pratiques discriminatoires et des violations des droits de la personne humaine à l’encontre des femmes ou d’autres groupes de la société;».

Amendement B (au projet de résolution)

Au paragraphe 8.5, après «issus de l’immigration», ajouter «, y compris les femmes».

Amendement C (au projet de résolution)

Ajouter un nouveau paragraphe après le paragraphe 8.5:

«à promouvoir et à garantir des activités tendant à améliorer le statut et le rôle des femmes musulmanes en Europe et à dépasser les stéréotypes qui les enferment dans des rôles subordonnés et passifs, par exemple par le biais d’un enseignement approprié dans les écoles et la mise en œuvre de campagnes de sensibilisation dans les médias;».

C. Exposé des motifs, par Mme Wurm

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Introduction

1. La rapporteuse salue le rapport préparé par M. Mota Amaral. Les communautés musulmanes européennes sont confrontées à l’extrémisme. Cette situation a un impact particulier sur les femmes, qui sont les premières victimes des fondamentalismes religieux, mais qui peuvent aussi, au sein de leur communauté, être des actrices de changement important.
2. L’Assemblée parlementaire a abordé la condition de la femme musulmane en Europe à travers différents rapports, comme «Intégration des femmes immigrées en Europe» 
			(1) 
			Doc. 10758, Résolution
1478 (2006) et Recommandation
1732 (2006), rapporteuse: Mme Gülsün
Bilgehan, Turquie, SOC., «Femmes et religion en Europe» 
			(2) 
			Résolution 1464 (2005) et Doc. 10670, rapporteuse: Mme Rosmarie
ZapflHelbling, Suisse, PPE/DC., et «Situation des femmes maghrébines» 
			(3) 
			Doc. 9487 et Résolution
1293 (2002), rapporteuse: Mme Yvette
Roudy, France, SOC..

Les femmes, premières victimes de l’intégrisme culturel et religieux

3. La commission sur l’égalité des chances pour les femmes et les hommes dénonce régulièrement la menace que représente le relativisme culturel et religieux pour les droits fondamentaux des femmes et des filles. Cette menace est, hélas! particulièrement marquée dans les communautés musulmanes, y compris en Europe. En réalité, les premières victimes du fondamentalisme musulman ne sont souvent ni la société ni le système politique (du fait de la violence intercommunautaire, voire du terrorisme), mais les femmes et les filles, au sein même des communautés. Elles sont en effet nombreuses à subir des atteintes graves, répétées et durables aux droits de l’homme qui sont le fait d’extrémistes de leur communauté ou de proches influencés par l’idéologie extrémiste qu’est le fondamentalisme islamique.
4. Il est donc impératif de lutter contre toute forme de relativisme culturel et religieux touchant aux droits fondamentaux des femmes et des filles. Comme le rappelle le rapporteur de la commission des questions politiques dans ses conclusions (paragraphe 29), «les Etats européens sont fondés sur le principe de la laïcité». M. Mota Amaral propose à juste titre dans son paragraphe 18: «(…) le processus de compréhension mutuelle devrait donner lieu à un débat franc et ouvert sur (…) certaines pratiques – religieuses ou culturelles – qui, bien qu’acceptées ou tolérées par les communautés musulmanes – parfois même en Europe – sont et devraient continuer à être rejetées par les sociétés européennes, comme l’inégalité entre les sexes, les crimes d’honneur, la polygamie, les mariages forcés et le harcèlement (…).» L’Assemblée parlementaire a à plusieurs reprises condamné ces pratiques 
			(4) 
			Doc. 10590, Résolution
1468 (2005) et Recommandation
1723 (2005) sur les mariages forcés et les mariages d’enfants, rapporteuse:
Mme Rosmarie Zapfl-Helbling, Suisse,
PPE/DC.. Ces pratiques restent malheureusement d’actualité, et la commission sur l’égalité des chances entend les dénoncer dans ses prochains travaux, avec la préparation des rapports sur «l’enlèvement et la séquestration de filles et de femmes motivés par des pratiques contraires aux droits de la personne humaine» (rapporteuse: Mme Papadopoulos, Chypre, ADLE) et sur «l’urgence à faire face aux crimes dits d’honneur» (rapporteur: M. Austin, Royaume-Uni, SOC).
5. Même si des pratiques telles que les crimes dits «d’honneur» et les mariages forcés ont peu de défenseurs en Europe à l’exception des extrémistes islamiques, l’idée d’adopter certaines parties de la charia a, hélas! trouvé des partisans. Tout récemment, l’archevêque de Canterbury a estimé que l’adoption de certains aspects de la charia semblait «inévitable» au Royaume-Uni 
			(5) 
			BBC news 24, 7 février
2008, <a href='http://news.bbc.co.uk/1/hi/uk/7232661.stm'>http://news.bbc.co.uk/1/hi/uk/7232661.stm.</a>. Il ne voulait évidemment pas parler de la loi pénale islamique appliquée dans certains pays, mais plutôt de dispositions relevant du droit civil. Quoi qu’il en soit, dans les dispositions – y compris civiles – de la charia (appliquées actuellement au sein des Etats fondamentalistes), la femme n’est pas considérée comme l’égale de l’homme. La commission sur l’égalité des chances pour les femmes et les hommes a adopté, pas plus tard que l’année dernière, un rapport intitulé «Respect du principe d’égalité des sexes en droit civil» 
			(6) 
			Doc. 11177, Recommandation
1798 (2007), rapporteuse: Mme Svetlana
Smirnova, Fédération de Russie, Groupe démocrate européen., qui mettait en évidence plusieurs domaines dans lesquels des dispositions discriminatoires de droit étranger, fondées sur la charia, étaient nettement défavorables aux femmes dans les situations de divorce et de garde d’enfant, pour ne citer que deux exemples.
6. Il convient aussi de noter que les dispositions discriminatoires et extrémistes inspirées de la charia n’ont même pas besoin, hélas! de figurer dans une loi pour être acceptées en tant que système juridique «parallèle» en Europe. Les extrémistes ont gagné un terrain important dans les communautés musulmanes européennes: les femmes et les filles peuvent être – ou se sentir – forcées à adopter certains modes de vie qui ne sont prescrits par aucune loi. Les restrictions ou le sentiment de contrainte qui leur sont imposés par leurs proches (influencés par l’extrémisme) ou la pression du groupe – concernent le port du voile mais peuvent aussi prendre la forme d’atteintes à la liberté de mouvement, telles que l’interdiction de faire du vélo: aux Pays-Bas, une fatwa décrétée en 2007 interdit à la femme musulmane de pratiquer le vélo, car, selon les religieux qui la répandent, «enjamber la selle du vélo suscite chez la femme une excitation sexuelle, et le vélo devient, de ce point de vue, un objet prohibé» 
			(7) 
			Information du site <a href='http://www.elpha.com/'>www.elpha.com</a> relatée par l’organisation Femmes sous lois musulmanes,
«Pays-Bas: une fatwa interdisant aux femmes la pratique du vélo
suscite la polémique», <a href='http://www.wluml.org/'>www.wluml.org,</a> 7 janvier 2008..
7. Comme cela a été souligné par Mme Bilgehan, les femmes immigrées souffrent d’une double discrimination, en raison de leur sexe et de leur origine. Dans sa Résolution 1478 (2006), l’Assemblée a invité les Etats membres à «entreprendre toutes les actions nécessaires pour protéger les droits des femmes immigrées et combattre les discriminations qu’elles subissent au sein de leur communauté d’origine, en refusant toute forme de relativisme culturel ou religieux qui pourrait violer les droits fondamentaux des femmes» (paragraphe 7.14). Je ne peux que réitérer cet appel à lutter contre toutes les formes de ce relativisme culturel et religieux propagé par les fondamentalistes islamiques dont les femmes et les filles musulmanes sont les principales victimes.

