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Avis de commission | Doc. 11576 | 15 avril 2008

Accès à un avortement sans risque et légal en Europe

(Ancienne) Commission des questions sociales, de la santé et de la famille

Rapporteure : Mme Christine McCAFFERTY, Royaume-Uni

Origine - Voir le Doc. 11537 de la commission sur l’égalité des chances pour les femmes et les hommes. 2008 - Deuxième partie de session

A. Conclusions de la commission

(open)
1. La commission des questions sociales, de la santé et de la famille remercie la commission sur l’égalité des chances pour les femmes et les hommes et sa rapporteuse pour leur excellent rapport, qui met en évidence les importants obstacles que l’Europe doit surmonter pour offrir aux femmes l’accès à un avortement médicalisé et légal.
2. La commission reconnaît qu’un certain nombre de pays d’Europe font des progrès constants concernant certains aspects des services de santé génésique et exhorte tous les Etats membres à faire le nécessaire pour faciliter l’accès à toutes les méthodes de planning familial et contribuer ainsi à améliorer la santé maternelle, à réduire le nombre de grossesses non désirées et les avortements qui en résultent en Europe.
3. La commission approuve pleinement les recommandations faites et souligne les répercussions sur la santé publique de la criminalisation de l’avortement, des avortements à risque, des carences en matière de contraception et du manque d’information et d’éducation concernant la santé sexuelle et génésique.

