1. La commission de la culture,
de la science et de l’éducation s’intéresse depuis des années à
des questions étroitement liées au thème du présent rapport. Dans
ce contexte, nous tenons à rappeler les Recommandations de l’Assemblée
1162 (1991) sur la contribution de la civilisation islamique à la
culture européenne (rapporteur: Lluís Maria de Puig);
1202 (1993) sur la tolérance religieuse dans une société démocratique
(rapporteuse: Leni Fischer);
1396 (1999) sur «religion et démocratie» (rapporteur: Lluís Maria de
Puig);
1687 (2004) sur «combattre le terrorisme par la culture» (rapporteur:
Valeri Sudarenkov);
1720 (2005) sur «éducation et religion» (rapporteur: André Schneider);
1804 (2007) sur «Etat, religion, laïcité et droits de l’homme» (rapporteur:
Lluís Maria de Puig); et
1805 (2007) sur «blasphème, insultes à caractère religieux et incitation
à la haine contre des personnes au motif de leur religion» (rapporteuse:
Sinikka Hurskainen).
2. Le rapporteur de la commission des questions politiques, M. Mota
Amaral, souligne, à juste titre, la distinction entre l’islam et
l’intégrisme islamique. Nous souhaitons aller au-delà et insister
sur la distinction entre l’islam en tant que religion et certaines
pratiques inadmissibles, comme les «crimes d’honneur», la lapidation
et la mutilation génitale infligée aux femmes, qui y sont associées.
3. Le fait que la torture, les mutilations et la peine de mort
continuent d’être pratiquées par des pays dont la population est
essentiellement musulmane ne doit pas non plus être directement
lié à la religion elle-même. Des éclaircissements sur ces questions
contribueraient certainement à donner une meilleure image de l’islam. De
nos jours, on enregistre des exécutions capitales et des allégations
de torture dans certaines démocraties parmi les plus avancées du
monde. Par conséquent, il est inadmissible d’associer ces pratiques
inhumaines à telle ou telle religion.
4. Tout en étant d’accord avec la commission des questions politiques
sur la nécessité de lutter contre l’islamophobie et de reconnaître
que la liberté d’expression est un droit fondamental, votre rapporteur
souligne qu’il faut éviter l’usage abusif de la liberté d’expression
pour légitimer des propos discriminatoires et haineux à l’égard
des musulmans et surveiller de près la ligne de démarcation ténue
entre la critique objective et l’incitation à la haine ou à la discrimination,
afin de ne pas faire basculer dans l’intégrisme les communautés musulmanes
vivant en Europe.
5. Il faut prévenir la diffusion de stéréotypes présentant l’islam
comme contraire aux valeurs européennes fondamentales. En fait,
comme le reconnaît le rapport, plusieurs Etats membres du Conseil
de l’Europe, dont le mien, ont une tradition islamique. Dans ce
contexte, il faut encourager le débat au sein des médias et parmi les
publicitaires pour éviter de propager des préjugés et de donner
une image tendancieuse des communautés musulmanes.
6. Il convient, à notre avis, de mettre l’accent sur l’importance
de l’éducation: l’éducation à la citoyenneté démocratique, l’éducation
aux droits de l’homme – voir la
Recommandation 1346 (1997) –, l’éducation sur les religions – voir la
Recommandation 1720 (2005) –, et l’éducation visant à dépasser les prétendues différences –
voir la
Recommandation
1682 (2004). Mlle Keaveney élabore actuellement
un rapport sur l’enseignement de l’histoire des conflits récents.
Etant donné que l’Europe est la principale destination de nombreux
migrants d’origines différentes, il faut, par l’éducation, promouvoir
en Europe une culture de tolérance. Par conséquent, les manuels
scolaires ne doivent pas présenter une interprétation déformée de
l’histoire culturelle et religieuse, ni décrire l’islam comme un
monde hostile et menaçant.
7. Il appartient à la société, à tous les niveaux (de l’école
aux médias), d’éviter la promotion des stéréotypes et des antagonismes.
8. Il faut se féliciter de l’initiative prise par le Département
turc des affaires religieuses de charger une équipe de théologiens
de l’université d’Ankara d’effectuer une révision de fond de l’Hadith
de manière à prévenir les interprétations erronées de l’islam, et
encourager une telle initiative. Il semble que certaines des positions
les plus extrémistes attribuées à l’islam soient précisément fondées
sur une interprétation erronée des textes, comme l’idée selon laquelle
les auteurs d’attentats-suicides peuvent être considérés comme des martyrs
et recueillent au ciel les fruits de leur sacrifice.
9. Comme le souligne la
Recommandation
1804 (2007), nous estimons qu’il n’appartient pas au Conseil de
l’Europe de s’immiscer dans le dialogue religieux. Il n’a donc pas
à déterminer ce qui doit être enseigné dans les écoles de confession
islamique ni à encourager les jeunes musulmans européens à devenir
imams.
10. Nous soutenons la recommandation de la commission des questions
politiques visant à encourager le développement d’une intelligentsia
qui partage les valeurs du Conseil de l’Europe parmi les organisations,
les dirigeants et les chefs d’opinion musulmans européens.
11. Les documents du Conseil de l’Europe font généralement référence
au «dialogue interculturel et à sa dimension religieuse» et non
pas au «dialogue interculturel et interreligieux».
12. Le Conseil de l’Europe doit, en effet, renforcer sa coopération
dans le domaine du dialogue interculturel avec l’Union européenne
et d’autres organisations internationales compétentes qui partagent
les mêmes valeurs.
13. Il faut encourager les communautés musulmanes vivant à l’étranger
à s’intégrer dans les sociétés locales. Toutefois, intégrer les
membres des communautés musulmanes dans la société et prévenir leur exclusion
sociale est un processus bilatéral et exige aussi des efforts de
la part des pays d’accueil.
14. Les pays d’accueil doivent prendre les mesures nécessaires
pour empêcher la discrimination à l’égard des communautés musulmanes
s’agissant des conditions dans lesquelles elles organisent et pratiquent
leur culte, car la religion fait partie intégrante de l’identité
culturelle de ces communautés. Dans ce contexte, il faut supprimer
tout obstacle juridique ou administratif sans objet à la construction
d’un nombre suffisant de lieux de culte adaptés à la pratique de
la religion islamique.
15. Il convient d’établir un code de conduite pour lutter contre
toutes les discriminations religieuses pratiquées dans le cadre
de l’accès à l’emploi et sur le lieu de travail.
Commission chargée du rapport: commission des questions politiques.
Commission saisie pour avis: commission de la culture, de
la science et de l’éducation.
Renvoi en commission: Doc. 10705 et Renvoi no 3145, 7 octobre
2005.
Avis approuvé par la commission le 14 avril 2008.
Voir 13e séance, 15 avril 2008
(adoption des projets de résolution et de recommandation amendés);
et Résolution 1605 et Recommandation
1831.