Introduction
1. La rapporteuse salue le rapport
préparé par M. Mota Amaral. Les communautés musulmanes européennes
sont confrontées à l’extrémisme. Cette situation a un impact particulier
sur les femmes, qui sont les premières victimes des fondamentalismes
religieux, mais qui peuvent aussi, au sein de leur communauté, être
des actrices de changement important.
2. L’Assemblée parlementaire a abordé la condition de la femme
musulmane en Europe à travers différents rapports, comme «Intégration
des femmes immigrées en Europe»
, «Femmes et religion
en Europe»
, et «Situation
des femmes maghrébines»
.
Les femmes, premières victimes
de l’intégrisme culturel et religieux
3. La commission sur l’égalité
des chances pour les femmes et les hommes dénonce régulièrement
la menace que représente le relativisme culturel et religieux pour
les droits fondamentaux des femmes et des filles. Cette menace est,
hélas! particulièrement marquée dans les communautés musulmanes,
y compris en Europe. En réalité, les premières victimes du fondamentalisme
musulman ne sont souvent ni la société ni le système politique (du
fait de la violence intercommunautaire, voire du terrorisme), mais
les femmes et les filles, au sein même des communautés. Elles sont
en effet nombreuses à subir des atteintes graves, répétées et durables
aux droits de l’homme qui sont le fait d’extrémistes de leur communauté
ou de proches influencés par l’idéologie extrémiste qu’est le fondamentalisme
islamique.
4. Il est donc impératif de lutter contre toute forme de relativisme
culturel et religieux touchant aux droits fondamentaux des femmes
et des filles. Comme le rappelle le rapporteur de la commission
des questions politiques dans ses conclusions (paragraphe 29), «les
Etats européens sont fondés sur le principe de la laïcité». M. Mota
Amaral propose à juste titre dans son paragraphe 18: «(…) le processus
de compréhension mutuelle devrait donner lieu à un débat franc et
ouvert sur (…) certaines pratiques – religieuses ou culturelles –
qui, bien qu’acceptées ou tolérées par les communautés musulmanes
– parfois même en Europe – sont et devraient continuer à être rejetées
par les sociétés européennes, comme l’inégalité entre les sexes,
les crimes d’honneur, la polygamie, les mariages forcés et le harcèlement
(…).» L’Assemblée parlementaire a à plusieurs reprises condamné
ces pratiques
. Ces pratiques restent malheureusement
d’actualité, et la commission sur l’égalité des chances entend les
dénoncer dans ses prochains travaux, avec la préparation des rapports
sur «l’enlèvement et la séquestration de filles et de femmes motivés
par des pratiques contraires aux droits de la personne humaine»
(rapporteuse: Mme Papadopoulos, Chypre,
ADLE) et sur
«l’urgence à faire face
aux crimes dits d’honneur» (rapporteur: M. Austin, Royaume-Uni,
SOC).
5. Même si des pratiques telles que les crimes dits «d’honneur»
et les mariages forcés ont peu de défenseurs en Europe à l’exception
des extrémistes islamiques, l’idée d’adopter certaines parties de
la charia a, hélas! trouvé des partisans. Tout récemment, l’archevêque
de Canterbury a estimé que l’adoption de certains aspects de la
charia semblait «inévitable» au Royaume-Uni
. Il ne voulait évidemment pas parler
de la loi pénale islamique appliquée dans certains pays, mais plutôt
de dispositions relevant du droit civil. Quoi qu’il en soit, dans
les dispositions – y compris civiles – de la charia (appliquées
actuellement au sein des Etats fondamentalistes), la femme n’est
pas considérée comme l’égale de l’homme. La commission sur l’égalité
des chances pour les femmes et les hommes a adopté, pas plus tard
que l’année dernière, un rapport intitulé «Respect du principe d’égalité
des sexes en droit civil»
,
qui mettait en évidence plusieurs domaines dans lesquels des dispositions
discriminatoires de droit étranger, fondées sur la charia, étaient
nettement défavorables aux femmes dans les situations de divorce
et de garde d’enfant, pour ne citer que deux exemples.
6. Il convient aussi de noter que les dispositions discriminatoires
et extrémistes inspirées de la charia n’ont même pas besoin, hélas!
de figurer dans une loi pour être acceptées en tant que système
juridique «parallèle» en Europe. Les extrémistes ont gagné un terrain
important dans les communautés musulmanes européennes: les femmes
et les filles peuvent être – ou se sentir – forcées à adopter certains
modes de vie qui ne sont prescrits par aucune loi. Les restrictions
ou le sentiment de contrainte qui leur sont imposés par leurs proches (influencés
par l’extrémisme) ou la pression du groupe – concernent le port
du voile mais peuvent aussi prendre la forme d’atteintes à la liberté
de mouvement, telles que l’interdiction de faire du vélo: aux Pays-Bas, une
fatwa décrétée en 2007 interdit à la femme musulmane de pratiquer
le vélo, car, selon les religieux qui la répandent,
«enjamber la selle du vélo suscite chez la
femme une excitation sexuelle, et le vélo devient, de ce point de
vue, un objet prohibé» .
