1. Considérations d’ordre
général
1. L’importance des soins palliatifs en tant que concept
global, susceptible de compléter et d’améliorer les programmes de
soins existants, est à présent reconnue dans de nombreux pays à
travers le monde.
2. A l’origine, les soins palliatifs étaient considérés comme
une façon de soigner les personnes dont le décès était imminent.
Depuis, il est admis que le concept de prise en charge globale peut
être très bénéfique à un stade bien antérieur aux personnes atteintes
de maladies incurables. Ces soins incluent et viennent compléter,
par exemple, des thérapies curatives dont les effets indésirables
peuvent être atténués par une intervention précoce, ou répondent,
au moyen d’un soutien psychosocial ou spirituel, à certains problèmes
du patient qui peuvent le démoraliser davantage que la maladie physique
elle-même. Sur le plan pratique, il est également contre-productif
de limiter les soins palliatifs à la fin de vie imminente, car le
terme «abandonné par les médecins» entraîne chez le patient des
réactions de peur et de défense.
3. Leur extension aux personnes n’ayant pas de maladie mettant
leur vie en danger (par exemple les malades chroniques) et à la
prise en charge des personnes âgées en général est une lourde tâche
pour l’avenir. Les soins prodigués à ces catégories de personnes
sont particulièrement inadaptés, du fait des économies nécessaires
dans le secteur de la santé. Tout comme les personnes en fin de
vie, les malades chroniques présentent une multitude de troubles,
également d’ordre psychosocial: l’approche globale des soins palliatifs
présente donc pour eux des avantages considérables.
4. L’importance accordée à l’autonomie du patient, notamment
au cours de la dernière phase de la vie, se fonde sur le fait que,
dans le monde moderne, la mort n’est plus un processus naturel:
elle dépend, dans une large mesure, de décisions médicales et intervient
dans des établissements médicaux. En prolongeant artificiellement
la vie, on peut engendrer une prolongation de la souffrance, ce
contre quoi de nombreuses personnes veulent se prémunir, par exemple
en demandant une aide au suicide ou en rédigeant un testament de
vie dans lequel elles expriment leur volonté de refuser tout traitement.
5. Une offre complète en matière de programmes de soins palliatifs,
à l’échelle de tout un pays, est nécessaire pour s’opposer efficacement
à la pratique de l’euthanasie active, demandée avec de plus en plus d’insistance
dans de nombreux pays européens.
6. La région Europe de l’Organisation mondiale de la santé (OMS)
compte 52 Etats pour un total de 879 millions d’habitants. Près
de 9 millions de personnes y meurent chaque année, dont 24 % du
cancer. Etant donné l’élévation de l’âge global de la population,
en particulier dans les pays occidentaux, il faut s’attendre à une
augmentation considérable du nombre de patients cancéreux. Il est
communément admis que l’évolution démographique renforce encore
la nécessité urgente d’offrir des soins palliatifs de qualité, à
l’échelle de tout un pays.
7. Si, jusqu’à présent, l’Union européenne ne s’est engagée que
de manière limitée à offrir de meilleurs programmes de soins palliatifs,
on a assisté ces dernières années à une intensification des efforts
dirigés vers une Europe élargie. Les premières collectes fiables
et systématiques de données réalisées par l’Association européenne
de soins palliatifs (EAPC), fondée en 1988, montrent que seul un
petit nombre d’Etats n’ont pas pris d’initiatives en matière de
soins palliatifs.
8. Les comparaisons entre pays montrent toutefois d’importantes
disparités dans la qualité des soins et la rapidité de l’évolution
de ce secteur. Dans certains pays, le problème de la mise à disposition
de soins appropriés ne se pose qu’au niveau régional (par exemple
en Allemagne). Il semblerait qu’un aspect essentiel d’un bon développement
soit le degré de réussite de la mise en œuvre des soins palliatifs
dans le système de santé existant et d’autres secteurs de la sécurité
sociale
.
9. Ces dernières années, l’OMS a étudié de manière approfondie
la question des soins palliatifs et a publié en 2004 deux documents
traitant en particulier de certains aspects des soins
.
Sa définition des soins palliatifs (1999, actualisée en 2002) est
la définition internationalement reconnue de ce domaine de la médecine:
«Les soins palliatifs cherchent à améliorer la qualité de vie des
patients et de leur famille face aux conséquences d’une maladie
potentiellement mortelle, par la prévention et le soulagement de
la souffrance, ainsi que le diagnostic et le traitement précoces
de la douleur et des autres problèmes physiques, psychosociaux et spirituels
qui lui sont liés.»
10. Contrairement à l’Union européenne, le Conseil de l’Europe
a déjà commencé des analyses approfondies de l’évolution des soins
palliatifs. S’inspirant du rapport du Comité européen de la santé
(1980) «Problèmes concernant la mort: soins apportés aux mourants»
et de la
Recommandation 1418 de l’Assemblée parlementaire de 1999 «Protection des
droits de l’homme et de la dignité des malades incurables et des mourants»,
le Comité des Ministres a décidé en 2001 de créer une commission
d’experts, qui a élaboré en deux ans des lignes directrices européennes
pour l’organisation des soins palliatifs. Le 12 novembre 2003, la Recommandation
Rec(2003)24 du Comité des Ministres aux Etats membres sur l’organisation
des soins palliatifs a été adoptée, accompagnée d’un rapport explicatif
complet. L’année suivante, le document avait déjà été traduit dans
17 langues européennes, et donc clairement pris en considération
dans la plupart des pays européens
.
11. Selon le rapport, les soins palliatifs «font partie intégrante
du système de santé et constituent un élément inaliénable du droit
des citoyens à des soins» (Recommandation). «La politique des soins
palliatifs doit être fondée sur les valeurs posées par le Conseil
de l’Europe: droits de l’homme et droits des patients, dignité humaine,
cohésion sociale, démocratie, équité, solidarité, égalité des chances
entre les sexes, participation et liberté de choix.»
12. Les soins palliatifs présentent plusieurs aspects essentiels:
- le soulagement des symptômes;
- le soutien psychologique, spirituel et émotionnel;
- le soutien apporté à la famille;
- le soutien lors du deuil.
13. Le rapport recommande aux gouvernements des Etats membres
d’adopter les politiques et les mesures législatives et autres nécessaires
à la mise en place d’un cadre cohérent et complet au niveau national
en matière de soins palliatifs et d’encourager la mise en réseau,
au niveau international, des organisations, des instituts de recherche
et des autres instances œuvrant dans le domaine des soins palliatifs.
14. Il y est noté: «Alors que, dans de nombreux pays, la majeure
partie du budget de la santé est consacrée aux personnes ayant atteint
les dernières années de leur vie, ces personnes ne reçoivent pas
toujours les soins les plus adaptés à leurs besoins.»
15. Cette formulation prudente vise le problème essentiel des
soins de santé hautement perfectionnés et très coûteux apportés
en particulier en Europe occidentale, qui proposent à des intervalles
de plus en plus courts des innovations en matière de technologie
médicale et de pharmacologie, entraînant de la part des citoyens
des attentes élevées quant au succès thérapeutique. Cependant, il
est de plus en plus évident que cette forme de soins de santé ne
répond pas aux besoins fondamentaux des personnes atteintes de maladies chroniques
ou rares, ou d’une maladie entraînant la mort à court ou à long
terme.
16. Le concept global de soins palliatifs en tant que tentative
de repenser la médecine est né avec raison dans les années 1960
d’un mouvement de citoyens s’étendant au-delà de l’espace culturel
européen. Dans de nombreux pays à travers le monde, on observe que
certaines parties de la société demandent et offrent aux patients
et aux malades des formes de soins complémentaires destinées à compenser
les insuffisances de la «médecine moderne».
17. Cette évolution peut être considérée comme une initiative
parallèle des citoyens et des professionnels, qui a connu un degré
de réussite remarquable dans certains pays (par exemple au Royaume-Uni),
et ce dans un délai relativement court, en dépit de financements
publics très limités.
18. Depuis le lancement des premiers programmes de soins palliatifs
au Royaume-Uni, beaucoup de choses ont changé dans la façon de les
pratiquer. Les établissements les plus fréquemment concernés sont les
«hospices» ou les centres de soins palliatifs, mais des unités de
soins sont de plus en plus souvent créées dans des centres de court
séjour, des centres d’oncologie ou des hôpitaux universitaires.
Dans de nombreux pays, outre les services hospitaliers et les équipes
de soins palliatifs à domicile, des équipes mobiles ou d’accompagnement
ont été créées dans les hôpitaux généraux, qui supervisent les soins
et le traitement des patients. Des programmes ont été mis en place
dans les maisons de retraite médicalisées, et il existe des équipes
hautement spécialisées qui permettent une hospitalisation à domicile.
Il existe également des centres de jour. Aujourd’hui, les équipes
de soins palliatifs ne se limitent pas à un domaine; au contraire,
dans certains pays, elles viennent en aide aux patients, où qu’ils
se trouvent: à l’hôpital, à domicile ou dans une maison de retraite
médicalisée, le cas échéant.
19. L’un des impératifs majeurs pour l’évolution future est l’élaboration
d’indicateurs donnant des informations sur le cadre juridique, la
qualité des soins, la formation et la recherche les mieux adaptés. L’élaboration
de ces indicateurs est difficile, comme en témoigne l’exemple de
l’indicateur potentiel «lieu du décès»
.
20. La poursuite de l’extension des structures créées au-delà
de maladies bien spécifiques (cancer, sida) est menacée par les
graves problèmes financiers auxquels doivent faire face les systèmes
de sécurité sociale en raison du taux de chômage élevé. Etant donné
que chaque année des sommes considérables doivent être mobilisées
pour stabiliser la situation et garantir l’existence de personnes
qui ne peuvent pas, ou peuvent en partie seulement, assurer leur
subsistance et celle de leurs enfants par leurs seuls moyens, et
que le nombre de personnes exerçant une activité rémunérée et payant
des cotisations à cette fin est en constante diminution, il ne reste
aujourd’hui pas beaucoup de place pour les investissements d’avenir
(éducation, formation, environnement) ou pour des projets novateurs
dans le domaine social et des soins de santé. L’on peut se demander
dans quelle mesure les électeurs apporteront du crédit aux députés
pour des stratégies politiques à plus long terme, notamment dans
l’éventualité d’une réduction des prestations qui serait immédiatement ressentie
par la population.
21. Actuellement, le niveau de soins dans le secteur infirmier
est insuffisant. Les changements démographiques imminents aggraveront
considérablement ce problème, à moins que les structures actuelles ne
soient modifiées durablement. La prise en charge des patients en
soins palliatifs dans les maisons de retraite médicalisées deviendra
l’un des principaux problèmes de ces dix prochaines années. S’agissant
des soins aux personnes âgées, le concept de soins palliatifs prendra
une importance toute particulière, plus encore qu’aujourd’hui.
22. L’Allemagne n’est pas le seul pays dans lequel il n’y a pas
d’organisation de défense des intérêts des personnes gravement malades
et des personnes en fin de vie. Les responsables politiques et des
soins de santé ne considèrent pas les patients en soins palliatifs
comme des clients lucratifs. Ce problème fondamental doit être examiné
et réglé avec le courage politique qui s’impose.
23. Le concept de soins palliatifs ne fait pas que répondre à
un besoin culturel et humanitaire de la plus haute importance; il
apporte également une structure novatrice qui, si elle est soutenue
intelligemment, suscitera un changement durable dans le secteur
médical et servira de «recette du succès» dans d’autres domaines
d’action où se posent des problèmes de plus en plus graves (prévention
des toxicomanies, éducation, marché du travail).
24. Il convient de porter une attention particulière au concept
et à la compréhension de l’autonomie ainsi qu’à l’importance de
ce principe fondamental dans la prise de décisions médicales. L’orientation
du patient jouant un rôle majeur dans les soins palliatifs, elle
est un important indicateur de réussite. Même s’il est difficile de
recueillir les données correspondantes, il faut évaluer si les patients
se sentent plus autonomes du fait des soins palliatifs et quelle
importance ils attribuent à ce renforcement de leur capacité d’agir
(par exemple lors de la décision du lieu dans lequel ils souhaitent
mourir). Dans l’état actuel du débat, l’autonomie du patient ne devient
importante que s’il y a eu une indication médicale, par exemple
si le patient refuse la thérapie qui lui est proposée (le patient
n’est pas en mesure de demander une procédure pour laquelle il n’y
a pas d’indication). Les problèmes proviennent des différents facteurs
qui peuvent influer sur l’indication médicale. L’on ne sait pas
vraiment comment aborder les cas ambigus: par exemple, le patient
veut rentrer chez lui, mais les proches refusent de le soigner (par
exemple parce qu’ils ne pensent pas pouvoir y arriver). Comment
un médecin évaluera-t-il le libre arbitre d’un patient atteint de
la maladie d’Alzheimer qui n’aura peut-être pas entièrement compris
l’explication donnée?
25. L’Europe est un vivier de bonnes pratiques: les premières
données des études menées par le groupe de travail de l’Association
européenne de soins palliatifs sont présentées ci-après. Ces études
visent à évaluer le développement des soins palliatifs en Europe.
Elles ont été réalisées dans le cadre d’une coopération entre plusieurs
organisations telles que Hospice Information, l’Association internationale
des soins palliatifs et l’Observatoire international sur l’accompagnement
de la fin de vie de l’université de Lancaster.
26. Les études effectuées à partir des données existantes font
apparaître, en matière d’offres de soins palliatifs, de grandes
disparités entre les différents pays et entre les différentes régions
d’un même pays (zones urbaines et zones rurales, par exemple); une
concentration unilatérale sur certains groupes de patients (cancéreux);
une sous-représentation des enfants par rapport aux adultes ainsi
qu’une implication insuffisante du secteur des soins. Peu de pays
sont dotés de normes en matière de soins; et rares sont ceux dans
lesquels ces normes ont été fixées à l’initiative du gouvernement
.
