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Addendum au rapport | Doc. 11793 Addendum II | 24 janvier 2009

Visite du Comité des Présidents en Géorgie pour l'examen de la mise en œuvre de la Résolution 1633 (2008) de l'Assemblée sur «les conséquences de la guerre entre la Géorgie et la Russie»

Rapporteur : M. Lluís Maria de PUIG i OLIVE, Espagne, SOC

1. Introduction

1. Après l'adoption de la Résolution 1633 (2008) de l'Assemblée sur «les conséquences de la guerre entre la Géorgie et la Russie», le Bureau de l'Assemblée a décidé, lors de sa réunion du 3 octobre 2008, d'inscrire à l'ordre du jour de la réunion de la Commission permanente du 27 novembre 2008, à Madrid, un point concernant les «suites données à la Résolution 1633 (2008)» et d'inscrire à l'avant-projet d'ordre du jour de la partie de session de janvier 2009 de l'Assemblée un rapport sur la mise en œuvre de cette résolution. La commission de suivi a été saisie de cette question pour rapport, tandis que la commission des questions politiques et la commission des questions juridiques et des droits de l'homme en ont été saisies pour avis. Le Bureau a également chargé la commission des migrations, des réfugiés et de la population de préparer un rapport sur «les conséquences humanitaires de la guerre entre la Géorgie et la Russie», qui pourrait aussi être débattu lors de la partie de session de janvier 2009. En outre, le Bureau a décidé de charger le Comité des présidents de se rendre à Tbilissi et Moscou pour discuter avec les autorités, au plus haut niveau, de la mise en œuvre de la Résolution 1633 (2008) de l'Assemblée et de faire rapport à la Commission permanente des suites données à cette résolution.
2. La visite à Tbilissi s'est déroulée du 30 au 31 octobre 2008.
3. Au cours de cette visite, la délégation s'est entretenue avec le président du Parlement, M. David Bakradze, le ministre des Affaires intérieures, M. Ivane Merabishvili, le vice-ministre aux Affaires étrangères, M. Giga Bokeria, le ministre d'Etat adjoint pour la Réintégration, M. Dimitri Manjavidze, le secrétaire du Conseil national de sécurité, M. Alexsander Lomaia, le Premier ministre désigné, M. Grigol Mgaloblishvili, ainsi qu’avec les membres de la délégation géorgienne à l’Assemblée. Par ailleurs, la délégation a rencontré l'ambassadeur Hansjoerg Haber, Chef de la mission de surveillance de l’Union européenne, et M. Gottfried Hanne, Chef adjoint de la mission de l'OSCE en Géorgie. Le président géorgien, M. Mikheil Saakashvili, ainsi que le ministre des Affaires étrangères, étaient en visite officielle en Norvège lors de notre visite et n'ont donc pas pu nous recevoir. D'autres dates proposées par les autorités géorgiennes pour notre visite ne convenaient malheureusement pas à la majorité des membres du Comité des présidents.
4. Je tiens à remercier le Parlement géorgien, ainsi que le Représentant spécial du Secrétaire Général en Géorgie et les agents qui travaillent avec lui, pour l’excellente qualité du programme de cette visite et du soutien apporté à la délégation.

2. Développements récents

5. De l'avis des autorités géorgiennes, avec la Résolution 1633 (2008), l'Assemblée a adopté une position équilibrée et impartiale en ce qui concerne la guerre entre la Géorgie et la Russie. Même si elles ne sont pas d'accord avec toutes ses conclusions, les autorités géorgiennes estiment que cette résolution apporte une contribution concrète et constructive aux efforts de la communauté internationale pour résoudre la crise actuelle entre les deux pays. C'est pourquoi les autorités géorgiennes font part de leur volonté résolue d'appliquer pleinement les demandes qui leur ont été adressées par l'Assemblée. Je me félicite de l'expression sans détour de cette volonté politique affichée par les autorités géorgiennes lors de notre visite ainsi que de leur approche constructive et réaliste des nombreux problèmes entraînés par la guerre.
