1. Contexte
1. En octobre 2008, à Strasbourg,
l’Assemblée parlementaire élargie du Conseil de l’Europe tiendra
son débat annuel sur «L’OCDE et l’économie mondiale». Pour préparer
ce débat, le présent projet de rapport fait une synthèse des principaux
thèmes et questions abordés durant les réunions de la rapporteuse
au siège de l’OCDE au cours du premier semestre 2008. Approuvé provisoirement
par la commission des questions économiques et du développement
à sa réunion du 20 juin, ce projet sera diffusé aux délégations
nationales pour commentaires et soumis, après une nouvelle révision,
pour adoption définitive par la commission puis par l’Assemblée
parlementaire élargie en octobre 2008.
2. La rapporteuse aimerait remercier les représentants de l’OCDE
qui ont consacré leur temps et mis leur expertise au service de
ce projet afin que ce rapport puisse voir le jour. Dans un contexte
économique marqué par des gros titres alarmistes et des indicateurs
erratiques, la rapporteuse a trouvé particulièrement stimulantes
et utiles ces sessions de travail, qui ont abordé une large palette
de sujets, avec les représentants de l’OCDE. Elle espère donc que
ce rapport présentera une perspective claire, même si la prudence
est forcément de mise dans ce contexte. Le rapport commence par
une synthèse des facteurs critiques qui influent actuellement sur
les perspectives économiques, puis fait le point sur les évolutions
dans les pays membres de l’OCDE, ainsi que dans certaines économies
émergentes clés
.
3. Cette année, le rapport s’attachera également en particulier
aux évolutions sur les marchés financiers, et analysera dans ce
cadre la nécessité d’une meilleure réglementation et d’une éducation
financière plus approfondie, puis fera une analyse critique de l’essor
des fonds souverains. En conclusion, il fera le point sur des thèmes
abordés lors de récents rapports, notamment les perspectives d’une
conclusion heureuse du cycle commercial de Doha, les progrès dans
l’efficacité de la fourniture de l’aide internationale, une mise
à jour des travaux de l’OCDE en matière de lutte contre la corruption
et l’état de la situation en ce qui concerne l’ouverture de l’OCDE
à de nouveaux Etats membres.
2. Introduction: des perspectives
incertaines pour l’économie mondiale
4. Depuis l’an dernier où le rapporteur
précédent présentait une situation positive et la poursuite d’une croissance
non inflationniste, beaucoup de choses ont changé dans l’économie
mondiale. L’an dernier, il semblait que les conséquences des hausses
des prix de l’énergie seraient limitées et que, loin d’être en panne, la
croissance économique mondiale était en phase de rééquilibrage.
Or, les années 2007-2008 ont apporté leur lot de chocs, distincts
certes, mais néanmoins interconnectés: une correction brutale des
marchés de l’immobilier américains, qui a déclenché une contraction
mondiale du crédit et une perte de confiance persistante dans les
marchés financiers, parallèlement à une menace inflationniste croissante,
alors que les cours du pétrole et des matières premières continuent
de monter, tirés par un dollar américain affaibli, et qu’à l’effet
de ces divers facteurs viennent s’ajouter des hausses brutales des
cours mondiaux des produits alimentaires.
5. Il n’est pas possible pour l’instant d’évaluer clairement
l’impact et la durée de ces chocs. Etant donné les pressions conflictuelles
qu’ils font peser sur les décideurs politiques, certains commentateurs
y ont vu une «tempête parfaite», et une récession économique serait
dès lors difficile à éviter. De fait, en mars, bon nombre étaient
convaincus que les Etats-Unis étaient entrés en récession, même
en l’absence du critère habituel de deux trimestres successifs de
croissance négative. Le 3 mars, le financier de légende Warren Buffett
déclarait que, si les conditions ne sont absolument pas comparables
à celles des années 1970, c’est une question de bon sens: les Etats-Unis
sont en récession
, et,
dans un sondage d’opinion mené peu de temps après par le
Wall Street Journal, 71% des hommes
d’affaires américains étaient d’accord avec lui
.
6. Dans son bulletin intérimaire, paru le 20 mars, l’OCDE reconnaissait
que les secteurs les plus touchés de l’économie subissaient déjà
un «effet de récession». Elle révisait à la baisse ses prévisions
de croissance à court terme pour la plupart des grandes économies,
indiquant que les perspectives se sont dégradées plus que les projections
ne le laissaient entendre dans son rapport semestriel publié en
janvier. En particulier, selon l’OCDE, les mesures de l’inflation
montraient une tendance à la hausse et dépassaient le niveau de
confort dans bon nombre d’économies, l’OCDE notant par ailleurs
que l’économie américaine louvoyait désormais, même si la contraction
n’était pas nette. L’économiste en chef de l’OCDE semblait penser
qu’il existait un risque «relativement élevé» de véritable récession
aux Etats-Unis, notant que la simple impression d’une récession
influe déjà sur le sentiment des consommateurs comme des économies.
7. Même si, au moment de son rapport de décembre 2007, l’OCDE
avait déjà abaissé ses prévisions de croissance, en mars elle était
encore en mesure d’exprimer une confiance raisonnable. Elle faisait
valoir que, dans l’ensemble, la croissance du commerce mondial demeurait
exceptionnellement dynamique, avec, pour l’an dernier, un niveau
de 7,1% et une projection de 8% pour 2008 (chiffre revu à 6,3% en
juin). Parmi les membres de l’OCDE, la croissance du PIB en 2007
a été de 2,7% (soit l’équivalent de la croissance moyenne entre
1995 et 2004) et l’on s’attendait à ce qu’elle atteigne les 2,3%
en 2008. Pour l’ensemble de la zone OCDE, en janvier, l’inflation
demeurait autour des 2,3% alors que l’on s’attendait à ce que le
chômage continue de régresser, pour atteindre les 5,3% d’ici à 2009.
8. Les Perspectives économiques de
l’OCDE de juin 2008 prédisaient plusieurs semestres de
croissance atone pour la plupart des économies de l’OCDE. La croissance
pour la zone OCDE y était revue à la baisse (de 1,8% en 2008 à 1,7%
en 2009). En outre, l’inflation pourrait, selon cette même source,
demeurer élevée pour quelque temps encore. Ses projections pour
la zone OCDE en 2008 étaient relevées à 3%, malgré un recul pour
2009 à 2,1%. Cette moyenne reflétait bien entendu des niveaux de
croissance moins élevés au Japon qu’aux Etats-Unis et en particulier
dans la zone euro. Le recul du chômage prévu auparavant ne devait pas
se matérialiser: l’estimation de l’OCDE était révisée, avec un chômage
de 5,7% de la main-d’œuvre en 2008 et de 6% en 2009. Il était également
prévu un ralentissement de la croissance du commerce mondial (6,3%
en 2008), suivi d’une légère reprise en 2009 à 6,6%. Les Perspectives économiques de l’OCDE de
juin 2008 reconnaissaient que la situation économique actuelle est
particulièrement agitée, avec une large distribution du risque autour
des projections. Dans ce contexte, la politique économique dans
les pays de l’OCDE doit prendre en compte l’importance croissante
des évolutions dans les économies non membres de l’OCDE, la possibilité
d’une tendance à la hausse des attentes en matière d’inflation et
l’incertitude concernant les conséquences sur la croissance et l’inflation
de la situation sur les marchés financiers.
9. Malgré cela, les 4 et 5 juin 2008, les ministres de l’OCDE
sont convenus à leur Conseil annuel que la performance globale avait
été meilleure que prévue, et ont appelé à poursuivre une étroite
coordination des politiques pour faciliter le redressement attendu.
Pour ce qui est des marchés financiers, ils ont indiqué que la situation
s’était améliorée depuis mars mais que les conditions actuelles
du crédit limitent l’investissement. Ils ont noté que les prix des
matières premières ont flambé et tiré l’inflation globale, mais
qu’ils pourraient ne pas augmenter davantage au cours du prochain
trimestre. Cependant, ils sont demeurés préoccupés par les pressions
inflationnistes et des signes que les attentes en matière d’inflation
soient tirées à la hausse. Ils ont convenu qu’il faut suivre de
près les soldes budgétaires, en particulier lorsque des pressions
inflationnistes persistent, et qu’il conviendrait de poursuivre
les réformes structurelles. Concernant le marché de l’immobilier, l’on
s’attend dans la plupart des pays de l’OCDE à la poursuite du ralentissement.
10. Selon la dernière évaluation économique intérimaire de l’OCDE,
en date du 2 septembre 2008:
«1.
La tempête sur les marchés de capitaux, le repli des marchés immobiliers
et la cherté des matières premières continuent de peser sur la croissance
mondiale tout en évoluant rapidement:
– les banques semblent avoir
inscrit à leur bilan l’essentiel des pertes liées aux titres adossés
à des prêts immobiliers à haut risque. Les perturbations financières
persistantes semblent de plus en plus refléter des signes de faiblesse
de l’économie réelle, faiblesse elle-même en partie induite par
la diminution de l’offre de crédit et la baisse du prix des actifs.
La profondeur et l’ampleur définitives de la crise financière sont
cependant encore incertaines, le risque éventuel de nouvelles pertes
sur les opérations de financement du logement et de la construction
restant préoccupant;
– le repli des marchés du logement
se poursuit, la réduction de l’offre de crédit accentuant sans doute les
pressions en ce sens. Aux Etats-Unis, le prix des logements continue
de baisser, ce qui fait planer la menace de défaillances et de confiscations
supplémentaires qui risquent elles-mêmes de peser sur les prix et
d’amplifier les pertes sur prêts. En ce qui concerne la construction,
cependant, on perçoit quelques signes de stabilisation, les permis
de construire et les ventes de logements neufs ayant cessé de baisser
et le parc de logements invendus diminuant. En Europe, le recul
des prix et de l’activité dans le secteur de la construction semble
gagner le Danemark, l’Irlande, l’Espagne et le Royaume-Uni, tandis que
la décrue sensible des volumes de transaction semble annoncer des
reculs ailleurs;
– le prix du pétrole s’est
inscrit en baisse par rapport aux pics atteints vers le milieu de
l’année, et ce sous l’effet d’un ralentissement de la demande et
d’une production record des pays de l’OPEP. Sur le front de l’offre
de pétrole, la situation reste cependant tendue, ce qui contribue
à l’instabilité des prix. Les prix des autres produits de base,
notamment de l’alimentation, semblent plus stables tout en se situant à
des niveaux élevés. Les prix des denrées alimentaires vont sans
doute connaître une détente dans la période qui vient, la sécheresse
se terminant dans certains pays exportateurs et la production commençant
à se redresser dans le secteur de l’alimentation.
2. S’appuyant sur des indicateurs
conjoncturels, les modèles de projection à court terme de l’OCDE laissent
entrevoir une phase de faiblesse de l’activité jusqu’à la fin de
cette année. Toutefois, l’expérience limitée que l’on a de certains
des principaux déterminants de la conjoncture actuelle, ainsi que
les incertitudes entourant certaines influences spécifiques, contribue
à donner une image particulièrement floue de la situation. Aux Etats-Unis,
l’incertitude relative à la gravité de cette phase de faiblesse
touche en particulier à la vitesse à laquelle les effets des mesures
temporaires de stimulation budgétaire vont se dissiper. Dans la
zone euro et dans ses trois principales économies ainsi qu’au Royaume-Uni,
l’activité devrait globalement stagner. Au Japon enfin, on ne s’attend
qu’à un rebond partiel après la baisse du PIB enregistrée au deuxième
trimestre.
3. Les fortes hausses des prix
de l’énergie et de l’alimentation ont relancé l’inflation globale
et rogné sur les revenus réels des consommateurs dans toute la zone
de l’OCDE. Les mesures statistiques de l’inflation sous-jacente
se sont aussi orientées à la hausse dans la plupart des grandes
économies de l’OCDE, reflétant en partie la diffusion de prix plus
élevés des matières premières. Jusqu’ici, les augmentations de salaires
semblent avoir été globalement maîtrisées. Si les prix des matières premières
demeurent à leurs niveaux récents, en repli dans le cas du pétrole,
on peut s’attendre à une certaine modération de l’inflation tant
globale que sous-jacente.
4. Les économies du G-7 présentent
des conditions différentes au regard de l’action des pouvoirs publics.
Aux Etats-Unis, l’inflation sous-jacente est forte mais ne semble
plus s’accélérer et le phénomène grandissant de sous-emploi des
capacités constituera un facteur de désinflation. Compte tenu des
conditions défavorables induites par les contraintes financières,
cela semble légitimer les mesures actuelles d’expansion. L’inflation
sous-jacente augmente régulièrement dans la zone euro depuis un
certain temps, ce qui indique qu’il faut réduire les tensions sur
les capacités. En conséquence, pour le moment, il ne paraît guère
utile de changer les orientations actuelles de politiques économiques. Si
la nécessité d’assouplir ou de durcir les conditions macroéconomiques
venait à se faire jour, c’est la politique monétaire qui devrait
constituer l’instrument privilégié à cet effet. Au Japon, différents indicateurs
de l’inflation sous-jacente diffusent des signaux contrastés, tandis
que la détérioration du moral des chefs d’entreprises ainsi que
la nécessité de se prémunir contre le risque de déflation plaident en
faveur d’un maintien du statu quo monétaire.»
11. Votre rapporteuse pense que la crise financière qui a secoué
l’économie mondiale depuis la publication de cette évaluation intérimaire
montre combien les perspectives économiques sont incertaines. Certaines
des institutions financières les plus puissantes au monde ont fait
faillite ou ont été brutalement secouées et demeurent vulnérables
non seulement aux répercussions de la débâcle concernant les prêts
hypothécaires à risque, mais peut-être aussi à d’autres chocs liés
à la gamme complexe et étendue d’instruments financiers imaginés
et commercialisés par ces institutions ces dernières années. La
réponse politique à cette crise en pleine évolution a été de tenter
de restaurer la confiance, avec une marge de manœuvre étroite pour,
d’une part, assouplir le crédit et les liquidités ainsi que pour
stimuler la demande par des mesures de réductions fiscales afin
de minimiser la menace de récession et le spectre d’autres faillites
et, d’autre part, donner un tour de vis sur le front monétaire pour
limiter les emprunts hémorragiques et les pressions inflationnistes résurgentes.
Les actions des pouvoirs publics et des banques centrales en vue
de chercher à prévenir un effondrement du système tout entier semblent
avoir trouvé le bon équilibre jusqu’ici, même si l’on peut se demander
s’il est juste qu’ils s’impliquent autant dans le sauvetage d’institutions
financières privées aux frais du contribuable, étant donné notamment
l’impression de plus en plus persistante que la nécessité d’une intervention
urgente peut s’aviver, du fait des pertes qui s’accumulent et des
dévaluations d’actifs. Toutefois, il faut de toute urgence réglementer
davantage les marchés financiers, et l’on espère que l’OCDE, ainsi
que d’autres institutions telles que le FMI, monteront très vite
au créneau sur ce point en vue d’éviter à l’avenir les tempêtes
financières qui ont caractérisé ces dernières années.
3. Le point sur les économies
clés
3.1. Les Etats-Unis
12. Au cours de ces quelques dernières
années, la consommation privée a apporté une contribution de plus en
plus importante au soutien de la croissance du PIB américain, ce
qui a permis de compenser en partie l’impact d’un marché de l’immobilier
en rapide déclin. Durant 2006 et 2007, le revenu disponible a connu
une forte hausse, en partie grâce au versement de primes, au déblocage
des stock-options et aux prêts immobiliers, une aubaine qui a soutenu
la consommation nationale, alors même que la crise financière commençait
à se faire sentir l’été dernier. Le commerce extérieur a également
contribué à la croissance, les exportations étant tirées par la
demande des pays émergents et par un dollar faible, ce qui a permis
d’assainir quelque peu le déficit en compte courant des Etats-Unis,
redescendu à 5,3% du PIB en 2007 et qui devrait, selon les estimations,
s’établir à 5% en 2008.
13. Dans l’ensemble, la croissance américaine durant 2007 a été
de 2,2%, contre 2,9% en 2006. Dans les prévisions de juin de l’OCDE,
selon les projections, la croissance devait s’établir autour des
1,2% en 2008 et 1,1% en 2009, à mesure que s’aggravent les effets
de la crise du logement, du resserrement du crédit et de la hausse
des cours des matières premières.
14. L’un des indicateurs clés pour les perspectives économiques
américaines est le marché de l’immobilier. Courant 2007 et 2008,
les prix ont connu une décélération brutale, avec des pertes dans
de nombreuses régions – une tendance qui s’est poursuivie. Cependant,
comme l’a noté l’OCDE dans son évaluation intérimaire de septembre
2008 (voir paragraphe 10 ci-dessus), l’augmentation des stocks de
logements invendus et le recul des mises en chantier de construction
neuves pourraient avoir assaini la situation. L’effet domino de
la crise immobilière est bien connu; les marchés financiers demeurent
agités, les banques hésitant à se prêter les unes les autres, ce
qui entraîne des crises de confiance dans des institutions spécifiques,
avec des retombées dans le secteur de l’assurance, en particulier,
et des marchés boursiers en général. Tout cela restreint l’offre
de crédit aux ménages et aux entreprises, mais les efforts incessants
de la Réserve fédérale américaine semblent avoir réussi à éviter
une véritable récession.
15. La consommation et les perspectives d’emploi ont reculé. La
croissance de la consommation des ménages devrait passer de 2,9%
l’an dernier à 1,2% en 2008, et tomber à 0,4% l’an prochain. La
croissance de l’emploi dans le secteur privé a connu un ralentissement
marqué durant 2007, avec de fortes pertes dans la production, le
bâtiment et les services financiers; au premier semestre 2008, l’emploi
dans le secteur privé a reculé pendant cinq mois consécutifs. De
janvier à août, 605 000 emplois ont été perdus au total. Dans l’ensemble,
le chômage a reculé durant 2007, et l’on s’attend à ce qu’il remonte
à au moins 5,4% cette année et 6,1% l’année prochaine.
16. L’inflation sous-jacente, comme le note l’évaluation intérimaire
de l’OCDE de septembre, est élevée mais ne s’est pas aggravée –
en partie grâce à une baisse de l’activité et à une pression à la
baisse sur les marchés de l’emploi, mais aussi du fait que, malgré
le dollar faible, de nombreuses importations proviennent de pays
à bas coûts. Même si l’inflation brute a passé la barre des 3% en
2007, tirée par les prix du pétrole et des produits alimentaires,
l’inflation sous-jacente est restée stable, autour des 2%. En mars
2008, la Banque centrale a réduit son taux directeur à 2,25% (et
à 2% en avril, sans changements depuis) – soit un recul de 3% sur
six mois – ce qui, selon l’OCDE, devait être considéré comme une
réponse politique temporaire destinée à rassurer les marchés et
à améliorer la distribution du crédit dans toute l’économie. Si
les réductions étaient trop importantes ou duraient trop longtemps,
cependant, il pourrait y avoir un risque d’inflation – et, si l’on
en croit les derniers chiffres, dont il ressort que l’inflation
brute américaine se situe désormais autour des 5,4%, la prudence
s’impose. Dans ses Perspectives économiques de
juin 2008, l’OCDE recommande que la politique monétaire américaine
s’en tienne à sa position actuelle, accommodante, jusqu’à ce que
la reprise se soit solidement enracinée, mais que les taux d’intérêts
soient remontés rapidement dès que les conditions se seront normalisées.
17. Le déficit public américain devrait passer de 3% du PIB en
2007 à 5,8% en 2008, en partie du fait de recettes fiscales en diminution.
La latitude budgétaire du gouvernement est donc limitée. Cela est
d’autant plus vrai que la sécurité sociale n’a jamais été aussi
durement sollicitée, la première vague des baby-boomers prenant
sa retraite, sans qu’aucune réforme significative du système n’ait
été introduite.