27. A l’évidence, le thème de la mort demeure un tabou tant dans
le milieu scientifique qu’au sein de l’opinion. Cela saute aux yeux
en médecine: la majorité des médecins acquièrent, au cours de leur
formation, de solides connaissances spécialisées mais ne savent
pas comment se comporter face à un mourant. On ne peut que se féliciter
du succès que remporte la nouvelle discipline qu’est la médecine
palliative, mais il pourrait néanmoins se révéler utile de procéder
à une rétrospective systématique sur le plan de la théorie scientifique. En
effet, nous avons certainement envie de connaître les raisons pour
lesquelles on en est arrivé à occulter un domaine d’application
aussi essentiel de la médecine.
2. La question de l’automatisme
fatal
28. Un débat scientifique de grande ampleur sur les concepts
d’autonomie est également nécessaire eu égard aux demandes croissantes
d’euthanasie active dans l’intérêt de l’autonomie du patient. Les
testaments de vie peuvent au contraire générer une illusion dangereuse
d’autonomie qui représente, dans des situations vraiment extrêmes,
une incitation à prendre une décision contraire aux intérêts vitaux
des personnes concernées et qui porte atteinte à la relation de
confiance entre le patient et le médecin
.
29. La mise en place des testaments de vie, telle qu’elle est
actuellement à l’étude en Allemagne, ne résout pas le problème de
la nécessité de déterminer de manière appropriée la volonté du patient.
Ce n’est en effet que dans le cas idéal où celui-ci aura clairement
exprimé sa volonté que les médecins pourront intervenir ou s’abstenir
d’intervenir en se fondant exclusivement sur le souhait exprès du
patient. Dans la pratique, toutefois, cette volonté s’exprime la
plupart du temps dans des déclarations contradictoires qui appellent
une vérification ou, lorsque cela est impossible, une libre interprétation
pour en tirer des indications claires. La plupart des testaments
de vie ne sont pas exempts de contradictions.
30. Le devoir du médecin d’apporter son assistance à un patient
en détresse interdit de poser la question du rôle de l’éthique;
or cette question est essentielle sur le plan moral. L’éthique doit-elle
faciliter la résolution de dilemmes graves, comme ceux auxquels
est confronté un médecin accompagnant une personne en fin de vie,
par un affaiblissement des commandements éthiques (code de déontologie)?
Mais n’est-ce pas précisément cet affaiblissement qui a un effet
désorientant à plus long terme parce qu’il entraîne la disparition de
l’éthique en tant qu’étalon raisonnable permettant de maintenir
dans des limites claires et précises à la fois l’action et les choix?
31. Une communication réussie entre le médecin et son patient
ne tire pas sa véritable valeur éthique du fait qu’elle permet à
ce dernier d’opérer, avec l’aide du médecin, un choix éclairé entre
différentes options thérapeutiques, comme il déciderait, en tant
que client d’un supermarché, d’acheter tel produit plutôt que tel autre.
Elle la tire du fait que c’est le patient lui-même qui assume la
responsabilité de la décision et qu’il est auparavant clairement
informé des inconvénients et des effets secondaires d’une intervention.
32. Dans un système juridique libéral, on ne saurait laisser en
suspens les questions touchant à la vie ou à la mort d’êtres humains.
En choisissant de ne pas se prononcer sur ces questions pour laisser
au pluralisme ou plutôt aux individus le soin d’exprimer leurs préférences
arbitraires, on prend une décision lourde de conséquences qui va
à l’encontre de la raison en tant que conseillère. Ce n’est qu’en
se fondant sur une argumentation raisonnable qu’on pourra réduire
à l’essentiel la multitude des problèmes discutés et des ébauches
de solutions envisagées. Ainsi seulement pourra-t-on avoir une vue
d’ensemble des choix existants et évitera-t-on systématiquement,
dans la discussion, les prétendus consensus, les fausses dissensions,
voire le risque d’une politisation du débat.
2.1. Utilitarisme: le bonheur dénué
de raison
33. Après avoir longtemps accepté sans critique le principe
selon lequel les bienfaits des prestations médicales peuvent être
scientifiquement et objectivement démontrés, l’attention se porte
aujourd’hui de manière accrue sur les lacunes structurelles des
méthodes objectives. Les études cliniques ne pourront apporter la
preuve incontestable des effets bénéfiques de certains médicaments
ou de certains traitements que si:
a. on
est certain de la causalité physique sur laquelle on se fonde; et
b. on compare systématiquement les
effets des traitements alternatifs possibles ou de l’absence de
traitement avec ceux de la nouvelle thérapie. Les études cliniques
préalables à l’autorisation de mise sur le marché des médicaments
sont bien moins strictes qu’elles ne devraient l’être. Elles nécessitent
une évaluation postérieure, comme celle qui est effectuée par des
scientifiques indépendants dans le cadre de la médecine fondée sur
la preuve
.
34. Il convient de mener parallèlement une recherche sur les soins,
élargie aux conditions dans lesquelles, par exemple, les médicaments
sont administrés au quotidien. Il convient en outre de tenir compte
du bénéfice particulier qu’en retire le patient. On espère que les
nouvelles méthodes permettront de canaliser de manière raisonnable
les très vastes possibilités médicales. Les groupes pharmaceutiques
ne manifestent guère d’intérêt pour une telle recherche critique.
La volonté d’investir des fonds supplémentaires dans l’évaluation d’études
cliniques et dans la recherche sur les soins suppose que la société
ait conscience de la difficile question de la qualité de la prestation
médicale, laquelle doit, bien entendu, également être garantie pour
les soins quotidiens par le biais de la gestion de la qualité. La
notion de qualité a été qualifiée de «géant endormi» des soins de
santé rationnels
. Entre-temps, la dimension éthique
est devenue, pour la science, un important problème de méthode.
35. Le débat sur la qualité dans son ensemble, auquel la notion
de qualité de vie du patient, fort importante dans le domaine des
soins palliatifs, donne une nouvelle dimension, repose sur le fait,
incompréhensible d’emblée, qu’une connaissance objectivement sûre
sur le plan clinique peut être totalement insignifiante sur le plan
de la santé humaine. Mais il n’a pas encore été trouvé de réponse
claire à la question de savoir quelle norme appliquer lorsque l’objectivité
ne suffit pas. La prise en compte de la notion d’adéquation parallèlement à
celle d’efficacité permettra d’aborder sous plusieurs angles la
question de l’avantage et d’en prendre la mesure. Le débat actuel
se heurte à la coexistence d’une diversité de normes, ce qui ne
favorise guère la formation d’une idée claire. Une évaluation théorique
des méthodes, comme celle qui est possible conformément aux objectifs
éthiques, pourrait se révéler extrêmement utile lors du débat sur
la qualité.
36. Une des vraies questions qui se posent, dans le cadre de la
politique de santé, est celle de la répartition équitable des ressources.
En l’absence d’un projet raisonnable en matière d’objectifs de santé
et de priorités de soins, le débat public supplémentaire nécessaire
à l’acceptation restera probablement pris dans la mêlée des intérêts
contradictoires et des groupes de pression
.
L’autonomie du patient est une notion très importante à la fois
pour la politique de santé en général et pour les soins palliatifs
en particulier. La mise en parallèle de doctrines sociales utilitaristes
et autres, de doctrines purement éthico-politiques et de doctrines éthiques
se fondant sur l’éthique individuelle, est très utile pour se faire
une première idée générale de l’importance de l’autonomie. L’individu
autonome n’a pas sa place dans une éthique purement politique et encore
moins dans une doctrine purement sociale.
37. Les théories qui donnent de l’Etat ou de la société une interprétation
substantialiste ont tendance à entendre les processus sociétaux
comme un automatisme qui doit être correctement mis en route, mais
qui, par la suite, se règle de lui-même de manière fiable. Selon
ces théories, il ne peut y avoir de conflit insoluble entre les
intérêts et les droits des individus et ceux de l’ensemble de la
société. Etant donné que les variantes modernes, telles que la théorie
des systèmes, prennent toujours pour point de départ le système
existant, on cherche fébrilement, en raison des symptômes aigus
de crise que présentent les systèmes d’assurance sociale, de nouveaux
mécanismes et de nouveaux leviers qui permettront de restaurer l’automatisme.
Le système doit acquérir la capacité d’apprendre; les sous-systèmes
doivent s’autoréguler, ils doivent devenir responsables.
38. Des notions qui ne sont, en fait, raisonnablement applicables
qu’à un seul individu deviennent des fonctions directrices pour
les systèmes. Nombreux étaient ceux qui, par le passé, répugnaient
à parler d’éthique dans le contexte de la société et encore plus
à parler d’éthique individuelle. L’homme moderne n’a que faire d’une
éthique censée gouverner sa vie sociale: il fait confiance au guidage
automatique de la doctrine sociale, qui réduit l’éthique à une affaire
privée. Dans de nombreux contextes, et surtout dans celui du débat sur
la vieillesse, les soins et la mort, l’éthique a entre-temps été
redécouverte, également à l’échelon de la société, et un malaise
massif s’est fait jour à propos des débats du passé
.
2.2. Problèmes systémiques: l’économie,
une fin en soi
39. Dans le domaine des soins, on constate déjà une forte
inversion de la fin et des moyens. Ce n’est pas l’établissement
de soins qui sert ceux qu’il héberge; ce sont les patients qui assurent
son existence et qui doivent s’adapter aux facteurs qu’il indique
comme étant économiquement rentables: personnel soignant peu nombreux,
mais nombreux investissements dans les produits et les logiciels
d’ordinateurs
.
40. L’économisation conduit, d’une manière générale, à l’apparition
d’objectifs erronés du système de santé; il est perçu comme un «marché
de la croissance» ou une «machine à emplois» et on lui a ôté son
objectif premier, à savoir apporter un service au malade. L’économisation
de la société conduit à des dépendances fatales et fait que toute
action est dictée au premier chef par la crainte de perdre son emploi.
La déformation de l’économie en idéologie, telle qu’elle a été analysée
dans la théorie utilitariste, crée des conditions de travail psychologiquement
insupportables, rend les gens malades ou plus malades (ayant besoin
de davantage de soins) et, pour se justifier en tant que théorie
de société, veille à ce que la société se taise.
41. Le terme d’«économisation» est souvent repoussé au motif qu’il
implique un manque de volonté de tenir un débat raisonnable sur
les questions de coût. Dans le présent document, il est plus particulièrement
entendu dans le sens de la prévalence des questions économiques
lors de l’élaboration des objectifs politiques. C’est précisément
cette façon de voir qui marque la différence entre une doctrine
libérale du marché, qui met sur un pied d’égalité les objectifs
économiques et les autres objectifs, et une doctrine néolibérale
qui met l’accent sur les questions commerciales
.
42. Ce qu’on oublie souvent dans le débat, c’est que, en pratique,
se font jour d’importants conflits éthiques ayant certainement de
lourdes conséquences pour la santé lorsqu’un prestataire de service,
en raison des pressions liées aux coûts et à la concurrence, conseille
mal ses clients, par exemple en leur taisant les inconvénients de
certains produits ou de certaines prestations pour assurer sa propre
survie économique. Le problème c’est que le paiement dépend du succès
de l’activité de conseil. Les conséquences négatives des mauvais
conseils n’atteignent souvent le client qu’avec un grand retard
et peuvent entraîner des coûts supplémentaires considérables dont
la collectivité devra porter la charge lorsque des questions essentielles ont
été auparavant laissées à la préférence des individus.
43. Si l’on se base sur la structure actuelle des soins infirmiers
en Allemagne, il est à noter que le financement des services de
soins palliatifs au sein des structures existantes du secteur de
la santé représente un problème majeur qui n’a pas encore été résolu.
Les soins palliatifs nécessitent une approche qui mette l’accent
sur la personne et non sur la technologie, ce qui explique le rôle
important du travail bénévole dans de nombreux pays européens.
44. En Allemagne, on observe de nets problèmes d’interface en
raison de la séparation stricte entre les différents secteurs et
branches d’activités. La concurrence de plus en plus vive entre
prestataires de services pour les ressources limitées disponibles,
poussée ces dernières années par la classe politique pour des raisons
économiques, a obligé les fonds d’assurance-maladie à rivaliser
davantage pour attirer des adhérents jeunes et bien rémunérés. En
raison d’une mauvaise configuration du système de péréquation fiscale
qui ne tient pas compte des risques réels de maladie et des coûts
engendrés par les adhérents malades, et bien que certains services
soient obligatoires (la loi de réforme actuelle englobe les soins
palliatifs), on observe une nette réticence à proposer des services
aux malades chroniques ou en phase terminale par crainte d’attirer
le «mauvais client», économiquement parlant.
45. Dans de nombreux systèmes de soins à travers le monde, les
changements structurels visant à réduire les coûts (création de
groupes homogènes de malades) sont de plus en plus ressentis comme
étant défavorables aux soins palliatifs. Les grandes avancées dans
ce secteur hautement spécialisé sont désormais menacées, puisque
les patients présentant des problèmes à la fois sociaux, psychologiques
et de santé ne peuvent être classés dans l’une ou l’autre catégorie
.
46. Pour le système de santé, les calculs économiques énoncés
sont faux, et ce non seulement du point de vue moral et du point
de vue de la politique de santé, mais également du point de vue
économique. Les mauvaises incitations du marché lui-même deviennent
ainsi un problème de santé, qui ne peut être résolu ni à l’échelon
du système de santé ni à celui de l’Etat providence ou du marché
de l’emploi. Le marché auquel nous obéissons veut des produits commercialisables,
seuls aptes à participer au marché mondial; et les gouvernements
nationaux, tout à leur zèle néolibéral, ont commis la fatale erreur
de ne pas voir la ligne de partage économique existant dans le rapport
entre produits et prestations de services.
47. Les produits prennent le pas sur les prestations; ils sont
prescrits en partant du principe que les prestations, bien plus
onéreuses, seront cofinancées par le biais des marges de profit
dégagées par les produits. Face à la concurrence de plus en plus
agressive à laquelle donne lieu le prix d’un produit, ce cofinancement
est devenu une totale illusion. C’est la raison pour laquelle, par
comparaison aux produits, la grande majorité des prestations sont
mal rétribuées. Pour les visites à domicile et pour les soins appropriés
et personnels qu’il apporte au patient, le médecin reçoit un salaire
de misère, qu’il doit compenser sur le plan économique en s’empressant
de prescrire des produits.