6. La conduite d'une enquête internationale indépendante sur les circonstances précises dans lesquelles la guerre a éclaté, ainsi que sur la succession exacte des événements du mois d’août, est l'une des principales demandes exprimées dans la Résolution 1633 (2008) de l'Assemblée. Les autorités géorgiennes ont réitéré leur soutien plein et entier à la mise en place de cette enquête internationale indépendante et leur volonté d'y coopérer pleinement. Les formes que pourrait prendre cette enquête sont en cours d'examen. L'une des possibilités envisagées est qu'elle soit conduite par la Commission internationale humanitaire d'établissement des faits, basée à Genève. Toutefois, en raison du mandat de cet organe, les enquêtes qu'il peut mener se limitent nécessairement aux questions humanitaires et ne peuvent se fonder que sur les informations fournies par les deux parties concernées. De plus, ses conclusions sont confidentielles. Une enquête réalisée dans ces conditions ne répondrait donc pas aux critères fixés en l'espèce par l'APCE.
7. Indépendamment de l'issue des discussions concernant une enquête internationale, le Parlement géorgien a entamé sa propre enquête sur les circonstances de la guerre, la succession exacte des événements du mois d’août et les décisions prises par le pouvoir exécutif géorgien. À cet effet, il a institué le 7 octobre 2008 une commission spéciale, présidée par un membre de l'opposition parlementaire, M. Paata Davitaia. Cette commission d'enquête rendra son rapport au parlement, mais elle a le pouvoir de saisir le procureur général pour qu'il ordonne l'ouverture d'une instruction si elle estime qu'il est possible que des actes criminels aient été commis.
8. Cette commission a entamé ses travaux le 10 octobre. À ce jour, elle a entendu, entre autres, les témoignages du ministre pour l'Intégration, du ministre des Affaires étrangères, du secrétaire du Conseil national de sécurité, du chef des services de sécurité, du chef d'état-major des forces armées géorgiennes et de l'ancien Premier ministre. Le parti au pouvoir a publiquement déclaré que le moindre de ses membres qui ne coopérerait pas pleinement avec la commission d'enquête en supporterait les conséquences politiques les plus extrêmes. Si cette commission n'a pas le pouvoir constitutionnel de contraindre le président de la république à témoigner, son président estime néanmoins improbable que le président Saakashvili refuse une invitation à comparaître devant elle. Le 8 novembre, lors d'une réunion du Conseil anticrise, le président Saakashvili a effectivement confirmé «qu'absolument aucune personnalité n'est à l'abri» d'une audition par la commission d'enquête et qu'il était prêt «à y aller et à répondre à toutes les questions» que pourrait lui poser la commission.
9. Les réunions de la commission sont publiques afin de garantir que ses travaux se déroulent dans la plus grande transparence, à moins que des questions touchant à la sécurité nationale ne soient évoquées. Ces réunions sont transmises en direct à la télévision. En outre, la transcription intégrale de ses débats est publiée en géorgien et en anglais sur le site Web du Parlement géorgien. De plus, le public est instamment invité à fournir des informations à la commission et à lui communiquer les questions qu'il souhaite voir poser.
10. De nos entretiens avec le président de cette commission, je retire la conviction que celle-ci est clairement animée par la volonté politique de faire toute la lumière sur les circonstances de cette guerre et de traiter les nombreuses questions qui ont été soulevées dans ce contexte. Si la commission concrétise son intention déclarée d’entendre tous ceux qui sont susceptibles de détenir des informations intéressantes, y compris le président et les personnes dont l'action a été déterminante dans l'action du gouvernement, elle sera un instrument important non seulement pour éclairer les circonstances qui ont entouré cette guerre et sa conduite, mais aussi pour renforcer le processus démocratique en Géorgie.