18. Le train de mesures budgétaires américaines composé de chèques
correspondant à une réduction d’impôt provisoire qui ont commencé
à être expédiés en mai 2008 ainsi que d’incitations temporaires
en faveur de l’investissement auront un impact à court terme sur
l’activité économique qui devrait se faire sentir essentiellement
aux deuxième et troisième trimestres de 2008. Et bien que l’affaiblissement
progressif du dollar signifie que la croissance des exportations
ne devrait ralentir que modérément, alors que la réduction des dépenses
intérieures devrait contenir l’effet inflationniste d’importations
plus chères, l’amélioration que cela devrait entraîner dans le solde
en compte courant sera limitée, du fait du ralentissement des arrivées
de flux d’investissements – les Etats-Unis devraient afficher un
déficit net d’investissements d’ici au début de 2009.
19. Globalement, l’OCDE s’attend à ce que, malgré une contribution
toujours positive des exportations américaines, la croissance stagne
virtuellement pendant le reste de 2008. L’activité devrait se reprendre progressivement
en 2009. Si les prix des matières premières s’assagissent, les pressions
inflationnistes devraient finir par se calmer du fait d’un écart
de production et du taux de chômage plus élevé (6%). Toutefois, la
reprise pourrait être menacée si la tempête financière persiste.
3.2. Les économies asiatiques
20. La croissance du Japon a connu
un certain ralentissement – passant de 2,4% en 2006 à 2,1% l’an dernier
–, mais le pays est toujours en phase de reprise, la reprise la
plus longue de toute son histoire depuis la fin de la seconde guerre
mondiale, et on s’attend pour 2008 à une croissance de 1,7%. Les
exportations continueront de jouer un rôle puissant, malgré l’appréciation
du yen, la demande régionale compensant un marché américain plus
lent, et l’emploi a chuté à son plus bas niveau depuis 1998.
21. La tendance à la baisse des salaires constatée en 2007 s’est
inversée cette année, avec une rémunération plus élevée pour les
travailleurs à plein-temps et la fin d’une tendance à proposer de
préférence des emplois à temps partiel moins bien rémunérés. Cependant,
les prix à la consommation ont augmenté, reflétant une hausse des
prix de l’énergie et des denrées alimentaires. L’inflation s’est
accélérée, passant de 0,1% en 2007 à plus de 1% au premier trimestre
de 2008, même si l’inflation sous-jacente (hors prix volatils de
l’énergie et des denrées alimentaires) est demeurée proche de zéro
et ne devrait augmenter que lentement.
22. Avec la persistance d’une inflation sous-jacente faible, les
taux d’intérêt au Japon ont été maintenus à 0,5% depuis le début
de 2007. L’OCDE estime qu’il s’agit là d’une position sage, et suggère
que les taux soient conservés à ce niveau, dans ce contexte.
23. En juin, on pensait que le Japon connaîtrait un ralentissement
du taux de croissance de son PIB, qui se situerait à environ 1,25%
durant le restant de l’année pour remonter en 2009 à juste au-dessus
de 1,5%. Les risques fondamentaux pour ce scénario sont que les
marchés d’exportation peuvent se révéler fragiles du fait du ralentissement
de la croissance mondiale et de l’appréciation du yen. Toutefois,
la demande intérieure semble suffisamment dynamique pour éviter
une récession, et est stimulée par un rebond dans l’investissement
résidentiel, une forte rentabilité sous-jacente des entreprises
qui entraîne davantage d’investissements d’affaires et une tendance
positive qui se maintient en matière de hausse des salaires.
24. La croissance en Corée, qui a rebondi après une période difficile
pour s’établir à 5,1% en 2006, est demeurée ferme à 5% en 2007 mais
l’on s’attend à ce qu’elle recule à environ 4,3% cette année, alors
que la croissance des exportations passerait de 12,1% en 2007 à
8,6% en 2008. La croissance de l’emploi s’est ralentie et les revenus
des ménages sont de plus en plus érodés par une forte inflation
des prix à la consommation, de 3,8% au premier trimestre de 2008
contre 2,5% en 2007, tirée par les hausses brutales des cours du
pétrole et par la dépréciation du won. Mais, selon les projections,
l’inflation devrait s’assagir et retrouver les fourchettes visées.
25. Le marché immobilier reste en berne, avec des carnets de commandes
de logements neufs qui font grise mine et un stock d’appartements
invendus à son plus haut point depuis 1996. En août 2008, le gouvernement
a annoncé des mesures pour relancer le marché de l’immobilier, mais
l’inquiétude demeure concernant les répercussions sur les banques
des défauts de paiement des opérations de financement immobilier
et prêts hypothécaires.
26. La croissance de la Corée devrait rebondir à 5% en 2009 pour
se situer très près de son niveau potentiel, grâce à des réductions
d’impôts prévues pour relancer l’investissement d’affaires et grâce
à un regain d’exportations dû à une hausse de la demande étrangère
et à un taux de change plus bas. La Corée devrait tirer profit des
perspectives plus favorables de coopération économique sur la péninsule
de Corée, et de la mise en œuvre de son accord de libre-échange
avec les Etats-Unis. L’OCDE conseille, pour maximiser les perspectives
de renouer avec la croissance, de prendre des mesures réglementaires
et de réforme en vue de renverser la tendance au recul des investissements
directs étrangers, de prendre des mesures pour éviter tout ralentissement
grave sur le marché de l’immobilier, et de veiller à ce que la politique
des taux d’intérêt soit orientée pour contenir l’inflation et l’adoption
de réformes visant à stimuler la productivité, en particulier dans le
secteur des services.
27. Après un bref ralentissement en 2006, la croissance de la
Chine s’est une fois encore accélérée pour atteindre les 11,9% en
2007, et une demande intérieure robuste a partiellement compensé
une certaine modération de la croissance des exportations, la demande
intérieure et l’investissement sont demeurés robustes, de sorte
que la croissance du PIB chinois devrait s’établir autour des 10%
cette année et à 9,5% l’année prochaine. L’excédent en compte courant
continue de monter, mais pas tout à fait au même rythme étant donné
le boom des importations: il était de 354,7 milliards de dollars
en 2007, et devrait atteindre les 435,8 milliards de dollars d’ici
à 2009.
28. Le prix à la consommation a connu une hausse brutale: de 5%
en 2007, elle est passée à 8,7% en février 2008, avec une moyenne
attendue de 6,4% cette année, son plus haut niveau sur une décennie,
et plus du double du niveau officiel visé. Une bonne partie de la
situation peut s’expliquer par les prix des produits alimentaires,
les prix officiels des produits pétroliers étant ajustés à la hausse,
ainsi que d’autres coûts qui commencent également à augmenter. Face
à cela, les salaires dans les villes ont augmenté de quelque 20% durant
la première moitié de 2007. Mi-2008, les revenus des salariés étaient
au plus haut depuis douze ans, et les salaires continuent d’augmenter
plus vite que le revenu national.
29. Le gouvernement s’efforce de ralentir l’économie. Plusieurs
hausses des taux d’intérêt sont intervenues, ainsi qu’un réajustement
à la hausse de la devise chinoise – de 4,5% en tout par rapport
au dollar au cours des cinq premiers mois de 2008, ce qui, selon
l’OCDE, reste insuffisant pour une appréciation effective. Et ce, malgré
les efforts visant à limiter l’offre de monnaie par les banques
commerciales et de mettre un terme à la hausse permanente des réserves
chinoises en devises.
30. Des politiques budgétaires plus strictes sont également en
cours de mise en place. L’an dernier, les recettes publiques ont
augmenté beaucoup plus rapidement que les dépenses, et le budget
national a atteint un excédent de 0,7% du PIB; l’excédent du système
de sécurité sociale a encore augmenté, reflétant des salaires en
pleine euphorie, et des taxes ont été imposées sur certaines exportations
gourmandes en énergie, d’autres exportations jusque-là exonérées
de TVA ayant vu cette exonération supprimée. L’un dans l’autre, l’excédent
budgétaire combiné devrait, selon les estimations, avoir dépassé
les 2% du PIB en 2007. Des salaires et une inflation en hausse devraient
contribuer à freiner l’économie, en pénalisant la compétitivité
des exportations. Même avec ces éléments, l’OCDE pense que les politiques
macroéconomiques doivent continuer de se focaliser sur la lutte
contre le risque de surchauffe.
31. L’économie chinoise est donc confrontée à deux risques antithétiques:
si l’économie mondiale connaît un ralentissement significatif, cela
devrait contribuer à résoudre certains déséquilibres intérieurs,
mais remettre en question le progrès du développement et la création
d’emplois nécessaire pour surmonter la pauvreté et stimuler les
migrations rurales. En revanche, si l’économie résiste au ralentissement
actuel, la Chine pourrait connaître une surchauffe inflationniste
significative, qui encouragerait la spéculation à court terme, menacerait les
prix des actifs et mettrait à mal les bilans des banques chinoises.
32. Dans les trente années qui ont suivi son indépendance, l’Inde
a connu en moyenne une croissance de 1,75% par an, qui, début 2007,
a atteint les 10%, soutenue par des afflux massifs d’investissements
étrangers, une forte production industrielle et la reprise du secteur
agricole. L’élément récent sans doute le plus frappant a été le
comportement des investisseurs étrangers, les études suggérant que
l’Inde est désormais la deuxième destination la plus prisée pour
les investissements directs à l’étranger (IDE) et, dans les secteurs
de l’électronique et des télécommunications, l’investissement a
doublé. Globalement, les niveaux d’IDE ont atteint 20% du PIB de
l’Inde, confirmant la position de l’OCDE selon laquelle les réformes
ont progressivement orienté l’économie indienne vers un système
basé sur les lois du marché. Toutefois, la croissance s’est ralentie
durant 2007, s’établissant à 8,5% au cours du dernier trimestre,
en partie comme conséquence d’une politique monétaire plus stricte.
33. Quoi qu’il en soit, l’inflation des prix à la consommation
et celle des prix de gros est repartie à la hausse, l’une et l’autre
atteignant les 8% au printemps 2008, l’inflation des prix de gros
étant, quant à elle, estimée à 12,4% en août. Des prix du pétrole
et des matières premières en hausse devraient selon toute vraisemblance assainir
le déficit actuel en compte courant, qui devrait remonter à 2% du
PIB en 2008. De forts investissements ont contribué à contrebalancer
un léger ralentissement de la demande des consommateurs en 2007,
en particulier dans des secteurs consommateurs de crédit, à mesure
que les initiatives étaient prises pour redresser la situation.
Mais, au début de 2008, il était clair que la production industrielle
avait reculé, même si la production agricole était florissante.
34. Les avancées de l’Inde en 2006 en matière budgétaire se sont
poursuivies en 2007, le déficit combiné de l’administration centrale
et de l’Etat ayant reculé de 6,4% à 5,4% du PIB, et le gouvernement
prévoit que cette baisse va se poursuivre cette année (4,5%). C’est
là une performance remarquable, même si l’on doit garder à l’esprit
que les subventions hors budget aux pétroliers, distributeurs alimentaires
et fabricants d’engrais ne sont pas incluses, ni une prime aux fonctionnaires
qui va être versée sur le budget de 2008 et représente 0,9% du PIB.
L’OCDE prévient que la prime ainsi que les annulations de dettes
pour les petits exploitants agricoles devraient être introduits
progressivement pour éviter un choc budgétaire. En outre, une taxe
à la valeur ajoutée, d’application nationale, devrait remplacer
les taxes indirectes actuelles de l’Etat et des syndicats.
35. Entre-temps, les conditions monétaires se sont durcies durant
2008, alors que le taux de change est resté relativement stable
face au dollar, après une appréciation de 12% de la roupie en 2007.
Cet élément, avec une inflation en hausse, contribue à creuser le
déficit commercial. La politique monétaire nationale a visé à neutraliser
les effets des arrivées croissantes de capitaux et de la résurgence
de l’inflation, et la Banque de réserve indienne a relevé à trois
reprises son taux d’intérêt directeur dans le courant de l’été 2008,
le portant ainsi à 9% le 29 juillet dernier, son niveau le plus
élevé des sept dernières années. Malgré cela, la croissance de l’Inde
ne devrait se ralentir que légèrement, pour s’établir autour des
7,8% en 2008.
36. Pour conforter l’économie sur le long terme, l’OCDE a encouragé
l’Inde à réduire son déficit, à laisser davantage de latitude à
l’investissement privé, à continuer d’abaisser les barrières tarifaires
et à réduire la charge administrative pesant sur les entreprises.
En outre, il conviendrait de trouver une solution aux pratiques restrictives
en matière d’emploi, de promouvoir l’emploi à long terme et de placer
en particulier l’accent sur les services publics renforcés, notamment
dans l’éducation et les infrastructures nationales. Selon l’OCDE,
la réaction impressionnante de l’économie aux réformes déjà mises
en œuvre devrait encourager les décideurs politiques à poursuivre
la libéralisation, qui permettra d’engendrer un surcroît de croissance
et de réduire plus vite la pauvreté.
3.3. La zone euro
37. La reprise économique évoquée
dans le rapport de l’an dernier s’est ralentie en 2008. De 2,9%
en 2006, la croissance est retombée à 2,6% l’an dernier, et devrait
s’établir autour des 1,7% en 2008, et de 1,4% l’année suivante.
Les Perspectives économiques de l’OCDE de
juin font état d’un recul brutal de la croissance du PIB, passant
d’un inattendu 3,1% au premier trimestre de 2008 dû à des facteurs
temporaires en Allemagne à 0,2% au deuxième trimestre, pour repartir
à 1,1% au troisième et se maintenir à 1,2% durant le dernier trimestre, mais
en hausse régulière après cela.
38. Des taux d’intérêt plus élevés, une devise forte, des marchés
du crédit plus tendus et des prix en hausse ont déjà réduit le rythme
de la croissance en 2007 et pénalisé la vente au détail dans la
zone euro. Les augmentations des taxes sur la consommation, en particulier
en Allemagne, ont également eu des conséquences. Ces éléments conjugués
ont ralenti les marchés de l’immobilier encore actifs, et exacerbé
les problèmes dans les pays où le marché de l’immobilier était déjà
en phase de reflux. En Irlande, les prix des logements baissent
depuis le deuxième semestre de 2006, et les investissements dans
l’immobilier ont connu une chute brutale; en Espagne aussi, le ralentissement
a été sévère, et les permis de construire pour des constructions
résidentielles ont plongé. Au Danemark, aux Pays-Bas et dans une
moindre mesure en France, les plus-values spectaculaires d’il y
a encore quelques années ont été remplacées par des hausses modérées, voire
une stagnation sur le marché.
39. L’investissement et les exportations ont été au cœur de la
récente croissance dans la zone euro. En général, ils se sont bien
tenus face à l’incertitude internationale qui règne, et l’on a constaté
des gains de compétitivité. L’investissement en Allemagne a été
particulièrement fort au premier trimestre de 2008 et la croissance
des exportations allemandes s’est bien tenue face à l’appréciation
de l’euro et à une demande plus faible des Etats-Unis, en partie
parce que le coup avait été supporté par les pays producteurs de
pétrole et du fait d’une demande soutenue du reste de l’Europe.
L’Allemagne représente environ un tiers de l’ensemble des exportations
de la zone euro et ses excédents commerciaux permanents contribuent
à équilibrer les déficits souvent conséquents d’autres membres de
la zone euro tels que la Grèce, le Portugal et l’Espagne.
40. Un complément de croissance pour la zone euro dépendra de
la résilience de la demande intérieure. Bien qu’elle ait été freinée
par un resserrement de l’octroi des crédits, une inflation en hausse
et un marché de l’immobilier en panne, elle sera stimulée à mesure
que les emplois continuent à se créer et que les salaires connaissent
une croissance modeste. Globalement, la zone euro a enregistré un
chômage de 7,4% en 2007, en amélioration par rapport aux 8,2% de
2006. Toutefois, les pressions sur les coûts se sont désormais avivées et
la croissance de la productivité a marqué le pas, outre que les
coûts unitaires de la main-d’œuvre augmentent désormais d’environ
2% l’an. L’OCDE prévoit donc que le chômage commencera de refluer
cette année et l’an prochain.
41. Les tendances démographiques ont eu cependant une influence,
avec une diminution des nouvelles entrées sur le marché de l’emploi.
En Italie, par exemple, l’augmentation de la population en âge de
travailler est due presque entièrement à l’immigration, tandis qu’en
France une croissance modérée de l’emploi dans le secteur privé
a été suffisante pour compenser le recrutement plus lent dans le
secteur public. Dans le même temps, la participation au marché de
l’emploi a connu une augmentation, particulièrement forte chez les femmes
et les travailleurs plus âgés, mais certains signes montrent qu’un
marché de l’emploi «à deux vitesses» est encore en place, avec un
chômage des jeunes et des travailleurs peu qualifiés encore très
élevé par rapport aux normes internationales. C’est pourquoi, malgré
l’amélioration générale, l’OCDE préconise de poursuivre les réformes,
tant dans les pays où des pratiques restrictives freinent l’accès
à l’emploi que dans ceux où des marchés du travail tendus ont commencé
à freiner la croissance.
42. La hausse des prix du pétrole et des produits alimentaires
a tiré vers le haut l’inflation dans la zone euro. Les Perspectives économiques de l’OCDE de
juin prévoyaient que l’inflation atteigne 3,4% en 2008, avant de commencer
à reculer pour redescendre aux 2% visés par la BCE (avec une prévision
d’inflation à 2,4% en 2009). Pour l’OCDE, les orientations politiques
actuelles sont appropriées, le taux d’intérêt directeur étant à 4,25%,
à son plus haut niveau depuis sept ans. A l’évidence, toutefois,
il convient toujours de rester prudent face aux conséquences potentielles
de la crise financière de septembre sur les perspectives de la croissance, alors
qu’à mesure que l’inflation reflue, les pressions se font sentir
pour une baisse des taux d’intérêt.
43. Entre 2005 et 2007, la reprise a permis d’améliorer notablement
les positions budgétaires, le déficit budgétaire structurel ayant
diminué de 1,5%. L’OCDE juge qu’une partie de cette évolution est
due à la réforme structurelle, mais qu’une grande part pourrait
être attribuée à des hausses cycliques de recettes, et prévient qu’il
convient de poursuivre les efforts dans le sens d’une consolidation
budgétaire. Quoi qu’il en soit, dans le cycle baissier, l’on devrait
laisser les stabilisateurs automatiques (recettes fiscales en baisse,
hausse des transferts et baisse des importations qui tendent à amortir
la demande) faire leur travail.
44. L’OCDE souligne que, malgré certaines améliorations, bon nombre
de pays européens sont encore fortement endettés sur le plan structurel
– en France, par exemple, la dette représente au moins les deux
tiers du PIB – et qu’il faut faire davantage si les pays entendent
faire face à la tendance démographique au vieillissement des populations,
en Italie tout particulièrement. A cet égard, l’OCDE préconise la
mise en œuvre rigoureuse de la récente réforme des pensions en Grèce,
ainsi qu’une réforme globale de son système de soins de santé, et
se félicite des progrès marqués par le Portugal – où une réforme
de fond des contrats des fonctionnaires, des systèmes de santé et
des systèmes de pension devrait consolider les perspectives de croissance.
45. Durant le reste de 2008, le principal risque externe pour
la zone euro est la gravité et la durée du ralentissement dans l’environnement
externe, en particulier aux Etats-Unis, son effet sur la solidité
de l’euro et sur les exportations. Ces effets seront particulièrement
graves s’ils se propagent sur les marchés mondiaux et réduisent
la demande des marchés émergents, où les exportateurs européens
sont particulièrement bien implantés. Il y a également un risque
qu’un regain de turbulences sur les marchés financiers, l’inflation
et les restrictions des crédits créent des difficultés générales
à obtenir des prêts bancaires, avec des répercussions sur les dépenses
des consommateurs et un surcroît de détérioration de certains marchés
immobiliers. En réaction, l’OCDE suggère que les pays de la zone
euro agissent pour renforcer le fonctionnement du marché intérieur,
ce qui renforcerait les perspectives de croissance et améliorerait
le fonctionnement de l’Union monétaire; en outre, il pourrait certainement
être utile de passer en revue le système de supervision financière en
place actuellement, qui est fragmenté.