48. L’Etat providence ne peut compenser que très partiellement
cette erreur de la politique économique, d’autant que les sociétés
transnationales externalisent les coûts sociaux et tirent des profits
boursiers des licenciements massifs. La mondialisation a pour résultat,
dans le meilleur des cas, d’engendrer à court terme la croissance
de la prospérité pour certains. Comme il apparaît de plus en plus
clairement, elle ne profite plus à tous par le biais indirect d’un
Etat providence efficace et à même d’atténuer les conflits sociaux.
Ceux qui font du profit deviennent de plus en plus rares,,et ils
se dérobent systématiquement aux responsabilités qui leur incombent
au sein de la communauté. Mais ce comportement aura, à plus long
terme, des conséquences qui nous toucheront tous: dumping social et environnemental,
conflits et luttes armées pour les ressources, à quoi il faut ajouter
le problème du chômage massif, que, sous le règne du marché mondial,
les riches pays industrialisés seront eux aussi incapables de résoudre.
49. Des concepts de durabilité cohérents et efficaces, qui s’opposent
à la «dictature du court terme» découlant du système économique,
s’avéreront donc indispensables pour la survie à moyen terme. En revanche,
ils doivent être mis en œuvre dès aujourd’hui pour porter leurs
fruits demain. Sur le plan politique, cela signifie qu’à court terme,
les exigences et conséquences de plus en plus fortes de la mondialisation (pression
concurrentielle accrue) doivent être prises en compte ou compensées
(chômage, déficit de recettes fiscales, conditions de travail démoralisantes,
gaspillage d’énergie et impact environnemental élevé), tout en mettant
en place des structures novatrices. Ce défi ne pourra être relevé
qu’en encourageant des concepts qui créent des synergies nouvelles
dans différents domaines.
50. Pour réorienter l’Etat providence et la médecine, il faut
se référer, comme cela a été fait de manière exemplaire dans le
domaine des soins palliatifs, à l’éthique individuelle, dont on
pourra tirer une idée cohérente et réalisable de l’autonomie. Une
telle idée, dont la complexité est déjà apparue, offre, lorsque
sa fonction abstraite et directrice est bien comprise, une orientation,
et ce tant pour la législation que pour une bonne planification
de vie et un bon épanouissement personnel. Seuls des individus forts
et autonomes pourront être les garants d’une collectivité forte
et d’un ordre étatique qui fonctionne.
3. Les fondements de la réorientation
3.1. L’identité de la médecine:
être au service de l’être humain dans sa globalité
51. Une conception de la maladie qui continue de s’orienter
très fermement sur le paradigme des sciences exactes ne peut tenir
suffisamment compte de la dimension sociale de la maladie telle
qu’elle se manifeste, par exemple, dans la grande majorité des maladies
mentales et dans le domaine restant difficilement définissable des
maladies psychosomatiques. Les effets du mode de vie, de l’âge et
de l’environnement qui se trouvent à l’origine de maladies chroniques
ou de la polymorbidité n’entrent pas non plus dans le cadre de ce qui
est accessible à un diagnostic clair et à un traitement causal.
52. Les importantes modifications intervenues aux XXe et
XXIe siècles dans le spectre des maladies,
les changements démographiques et leurs conséquences sur la place
de la gériatrie et des soins, la confiance en soi accrue des patients
ainsi que les pressions liées aux attentes élevées (et partiellement
générées par la médecine elle-même) sont autant de défis pour la
médecine. Et puis, il y a un autre aspect, connu depuis de longues
années mais qui n’a fait que très récemment sa réapparition dans
la conscience de l’opinion: celui de la relation entre santé et
pauvreté. Dans le domaine de la prévention élémentaire, on déplore,
lorsqu’on regarde vers le passé, de nombreux manquements et, lorsqu’on
regarde vers l’avenir, l’absence de projet solide
.
53. Face au nombre considérable de problèmes connexes, la médecine
ne pourra être l’unique stratégie et, selon toute vraisemblance,
elle ne sera pas même la plus importante. Toutefois, ce qui, au
sein de la profession médicale, doit également jouer un rôle déterminant
pour l’action, c’est la prise de conscience du fait que d’autres
domaines revêtant une grande importance pour la santé, tels que
la formation, les prestations sociales et l’environnement, ont besoin
de ressources aujourd’hui liées à la médecine curative. S’agissant
des systèmes de santé, la croissance n’a pas d’effet positif sur
la société lorsqu’on n’attache aucune importance à la nature des
domaines qui se développent. Quel que soit le domaine concerné,
la confiance aveugle dans le marché, en vertu du slogan «lorsque
l’économie va, la croissance va», n’est pas garante de progrès;
et la coopération entre les médecins et l’industrie pharmaceutique
ne constitue pas un indice pour la qualité des prestations de santé.
54. En conséquence, le problème, pour le patient, n’est pas tant
le fait de mourir, que la peur de la douleur. Quant à la famille,
le problème est qu’elle n’est plus en mesure de bien évaluer la
situation. Les proches refusent l’idée de la mort prochaine de leur
parent, pensant que cela pourrait bien ne pas être le cas. On observe
la même incertitude chez les médecins qui n’ont pas été suffisamment
préparés, lors de leur formation, au comportement à tenir en cas
d’urgence. Situation critique s’il en est lorsque le médecin est incapable
de montrer le chemin qui permettra de sortir du cercle vicieux «peur-incertitude-ignorance».
La deuxième idée part de la même constatation et fait apparaître
qui doit, selon la règle, montrer la voie.
55. La fonction d’aiguilleur du médecin traitant qu’en Allemagne,
après avoir pendant un certain temps grossièrement négligé la médecine
généraliste au profit de la spécialisation, on cherche à mettre
en place pour l’ensemble du système de santé en vue de prévenir
les doubles examens et de réduire les coûts, est entièrement mise
en lumière s’agissant des besoins des mourants: le médecin traitant
peut éviter au patient la douleur et la peur, mais il peut surtout
le protéger d’interventions médicales déraisonnables et faire en
sorte qu’il reçoive effectivement les soins qui lui sont nécessaires.
Cela, toutefois, ne sera possible que si le médecin lui-même voit
son travail reconnu par le versement d’honoraires appropriés, ce
qui n’est actuellement pas le cas.
56. Le fait que les médecins et le personnel soignant n’apprennent
pas, au cours de leur formation, comment appréhender les malades
incurables jette une lumière crue sur la manière dont se perçoit
la médecine ainsi que sur la société qui, par le passé, a contribué
à la formation de cette conception, ou plus précisément l’a demandée.
C’est pourquoi il faut se pencher sur le rôle directeur que joue
la bonne compréhension de la maladie ainsi que sur le changement
qui se dessine
.
57. Ce qui précède soulève une nouvelle fois la question de l’équité
du système social dans lequel nous vivons. L’autonomie telle qu’il
faut la concevoir aura alors des retombées considérables sur la
société et sur l’Etat, lequel doit garantir l’indépendance et la
participation de tous ses membres, et pas uniquement de ceux dont
les parents sont riches et qui, en raison de l’aide massive qu’ils
reçoivent depuis leur plus jeune âge, peuvent se permettre d’occuper
les emplois les plus lucratifs que propose le système et qui, bien
entendu, sont également pris en considération au maximum dans un
système de santé déterminé par l’économie.
58. Cette conception de la maladie fait que la mort peut, elle
aussi, être un processus créateur. Il est probable que les personnes
qui ont capitulé leur vie durant parviennent, au cours de la dernière
phase de leur existence, à faire des choses qui leur devenaient
de plus en plus difficiles alors qu’elles étaient encore en pleine
santé: nouer de nouvelles relations ou bien relancer des relations
existantes. C’est pourquoi la période de transition vers la mort
peut être, sur le plan de la qualité, supérieure à une vie qui était
figée dans des routines insignifiantes.
3.2. Le système de santé: objectifs
de santé centrés sur le patient
59. S’agissant du domaine des soins palliatifs, il est
essentiel de clarifier en quoi il consiste, de sensibiliser l’opinion
à ce qu’on entend par autonomie et de lui expliquer quelles en sont
les effets pour le patient. Ce n’est qu’en nous gardant de précipitation
dans nos jugements que nous serons en mesure de faire preuve de
la volonté nécessaire pour renoncer à des ressources dont nous entendions
profiter nous-mêmes afin de les accorder à ceux qui en ont besoin.
L’objectif d’un discours conduit de manière sensée est la compréhension. Sans
la compréhension du grand nombre la démocratie ne peut fonctionner.
60. Contrairement à la médecine fondée sur la preuve, qui met
l’accent sur l’évaluation des résultats de la recherche clinique,
la recherche relative aux soins doit de manière concise porter sur
des questions d’adéquation. Elle cherche à établir la preuve absolue
que tel médicament, par exemple, présente bien, dans les conditions
normales d’utilisation, les avantages que lui attribue la recherche
clinique. Il n’est, en effet, pas rare en recherche clinique qu’on
ignore certains facteurs importants du quotidien ou bien qu’on se
rende compte ultérieurement que le nombre de participants au test
était insuffisant pour permettre de constater des effets secondaires
qui apparaissent toutefois lorsque le médicament est testé sur un
plus grand nombre de personnes. Le conseil d’experts lui-même reconnaît
qu’on n’a pas encore été en mesure de «rendre opérationnelle» de
manière appropriée la notion d’adéquation.
61. Autre point essentiel en liaison avec les soins palliatifs:
dans les calculs du rapport «utilité/coût/qualité», dont on sait
d’expérience qu’ils ne s’appuient qu’insuffisamment sur des résultats
de recherche ayant fait l’objet d’une évaluation, il est un facteur
qui fait systématiquement défaut et qui constitue pourtant dans
la pratique un paramètre essentiel de qualité, c’est celui du temps
qui reste à chaque patient. Dans les calculs économiques, le temps
est calculé du point de vue de l’efficacité en conjugaison avec
d’autres options disponibles. Le temps, c’est de l’argent. On mettra
en œuvre le moyen ou la méthode la plus rapide. Dans les modèles
de soins qui donnent au patient le droit de décider lui-même de
son lieu de résidence, le temps constitue un élément non interchangeable.
C’est pourquoi il y a lieu de se poser la question de savoir si
la procédure consistant à conjuguer les différents paramètres est
de nature à refléter les exigences complexes des soins de santé.
62. D’une manière générale, les soins devraient avoir pour objectif
de permettre aux patients, en consommant le moins de ressources
possible, de se prendre eux-mêmes en charge et de vivre le plus normalement
possible. Un tel rationnement raisonnable de la médecine ne découlerait
pas au premier chef de la pression des coûts dans le système, mais
du souhait d’épargner au patient des interventions et des enchaînements
de traitements déterminés médicalement, lesquels auraient, en règle
générale, pour effet de le rendre dépendant d’autres traitements
médicaux et, dans les cas extrêmes, d’en faire une victime du traitement.
Si une bonne médecine générale permettait de garantir que les spécialistes
ne seront consultés qu’en cas d’indication médicale expresse, chacun
aurait les mêmes chances de recourir à leurs services.
63. Le débat sur la réforme pourrait, en s’orientant sur la notion
d’autonomie et compte tenu des objectifs énoncés plus haut, être
aiguillé vers une autre voie. Ce qui serait, à cet égard, essentiel,
précisément parce que tant le médecin que le patient doivent être
davantage sensibilisés à la fois à la qualité et aux coûts, c’est que
le débat relatif à ces derniers soit en quelque sorte réintégré
dans le deuxième élément pour permettre, chez les médecins et les
patients, une prise de conscience de la qualité et des coûts, laquelle
jouera alors un rôle directeur pour leurs actions. Pour ce qui concerne
le mécanisme dirigé par l’autonomie, qui n’est pas un automatisme
puisqu’il exige une certaine activité de part et d’autre, il n’est
pas nécessaire de mettre en place des instruments de contrôle et
de nouvelles incitations financières destinées à garantir la qualité.
Les fausses incitations économiques seraient éliminées d’emblée
et non pas dans un deuxième temps comme c’est le cas aujourd’hui,
ce qui permettrait, sous la pression des coûts, de rendre à nouveau
rationnelle pour le système la logique individuelle auparavant égarée
sur le plan systémique.
64. La communication entre le médecin et le patient doit être
considérée comme un point de départ essentiel de l’acte médical
et être rétribuée en conséquence. Il faut donc veiller à ce qu’elle
ne se résume pas, dans la pratique, à un rituel à accomplir le plus
rapidement possible pour pouvoir passer au véritable objet de la
visite, à savoir le rapport médical, qui devra, dans l’intérêt d’une
efficacité objective, être de préférence étayé scientifiquement.
Les patients ont d’autant plus besoin de conseils indépendants lorsque
leurs maux ne peuvent être clairement définis comme étant d’origine
organique et que, pour cette raison, ils errent peut-être déjà depuis
un certain temps dans le système. Les efforts déployés par les patients
pour se venir eux-mêmes en aide ont, certes, débouché sur la création
de structures novatrices, mais les informations supplémentaires recueillies
par le patient via internet ne sont pas nécessairement profitables
à ses relations avec le médecin.
65. Aucun patient ne peut prétendre à un maximum de soins. Mais
c’est avec raison que tous veulent qu’on leur porte un maximum d’attention.
Et là, le bât blesse tout particulièrement: en effet, si on ne consacre
aux patients qu’un temps limité, c’est également en raison de la
pression économique; on se trouve donc pris dans un cercle vicieux,
qu’il faut chercher à rompre au lieu de vouloir le contrôler en
mettant en place force nouveaux mécanismes. Le médecin traitant/généraliste
pourrait être un nœud de communication décisif à partir duquel il
serait possible d’atténuer bon nombre des problèmes qui engendrent,
au sein du système de santé publique, des conflits d’intérêts ainsi
que d’importants problèmes pour le patient. Le médecin traitant
ne jouerait donc plus le rôle de «gardien de la porte», mais celui
de «gardien de la santé».
66. Les activités du médecin traitant pourraient s’étendre à quatre
domaines:
- les conseils de santé
indépendants portant sur les causes possibles de la maladie ainsi
que sur les différentes options de traitement en se fondant sur
la recherche empirique, y compris la diffusion d’informations par
le biais des spécialistes (soins ambulatoires/stationnaires), les
organismes payeurs, les possibilités d’assistance en cas de non-prise
en charge par les caisses de maladie, le changement de caisse, les
assurances complémentaires, les options de soins;
- la prévention de base, car le médecin traitant est probablement
le premier prestataire de services du système à constater les défaillances,
par exemple les problèmes de drogue;
- la coordination, lorsque le patient a besoin d’un traitement
plus complexe ou de soins permanents (le médecin traitant en tant
que case manager);
- l’activité médicale dans le cadre de son propre cabinet
ou en tant que membre d’une équipe soignante, par exemple pour les
soins palliatifs.