11. Pour les autorités géorgiennes, cette guerre était aussi une attaque directe contre la nature démocratique de la société géorgienne. En réaction, elles ont décidé de renforcer le fonctionnement des institutions démocratiques et de donner un nouvel élan à la poursuite de la consolidation de la démocratie en Géorgie. Un vaste ensemble de réformes démocratiques a donc été adopté dans le but, notamment, de renforcer le rôle institutionnel du parlement face à l’exécutif, le rôle de l’opposition dans les travaux du parlement et dans les institutions de contrôle de l'Etat – y compris dans les domaines de la défense et de la sécurité nationale –, ainsi que l’indépendance de la justice, d’accroître le pluralisme des médias et d’améliorer le code électoral.
12. Le Premier ministre géorgien a été relevé de ses fonctions juste avant notre visite en Géorgie. À Tbilissi, nous avons eu un entretien informel avec le Premier ministre désigné, M. Grigol Mgaloblishvili, qui était, jusqu’à sa nomination, ambassadeur de Géorgie en Turquie.
13. L’accord de cessez-le-feu en six points signé le 12 août prévoit, entre autres, le retour des forces militaires géorgiennes dans leurs lieux habituels de cantonnement et le retrait des forces militaires russes sur les lignes antérieures au déclenchement des hostilités. À la suite d’un retard dans l’application de l’accord de cessez-le-feu par la Russie, notamment en ce qui concerne le retrait des troupes russes du territoire géorgien, le président Sarkozy, accompagné de MM. José Manuel Barroso, Javier Solana et Bernard Kouchner, s’est rendu à Moscou le 8 septembre 2008 pour exhorter les autorités russes à respecter sans conditions l'accord de cessez-le-feu et pour examiner la réalisation de la première phase de cet accord. Dans l’accord conclu lors de cette réunion, dit accord Medvedev-Sarkozy, les autorités russes ont réaffirmé leur volonté d'appliquer intégralement les six points de l’accord de cessez-le-feu et décidé, entre autres, que la Russie retirerait ses troupes des zones voisines de l’Abkhazie et de l’Ossétie du Sud dix jours après le déploiement de la mission de surveillance de l’Union européenne, le 1er octobre 2008.
14. Conformément à l'accord de cessez-le-feu, les troupes géorgiennes ont globalement réintégré leurs cantonnements habituels, sauf lorsque ceux-ci se trouvent dans des zones contrôlées par la Fédération de Russie.
15. Le 9 octobre, la Fédération de Russie a achevé le retrait de ses troupes stationnées dans les zones voisines de l'Ossétie du Sud et de l'Abkhazie, après le déploiement des observateurs de l'Union européenne dans ces mêmes zones le 1er octobre 2008. Toutefois, les forces russes conservent un point de contrôle à Perevi, sur la frontière administrative avec l'Ossétie du Sud, mais sur le territoire même de la Géorgie, ce qui constitue une violation de l'accord de cessez-le-feu et de l'accord Sarkozy-Medvedev.
16. Un sujet majeur de préoccupation est le stationnement, et même le renforcement, de troupes russes dans les régions séparatistes d’Ossétie du Sud et d'Abkhazie, au-delà des positions et des effectifs autorisés par l'accord de cessez-le-feu. Toutefois, les autorités russes affirment qu’avec la reconnaissance de l'indépendance de l'Ossétie du Sud et de l'Abkhazie par la Fédération de Russie, la présence de troupes russes dans ces deux régions est désormais régie par des accords bilatéraux avec les autorités de fait de ces régions. En conséquence, elles soutiennent qu'avec le retrait de leurs troupes des zones jouxtant ces régions, la Russie a rempli ses obligations au regard de l'accord de cessez-le-feu.
