Proposition de recommandation | Doc. 11481 | 09 janvier 2008
Les seuils électoraux lors des législatives et leurs effets sur la représentativité des parlements dans les Etats membres du Conseil de l'Europe
Les élections libres et équitables sont une condition préalable de la démocratie.
La démocratie représentative est un principe clé des systèmes démocratiques.
La question de la représentativité des parlements et du droit des citoyens d’être tous représentés est un défi majeur de l’ensemble du processus démocratique.
La question des seuils est étroitement liée à la représentativité de la démocratie.
La nécessité de parvenir à des majorités parlementaires stables ne peut justifier qu’un nombre important de citoyens soient privés de leur droit d’être représentés au parlement.
En raison d’un seuil de 10 % lors des législatives de 2002 en Turquie, 45 % des électeurs n’ont pas été représentés au parlement. Le nouveau parlement élu en 2007 est plus représentatif et reflète 90 % des suffrages exprimés, mais ce résultat s’explique essentiellement par le fait que les partis d’opposition ont favorisé des candidats indépendants qu’ils soutenaient et qui n’étaient pas liés par le seuil électoral au niveau national. La question d’un seuil lors des législatives de Turquie est en cours d’examen devant la Grande Chambre de la Cour européenne des Droits de l’Homme.
Il en est allé de même lors des élections législatives de 1995 en Russie, où un seuil de 5 % a exclu des partis qui avaient recueilli plus de 20 % des suffrages au total. Cependant, le seuil a été relevé à 7 % depuis. Cette mesure n’a pas eu d’incidences marquantes sur les élections 2007, car «Russie unie», le parti qui les a remportées, a bénéficié d’un soutien plus large.
A la suite de la crise récente de Géorgie, le seuil de 7 % a été abaissé à 5 %, ce qui reste toujours relativement élevé. Plusieurs Etats membres du Conseil de l’Europe ont défini des seuils analogues.
Lors des élections ukrainiennes de mars 2006, pour lesquelles subsistait un seuil de 3 %, 22 % des électeurs ont été de fait privés de leurs droits, car ils avaient voté pour de «petits» candidats. Un parti, le Bloc d’opposition populaire de Natalia Vitrenko, a obtenu plus de 3 % des suffrages valables, mais il n’a pas franchi le seuil global de 3 % (qui comprenait les bulletins nuls, c’est-à-dire ceux qui étaient blancs ou mal complétés).
Les seuils électoraux peuvent avoir des effets pervers dans le cas où de petits partis, incapables de franchir le seuil requis, privent de voix les autres partis ayant une idéologie analogue, si bien qu’ils faussent le résultat final et l’équilibre des pouvoirs.
Les partis fragiles qui sont confrontés à un seuil sont fréquemment pris dans un cercle vicieux: s’ils sont perçus comme n’ayant aucune chance de passer la barre, ils ne peuvent bénéficier d’un soutien populaire important et ils ont d’autant moins de chance de jamais dépasser le seuil.
La simple existence d’un seuil peut avoir un effet dissuasif sur les partis, qui décident parfois de ne présenter aucun candidat.
Aux stades les plus avancés de la démocratie, l’ensemble des positions et intérêts politiques devraient être représentés. L’Assemblée invite le Comité des Ministres à évaluer l’effet de seuils élevés et de mesures équivalentes sur la représentativité des parlements dans les différents systèmes électoraux des Etats membres du Conseil de l’Europe.