3.4. Le Royaume-Uni
46. En 2007, la croissance a été
supérieure au niveau des tendances, passant de 2,8% à 3,1%; cependant un
brutal ralentissement est attendu pour cette année, l’OCDE révisant
ses prévisions de 1,8% en juin dernier, qu’elle ramène maintenant
à 1,2% en septembre. De fait, elle prévoit que le PIB va en réalité
se contracter de 0,3% au troisième trimestre et de 0,4% au quatrième
trimestre, ce qui ferait du Royaume-Uni le seul pays membre de l’OCDE
à plonger en récession (la récession étant définie techniquement
comme la situation après deux trimestres consécutifs de croissance
négative).
47. La force du secteur des services, et une demande intérieure
résiliente, ont contribué à maintenir le rythme économique pendant
une bonne partie de l’an dernier, et ont compensé un recul des investissements et
un ralentissement croissant du marché de l’immobilier. Mais l’activité
sur ce secteur a continué de se ralentir en 2008: alors que les
conditions d’octroi des crédits se resserrent, les accords d’hypothèques
se sont réduits de manière sensible, et les prix ont connu en général
un recul, ce qui a dissipé une partie des effets de richesse et
de la valeur des biens en garantie, avec un ralentissement significatif
de la croissance de la consommation et de l’investissement résidentiel.
48. Malgré ce contexte, et alors que les augmentations salariales
demeurent modérées, l’inflation des prix à la consommation s’est
accélérée en 2008, atteignant les 4,7% en août, tirée par les prix
de l’énergie et des denrées alimentaires. Parmi les autres facteurs
ayant contribué à ce phénomène, on citera le recul de 16% du taux
de change effectif entre juillet 2007 et août 2008 et des marges
bénéficiaires serrées dans le secteur de la vente au détail, les
principaux acteurs du marché devant répercuter des hausses de coûts
sur les consommateurs. Malgré cela, l’OCDE estime que l’inflation
va refluer courant 2009 pour se rapprocher des niveaux visés, et
le chômage devrait augmenter, passant de 5,5% à 5,8%. Pour éviter
un blocage en termes d’attentes de l’inflation, elle recommande
de maintenir le cap sur les taux d’intérêt directeurs (la Banque d’Angleterre
l’a maintenu à 5% en septembre), même si d’autres baisses pourraient
se révéler nécessaires à mesure que l’économie se ralentit.
49. Le déficit budgétaire du Royaume-Uni devrait atteindre les
3,8%, étant donné le ralentissement substantiel dans les recettes
fiscales qui reculeront très légèrement l’année prochaine pour descendre
à 3,7%, à mesure que des programmes de dépenses plus stricts commencent
à porter leurs fruits. Toutefois, avec un endettement net approchant
sans doute des 40%, l’OCDE prévient que le gouvernement risque de
devoir appliquer une politique fiscale beaucoup plus stricte. Elle
suggère que le Royaume-Uni évalue avec précaution les futures recettes
fiscales, et prenne des mesures supplémentaires pour réduire le
déficit fiscal, s’il veut atteindre sa «règle d’or» et ses objectifs
à moyen terme pour investir durablement. Afin de donner une bouffée d’oxygène
au marché de l’immobilier, l’OCDE suggère que le gouvernement s’engage
vers une rationalisation des réglementations applicables en matière
d’urbanisme et étudie des mesures plus incitatives pour les constructions
neuves. En particulier, l’OCDE recommande de redéfinir les limites
d’urbanisme des «ceintures vertes», comme le préconisait récemment
le rapport du Barker Review.
3.5. Autres économies clés
50. L’économie canadienne, après
plusieurs années de croissance supérieure à son potentiel, a connu
une brusque décélération à la fin de 2007 du fait d’un ralentissement
des exportations et de la production de produits manufacturés. Une
demande extérieure plus faible, notamment de la part des Etats-Unis,
et une forte appréciation du dollar canadien ont freiné l’activité,
et la croissance en 2008 devrait retomber de 2,7% en 2007 à peu
ou prou 1,2% cette année. Cependant, elle devrait rebondir au printemps
prochain pour renouer avec un taux annuel de 2%, lorsque les facteurs
extérieurs se seront améliorés et que les difficultés sur les marchés du
crédit seront surmontées.
51. Les fondamentaux économiques du Canada en 2007 étaient sains,
l’emploi et la demande intérieure étant soutenus, et la croissance
économique stimulée par des termes de l’échange en très nette amélioration du
fait des hausses des prix des matières premières. Le marché immobilier
est demeuré plutôt solide, la baisse des prix étant jusqu’ici limitée
à un petit nombre de villes de l’ouest du pays, tandis que de récents
progrès sur les termes de l’échange, des marchés de l’emploi tendus
et un faible niveau de chômage ont stimulé les revenus et soutenu
la consommation – malgré une performance insuffisante en termes
de productivité et des coûts unitaires de main-d’œuvre en rapide
augmentation. Cependant, les pressions inflationnistes ont été modérées
– les hausses des prix des matières premières ont commencé à s’assagir,
les taxes sur les ventes ont été abaissées et le dollar se renforce,
autant d’éléments qui contribuent à maintenir les prévisions d’inflation
dans la fourchette visée par la banque centrale.
52. Alors que l’économie en ralentissement assure un environnement
calme sur le front de l’inflation, l’OCDE estime que la Banque centrale
du Canada peut envisager un assouplissement de la politique monétaire,
à partir du début de 2009. Globalement, la politique budgétaire
doit être empreinte de prudence à tous les niveaux de gouvernement,
et il conviendrait de prendre des dispositions pour l’augmentation
future des dépenses, à mesure du vieillissement de la population,
en épargnant les bénéfices sur les matières premières résultant
d’un effet d’aubaine.
53. Les risques principaux pour la perspective économique du Canada
seraient une crise prolongée du crédit aux Etats-Unis et un ralentissement,
ou une appréciation sensible du cours du dollar canadien, avec son corollaire,
une dégradation de la balance extérieure.
54. Le Mexique également a été touché par un ralentissement de
la demande américaine, et sa croissance n’a été que de 3,3% en 2007,
contre 4,8% l’année précédente. Elle devrait plonger un peu plus
en 2008 (2,8%), avant de revenir à 3,3% d’ici à 2009. La demande
intérieure a connu une croissance relativement forte en 2007, mais
l’impact négatif du commerce extérieur sur la croissance s’est aggravé,
car les importations demeurent fortes alors que la croissance des
exportations a reculé, et la production pétrolière a souffert de contraintes
techniques. C’est pourquoi le déficit en compte courant se creuse,
passant de 0,8% du PIB en estimations en 2007 à 1% en 2008 et à
2% en 2009 (estimations).
55. L’emploi a continué son expansion dans le secteur formel,
en particulier dans le bâtiment et les services, jusqu’à la fin
de 2007, le peso mexicain – lié au dollar américain – étant resté
dans une grande mesure stable. Sur fond de fortes hausses du prix
des denrées alimentaires, l’inflation a flambé cependant, à 4,6%
en taux annuel en avril 2008, et se situe désormais dans la fourchette
haute des prévisions du Mexique. La Banque centrale mexicaine a
donc relevé ses taux d’intérêt en 2007, puis les a assouplis en
2008, et l’inflation pourrait bien dépasser les 4% en 2008, avant
de reculer en 2009. Les IDE comme l’investissement intérieur ont
connu de fortes performances, et de récentes réformes fiscales sont
attendues pour encourager encore cette tendance.
56. Le changement essentiel apporté à la structure de la fiscalité
a été l’introduction d’un impôt minimal sur les revenus des sociétés,
introduit en septembre 2007, qui devrait gonfler les recettes fiscales
d’environ 1,2% du PIB; avec les changements introduits dans la réglementation
du secteur pétrolier, cela entraînera un rééquilibrage approprié
des recettes, avec une augmentation substantielle du volet non pétrolier.
2007 a connu un budget équilibré et pour 2008 l’équilibre est visé,
avec une hausse des recettes et des dépenses, et une augmentation
du financement en faveur des infrastructures, de l’éducation et
de la santé. Un fonds pour les infrastructures a été créé en février
2008 pour encourager les programmes d’investissement entamés dans l’année,
et en mars des réductions d’impôts et de cotisations sociales ont
été accordées.
57. Pour l’avenir, le plus gros risque est que la reprise américaine
ne soit pas au rendez-vous, ce qui entraînerait un ralentissement
durable des exportations mexicaines.
58. Au Brésil, le rebond de la croissance, qui est sortie de son
ralentissement, s’est poursuivi en force en 2007, avec une croissance
atteignant les 5,4%. Elle a été tirée par une forte demande du secteur
privé, avec une augmentation des crédits, un recul du chômage et
des salaires en hausse. L’investissement a également connu une expansion
notable, ce qui a contribué à atténuer les contraintes de capacités
qui commencent à se faire sentir. Du fait d’une demande plus importante,
tous les indicateurs sont au vert en ce qui concerne les importations,
en particulier pour les produits et équipements et produits intermédiaires,
mais cette tendance a été contrebalancée par la forte performance
à l’exportation. Elément encourageant, les données relatives à l’utilisation
des capacités et les indicateurs de production industrielle ont
remonté de manière substantielle, ce qui suggère des améliorations
structurelles dans l’économie. Toutefois, suivant en cela la tendance
de la perspective mondiale, la croissance du PIB devrait se ralentir
quelque peu durant 2008, et s’établir à 4,8% cette année, puis à
4,5% en 2009.
59. L’inflation a connu une hausse substantielle depuis la mi-2007,
tirée par les prix des denrées alimentaires et de l’énergie. Vers
la fin de 2007, la Banque centrale a fait marche arrière concernant
la réduction des taux d’intérêt du fait d’une croissance persistante
de la demande et, en avril 2008, a relevé le taux directeur de 50
points de base, le portant à 11,75%. Les conditions globales sont
porteuses, la devise brésilienne étant de plus en plus forte et
la Banque centrale continuant d’accumuler des réserves qui, alors qu’elles
représentent autour de 200 milliards de dollars, sont supérieures
désormais à la dette extérieure du pays. Des mesures ont été prises
pour réduire la pression sur le taux de change.
60. Le budget du Brésil pour 2008 a cherché à augmenter les impôts,
les dépenses et les salaires. En fait, les dépenses publiques ont
connu une forte croissance pendant quelque temps, en particulier
pour soutenir la hausse des salaires des fonctionnaires fédéraux,
soutenue par des recettes publiques en pleine expansion. Quelques
mesures ont été prises pour diminuer la charge de l’impôt, en particulier
sur l’investissement, mais le ratio recettes/PIB du Brésil s’est
élevé, et l’un des défis que le pays devra relever à moyen terme
sera celui de la maîtrise de ses dépenses publiques.
61. La croissance économique de la Pologne a continué sur sa lancée
haussière, atteignant 6,6% en 2007, et l’on s’attend à un robuste
5,9% cette année. Elle a été tirée par une forte demande intérieure
et par les investissements étrangers, des dépenses publiques élevées
et un chômage en recul. En fait, il y a de plus en plus de pénurie
de main-d'œuvre; et avec une forte utilisation des capacités dans
l’économie, plus des hausses des coûts unitaires de main-d'œuvre,
l’inflation a commencé à remonter. L’inflation des prix à la consommation devrait
s’établir à 4,5% en 2008 et à 5,5% en 2009. La croissance de la
Pologne peut se ralentir en 2009, mais devrait rester au-delà de
son potentiel à long terme, autour des 5%, la détérioration actuelle
des comptes courants devant se poursuivre.
62. Malgré de récentes améliorations de la position budgétaire
de la Pologne, les programmes actuels visant à augmenter les dépenses
et à réduire les impôts font peser un risque sur l’objectif du gouvernement de
réduire le déficit budgétaire à 2,8% d’ici à 2009. Selon l’OCDE,
il est essentiel d’appliquer strictement la planification budgétaire.
Elle approuve le programme gouvernemental «50 +» qui vise à faire
travailler les travailleurs âgés, notamment en limitant l’accès
aux retraites anticipées. Et puisque les taux d’intérêt seront alors
le principal instrument qui permettra de contenir à la fois le déficit
et l’inflation, le taux directeur en matière de politique d’intérêt
devrait atteindre les 7% durant 2008, ce qui peut menacer à terme
la forte croissance de la Pologne, et remettre en question son objectif
d’entrer dans la zone euro.
63. En République tchèque, la croissance devrait retomber de 6,5%
à 4,5% cette année, du fait de la hausse de l’inflation, à 7,5%
en année glissante pour le premier trimestre de 2008, qui a laminé
les revenus disponibles réels des ménages. Le chômage, qui était
de 7,9% en 2005, devrait descendre à 4,6% en 2008 et à 4,4% en 2009.
Le marché de l’emploi, qui a tendance à se tendre, exerce un surcroît
de pressions inflationnistes, mais d’autres facteurs jouent aussi
un rôle, notamment les augmentations de la fiscalité indirecte et l’assouplissement
des prix réglementés. Avec des prix des produits alimentaires en
hausse et une série d’augmentations d’impôts inspirés par l’Union
européenne, les taux d’intérêt ont commencé à remonter à la fin de
2007.
64. La politique monétaire devrait contenir l’inflation dans ce
cas, qui devrait être bien plus basse à 2,9% en 2009, alors que
la croissance économique devrait retrouver tout son potentiel autour
des 5% en 2009. Toutefois, une réduction du déficit des finances
publiques demeure difficile: le déficit public pour 2007 était plus bas
que celui attendu autour de 1,6% du PIB, malgré les augmentations
des dépenses sociales. Pour 2008, les réformes entraînent un degré
d’incertitude concernant les recettes et les dépenses, mais le déficit
public devrait être de 1,5% en 2008 et de 1,3% en 2009. L’entrée
prévue en 2010 dans la zone euro a été repoussée, et aucune échéance
n’a été fixée. L’OCDE estime que plusieurs défis essentiels vont
devoir être relevés: parvenir à la pleine mise en œuvre des plans
de réforme, garantir la pérennité budgétaire dans un contexte de futures
pressions démographiques et accroître l’offre de main-d’œuvre tout
en améliorant l’éducation afin que les pénuries de main-d’œuvre
et de compétences ne pénalisent pas le potentiel de croissance.
65. La Hongrie a été confrontée à une série de problèmes épineux,
en particulier concernant les niveaux de dépenses publiques. Les
coupes dans les dépenses, des augmentations d’impôts et une consommation
privée en recul ont fait stagner la croissance à 1,3% en 2007, contre
3,9% l’année précédente, alors que, pendant ce temps, les prix à
la consommation bondissaient de 8%. La production manufacturière
est demeurée solide toutefois, les exportations ayant augmenté de
plus de 14%, et la croissance économique globale devrait se reprendre
durant 2008 et atteindre les 2%, puis les 3,1% en 2009, avec un
recul de l’inflation à 6,3% cette année et à 3,7% l’an prochain,
en partie du fait de hausses des taux d’intérêt directeurs.
66. Si l’on en croit les indicateurs, les exportations demeureront
le principal moteur de la croissance, en stimulant l’investissement.
Le principal défi demeure la réussite de la remise à plat des finances
publiques, afin de donner davantage de marge de manœuvre pour abaisser
les taxes et les prélèvements sociaux, ce qui faciliterait aussi
la tâche des autorités monétaires. Le gouvernement prévoit actuellement
que le déficit budgétaire devrait reculer de 9,3% en 2006 à 3,5%
d’ici à 2009, ce qui faciliterait aussi la tâche des autorités monétaires.
Parallèlement à des mesures destinées à réformer le marché du travail,
qui devraient assécher le secteur gris de l’économie, tout cela
devrait contribuer à stabiliser la croissance à plus long terme.
L’OCDE a prévenu également qu’il convient d’éviter toute augmentation
rapide des dépenses durant la période électorale précédant les prochaines
élections, prévues en 2010.
67. En Fédération de Russie, la croissance, qui aurait dû se modérer
en 2007, s’est accélérée du fait de forts investissements et de
prix élevés des matières premières, pour atteindre 8,1%. Si l’incertitude
concernant les prix de l’énergie rend toute prévision difficile,
l’OCDE s’attend à ce que la croissance se ralentisse légèrement,
pour descendre à 7,5% cette année, et à 6,5% en 2009. Une part essentielle
de la récente performance de la Fédération de Russie a été la flambée
des investissements, qui ont augmenté de 22% au cours du premier
semestre de 2007, en particulier dans les secteurs de l’énergie
et du bâtiment – et, si les investissements garderont le vent en
poupe, ce niveau de croissance a cependant fort peu de chances de
se maintenir.
68. La demande intérieure, qui a récemment été stimulée par des
hausses de salaires et une expansion du crédit, devrait progresser
fortement. Au cours des dernières années, la consommation des ménages
a connu des augmentations à deux chiffres – ce qui explique que,
si les volumes des exportations ont augmenté de 6,4% l’an dernier,
ceux des importations ont, eux, augmenté de plus de 27,3%. Malheureusement,
l’inflation a également flambé, atteignant peu ou prou 11,9% en
2007 et, selon les prévisions, devrait atteindre 13% cette année,
bien au-dessus du plafond de la Banque centrale, fixé à 8%. Une
croissance rapide de l’offre de monnaie, un assouplissement budgétaire
ainsi que des hausses des prix des denrées alimentaires sont autant de
facteurs qui contribuent à ce phénomène.
69. L’OCDE indique que le conflit au sein du gouvernement concernant
la politique économique s’est avivé, certaines factions favorisant
l’intensification de politiques industrielles incluant la création
de nouvelles entités étatiques supplémentaires. Des pressions s’exercent
aussi pour davantage d’investissement en interne par le Fonds national
pour la sécurité sociale, un fonds souverain conçu à l’origine pour
n’investir que dans des actifs étrangers, et le ministère de l’Economie
a demandé une taxe à la valeur ajoutée pour stimuler la croissance, tout
en étant, cependant, déterminé à limiter le coût budgétaire de nouvelles
initiatives. Pour l’OCDE, les tentatives de modernisation et de
diversification de l’économie russe se justifient, étant donné la
forte volatilité et la stabilité moindre de la croissance qui caractérisent
souvent des économies dépendantes des ressources naturelles. Mais
l’OCDE tire la sonnette d’alarme à l’encontre de toute prolifération
d’interventions coûteuses qui ne font guère qu’introduire des distorsions
dans les marchés et que gaspiller des ressources, tout en sapant la
pérennité budgétaire et en exacerbant la surchauffe et les pressions
pour une véritable appréciation du rouble
.
La confiance des investisseurs sur le long terme dépendra donc essentiellement
de réglementations du marché favorables à la concurrence et d’une
réduction de l’intervention de l’Etat.
70. Pour l’OCDE, les prix des produits d’exportation en général,
et du pétrole et du gaz en particulier, avec des flux entrants nets
de capitaux, sont des éléments cruciaux pour que la demande intérieure
russe ne perde pas du terrain. Or, ce sont aussi les éléments sur
lesquels plane la plus grande incertitude pour l’avenir. L’OCDE
estime que la Fédération de Russie aurait tout intérêt à combiner
une politique budgétaire neutre avec une politique monétaire orientée
plus fermement vers la stabilité des prix et la réforme structurelle
pour accroître le potentiel de croissance.
4. Les questions de fond concernant
les marchés financiers
4.1. Réglementation et supervision
71. Même si la crise du crédit
a eu son origine aux Etats-Unis, et a été déclenchée en premier
lieu par les prêts hypothécaires dits «subprimes»,
ses effets se sont rapidement propagés – dans tous les marchés financiers,
et à tous les marchés de la planète. Cela a mis en lumière l’imbrication
des marchés aujourd’hui, et a montré comment une série d’événements
inattendus peut révéler des faiblesses où des lacunes dans le système,
et, dans ce cas, aboutir à la faillite d’une banque régionale en
Allemagne, d’une caisse d’épargne immobilière au Royaume-Uni, de
banques d’investissement, de prêteurs hypothécaires et d’une société mondiale
d’assurance aux Etats-Unis, et aux plusieurs milliards de dollars
passés par profits et pertes par les grandes banques dans le monde
entier. Tout le monde réclame une action, cela va de soi. Mais que
faut-il faire?
72. Si l’on se penche spécifiquement sur l’origine des turbulences,
l’OCDE indique que, si la «titrisation» du risque a permis un accès
accru au crédit, elle a révélé en même temps des failles sérieuses.