17. Il est clair que le maintien de troupes russes au-delà des positions antérieures à la guerre constitue une violation flagrante de l'accord de cessez-le-feu et des demandes formulées par l’Assemblée dans sa Résolution 1633 (2008). Toutefois, ce point met aussi en évidence la controverse relative au statut exact de l'accord Sarkozy-Medvedev du 8 septembre. Si la communauté internationale et les autorités géorgiennes affirment avec insistance que l'accord du 8 septembre définit les grandes lignes de la première phase de la mise en œuvre de l'accord de cessez-le-feu du 12 août et ne s'y substitue en aucune manière, la position russe semble être que cet accord remplace certains aspects de l'accord de cessez-le-feu, tout particulièrement en ce qui concerne le retrait des troupes russes. Ce point est également apparu clairement lors du débat de l'Assemblée sur les conséquences de la guerre entre la Géorgie et la Russie, lorsque la délégation russe a tenté de remplacer les références à l'accord de cessez-le-feu par des références à l'accord «Sarkozy-Medvedev» du 8 septembre 2008.
18. Conformément à l'accord Sarkozy-Medvedev du 8 septembre, le Conseil de sécurité de l'Onu a prolongé le mandat de la MONUG, permettant le maintien d'observateurs des Nations Unies en Abkhazie. Par contre, les autorités russes et les autorités de fait d'Ossétie du Sud ont interdit aux observateurs de l'OSCE d'entrer en Ossétie du Sud, en violation de l’accord Sarkozy-Medvedev et des demandes formulées par l’APCE. De plus, les observateurs de l’Union européenne se sont vu refuser l'accès au territoire de l'Ossétie du Sud et de l'Abkhazie, que demandait la communauté internationale, notamment dans la Résolution 1633 (2008) de l'Assemblée.
19. Après le retrait des troupes russes des zones voisines des régions séparatistes d'Ossétie du Sud et d'Abkhazie, la police géorgienne a investi ces zones pour y assurer la sécurité. De manière générale, la situation dans ces régions est relativement calme, bien que des incidents violents et des provocations le long des frontières administratives des deux régions séparatistes soient de plus en plus fréquemment signalés. Les observateurs internationaux ont mentionné plusieurs incidents de tirs à l'arme légère et au lance-grenades sur des villages et des postes de police géorgiens, ainsi que des enlèvements de citoyens géorgiens par des pillards d'Ossétie du Sud. Des allégations de tirs de même nature sur des villages et points de contrôle ossètes depuis le côté géorgien n'ont pu être vérifiées par les observateurs internationaux, les autorités russes et les autorités de fait d'Ossétie du Sud et d'Abkhazie ayant refusé l'entrée de ces territoires aux observateurs de l'Union européenne et de l'OSCE.
20. Ces incidents et provocations font clairement monter la tension dans les zones proches des frontières administratives des régions séparatistes. Lors de nos rencontres avec les observateurs internationaux, nous avons été informés que le nombre d'incidents et de provocations prenaient une ampleur qui se rapprochait de celle qui prévalait dans les mois précédant l'éclatement des hostilités militaires en août, renforçant les craintes d'une nouvelle escalade dans ces régions instables. Les autorités géorgiennes nous ont informés que leurs forces de police ont l'ordre strict de ne répondre à aucune provocation et de s'abstenir de toute action qui pourrait attiser les tensions à proximité des frontières administratives. Néanmoins, il est clair que l'accès des observateurs internationaux aux territoires de l'Ossétie du Sud et de l'Abkhazie apaiserait considérablement les tensions et améliorerait globalement la sécurité le long des frontières administratives.
21. Après le rétablissement d'un environnement sécurisé dans les zones proches des régions séparatistes d'Abkhazie et d'Ossétie du Sud, de nombreuses personnes déplacées ont regagné ces régions. Toutefois, le retour de personnes déplacées dans les villages à population géorgienne en Ossétie du Sud et en Abkhazie est beaucoup plus difficile, sinon impossible. Face aux rumeurs faisant état d'actes de nettoyage ethnique, la plupart des personnes déplacées craignent pour leur sécurité si elles rentrent, tout particulièrement en l'absence d'observateurs internationaux indépendants de l'Union européenne et de l'OSCE. De plus, la plupart des villages à population géorgienne d'Ossétie du Sud ont été pillés et rasés.