4. Soins palliatifs: une coopération
née du sens des responsabilités
4.1. L’approche des soins palliatifs:
un objectif raisonnablement défini
67. Avant de passer à un examen plus approfondi des aspects
particulièrement importants des soins, il convient de donner les
définitions de base des termes employés en matière de soins palliatifs
ainsi que des formes d’organisation de ces soins
.
68. Les termes «soins à domicile» désignent d’une manière générale
les soins prodigués à un patient à son domicile; l’expression peut
toutefois, comme c’est le cas lorsqu’elle est transposée en allemand,
désigner certains types de soins à domicile dispensés, par exemple,
à des patients souffrant d’une tumeur, ou bien des programmes nutritionnels
et de perfusion à usage domestique proposés par des sociétés.
69. Hospice: Du latin
hospitium –
signifiant «gîte», mais aussi «hospitalité» – le terme d’«hospice»
date du début de l’expansion du christianisme à travers l’Empire
romain où les hospices accueillaient des voyageurs, des nécessiteux,
des malades et des mourants auxquels ils apportaient une aide. Au
IVe siècle, ces maisons se sont répandues
au-delà de la région orientale de la Méditerranée, sous la direction
de communautés de moines, et servaient à l’hébergement des pèlerins.
Le terme a été employé dans le sens exclusif de maison de soins
et d’accompagnement des mourants par Jeanne Garnier qui a fondé,
en 1842 à Lyon, le premier hospice, auquel d’autres sont venus s’ajouter
en France. Dans d’autres pays européens, ce n’est en partie que bien
plus tard que s’ouvriront d’autres maisons: 1879 en Irlande, 1899
aux Etats-Unis, 1905 en Angleterre. Cecily Saunders qui, en 1967,
a ouvert l’hospice St. Christopher à Londres, est considérée comme
la fondatrice du mouvement moderne des hospices. En Allemagne, ce
n’est qu’en 1986 qu’a été ouverte à Aix-la-Chapelle la première
maison de soins stationnaires, mais le mouvement des hospices existe
dans le pays depuis les années 1960
. Parallèlement à l’aide
aux malades incurables et aux mourants, il a également pour objectif
de transmettre l’idée de la participation des citoyens aux soins
de santé et de développer une culture de la mort au sein de la société.
70. Travail d’hospice, soins en hospice – l’hébergement et les
soins en hospice doivent satisfaire aux quatre critères suivants,
reconnus à l’échelon international: les services de l’hospice doivent
s’adresser au mourant et à sa famille; une assistance holistique
doit être apportée par une équipe pluridisciplinaire; les membres
de l’équipe doivent posséder des connaissances particulières en
matière de contrôle des symptômes; et la continuité des soins doit
être garantie vingt-quatre heures sur vingt-quatre, y compris la
nuit et pendant le week-end.
71. Unités de soins mobiles, diverses formes de services et de
soins palliatifs: ils prodiguent les soins aux mourants à domicile
et peuvent avoir des compétences fort diverses. Leur tâche première
comporte un travail de formation et de relations publiques, ainsi
qu’un travail d’accompagnement psychosocial des personnes en fin
de vie et de leurs familles; ce travail est accompli par des aides
bénévoles ayant reçu une formation. Les unités de soins mobiles,
qui comptent également des professionnels, peuvent aussi se charger
de tâches supplémentaires ou spécialisées en matière de soins, de
conseils et de prestations médicales; elles peuvent, en outre, se
charger, en fonction de leurs compétences professionnelles, de dispenser,
dans des cas complexes, des soins à domicile durables, contribuant
ainsi à éviter les hospitalisations.
72. Etablissements de soins: institutions se situant en dehors
du circuit des soins stationnaires intensifs qui, en tant qu’unités
indépendantes sur le plan économique, des bâtiments et de l’organisation,
disposent de leurs propres ressources et de leur propre concept.
Dans les petits établissements à caractère familial, on s’occupe en
moyenne de 16 malades incurables en fin de vie, qui ne peuvent être
soignés à domicile, mais qui ne nécessitent pas non plus un traitement
en hôpital ou dans un service de soins palliatifs. Ces établissements, qui
sont plutôt considérés comme venant en complément des services ambulatoires,
peuvent en principe assurer des soins à long terme. On évite d’y
créer un climat d’hôpital; on veille à ce que les locaux soient
clairs ainsi qu’à offrir aux familles la possibilité d’y passer
la nuit et de se préparer un en-cas. L’accent est mis sur le contrôle
des traitements antidouleur et le contrôle des symptômes ainsi que
sur les soins palliatifs, l’assistance psychosociale et spirituelle.
C’est pourquoi il est souhaitable que l’équipe directrice ait reçu
une formation appropriée; dans de nombreux pays, on peut demander
la prise en charge par les caisses d’assurance-maladie des dépenses
engagées. L’assistance médicale peut être fournie par des médecins
établis ou en coopération avec des centres de traitement de la douleur
et des spécialistes en médecine palliative.
73. Centres de soins de jour/centres d’accueil pour enfants: alors
que les établissements de soins stationnaires existants peuvent
dispenser des soins de jour en vue de soulager les soignants familiaux
ou de permettre à des personnes qui veulent en principe être soignées
à domicile d’accéder à certains services médicaux, les centres d’accueil
pour enfants sont des institutions spécialisées équipées pour satisfaire
les besoins particuliers des enfants gravement malades et qui mettent
l’accent sur l’assistance à leurs frères et sœurs. Ils se différencient
des établissements pour adultes, entre autres, par la durée des
soins, lesquels débutent immédiatement après que le diagnostic a
été établi. Chez un enfant atteint d’une maladie grave, l’évolution
de cette dernière peut s’étendre sur plusieurs années. La longue
durée du séjour peut engendrer de graves problèmes de financement
lorsque la caisse de maladie ne prend en charge qu’une infime partie des
dépenses. Les données analysées jusqu’à présent font apparaître
que, dans la plupart des pays, il existe d’importants déficits dans
le domaine des soins aux enfants gravement malades.
74. Equipe pluridisciplinaire: les malades incurables peuvent
être en proie à des problèmes physiques, psychiques, sociaux et
spirituels dont il n’est pas rare qu’ils se renforcent mutuellement.
C’est la raison pour laquelle la prise en charge holistique des
patients devrait pouvoir s’appuyer sur les compétences de divers groupes
professionnels. En médecine palliative, ceux-ci comprennent des
médecins et des personnels soignants spécialisés, des bénévoles
et d’autres professionnels de la santé ou encore des travailleurs
sociaux, des psychothérapeutes, des psychologues, des directeurs
de conscience, etc.
75. Soins palliatifs: terme technique couramment employé à l’échelon
international conformément à la définition, adoptée en 2002 par
l’OMS, d’un concept global et multidisciplinaire en vue d’«améliorer
la qualité de vie des patients et de leur famille, face aux conséquences
d’une maladie potentiellement mortelle, par la prévention et le
soulagement de la souffrance, identifiée précocement et évaluée
avec précision, ainsi que par le traitement de la douleur et des
autres problèmes physiques, psychologiques et spirituels qui y sont
liés».
76. Médecine palliative: du latin pallium,
«manteau» ou «protection». La première «équipe de soutien hospitalier»
a été créée en 1974 au St. Louis Hospital de New York; en 1975 a
été ouverte, au Royal Victoria Hospital de Montréal (Canada), la
première unité de soins palliatifs au monde dont le fondateur, Belfour
Mount, fut le premier à employer le qualificatif de «palliatif».
La médecine palliative offre aux patients atteints de maladies graves,
évolutives ou terminales, un traitement actif et global. Elle vise
à atténuer les souffrances physiques dues à la maladie ainsi que
les problèmes psychiques, sociaux et spirituels. Elle a pour principal objectif
d’améliorer la qualité de vie des patients et de leur famille, laquelle
bénéficie également d’un accompagnement après le décès. La notion
anglaise de palliative care englobe
les compétences médicales, psychosociales et infirmières. Au sens
plus strict, la médecine palliative (palliative
medicine) est la contribution indispensable du médecin
spécialiste aux soins palliatifs.
77. Traitement palliatif: cette expression désigne uniquement
les traitements qui ont pour but de prolonger la vie ou d’améliorer
la qualité de vie même lorsqu’il n’y a plus lieu d’en attendre un
effet curatif. En oncologie, ce sont par exemple des traitements
spécifiques aux tumeurs, tels que la chimiothérapie, la radiothérapie, l’hormonothérapie
et la chirurgie. Dans la pratique médicale, traitement palliatif
et médecine palliative ne s’excluent pas mutuellement; cela vaut
également pour le traitement de soutien qui vise à atténuer autant
que possible les effets secondaires d’un traitement indispensable,
par exemple de la chimiothérapie.
78. Soins palliatifs non médicaux: désignent les connaissances
techniques en matière de soins et de procédures dans le cadre des
soins palliatifs. Les aides bénévoles qualifiés constituent un élément
essentiel de l’équipe soignante; ils travaillent toutefois beaucoup
sous la direction d’un personnel soignant spécialement formé. Ce
dernier est plus particulièrement chargé d’assurer le suivi du traitement
antidouleur et du contrôle des symptômes; d’effectuer des manipulations
délicates (changer les pansements, mettre en place des systèmes
de pompe, etc.); de donner aux familles des instructions et des
conseils sur la manière de dispenser les soins; d’accompagner, sur
le plan psychologique et social, les patients et leurs familles;
d’apporter une assistance en vue de surmonter les processus de la
maladie et de la mort; d’assister les familles lors du travail de
deuil; de prodiguer conseils et soutien sur le plan social et juridique.
79. Service spécialisé dans les soins palliatifs: dans un hôpital
ou un établissement de soins, service spécialisé dans le traitement,
la prise en charge et l’accompagnement des patients présentant des
symptômes et des souffrances particulièrement complexes. Il se caractérise,
lui aussi, par la présence d’une équipe pluridisciplinaire hautement
spécialisée sur le plan médical, infirmier et psychosocial qui peut
également comprendre des aides bénévoles. En fonction des souffrances
des patients, priorité peut être donnée aux problèmes médicaux,
infirmiers, psychosociaux ou spirituels. On y accorde une grande
importance à l’organisation de la coopération et de la communication.
En règle générale, les services palliatifs sont des unités indépendantes
bénéficiant de la plus grande autonomie possible: les médecins et
le personnel soignant s’occupent exclusivement de leurs patients.
Le service palliatif devrait être organisé et dirigé par un médecin spécialisé
qui doit être tenu de veiller à la coopération interdisciplinaire.
Les soins particulièrement intensifs et individuels dispensés aux
patients n’ont pas uniquement pour effet de permettre, un traitement
contre la douleur et un contrôle des symptômes – efficaces dans
la grande majorité des cas –, mais également d’apporter un soutien
global aux patients et à leurs familles. Ils ont pour objectif d’atténuer
les souffrances liées à la maladie et au traitement et, si possible,
de stabiliser l’état des intéressés de sorte qu’ils puissent retourner chez
eux. Dans l’idéal, le service palliatif travaille en réseau avec
d’autres institutions, avec d’autres services ou avec des médecins
donnant des soins ambulatoires et peut jouer un rôle de coordinateur
dans la formation des réseaux. Il est en outre indispensable à la
recherche clinique et à la formation spécialisée initiale et permanente.
80. Il n’a été possible d’adopter, pour les soins palliatifs,
une approche méthodique et spécifique – qui, comme on le verra plus
bas avec les exemples du traitement de la douleur et de la recherche
en thanatologie moderne, place le sujet au centre de l’attention
– que parce qu’on a défini clairement l’objectif du concept en se
fondant sur l’orientation vers le patient et son entourage. Pour
ce qui concerne l’ensemble du domaine de la médecine, il reste encore
à évaluer des méthodes qui portent avant tout sur les aspects qualitatifs.
Ces dernières bénéficient d’une reconnaissance croissante de la
part de la recherche médicale
.
La référence aux connaissances théoriques de la recherche qualitative,
que rendent possible les modèles échelonnés de la conscience que
l’être humain a de lui-même, doit donc être ici systématiquement
stimulée puisque ce sont précisément des maladies comme la démence
ou bien des accidents qui provoquent une régression vers des formes
plus rudimentaires de conscience et qu’il peut donc être extrêmement
important pour les personnels soignants qu’ils soient en mesure
d’évaluer correctement la capacité d’autodétermination de leurs
patients.
81. La douleur est un phénomène subjectif. Les analyses relatives
au traitement de la douleur postopératoire ont montré que les patients
dont les douleurs avaient la même origine physique (intervention
à l’abdomen, par exemple) avaient besoin de quantités très différentes
d’analgésiques pour parvenir à une régression satisfaisante de la
douleur
. En l’absence de critères objectifs pour
mesurer l’intensité de la douleur, on procède à une estimation en
se fondant sur la description qu’en donne le patient ainsi que sur l’enregistrement
des effets du traitement antidouleur ordonné par le médecin. Les
échelles analogiques numériques et visuelles sont utiles pour saisir
et documenter l’intensité subjective de la douleur. Sur une échelle
allant de 0 (absence de douleur) à 10 (douleur intolérable), le
patient peut indiquer celle qu’il ressent.
82. On ne dispose encore que de points de repère et d’estimations
pour ce qui concerne la fréquence, par exemple, des douleurs d’origine
tumorale, mais ces éléments tendent à indiquer des variations extrêmes.
Au stade précoce de la maladie, 20 à 50 % des patients ressentent
des douleurs; au stade avancé, ils sont entre 60 et 95 %
.
En l’état actuel des connaissances, 90 % des patients pourraient
être traités avec succès, mais dans la pratique cela n’est souvent
pas le cas parce que l’expertise fait défaut ou que l’intensité
de la douleur est sous-évaluée, ce qui fait qu’on administre souvent
des «opioïdes faibles»
.
