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Rapport | Doc. 11619 | 03 juin 2008

Les femmes en prison

(Ancienne) Commission des questions sociales, de la santé et de la famille

Rapporteure : Mme Minodora CLIVETI, Roumanie

Résumé

Il est un fait que le nombre de femmes détenues dans les prisons d’Europe ne cesse d’augmenter. Toutefois, malgré cette augmentation, les femmes ne constituent encore qu’une minorité de la population carcérale, si bien qu’il n’existe que très peu de prisons pour elles. Les femmes sont donc souvent détenues dans des endroits éloignés de leur domicile, d’où la difficulté qu’elles éprouvent à maintenir des liens familiaux. En outre, comme les régimes carcéraux ont été conçus spécialement pour les hommes, on constate le plus souvent un manque criant de programmes et de dispositions convenant à la population carcérale féminine.

Une peine de prison, même si elle est courte, a des effets désastreux sur les femmes, car elle perturbe considérablement la vie familiale. La plupart des femmes détenues sont mères de famille et, le plus souvent, seules à assumer la charge de leurs enfants.

Afin d’améliorer les conditions de détention des femmes en prison, le rapport appelle à l’application des Règles pénitentiaires européennes révisées et formule en outre des recommandations spécifiques pour les Etats membres du Conseil de l’Europe quant à la détention des femmes enceintes et des mères en prison, les besoins des femmes emprisonnées en matière de santé et d’éducation, le respect de la dignité des femmes en prison et les mesures pour les aider dans leur réinsertion sociale.