B. Exposé des motifs, par Mme McCafferty

(open)
1. En Europe, le taux de mortalité maternelle est l’un des plus bas du monde. Les taux d’avortement sont très bas en Europe de l’Ouest et relativement bas en Europe du Nord et du Sud. Dans ces zones géographiques, la plupart des avortements sont légaux et leur incidence est faible depuis plusieurs dizaines d’années 
			(1) 
			Source:
OMS Europe, Entre Nous, the European
Magazine for sexual and reproductive health, p. 5, et
FNUAP, Abortion in Europe,
no 59, 2005.. La commission insiste sur le fait que le meilleur moyen de limiter les recours à l’avortement consiste avant tout à aider les femmes à éviter les grossesses non désirées.
2. En Europe l’estimation du nombre d’avortements à risque varie entre 500 000 et 800 000 par an 
			(2) 
			Ibid., chiffre qui s’explique par l’accès insuffisant à l’information, à l’éducation et aux services compétents, ainsi que par les lois restrictives en vigueur en matière d’avortement.
3. Dans les pays d’Europe de l’Est, l’incidence des avortements – médicalisés ou non – est élevée. Le niveau de mortalité féminine, également élevé, est dû à des législations plutôt restrictives en matière d’avortement et à l’accès insuffisant à des services médicalisés d’interruption de grossesse.
4. En République de Moldova, en 2003, 50 % des décès maternels ont eu pour cause un avortement non médicalisé et, entre 1990 et 2002, 30 % de la totalité des décès maternels avaient un rapport avec un avortement. En Ukraine, en 1998, les avortements à risque ont entraîné 35 % des décès maternels. Ce chiffre a été ramené à 23 % en 2002 et, en 2003, on n’a enregistré aucun décès maternel dû à un avortement à risque.
5. Dans les pays de l’ex-URSS, l’action des donateurs internationaux et des services gouvernementaux a permis d’améliorer l’accès aux informations et aux produits utiles pour la planification des naissances 
			(3) 
			Lancet
Journal, vol. 370, no 9595, 13-19 octobre 2007, p. 1341
et pp. 1283-1382..
6. Ces constatations confirment qu’il est nécessaire d’améliorer et de multiplier sans cesse les services de planning familial et les informations qu’ils communiquent. Elles confirment également qu’il n’y a pas de corrélation entre le taux de fécondité et l’accès à l’avortement. En effet, les taux de fécondité sont restés au même niveau alors que le taux d’avortement a diminué.
7. La commission est préoccupée par le fait que les législations restrictives en matière d’avortement conduisent de nombreuses femmes à se rendre à l’étranger pour accéder à des services pratiquant des avortements médicalisés (phénomène du «tourisme de l’avortement»). En Irlande, l’avortement est illégal. Selon les statistiques de l’Association irlandaise pour le planning familial, en 2006, 5 042 femmes irlandaises sont allées avorter au Royaume-Uni 
			(4) 
			Irish Family Planning
Association <a href='http://www.ifpa.ie/abortion/index'>(http://www.ifpa.ie/abortion/index.</a> html)..
8. En Pologne, où l’avortement est illégal, ce «tourisme» est aussi un problème. Cependant, dans ce pays, beaucoup de cliniques privées pratiquent des interruptions volontaires de grossesse médicalisées, d’où le faible taux de mortalité féminine. Il semblerait que l’Eglise et l’Etat ferment les yeux sur cette pratique.
9. Les législations restrictives en matière d’interruption volontaire de grossesse ne diminuent pas l’incidence des avortements, mais provoquent au contraire le «tourisme de l’avortement», des avortements illégaux dans des cliniques privées ou des avortements non médicalisés qui entraînent un fort taux de mortalité des femmes enceintes.
10. Limiter l’accès aux services d’avortement ne réduit pas le nombre d’avortements mais seulement les possibilités offertes aux femmes, ce qui contribue à reporter inutilement le moment de l’opération.
11. De plus, la commission note que, lorsque l’avortement est illégal et que les femmes ont recours à des opérations risquées, des soins obstétriques d’urgence doivent souvent être prodigués. Or ces soins pèsent lourdement, aux plans humain et financier, sur les systèmes de santé existants.
12. La dépénalisation de l’avortement permettra, in fine, de préserver la vie, de réduire les dépenses de santé et de mieux répondre aux besoins concrets des femmes.
13. La commission note en outre que, selon les statistiques nationales, en matière d’avortement, risque rime avec illégalité et sûreté avec légalité 
			(5) 
			Idem.. Ces données montrent que les législations libérales en matière d’avortement ne s’accompagnent pas davantage d’un nombre d’avortements supérieur que les législations très restrictives d’un nombre d’avortements inférieur 
			(6) 
			Idem..
14. De la même manière, il y a une corrélation étroite entre l’accès et le recours à des services de planning familial abordables, adaptés et acceptables et l’incidence réduite de l’avortement. La diminution du nombre d’avortements est inversement proportionnelle à l’utilisation du planning familial, ce que confirme l’analyse des tendances en Europe de l’Est.
15. Dispenser, à l’école, une éducation sexuelle adaptée à l’âge et au sexe des enfants, et donner accès à des conseils et à des services neutres et abordables sont des éléments essentiels qui permettent d’éviter les grossesses non désirées et les avortements qui en découlent.
16. Les Pays-Bas constituent un exemple remarquable: ce pays, qui a mis en place une législation sur l’interruption volontaire de grossesse très libérale, des enseignements scolaires relatifs à la sexualité bien adaptés à l’âge des enfants et un système d’information de qualité en matière de planning familial, a la plus basse incidence d’avortements en Europe.
17. La commission félicite la rapporteuse pour ses recommandations qui préconisent de dépénaliser l’avortement, de garantir aux femmes la liberté de choix et le droit à l’avortement, et d’adopter des politiques et des stratégies appropriées en matière de santé sexuelle et génésique – se traduisant notamment par un accès abordable, adapté et acceptable à des informations, à une éducation et à des services relatifs à la planification familiale, et plus particulièrement par la mise en place de cours sur la sexualité pour les jeunes, obligatoires et adaptés à leur âge.
18. La commission recommande que soient respectés les principes énoncés lors de la Conférence internationale sur la population et le développement (CIPD), tenue au Caire en 1994, au cours de laquelle 179 pays sont convenus de 
			(7) 
			Paragraphe
8.25 du Programme d’action de la Conférence internationale sur la
population et le développement, disponible à l’adresse suivante: <a href='http://www.unfpa.org/french/icpd/icpd_poa.htm'>http://www.unfpa.org/french/icpd/icpd_poa.htm#ch2.</a> Résumé disponible en anglais à l’adresse: <a href='http://www.unfpa.org/icpd/summary.htm'>http://www.unfpa.org/icpd/summary.htm.</a>:
«(…) renforcer leur engagement en faveur de la santé de la femme, [à] traiter les conséquences des avortements pratiqués dans de mauvaises conditions de sécurité 
			(8) 
			On
entend par avortement pratiqué dans de mauvaises conditions de sécurité
une interruption de grossesse non désirée pratiquée par des personnes
n’ayant pas les compétences requises et/ou dans un environnement
ne respectant pas les normes médicales minimales (définition fondée
sur le rapport d’un groupe de travail technique de l’Organisation mondiale
de la santé sur la prévention et la gestion des avortements non
médicalisés: «The Prevention and Management of Unsafe Abortion»,
Genève, avril 1992 (WHO/MSM/92.5)). en tant que problème majeur de santé publique et [à] réduire le recours à l’avortement en étendant et en améliorant les services de planification familiale. La plus haute priorité doit toujours être accordée à la prévention des grossesses non désirées et tout devrait être fait pour éliminer la nécessité de recourir à l’avortement. Les femmes qui ont des grossesses non désirées devraient avoir facilement accès à une information fiable et à des conseils empreints de compréhension (…). Dans tous les cas, les femmes devraient avoir accès à des services de qualité pour remédier aux complications découlant d’un avortement. Après un avortement, des services de conseil, d’éducation et de planification familiale devraient être offerts rapidement, ce qui contribuera également à éviter des avortements répétés.»

