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Avis de commission | Doc. 11570 | 14 avril 2008

Les communautés musulmanes européennes face à l’extrémisme

(Ancienne) Commission de la culture, de la science et de l'éducation

Rapporteur : M. Mehmet TEKELİOĞLU, Turquie, PPE/DC

A. Conclusions de la commission

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1. La commission de la culture, de la science et de l’éducation soutient globalement le rapport de M. Mota Amaral, rapporteur de la commission des questions politiques. Dans ce contexte, elle tient à rappeler ses propres rapports et les recommandations formulées par l’Assemblée sur des thèmes connexes au cours des dernières années.
2. A notre avis, il convient de mettre l’accent sur l’importance de l’éducation, concernant aussi bien la citoyenneté démocratique et les droits de l’homme que les religions; il faut aussi dispenser une formation visant à dépasser les prétendues différences (quant au passé historique des autres peuples, par exemple).
3. A notre avis, pour éviter l’extrémisme dirigé contre les communautés musulmanes vivant en Europe, il faut encourager l’intégration de ces communautés dans les sociétés locales; c’est ainsi que l’on peut soustraire les communautés musulmanes à une discrimination liée à l’exclusion sociale. Toutefois, cette intégration ne doit pas se faire au détriment de leur identité culturelle qu’il faut, par conséquent, préserver.

B. Amendements

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Amendements au projet de résolution proposés par la commission

Amendement A (au projet de résolution)

Au paragraphe 1, remplacer les mots «l’intégrisme islamique» par «l’islam».

Amendement B (au projet de résolution)

Après l’alinéa 8.5.4, ajouter le nouvel alinéa suivant:

«en supprimant tout obstacle juridique ou administratif non nécessaire à la construction d’un nombre suffisant de lieux de culte adaptés à la pratique de la religion islamique;».

Amendement C (au projet de résolution)

Après l’alinéa 8.5.4, ajouter le nouvel alinéa suivant:

«en s’assurant que les manuels d’école ne donnent pas de l’islam l’image d’une religion hostile ou menaçante;».

Amendements au projet de recommandation proposés par la commission

Amendement D (au projet de recommandation)

Au paragraphe 1, remplacer les mots «dialogue interculturel et interreligieux» par les mots «dialogue interculturel et de sa dimension religieuse».

Amendement E (au projet de recommandation)

Au paragraphe 2: remplacer les mots «conclusion récente d’un mémorandum d’accord» par «la récente lettre d’intention concernant la coopération».

Amendement F (au projet de recommandation)

Au paragraphe 4.1, remplacer les mots «dialogue interculturel et interreligieux» par les mots «dialogue interculturel et de sa dimension religieuse».

Amendement G (au projet de recommandation)

Au paragraphe 4.2, remplacer les mots «de soutenir et de mettre en œuvre activement le mémorandum d’accord» par les mots «à la suite de la lettre d’intention»; et ajouter à la fin du même paragraphe les mots «, de soutenir la conclusion d’un mémorandum d’accord entre le Conseil de l’Europe et l’Alliance des civilisations».