A. Projet de résolution

(open)
1. La population carcérale féminine s’accroît en Europe. Toutefois, les femmes restent minoritaires dans les prisons, qui sont d’ailleurs conçues pour accueillir une population masculine. Pour ces raisons, et parce que les femmes détenues présentent souvent un niveau social et éducatif inférieur à celui des hommes, il est fréquent que les prisons, les régimes pénitentiaires et les programmes de réinsertion et d’éducation des détenus ne prennent pas en compte les besoins spécifiques des femmes.
2. A cet égard, l’Assemblée parlementaire rappelle sa Recommandation 1469 (2000) concernant les mères et les bébés en prison et elle invite les Etats membres à mettre pleinement en œuvre ses dispositions.
3. L’Assemblée considère par ailleurs qu’à chaque nouvel examen des Règles pénitentiaires européennes, le Conseil de coopération pénologique, qui est l’organe du Conseil de l’Europe spécialiste de ces questions, devrait s’efforcer de renforcer les dispositions existantes et d’en ajouter de nouvelles de nature à encourager les Etats membres à améliorer la situation des femmes dans les prisons.
4. De même, l’Assemblée considère que chaque inspection menée par le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) et le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe devrait comporter la visite d’au moins une prison où des femmes sont détenues. Les rapports du CPT et du Commissaire aux droits de l’homme relatifs à ces questions devraient inclure une section spécifique sur les femmes en prison.
5. D’une manière générale, l’Assemblée estime que pour placer une femme en détention, en particulier si elle a la charge exclusive ou principale d’un ou plusieurs enfants, les autorités judiciaires des Etats membres devraient avoir la conviction que cette sanction se justifie davantage qu’une peine non privative de liberté, compte tenu des bouleversements et du coût affectif qu’elle peut entraîner pour la mère et son/ses enfant(s). Dans tous les cas, la condamnation à la prison devrait être choisie en dernier ressort, et seulement si aucune autre option n’est possible, et les peines de substitution telles que les travaux d’intérêt général ou les approches de la justice réparatrice devraient être envisagées en premier.
6. En vue d’améliorer les conditions de détention des femmes dans les prisons, l’Assemblée appelle les Etats membres:
6.1. à mettre en œuvre sans délai les dispositions contenues dans les Règles pénitentiaires européennes révisées, en observant que, d’après la règle 4, «le manque de ressources ne saurait justifier des conditions de détention violant les droits de l’homme»;
6.2. à collecter des informations sur tous les aspects de la détention, en veillant à ce que les données soient en totalité ventilées selon le sexe et que les statistiques soient rendues publiques;
6.3. à consigner, dès l’incarcération d’une personne, le nombre, l’âge et le lieu de résidence de ses enfants et de la personne qui en a la charge (que la personne incarcérée soit un homme ou une femme) et à rendre ces statistiques publiques;
6.4. à veiller à ce que les femmes qui ont la charge exclusive d’enfants en bas âge ne soient pas placées en détention provisoire, sauf s’il existe un risque réel qu’elles commettent une nouvelle infraction, se soustraient à la justice ou cherchent à faire pression sur des témoins. De plus, la possibilité d’une suspension de l’application de la peine d’emprisonnement durant la grossesse pourrait être envisagée.
7. En ce qui concerne la détention de mères ou de femmes enceintes en prison, l’Assemblée invite les pays membres:
7.1. à garantir une situation aussi favorable que possible aux personnes placées en détention provisoire et non encore reconnues coupables d’une infraction. Les restrictions pénalisant les familles des personnes détenues, concernant par exemple les visites et le lieu d’incarcération, doivent être appliquées avec la plus grande souplesse possible;
7.2. à veiller à ce que les mères, lorsqu’elles sont incarcérées, soient informées par les autorités de l’Etat de la localisation de leurs enfants et qu’elles aient la certitude que ces derniers sont convenablement pris en charge et qu’ils leur seront rendus lors de leur libération; cette mesure inciterait un plus grand nombre de femmes à déclarer leurs enfants;
7.3. à veiller à ce que les régimes et les établissements pénitentiaires soient suffisamment souples pour répondre aux besoins des femmes enceintes, des mères qui allaitent et des femmes détenues avec leurs enfants;
7.4. à garantir que, lorsque des bébés ou des enfants en bas âge qui sont en prison avec leur mère doivent être séparés d’elle, cela se fasse progressivement, afin que le processus soit aussi peu douloureux et traumatisant que possible;
7.5. à garantir que les autorités pénitentiaires soient attentives aux besoins spécifiques des détenus étrangers du point de vue de la langue et des différences culturelles. Les autorités pénitentiaires devraient veiller à ce que les ressortissants étrangers bénéficient d’une aide pour contacter leurs autorités consulaires. En particulier, les besoins des femmes étrangères dont les enfants se trouvent dans d’autres pays devront être examinés attentivement et pris en compte chaque fois que cela est possible.