C. Propositions d’amendements à apporter au projet de résolution (les mots à ajouter au projet de résolution sont en caractères gras et soulignés, ceux à supprimer sont entre crochets).

(open)

Amendement A (au projet de résolution)

Paragraphe 2:

Dans la plupart des Etats membres du Conseil de l’Europe, la loi autorise l’avortement pour sauver la vie de la mère. Dans la majorité des autres pays d’Europe, l’avortement est autorisé pour des raisons diverses, notamment la préservation de la santé physique et mentale de la mère, mais aussi dans les situations de viol ou d’inceste, en cas d’anomalie fœtale ou pour des motifs économiques et sociaux, et, dans certains pays, sur simple demande. [Bien que l’avortement soit légal dans la grande majorité des Etats membres du Conseil de l’Europe,] L’Assemblée est néanmoins préoccupée par le fait que, dans beaucoup de ces pays, de nombreuses conditions sont imposées et restreignent de ce fait l’accès effectif à [un] des services d’avortement sans risque, abordables, acceptables et adaptés. Ces restrictions produisent des effets discriminatoires, puisque les femmes qui sont bien informées et qui ont des moyens financiers appropriés peuvent souvent avoir plus facilement recours à l’avortement légal et sans risque.

Amendement B (au projet de résolution)

Paragraphe 3:

L’Assemblée note également que, même dans les Etats membres où l’avortement est autorisé pour diverses raisons [légal], les conditions ne sont pas toujours réunies pour garantir à la femme l’accès effectif à ce droit: le manque de structures de soins de proximité, le manque de médecins qui acceptent de pratiquer l’avortement, les consultations médicales obligatoires répétées, les délais de réflexion et les délais d’attente pour obtenir un avortement sont autant de conditions qui peuvent rendre l’accès à [l’] des services d’avortement sans risque, abordables, acceptables et adaptés plus difficile, voire impossible dans les faits.

Amendement C (au projet de résolution)

Paragraphe 4:

L’Assemblée considère que l’avortement ne doit pas être interdit. Interdire l’avortement n’aboutit pas à réduire le nombre d’avortements: cela mène surtout à des avortements clandestins, plus traumatisants [et plus dangereux], et contribue à l’augmentation de la mortalité maternelle et/ou au développement du «tourisme de l’avortement», qui est coûteux, reporte le moment de l’avortement et donne lieu à des inégalités sociales. L’avortement illégal n’entraîne pas d’effet sur le besoin de la femme de recourir à l’avortement, mais plutôt sur son accès à un avortement sans risque.