22. Le retour des personnes déplacées d'appartenance géorgienne est en outre compliqué par l'insistance des autorités de fait à exiger que les personnes déplacées qui regagnent les régions séparatistes prennent la nationalité abkhaze ou sud-ossète et renoncent à la nationalité géorgienne. À un nombre limité de «points frontières», essentiellement dans le district d’Akhalgori, en Ossétie du Sud, les populations civiles de villages voisins seraient autorisées à traverser la frontière administrative pour se rendre en Ossétie du Sud. Elles auraient toutefois été informées qu’à compter du 1er janvier, il leur faudra un visa pour franchir cette frontière administrative.
23. Dans le district d’Akhalgori, en Ossétie du Sud, région à population majoritairement géorgienne qui n'a pas été directement touchée par la guerre en août et qui n'a jamais été sous le contrôle des autorités de fait avant la guerre, la situation est particulièrement préoccupante. De nombreux Géorgiens de souche ont quitté la région pour des raisons de sécurité et d'autres devraient les suivre après l'obligation qui leur a été faite de prendre la citoyenneté sud-ossète.
24. Le ministre adjoint pour l'Intégration nous a informés que la plupart des personnes déplacées avaient regagné les anciennes «zones tampon». L'une des priorités du ministère est la reconstruction des maisons et le rétablissement des services sociaux dans ces zones. Les relations entre populations géorgiennes et ossètes y sont bonnes et on ne signale ni problèmes, ni tensions. Pour l'heure, les principales difficultés rencontrées concernent le retour en Abkhazie et en Ossétie du Sud des personnes déplacées et la situation des populations géorgiennes qui vivent encore dans ces régions séparatistes. Le retour dans ces zones des personnes déplacées est pour l'instant impossible et des abris temporaires ont dû être construits rapidement, en prévision de l'hiver. Le principal problème pour les populations géorgiennes qui vivent encore en Ossétie du Sud est la poursuite des actes de nettoyage ethnique, qui a entraîné un nouvel afflux de personnes déplacées. Dans les villages mixtes d'Ossétie du Sud, la situation est un peu meilleure. L'un des gros problèmes qui se posent au ministère est l'impossibilité d’entrer en Ossétie du Sud, y compris pour les civils qui possèdent des terres agricoles dans les deux régions séparatistes. Le remplacement des militaires par des gardes-frontières russes aux points de contrôle, prévu par les accords d'amitié et de coopération conclus récemment par la Russie et les deux régions séparatistes, fait craindre une dégradation de la situation.
25. Le ministre adjoint pour l’Intégration a fait part de sa profonde gratitude pour l'aide financière décidée par la conférence des donateurs, qui facilite considérablement la tâche du ministère dans ses efforts pour assurer la reconstruction et le retour des personnes déplacées. Dans une volonté de réconciliation, il a été envisagé d'utiliser une partie de cette aide financière pour reconstruire des villages ossètes détruits pendant la guerre. Mais cette idée est aujourd'hui en suspens à cause de la décision des autorités de fait sud-ossètes de refuser l'entrée de la région séparatiste aux responsables du ministère et à l'aide provenant de Géorgie ou acheminée via le territoire de cette dernière. De plus, l'idée est que ces programmes de reconstruction devraient avoir pour contrepartie la possibilité, pour les populations géorgiennes, de retourner dans leurs villages en Ossétie du Sud, ainsi que le libre franchissement de la frontière administrative.
26. L'aide humanitaire arrive dans les deux régions séparatistes, mais d'importants obstacles gênent encore l'entrée des organisations et de l'aide humanitaires, la Géorgie tenant, de son côté, à ce que l'accès aux deux régions séparatistes se fasse par son territoire, tandis que la Russie et les autorités de fait de ces deux régions insistent, de leur côté, pour qu'il se fasse par la Russie. À ce propos, j'ai fait part de mon inquiétude quant à l'impact négatif que pourrait avoir sur la situation humanitaire le projet de loi sur les territoires occupés, examiné actuellement par le Parlement géorgien.