8. En ce qui concerne les besoins sanitaires des femmes détenues, l’Assemblée invite les pays membres:
8.1. à garantir que les prisons disposent de politiques et de programmes destinés aux femmes dans le domaine de la santé, et que ces politiques et programmes soient spécialement adaptés à leurs besoins et que les besoins de santé des catégories minoritaires de femmes détenues – telles que les femmes enceintes, les femmes qui allaitent, les femmes en période postnatale ou les femmes âgées – soient examinés et pris en compte;
8.2. à garantir, chaque fois que cela est possible, que les détenues puissent voir un médecin en l’absence de tout gardien et de tout autre personnel pénitentiaire, et que des gardiens de sexe masculin ne soient jamais présents lors de la consultation d’une femme chez un médecin ou une infirmière;
8.3. à garantir que les détenues infectées par le VIH/sida bénéficient de la prise en charge, du traitement et du soutien spécifiques dont elles ont besoin;
8.4. à garantir, tout au long de la peine, que la détenue fasse l’objet d’un dépistage des signes éventuels de dépression ou d’autres maladies mentales. Une attention particulière doit être accordée aux catégories vulnérables, telles que les femmes, particulièrement susceptibles d’automutilation;
8.5. à garantir que davantage de recherches soient menées sur la nature et la prévalence des troubles mentaux qui touchent les femmes détenues, et que des moyens de traitement soient proposés;
8.6. à charger les inspecteurs des prisons de contrôler les mesures prises pour les femmes détenues ayant des antécédents de toxicomanie ou d’alcoolisme et veiller à ce qu’existent des programmes adaptés tenant compte de leurs besoins spécifiques.
9. En ce qui concerne les besoins en matière de formation des femmes détenues, l’Assemblée invite les pays membres:
9.1. à garantir pour les femmes l’égalité d’accès à l’éducation, à la formation et à l’emploi, en vue d’acquérir des compétences qui pourront leur être utiles après leur libération, au même titre que les hommes détenus;
9.2. à garantir que des crèches soient mises à la disposition des mères détenues avec leur bébé ou leur enfant en bas âge, afin qu’elles puissent travailler ou suivre des cours si elles le souhaitent;
9.3. à garantir que les femmes mineures soient détenues séparément des femmes adultes. Toutefois, dans les cas où cette mesure entraînerait une diminution de l’offre éducative, il devra du moins être garanti que les mineures ne sont pas mises en contact avec des femmes ayant un lourd passé criminel.
10. Pour ce qui concerne l’organisation des visites pour les femmes détenues, l’Assemblée encourage les Etats membres:
10.1. à garantir que toutes les prisons disposent de centres d’accueil des visiteurs. De tels centres peuvent être particulièrement utiles pour les jeunes enfants;
10.2. à garantir que des efforts particuliers soient entrepris pour permettre les visites des enfants des détenus et que le personnel pénitentiaire soit formé à accueillir ces enfants. Toute nouvelle mesure ou politique envisagée devra être étudiée du point de vue des effets qu’elle pourrait avoir sur les enfants venus pour une visite; elle devra en outre prendre en considération les droits de l’enfant. Les mesures de sécurité appliquées aux visites ne doivent pas être de nature à intimider les enfants;
10.3. à garantir que les prisons proposent des aires de jeux surveillées où les enfants pourront être pris en charge afin que leur mère et d’autres visiteurs puissent si nécessaire s’entretenir en privé au cours de la visite;
10.4. à autoriser les visites conjugales pour tous les détenus, en donnant librement accès aux moyens de contraception. Les prisons qui autorisent déjà les visites conjugales pour les hommes doivent aussi les autoriser pour les femmes. Les visites conjugales devront être autorisées pour les partenaires de même sexe, au même titre que pour les partenaires hétérosexuels.
11. Pour ce qui concerne le respect de la dignité des femmes détenues, l’Assemblée invite les Etats membres:
11.1. à garantir que les gardiens de sexe masculin n’exercent pas des fonctions impliquant un contact physique avec des détenues femmes et qu’ils ne soient pas chargés de leur surveillance dans les lieux où elles sont susceptibles de se dévêtir;
11.2. à mettre en place des moyens de protection des femmes détenues contre toutes les formes de mauvais traitements, y compris à caractère sexiste, de violences et d’exploitation, qu’ils soient le fait d’autres détenus ou du personnel pénitentiaire dans la prison ou lors d’un transfert; et
11.3. à garantir que les femmes détenues puissent porter plainte en cas d’abus sexuel ou de violences, que ces actes soient le fait d’autres détenus, de visiteurs ou du personnel pénitentiaire dans la prison ou lors d’un transfert.
12. Pour ce qui concerne la réinsertion sociale des femmes détenues, l’Assemblée invite les Etats membres à garantir que, lors de leur libération, les femmes voient leurs besoins pris en compte, notamment en cas d’absence de logement, en cas de chômage, de discrimination à l’emploi et de restitution de l’autorité parentale, réduisant ainsi le risque de récidive. Si des services sociaux s’occupaient d’une personne avant son incarcération, ils doivent être informés de sa libération et chargés de l’aider dans sa réinsertion sociale.