D’une part, il est possible qu’elle ait encouragé des abus dans
les ventes d’hypothèques et autres crédits – un problème qui peut
être réglé par une disposition de réglementation générale. Mais,
par la suite, il y a également un manque d’information en ce qui
concerne les points de concentration de ce risque dans le système,
avec une série de questions: qui détient ces titres risqués? A cela
s’ajoute une difficulté sérieuse d’évaluation de ce risque, et donc
de réévaluation du prix des actifs concernés. C’est cette accumulation
qui a abouti à ce que la situation actuelle se prolonge, et soit
pleine d’incertitudes. Aujourd’hui encore, il est difficile de prédire
dans combien de temps la situation se sera assainie et quelle sera
l’étendue des pertes (les estimations de l’OCDE les évaluent entre
350 et 420 milliards de dollars, celles du FMI à 500 milliards de
dollars). Et puisqu’on ne sait toujours pas qui détient quelle part
de cette dette, la confiance mutuelle et la confiance dans le marché
ont pâti. Du coup, le crédit n’est plus aussi largement distribué,
les rumeurs et la spéculation vont bon train et même les institutions
au-dessus de tout soupçon sont menacées.
73. L’OCDE suggère que, une fois bien compris les problèmes rencontrés,
le cadre réglementaire entourant la titrisation devra faire l’objet
d’une analyse approfondie dans le but d’améliorer la gestion de
risque et de renforcer la transparence, pour voir s’il est possible,
et dans ce cas comment, d’éviter sa défaillance à l’avenir.
74. Pour l’avenir précisément, l’OCDE estime qu’il pourrait être
nécessaire de prendre une décision claire concernant quelles activités
de «hors bilan», telles que la titrisation de dette de type
subprime, doivent être autorisées.
Mais, plus largement, comment peut-on garantir une meilleure réglementation
des marchés, une supervision plus efficace? L’OCDE fait une série
de suggestions:
- premièrement,
elle évoque la nécessité d’une mise à jour et d’une révision permanentes
des réglementations financières, étant donné la rapidité avec laquelle
les marchés évoluent et les nouveaux produits sont introduits. Cela
devrait passer par un effort permanent pour rationaliser le système
de supervision lui-même, de sorte qu’il demeure intégré, connecté
aux régulateurs dans les autres pays et adapté au marché lui-même.
L’OCDE note que le Canada prévoit une analyse réglementaire de l’ensemble
de son système financier tous les cinq ans. Elle suggère par ailleurs
que, pour ces analyses réglementaires, les décideurs politiques
s’inspirent du cadre de Bâle, qui contient des normes acceptées que
les régulateurs bancaires peuvent utiliser, en particulier lorsqu’ils
créent des réglementations sur la part de fonds propres que les
banques doivent cantonner pour se prémunir des risques financiers
et opérationnels;
- dans certains pays, il sera peut-être nécessaire d’introduire
des dispositions réglementaires spécifiques pour empêcher les pratiques
de prêt prédatrices et améliorer la qualité de l’information des
emprunteurs. En outre, il serait bon d’examiner le niveau des frais
et commissions qui peuvent être facturés – et se pencher par la
même occasion sur les mesures à prendre pour les rendre plus transparents,
et faire en sorte qu’ils soient bien compris;
- les systèmes de garantie des clients ont tous besoin d’être
modernisés: dans bon nombre des pays de l’OCDE, les sommes garanties
disponibles sont aujourd’hui insuffisantes pour que les clients
conservent leur confiance dans les institutions en cas de difficultés,
et six membres de l’OCDE ne sont dotés d’aucun mécanisme. Les conséquences
de cet état de fait ne sont ressorties que trop clairement récemment
au Royaume-Uni, qui est doté d’un modeste système de garantie, et
toute une série d’annonces d’urgence ont dû être faites pour tenter
de consolider la confiance dans l’établissement de crédit immobilier
Northern Rock;
- le rôle des agences de notation devrait être revu; la
tourmente que nous traversons actuellement a soulevé de nombreuses
questions quant à leur efficacité en matière d’évaluation du risque,
et sur le point de savoir s’il y a suffisamment de concurrence entre
elles.
75. Il en va de l’intérêt de tous de parvenir à un bon environnement
réglementaire. En tout état de cause, il en va de l’intérêt du secteur
financier lui-même; et il est plus important que jamais pour les
gouvernements de se doter d’une supervision attentive, alors qu’aujourd’hui
les décideurs politiques doivent naviguer à vue entre «l’aléa moral»
– la nécessité de ne pas récompenser les institutions qui ont failli,
pour ne pas affaiblir l’intégralité du secteur en supprimant tout
risque – et la menace de catastrophe pour des consommateurs en situation
de détresse. Les pressions politiques que ce type de situation entraîne
sont intenses, ce qui amène certains observateurs à se demander
si, à une époque où les consommateurs disposent d’investissements privés
substantiels, souvent accumulés sur incitation des pouvoirs publics,
une banque ou une institution peut être autorisée à faire faillite?
Si l’on en juge par la récente expérience américaine, en ajoutant
les sauvetages de Bear Stearns, de Fannie Mae, de Freddy Mac et
d’AIG, avec les propositions d’apport de 700 milliards de dollars
pour que le Trésor américain rachète les actifs risqués et non liquides
du secteur financier adossés à des garanties hypothécaires, il semble
bien que cela ne soit pas une solution acceptable, du moins lorsqu’on craint
un risque d’effondrement de l’ensemble du système et de graves conséquences
pour l’économie réelle.
4.2. Education à la finance
76. Cette situation aboutit à un
constat: il est d’autant plus important de former les consommateurs
afin qu’ils comprennent mieux la finance, et c’est là un thème qui
est prioritaire pour l’OCDE. L’évolution des marchés, d’une part,
et les évolutions démographiques et sociales, d’autre part, font
que les consommateurs sont de plus en plus exposés à des marchés
financiers et à des produits complexes – par l’accession à la propriété, l’épargne,
les régimes de pension privés, etc. Pourtant, les études menées
dans les pays de l’OCDE montrent de manière persistante qu’ils sont
peu familiarisés avec les finances – cela va depuis le fait de ne
pas prendre conscience de la nécessité d’épargner à une compréhension
insuffisante des produits dans lesquels les consommateurs investissent.
Fait également préoccupant, il semble fort que les consommateurs
tendent à surestimer leurs compétences en matière de finances, les
plus vulnérables (groupes à faibles revenus et ayant fait peu d’études)
étant ceux qui souvent donnent l’impression d’être les plus béotiens
en la matière.
77. Cette situation pose d’importants défis sur le plan politique:
comment faire en sorte que même des investisseurs théoriquement
sophistiqués comprennent véritablement les risques financiers auxquels
ils sont exposés, ou encore comment trouver les moyens de faire
en sorte que les consommateurs les plus vulnérables puissent disposer
d’un compte en banque (ce qui n’est toujours pas le cas pour 3%
à 10% des populations des pays de l’OCDE). Ces défis sont d’autant
plus criants pour les dirigeants des économies en développement.
78. Le projet de l’OCDE pour l’éducation à la finance, lancé en
2003, entend analyser les programmes mis en place dans ce domaine
dans tous les pays de l’OCDE ainsi qu’un certain nombre de pays
non membres sélectionnés, en étudier l’efficacité et apporter un
soutien en matière de politique aux gouvernements et autres acteurs
qui lancent ce type de programme. En 2005, la première grande étude
internationale sur l’éducation à la finance a été publiée (Improving Financial Literacy);
elle était assortie d’un ensemble de grands principes pour l’éducation
et la sensibilisation à la finance, qui s’appuyaient sur les bonnes
pratiques internationales. Ces grands principes promeuvent le rôle
des principales parties prenantes (gouvernements, syndicats, institutions financières,
employeurs, etc.) et recommandent d’agir dans un certain nombre
de domaines, depuis l’épargne et la gestion de l’endettement jusqu’aux
plans de retraite privés.
79. En 2006, les ministres des Finances des pays du G8 ont reconnu
l’importance que revêt l’éducation à la finance et ont invité l’OCDE
à poursuivre l’élaboration de principes directeurs sur ce thème.
Les bonnes pratiques pour l’éducation à la finance dans le domaine
des retraites privées et de l’assurance ont été publiées au printemps
2008. D’autres travaux sont menés sur la réglementation de la protection
des consommateurs dans le domaine des marchés financiers, et plus
particulièrement des pensions privées. Les principaux résultats
de ces travaux sont les lignes directrices de l’OCDE sur la protection
des droits des membres et des bénéficiaires, approuvées en 2004.
Actuellement, l’Organisation s’intéresse plus spécialement aux questions relatives
à l’éducation à la finance dans le domaine du crédit. L’urgence
de cette éducation a été mise en évidence par les récents développements
sur les marchés hypothécaires et les marchés du crédit, et notamment
par la crise des subprimes.
Un recueil de bonnes pratiques de l’OCDE sur l’éducation et la sensibilisation
à la finance concernant le crédit sera achevé d’ici à la fin de
2008.
80. Comme les années précédentes, l’OCDE continue de promouvoir
la coopération internationale en matière d’éducation à la finance.
En 2008, elle est particulièrement active sur ce front, organisant
trois conférences à haut niveau pour mettre en avant l’importance
de l’éducation à la finance et les développements dans ce domaine
(aux Etats-Unis en mai, au Mexique en juillet et en Indonésie en
octobre). Pour renforcer les échanges d’informations et encourager
la coopération entre les principaux acteurs internationaux de l’éducation
à la finance, l’OCDE a aussi récemment mis en place le Réseau international
d’éducation à la finance (International Network on Financial Education),
plate-forme d’échange d’informations, y compris sur les bonnes pratiques
nouvelles, ainsi qu’un Portail international de l’éducation à la
finance (International Gateway for Financial Education) qui sert
d’organe centralisé international pour les programmes et les questions
d’éducation à la finance dans le monde entier.
4.3. La percée des fonds souverains
81. Les «fonds souverains» sont
essentiellement des véhicules d’investissement détenus ou contrôlés
par les Etats qui sont alimentés par des réserves en devises ou
d’autres biens comme les ressources naturelles. Le concept n’est
pas nouveau (le premier fonds souverain a été le Kuwait Investment
Authority, créé en 1953, bien que le Koweït ne soit devenu un Etat
souverain qu’en 1961); ce qui est nouveau, c’est la rapide croissance de
ces fonds, tant en nombre qu’en taille. Au cours des cinq dernières
années, la Chine, la Russie, le Qatar, l’Australie, la Corée et
le Venezuela ont chacun créé leur propre fonds souverain. Les nouveaux
fonds gèrent au total, selon des estimations, 3 000 milliards de
dollars, dont près de la moitié détenue par des pays qui sont des
exportateurs importants de pétrole et de gaz. Alors que l’accumulation
mondiale de réserves tourne autour de 1 000 milliards de dollars
chaque année, et qu’il est vraisemblable que d’autres fonds vont
être créés dans un proche avenir, ce type de véhicule d’investissement
est appelé à prendre de plus en plus d’importance sur les marchés
financiers.
82. D’après les données du Peterson Institute for International
Economics (données fin 2007 ou les plus récentes disponibles)
, les
dix fonds souverains les plus importants sont les suivants:
82.1. Abu Dhabi Investment Authority
and Council, Abou Dhabi, UAE (1976): 500-875 milliards de dollars
des Etats-Unis;
82.2. Government Pension Fund Global, Norvège (1990): 375 milliards
de dollars;
82.3. Government Investment Corporation, Singapour (1981): 200-330
milliards de dollars;
82.4. Kuwait Investment Authority (1953), Koweït: 213 milliards
de dollars;
82.5. China Investment Corporation (2007), Chine: 200 milliards
de dollars;
82.6. Reserve Fund, Fédération de Russie (2008): 128 milliards
de dollars;
82.7. Temasek Holdings, Singapour (1974): 110 milliards de dollars;
82.8. Investment Corporation of Dubai, UAE (2006): 82 milliards
de dollars;
82.9. Qatar Investment Authority (2005), Qatar: 60 milliards
de dollars;
82.10. Libyan Investment Authority (2006), Libye: 50 milliards
de dollars.
83. Il est difficile de se faire une idée précise des avoirs de
ces fonds. Chacun d’entre eux est géré selon ses propres règles,
certains plaçant une partie de leurs avoirs en actifs nationaux
ou dédiés à l’investissement national, d’autre détenant des actifs
compris dans les réserves gouvernementales. Le plus gros par la
taille, cependant, est sans l’ombre d’un doute le fonds souverain
de l’Autorité d’investissement d’Abou Dhabi, avec des avoirs d’environ
un tiers du total de tous les fonds souverains, suivi par celui
de la Norvège, et par celui de Singapour. Parmi les fonds récents,
le plus gros par la taille est le fonds de la China Investment Corporation. Le
fonds de stabilisation de la Fédération de Russie a été divisé entre
un fonds national de protection sociale et un fonds de réserve,
avec des avoirs s’élevant respectivement à 32 et 128 milliards de
dollars. Bien que le fonds chinois soit conçu pour gérer des actifs
d’environ 200 milliards de dollars, la majeure partie de ce montant doit
être investie pour recapitaliser les banques chinoises, et il reste
uniquement 66 milliards de dollars disponibles pour l’investissement
international.
84. Au cours des dernières années, à mesure que ces fonds prenaient
de l’importance et étaient gérés de manière plus active, leur impact
est devenu plus visible. Les fonds souverains ont montré une tendance
à privilégier les types d’investissements de grande qualité, à revenu
fixe, ce qui, d’un commun avis, a abouti à un abaissement général
des taux d’intérêt à long terme. Maintenant, alors que l’on commence
à voir ces fonds changer de politique d’investissement, ces taux
d’intérêt pourraient remonter. Les fonds souverains domiciliés dans
les pays de l’OCDE ont adopté une approche prudente – mais faisant
intervenir des portefeuilles d’actions extrêmement dispersés ainsi
que des titres à revenu fixe. Dans les pays émergents, les fonds souverains
investissent depuis quelque temps une partie de leurs portefeuilles
dans des supports d’investissement alternatifs, notamment l’immobilier
et les private equity. Si
les investissements de ces fonds sont réorientés sur le marché des
titres, les prix des actions devraient être tirés à la hausse. Tout
mouvement de ce type sera particulièrement prononcé sur les marchés
émergents, où l’on pense que les fonds souverains ont placé une
bonne part de leurs actifs, et où l’on manque relativement d’autres
investisseurs.
85. Sur les marchés développés, les fonds souverains ont commencé
à faire les gros titres avec une série d’investissements annoncés,
ou en discussion, dans des activités à haut profil. En particulier,
ils ont pris des participations dans les banques qui ont le plus
besoin de liquidités: fin janvier, ces investissements ont dépassé les
60 milliards de dollars, 20 milliards de dollars ayant été investis
dans les seules banques CitiGroup et Merrill Lynch. Ils se concentrent
également sur les capitaux privés, le fonds d’Abou Dhabi investissant
dans le groupe Carlyle, et le groupe britannique Apax ayant vendu
une participation de 10% à un syndicat de fonds. En outre, certains
signes laissent à penser que les entreprises de gestion financière
privée vont de plus en plus se tourner vers les fonds souverains
pour trouver un financement. En février, Guy Hands du groupe Terra
Firma a déclaré que, les banques étant incapables de souscrire des
méga-contrats, il va falloir commencer à lever des fonds auprès
des fonds de pension, les fonds souverains et même sur les marchés
mondiaux de devises
. Les
fonds souverains et les fonds de pension sont depuis longtemps les
principaux investisseurs dans les
private
equity. La nouveauté est qu’ils semblent monter dans
la chaîne de valeur, avec des prises de participation dans les sociétés
de gestion et, de plus en plus, la poursuite de stratégies d’investissement propres.
86. La logique commerciale de cette évolution est indéniable,
et les fonds souverains peuvent apporter d’importants bénéfices
aux marchés internationaux; de fait, ils ont contribué à la stabilité
au cours de la récente période de volatilité par des sources d’investissements
étrangers qui faisaient cruellement défaut à bon nombre de pays
de l’OCDE. D’après le rapport d’avril 2008 de l’OCDE sur les fonds
souverains et les politiques des pays, les fonds souverains aident
à recycler l’épargne au niveau international et affichent dans l’ensemble un
bon bilan en tant qu’investisseurs à long terme; ils contribuent
au développement économique des pays d’origine et, dans les pays
d’accueil, entraînent les effets positifs qui sont généralement
associés aux investissements étrangers, notamment en stimulant l’activité
commerciale et la création d’emplois. Toutefois, l’OCDE admet que
le rôle croissant des fonds souverains soulève des questions, en
particulier celle du bon fonctionnement des marchés financiers et
les préoccupations légitimes des pays d’accueil quant à la protection de
la sécurité nationale. L’OCDE reconnaît que le problème est aggravé
par un manque de transparence et souligne que, quand de nouveaux
acteurs apparaissent sur la scène financière internationale, les protagonistes
doivent apprendre à se connaître.
87. Une telle situation est à l’évidence incompatible avec un
environnement commercial où la pratique de la bonne gouvernance
est une part cruciale du développement social. Le fonds norvégien
est largement reconnu comme un modèle réussi de transparence; il
s’est doté d’un code de conduite public, publie son processus de gouvernance
tout comme sa stratégie d’investissement et garantit que ses opérations
feront l’objet d’un reporting ouvert
et accessible. Parmi les gros fonds souverains en dehors de la zone
de l’OCDE, le fonds Temasek Holdings est sans doute celui qui présente
le plus haut degré de transparence. Le fonds du Koweït, lui aussi,
déploie des efforts significatifs pour parvenir à la transparence,
et il semble que d’autres fonds tiennent compte de ces préoccupations.
88. Il convient de faire preuve d’équité dans les attentes vis-à-vis
des fonds souverains. En d’autres termes, les normes en matière
de divulgation doivent matérialiser des attentes comparables pour
des investisseurs comparables et répondre aux besoins divers (et
parfois antagoniques) des individus et des organisations touchés
par les opérations des fonds souverains (par exemple les gouvernements
hôtes, les investisseurs, les autres parties prenantes et les citoyens
des pays d’origine). Certains arguments militent pour assujettir
les fonds souverains aux mêmes obligations de divulgation que d’autres
entités commerciales, par exemple pour ce qui est de révéler qui
sont les partenaires et co-investisseurs. Mais l’OCDE signale que
se mettre à privilégier le protectionnisme des investissements risque
d’être contre-productif, en particulier actuellement. Il y va donc
de l’intérêt des fonds souverains comme des bénéficiaires potentiels
des investissements de parvenir à s’entendre sur des pratiques et
les normes de fonctionnement – et l’OCDE est l’un des organismes internationaux
qui s’occupent aujourd’hui de cette question.
89. A la suite d’une demande des ministres des Finances du G7
et d’autres membres de l’OCDE en octobre 2007, les pays de l’OCDE
et leurs partenaires s’efforcent maintenant de répondre à ces préoccupations
sans imposer de restrictions inutiles aux investissements internationaux.
90. L’OCDE souhaite éviter toute réaction discriminatoire à l’encontre
d’investissements contrôlés par des gouvernements étrangers, et
reste engagée à long terme en faveur de la promotion de la liberté
de l’investissement (par exemple par le biais de ses Codes de libéralisation
et de l’Instrument de traitement national dans la Déclaration sur
l’investissement international et les entreprises multinationales).
91. Des représentants des pays de l’OCDE et leurs partenaires
non membres de cette organisation travaillent donc actuellement
à veiller à ce que les réponses politiques aux préoccupations de
sécurité nationale soient cohérentes avec les accords nationaux
existants, et que toute restriction aux investissements réponde
aux principes de proportionnalité, de transparence, de prévisibilité
et de responsabilisation. Jusqu’ici, l’OCDE a examiné des mesures
d’investissement actuellement utilisées par les gouvernements et
identifié un ensemble de principes fondamentaux pour minimiser leur
impact sur les activités légitimes.