C. Exposé des motifs, par M. Mehmet Tekelioğlu

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1. La commission de la culture, de la science et de l’éducation s’intéresse depuis des années à des questions étroitement liées au thème du présent rapport. Dans ce contexte, nous tenons à rappeler les Recommandations de l’Assemblée 1162 (1991) sur la contribution de la civilisation islamique à la culture européenne (rapporteur: Lluís Maria de Puig); 1202 (1993) sur la tolérance religieuse dans une société démocratique (rapporteuse: Leni Fischer); 1396 (1999) sur «religion et démocratie» (rapporteur: Lluís Maria de Puig); 1687 (2004) sur «combattre le terrorisme par la culture» (rapporteur: Valeri Sudarenkov); 1720 (2005) sur «éducation et religion» (rapporteur: André Schneider); 1804 (2007) sur «Etat, religion, laïcité et droits de l’homme» (rapporteur: Lluís Maria de Puig); et 1805 (2007) sur «blasphème, insultes à caractère religieux et incitation à la haine contre des personnes au motif de leur religion» (rapporteuse: Sinikka Hurskainen).
2. Le rapporteur de la commission des questions politiques, M. Mota Amaral, souligne, à juste titre, la distinction entre l’islam et l’intégrisme islamique. Nous souhaitons aller au-delà et insister sur la distinction entre l’islam en tant que religion et certaines pratiques inadmissibles, comme les «crimes d’honneur», la lapidation et la mutilation génitale infligée aux femmes, qui y sont associées.
3. Le fait que la torture, les mutilations et la peine de mort continuent d’être pratiquées par des pays dont la population est essentiellement musulmane ne doit pas non plus être directement lié à la religion elle-même. Des éclaircissements sur ces questions contribueraient certainement à donner une meilleure image de l’islam. De nos jours, on enregistre des exécutions capitales et des allégations de torture dans certaines démocraties parmi les plus avancées du monde. Par conséquent, il est inadmissible d’associer ces pratiques inhumaines à telle ou telle religion.
4. Tout en étant d’accord avec la commission des questions politiques sur la nécessité de lutter contre l’islamophobie et de reconnaître que la liberté d’expression est un droit fondamental, votre rapporteur souligne qu’il faut éviter l’usage abusif de la liberté d’expression pour légitimer des propos discriminatoires et haineux à l’égard des musulmans et surveiller de près la ligne de démarcation ténue entre la critique objective et l’incitation à la haine ou à la discrimination, afin de ne pas faire basculer dans l’intégrisme les communautés musulmanes vivant en Europe.
5. Il faut prévenir la diffusion de stéréotypes présentant l’islam comme contraire aux valeurs européennes fondamentales. En fait, comme le reconnaît le rapport, plusieurs Etats membres du Conseil de l’Europe, dont le mien, ont une tradition islamique. Dans ce contexte, il faut encourager le débat au sein des médias et parmi les publicitaires pour éviter de propager des préjugés et de donner une image tendancieuse des communautés musulmanes.
6. Il convient, à notre avis, de mettre l’accent sur l’importance de l’éducation: l’éducation à la citoyenneté démocratique, l’éducation aux droits de l’homme – voir la Recommandation 1346 (1997) –, l’éducation sur les religions – voir la Recommandation 1720 (2005) –, et l’éducation visant à dépasser les prétendues différences – voir la Recommandation 1682 (2004). Mlle Keaveney élabore actuellement un rapport sur l’enseignement de l’histoire des conflits récents. Etant donné que l’Europe est la principale destination de nombreux migrants d’origines différentes, il faut, par l’éducation, promouvoir en Europe une culture de tolérance. Par conséquent, les manuels scolaires ne doivent pas présenter une interprétation déformée de l’histoire culturelle et religieuse, ni décrire l’islam comme un monde hostile et menaçant.
7. Il appartient à la société, à tous les niveaux (de l’école aux médias), d’éviter la promotion des stéréotypes et des antagonismes.
8. Il faut se féliciter de l’initiative prise par le Département turc des affaires religieuses de charger une équipe de théologiens de l’université d’Ankara d’effectuer une révision de fond de l’Hadith de manière à prévenir les interprétations erronées de l’islam, et encourager une telle initiative. Il semble que certaines des positions les plus extrémistes attribuées à l’islam soient précisément fondées sur une interprétation erronée des textes, comme l’idée selon laquelle les auteurs d’attentats-suicides peuvent être considérés comme des martyrs et recueillent au ciel les fruits de leur sacrifice.
9. Comme le souligne la Recommandation 1804 (2007), nous estimons qu’il n’appartient pas au Conseil de l’Europe de s’immiscer dans le dialogue religieux. Il n’a donc pas à déterminer ce qui doit être enseigné dans les écoles de confession islamique ni à encourager les jeunes musulmans européens à devenir imams.
10. Nous soutenons la recommandation de la commission des questions politiques visant à encourager le développement d’une intelligentsia qui partage les valeurs du Conseil de l’Europe parmi les organisations, les dirigeants et les chefs d’opinion musulmans européens.
11. Les documents du Conseil de l’Europe font généralement référence au «dialogue interculturel et à sa dimension religieuse» et non pas au «dialogue interculturel et interreligieux».
12. Le Conseil de l’Europe doit, en effet, renforcer sa coopération dans le domaine du dialogue interculturel avec l’Union européenne et d’autres organisations internationales compétentes qui partagent les mêmes valeurs.
13. Il faut encourager les communautés musulmanes vivant à l’étranger à s’intégrer dans les sociétés locales. Toutefois, intégrer les membres des communautés musulmanes dans la société et prévenir leur exclusion sociale est un processus bilatéral et exige aussi des efforts de la part des pays d’accueil.
14. Les pays d’accueil doivent prendre les mesures nécessaires pour empêcher la discrimination à l’égard des communautés musulmanes s’agissant des conditions dans lesquelles elles organisent et pratiquent leur culte, car la religion fait partie intégrante de l’identité culturelle de ces communautés. Dans ce contexte, il faut supprimer tout obstacle juridique ou administratif sans objet à la construction d’un nombre suffisant de lieux de culte adaptés à la pratique de la religion islamique.
15. Il convient d’établir un code de conduite pour lutter contre toutes les discriminations religieuses pratiquées dans le cadre de l’accès à l’emploi et sur le lieu de travail.

Commission chargée du rapport: commission des questions politiques.

Commission saisie pour avis: commission de la culture, de la science et de l’éducation.

Renvoi en commission: Doc. 10705 et Renvoi no 3145, 7 octobre 2005.

Avis approuvé par la commission le 14 avril 2008.

Voir 13e séance, 15 avril 2008 (adoption des projets de résolution et de recommandation amendés); et Résolution 1605 et Recommandation 1831.