B. Exposé des motifs, par Mme Minodora Cliveti 
			(1) 
			La rapporteuse souhaite
remercier Mme Liz Scurfield, du Conseil
Quaker pour les affaires européennes, qui a contribué à la préparation
de cet exposé des motifs.

(open)

1. Introduction

1. Il est un fait que le nombre de femmes détenues dans les prisons d’Europe ne cesse d’augmenter, puisqu’il s’est accru dans au moins 16 pays européens au cours des dix années écoulées entre 1994 et 2003, passant en Finlande de 122 à 205 (+ 68 %), aux Pays-Bas de 385 à 1 025 (+ 166 %) et à Chypre de 20 à 102 (+ 410 %) 
			(2) 
			Données
collectées par le Quaker Council of European Affairs dans le cadre
d’une enquête de portée européenne sur le statut des femmes en prison
(rapport publié en 2007).. Les infractions sont désormais plus nombreuses à se solder par une condamnation pénale, bien que les femmes commettent relativement peu de crimes de violence 
			(3) 
			«La proportion de femmes
condamnées à des peines de prison par les tribunaux de première
instance d’Angleterre et du pays de Galles est passée de 4 % en
1994 à 11 % en 2002. Dans les cours d’assises, cette proportion
est passée durant la même période de 30 % à 43 %» (Statistics on women and the criminal justice
system, publication du Home Office (ministère de l’Intérieur)
au titre de l’article 95 de la loi de 1991 sur la justice pénale
(version de 2003)). «A l’heure actuelle, les femmes sont condamnées
à des peines plus sévères pour des infractions moins graves» (Women’s
offending reduction programme action plan – UK Home Office, 2004).
«Neuf femmes sur 10 sont en prison pour des infractions non violentes» <a href='http://www.smartjustice.org/)'>(http://www.smartjustice.org/).</a>. Les enfants sont plus nombreux qu’auparavant à être séparés de leur mère ou à grandir en prison 
			(4) 
			En Angleterre et au
pays de Galles, «les deux tiers environ des femmes détenues ont
des enfants à charge. Chaque année, plus de 17 000 enfants sont
séparés de leur mère à cause de l’emprisonnement de celle-ci, et
5 % seule- ment d’entre eux restent dans le foyer familial après
la condamnation de leur mère» <a href='http://www.smartjustice.org/)'>(http://www.smartjustice.org/).</a>.
2. Le fossé entre les sexes est sans doute l’un des aspects les plus remarquables de la criminalité. En général, le crime est l’apanage des hommes, si bien qu’en survolant l’histoire des femmes en prison, l’on retrouve les mêmes inégalités. Les femmes étaient souvent emprisonnées dans des locaux inadéquats, où l’on insistait surtout sur leur rôle de ménagères et où on leur accordait un accès restreint à la formation. Les stéréotypes relatifs au rôle des femmes dans la société conditionnaient, par conséquent, la manière dont les femmes étaient traitées en prison.
3. Toutefois, malgré cette augmentation, les femmes ne constituent encore qu’une minorité de la population carcérale, si bien qu’il n’existe que très peu de prisons pour elles. Les femmes sont donc souvent détenues dans des endroits éloignés de leur domicile, d’où la difficulté qu’elles éprouvent à maintenir des liens familiaux. En outre, comme les régimes carcéraux ont été conçus spécialement pour les hommes, on constate le plus souvent un manque criant de programmes et de dispositions convenant à la population carcérale féminine.
4. Selon les règles en vigueur pour le traitement des prisonniers, les hommes et les femmes doivent autant que possible être détenus dans des institutions séparées ou, si la prison est prévue pour recevoir aussi bien des hommes que des femmes, dans des secteurs entièrement séparés.
5. Des études universitaires approfondies ont été effectuées sur certains aspects des problèmes que rencontrent les femmes en prison, notamment le projet MIP 
			(5) 
			«Women, integration
and prison» (Intégration des femmes en prison), projet MIP, 2005;
peut être consulté sur le site internet http://mip.surt.org/en/final_results.html.. Dans le cadre de ce projet, on a analysé l’origine sociale et les caractéristiques pénales des femmes détenues, et l’on en a conclu qu’une forte proportion de celles-ci ont connu toutes sortes d’exclusion sociale dès avant leur emprisonnement. L’étude postule que «pour pouvoir agir en fonction du sexe des détenus relevant de la justice pénale, il faut reconnaître les réalités de la vie des femmes emprisonnées, y compris le cheminement qui les a conduites à commettre des infractions pénales et les relations qui ont façonné leur existence» 
			(6) 
			«International Study
on Women’s Imprisonment – Current situation, demand analysis and
“best practice”», Frieder Dünkel, Claudia Kestermann & Juliane
Zolondec, université de Greifswald (Allemagne), 2005, p. 22..
6. Ce qui fournit un profil assez exact des femmes détenues dans la plupart des pays européens, c’est que par rapport à leurs homologues masculins, elles présentent un niveau d’instruction beaucoup plus bas, ont été victimes d’abus sexuels et de violences domestiques et se trouvaient au chômage avant leur emprisonnement. Cela ressort aussi bien de l’étude du Quaker Council for European Affairs (QCEA) sur les femmes en prison 
			(7) 
			QCEA,
«Women in Prison», p. 19. que du projet MIP.
7. Les prisons sont conçues dans l’optique de la masculinité, car la population carcérale est composée en majorité d’hommes. A cause de cela, comme du désavantage évident des détenues en matière d’origine sociale et de niveau d’instruction, les prisons, les régimes pénitentiaires et les programmes de réinsertion et d’éducation sont souvent inadaptés aux besoins spécifiques des femmes.
8. De même, étant donné la faible proportion de femmes dans l’ensemble de la population carcérale, les détenues se trouvent dans des types de prison souvent inappropriés pour elles: ainsi, des femmes peuvent être détenues dans des locaux mixtes où elles côtoient des détenus de sexe masculin, dans des prisons au classement et au régime sécuritaires trop stricts par rapport à l’infraction qu’elles ont commise, ou bien encore loin du lieu où elles habitent, à cause de la pénurie d’établissements pénitentiaires à proximité de chez elles, ce qui a pour effet de distendre leurs liens familiaux.
9. Les femmes vulnérables et économiquement défavorisées courent de plus en plus le risque d’être placées en détention provisoire, à cause de l’incapacité où elles se trouvent de verser une caution ou de rémunérer un avocat. Dans de nombreux pays, la proportion de femmes placées en détention provisoire est au moins égale à celle des détenues qui sont passées en jugement 
			(8) 
			«Draft Handbook on
Women in Prison», 15 février 2008, UNODC, p. 5.. On notera qu’en détention préventive, les conditions d’existence sont bien souvent pires que celles de la détention après jugement 
			(9) 
			Voir QCEA, «Women in Prison», p. 9., car on peut s’y voir refuser l’accès à l’éducation et au travail, rester enfermé dans une cellule vingt-trois heures sur vingt-quatre, ne disposer que d’un accès limité aux soins de santé et ne recevoir de visites qu’au compte-gouttes.

2. Problèmes rencontrés par les femmes en prison

2.1. Situation des femmes seules

10. Une peine de prison, même si elle est courte, a des effets désastreux sur les femmes, car elle perturbe considérablement la vie familiale. La plupart des femmes détenues sont mères de famille et, le plus souvent, seules à assumer la charge de leurs enfants. Quand une mère est en prison, la peine qu’elle purge affecte ses enfants et les autres membres de sa famille d’une manière disproportionnée, surtout si elle est seule à s’occuper de sa famille.

Les décideurs doivent se poser les questions suivantes:

  • Est-il approprié pour des enfants, quel que soit leur âge, de vivre en prison avec leur mère? 
			(10) 
			A cet égard, la pratique
est très variable. La recherche du QCEA indique que l’âge limite
le plus communément observé pour le maintien de l’enfant avec sa
mère détenue est de trois ans. A quel âge cela devient-il inapproprié? Quelles dispositions faut-il prendre pour les enfants qui vivent en prison, et de quel soutien social et éducationnel ont-ils besoin dans la prison, puis une fois dehors?
  • Quelles dispositions faut-il prendre pour que les enfants vivant hors de la prison gardent le contact avec leur mère et soient pris en charge de manière appropriée, mais sans que la mère coure le risque de perdre son autorité parentale?
  • Quelles dispositions faut-il prendre pour permettre aux enfants de visiter leur mère en prison afin de maintenir des liens familiaux?