Les préjugés à l’égard des analgésiques continuent de jouer un rôle
déterminant et le traitement des patients souffrant de douleurs demande
beaucoup de temps parce que le bon dosage exige une attention et
une communication continues. Les opioïdes ont, en outre, un coût
relativement élevé.
83. Le traitement pharmacologique de la douleur peut prendre différentes
formes, selon le siège de la douleur. Les douleurs d’origine viscérale
doivent être traitées différemment de celles qui sont causées directement
ou indirectement par irritation ou stimulation des voies nerveuses
ou du système nerveux central. Le diagnostic de la maladie ne suffit
pas pour définir le type de douleur à laquelle on a affaire. C’est
une des raisons pour lesquelles une spécialisation est à la fois
importante et indispensable.
84. L’établissement d’un diagnostic approprié de la douleur se
heurte également à d’autres difficultés, liées aux préjugés largement
répandus au sein du corps médical à propos de l’effet des analgésiques
très puissants. Les données tirées de l’expérience en matière de
traitement des douleurs tumorales montrent que, lorsqu’ils sont
correctement administrés, les opioïdes n’entraînent ni une dépendance
psychique ni une accoutumance qui nécessiteraient une augmentation
constante de la dose. Ils n’ont pas non plus pour effet de précipiter
le décès. Le fait que les substances doivent être correctement dosées
pour éviter les effets néfastes ne vaut pas, on le sait, uniquement
pour les analgésiques. Mais l’administration de ces derniers requiert
une surveillance permanente de la part du médecin, qui doit également
veiller à en adapter la dose jusqu’au décès. La publication récente,
par un groupe d’intervention de l’IAHPC (International Association
for Hospice and Palliative Care), d’une liste de 33 médicaments
destinés au traitement de 23 symptômes différents a jeté une importante
base pour le débat futur
.
85. L’Allemagne fait, certes, partie des pays où l’on observe
une augmentation des prescriptions de morphine, mais il n’y en a
pas moins lieu de penser que la fourniture d’analgésiques aux patients
suivant un traitement contre la douleur laisse grandement à désirer.
La consommation de ces médicaments a augmenté de 0,8 kg pour un
million d’habitants en 1985 à 17,7 kg pour un million d’habitants
en 2002. Les besoins sont estimés à 80 kg pour un million d’habitants
. En
raison des forts préjugés, on ne pourra s’attendre à un réel progrès
que lorsque la société aura émis un signal clair et que, pour les
douleurs chroniques, les analgésiques ne seront plus financés comme
les autres médicaments, en Allemagne par exemple dans le cadre de
budgets. Il convient d’évoquer également la possible ignorance et
l’indifférence des médecins traitants pour ce qui a trait à d’éventuelles
actions récursoires.
86. Supprimer la douleur par la prise de médicaments n’est pas
non plus un objectif généralisable. Apprendre à gérer la douleur
dès le plus jeune âge peut faire partie de l’autodétermination ou
d’une éducation qui repose sur une stratégie pariant sur l’endurcissement
et non sur l’évitement. Cette sociologie de la douleur nécessaire
à la compréhension de perceptions subjectives fait apparaître différents
degrés de tolérance.
87. Figure marquante de la théorie qui sous-tend, entre autres,
le mouvement allemand des hospices, Elisabeth Kübler-Ross, médecin
helvéto-américain, a effectué un travail de pionnier dans le domaine
de la recherche en thanatologie. En tant que médecin, elle a mené,
en collaboration avec des étudiants en théologie, des interviews
avec des mourants et a développé un modèle idéalisé de phases pour
l’application duquel une interprétation individuelle différenciée
reste essentielle. Il distingue les cinq phases suivantes: 1. le
choc, l’incrédulité; 2. la colère, la révolte; 3. la négociation,
le marchandage; 4. la dépression, la détresse; 5. l’acceptation,
l’approbation.
88. L’«espoir» est présent dans chacune de ces phases, mais il
change de nature au fil des différentes étapes: il passe de l’espoir
d’une guérison miracle ou de la découverte d’un nouveau traitement
à celui d’un décès sans douleur. Le processus du décès, qui se déroule
de manière différente pour chaque individu, est déterminant. Le
modèle a une grande valeur pour ceux qui accompagnent le mourant
parce qu’il leur permet de comprendre la sensibilité humaine. Mais
l’accompagnateur ne devrait pas se donner pour mission de provoquer,
par ses actes, l’arrivée de la dernière phase le plus rapidement
possible. Il devra toujours se limiter à offrir son assistance.
Le vrai travail, c’est au patient lui-même de l’accomplir
.
89. La critique selon laquelle ce modèle ne tient pas suffisamment
compte des particularités individuelles méconnaît l’importance de
la méthode qui sous-tend cette approche. La méthode de l’idéalisation
permet, en se fondant sur des destins individuels, d’opérer une
généralisation abstraite, laquelle doit ensuite être à nouveau individualisée
lors de l’application concrète
. Il n’est pas besoin, pour l’élaboration
et l’application de tels modèles, de disposer de données empiriques
complètes pour qu’ils satisfassent au critère de l’applicabilité générale.
L’approche orientée vers le sujet ne permet toutefois pas à des
tiers, par exemple des prestataires professionnels de services,
d’agir à la place de l’intéressé.
90. La recherche orientée vers le sujet n’a pas pour objectif
la médecine dite «de confort». Elle requiert une grande capacité
de communication qu’on ne pourra acquérir qu’en s’exerçant à l’art
de l’autoréflexion, par exemple pour ce qui concerne l’orientation
de ses propres valeurs. On ne sera pas en mesure d’accompagner efficacement
les processus subjectifs complexes intervenant chez les autres si
on part soi-même d’une conception réductrice du monde.
91. A l’origine, on ne tenait pas compte, au cours de la formation
initiale aux soins palliatifs, de l’importance de la communication
et des compétences qu’elle requiert sur le plan théorique. Entre-temps,
ces thèmes ont été inclus au programme d’études. La pratique ne
permet en rien d’acquérir automatiquement un bon niveau de compétences
dans ce domaine; ce dernier ne constitue pas un «plus facultatif».
En matière de soins palliatifs également, la plupart des problèmes
ne procèdent pas de mesures médicales ou infirmières erronées mais
d’une mauvaise communication. Les facultés de communication constituent
un élément nécessaire et essentiel de toute prestation de santé;
s’agissant des soins palliatifs, on tient, de manière idéale, compte
de ce fait dès le début de la formation. C’est ce qui explique que
l’approche en équipe est plus efficace; cela explique aussi pourquoi
elle a été très rapidement adoptée dans les services cliniques dont
le quotidien est particulièrement mouvementé, comme les services
de réanimation.
92. En médecine palliative, tout commence par une définition raisonnable
des objectifs: la qualité de vie ne saurait se mesurer uniquement
à l’aune de la durée de la vie parce que le temps que fait gagner
le traitement peut constituer, selon les conditions dans lesquelles
il est appliqué, une période de souffrances inutiles. Sur le plan
psychologique, la situation du patient est comparable à celle d’un
condamné à mort qui vit dans une incertitude permanente, se demandant
si et quand l’exécution aura lieu. Un critère «durée de vie» purement quantitatif
peut donc conduire à une perte totale de qualité et engendrer en
réalité la pire torture: le maintien du patient dans un état oscillant
entre l’espoir et la peur. Le traitement d’une maladie incurable
est un purgatoire sur Terre. La délivrance est improbable; la souffrance
est certaine mais probablement inutile et ne permet pas à la paix
intérieure au sens large, donc la paix de l’âme, de s’installer.
93. Renoncer délibérément à poursuivre le traitement permettra
au patient de gagner un temps de vie qu’il pourra employer utilement.
L’autonomie fournit une nouvelle marge de manœuvre. Lorsque les
symptômes de la maladie sont contrôlés efficacement, la personne
gravement malade peut se consacrer à d’autres relations qui revêtent
de l’importance pour elle. Ce n’est qu’en exploitant de manière
constructive cette nouvelle marge de manœuvre qu’elle-même et sa
famille bénéficieront d’une qualité de vie. La notion de qualité
de vie pose problème également dans le domaine des soins palliatifs.
Ce ne sont pas les prestataires de services, professionnels ou non,
qui sont les garants du succès, mais le patient lui-même. Le gain
initial d’une nouvelle dimension de la notion d’utile en et par
la médecine est menacé lorsque, au-delà des exigences professionnelles,
le critère de qualité est, une nouvelle fois, satisfait uniquement
par des calculs quantitatifs.
94. Mais, bien entendu, la proposition d’une offre globale est
quantifiable et les normes de la pratique médicale constituent un
critère de qualité pour les soins. Si l’on échoue à contrôler les
symptômes de manière efficace, on ne pourra créer la marge de manœuvre
requise. Recevoir des soins n’est toutefois, comme on vient de le
montrer, pas une fin en soi; c’est le sujet autonome qui est la
fin en soi; et le recours à une assistance préside à la réalisation
du véritable objectif, à savoir l’intégration réussie de la mort
dans sa propre conception de la vie. L’accompagnement des mourants
est une aide à la vie.
95. La médecine palliative se démarque donc du traitement palliatif
ou du traitement curatif, mais elle ne doit pas être entendue comme
excluant les autres formes de soins. Au contraire, l’approche palliative
adoptée dès l’établissement du diagnostic, comme c’est habituellement
le cas dans les établissements de soins pour enfants, se révèle
très positive pour le patient. C’est dans les limites que la médecine
elle-même s’impose que réside le potentiel de cette discipline,
qui dépasse de beaucoup le cadre d’un domaine spécialisé. Dans la pratique,
c’est le patient lui-même qui décide de la direction à prendre;
ce n’est que s’il se détourne d’un traitement porteur d’espoir que
d’autres processus stimulant les sens pourront devenir importants
pour lui.
96. Les soins devraient s’orienter sur la définition initiale
d’objectifs raisonnables; à défaut, l’inversion de la relation entre
la fin et le moyen se faufilera de nouveau par le biais de la professionnalisation/spécialisation. Des
soins qui trouvent une justification objective sur le seul plan
professionnel ne sauraient constituer un critère approprié pour
l’évaluation de l’adéquation des moyens.
4.2. La rigueur en matière d’indicateurs:
comparaison entre les pays
97. Les disparités qu’on observe dans les différents
pays pour ce qui concerne le développement des soins palliatifs
sont dues à diverses circonstances qu’il convient de bien différencier
pour éviter les erreurs d’évaluation. La grande majorité des indicateurs
doivent se fonder sur la différenciation entre le débat qui se tient
au sein de l’opinion et les mesures concrètes prises par le gouvernement,
par exemple en matière de politique de santé publique. La naissance
au sein de la société d’un mouvement des hospices fort constitue certainement
une donnée importante pour ce qui concerne l’engagement et la prise
de conscience des citoyens, mais elle ne constitue pas un indicateur
quant à la qualité des soins effectivement donnés.
98. En Suède, par exemple, l’Etat a mis en œuvre très tôt et de
manière cohérente une politique faisant prévaloir les soins ambulatoires
sur les soins stationnaires; c’est la raison pour laquelle les soins
gratuits à domicile sont devenus une évidence pour le patient et
pour sa famille
. De plus, les
membres de la famille reçoivent un soutien financier au titre des
congés qu’ils prennent pour soigner leurs proches. En Suède et, d’une
manière générale, dans les pays scandinaves, le bénévolat est insignifiant;
mais on ne saurait en déduire que les soins sont généralement considérés
comme relevant des experts. De même en Espagne, on attache une grande
importance à la tradition qui veut que la famille se charge de dispenser
les soins, alors que, dans un même temps, les établissements de
soins sont assortis de la connotation très négative de «mouroirs».
99. Pour ce qui concerne les gouvernements, on peut dégager différentes
stratégies: ainsi, en Suède, aux Pays-Bas ou en Belgique, l’objectif
est une mise en œuvre rapide au sein du système existant. Mais une
telle politique ne peut être cohérente que si elle intègre le plus
largement possible le secteur des soins et que les instruments pertinents
ne portent pas uniquement sur la spécialisation des médecins ou
des hôpitaux – tendance qu’on observe, par exemple, en France.
100. Dans le cadre de la stratégie de mise en œuvre rapide, il
existe la possibilité d’un financement par le biais des structures
existantes ainsi qu’un soutien des soins palliatifs par le biais
de budgets propres, comme en Belgique. Il convient d’établir une
distinction entre cette stratégie et celle qui consiste à adopter
une législation sans base financière appropriée et durable, qui
risque fort de ne pas dépasser le stade des nobles déclarations
d’intention. C’est ce phénomène qu’on observe actuellement en Espagne
après le départ en flèche effectué par le gouvernement au cours
de la décentralisation de la politique de santé. Ce qui fait que l’assistance
n’est satisfaisante qu’à l’échelon régional, l’Etat dans son ensemble
ne s’estimant plus compétent.
101. En Suisse également la forte décentralisation est rendue responsable
de la mauvaise situation dans le domaine de l’assistance. La position
qui prévaut chez un grand nombre de professionnels est décrite dans
un rapport de la Société de médecine et des soins palliatifs publié
en l’an 2000 comme un refus de prendre au sérieux la nouvelle spécialité:
«
We all know what palliative care is»
(«Chacun sait ce que sont les soins palliatifs»)
.
102. La question de savoir si une modification en profondeur des
structures est opérée lorsqu’elle s’avère nécessaire pour parvenir
à financer durablement les soins palliatifs ou si elle reste superficielle
constitue un important indicateur. C’est la situation qui règne
en Allemagne où le législateur a inscrit le droit aux soins palliatifs
dans le Code social, sans toutefois prévoir une rétribution appropriée
pour les soins complexes. Autre important problème en Allemagne:
les incitations pour des soins intégrés n’impliquent pas les organismes payeurs
mais sont fixées à l’échelon des prestataires, alors que les organismes
payeurs, par exemple les caisses de maladie, doivent se faire concurrence.
103. Ces incitations contradictoires ont des retombées néfastes
avant tout sur les soins palliatifs, même si entre-temps l’Etat
accorde des subventions, par exemple pour la coordination d’équipes
professionnelles. Le système de financement mixte, en partie par
les caisses de maladie, en partie par la caisse de soins, en partie par
des subventions étatiques, des dons ou par les patients, est si
complexe qu’il ne permet pas une amélioration durable de l’offre
de soins.