92. Entre-temps, les fonds souverains eux-mêmes sont encouragés
à améliorer leur gouvernance et leur transparence afin que leurs
activités soient mieux acceptées. Cela devrait contribuer à répondre
aux soupçons que leurs stratégies d’investissement pourraient être
autant politiques que commerciales – et leurs activités nuisibles,
non seulement en termes de contrôle externe, mais aussi pour le
fonctionnement de marchés locaux efficaces.
93. Il semble bien que ce débat public soit effectivement en train
de modifier les comportements des fonds souverains. La Société d’investissement
de la Chine a récemment confirmé qu’elle élabore actuellement une charte
de principes, indiquant qu’elle sera gérée selon des principes commerciaux
et indépendante du gouvernement. En mars, le secrétaire américain
du Trésor a rencontré des représentants d’Abou Dhabi et de Singapour,
qui ont confirmé que leurs fonds refuseraient «les objectifs liés
à des considérations géopolitiques». Ils ont accepté d’accroître
les éléments mis à disposition du public dans des domaines tels
que leur objet social, leurs objectifs et leur retour sur investissement
– et de mettre en place des contrôles des risques serrés, ainsi
que de respecter les obligations réglementaires et de divulgation
des pays dans lesquels ils investissent. Dans les termes mêmes du
secrétaire américain au Trésor, les Etats-Unis se réjouissent de recevoir
des investissements de fonds souverains et entendent continuer à
travailler avec ces deux pays et d’autres pour soutenir les initiatives
en cours au FMI et à l’OCDE en vue de développer les meilleures
pratiques pour les fonds souverains et les pays où ces derniers
investissent.
94. La Commission européenne aussi propose actuellement un ensemble
de principes pour la transparence, la prévisibilité et la responsabilisation
qui pourraient s’appliquer aux fonds comme aux pays donateurs et
bénéficiaires. Concrètement, cela pourrait prendre la forme d’une
déclaration annuelle des investissements et actifs d’un fonds, de
détails sur la taille de ses ressources et d’informations sur les
droits de vote éventuels qu’il exerce. Le Président de la Commission
a souligné que celle-ci ne peut pas permettre à des fonds non européens
d’être gérés de manière opaque ou utilisés comme outil de stratégie
géopolitique, même si les fonds souverains apportent des investissements
bienvenus et ne doivent pas être considérés comme un grand méchant
loup prêt à tout dévorer. S’exprimant à Oslo, il a comparé le fonds
de la Norvège à «l’étalon or», ajoutant qu’il aimerait bien que
d’autres s’inspirent de l’exemple de ce fonds et suivent les normes rigoureuses
appliquées par ce dernier.
95. L’OCDE indique que, par le canal de son Comité d’investissement,
les pays membres et les autres gouvernements participants s’efforceront,
par un dialogue permanent et une surveillance renforcée par les pairs,
d’aider tous les gouvernements à maintenir l’ouverture des marchés
aux investisseurs internationaux tout en préservant la sécurité
nationale. L’OCDE continuera également à coordonner ses travaux
avec ceux du Fonds monétaire international et de la Commission européenne.
C’est pourquoi, à ce stade, il semble probable qu’à terme il soit
possible de convenir de pratiques de fonctionnement raisonnables
pour les fonds souverains, sans qu’il soit nécessaire de passer
par une législation draconienne – tout le monde a, cela ne fait nul
doute, intérêt à cela, et l’OCDE joue actuellement un rôle important
pour veiller à concrétiser ce potentiel. Il est intéressant de noter
que le secteur londonien du patrimoine privé, récemment confronté
à certaines préoccupations similaires, a pris l’an dernier l’initiative
d’introduire un code de conduite volontaire.
4.4. Les «private equity» et
«hedge funds»
96. Il existe bien entendu des
différences très nettes entre les modalités de travail dans le secteur
de la «private equity» et
dans celui des fonds souverains: le premier est, par exemple, ouvertement
commercial dans ses activités, avec des partenaires connus et enregistrés,
et ses investisseurs sont pour l’essentiel des personnes physiques
fortunées, des fonds de pension et d’autres investisseurs institutionnels.
C’est aussi un secteur très dépendant des évolutions des marchés
financiers. Cependant, les sociétés de gestion de private equity, la transparence
des fonds elle-même et le niveau de publicité sur les affaires qu’elles
concluent ont donné lieu à des questions.
97. En fait, les fonds de gestion de capitaux privés, tels que
les private equity et les hedge funds, ont vu leur taille
s’accroître énormément ces dernières années – même s’ils restent
très petits par rapport au secteur mondial des fonds commun de placement,
et la grande majorité des acquisitions relèvent encore d’entreprises publiques.
La division de l’OCDE chargée des questions des entreprises s’est
penchée sur le rôle que ces investisseurs activistes peuvent jouer
pour promouvoir la bonne gouvernance d’entreprise, et a cherché
à savoir s’il existe une supervision efficace pour garantir que
les conseils de direction et le management des entreprises poursuivent
des objectifs qui vont dans l’intérêt des actionnaires et autres
parties prenantes.
98. L’OCDE juge que leur rôle est en général positif. En exerçant
les droits des actionnaires de manière proactive et éclairée (par
exemple en s’informant de près sur la gestion et les stratégies
d’entreprise, les politiques de dividendes et les plans d’acquisition),
les capitaux peuvent être affectés de manière plus efficiente dans
toute l’économie, ce qui permet de compenser le nombre de plus en
plus important d’investisseurs institutionnels «passifs». L’OCDE
indique que la performance des entreprises semble nettement s’améliorer après
leur acquisition, et que l’impact sur l’emploi n’est pas négatif
en soi, même si cet aspect mériterait que l’on s’y attarde. Il convient
de noter, également, que les hedge funds ont
récemment joué un rôle positif pour stabiliser les marchés mondiaux
en rachetant de la dette qu’ils estimaient s’être dépréciée trop
brutalement.
99. Ce type d’investisseurs est souvent accusé d’avoir une vision
à court terme, de privilégier le retour rapide sur investissement
plutôt que de se focaliser sur des stratégies à long terme créatrices
de valeur. Mais l’OCDE signale que c’est l’absence même d’une direction
stratégique de ce type qui rend souvent les entreprises vulnérables
aux initiatives de ces groupes, de sorte que, même s’ils ont un
horizon d’investissement limité, leurs objectifs ont des chances
d’être compatibles avec une bonne gouvernance d’entreprise. Le Groupe
directeur de l’OCDE pour la gouvernance d’entreprise estime que
les questions de gouvernance d’entreprise entourant ces investisseurs
sont déjà traitées convenablement dans les Principes de gouvernement
d’entreprise de l’OCDE, de sorte qu’il n’est pas nécessaire d’élaborer
un code international supplémentaire consacré spécialement à ces
questions. Les principes traitent déjà de la transparence demandée
aux investisseurs institutionnels et de la nécessité d’un marché
transparent permettant un contrôle, questions souvent soulevées
par les initiatives des hedge funds activistes
et les rachats par des private equity. Leur
application effective pourrait nécessiter des modifications de la
réglementation dans certaines juridictions.
100. Il y a aussi place pour des codes par secteur. Ainsi, les
Comités Walker au Royaume-Uni préconisent la publication d’informations
semestrielles pour les sociétés en portefeuille appartenant aux
sociétés de gestion de private equity,
comme c’est déjà le cas pour les entreprises publiques. De plus,
il est recommandé aux partenariats de private
equity de publier davantage d’informations sur eux-mêmes
à l’intention du public et pas seulement de leurs investisseurs.
Il existe aussi un ensemble de principes relatifs au comportement
des hedge funds, et notamment
des normes concernant l’exercice par les hedge
funds activistes des droits de vote attachés aux titres
empruntés.
101. Certains jugent que ces mesures vont suffisamment loin pour
faire taire les critiques, d’autres non, et le débat est loin d’être
clos. De l’avis de l’OCDE, l’objectif essentiel des politiques dans
ce domaine doit être de veiller à la tenue à jour du cadre réglementaire
concernant des questions comme l’information sur l’actionnariat et
les règles d’intégrité des marchés. Une plus grande transparence
de la part de ces investisseurs activistes sur leurs opérations
ne peut qu’aller dans ce sens.
5. Le point sur d’autres sujets
d’intérêt
5.1. Les perspectives pour le
cycle de Doha
102. Comme les marchés financiers
mondiaux, le système de commerce mondial a connu une expansion considérable
ces dernières années. Grâce en partie aux efforts du GATT, puis
de l’OMC, l’expansion du commerce mondial a servi de locomotive
de croissance, dont ont bénéficié à la fois les pays développés
et les pays en développement. Et, comme le fait remarquer l’OCDE,
en un temps d’incertitude mondiale, il est plus important que jamais
que le libre-échange soit affirmé et, autant que faire se peut,
étendu. Mais est-ce que cela est possible?
103. Les enjeux sont élevés. Si l’on en croit une analyse présentée
pour discussion par certains économistes d’envergure mondiale dans
le cadre du Consensus de Copenhague de 2008, la conclusion du cycle
de Doha pourrait tout à fait augmenter le revenu mondial de 3 000
milliards de dollars par an, dont 80% iraient au monde en développement,
ce qui constitue des dividendes particulièrement élevés. L’OCDE
a estimé que les gains dans le secteur des services, exclu des négociations
commerciales pendant de nombreuses années mais qui est désormais
le secteur économique à la croissance la plus rapide, pourraient
bien se monter à 500 milliards de dollars. En outre, elle estime
qu’il est possible d’obtenir des gains supplémentaires de 100 milliards
de dollars en cas de libéralisation totale des barrières tarifaires
pour les produits industriels et les denrées agricoles – et encore
autant si les pays pouvaient parvenir à un accord sur la facilitation
des échanges. Les pays en développement seraient particulièrement
gagnants, puisqu’ils bénéficieraient des deux tiers de ces gains.
Et, spécifiquement, Doha constitue une opportunité de se débarrasser
des distorsions qui font obstacle à la croissance dans les pays
les plus pauvres. En partie du fait que les pays en développement
n’étaient pas représentés dans les cycles de négociations antérieurs,
les droits de douane sont bien plus lourds sur les produits émanant
des pays en développement que ceux appliqués pour les produits de
pays riches.
104. Le cycle de développement de Doha de l’OMC connaît des difficultés
depuis plusieurs années. Des discussions entre les Etats-Unis et
l’Union européenne ont fait la une, en particulier concernant l’agriculture, mais
il y a également de nombreux autres domaines de préoccupation avec
le groupe des économies émergentes, en particulier sur la réduction
des barrières tarifaires. Ainsi, le Brésil est préoccupé par la perspective
d’importation de produits manufacturés à bas coût, en particulier
en provenance de Chine.
105. Vers le début de 2008, un certain nombre de signaux positifs
ont été lancés. Après d’intenses négociations, dans son rapport
au Conseil général de l’OMC le 5 février, Pascal Lamy a déclaré:
«Nous sommes dans la dernière ligne droite des négociations, et
avons entamé le sprint final pour établir les modalités. Je pense
que nous sommes globalement d’accord sur l’urgence de ce que nous
faisons, et sur les mesures de base que nous devons prendre pour
parvenir à un accord.»
106. Des projets de position ont été diffusés, contenant une évaluation
mesurée de ce sur quoi l’on pourrait s’entendre en matière de réduction
des barrières tarifaires et des subventions, ainsi que les dispositions nécessaires
pour concrétiser ces réductions, qui ont servi de base à un possible
accord. L’OCDE pense qu’un accord est possible, d’autant que la
hausse des prix des produits alimentaires devrait contribuer à apaiser
les désaccords concernant les subventions agricoles. Mais elle insiste:
aucun cycle commercial n’a jamais été aussi complexe, des concessions
seront nécessaires de part et d’autre.
107. Désormais, le temps presse: car, à mesure que les difficultés
économiques rendent un accord de plus en plus important, les concessions
sont d’autant plus difficiles à accepter, et le passage de témoin
à la présidence des Etats-Unis pourrait retarder un accord, à moins
que ce dernier ne soit conclu très vite. Malheureusement, les participants
à la réunion ministérielle convoquée par l’OMC en juillet ne sont
pas parvenus à s’entendre. Le principal problème qui s’est posé
était l’insistance avec laquelle l’Inde et la Chine exigeaient que
leurs deux pays, mais aussi d’autres pays émergents et en développement
se voient autorisés à imposer des tarifs douaniers de protection
d’un niveau prohibitif si une vague d’importations agricoles en provenance
de pays développés menaçait de submerger les producteurs locaux.
Cette position a été rejetée par les Etats-Unis et d’autres pays
producteurs de denrées agricoles, de sorte que les négociations
ont échoué.
108. En l’absence d’accord, le risque est grand que le monde choisisse
de plus en plus des accords bilatéraux et régionaux qui, du fait
de leurs exclusions, feront le lit d’un protectionnisme subtil.
Les Etats-Unis, par exemple, concluent en ce moment toute une série
d’accords bilatéraux, en particulier en Amérique latine, alors qu’en
Asie on parle d’un accord de libre-échange réservé à la seule APEC.
L’OMC deviendrait alors de plus en plus un centre de différends,
où le commerce mondial progresserait par le litige plutôt que par
la législation. L’OCDE considère donc que le cycle de Doha est une
politique d’assurance à peu de frais contre la résurgence du protectionnisme
et des guerres commerciales, et invite vivement les intervenants
clés à ne pas laisser passer le fruit à portée de leurs mains de
l’architecture mondiale du commerce. Après l’échec des négociations
ministérielles de juillet à l’OMC, le Secrétaire général de l’OCDE
Angel Gurría, disant que ces négociations avaient ajouté des éléments
significatifs à un ensemble de résultats finaux potentiels, a invité vivement
les négociateurs à faire le dernier kilomètre sur la voie d’une
conclusion réussie d’un accord commercial multilatéral, en particulier
alors que l’économie mondiale montre des signes de faiblesse.
5.2. Vers une contraction mondiale
du marché de l’énergie?
109. Ces dernières années, nombreux
ont été ceux qui prédisaient une modération, voire un recul des
cours de l’énergie; bien au contraire, ceux-ci n’ont fait qu’augmenter
sans répit, alors même que la croissance mondiale voyait ses perspectives
se restreindre. Comme on l’a vu, cet élément est, en soi, est l’un
des facteurs clés derrière la morosité des perspectives économiques,
et une cause majeure de pressions inflationnistes. Il est toutefois
difficile à traiter, étant donné la myriade de raisons qui expliquent
la hausse continue des prix, notamment du fait que ceux-ci s’ajustent
au regard de la faiblesse du dollar, alors que les factures pétrolières et
gazières sont libellées dans cette devise, mais également parce
qu’ils reflètent une incertitude géopolitique notable et des préoccupations
liées à la sécurité dans les régions du monde d’où provient, et
proviendra à l’avenir, une très grande part de la production.
110. A ces facteurs viennent s’ajouter des problèmes récurrents
de sous-investissement, comme le fait remarquer l’Agence internationale
de l’énergie (AIE), l’agence de l’énergie de l’OCDE. Des prix bas
dans les années 1990, des difficultés politiques pour les investisseurs
dans les pays producteurs et la difficulté d’exploiter des champs
plus éloignés et inaccessibles expliquent le manque de nouveaux
approvisionnements – alors que, en dépit de certaines améliorations
dans la distribution, les transports et infrastructures sont encore
insuffisants pour faire face aux nouveaux modèles géographiques
d’activités économiques, et que des préoccupations écologiques ont
contribué à une pénurie de nouvelles capacités pour l’extraction,
le raffinage et la génération de courant dans les pays développés.
Cependant, peut-être plus que tout autre facteur, la projection
de l’offre et de la demande sur le long terme est sans doute l’élément
qui tire les prix vers le haut – dans les conditions actuelles,
le marché mondial de l’énergie devrait rester tendu dans un avenir
prévisible. Cela pourrait représenter une énorme contrainte pour
l’économie mondiale et le développement des économies émergentes,
ainsi qu’être catastrophique sur le plan de l’environnement.
111. Selon l’AIE, si les gouvernements mondiaux persistent à suivre
leurs politiques actuelles, les besoins en énergie de la planète
augmenteront de plus de 50% d’ici à 2030. Dans son dernier numéro
des Perspectives énergétiques mondiales,
elle signale que, loin de décliner, cette tendance à la hausse a
en fait augmenté l’an dernier. Et, si la consommation énergétique
continue d’augmenter dans le monde, cette augmentation est d’autant
plus nette en Chine et en Inde, deux pays sur lesquels le rapport
de l’AIE se penche plus particulièrement. Dans ces pays, l’utilisation
énergétique devrait plus que doubler entre 2005 et 2030, ce qui compense
plus que largement toute tendance mondiale à s’orienter vers des
énergies non fossiles, et la consommation de charbon est vraisemblablement
celle qui va connaître l’augmentation la plus rapide, tirée en grande
partie par la demande de génération d’électricité. De fait, les
prix mondiaux du charbon ont pratiquement doublé récemment.
112. Sur cette base, les émissions mondiales de CO2 liées à l’énergie
vont augmenter de 57% entre 2005 et 2030, la Chine étant devenue
vraisemblablement le plus gros émetteur de carbone au monde en 2007,
et l’Inde devant s’en rapprocher en devenant, d’ici à 2015 environ,
le troisième pays plus gros émetteur. D’ici à 2030, les émissions
par tête de la Chine seront en passe de rattraper celles des membres
européens de l’OCDE.
113. Dans le même temps, l’offre devrait rester limitée. Les pays
consommateurs seront de plus en plus dépendants de leurs importations
pétrolières et gazières, dont une grande partie provient du Moyen-Orient
et de la Fédération de Russie, et les importations nettes de pétrole
de la Chine et de l’Inde vont pratiquement quadrupler d’ici à 2030,
et dépasseront les importations actuelles combinées des Etats-Unis
et du Japon. La production mondiale de pétrole devrait se concentrer
davantage dans un petit nombre de pays du Moyen-Orient, même s’il
faudra des investissements supplémentaires pour garantir ce scénario.
Et, bien que l’on s’attende à ce que la capacité de production des
nouveaux gisements augmente au cours des cinq prochaines années,
on ne sait vraiment pas si cela suffira à compenser le déclin de
production dans les gisements en exploitation. C’est pourquoi l’AIE
estime que, dans la période allant jusqu’à 2015, il n’est pas improbable
que l’on assiste à une «contraction de l’offre», entraînant une
escalade brutale des prix du pétrole.
114. Que peut-on faire face un scénario aussi alarmant? L’AIE indique
que si les gouvernements mondiaux pouvaient mettre en œuvre les
politiques qu’ils envisagent aujourd’hui, l’augmentation de la demande
de pétrole d’ici à 2030 pourrait être réduite de 14 millions de
barils par jour, soit l’équivalent de l’intégralité de la production
actuelle des Etats-Unis, du Canada et du Mexique. Entretemps, les
émissions de CO2 liées à l’énergie verraient leur niveau baisser
dans les années 2020 et pourraient être inférieures de près de 20%
aux prévisions d’ici à 2030. Pour l’AIE, l’élément clé est l’efficience
énergétique, qui, pour elle, est le moyen le plus économique et
le plus rapide de maîtriser la demande et les émissions, en particulier
en Chine et en Inde. Ainsi, si la Chine adoptait des normes d’efficience
plus strictes pour les climatiseurs et réfrigérateurs, d’ici à 2020, elle
économiserait le volume de courant produit par le barrage des Trois-Gorges.
Les émissions de polluants locaux dans les deux pays, notamment
l’anhydride sulfureux et les oxydes d’azote, seraient également réduites
de manière très sensible.
115. Mais, même dans ce cas, les émissions mondiales de CO2 auront
augmenté de 25% d’ici à 2030. Dans son «Hypothèse de stabilisation
à 450», des projections selon lesquelles il serait possible de stabiliser
à long terme les gaz à effet de serre à environ 450 parties par
million, l’AIE estime qu’il est possible que les émissions mondiales
atteignent un pic en 2012 puis déclinent rapidement, passant en
dessous des niveaux de 2005, d’ici à 2030. Les économies pourraient
être attirées par une amélioration de l’efficience industrielle,
les bâtiments et les transports, et par le passage au nucléaire
et aux sources d’énergie renouvelable, ainsi que par l’utilisation
généralisée de la capture et du stockage de CO2. Toutefois, l’AIE
prévient qu’il serait nécessaire pour y parvenir que tous les pays
agissent rapidement et vigoureusement sur le plan politique – et
qu’il faudrait des avancées technologiques sans précédent, avec
les coûts substantiels que cela entraîne. Et même ce modèle serait
remis en question si la croissance économique était plus rapide
que prévu.