11. Il faut que les mères puissent conserver leur rôle de parent, ce qui doit comporter la pleine autorité parentale et l’accès à des informations sur le bien-être des enfants. Afin de préserver des liens familiaux normaux (avec tous les membres de la famille, mais particulièrement les enfants), toute information relative au décès ou à une maladie grave d’un proche, quel qu’il soit, doit être rapidement communiquée à la détenue. Les détenues doivent être pleinement informées des décisions concernant l’éducation, la santé, le traitement médical éventuel et le bienêtre général de leur enfant et prendre part à ces décisions. Or, à l’heure actuelle, les difficultés de communication entre la prison et le monde extérieur font que les détenues ne sont pas forcément informées du bien-être de leurs enfants 
			(11) 
			«The European Prison Rules – A Gender Critique»,
QCEA, 2006, p. 16..
12. L’emprisonnement du père ou de la mère a sur l’enfant un impact qui peut se prolonger très au-delà de la durée de la peine et de la période suivant immédiatement celle-ci. Des recherches ont démontré à plusieurs reprises que beaucoup de détenus ont des parents délinquants: une étude conduite au Royaume-Uni et portant sur des hommes suivis pendant quarante ans a révélé que ceux qui ont été affectés, étant enfants, par l’emprisonnement de leur père ou de leur mère courent plus de risques que les autres d’adopter ultérieurement un comportement antisocial. Du fait de sa longue durée, cette même étude a révélé que «non seulement l’emprisonnement du père ou de la mère est un indicateur de criminalité parentale, mais il fait courir un risque spécifique à l’enfant» 
			(12) 
			Joseph
Murray et David P. Farrington (2005), «Parental imprisonment: effects
on boys’ antisocial behaviour and delinquency through the life-
course», in Journal of Child Psychology
and Psychiatry, volume 46, no 12, pp. 6 et 7. (autrement dit, le fait que le père ou la mère a purgé une peine de prison expose l’intéressé à un risque supérieur d’adopter ultérieurement un comportement antisocial).
13. Les enfants séparés de leurs parents pour d’autres raisons ne présentent pas autant de tendances antisociales. L’emprisonnement du père ou de la mère s’est avéré particulièrement annonciateur d’un futur comportement délinquant de l’enfant, quelle que soit la durée de la peine purgée 
			(13) 
			Joseph
Murray (2005), «The effects of imprisonment on families and children
of prisoners», in A. Liebling & S. Maruna (éd.), The effects of imprisonment, p.
449.. D’autres études ont permis de constater une «relation proportionnelle entre le nombre de fois où des parents ont été incarcérés et le nombre d’infractions commises ensuite par leurs enfants devenus adultes» 
			(14) 
			Joseph Murray et al. (2007), «Crime in adult offspring
of prisoners: A Cross-National Comparison of Two Longitudinal Samples»,
in Criminal Justice and Behaviour,
volume 34, no 1, p. 144., ce qui ne fait qu’accroître la nécessité de prévenir la récidive des parents.
14. Les enfants qui ont des parents en prison courent aussi plus de risques d’abandonner leurs études et de devenir délinquants que l’ensemble de la population. Les enfants placés en institution (souvent à cause de l’emprisonnement de leurs parents) risquent davantage de faire eux-mêmes connaissance avec la justice pénale: un quart des détenus d’Angleterre et du pays de Galles ont dû être pris en charge par les pouvoirs publics à un moment ou à un autre de leur enfance 
			(15) 
			Home Office
Strategic Plan (plan stratégique du ministère de l’Intérieur), cité
dans Contrepoint (2006), «A
place to call home: care leavers’ experience of finding suitable
accommodation», p. 3.. Toutefois, une intervention précoce et ciblée auprès des enfants de parents emprisonnés peut permettre de réduire ou d’atténuer certaines de ces difficultés ultérieures 
			(16) 
			Les informations relatives
à l’impact de l’emprisonnement des parents sur leurs enfants sont
tirées de «The impact of parental imprisonment on children», Quaker
United Nations Office (QUNO), 2007..
15. Etant donné le petit nombre de prisons pour femmes, certaines détenues peuvent se retrouver très éloignées de chez elles, ce qui rend particulièrement difficile le maintien des liens familiaux 
			(17) 
			«Femmes, intégration
et prison: analyse des processus d’intégration socio-professionnelle
des femmes sortant de prison en Europe», rapport national français
établi par l’équipe FAIRE, janvier 2005, p. 3 (http://mip.surt.org).. Les prisons pour femmes ne disposent pas toutes d’unités pour les mères détenues et leurs bébés; une mère peut donc se retrouver encore plus loin de chez elle alors même que le soutien et les conseils de sa famille lui seraient les plus nécessaires. Des détenues peuvent même être amenées à purger leur peine dans une prison de plus haute sécurité à seule fin d’être plus proches de leur famille.
16. Une condamnation peut aboutir à restreindre certains droits, mais ne doit pas affecter les droits de l’enfant d’un détenu. Or, on ignore souvent ces droits dans la manière dont on traite les détenus. Le Comité des droits de l’enfant des Nations Unies a reconnu en 2004 que les fils et filles de mères emprisonnées faisaient partie des enfants les plus vulnérables, et il s’enquiert périodiquement auprès des gouvernements du traitement des enfants de parents emprisonnés 
			(18) 
			«Consideration of the
Reports submitted by the State Parties under article 44 of the Convention
of the Rights of the Child, Concluding observations: Thailand»,
CRC/C/THA/CO/2, paragraphe 48..
17. Partout dans le monde, des bébés et des enfants en bas âge vivent en prison avec leur mère. Si c’est permis pour de très jeunes enfants, mais non pour des enfants plus âgés, c’est parce que le fait de séparer une mère de son bébé cause à celui-ci des problèmes affectifs, mais que le maintien d’un enfant dans l’espace confiné d’une prison nuit à son développement éducatif, d’où la nécessité de l’en retirer à un certain âge. Toutefois, on ne s’entend pas sur l’âge auquel il faut retirer l’enfant de prison.