104. Pourtant, le concept de soins palliatifs correspond, dans
une large mesure, à la nécessité du renforcement, dans le système
de santé allemand, de la coordination et de la responsabilité que
le conseil d’experts a recommandé dans sa dernière expertise: nouvelle
perception de soi de la part des groupes de professionnels, soulagement
du corps médical et refoulement simultané du mode de pensée axé
sur la profession, implication équitable des soins. Mais étant donné
qu’en Allemagne tant la consolidation des structures de financement
que la réforme fondamentale des soins ont été ajournées, ce n’est
probablement qu’après les élections de 2009 qu’on aura de nouveau
la possibilité d’engager une réforme globale du système de santé.
105. Même si en Europe orientale les pays sont, dans l’ensemble,
moins nombreux à avoir engagé un développement des soins palliatifs,
on ne constate, d’une manière générale, pas de différence qui soit
due à la pénurie de ressources
. Il est au contraire
impressionnant de voir l’efficacité avec laquelle la mise en réseau de
cinq centres de référence (les «phares») situés en Roumanie (1),
en Hongrie (1), en Fédération de Russie (1) et en Pologne (2) a
permis de créer un niveau élevé de compétences. Ces centres dispensent
d’excellents services de soins; parallèlement, ils se chargent de
la formation initiale et continue, de la recherche, des relations
internationales, et effectuent un travail de lobby politique. La
médecine palliative et le travail des hospices en Pologne sont considérés
comme exemplaires pour l’Europe orientale
.
106. Et cela notamment en raison de la bonne intégration de l’enseignement
de la médecine palliative dans les universités. Des douze facultés
de médecine que compte la Pologne, onze proposent des cours de médecine
palliative aux étudiants: trois dans le cadre d’un enseignement
facultatif et les autres dans le cadre de l’enseignement obligatoire,
même si la médecine palliative ne constitue pas une discipline distincte.
Il existe six chaires de médecine palliative; mais il n’existe pas
de spécialisation en la matière. La vaste formation complémentaire
à laquelle ne peuvent participer que des médecins ayant déjà une
formation spécialisée a été suivie jusqu’en 2004 par 55 médecins.
107. De son côté, l’Allemagne s’est engagée dans la voie inverse.
Il n’y existe que deux chaires; une formation spécialisée est possible;
en raison de la faiblesse des honoraires, il y a peu de demandes
de formation complémentaire, malgré le grand intérêt que manifestent,
d’une manière générale, les médecins de famille. Il apparaît également
ici qu’un potentiel important peut déboucher sur de maigres résultats,
malgré ou bien en raison des efforts déployés par les politiques
en vue de maîtriser les coûts.
108. Dans le domaine de la formation continue également, il existe
en Pologne un grand nombre d’offres. Depuis 1991, l’initiative de
coopération «British Charity – Polish Hospices Fund» joue un rôle
important dans la formation continue des médecins et du personnel
soignant polonais. Ces derniers peuvent être hébergés dans de nombreux
hospices britanniques et y recevoir une formation continue. Les
séjours sont financés par des fonds provenant de l’organisation
d’utilité publique. Le fonds accomplit, au bénéfice des soins palliatifs
en Europe orientale, un travail dont il ne faut pas sous-estimer
la valeur. Des séminaires de grande qualité, organisés par le Département
de soins palliatifs de Posen et le Centre de soins palliatifs de
l’OMS d’Oxford, sont également tenus à Puszczykowo. Le Centre de
documentation et de formation en matière de soins palliatifs de
Posen propose des cours théoriques et pratiques à l’intention du
personnel médical – y compris d’autres pays européens. Voilà, même
si le financement n’est pas encore pleinement garanti, un autre
exemple de bonne coopération internationale
.
109. Il ressort de la liste des principaux problèmes existant en
Europe orientale que la situation ne diffère guère de celle qui
règne dans les pays occidentaux: «absence de reconnaissance au niveau
des politiques, remboursement insuffisant et caractère peu durable;
accès insuffisant aux opiacés; difficultés de recrutement du personnel
spécialisé; manque d’équipements médicaux et de soins; manque d’opportunités
de recherche; existence de stéréotypes culturels négatifs»
.
110. En Hongrie, le gouvernement a engagé, en 1997, une stratégie
ciblée. Une référence explicite aux soins palliatifs a été incluse
dans la loi, qui reconnaît formellement aux patients le droit à
un traitement de contrôle des symptômes et le droit de vivre avec
leur famille; cette loi stipule que les soins doivent être, dans
toute la mesure du possible, assurés à domicile et prévoit également
un soutien moral pour la famille et les proches. Le ministère hongrois
de la Santé a, en coopération avec l’Association des soins palliatifs,
publié des lignes directrices à l’intention des professionnels.
Les principes éthiques, qui abordent également explicitement la question
de l’allocation, sont particulièrement contraignants
.
111. S’agissant des soins palliatifs, la coopération dans l’intérêt
du patient et de sa famille se fonde sur les preneurs de décision
potentiels (patient, membres de la famille, bénévoles, professionnels,
spécialistes) dans les structures (ambulatoire, stationnaire, transversale,
réseau). Les unités isolées sont confrontées à de grandes difficultés
organisationnelles, financières et fonctionnelles, et la coordination
elle-même constitue une tâche indépendante. Ainsi est-il, par exemple,
apparu que les prestataires de services peu spécialisés ne sont souvent
pas en mesure d’évaluer correctement le moment où ils doivent demander
une expertise supplémentaire. Plus le nombre d’acteurs est important
et plus les impératifs de communication sont élevés pour toutes
les parties. Des structures aussi complexes requièrent beaucoup
de temps jusqu’à ce qu’elles puissent fonctionner efficacement.
112. Une bonne couverture territoriale peut, en principe, être
considérée comme une donnée positive, mais elle n’est pas, en elle-même,
garante d’un professionnalisme ou d’une spécialisation suffisants.
Lorsque la qualité des soins n’est assurée que dans une certaine
région ou dans un certain domaine, comme la cancérologie, on ne
peut en déduire que le développement dans son ensemble se trouve
sur la bonne voie. On ne manquera pas ici de considérer comme souhaitables
la permanence du financement ainsi qu’une construction et un aménagement
permanents et coordonnés.
113. C’est la raison pour laquelle, à bien des égards, c’est bien
entendu le Royaume-Uni qui est le pays doté des structures les plus
solides et, dans de nombreux domaines, d’une coopération coordonnée
de manière exemplaire
. Mais le financement repose en grande
partie sur des dons privés et sur le bénévolat. L’évolution ultérieure
montrera s’il s’agit là d’une base de financement durable.
114. S’agissant de l’autonomie des patients, l’indicateur le plus
important reste le lieu du décès. Toutefois, comme on l’a déjà dit,
cet indicateur ne sera probant que si on connaît l’endroit où le
patient souhaitait mourir et celui où il est effectivement décédé,
ainsi que la raison pour laquelle il s’y trouvait. On ne parviendra
pas de sitôt à recueillir des données aussi utiles. De même, si
on emprunte la voie de la recherche empirique quantitative, seuls
les sondages d’opinion permettront de faire apparaître si la demande
d’euthanasie accuse un recul. S’agissant de l’importance de la communication
entre le médecin et le patient, des études font apparaître des premiers
résultats encourageants
.
115. Il serait souhaitable que les efforts déployés en matière
de politique sanitaire débouchent, dans l’intérêt de l’autonomie
du patient, sur l’instauration d’une coopération générale, bénéficiant
d’un financement durable, entre des prestataires de services aux
niveaux de spécialisation différents en fonction des besoins; à
cet égard, un indicateur fait encore défaut. Les efforts politiques
en vue d’une construction et d’un aménagement continus peuvent être
mesurés grâce à trois indicateurs: existe-t-il un droit aux soins
palliatifs? Existe-t-il une analyse des besoins reposant sur des
données? Existe-t-il une stratégie politique incontestable et des
normes officielles
?
116. A cet égard, il existe une question plus fondamentale encore:
celle de savoir si, lors de l’élaboration de la politique sanitaire,
on établit un ordre de priorité pour les objectifs de santé, comment
il se présente et s’il repose sur une large acceptation de la part
de l’opinion. Sans une définition claire de l’objectif premier,
tous les objectifs subordonnés à contenu concret ne seront pas durables.
Un concept établi conformément à des objectifs raisonnables aurait,
en revanche, de bonnes chances de susciter la compréhension chez
la plupart des citoyens, car ce qui est étendu est applicable à
tous et pas seulement à la majorité. En Allemagne, il serait souhaitable
qu’un débat orienté sur l’éthique vienne rapidement prendre le relais
de la querelle usante et politisée que se livrent les groupes d’intérêts.
117. Les indicateurs potentiels de la vitalité du mouvement de
soins palliatifs en Europe sont: l’existence d’associations de soins
palliatifs; les annuaires ou monographies dans lesquels figurent
les services de soins palliatifs mentionnés dans des publications
ou sur l’internet; la publication d’articles sur le développement
des soins palliatifs dans les revues spécialisées; la participation
de professionnels à des programmes de soins palliatifs. D’autres
indicateurs comprennent les éléments suivants:
- débat controversé car il est
difficile de dire si la mise en œuvre dans le secteur de la santé
actuel serait bénéfique (conditions préalables d’une intégration
réussie);
- base financière (concepts viables);
- soins de santé – saturation, accès large, structures flexibles
(par exemple coopération intersectorielle; concept progressif: soins
palliatifs généraux et spécialisés);
- intérêt des patients, qualité de vie, autonomie (choix
du lieu de soins et de décès);
- qualité des soins (accès aux stupéfiants, normes de qualité,
évaluation ou optimisation du processus, coopération et communication);
- inscription dans les directives en matière de formation
(approche en plusieurs étapes; intégration du secteur infirmier);
- efforts de recherche.
4.3. Qualité des soins: adéquation
des fins et des moyens
118. Les systèmes de santé très différenciés présentent
les déficits concrets suivants, qui peuvent avoir des effets négatifs
sur le développement de formes de soins complexes comme les soins
palliatifs:
- refoulement du
thème de la mort et de la fin de vie dans la formation et la pratique
médicale. La médecine palliative ou la communication ne sont pas
enseignées dans le cadre des programmes d’études des médecins et
des personnels de santé. L’approche orientée vers le sujet, qui
est, en fait, essentielle, n’est pas encore systématiquement établie
sur le plan scientifique. La communication est considérée comme
une compétence sociale qu’on acquiert par la pratique, et non comme
une manière d’aborder le traitement et la recherche qu’il faut adapter
systématiquement et dont l’importance dépasse largement le cadre
de la relation individuelle entre le médecin et le patient;
- la répartition sectorielle des soins médicaux et du financement
ainsi que la spécialisation très poussée telle qu’elle avait cours
par le passé conduisent, dans le contexte d’une concurrence croissante,
à l’absence de mise en réseau et de coopération pluri- et interdisciplinaire
qui serait dans l’intérêt du patient. Le besoin urgent de formes
de soins transsectorielles se fait sentir, mais ces dernières ne
sont pas convenablement rétribuées dans bon nombre des systèmes
existants. C’est pourquoi la politique de santé doit avoir pour
objectif de réaliser une intégration générale incluant les organismes
payeurs au lieu de se fixer uniquement sur l’échelon du prestataire
de service;
- les structures de financement des soins de santé sont
fortement axées sur la médecine curative et les actes médicaux techniques,
de sorte que le principe «high person
– low technology» («beaucoup d’être humain – peu de technologie»)
de la médecine palliative ainsi qu’un soutien psychologique, spirituel
et émotionnel approprié ne sont pas financés de manière suffisante
(la chimiothérapie est mieux payée que les soins palliatifs). La
budgétisation des dépenses en matière de médicaments constitue une
autre contrainte économique qui a des retombées négatives sur l’approche
palliative, car elle a pour conséquence la non-prescription des
coûteux médicaments destinés au contrôle des symptômes;
- le facteur temps, dont la pression s’accroît en raison
des dépenses administratives supplémentaires (gestion de la qualité)
et de la pénurie en personnel due aux contraintes économiques, n’est
pas considéré comme un problème structurel. Il a pourtant des effets
immédiats sur la qualité des soins: il ne reste pas suffisamment
de temps pour une communication appropriée et un accompagnement personnel;
de graves erreurs surviennent – par exemple, lors de l’établissement
du traitement – qui, en raison de l’absence de données complètes,
ne pourront être corrigées qu’a posteriori, ce qui ne fait qu’accroître
une nouvelle fois les dépenses supplémentaires. Nous renvoyons ici
au débat qui se tient actuellement à propos des indicateurs relatifs
à la sécurité des patients.
119. S’agissant des soins palliatifs, on distingue, en principe,
trois niveaux de qualification (les connaissances de base non spécialisées,
les connaissances de base approfondies et les connaissances spécialisées)
qui devraient faire l’objet d’un enseignement obligatoire lors de
la formation initiale et continue des médecins et des personnels
soignants (soins aux malades et aux personnes âgées). Ces connaissances devraient
déboucher, dans la pratique, notamment pour ce qui concerne l’accompagnement
lors du deuil, sur une assistance globale que les intéressés devraient
pouvoir demander en fonction de leurs besoins.
120. S’agissant de la pratique, on peut partir du principe que,
si la possibilité pour les malades de mourir chez eux doit être
érigée en droit fondamental, il est besoin, parallèlement aux services
proposés par des institutions telles que les hôpitaux, les centres
de soins ou les hospices, d’une offre globale de soins palliatifs
souples et non spécialisés. Il conviendra également de mettre à
la disposition d’un petit nombre de patients présentant des symptômes
plus complexes des équipes mobiles spécialisées. Ces équipes soit
travailleront uniquement en tant que conseillers, apportant lorsque
c’est nécessaire un soutien à leurs collègues non spécialisés, soit se
chargeront de dispenser elles-mêmes les soins. Pour ce qui concerne
le domaine de la médecine palliative hautement spécialisée, on peut
partir du principe que le nombre de patients est encore plus restreint,
par exemple dans les services palliatifs attachés aux hôpitaux et
constitués en réseau. Outre la prise en charge immédiate des cas
particulièrement complexes et la coordination, ces services sont
également investis d’une importante mission de formation clinique
spécialisée et de recherche.