116. Pendant la dernière génération, le monde développé – et en
particulier le Japon – a rapidement progressé sur la voie d’une
plus grande efficience dans son utilisation de l’énergie et d’une
diversification de ses sources énergétiques. Si l’on veut relever
les défis évoqués par l’AIE, à l’évidence il faudra poursuivre dans cette
voie: mais, en outre, il sera nécessaire de se doter de technologie
plus avancée, avec de nouvelles opportunités de marché, ainsi que
de nouvelles formes de transfert de technologie, ce que l’on pourrait considérer
parfois comme une générosité bien comprise. Pour les gouvernements
de l’Europe, dont bon nombre ont montré la voie sur ces questions
jusqu’ici, cette forme d’action devrait tomber sous le sens.
117. Lors de la publication du dernier rapport, Nobuo Tanaka, le
nouveau directeur de l’AIE, a déclaré que les dix prochaines années
seront cruciales pour tous les pays, y compris la Chine et l’Inde,
du fait de la rapide extension de l’infrastructure d’offre d’énergie.
Nous devons agir dès aujourd’hui pour amorcer une réorientation radicale
des investissements en faveur de technologies plus propres, plus
efficientes et plus sûres dans le domaine de l’énergie. Il a souligné
combien les liens de l’agence avec la Chine et l’Inde sont importants,
et a fait de la poursuite de l’amélioration de la coopération l’une
de ses priorités – laissant entendre que ces deux pays pourraient,
à terme, devenir membres de l’AIE.
5.3. Des solutions pour une planète
sous pression
118. Jamais autant qu’aujourd’hui
les questions d’approvisionnement énergétique et de protection de l’environnement
n’auront été aussi inextricablement liées, et aussi difficiles à
concilier. Répondre, d’une part, aux besoins en termes de réduction
de la pauvreté, alors que les populations en croissance des pays
en développement aspirent à des conditions de vie meilleures, tout
en protégeant l’environnement, d’autre part, un facteur crucial
pour tous, tel est vraisemblablement le plus grand défi que devra
relever notre génération.
119. En mars, l’OCDE a publié ses Perspectives
de l’environnement à l’horizon 2030, qui proposent une analyse
des tendances économiques et environnementales, et explorent toute
une gamme d’initiatives de politique destinées à traiter les problèmes
de fond. Selon ce rapport, sans politiques nouvelles, nous risquons de
causer des dommages irréversibles à notre environnement et à la
base de ressources naturelles nécessaires pour soutenir la croissance
économique et le bien-être. Cependant, il indique clairement que
des solutions existent, et qu’elles sont tout à fait à notre portée,
y compris sur le plan financier.
120. En ce qui concerne le changement climatique, le rapport se
fait l’écho des conclusions de l’AIE. La situation devient de plus
en plus urgente, le réchauffement climatique se fait déjà sentir
et l’on s’accorde à dire qu’il est inévitable qu’il s’aggrave –
même si nous avons encore un peu de temps pour éviter le pire de
ses effets, qui devrait intervenir dans la seconde moitié de ce
siècle. Les Perspectives de l’environnement
de l’OCDE à l’horizon 2030 soulignent que les instruments
du marché comme les taxes sur le carbone, les échanges de droits
d’émission de carbone et la suppression des subventions à la consommation
d’énergie sont déterminants pour lutter contre le changement climatique,
parallèlement à d’autres instruments comme l’investissement dans
les technologies propres. Le rapport signale que le PIB mondial
devrait doubler d’ici à 2030, et tripler d’ici à 2050 – et qu’il
n’en coûterait qu’environ 0,5% de ce PIB en 2030, et 2,5% en 2050
pour parvenir à stabiliser les concentrations de gaz à effet de
serre à 450 parties par million. Même si un nouveau rapport de l’OCDE,
à paraître, fait des estimations des coûts encore plus élevées,
il reste économiquement rationnel d’agir au plus tôt car les estimations
du coût de l’inaction sont également révisées à la hausse. Soulignant
que des politiques d’efficience fondées sur les technologies sont
l’une des approches les moins coûteuses, et qu’elles seront d’autant
plus efficaces si elles sont entamées immédiatement, avec la participation
de tous les pays, le rapport Perspectives
de l’environnement de l’OCDE à l’horizon 2030 préconise
d’utiliser la mesure incitative consistant à fixer un prix mondial
des émissions, qui commencerait à un peu plus de 2 dollars des Etats-Unis
par tonne d’émission, et augmenterait progressivement pour dépasser les
150 dollars par tonne en 2050.
121. Le rapport analyse plusieurs domaines où les politiques environnementales
et de l’énergie sont, ces dernières années, entrées en conflit.
L’un des exemples qui ont fait couler beaucoup d’encre, pour ne
parler que de lui, est celui des biocarburants, qui a bénéficié
de 15 milliards de dollars de subventions en 2007 dans les pays
de l’OCDE, mais dont l’utilisation est de plus en plus controversée,
étant donné la pression qu’elle fait peser sur les forêts pluviales
et les terrains agricoles. Dans un récent rapport de politique,
l’OCDE et l’AIE suggéraient l’une et l’autre que les avantages vantés
des biocarburants sont en fait moins intéressants qu’escompté, et
que ceux qui se sont concrétisés sont loin d’être homogènes, étant
donné l’absence de cadre réglementaire et de politique. Ce document
indique qu’il est nécessaire de poursuivre les recherches sur le volet
économique des biocarburants, et sur leur impact en général, préconisant
en particulier des systèmes pour une meilleure certification et
une meilleure mesure de l’intensité en carbone. Dans une approche prospective,
ce document invite à étudier soigneusement le potentiel des biocarburants
de deuxième génération qui commencent à être commercialisés, en
particulier ceux qui peuvent être obtenus de sources autres que
les récoltes végétales, par exemple les déchets animaliers. En attendant,
il propose des recommandations de réformes politiques pour les gouvernements
qui entendent concilier ces problématiques, en particulier dans
le secteur du transport.
122. En outre, ce rapport traite des mesures nécessaires pour s’attaquer
à l’inondation des côtes, et à la menace que cela entraîne pour
de grandes villes, ainsi que sur les infrastructures dont elles
dépendent; ensuite, il traite de toute une gamme de problèmes écologiques
qui, tout en étant fréquemment associés aux changements climatiques,
posent des défis de tous ordres aux décideurs politiques. Ainsi:
- à mesure que la population mondiale
augmentera et verra s’élever son niveau de vie, il faudra intensifier l’utilisation
des terres agricoles d’environ 10% d’ici à 2030, si l’on maintient
les politiques en vigueur en 2005. L’agriculture continuera donc
d’être la principale source de contrainte sur la biodiversité –
surtout si l’on tient compte des problèmes croissants de sécheresse
et d’érosion des sols dus à la déforestation opérée pendant des
années. L’OCDE indique qu’étant donné les politiques actuelles,
cela aboutira à la perte des deux tiers des forêts matures en Asie
du Sud-Est, d’un quart des forêts en Chine et en Afrique, et d’environ
autant en Europe de l’Est et en Australie. Sans même parler des
autres conséquences de la déforestation, cela accélérera la perte
globale de biodiversité, que certains appellent déjà une «épidémie
d’extinction». Ce phénomène a des répercussions graves à long terme
pour l’agriculture et le secteur pharmaceutique, entre autres, surtout
parce qu’il s’accompagne de la menace d’un effondrement des stocks
halieutiques mondiaux, qui font craindre de graves pénuries alimentaires
à l’avenir;
- grâce aux mesures visant à réduire la pauvreté, les espérances
de vie ne cessent d’augmenter; or, les répercussions négatives sur
la santé de la dégradation de notre environnement se font de plus
en plus sentir. La pollution de l’air s’aggrave. Actuellement, le
nombre de décès prématurés par million de personnes du fait des
pics d’ozone au sol devrait quadrupler d’ici à 2030, et celui des
décès prématurés par million dus à des «particules fines» pourrait
plus que doubler, pour dépasser les 3 millions par an;
- d’ici à 2030, si l’on maintient les politiques actuelles,
près de la moitié de la population mondiale sera confrontée à de
graves problèmes d’eau – l’on parle ici de 3,9 milliards de personnes,
contre 2,8 milliards aujourd’hui. La plupart d’entre eux seront
dans les pays en développement – et, si environ deux tiers de la
population du Brésil, de la Russie, de l’Inde et de la Chine connaissent
actuellement des problèmes d’ampleur moyenne à grave d’approvisionnement
en eau, ils seront 80% si ces pays ne se dotent pas de meilleurs
systèmes de gestion des ressources hydriques.
123. L’OCDE admet qu’il n’y a pas de solution simple à des défis
d’une telle ampleur. Toutefois, elle estime que l’application d’un
ensemble de politiques peut produire un impact significatif, en
particulier si l’on maîtrise les coûts en fondant la politique sur
des instruments économiques et basés sur les fonctionnements de marché.
Ainsi, elle estime que la pollution véhiculée par l’air pourrait
être réduite d’un tiers si les investissements pour la réduction
de gaz à effet de serre évoqués plus haut étaient opérés. Parmi
les éléments entrant dans les mesures de politique qu’elle privilégie,
l’OCDE préconise les taxes vertes, une tarification efficiente de
l’eau, des systèmes d’échange d’émission et de pollueur-payeur,
des redevances réalistes pour le traitement des déchets, ainsi que
l’élimination des subventions nuisibles pour l’environnement telles
que celles qui soutiennent les combustibles fossiles et l’agriculture.
De telles initiatives doivent, bien entendu, se fonder sur un investissement
conséquent dans les infrastructures, pour améliorer les services
et leur fourniture, et devront être étayées par des avancées technologiques.
Cela entraînera des réglementations et normes plus strictes, mais
plus cohérentes, en particulier dans les secteurs du transport et
du bâtiment, et encouragera l’investissement dans la recherche et
le développement – bien que, pour ce dernier point, il faille auparavant traiter
un certain nombre de questions de fond dans le domaine des droits
de la propriété intellectuelle.
124. En outre, le rapport de l’OCDE identifie des moyens de mutualiser
au niveau planétaire le coût de l’action politique. Il signale que
les nations développées ont jusqu’ici été responsables de la majorité
des émissions de gaz à effet de serre, mais que, d’ici à 2030, le
total des émissions annuelles du Brésil, de la Fédération de Russie,
de l’Inde et de la Chine dépassera celles de tous les pays membres
de l’OCDE. Comme l’a indiqué le Secrétaire général de l’OCDE, qui
s’exprimait à l’occasion du lancement du rapport, il faut comprendre
que, pour améliorer notre environnement, il ne suffit pas de décider
quoi faire et comment le faire, il faut également savoir qui va
payer pour ça. Si tous les pays de la planète unissent leurs efforts,
la facture globale sera moins élevée.
125. Le rapport de 2008 sur les perspectives de l’environnement
s’intègre dans des travaux de plus grande ampleur menés dans ce
domaine par l’OCDE, au nombre desquels l’on citera la réunion ministérielle
annuelle de cette année du Conseil de l’OCDE, où le principal thème
d’analyse a été l’élément économique du changement climatique, ainsi
que le Forum 2008 de l’OCDE. Comme l’indiquait le Secrétaire général,
l’OCDE entend développer un socle économique solide pour l’architecture
post-Kyoto. Les travaux en cours de l’OCDE sur l’économie du changement
climatique doivent apporter une contribution à la Conférence des
Parties (COP) 14 de la Convention-cadre des Nations Unies sur le
changement climatique qui sera organisée en Pologne en décembre
2008, et à la COP 15 organisée au Danemark en décembre 2009.
5.4. Stratégie pour l’innovation
126. Le Conseil ministériel de l’OCDE
tenu en 2008 a examiné les progrès réalisés concernant la Stratégie pour
l’innovation lancée en 2007, dont la finalité est d’améliorer la
performance économique et la protection sociale. L’innovation est
considérée comme un moyen essentiel pour réaliser ces objectifs.
Il convient de comprendre précisément comment l’innovation contribue
à ces fins et les systèmes d’innovation modernes fonctionnent dans
la pratique. La Stratégie pour l’innovation vise à aider les responsables
de l’élaboration des politiques à mettre l’innovation au service
d’une croissance et d’un développement durables. Elle se propose d’apporter
des éléments rationnels sur le caractère évolutif de l’innovation,
les écosystèmes d’innovation et la performance de l’innovation,
et de proposer des analyses et des bonnes pratiques en vue de promouvoir l’innovation,
d’en rendre compte, de la mesurer et de l’évaluer. Les résultats
attendus sont des approches stratégiques cohérentes de la part des
pouvoirs publics; une innovation mieux ciblée pour aider à relever
les défis mondiaux (comme le changement climatique, la santé et
le développement économique); des moyens efficaces d’encourager
la création et le renforcement du capital humain. Un rapport final
sur la Stratégie pour l’innovation de l’OCDE sera présenté au Conseil
ministériel en 2010.
127. Une réunion ministérielle sur l’avenir de l’internet a eu
lieu les 17 et 18 juin à Séoul (Corée). Cette réunion, lors de laquelle
la Secrétaire Générale adjointe du Conseil de l’Europe, Maud de
Boer-Buquicchio, a prononcé une allocution, a appelé l’attention
sur l’importance croissante de l’internet pour la croissance économique
et la prospérité. A l’issue de la réunion, la Déclaration de Séoul
sur le futur de l’économie internet a été adoptée par 39 pays et
la Commission européenne
.
128. Parmi les messages clés ayant émergé à l’issue de la réunion
ministérielle de Séoul sur l’avenir de l’économie d’internet, on
peut citer les suivants:
- les
politiques touchant internet ne doivent pas être envisagées comme
des politiques sectorielles de petite envergure concernant les télécommunications,
mais comme des politiques économiques à part entière reflétant le
fait qu’internet est devenu une infrastructure économique fondamentale;
- internet joue un rôle crucial dans le processus de créativité
et d’innovation (en supprimant les obstacles, en élargissant la
coopération et l’échange d’idées, autant d’éléments qui sont l’essence
même de l’innovation). L’OCDE s’attachera à mieux comprendre ce
phénomène, l’un des éléments clés de sa Stratégie pour l’innovation;
- internet est riche de possibilités considérables pour
traiter des défis sociétaux urgents (par exemple les TIC et l’environnement).
Une conférence à haut niveau de l’OCDE sur cette question sera organisée
en 2009 sous l’égide du Danemark en appui à la Conférence des Nations
Unies sur le changement climatique (COP 15).
5.5. Accroître l’efficacité de
l’aide au développement
129. Dans la Déclaration de Paris
sur l’efficacité de l’aide, adoptée en mars 2005, les principaux
pays donateurs et bénéficiaires de la planète se sont entendus pour
réformer la manière dont l’aide était fournie et gérée. La déclaration
prenait des engagements en vue d’harmoniser la fourniture de l’aide,
en renforçant les stratégies de développement national, en éliminant
la duplication des efforts, en simplifiant les politiques des donateurs
et en convenant de critères communs et de mesures de performance.
Globalement, cette déclaration vise à s’attaquer au défi peut-être
le plus crucial pour atteindre les Objectifs du Millénaire pour
le développement: augmenter la capacité des bénéficiaires à utiliser
au mieux les nouvelles ressources, par un processus d’appropriation
du changement par le pays.
130. L’OCDE soutient ces objectifs par le biais du Comité d’assistance
au développement (le CAD), qui réunit les pays responsables de la
plus grande part de l’aide publique et les principaux bénéficiaires,
et travaille en partenariat avec des institutions internationales
telles que la Banque mondiale. Le 14 février, le CAD a rendu publique
la dernière édition de son rapport annuel sur la coopération au
développement. Dans ce rapport, Richard Manning (président du CAD
de juin 2003 à janvier 2008) a fait le bilan des 12 mesures de succès
qu’il a établies en 2003. Le score ainsi obtenu montre que des progrès
sont marqués, mais qu’il reste encore beaucoup à faire pour améliorer
l’efficacité de l’aide et, notamment, de l’aide publique au développement (APD)
apportée par les membres du CAD.
131. En 2007, l’APD totale apportée par les membres du CAD est
tombé à 103,7 milliards de dollars, soit 8,4% de moins qu’en 2006.
Ce recul n’était pas surprenant, puisque l’APD avait été exceptionnellement
élevé en 2005 (107,1 milliards de dollars) et 2006 (104,4 milliards
de dollars) en raison d’opérations d’envergure pour l’effacement
de dette en faveur de l’Irak et du Nigeria. En dehors des aides
d’allégement de la dette, l’APD portée au crédit des membres du
CAD a augmenté de 2,4%, ce qui signifie que ces derniers sont en
retard sur leurs engagements d’atteindre 130 milliards de dollars
d’aide d’ici à 2010 (à prix constants de 2004). Bien que les engagements
de l’Union européenne soient impressionnants, l’OCDE a critiqué
la bureaucratie des efforts communautaires, qui ralentit en conséquence
le rythme des dépenses des fonds de l’aide.
132. Mais, comme le note le rapport de 2007 sur la coopération
au développement, mesurée en dollars de 2002, l’aide totale fournie
a atteint 77,8 milliards de dollars. Même si, sur ce montant, quelque
7 milliards de dollars sont allés à l’Irak, le rapport considère
que ce montant représente une réussite significative, respectant le
premier des critères de référence fixés en 2002, puisque, pendant
des années, ce chiffre tournait autour des 50 milliards de dollars.
On note également que l’aide est mieux ciblée, la part de l’aide
allant aux pays les plus pauvres de notre planète ayant augmenté
de manière sensible, puisqu’elle est passée de 40% en 2002 à 46% en
2006 pour l’aide bilatérale, et de 47% à 49% sur la même période
si l’on inclut l’aide multilatérale. Dans l’ensemble, le rapport
juge que les pays donateurs comme les pays bénéficiaires ont fait
des efforts considérables pour améliorer la qualité et l’efficacité
de l’APD.
133. Une part plus importante qu’avant de l’aide n’est pas conditionnelle,
et n’est donc pas limitée à l’achat de produits et services auprès
du donateur. Les pays bénéficiaires ont donc gagné une plus grande indépendance
en augmentant leurs dépenses en faveur des services publics, tels
que la santé et l’éducation, et en augmentant leur propre part de
contribution financière à des projets de développement. Dans ces secteurs,
en particulier, la gestion s’est améliorée et l’on obtient de meilleurs
résultats.
134. Toutefois, comme le rapporteur de l’an dernier l’avait fait
remarquer, le gros des récentes augmentations de l’aide n’a pas
été une «aide programmable»; au contraire, une bonne partie a été
accordée sous forme d’allègement de la dette. Et si l’on pouvait
se demander dans quelle mesure les stratégies actuellement appliquées
récompensent une bonne gestion des projets, une bonne part du recul
s’explique par le fait que les pays donateurs s’engagent davantage
en faveur de pays en situation de fragilité ou sortant d’un conflit.
Il convient également de noter que, si les besoins en aide humanitaire
– en particulier dans le cas de catastrophes naturelles – ont augmenté
ces dernières années seulement, l’on commence à voir des signes
de lassitude chez les donateurs.
135. En outre, malgré les efforts du CAD et d’autres organisations,
le secteur de l’aide demeure fragmenté. Avec plus de 280 donateurs
(depuis l’Organisation de contrôle des sauterelles du désert pour
l’Afrique de l’Est jusqu’au Centre international de la pomme de
terre), et les économies émergentes elles-mêmes rejoignant de plus
en plus les rangs des pays donateurs, il y a souvent risque de confusion
dans les efforts internationaux. En moyenne, un pays bénéficiaire
doit traiter avec 18 donateurs différents; ainsi, la Tanzanie a
reçu 542 visites de donateurs en 2005, le Viêt Nam 791, et l’Inde
a récemment limité à six le nombre des partenaires de l’aide avec
qui elle travaille. Cependant, il semble que les pays donateurs
prennent ce défi au sérieux: la Suède, par exemple, a récemment
pris des mesures pour focaliser son aide, avec un système de «coopération
déléguée» accordant une plus grande autonomie à la gestion sur le
terrain.