2.2. Situation des femmes enceintes

18. Le milieu carcéral n’est pas l’environnement le plus adapté pour une femme enceinte, qui a besoin de soins et d’une attention spéciale. De mauvaises conditions pénitentiaires peuvent entraîner des complications aussi bien pour la santé de la future mère que pour le fœtus. Le manque de nourriture ou d’équilibre nutritionnel, les carences en vitamines, ainsi que l’absence de soins réguliers, d’un médicament approprié et d’une assistance médicale adéquate ne font qu’accroître ces risques de complication.
19. Les détenues enceintes ont besoin d’exercices et de vêtements appropriés. Beaucoup ont besoin aussi d’un soutien et d’une éducation au sujet de la grossesse. Or, les dispositions en la matière sont souvent inexistantes ou très insuffisantes.
20. Entre autres facteurs, la pénurie de personnel peut compromettre gravement la qualité des soins prénataux. Au Royaume-Uni, par exemple, on manque chroniquement d’agents pour accompagner les détenues jusqu’à un service d’échographie ou un autre service extérieur à la prison. Les rendez-vous pris avec ces services doivent donc souvent être annulés ou reportés, ce qui occasionne des pertes de temps. Or, non seulement cette situation est une cause de stress pour les femmes concernées, mais elle risque de compromettre leur capacité de prendre des décisions quant à l’avenir de leur grossesse 
			(19) 
			North J., «Getting
it Right? Services for pregnant women, new mothers, and babies in
prison», The Maternity Alliance, UK, 2006..

2.3. Naissance, allaitement et santé postnatale

21. Selon les normes internationales, les détenues doivent accoucher dans un hôpital ordinaire, en dehors du milieu carcéral 
			(20) 
			Ensemble
de règles minimales des Nations Unies pour le traitement des détenus
1957, règle 23.1, Règles pénitentiaires européennes 2006, Recommandation
Rec(2006)2, règle 34.3., car c’est nécessaire pour que la mère et l’enfant aient accès aux meilleurs soins et équipements médicaux possibles.
22. En outre, «il ne faut pas soumettre à une contention physique des femmes dont le travail a commencé, pendant leur transport à l’hôpital ou durant leur accouchement, sauf dans les cas où il existe des raisons impérieuses de penser que l’intéressée est dangereuse ou risque de prendre la fuite. Lorsqu’une femme représente un danger réel et important pour la sécurité des tiers, il faut épuiser toutes les autres méthodes de sécurité avant d’user de contention physique» 
			(21) 
			Human Rights and vulnerable
prisoners, Penal Reform international, cité dans «Women in prison:
A commentary on the Standard minimum Rules for the Treatment of
Prisoners», Bastick M., the Quaker United Nations Office, Genève, <a href='http://www.quno.org/'>http://www.quno.org/.</a>. «Néanmoins, de temps en temps, le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) a été confronté à des cas de femmes enceintes menottées ou autrement attachées à un lit ou une pièce quelconque de mobilier au cours d’un examen gynécologique et (ou) d’un accouchement. Une telle approche est tout à fait inacceptable et peut à l’évidence être assimilée à un traitement inhumain et dégradant. D’autres moyens de satisfaire aux exigences de sécurité peuvent et doivent être mis en œuvre.» 
			(22) 
			10e Rapport général
d’activités du CPT (1999), contenant une section sur les «femmes
privées de liberté», paragraphe 27, <a href='http://www.cpt.coe.int/'>http://www.cpt.coe.int/</a> fr/annuel/rap-10.htm#_Toc490361192.
23. Les femmes qui allaitent ont, elles aussi, des besoins sanitaires et nutritionnels particuliers. Les femmes venant d’avoir un enfant ont besoin d’examens de santé pour vérifier que leur organisme récupère bien et, par exemple, qu’elles n’ont aucune infection pouvant se transmettre à leur enfant par l’allaitement. Bien souvent, les femmes détenues sont dissuadées d’allaiter parce que cela serait perçu comme une perturbation du train-train pénitentiaire. Une fois né, l’enfant a besoin de soins immunologiques et d’examens de santé réguliers 
			(23) 
			Bastick
M., «Women in prison – A commentary on the Standard minimum Rules
for the Treatment of Prisoners», Discussion Draft, Quaker United
Nations Office, juillet 2005, p. 44..