27. L'Onu et d'autres organisations (humanitaires) internationales ont reçu des autorités géorgiennes l’autorisation d'accéder sans restriction aux zones proches de l'Ossétie du Sud et de l'Abkhazie. Il est regrettable que les autorités de fait n'aient accordé à ces organisations, exception faite du CICR, qu'un accès limité aux territoires sous leur contrôle.
28. Toutes les autorités géorgiennes soulignent l'importance potentielle des négociations de Genève, prévues par l'accord de cessez-le-feu, non seulement pour remédier aux conséquences à long terme de la guerre et normaliser les relations entre la Géorgie et la Russie, mais aussi pour améliorer la situation et la stabilité sur le terrain, en Géorgie. Cependant, les autorités doutent que la série d'entretiens à venir, qui doit avoir lieu le 17 novembre 2008 à Genève, débouche sur le moindre résultat, étant donné que la Russie insiste pour que les représentants des autorités de fait d'Abkhazie et d'Ossétie du Sud se voient accorder le même statut que ceux de la Russie et de la Géorgie, ce qui est inacceptable pour cette dernière, ainsi que pour les instances qui parrainent les pourparlers de Genève. Ce point a été la principale cause de la suspension des discussions le 15 octobre 2008. Les autorités géorgiennes répètent qu'elles ne sont pas opposées à ce que les représentants des autorités de fait participent aux groupes de travail informel qui font partie des négociations, à la condition que tous les représentants des populations sud-ossètes et abkhazes puissent y participer, y compris ceux qui sont favorables au rattachement de ces deux régions à la Géorgie.
29. De la même manière, les autorités géorgiennes sont ouvertes aux initiatives qui pourraient être prises sous l'égide de l'Assemblée dans le domaine de la diplomatie parlementaire, mais sont sceptiques quant aux chances de voir ces initiatives contribuer concrètement à la moindre amélioration de la situation actuelle, étant donné que la reconnaissance de l'indépendance des deux régions séparatistes est intervenue à l'initiative du Parlement fédéral de la Fédération de Russie et que la Douma d'Etat et le Conseil de la Fédération ont récemment ratifié à l'unanimité les Traités d'amitié et de coopération conclus par la Russie et les deux régions séparatistes, en dépit des demandes insistantes de l'Assemblée.
30. Il est clair que la reconnaissance de l'indépendance de l'Abkhazie et de l'Ossétie du Sud viole non seulement l'accord de cessez-le-feu, de même que le droit international et les obligations de la Russie vis-à-vis du Conseil de l'Europe, mais qu'elle empêche aussi le règlement de la situation actuelle, et notamment l'application de l'accord de cessez-le-feu, ce qui affecte la stabilité de la région.

3. Conclusions

31. Je salue l'approche constructive et réaliste des autorités géorgiennes dans la situation actuelle, ainsi que leur volonté de nouer un dialogue constructif avec la communauté internationale et les autres parties au conflit, de chercher à résoudre les nombreux problèmes auxquels est confronté le pays et d'assurer la stabilité en Géorgie et dans l'ensemble de la région. J'ai fait une déclaration en ce sens à la fin de notre visite. Cette déclaration est annexée à la présente note.