7. Comme cela a été souligné par Mme Bilgehan,
les femmes immigrées souffrent d’une double discrimination, en raison
de leur sexe et de leur origine. Dans sa
Résolution 1478 (2006), l’Assemblée a invité les Etats membres à
«entreprendre toutes les actions nécessaires
pour protéger les droits des femmes immigrées et combattre
les discriminations qu’elles subissent au sein de leur communauté
d’origine, en refusant toute forme de relativisme culturel ou religieux
qui pourrait violer les droits fondamentaux des femmes» (paragraphe
7.14). Je ne peux que réitérer cet appel à lutter contre toutes
les formes de ce relativisme culturel et religieux propagé par les
fondamentalistes islamiques dont les femmes et les filles musulmanes
sont les principales victimes.
Compter sur les femmes pour réussir
l’intégration et lutter contre l’extrémisme
8. Les femmes musulmanes ne sont
toutefois pas uniquement des victimes du fondamentalisme islamique:
elles peuvent aussi être un moteur de changement, non seulement
dans leur communauté mais aussi pour l’ensemble de la société. Dans
les populations immigrées notamment, on attend souvent des femmes
– en tant qu’épouses, filles et mères – qu’elles respectent et transmettent
les valeurs «traditionnelles». Malheureusement, ces valeurs ont
été corrompues par l’idéologie fondamentaliste islamique, ce qui
peut conduire des femmes à imposer à d’autres femmes (leurs filles
ou leurs belles-filles, par exemple) des pratiques qui violent les
droits de l’homme.
9. A l’inverse, les femmes peuvent aussi être un rempart contre
ces pratiques dans leur propre communauté si on leur donne la liberté
et les moyens de s’émanciper et l’accès à l’éducation et à la culture des
droits de l’homme propres à la société européenne. Comme l’a souligné
Mme Bilgehan dans son rapport (op. cit.), l’immigration a changé
d’aspect et les femmes représentent actuellement près de la moitié
du nombre total de migrants. C’est sur ces femmes que les pays d’accueil
doivent compter. Garantir aux femmes immigrées en Europe l’accès
à l’éducation, à la formation, à l’emploi, aux droits culturels
et sociaux ainsi qu’aux services de santé contribue, j’en suis convaincue,
à leur donner les moyens de s’intégrer dans la société et à renforcer
la cohésion sociale dans le pays d’accueil – sans oublier les répercussions
de cette démarche sur la capacité des communautés musulmanes d’Europe
à combattre efficacement l’extrémisme.
10. C’est pourquoi il est aussi important que la dimension de
l’égalité entre les femmes et les hommes soit prise en compte dans
les mesures proposées par la commission des questions politiques
aux paragraphes 8 et 9 du projet de résolution. Trop souvent, les
personnes issues de l’immigration qui prennent part à la vie des partis
politiques, des syndicats et des ONG sont les seuls hommes. Trop
souvent, la voix des femmes musulmanes n’est pas entendue, ni dans
leur communauté ni dans la société en général. Il faut donc s’employer
tout spécialement à améliorer la position et le rôle des femmes
musulmanes en Europe et à dépasser les stéréotypes qui les confinent
dans des rôles subalternes et passifs, au moyen, par exemple, d’enseignements
scolaires adaptés – y compris les écoles musulmanes lorsqu’elles
existent – et de campagnes de sensibilisation dans les médias.
Conclusion
11. Je soutiens donc sans réserve
le projet de résolution déposé par mon collègue M. Mota Amaral,
et espère que le rapporteur et la commission des questions politiques
approuveront les amendements que je propose pour garantir le respect
des droits des femmes au sein des communautés musulmanes européennes confrontées
à l’extrémisme et la réalisation concrète du potentiel de progrès
qu’offrent ces femmes.
Commission saisie du rapport: commission des questions politiques.
Renvoi en commission: Doc. 10705 et Renvoi no 3145 du 7 octobre 2005.
Avis adopté par la commission le 14 avril 2008.
Voir 13e séance, 15 avril 2008 (adoption des projets de résolution
et de recommandation amendés); et Résolution 1605 et Recommandation
1831.