2.4. Situation particulière des ressortissantes étrangères en prison et des mineures

24. L’on constate que les ressortissantes étrangères (immigrantes, réfugiées, demandeuses d’asile ou apatrides) sont particulièrement exposées et risquent de subir de multiples désavantages par rapport à d’autres détenues.
25. Les ressortissants étrangers ne résidant pas dans le pays où ils sont détenus rencontrent des difficultés particulières. En effet, si leur première langue n’est pas celle du pays en question, cela peut nuire à leur compréhension de la situation juridique où ils se trouvent et à la communication entre eux et un avocat. Les procédures juridiques risquent d’être ralenties par la nécessité d’une traduction et d’une interprétation, surtout si la première langue du détenu n’est pas largement parlée. Même lorsqu’ils parlent la langue du pays où ils sont détenus, ils ne connaissent pas forcément le fonctionnement de la justice pénale de ce dernier. Leur compréhension des règles pénitentiaires et du comportement que l’on attend d’eux peut différer de celui de leurs pairs, et ils risquent d’éprouver des difficultés à saisir les avantages et les sanctions du système pénitentiaire et de l’ordre juridique nationaux. L’isolement, l’incompréhension et la méconnaissance peuvent gêner l’accès des intéressés au travail, à la formation et à l’instruction, d’où un isolement aggravé.
26. Bien que les problèmes de contacts familiaux soient peut-être moins graves pour les ressortissants étrangers qui résident dans le pays où ils sont détenus, l’expulsion de ces personnes une fois leur peine purgée est génératrice de difficultés. S’il y a expulsion, celle-ci peut avoir plus d’incidences sur la famille lorsque la peine d’emprisonnement a pris fin. Les problèmes qu’une mère rencontre en prison sont plus aigus pour les ressortissantes étrangères que pour les ressortissantes du pays d’incarcération. Organiser une garde de substitution des enfants est en effet plus difficile sur de longues distances, avec des moyens de communication limités.
27. Il faut que le système carcéral et le système de justice pénale tiennent compte l’un et l’autre des retards pouvant se produire dans tous les domaines où la communication est importante et qu’ils prolongent les délais en conséquence. Les détenus étrangers doivent également recevoir un soutien supplémentaire pour se tenir en contact avec leur avocat, leur consulat et leur famille. La possibilité et les conséquences de l’accomplissement de la peine dans leur pays d’origine doivent leur être bien expliquées. Certaines prisons essayent de regrouper les détenus de même nationalité pour qu’ils puissent s’entraider, notamment dans le domaine de l’interprétation. Les prisons peuvent faire œuvre utile en s’efforçant d’assurer l’interprétation et la traduction et en mettant les ressortissants étrangers en contact avec des gens qui peuvent les aider, par exemple les ONG, les groupes de soutien et des individus de même nationalité qu’eux. Elles peuvent aussi informer les détenus étrangers des règles pénitentiaires dans les langues de ceux-ci et parler avec eux de règles, de culture et d’aspirations lorsqu’ils ont des difficultés à les comprendre.
28. En ce qui concerne les mineures détenues, il faut éviter qu’elles puissent être en contact avec des prisonnières d’âge adulte en essayant, dans la mesure du possible, de remplacer les peines d’emprisonnement par des peines de substitution ou de les loger dans des bâtiments à part.
29. En vertu des normes internationales, adultes et adolescents doivent être détenus séparément. «Les jeunes prévenus sont séparés des adultes et il est décidé de leur cas aussi rapidement que possible. Le régime pénitentiaire comporte un traitement des condamnés dont le but essentiel est leur amendement et leur reclassement social. Les jeunes délinquants sont séparés des adultes et soumis à un régime approprié à leur âge et à leur statut légal.» 
			(24) 
			Pacte international
relatif aux droits civils et politiques, article 10.2.b.
30. Pourtant, la proportion d’adolescentes parmi les femmes détenues est faible. Cela signifie qu’en réalité, les détenues sont parfois toutes logées dans le même secteur, adolescentes et adultes confondues. Cela peut mettre des adolescentes en contact régulier avec des femmes ayant un long passé de délinquance. Cependant, bien qu’une telle situation n’ait rien d’idéal, elle constitue parfois le seul moyen pour les adolescentes d’échapper à l’isolement et d’accéder à des possibilités de s’instruire.