32. À l'issue de notre visite, je suis satisfait de voir que la Géorgie s'est pleinement conformée aux demandes exprimées par l'Assemblée dans la Résolution 1633 en ce qui concerne:
  • la mise en œuvre inconditionnelle des six points de l'accord de cessez-le-feu (§ 22.1 de la Résolution);
  • l'autorisation du déploiement sans restriction d’observateurs internationaux sur les territoires qu'elle contrôle et la pleine coopération avec ceux-ci (§ 22.2 et 23.3);
  • la prise de mesures – y compris en ce qui concerne les mines et les munitions non explosées – destinées à assurer la sécurité des personnes se trouvant sur les territoires qu'elle contrôle et à permettre le retour volontaire dans ces territoires des personnes déplacées (§ 23.1, 23.2 et 23.4);
  • le libre accès de la presse à la partie de la zone de conflit sous son contrôle (§ 22.9);
  • la pleine utilisation des moyens disponibles de règlement pacifique des conflits (§ 22.10);
  • les efforts déployés en vue de l'établissement d'un nouveau plan de maintien de la paix et de l'internationalisation de la force de maintien de la paix (§ 22.4);
  • la participation inconditionnelle aux négociations de Genève prévues au point 6 de l'accord de cessez-le-feu (§ 22.5).

Pour ce qui est du § 22.5, la condition posée par les autorités géorgiennes, à savoir que la participation des autorités de fait des deux régions séparatistes ne doit pas être interprétée comme une reconnaissance implicite de ces dernières, est justifiée et n’est pas incompatible avec la demande correspondante de l'Assemblée.

33. Les autorités géorgiennes ont souligné qu'elles accueilleraient favorablement la mise en place d'une enquête internationale indépendante sur la guerre et les circonstances qui y ont mené et qu'elles y coopéreraient sans condition (§ 22.3). On peut donc considérer qu'elles ont pris toutes les mesures nécessaires pour se conformer à cette demande de l'Assemblée même s'il ne sera possible d'en juger définitivement qu’à la fin de cette enquête et après évaluation complète de la manière dont la Géorgie y aura coopéré.
34. Les autorités géorgiennes ont pris des mesures concrètes pour appliquer pleinement et efficacement les six principes formulés par le Commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe, conformément au § 23.7 de la Résolution 1633 (2008). Toutefois, j'ai relevé que l'échange des prisonniers de guerre et des personnes détenues à la suite du conflit – également mentionné au § 23.5 – et la mise à disposition de logements décents aux personnes déplacées qui ne peuvent regagner leur lieu d'habitation sont toujours en cours. Dans son rapport, le Commissaire aux droits de l'homme s'inquiète du risque d'incompatibilité entre certaines dispositions du projet de loi sur les territoires occupés et les principes du droit international des droits de l'homme, notamment ceux de la Convention européenne des droits de l'homme. C'est pourquoi je recommanderais aux autorités géorgiennes de soumettre ce projet de loi pour avis à la Commission de Venise et d'appliquer les recommandations de cette dernière. Cette mesure garantirait également le plein respect du § 22.7 de la Résolution 1633 (2008).
35. L’Assemblée a demandé à la Géorgie d'enquêter sur toutes les allégations de violations des droits de l'homme qu'elle aurait commises pendant et après la guerre et d'en traduire les auteurs devant ses tribunaux (§ 22.8). La résolution avec laquelle le Parlement géorgien enquête sur la conduite et les causes de la guerre est louable. Le président de la commission spéciale d'enquête nous a informés que la commission examinerait toutes les allégations de violations des droits de l'homme commises par la Géorgie durant la guerre. Cette commission a le pouvoir de transmettre au procureur général tout élément constitutif d'une présomption de comportement criminel pour instruction. Toutefois, à ma connaissance, la commission d'enquête n'a ouvert, à ce jour, aucune enquête sur de possibles violations des droits de l'homme du côté géorgien. De plus, je n'ai connaissance d'aucune enquête indépendante ouverte par le procureur général. En conséquence, je considère que le § 22.8 n'est pas encore pleinement mis en œuvre.
36. Il est regrettable que la Géorgie n'ait pas encore signé la Convention des Nations Unies sur les armes à sous-munitions et que son discours vis-à-vis de la Russie soit encore très influencé par la guerre. Je considère donc que la Géorgie ne respecte pas encore, à ce jour, les § 22.6 et 22.11.