136. Le CAD signale qu’une telle fragmentation coûte cher; les
efforts de réduction des «coûts de transaction» entraînés par le
fait de travailler ensemble – par exemple pour des études analytiques
conjointes – sont actuellement inégaux, et il semble que cela permette
d’économiser entre 12 et 80% des coûts. Il y a encore de la marge
de manœuvre à ce stade, et il convient également d’améliorer la
définition des projets: ainsi, les actions relevant de la «coopération
technique» sont encore fortement hétérogènes d’un donateur à l’autre,
ce qui rend extrêmement difficile la mesure des éventuels progrès
pour mieux coordonner les efforts et favoriser la prise en main
par le pays. Quoi qu’il en soit, il convient de poursuivre les efforts
pour aligner l’aide sur les systèmes nationaux locaux, garantir
l’équité et prévoir des priorités et processus de l’aide qui soient appropriés
au contexte.
137. Faisant le point sur les progrès en ce qui concerne les Objectifs
du Millénaire pour le développement, le rapport sur la coopération
au développement indique être encore en attente d’une bonne partie
des données statistiques finales qui sont nécessaires pour tirer
des conclusions positives. Les progrès en matière de pauvreté sont
encourageants, toutefois, et si les tendances actuelles se poursuivent,
l’objectif dans ce domaine sera atteint avant 2015, grâce en particulier
à la performance de la Chine et de l’Inde. Ces deux pays comptent
encore cependant des centaines de millions de gens vivant en dessous
du seuil de pauvreté. Et si l’on peut noter des progrès en accélération
et encourageants concernant les autres objectifs, il est encore
très peu probable que les Objectifs du Millénaire pour le développement
soient atteints d’ici à 2015 dans bon nombre de pays et régions.
L’Afrique subsaharienne, suivie par le Pacifique, se détachent comme
les régions où l’on note le moins de progrès.
138. En outre, le rapport sur la coopération au développement expose
une série de leçons tirées de l’expérience de l’examen par les pairs
menée par le CAD. Le CAD a également publié un rapport de synthèse, Pour une gestion efficace de l’aide: 12 leçons
à tirer de l’examen par les pairs du CAD, qui identifie
des mesures communes apparaissant comme nécessaires pour améliorer
la gestion et la fourniture de l’assistance au développement par
les membres du CAD. Au vu de ce qui a marché dans le passé, ou qui
a échoué, ces publications proposent des orientations pratiques,
de première main, pour les pays donateurs comme pour les bénéficiaires.
139. Depuis la publication du rapport sur la coopération au développement,
une large alliance de partenaires dans le développement – pays en
développement et pays donateurs, économies émergentes, Nations Unies et
institutions multilatérales, fonds mondiaux et organisations de
la société civile – se sont réunis à l’occasion du 3e Forum à haut
niveau sur l’efficacité de l’aide, organisé par l’OCDE et la Banque
mondiale, sous l’égide du Gouvernement du Ghana, à Accra, du 2 au
4 septembre 2008. Les participants à ce forum ont adopté l’AAA (
Accra Agenda for Action – Agenda
d’Accra pour l’action), un ensemble de mesures destinées à progresser plus
rapidement en vue d’atteindre les engagements de la Déclaration
de Paris sur l’efficacité de l’aide. Dans le cadre de cet AAA, les
pays en développement se sont engagés à prendre en main leur propre
avenir, les pays donateurs à mieux se coordonner entre eux, et tous
se sont engagés à rendre compte mutuellement, ainsi qu’à leurs citoyens.
Les principales actions porteront sur quatre axes:
- la productivité – les pays donateurs
communiqueront des informations à leur pays partenaires trois à cinq
ans avant pour ce qui concerne l’aide planifiée;
- les systèmes nationaux – il faudra, de préférence, utiliser
les systèmes nationaux des pays partenaires plutôt que les systèmes
des donateurs;
- la conditionnalité – les pays donateurs passeront de l’établissement
de conditions prescriptives prévoyant quand et comment dépenser
l’argent de l’aide à des conditions reposant sur les propres objectifs
de développement du pays concerné;
- la moindre utilisation des aides liées – les pays donateurs
assoupliront les restrictions qui empêchent les pays en développement
de se fournir en biens et services auprès de qui peut leur garantir
la meilleure qualité au moindre prix.
«Aid for trade»
140. La Déclaration de Paris sur
l’efficacité de l’aide insiste sur le fait que, si l’on veut que
l’aide soit efficace, il convient d’encourager les pays bénéficiaires
à s’approprier les projets; ceux-ci peuvent être intégrés dans les
systèmes et stratégies nationaux, et il convient d’harmoniser les
efforts des donateurs. Cette approche est synthétisée dans le logo «aid for trade», les projets étant
élaborés dans l’objectif précis d’aider les pays à faire davantage
de commerce de manière à renforcer les perspectives de croissance
et à réduire la pauvreté, et à tirer profit des opportunités créées
par les accords de l’OMC. Globalement, sous ce vocable, on trouve
des projets qui apportent un appui à la politique commerciale, à
la réglementation et au développement, aux infrastructures liées
au commerce, à la capacité de production et à l’ajustement lié au
commerce. Cette approche prend de l’importance dans la plupart des
programmes de donateurs, et a été réaffirmée par la Déclaration
ministérielle de l’OMC en 2005 à Hong Kong. La plupart des grands
donateurs ont mis ou vont mettre en place des secteurs institutionnels,
des équipes spécialisées et des orientations en vue de rendre l’aid for trade plus efficace.
141. En 2006, l’OCDE et l’OMC ont lancé un système commun de monitoring qui se compose d’une supervision
mondiale des flux d’aid for trade sur
la base des données du système de l’OCDE pour le suivi des créditeurs,
et un suivi des pays donateurs et partenaires, sous la forme d’autoévaluations.
L’an dernier, les deux institutions ont publié le premier bilan
global de l’activité d’aid for trade,
présentant des données sur les flux mondiaux d’aid for trade, ainsi que des retours
d’expérience de la part aussi bien de pays donateurs que de pays
bénéficiaires. L’intérêt de ce système de suivi est qu’il permet
de créer des incitations, grâce à une transparence accrue, pour
davantage de supervision et un dialogue renforcé (par exemple en
braquant un «projecteur» sur les progrès réalisés), en vue de favoriser
les synergies entre le commerce et d’autres domaines de politiques
économiques dans les pays en développement, ainsi que d’améliorer
la cohérence de l’aid for trade avec
les stratégies globales dans le domaine – ces deux éléments étant
essentiels pour un partenariat efficace entre pays partenaires et
pays donateurs. L’un des bons résultats – si ce n’est le meilleur jusqu’ici
– de cette initiative est le dialogue renforcé autour du commerce.
En d’autres termes, l’initiative a réuni les deux communautés (aide
et politique commerciale) afin de les faire travailler plus étroitement
et de manière plus cohérente ensemble, pour aider les pays en développement
à tirer profit d’une croissance renforcée et une réduction de la
pauvreté grâce à la participation au commerce mondial.
142. Entre 2002 et 2005, les donateurs ont engagé en moyenne 21,6
milliards de dollars par an en faveur des catégories de l’aide les
plus étroitement associées au concept d’aid
for trade. En 2006, le total des engagements pris en
faveur de l’aid for trade par
les donateurs bilatéraux et multilatéraux a augmenté de plus de
10% en termes réels, passant d’un flux annuel moyen de 20,8 milliards
de dollars durant la période de référence 2002-2005 à 23 milliards
de dollars en 2006. Une grande part de cette augmentation a été
consacrée au financement de programmes régionaux d’aid for trade. Etant donné l’envergure
des projets énormes d’infrastructures, l’aide destinée à soutenir
les infrastructures économiques se taille naturellement la part
du lion dans l’ensemble de l’aid for
trade avec 12,2 milliards de dollars en 2006, soit une
augmentation de 8,6% en termes réels par rapport à la période de
référence 2002-2005. Les activités destinées à renforcer les capacités
de production ont également augmenté en 2006, passant à 8,7 milliards
de dollars, soit une hausse de 8,7%. L’assistance technique dans
le domaine de la politique commerciale et des réglementations a augmenté
de près de 60%, atteignant pratiquement un milliard de dollars en
2006. Il est intéressant de noter que, si le montant de l’aid for trade est en augmentation,
sa part du budget total de l’aide accuse en réalité un léger recul,
les donateurs mettant la priorité sur les projets sociaux. Mais,
si le rythme récemment adopté de l’augmentation se maintient, cela
permettra d’apporter 8 milliards de dollars supplémentaires par
an d’ici à 2010, et les engagements totaux atteindront 30 milliards
de dollars.
143. De grandes institutions multinationales et régionales, telles
que la Banque mondiale et la Commission européenne, figurent parmi
les principaux donateurs dans les projets d’aid
for trade et apportent en général environ 50% de leur
soutien sectoriel à des activités sur ce créneau. Parmi les pays
donateurs, le Japon, l’Italie et le Danemark affichent les mêmes
proportions. La ventilation régionale des engagements bilatéraux
et multilatéraux en faveur de l’aid for
trade montre que l’Asie et l’Afrique reçoivent la plus
grande partie du total des flux pour ce type d’aide. Cela n’a rien
de surprenant, l’Asie et l’Afrique étant les continents qui présentent la
plus forte concentration de pauvres.
144. Le retour d’expérience inclus dans le rapport, tant de la
part des pays donateurs que des pays bénéficiaires, suggère que
l’aid for trade est extrêmement
utile pour focaliser les ressources du développement. De plus en
plus, les pays en développement choisissent de faire du commerce
un élément constitutif de leur stratégie de développement. Et si
bon nombre des défis rencontrés concernent en général le secteur
du développement, l’un d’entre eux est remarquable: la dimension
régionale. Les contraintes telles que l’insuffisance de cohérence
des infrastructures d’un côté et de l’autre des frontières et la
bureaucratie ont été fréquemment citées parmi les obstacles, et
certains ont suggéré d’utiliser spécifiquement les organismes régionaux
tels que l’ASEAN en tant que cadre permettant à ses membres de se
hisser au niveau des normes techniques internationales et d’établir
des systèmes d’information sur les marchés. Il y a également un
besoin général de ressources pour moderniser les services des douanes,
et pour l’amélioration de la formation et des compétences.
145. A ce stade, les résultats donnent trop peu d’informations
pour pouvoir être réinjectés dans des améliorations de politique,
mais le rapport OCDE/OMC devrait être mis à jour régulièrement et
fournira, à terme, à la fois des données et des retours d’expériences
sur les projets actuellement en cours. Il est à souhaiter que ce
rapport stimule le développement, et, au fil du temps, permette
d’établir une série spécifique de critères de bonne pratique. En
outre, le prochain rapport devrait se concentrer sur l’amélioration
de la qualité et de la présentation des chiffres globaux puisqu’il
contiendra non seulement les engagements de financement pris par
les pays donateurs, mais également le niveau réel de décaissements,
qu’il va élaborer des meilleurs indicateurs de performance pour
suivre les progrès des pays et qu’il va faire en sorte que les pays
partenaires soient davantage impliqués.
5.6. Un engagement international
pour lutter contre la corruption – dix ans déjà
146. En novembre 2007, l’OCDE a
marqué le 10e anniversaire de la Convention sur la lutte contre
la corruption d’agents publics étrangers dans les transactions commerciales
internationales, également connue sous le nom de Convention de l’OCDE
contre la corruption. Ses signataires – actuellement, l’ensemble
des 30 pays membres de l’OCDE plus 7 autres gouvernements – se sont
engagés à mettre en œuvre une série exhaustive de mesures légales,
réglementaires et politiques conçues pour prévenir, repérer et poursuivre
la corruption d’agents étrangers. La convention prévoit également
la confiscation des pots-de-vin et de tout profit lié à la corruption.
Toutes les parties conviennent également de travailler ensemble
à faire en sorte que les objectifs de la convention soient atteints,
par exemple par le recueil et le partage des preuves, et en facilitant l’extradition.
147. Cette convention a véritablement fait date dans la lutte contre
la corruption, elle a contribué à mobiliser l’opinion publique mondiale
et a placé l’OCDE en première ligne pour l’élaboration d’instruments
et de protocoles de lutte contre la corruption. Comme pour le Conseil
de l’Europe, un étroit partenaire dans ce domaine, pour l’OCDE la
corruption est la principale menace pesant aujourd’hui sur la bonne
gouvernance, la responsabilisation et un développement économique
durable.
148. Et, plus que jamais, ce sont les économies émergentes de notre
planète qui ont le plus à perdre de la corruption, puisqu’elles
doivent souvent travailler par le biais de structures judiciaires
impuissantes, avec une législation pénale incomplète et des mécanismes
de contrôle administratif insuffisants. En outre, bon nombre d’entre
elles doivent maintenant faire face à un volume de transactions
internationales en rapide augmentation, à mesure que la mondialisation
et des prix élevés des matières premières tirent une forte croissance,
et alors que les efforts internationaux en faveur du développement
augmentent tant en volume qu’en complexité.
149. Le Secrétaire général de l’OCDE a en fait décrit la corruption
comme le «cancer de la mondialisation». S’exprimant lors des célébrations
du 10e anniversaire, il a rendu hommage aux nouvelles lois anticorruption et
aux sanctions plus dures introduites par bon nombre de pays au cours
des dix dernières années, et s’est félicité de la coordination et
la coopération internationales accrues. Mais il a averti que certains
pays font encore de la résistance, et que la pression sur les gouvernements
pour revenir aux pratiques antérieures est un risque toujours présent.
La seule manière d’empêcher cela selon lui est de garantir que chacun
joue selon les mêmes règles du jeu. Il a ajouté que nous avions
besoin de mesures concrètes et, plus important, d’un engagement
politique.
150. Mark Pieth, président du Groupe de travail de l’OCDE sur la
corruption, souligne que, bien que les efforts internationaux pour
s’attaquer à ce fléau se soient intensifiés, le problème lui-même
s’aggrave. Selon lui, cela s’explique en partie par le fait que
des sommes plus importantes traversent les frontières, et aussi
parce que la vigilance accrue aboutit à mettre au jour davantage
d’affaires. La convention, cependant, a déjà eu un impact considérable
qui peut se poursuivre puisque ses signataires figurent au nombre
des grands exportateurs. Il signale que, il y a peu de temps encore,
les pots-de-vin étaient déductibles des impôts dans plusieurs pays
de l’OCDE!
151. Pour faire en sorte que tous les participants mettent en œuvre
convenablement la convention, il est recouru à un strict suivi de
la performance et à un examen par les pairs. Lors du premier cycle
de l’examen, la législation est analysée, et, dans le deuxième,
ce sont les procédures répressives qui sont évaluées. Lorsque le
Groupe de travail sur la corruption estime qu’il y a des lacunes
dans la législation ou dans son application, il formule des recommandations
d’amélioration. A la fin de 2006, quelque 27 pays avaient été examinés,
y compris tous ceux du G7. Les examens seront terminés pour les
neuf pays restants courant 2008, et les rapports faisant suite à
l’examen sont accessibles en ligne.
152. L’impact de cette transparence est évident: aujourd’hui, plus
d’une centaine d’investigations sur le versement de pots-de-vin
à l’étranger sont menées par les signataires de la convention. Comme
l’explique Mark Pieth, il ne faut jamais sous-estimer le pouvoir
de la pression par les pairs. Les gens, les collègues s’y intéressent,
et les pays qui s’efforcent de justifier les pots-de-vin risquent
de se retrouver en minorité, voire complètement isolés.
153. Pour étendre le champ d’application de la convention, l’OCDE
invite vivement d’autres pays à y adhérer, notamment les économies
émergentes, et les candidats à l’accession à l’OCDE sont encouragés
à se soumettre à la première phase d’évaluation prévue dans la convention.
Pour marquer le 10e anniversaire, les principes directeurs des conventions
sont passés en revue, ainsi que les expériences de ceux qui les
mettent en œuvre, toutes les parties prenantes au processus étant
invitées à s’exprimer sur le sujet.
154. Au cours des dix dernières années, l’OCDE a élargi le champ
de ses travaux dans ce domaine. Elle a élaboré toute une série d’outils
et d’expertise dans la lutte contre la corruption, liés en particulier
à la fiscalité, à la gouvernance et à l’intégrité du secteur public,
à la gouvernance commerciale, aux crédits à l’exportation et à l’aide
au développement. Mais elle reste focalisée sur la participation
entre gouvernements, puisqu’il est crucial, dans la lutte contre
la corruption, de mobiliser une véritable volonté politique.
155. Parmi ses principales initiatives, on citera la Recommandation
du Conseil de l’OCDE de 2006 sur les pots-de-vin et les crédits
à l’exportation bénéficiant d’un appui officiel, la production d’un Manuel de sensibilisation à la corruption à
l’intention des contrôleurs des impôts, des Lignes directrices
pour la gestion des conflits d’intérêts dans le service public et
des Principes directeurs à l’intention des entreprises multinationales.
Ces derniers couvrent des problèmes liés à l’éthique dans les affaires,
à la divulgation d’informations internationales et à la transparence,
et bénéficient de la participation de 39 gouvernements qui encouragent
les sociétés locales à y adhérer. Un service de médiation est également
prévu (déjà utilisé une centaine de fois). Plus récemment, les Principes
pour renforcer l’intégrité dans les marchés publics ont été adoptés
pour prévenir la corruption dans ce secteur.
156. En décembre, l’OCDE a été plébiscitée par Transparency International,
la principale ONG internationale dans la lutte contre la corruption.
Marc Pieth a été retenu comme l’un des deux lauréats du prix annuel
de l’intégrité, tandis que le Service de l’OCDE contre la corruption
a été nominé pour ses récents travaux avec l’Afrique du Sud. Au
début de cette année, l’Afrique du Sud est devenue le premier pays
africain à signer la Convention de l’OCDE contre la corruption,
et a rejoint le Groupe de travail de l’OCDE sur la corruption, dont elle
est devenue le 37e membre.
5.7. Les progrès marqués par
le projet de l’OCDE Objectif Croissance
157. Objectif
Croissance est une publication annuelle de l’OCDE qui
utilise des techniques de benchmarking comparatif
pour étalonner la position de chacun des pays membres par rapport
à une batterie d’indicateurs liés à la performance et à la politique
économique. Lancée en 2005 en réaction à la divergence de plus en
plus prononcée entre les taux de croissance et les niveaux de vie
apparents entre membres de l’OCDE, elle vise à proposer des recommandations
concrètes répondant aux besoins de pays spécifiques, et non à prendre
la forme d’un indice de compétitivité.
158. L’an dernier, ce document fixait cinq priorités structurelles
pour chaque pays membre, ainsi que pour l’Union européenne, afin
d’améliorer le PIB par tête – un facteur qui, comme il ressortait
de l’analyse du rapport précédent, est considéré par les auteurs
comme représentatif du bienêtre matériel. Ces priorités visent à résoudre
les problèmes posés par des politiques qui découragent l’efficience
et la productivité – en particulier pour ce qui est des marchés
de la main-d’œuvre et des produits, mais également concernant l’éducation,
la santé et des services sociaux.
159. l’ensemble, le rapport conclut que les progrès ont été, dans
le meilleur des cas, modérés. Il suggère que la reprise économique
des quelques dernières années a, de manière générale, freiné l’élan
en faveur des réformes, et si certains progrès ont été enregistrés
sur la majeure partie des axes prioritaires, les changements restent
limités. La plus grande activité a été enregistrée dans le domaine
de la productivité de la main-d’œuvre, de nombreux pays ayant pris
des mesures pour améliorer l’éducation et la formation, pour faciliter
les contrôles à l’entrée et contrôles opérationnels sur les entreprises
et réduire les distorsions de marché – même si l’agriculture demeure
un secteur difficile. Mais pour ce qui concerne l’utilisation de
la main-d’œuvre, beaucoup moins, semble-t-il, est prévu ou a été
fait. Les réformes sur le droit du travail pour, par exemple, encourager les
travailleurs âgés, proposer la flexibilité du travail ou libéraliser
les négociations salariales ont été très insuffisantes. Seuls les
secteurs du handicap et de la réforme du régime de sécurité sociale
ont connu beaucoup de progrès, accompagnés de certaines mesures
visant à encourager les femmes à retravailler. La taxation du travail
est un domaine où les progrès ont été rapides.