121. Indicateurs potentiels d’une structure de soins adéquate:
- nombre de lits en soins palliatifs
par million d’habitants (au Royaume-Uni environ 50, la demande en Allemagne
est également estimée à 50 par million d’habitants);
- nombre de services de soins ambulatoires par million d’habitants
(de 4 à 8 selon les estimations pour la Rhénanie-du-Nord-Westphalie,
tandis que la loi sur la protection de la concurrence (Wettbewerbssicherungsgesetz) se
base sur 24 à 32 postes à temps plein par million d’habitants);
- accès à d’autres catégories de professionnels pour que
le patient et ses proches bénéficient de conseils interdisciplinaires
et multiprofessionnels (par exemple psychologues, travailleurs sociaux,
pasteurs, etc.);
- intégration des travailleurs bénévoles aux soins palliatifs
dans le cadre de structures adéquates de coordination du bénévolat
(en Allemagne, les postes de coordinateurs des services ambulatoires
de soins palliatifs sont financés conformément au Code social V);
- possibilités de financement adéquat d’un système national
de services de soins ambulatoires; un financement de la coordination
et du travail en réseau est également prévu;
- assurance de qualité, par exemple en diffusant un «Ensemble
minimal de données» ou un système de documentation standardisé,
ou d’autres mesures telles que l’audit (comme le recommande la Recommandation
Rec(2003)24 du Comité des Ministres);
- la médecine palliative est devenue une discipline universitaire
(chaires d’université, intégration dans le cursus médical);
- la médecine palliative en tant que discipline autonome
dans la médecine et les soins infirmiers (spécialiste médical, infirmière
spécialisée).
4.4. Travail d’équipe: professionnalisation
de la société
122. Le potentiel novateur des soins palliatifs devra
donc être analysé de manière approfondie dans le présent rapport.
Ce dernier n’est pas seulement dû au potentiel évident qui caractérise
toute professionnalisation et toute spécialisation, mais aussi à
l’approche globale qui nécessite l’intégration de connaissances
de plusieurs disciplines dans l’intérêt du patient et à la méthode
de travail qui n’est plus uniquement basée sur l’inter- et le multiprofessionnalisme,
mais également sur la participation et la prise en considération
d’autres ressources de la société.
123. En médecine palliative, un traitement est par exemple donné
non sur la base de tel ou tel objectif, mais après que l’on a défini
des objectifs de traitement avec le patient. Il en résulte une approche
flexible et notamment une communication permanente avec le patient
et sa famille, ce qui peut servir d’exemple pour d’autres secteurs
des soins médicaux. L’amélioration de la relation patient-médecin
entraînera une meilleure observance de la part du patient, laquelle
aura, à son tour, d’importantes répercussions sur le succès thérapeutique.
124. Le patient fait l’objet d’une approche holistique qui tient
compte de sa famille, de ses proches, bref, de tout ce qui fait
son environnement social. On ne le réduit pas à un corps ou à une
partie de corps; on n’en fait pas non plus l’objet d’une mesure
thérapeutique jugée nécessaire. Le patient reste, en toutes circonstances, un
sujet ancré dans son environnement social; l’aide de sa famille
et de ses proches peut se révéler extrêmement utile pour les soins
médicaux, mais ces derniers peuvent, en raison de la gravité de
la maladie dont souffre le patient, avoir eux-mêmes besoin d’aide.
125. Les soins palliatifs fonctionnent sur la base d’un concept
complexe santé/maladie. Outre les paramètres d’évolution des possibilités
qu’offre la technologie médicale, qui dominent encore la perception
publique, et les préoccupations en matière de santé publique (lieux
de travail sains, pauvreté et risques sanitaires), qui visent principalement
les méthodes scientifiques quantitatives, les soins palliatifs introduisent
un nouveau concept de qualité, qui intègre également les perceptions
subjectives des patients.
126. Au cours du débat, notamment dans le contexte de la démence
– qui constitue le véritable défi à relever par la société –, de
nombreuses critiques ont été formulées à propos de l’importance
accordée aux capacités cognitives et de raisonnement pour l’autonomie
et le libre arbitre, au motif qu’elle conduirait nécessairement
à dévaloriser et à marginaliser les personnes atteintes de démence
et, partant, à ne plus les considérer comme des individus à part
entière. Comme on l’a montré, aucune distinction n’est faite entre
décision autonome et décision hétéronome. Face à des concepts aussi
peu différenciés, on n’est guère en mesure d’établir une distinction
entre le domaine central des droits fondamentaux, dont relève la
décision autonome, et celui, beaucoup plus vaste, des droits de
l’individu qui peuvent dépendre de l’âge, comme les droits civiques,
ou qui peuvent comporter des droits et des devoirs bien précis liés
aux responsabilités inhérentes à une profession.
127. Il serait intéressant de considérer l’autonomie non pas comme
une quantité statistique, mais comme un potentiel à acquérir au
cours de la vie. Pour faire face à la fin de vie, il faut de multiples
soutiens. Outre l’approche par étapes adoptée actuellement pour
améliorer les structures de soins palliatifs dans les différents pays
européens, des efforts doivent être déployés, à moyen et à long
terme, pour renforcer le potentiel personnel des patients et leur
capacité à agir de leur propre initiative, si l’on envisage d’étendre
les services disponibles aux personnes qui ne sont pas gravement
malades
.
128. La nécessité, évoquée dans de nombreux rapports traitant du
problème de la démence et de l’autonomie, de tenir davantage compte
à la fois du besoin d’aide et de l’acceptation de la dépendance
à l’égard du raisonnement autonome, passe à côté du vrai problème
lorsqu’on omet d’opérer la nécessaire dissociation de ce qu’on appelle
la «dépendance dysfonctionnelle» qui est au premier chef engendrée
ou du moins renforcée par les pratiques qui ont cours dans les établissements
de soins. C’est précisément la raison pour laquelle on en arrive
à ignorer systématiquement les capacités qui subsistent; si la manière
dont les établissements organisent les soins a pour effet de mettre
la dignité en question, c’est parce que les patients ayant besoin
de soins sont considérés d’emblée comme étant plus dépendants qu’ils
ne le sont ou qu’ils ne souhaiteraient l’être. Le problème du respect
de la dignité des personnes âgées n’exige donc pas qu’on aborde d’un
œil nouveau l’autonomie de chacun des patients; il nécessite, en
revanche, une remise en question et une communication accrue de
la part des professionnels, qui doivent se battre contre le système
en place pour forcer une plus grande autonomie à la fois pour eux-mêmes
et pour leurs patients.
129. C’est à l’ensemble de la société qu’incombe la responsabilité
de faire en sorte que le secteur des soins soit doté d’un cadre
qui favorise la remise en question et la communication au sein de
l’équipe soignante et qui lui permette d’investir plus de temps
dans la réadaptation. «Il n’est pas rare que les médecins et le personnel
soignant se retrouvent dans une situation telle qu’ils ne sont plus
en mesure de faire des principes éthiques le principal fondement
de leur action. (…) En portant atteinte à leur intégrité personnelle
en les obligeant à occulter les principes éthiques, on suscite chez
eux un sentiment de culpabilité qui les conduit finalement à douter
d’eux-mêmes et à envisager d’abandonner leur profession. C’est la
raison pour laquelle l’intervention ne consiste pas uniquement à
transmettre des principes éthiques au cours de la formation, mais aussi
et surtout à créer des conditions de travail de nature à permettre
l’avènement d’une “communauté agissant moralement”.»
130. De multiples formes de soutien sont nécessaires pour maintenir
l’autonomie des personnes en fin de vie ayant besoin d’une assistance
complexe. A côté de la stratégie progressive qu’ils suivent aujourd’hui
en vue d’apporter des améliorations aux établissements dotés de
services de soins palliatifs, les pays européens doivent veiller
à ce que l’élargissement de l’offre de soins aux personnes moins
gravement malades, prévu à plus ou moins long terme, s’accompagne
d’un renforcement du sens des responsabilités et du potentiel individuel
du patient.
131. L’idée essentielle en ce qui concerne les soins palliatifs,
c’est-à-dire le fait que les mesures d’activation et de réadaptation
peuvent apporter une contribution majeure à la qualité de vie des
personnes gravement malades, peut être élargie par des concepts
de prévention, qui doivent indiquer clairement aux personnes concernées
quel pourrait être l’impact direct sur leur santé des efforts qu’ils
ont faits. La racine latine pallium (manteau)
est une illustration explicite du concept de protection. Les individus
ont également besoin d’une protection pour eux-mêmes. L’autonomisation,
l’entraînement et la coopération sont plus motivants que le fait de
retomber dans les mécanismes autoritaires, les examens médicaux
préventifs obligatoires, les menaces de sanctions ou les leçons
de morale faciles.
132. A juste titre, le rapport relatif à la Recommandation Rec(2003)24
du Comité des Ministres souligne l’importance souvent sous-estimée
des bénévoles. Le travail bénévole n’est pas suffisant, mais nécessaire
au fonctionnement des soins. Il permet un gain de temps en employant
les spécialistes nécessaires pour des raisons de coût. Un autre
aspect à prendre en compte lors des discussions futures est la solidarité
vécue (investir du temps au lieu de l’argent), afin de renforcer
la solidarité et la responsabilité personnelle
.
133. Le soutien de la population active a été une force importante,
voire motrice, tant aux débuts des soins palliatifs qu’au cours
de leur développement ultérieur. En Allemagne, la relation entre
la médecine palliative et le mouvement des «hospices» a été tendue
pendant de nombreuses années. D’importants efforts ont été faits par
les deux parties, qui ont récemment abouti à une meilleure coopération.
Dans les autres pays également, seul un système bien équilibré est
facteur de réussite. La coordination entre les secteurs professionnel,
semi-professionnel et privé, requise d’urgence dans l’intérêt des
personnes concernées et fonctionnant parfaitement si elle est bien
planifiée, ne doit pas être considérée comme une solution transitoire
à supporter en raison d’un manque de ressources. Au contraire, elle
est au cœur du concept.
134. A l’avenir, il faudra accorder une attention toute particulière
aux «avantages» réciproques pour les bénéficiaires des soins et
les assistants puisque, bientôt, le travail bénévole dans sa forme
actuelle finira par disparaître. Dans la plupart des pays, les travailleurs
bénévoles sont principalement des femmes de 50 à 70 ans qui, conformément
au modèle traditionnel, ont placé leur évolution professionnelle
au second plan, donnant la préférence à leurs enfants et leur famille.
Ce groupe de personnes subit à nouveau tout le poids des soins infirmiers,
sans recevoir aucun soutien ni compensation adéquats (par exemple
en ce qui concerne les cotisations de retraite qui n’ont pas encore
été versées). Cette injustice structurelle, si elle alimente le
débat public, n’a pour l’instant pas donné lieu à beaucoup d’actions
politiques pour y remédier. Les périodes d’attente instaurées par
la loi, par exemple en Suède, en France ou en Autriche, en ce qui
concerne les proches qui soignent les malades, sont certainement
souhaitables mais ne sont utilisées que de façon limitée.
135. L’institution par voie législative d’un «congé de soutien
familial» pour les personnes qui s’occupent d’un parent dépendant,
comme cela a été fait en Suède, en France ou en Autriche, est certes
très souhaitable; mais on n’y aura vraisemblablement recours que
dans une moindre mesure, pour des raisons financières ou par crainte
de perdre son emploi malgré la protection contre le licenciement
. Il y a lieu de penser que demain, les
femmes ne seront plus disposées à se dévouer sans contrepartie.
Les taux de naissance sont très parlants à cet égard. Dans l’intérêt
de la durabilité des soins aux personnes âgées et des soins palliatifs,
il convient de se poser la question de savoir s’il faut craindre
également un certain désengagement de la part d’autres institutions
de la société (par exemple les Eglises). Les concepts politiques
qui avaient été mis au point dans le contexte du bénévolat, de l’engagement
citoyen et du changement démographique jouent également un rôle important
pour la mise en œuvre durable des soins palliatifs et doivent être
poursuivis.
136. En ce qui concerne les soins palliatifs, la participation
n’est pas juste une «étiquette» mais un aspect essentiel du travail
quotidien. Ainsi, ce concept représente le défi culturel majeur
qui se pose aux sociétés libérales choyées par la prospérité. Il
apparaît qu’un droit de participation contribue à la capacité de
répondre aux besoins de la société tels que les soins et l’aide
mutuels. Une professionnalisation excessive et une dépendance aux
fonds publics sont par conséquent des risques que le mouvement allemand
des hospices perçoit bien et fait très clairement connaître
.
137. Un domaine intéressant pour l’extension des soins palliatifs
au-delà du secteur des soins infirmiers et des soins aux malades
chroniques pourrait être celui des cures de sevrage. Une politique
en matière de toxicomanie qui ne serait pas axée sur le fond du
problème mais se limiterait à la lutte contre les différentes substances
toxicomanogènes reviendrait à déshabiller Pierre pour habiller Paul.
Le stress, l’incapacité à faire face à des demandes excessives et
le manque de participation sociale sont les causes majeures de la
conduite toxicomaniaque. Les soins palliatifs ont ouvert la voie
à une gestion intelligente des drogues toxicomanogènes et peuvent
donc contribuer au traitement des toxicomanes ainsi qu’à la prévention
de la toxicomanie à l’aide d’une expertise solide et de mesures
pratiques appropriées. Les anciens toxicomanes pourraient servir
de partenaires de coopération dans ce domaine.
138. Il faut donc traiter ces problèmes de manière réfléchie si
on veut trouver une solution appropriée. Les interdictions et les
sanctions ne sont que les réflexes irraisonnés d’un législateur
impuissant, qui ont tout au plus pour effet de fournir une protection
à court terme à ceux qui ne sont pas encore dépendants, mais qui
ne sont d’aucune utilité pour ceux qui se sont engagés dans la voie
de la dépendance.