Amendement D (au projet de résolution)

Paragraphe 5:

Tout prouve [L’Assemblée est convaincue] que des politiques et des stratégies appropriées [en matière de santé sexuelle et reproductive] concernant les droits et la santé en matière de sexualité et de procréation, y compris l’éducation sexuelle et relationnelle obligatoire pour les jeunes, adaptée à leur âge et à leur sexe [contribueraient à avoir moins souvent], auraient pour conséquence moins de recours à l’avortement. L’éducation et l’information, universelles et neutres, sur la sexualité et les relations interpersonnelles, réduisent, comme l’accessibilité des services de planning familial, le nombre de grossesses non désirées et les avortements qui s’ensuivent.

Amendement E (au projet de résolution)

Paragraphe 7.2:à garantir l’exercice effectif du droit des femmes à la santé, notamment à un avortement sans risque [à l’avortement].

Amendement F (au projet de résolution)

Paragraphe 7.5:à adopter, concernant les droits et la santé en matière de sexualité et de procréation [en matière de santé sexuelle et reproductive], des politiques et des stratégies appropriées fondées sur des faits [fondées sur des données solides et fiables], pour garantir la poursuite des améliorations et de l’expansion de [la prestation de] services de contraception, d’éducation et d’information sur la sexualité et les relations interpersonnelles où les jugements n’entrent pas en ligne de compte grâce à une augmentation des investissements à partir des budgets nationaux visant à améliorer les régimes de santé, les fournitures pour la santé reproductive et l’information [la diffusion d’informations].

Amendement G (au projet de résolution)

Paragraphe 7.7:à instituer une éducation sexuelle et relationnelle obligatoire des jeunes [à la sexualité], adaptée à leur âge et à leur sexe (entre autres, à l’école), afin d’éviter [le plus grand nombre possible de] les grossesses non désirées (et donc les avortements).

Annexe

(open)

Tableau 1: Motifs d’autorisation de l’avortement – pourcentage d’Etats européens membres de l’OMS 
			(9) 
			OMS Europe, Entre Nous, the European Magazine for sexual
and reproductive health, p. 4, et FNUAP, Abortion in Europe, no 59, 2005.

Graphic

Tableau 2: Estimation du nombre d’interruptions volontaires de grossesse médicalisées ou non par région et sous-régions en Europe, 2003 
			(10) 
			Lancet Journal, vol. 370, no 9595,
13-19 octobre 2007, p. 1341 et pp. 1283-1382.

 

Nombre d’avortements (millions)

Taux d’avortement (nombre d’avortements pour 1 000 femmes âgées de 15 à 44 ans)

 

Total

médicalisés

à risque

total

médicalisés

à risque

Europe de l’Est

3,0

2,7

0,4

44

39

5

Europe du Nord

0,3

0,3

+

17

17

++

Europe du Sud

0,6

0,5

0,1

18

15

3

Europe de l’Ouest

0,4

0,4

+

12

12

++

+ moins de 0,05

++ moins de 0,5

Tableau 3: Estimation sous-régionale des taux d’avortement et pourcentage de grossesses se terminant par un avortement, 2003

 

Taux d’avortement (pour 1 000 naissances)

Pourcentage de grossesses se terminant par un avortement

 

Total

médicalisés

à risque

total

médicalisés

à risque

Europe de l’Est

105

92

13

45

39

5

Europe du Nord

31

31

++

20

20

++

Europe du Sud

38

31

7

24

19

4

Europe de l’Ouest

23

23

++

16

16

++

++ moins de 0,5

Commission chargée du rapport: commission sur l’égalité des chances pour les femmes et les hommes.

Commission saisie pour avis: commission des questions sociales, de la santé et de la famille.

Renvoi en commission: Doc. 10802 et Renvoi no 3175 du

27 janvier 2006.

Avis approuvé par la commission le 14 avril 2008.

Voir 15e séance, 16 avril 2008 (adoption du projet de résolution amendé); et Résolution 1607.