160. C’est pourquoi, de l’avis de l’auteur, la grande majorité
des priorités fixées par le rapport de l’an dernier restent valables.
En Europe continentale, où les mesures visant à améliorer le marché
de l’emploi représentent la majorité des priorités politiques, les
progrès ont été modestes: l’Allemagne, par exemple, a réduit les charges
sociales et introduit actuellement des réformes des soins de santé
qui vont promouvoir l’efficience; en France, un train de mesures
sur des réformes de l’emploi a été adopté par le patronat et les
syndicats, et l’Italie a réduit la charge fiscale sur les salaires
des employés peu formés. Mais la réglementation liée à l’emploi demeure
un frein à la croissance, et le rapport signale que, en Espagne,
en Grèce, en République tchèque, au Luxembourg et au Portugal, aucune
action significative n’a été entreprise dans ce domaine. Dans d’autres régions,
et en particulier dans les pays à faible revenu, augmenter la productivité
demeure le défi principal, et c’est pourquoi, dans ces pays, l’accent
est placé sur la libéralisation des marchés des produits et des
services (il est intéressant de noter que cela vaut également pour
le Japon et la Suisse). Les pays anglophones, quant à eux, tendent
à afficher une bonne performance des marchés de l’emploi, mais ont
tous un même souci: la nécessité de relever leurs niveaux de compétences.
161. Spécifiquement, il est intéressant de revenir sur certains
des thèmes clés soulevés par le rapporteur de l’an dernier et d’analyser
les progrès marqués dans un certain nombre des pays qui avaient
été passés en revue à l’époque:
- dans
bon nombre des pays de l’OCDE, la tendance démographique est au
vieillissement, et il faut donc des réformes pour améliorer les
perspectives des travailleurs plus âgés, ainsi que pour remettre
à plat les systèmes de sécurité sociale et de pensions. En Grèce
et en Autriche, les pouvoirs publics sont en phase de consultations
sur certaines des questions liées à la retraite qui avaient été
soulevées dans le rapport de l’an dernier, alors que la Belgique
n’a pris aucune mesure nouvelle excepté la mise en œuvre du Pacte
de solidarité de 2005, et que les Pays-Bas ont décidé de ne pas
étendre le contrôle d’aptitude au travail aux demandeurs de pensions
d’invalidité de plus de 50 ans. Parallèlement, la Norvège s’oriente
actuellement vers un départ à la retraite plus flexible, à partir
de 62 ans, tandis que la Suède a annoncé des mesures visant à durcir
les règles liées à la maladie et à l’invalidité;
- l’amélioration des opportunités en matière d’éducation
est également une priorité largement partagée: en Allemagne, les
examens du secondaire sont désormais quasiment universels, alors
que l’Australie a augmenté le financement pour le secondaire et
ouvert de nouveaux établissements techniques d’enseignement supérieur,
et que le Royaume-Uni relève l’âge minimal pour la scolarité obligatoire
et élabore actuellement de nouveaux diplômes de formation professionnelle.
Aucune action spécifique n’a été engagée en Italie, mais le Gouvernement
de la Grèce a adopté une loi globale de réforme des universités,
comme en France, aux termes de laquelle le financement des universités
a été augmenté, tout comme leur autonomie, les droits de scolarité
des étudiants n’ayant pas bougé. L’Autriche n’a pas augmenté les
droits de scolarité pour l’enseignement de troisième cycle, en revanche
elle prévoit des exonérations pour des personnes qui s’engagent
dans un travail social;
- bon nombre de pays se sont vu conseiller de relever les
niveaux de concurrence et d’accès aux services dans les secteurs
de réseaux tels que l’énergie et les télécommunications. L’Australie
a annoncé l’entrée d’un nouvel opérateur national pour l’électricité
et le gaz, tout en encourageant la privatisation de fournisseurs
locaux; en Grèce, également, le régulateur du secteur de l’énergie
a été renforcé, tandis que la libéralisation des marchés de l’électricité
et du gaz est en cours. Les Pays-Bas vont, cette année, complètement
séparer le capital des réseaux d’énergie de distribution et des
compagnies de fourniture d’énergie, et des appels d’offres concurrentielles
sont en cours d’introduction pour les transports publics.
162. Outre son exercice comparatif par rapport à des indices de
référence, le rapport
Objectif Croissance de cette
année contient une série d’études spéciales:
- la première d’entre elles impliquait de créer une base
de données standardisée pour mesurer les heures de travail, afin
d’analyser les écarts importants de temps de travail dans les différents
pays de l’OCDE, qui vont de près de 2 400 heures par an en Corée
à moins de 1400 heures aux Pays-Bas. L’étude suggère en particulier
que ces variations expliquent une fraction significative de l’écart
des niveaux de revenu par tête entre les Etats-Unis et l’Europe.
Aux Etats-Unis, en moyenne, les salariés travaillent 41 heures
par semaine, selon l’étude, avec deux semaines de vacances par an,
tandis que les Européens travaillent, eux, en moyenne 38 heures
par semaine avec quatre semaines de congés. Cet écart s’explique
pour environ la moitié par une semaine de travail plus courte en
Europe, ainsi que des plafonds et réglementations obligatoires,
qui ont un impact particulier sur les hommes. En outre, l’étude
relève que les taux d’imposition marginale sont plus élevés en Europe
qu’aux Etats-Unis et estime que cette disparité explique en partie
la différence du nombre d’heures travaillées entre les Etats-Unis
et les pays européens. En particulier, elle suggère que les taux
d’imposition marginale plus élevés découragent tout particulièrement
le deuxième membre de la famille salarié, le plus souvent la femme.
Ce rapport indique par ailleurs qu’une plus forte syndicalisation
entraîne des horaires de travail plus légers pour les hommes, et
plus lourds pour les femmes. Bien entendu, les chiffres moyens indiqués
cachent des situations très hétérogènes entre les pays européens,
même s’il semble que le niveau du travail à temps partiel y soit pour
beaucoup: les Pays-Bas sont, sur notre continent, le pays où cette
forme de travail est le plus représentée au sein de la main-d'œuvre
(près de 45%).
Si l’on regarde la situation dans son ensemble, il est frappant
de constater combien les changements ont été profonds depuis les
années 1970: à cette époque, les horaires de travail des Européens
étaient beaucoup plus lourds que ceux des Américains. Les chiffres
aux Etats-Unis sont demeurés relativement stables dans le temps,
alors que, en moyenne, en Europe de l’Ouest, les horaires de travail
ont reculé d’environ 25%, de sorte que les travailleurs américains
sont repassés en tête depuis le début des années 1990. Il est intéressant
également de noter que, pour l’OCDE, une bonne part de cette évolution
peut être attribuée à des horaires de travail plus courts pour les
employés à temps partiel, étant donné que les horaires des salariés
à temps plein, par convention considérés comme le noyau dur de la
main-d’œuvre, sont loin d’avoir autant diminué.
Cette analyse tendrait à suggérer que les pays européens
disposent de deux mécanismes pour augmenter le temps de travail.
D’une part, les travailleurs à temps partiel, notamment les femmes,
pourraient être incités à travailler plus si certains pays (par
exemple les Pays-Bas et l’Allemagne) abaissaient leurs taux d’imposition
marginale – le rapport précisant cependant qu’il faudrait prendre
en compte des répercussions sociales spécifiques. D’autre part,
la réduction des réglementations et des plafonnements à l’emploi
à temps plein, qui s’applique particulièrement aux hommes, aurait
également une incidence significative. L’étude conclut qu’il se
pourrait que les orientations politiques dans ces domaines soient
dans de nombreux cas allées trop loin du point de vue social et,
dans ces cas-là, les réformes sont susceptibles non seulement d’accroître le
PIB par tête, mais aussi le bien-être général;
- en outre, le rapport se penche
sur les moyens d’améliorer l’investissement dans l’enseignement supérieur.
Il signale que ce secteur est en général sous pression, du fait
du nombre d’étudiants qui augmente rapidement, et qu’un financement
public pour la quasi-gratuité ne se justifie pas de manière claire.
Il remarque que les étudiants proviennent en majorité de milieux
aisés, sont de plus en plus mobiles à l’international et qu’ils
peuvent espérer, dans l’ensemble des pays de l’OCDE, une hausse
de revenu de 30% à 100%. Le rapport suggère des mécanismes pour
augmenter l’investissement, notamment des frais de scolarité plus
élevés et la mise en place d’un mécanisme mixte de prêts et de bourses,
tout en préservant l’égalité d’accès. Il ouvre également d’autres
pistes de réformes, notamment plus d’autonomie dans la sélection
des étudiants et la politique du personnel, le recours accru à une évaluation
indépendante et un financement reposant sur les résultats à l’arrivée
plus que sur les ressources en amont. De plus, il note que des programmes
plus courts et plus diversifiés offrent un potentiel accru, puisqu’ils
permettraient de réagir avec plus de souplesse aux besoins individuels
de formation;
- une autre étude analyse l’impact de la géographie économique
et de l’abolition de la distance qui, pour certains, serait le fruit
des nouvelles technologies et de la mondialisation. Le rapport conclut
que, si les coûts des télécommunications ont chuté de manière remarquable,
et si l’internet influe quelque peu, rien ne permet de dire clairement
que le coût du transport des marchandises a reculé par rapport à
leur prix. Dans l’ensemble, selon le rapport, l’impact de la distance
sur la structure des échanges ne s’est pas atténué au fil du temps.
De fait, la «distance par rapport au marché» continue d’affecter
de manière significative le PIB par tête d’un pays – avec une pénalisation
d’environ 10% pour des pays tels que l’Australie et la Nouvelle-Zélande,
et une bonification de peut-être 6% pour des pays tels que la Belgique et
les Pays-Bas. Dans le même temps, le rapport note que, lorsqu’un
pays est largement doté de ressources naturelles, cela peut avoir
une forte incidence sur le PIB par tête (autour de 8%, en estimations,
pour la Norvège et de 2% pour l’Australie);
- dans son étude finale, Objectif
Croissance passe en revue la nature du commerce international
des services et les niveaux actuels de réglementation intérieure.
Le rapport signale que les services sont souvent à l’abri de la
concurrence dans les économies de l’OCDE et que, malgré des tentatives
de libéralisation de ce secteur, le commerce international des services
a, au cours des dernières décennies, à peine augmenté par rapport
au commerce de produits. Même si les barrières formelles aux services sont
rares dans les pays de l’OCDE, le rapport signale une multitude
de réglementations locales diverses, qui limitent l’entrée de prestataires
étrangers et rendent plus difficile, et parfois hors de prix, le positionnement
de prestataires nationaux sur des marchés étrangers.
163. Le rapport soutient le point
de vue selon lequel si tous les pays de l’OCDE s’alignaient sur
le niveau le plus léger de réglementations limitant les échanges,
en s’inspirant de ce qui est pratiqué dans certains de ses pays
membres comme l’Australie, le Canada et le Royaume-Uni, le niveau
général du commerce de services pourrait augmenter en moyenne de
90%, et de 140% dans les pays où la réglementation est actuellement
la plus lourde tels que l’Italie, la Hongrie et la Turquie. La hausse
du PIB par tête entraînée par ces augmentations pourrait être de
2% en moyenne, et autour des 3% pour les pays les plus restrictifs
actuellement. Et le rapport indique que le potentiel pourrait bien
être encore plus prometteur, puisqu’une concurrence accrue pourrait consolider
ces gains de manière dynamique en encourageant l’innovation.
164. Lors du Conseil ministériel tenu à Paris les 4 et 5 juin,
les ministres de l’OCDE ont réaffirmé l’intérêt qu’ils portent aux
travaux de l’OCDE sur l’économie politique de la réforme, s’appuyant
sur des méthodes d’analyse comparative, fondée sur l’observation
des faits, et d’examen par les pairs. Ils ont exprimé le souhait
que l’OCDE poursuive ses analyses et intensifie son soutien aux
gouvernements dans leur processus de réforme interne.
165. Pour citer le résumé établi par la présidente, la ministre
française de l’Economie Christine Lagarde: «La présidente a présenté
en introduction les stratégies de réforme qu’elle juge efficaces
à la lumière de sa propre expérience en mettant l’accent sur le
calendrier et la conduite simultanée des réformes. Le Mexique, la Slovénie
et la Suède ont fait part de leur expérience de l’économie politique
de la réforme des finances publiques et du marché du travail. A
l’issue de discussions informelles, les ministres concluent qu’il
est souvent utile de présenter un "ensemble" équilibré de réformes
pour rallier l’adhésion du public et surmonter la résistance de
groupes d’intérêts particuliers. Ils conviennent que des mécanismes
consultatifs tels que des commissions ad hoc apportent une aide
particulièrement précieuse à l’élaboration d’un programme de réforme ambitieux.
Les ministres soulignent l’importance de relayer un message clair
s’adressant directement aux citoyens de façon à faire mieux comprendre
l’intérêt des réformes. Ils précisent que la manière d’aborder les réformes
dépend du contexte national. Dans bien des cas, la constitution
de larges coalitions au-delà d’une majorité politique peut être
déterminante pour la réussite de leur mise en œuvre.»
5.8. Un nouvel élan en vue de
l’élargissement de l’OCDE
166. Depuis sa fondation, l’OCDE
prône la participation mondiale et l’ouverture aux pays non membres.
A l’époque, les pays membres de l’OCDE représentaient la majeure
partie du commerce et du PIB mondiaux, mais aujourd’hui, du fait
de la mondialisation, cette position est bien entendu en train d’évoluer
– bien que ses 30 membres produisent encore près de 60% des biens
et services mondiaux. Depuis quelque temps déjà, l’OCDE s’est engagée
dans un processus d’élargissement, et depuis la moitié des années
1990, six nouveaux membres ont été accueillis dans l’organisation.
En mai 2007, ce processus est entré dans une nouvelle phase lorsque
l’organisation a décidé d’inviter le Chili, l’Estonie, Israël, la
Fédération de Russie et la Slovénie à entamer des discussions en
vue de leur adhésion et a proposé un «engagement renforcé» en vue
d’une possible adhésion du Brésil, de la Chine, de l’Inde, de l’Indonésie
et de l’Afrique du Sud, en vue de détendre les relations de l’OCDE,
y compris par le biais d’un engagement renforcé, avec certains pays
et régions sélectionnés présentant un intérêt stratégique pour l’OCDE,
la priorité étant donnée à l’Asie du Sud-Est.
167. Le processus d’adhésion est compliqué, et peut prendre beaucoup
de temps, car il passe par des évaluations des politiques et cadre
gouvernementaux des pays candidats, ainsi que de la façon dont ils s’accordent
aux normes et références de l’OCDE. Les discussions avec les candidats
à l’adhésion ont été lancées conformément aux feuilles de route
de l’adhésion, établies par le Conseil de l’OCDE. La rapporteuse aimerait
insister auprès de l’OCDE pour que l’organisation réserve l’accession
à ceux de ces pays qui respectent pleinement la démocratie, les
droits de l’homme et le droit international.
168. L’engagement renforcé, entre-temps, vise à obtenir la participation
directe et active des membres potentiels aux travaux de l’organisation.
Il se compose d’une série d’éléments variés, adaptés au pays considéré,
et pouvant prendre la forme de participation à des comités, d’études
économiques, d’adhésion à des instruments, d’intégration aux systèmes
d’informations et de reporting statistique,
d’examen par les pairs dans des secteurs spécifiques et autres initiatives
de dialogue politique. Ce processus doit être mutuellement bénéfique,
autrement dit apporter une assistance au partenaire dans l’engagement
renforcé pour ce qui est de ses efforts en matière de réformes politiques,
tout en renforçant également les travaux de l’OCDE. Il s’appuie sur
les efforts substantiels de coopération déployés par l’OCDE ces
dernières années, tels que le programme OCDE-Russie, lancé en 1996;
en fait, aujourd’hui, l’OCDE compte 25 pays et économies non membres participant
régulièrement aux activités de multiples comités et groupes de travail
importants.
Commission chargée du rapport: commission des questions économiques
et du développement.
Renvoi en commission: mandat permanent.
Projet de résolution adopté par la commission élargie le 30
septembre 2008.
Membres de la commission: M. Márton Braun (Président),
M. Robert Walter (Vice-Président),
Mme Doris Barnett (Vice-Présidente),
Mme Antigoni Papadopoulos (Vice-Présidente),
MM. Ruhi Açikgöz, Ulrich Adam, Roberto Antonione, Robert Arrigo
(remplaçante: Mme Marie-Louise Coleiro-Preca), Mme Veronika
Bellmann, MM. Radu Mircea Berceanu, Vidar Bjørnstad, Luuk Blom (remplaçant:
M. Tuur Elzinga), Predrag
Bošković, Patrick Breen,
Mme Anna Maria Carloni, M. Erol Aslan Cebeci,
Mme Elvira Cortajarena
Iturrioz, MM. Valeriu Cosarciuc, David Darchiashvili,
Joan Albert Farré Santuré,
Relu Fenechiu, Zahari Georgiev, Francis Grignon,
Mme Arlette Grosskost (remplaçant: M. Alain Cousin), Mme Azra
Hadžiahmetović, MM. Norbert Haupert, Stanislaw Huskowski, Ivan Ivanov, Igor Ivanovski, Jan Jambon,
Miloš Jeftić, Mme Nataša Jovanović, MM. Antti Kaikkonen, Serhiy Klyuev, Albrecht Konečný,
Bronislaw Korfanty, Anatoliy Korobeynikov, Ertuğrul Kumcuoğlu, Bob Laxton, Harald Leibrecht, Mme Anna Lilliehöök, MM. Arthur Loepfe,
Denis MacShane, Yevhen Marmazov,
Maximiano Martins, JeanPierre
Masseret, Miloš Melčák, José
Mendes Bota (remplaçant: M. Maximiano Martins),
Mircea Mereută, Attila Mesterházy, Alejandro Muñoz Alonso, Mme Olga Nachtmannová, Mme Hermine
Naghdalyan, M. Gebhard Negele,
Mme Mirosława Nykiel (remplaçante: Mme Danuta Jazłowiecka), M. Mark Oaten, Mme Ganira
Pashayeva (remplaçant: M. Sabir Hajiyev),
Mme Marija Pejčinović-Burić,
MM. Viktor Pleskachevskiy (remplaçant: M. Nikolay Tulaev), Claudio Podeschi, Jakob
Presečnik, Maximilian Reimann, Roland Ries (remplaçant: Mme Josette Durrieu), Andrea Rigoni, Mme Maria
de Belém Roseira, MM. Rafael Salas
Machuca (remplaçant: Mme Maria del Carmen Quintanilla Barba), Giuseppe Saro,
Mme Gitte Seeberg, MM. Samad Seyidov,
Steingrímur J. Sigfússon, Leonid Slutsky, Serhiy Sobolev, Mme Aldona
Staponkienė, MM. Christophe Steiner, Vjačeslavs Stepanenko, Vyacheslav
Timchenko, Mme Arenca Trashani, Mme Ester Tuiksoo,
MM. Miltiadis Varvitsiotis (remplaçant: M. Aristotelis Pavlidis), Oldřich Vojíř, Konstantinos Vrettos, Harm Evert Waalkens, Paul
Wille, Mme Gisela Wurm, Mme Maryam Yazdanfar.
Canada: Sénateur Prud’homme Corée: Mme Song,
Mme Bae Japon: Mme Kaneko
Mexique: M. Buganza Salmerón, sénateur Jiménez Macías, M. Soto
Sánchez
Voir 33e séance, 1er octobre
2008 (adoption du projet de résolution amendé); et Résolution 1629.