139. Le potentiel novateur des soins palliatifs, en tant que concept
de traitement et d’assistance approprié conforme à la priorité des
droits fondamentaux sur les droits individuels, ne pourra se réaliser
que si la société tout entière travaille à intégrer cette idée dans
le domaine médical au sens strict. Le secteur de la médecine et le
secteur des soins sont d’importants partenaires de coopération;
mais ils ne peuvent agir à la place de la société, ne serait-ce
qu’en raison de leur spécialisation. L’assistance en tant que prestation
de service professionnelle ne pourra pas être financée en totalité
par les assurances; une telle idée est d’ailleurs à rejeter comme
étant absolument contre-productive: la mentalité de l’assuré, qui
pense comme un client conscient de ses droits, a pour effet d’engendrer
une désolidarisation bien plus fondamentale.
140. La liberté et l’autonomie de chacun procèdent de la prise
de conscience d’une responsabilité commune. C’est pourquoi les objectifs
du renforcement de la responsabilité et de l’intensification de
la coopération au sein des systèmes de santé doivent être examinés
indépendamment de la question de savoir à qui incombera cette responsabilité:
professionnels, bénévoles ou personnes privées. La possibilité pour
chacun d’apporter une contribution appropriée découle d’une façon
ou d’une autre de la forme de coopération: l’autonomie n’est possible
qu’en se partageant la responsabilité pour autrui. C’est pourquoi
les soins palliatifs reposent, tant en théorie qu’en pratique, sur
la notion d’une responsabilité partagée et d’une assistance professionnelle individuelle
pouvant être demandée en fonction des besoins.
141. L’Allemagne est très en retard pour ce qui est de la modernisation
des structures, leur assouplissement et leur adéquation aux besoins
individuels. C’est exactement à cet indicateur que devra se mesurer
l’efficacité du système: la qualité résulte du temps consacré par
les professionnels ou autres (bénévoles, personnes privées) ; elle
ne saurait procéder de la seule efficacité coût-bénéfice, car dans
ce cas le temps est porté sur le compte de l’argent. Comme on l’a
montré, ce calcul constitue, de la part de la théorie économique,
une grossière erreur qui a des conséquences dramatiques non seulement
pour le système de santé, mais également pour le système d’assurance
sociale tout entier. Pour l’avenir, se pose donc très clairement
la question de savoir si nous pouvons nous permettre de continuer
de nous tromper dans nos calculs.
4.5. Le défi de la démence
142. Paradoxalement, c’est l’intensification de la recherche
sur la maladie d’Alzheimer qui a conduit à une pathologisation générale
de la vieillesse, et ce, bien que ladite recherche offre la possibilité
d’établir un diagnostic différencié permettant de faire la distinction
entre un recul «normal» des facultés cognitives dû à l’âge et une
maladie présentant une évolution caractéristique, perçue comme très
angoissante au sein de l’opinion. Cet état de choses est étroitement
lié à la dynamique propre du mécanisme scientifique et à l’influence
des incitations économiques en vue de la mise au point de médicaments.
Il se pose donc ici, dans une mesure tout à fait différente que
pour les soins palliatifs, outre la question de l’allocation et
celle de la légalité du suicide assisté, un certain nombre de questions
brûlantes sur le plan éthique: celle de la recherche sur des personnes
n’ayant pas la capacité de consentir et celle des limites juridiques
du diagnostic génétique.
143. En termes concrets, cela signifie qu’environ un million de
personnes souffrent à l’heure actuelle de troubles cognitifs qui
peuvent être attribués aux diverses formes de démence. En l’an 2000,
l’Allemagne comptait 12,2 millions de personnes âgées de plus de
65 ans (en 1900, ils étaient 3,2 millions). Pour l’année 2030, on
prévoit un doublement du nombre de cas de démence; et pour 2050,
on parle déjà de 16,9 millions de personnes touchées. Les chiffres
varient ici en fonction des scénarios de risque sur lesquels on
se fonde. L’assertion selon laquelle l’âge constitue le premier
facteur de risque de développement d’une démence n’a donc rien d’étonnant;
mais elle découle du fait que si, dans bien des cas, les progrès
de la médecine moderne ne permettent pas une guérison, ils permettent
toutefois de continuer de vivre malgré la maladie.
144. Pour résumer, on peut dire que les chiffres réels ne viennent
pas étayer le scénario catastrophe qui évoque le fléau des XXe et
XXIe siècles : une explosion du nombre
des patients, une bombe à retardement, etc. Mais il faut bien entendu
avancer des pronostics pour répondre à la question de savoir comment
organiser les soins de manière durable; et, quels que soient les
chiffres, la variante institutionnelle que constitue le centre de
soins est, d’une part, inabordable et, de l’autre, rejetée par la
grande majorité des personnes interrogées.
5. Perspectives d’avenir: une
utopie raisonnable
145. Le débat sur le rationnement devrait être tenu au
sein de la société et ne pas être ramené à l’échelon de la relation
entre le médecin et le patient. Mais ici, une médication précoce
de la maladie d’Alzheimer n’est pas l’unique souhait ou l’unique
option. Les soins visant à maintenir l’intérêt du patient ainsi
que son autonomie prennent beaucoup de temps: ils sont donc chers.
Mais ce sont ceux qui doivent prévaloir si l’on estime que les droits
fondamentaux priment sur les autres droits (droits de l’individu).
Je considère la question du diagnostic, de même que le débat sur
le diagnostic génétique dans son ensemble, comme éminemment problématiques
en l’absence de stratégie préventive ou de véritable traitement
des causes de la maladie.
146. Une utopie raisonnable consiste à faire de la santé l’objet
d’un effort collectif impliquant le plus grand nombre possible de
personnes et de groupes professionnels, en vue d’aider collectivement
ceux qui sont obligés de vivre avec un handicap physique ou psychique
ou avec une maladie incurable de la manière la plus autonome possible.
Cette vie ne s’achève qu’avec la mort et nous devrions nous garder
de décider pour nous-mêmes ou pour les autres ce qui vaut la peine
d’être vécu et ce qui ne la vaut pas.
147. L’éthique est, en elle-même, une théorie de nature pratique.
La seule expression d’«éthique appliquée», domaine dont relève par
exemple la bioéthique, suffit à témoigner d’une mauvaise interprétation
de cette théorie particulière. Point n’est besoin d’éthique appliquée:
il faut réapprendre à faire bon usage de l’éthique. Celle-ci se
réalise par les actes; elle ne saurait être instrumentalisée pour
servir à justifier ses actes, à avoir la conscience tranquille,
à montrer qu’on recourt à de nobles valeurs, voire pour servir de
cache-misère. Mais pour pouvoir agir dans le respect de l’éthique
ou pour élaborer des projets éthiquement ambitieux tels que les soins
palliatifs, il faut un cadre approprié, dont la définition relève
de la responsabilité de l’Etat.
148. L’éthique joue un rôle éminent dans la détermination d’objectifs
raisonnables car, en tant que discipline philosophique, elle garantit
une définition claire de l’ordre des objectifs à atteindre tout
en ménageant une certaine souplesse quant au contenu de ces objectifs.
Ce dernier peut, compte tenu de la grande variété des cas, être
très différent. La même image se dégage sur le plan culturel chez
différents peuples; chacun possède son propre système juridique,
ses propres traditions, etc. Ce n’est que par le biais d’une définition
formelle des objectifs qu’on pourra réaliser la généralisation nécessaire.
Les objectifs dont le contenu est définissable ou applicable à la
majorité ne sont pas tous raisonnables. La généralisation d’un objectif
ne se mesure pas à l’aune de la majorité, mais à l’aune de la raison.
C’est pourquoi l’éthique est absolument indispensable à la politique,
même si, pour des raisons pratiques, dans les démocraties c’est
la majorité qui décide.
149. La science, en revanche, s’intéresse à l’objectivité du résultat
de ses recherches. L’objectivité scientifique s’efforce également
de satisfaire au critère de la généralisation, la plupart du temps
sans y parvenir en raison des processus empiriques qu’elle suit
et pour lesquels les données nécessaires font défaut. L’éthique et
la théorie de la connaissance peuvent, ici aussi, apporter une importante
contribution à condition que les scientifiques appliquent davantage
d’autoréflexion aux méthodes qu’ils emploient, et à condition qu’ils s’attachent
à instaurer, dans l’intérêt des nouvelles connaissances, une véritable
coopération avec d’autres disciplines.
150. Il ressort clairement de la recherche sur la maladie d’Alzheimer
qu’une compréhension mécaniste ne tient pas
compte de la causalité des processus complexes qui se déroulent
dans le corps humain, sans parler du fait que le réductionnisme
ne peut appréhender de manière appropriée l’être humain dans toutes
ses dimensions – physique, psychique et spirituelle. Un organisme
n’est pas un mécanisme. Son «fonctionnement» repose sur l’auto-organisation
et ne peut être expliqué qu’en partant du principe qu’il contribue
à l’ensemble des processus naturels. La génétique humaine pâtit
d’une manière générale de sa conception étriquée et mécaniste et
nourrit sa propre contradiction. La présomption de sa méthodologie
ne saurait être garante de progrès; et ce, même lorsque les milieux
intéressés mettent des sommes gigantesques à la disposition de la
recherche.
151. Il est une citation de Kant qu’on se plaît à reprendre en
philosophie politique: «Le problème de la constitution d’un Etat
reposant sur des principes juridiques raisonnables», disait le philosophe,
«n’est pas insoluble, même pour un peuple de démons, pour peu qu’il
soit doué d’entendement». Peut-être sommes-nous en train de devenir
un «peuple de démons»; mais nous sommes, hélas, doués de trop peu
d’entendement. Peut-être allons-nous de nouveau comprendre combien
il importe d’agir en êtres humains. Peut-être verrons-nous que,
pour l’avenir du droit, il est deux voies possibles: celle d’une
érosion par la base – c’est ce qui se passe lorsque les droits de
l’individu sont placés au-dessus des droits de l’homme –, ou bien
celle d’une évolution fondée sur la raison. Nous ne parviendrons
à une évolution progressive et ciblée qu’en nous fondant sur les
principes éthiques sur lesquels a été édifié notre Etat de droit,
au lieu de, les estimant trop lyriques, les dédaigner, comme cela
a été le cas au cours du débat tenu en Allemagne sur l’article 1,
paragraphe 1, de la Constitution qui érige la dignité humaine en
principe juridique suprême
.
152. Cet automatisme que nous avions institué au nom de la prétendue
objectivité et des lois économiques, croyant pourvoir au plus grand
bonheur du plus grand nombre, ne fonctionne plus comme nous l’avions imaginé.
Pour de nombreuses personnes, il n’est pas source de richesse ni
de bonheur mais vraisemblablement cause de pauvreté et de maladie,
et peut même ravir leur dignité. La dignité humaine est un bien
menacé: en l’absence d’un projet de société émancipateur défendu
par les citoyens qui, faisant preuve d’un engagement actif et solidaire,
travaillent à le traduire dans les faits, la base de la reconnaissance
mutuelle qui constitue le fondement du libre arbitre et de la dignité
ne pourra que se désagréger. L’autonomie n’est pas automatique.
__________
Commission chargée du rapport: commission
des questions sociales, de la santé et de la famille.
Renvoi en commission: Doc. 10775, Renvoi no 3206 du 17 mars
2006.
Projet de résolution adopté
par la commission le 15 septembre 2008.
Membres de la commission:
Mme Christine McCafferty (Présidente),
M. Denis Jacquat (1er Vice-Président) (remplaçant:
M. Yves Pozzo di Borgo),
Mme Minodora Cliveti (2e Vice-Présidente),
Mme Darinka Stantcheva (3e Vice-Présidente),
Mme María del Rosario Fátima Aburto Baselga,
M. Francis Agius, M. Konstantinos Aivaliotis, M. Farkhad Akhmedov,
M. Vicenç Alay Ferrer, Mme Sirpa Asko-Seljavaara,
M. Jorodd Asphjell, M. Lokman Ayva,
M. Zigmantas Balčytis, M. Miguel Barceló Pérez, M. Andris Bērzinš,
M. Roland Blum, Mme Olena Bondarenko, Mme Monika
Brüning, Mme Bożenna Bukiewicz, Mme Karmela
Caparin, M. José Carracao Gutiérrez, M. Igor Chernyshenko,
M. Imre Czinege, M. Karl Donabauer, Mme Daniela
Filipiová, M. Ilija Filipović, M. André Flahaut, M. Paul Flynn,
M. Pernille Frahm, Mme Doris Frommelt,
M. Renato Galeazzi, M. Henk van Gerven, Mme Sophia
Giannaka, M. Stepan Glăvan, M. Marcel Glesener,
M. Luc Goutry, Mme Claude Greff, M. Michael
Hancock, Mme Olha Herasym’yuk,
M. Ali Huseynov, M. Fazail Ibrahimli, Mme Evguenia
Jivkova, Mme Marietta Karamanli, M. András
Kelemen, M. Peter Kelly, Baroness Knight of Collingtree, M. Haluk Koç, M. Andrija Mandić, M. Michał
Marcinkiewicz, M. Bernard Marquet,
M. Ruzhdi Matoshi, Mme Liliane Maury
Pasquier, M. Donato Mosella, M. Felix Müri, Mme Maia
Nadiradzé, Mme Carina Ohlsson, M. Peter
Omtzigt, Mme Lajla Pernaska, Mme Marietta
de Pourbaix-Lundin, M. Cezar Florin Preda (remplaçant: M. Laurentiu Mironescu), Mme Vjerica
Radeta, M. Walter Riester, M. Andrea Rigoni, M. Ricardo Rodrigues, Mme Maria
de Belém Roseira, M. Alessandro Rossi, Mme Marlene
Rupprecht (remplaçant: M. Wolfgang Wodarg),
M. Indrek Saar, M. Fidias Sarikas, M. Andreas Schieder, M. Ellert
B. Schram, M. Gianpaolo Silvestri, Mme Anna
Sobecka, Mme Michaela Šojdrová, M. Oleg
Ţulea, M. Alexander Ulrich, M. Mustafa Ünal, M. Milan Urbáni, Mme Nataša
Vučković, M. Dmitry Vyatkin (remplaçant: Mme Tatiana. Volozhinskaya), M. Victor Yanukovych
(remplaçant: M. Ivan Popescu),
Mme Barbara Žgajner-Tavš, M. Vladimir Zhidkikh, Mme Naira
Zohrabyan
N.B. Les noms des membres qui ont pris part à la réunion sont
indiqués en gras
Secrétariat de la commission: M. Mezei, Mme Meunier