Compter sur les femmes pour réussir l’intégration et lutter contre l’extrémisme

8. Les femmes musulmanes ne sont toutefois pas uniquement des victimes du fondamentalisme islamique: elles peuvent aussi être un moteur de changement, non seulement dans leur communauté mais aussi pour l’ensemble de la société. Dans les populations immigrées notamment, on attend souvent des femmes – en tant qu’épouses, filles et mères – qu’elles respectent et transmettent les valeurs «traditionnelles». Malheureusement, ces valeurs ont été corrompues par l’idéologie fondamentaliste islamique, ce qui peut conduire des femmes à imposer à d’autres femmes (leurs filles ou leurs belles-filles, par exemple) des pratiques qui violent les droits de l’homme.
9. A l’inverse, les femmes peuvent aussi être un rempart contre ces pratiques dans leur propre communauté si on leur donne la liberté et les moyens de s’émanciper et l’accès à l’éducation et à la culture des droits de l’homme propres à la société européenne. Comme l’a souligné Mme Bilgehan dans son rapport (op. cit.), l’immigration a changé d’aspect et les femmes représentent actuellement près de la moitié du nombre total de migrants. C’est sur ces femmes que les pays d’accueil doivent compter. Garantir aux femmes immigrées en Europe l’accès à l’éducation, à la formation, à l’emploi, aux droits culturels et sociaux ainsi qu’aux services de santé contribue, j’en suis convaincue, à leur donner les moyens de s’intégrer dans la société et à renforcer la cohésion sociale dans le pays d’accueil – sans oublier les répercussions de cette démarche sur la capacité des communautés musulmanes d’Europe à combattre efficacement l’extrémisme.
10. C’est pourquoi il est aussi important que la dimension de l’égalité entre les femmes et les hommes soit prise en compte dans les mesures proposées par la commission des questions politiques aux paragraphes 8 et 9 du projet de résolution. Trop souvent, les personnes issues de l’immigration qui prennent part à la vie des partis politiques, des syndicats et des ONG sont les seuls hommes. Trop souvent, la voix des femmes musulmanes n’est pas entendue, ni dans leur communauté ni dans la société en général. Il faut donc s’employer tout spécialement à améliorer la position et le rôle des femmes musulmanes en Europe et à dépasser les stéréotypes qui les confinent dans des rôles subalternes et passifs, au moyen, par exemple, d’enseignements scolaires adaptés – y compris les écoles musulmanes lorsqu’elles existent – et de campagnes de sensibilisation dans les médias.

Conclusion

11. Je soutiens donc sans réserve le projet de résolution déposé par mon collègue M. Mota Amaral, et espère que le rapporteur et la commission des questions politiques approuveront les amendements que je propose pour garantir le respect des droits des femmes au sein des communautés musulmanes européennes confrontées à l’extrémisme et la réalisation concrète du potentiel de progrès qu’offrent ces femmes.

Commission saisie du rapport: commission des questions politiques.

Renvoi en commission: Doc. 10705 et Renvoi no 3145 du 7 octobre 2005.

Avis adopté par la commission le 14 avril 2008.

Voir 13e séance, 15 avril 2008 (adoption des projets de résolution et de recommandation amendés); et Résolution 1605 et Recommandation 1831.