3. Conditions de détention

3.1. Accès aux soins

31. Selon les règles européennes en vigueur, les détenus doivent tous avoir le droit d’accéder au même niveau de santé publique, y compris en matière de soins psychiatriques. Les Règles pénitentiaires européennes 2006 soulignent que «les détenus doivent avoir accès aux services de santé proposés dans le pays sans aucune discrimination fondée sur leur situation juridique» et que «la politique sanitaire dans les prisons doit être intégrée à la politique nationale de santé publique et compatible avec cette dernière» 
			(25) 
			Règles
pénitentiaires européennes 2006, Recommandation Rec(2006)2, règles
40.3 et 40.2..
32. Ce qui pose un problème majeur, c’est le surpeuplement des prisons. Un grand nombre d’Etats membres du Conseil de l’Europe ont un niveau d’occupation des prisons supérieur à 100 %. Selon Amnesty International, un grand nombre de plaintes ont été déposées pour refus de soins médicaux, mauvais traitements et harcèlement sexuel.
33. Le surpeuplement carcéral est particulièrement propice à la propagation de l’hépatite et du virus du sida, ainsi que de la tuberculose. De nombreux pays ont signalé une forte incidence du sida au sein de leur population pénitentiaire. Dans les prisons des pays d’Europe centrale et orientale comme dans celles de l’ex-Union soviétique, les taux élevés d’infection par le VIH et de toxicomanie par injection sont de plus en plus préoccupants. En Lettonie, par exemple, on estime que les détenus représentent le tiers de la population séropositive du pays. En Europe occidentale, des taux de séropositivité particulièrement élevés ont été signalés au Portugal et en Espagne 
			(26) 
			«HIV/AIDS and HCV in
prisons – from evidence to action», exposé de Ralf Jürgens fait
à la conférence organisée en 2006 par le journal International Prisoner Health..
34. Comme la plupart des statistiques pénitentiaires ne sont pas différenciées selon le sexe, on manque d’informations sur le nombre de femmes séropositives dans les prisons européennes. On sait, toutefois, que beaucoup de détenues ont été victimes d’abus sexuels, ce qui peut les avoir exposées à un risque accru d’infection VIH. En outre, les femmes arrêtées pour prostitution ou délits en rapport avec la drogue courent un risque élevé d’être déjà infectées par le VIH au moment où elles entrent dans le système pénitentiaire 
			(27) 
			Bastick M., op. cit., p. 51..
35. La population carcérale peut être considérée comme un groupe à haut risque pour ce qui est de la toxicomanie: les toxicomanes sont en effet surreprésentés en prison, et un large pourcentage de détenues ont été condamnées pour des infractions liées à la drogue (la possession de drogue, le plus souvent), ce qui montre que les drogues posent un problème important et croissant dans la vie des femmes délinquantes 
			(28) 
			Training
curriculum for womens’ prisons – health aspects, Claudia Kestermann,
in «International Study on Women’s Imprisonment – Current situation,
demand analysis and best practice», http://www.uni-greifswald.de/s3/Dokumente/Reader_womeninprison.pdf..
36. Beaucoup de ces femmes ont une longue accoutumance à la drogue, qui ne sera pas traitée pendant leur séjour en prison. A cause de l’usage d’alcool et de drogue et de leur style de vie, les détenues sont plus vulnérables que les hommes à un grand nombre de problèmes de santé physique et particulièrement exposées à des problèmes d’ordre psychologique. C’est pourquoi il importe qu’elles aient accès à des services de santé conçus pour répondre à leurs besoins. Il ressort toutefois d’une étude récente que seuls quelques pays européens ont élaboré des programmes de traitement de la toxicomanie à l’intention des détenus 
			(29) 
			«Problematic
drug users in prison», M. MacDonald, exposé fait à la conférence
«Criminal Justice and Drugs, Reducing Drug Use – Combating Crime,
Lessons from Other Countries on Dealing with Drug Related Offences»,
juil- let 2005, http://www.uce.ac.uk/crq/presentation/2..
37. Dans de nombreux pays, les femmes emprisonnées présentent des troubles mentaux (dépression, phobies, anxiété, névroses, automutilation et suicide), et ce, dans des proportions inquiétantes. Les recherches indiquent que ces femmes souffrent des troubles en question bien davantage que la population carcérale masculine et l’ensemble de la population. Là encore, l’incidence très élevée des maladies mentales parmi les détenues peut être imputée à la forte proportion de femmes emprisonnées pour des infractions liées à la drogue, de même qu’au taux élevé d’abus sexuels, physiques et mentaux subis par les intéressées. La santé mentale des femmes détenues peut pâtir aussi d’une anxiété quant à la sécurité des enfants restés dehors 
			(30) 
			Bastick, M., op. cit., pp. 56 et 57.. Les détenues formant un groupe minoritaire, leurs besoins en matière de santé sont souvent négligés. Cela demande à être corrigé d’urgence, tant du point de vue des droits de l’homme que s’agissant des maladies transmissibles – de celui de la santé et de la sécurité publiques.
38. Les femmes emprisonnées courent donc beaucoup plus que leurs homologues masculins le risque de s’automutiler (y compris en commettant des tentatives de suicide). Aussi les services de santé mentale des prisons doivent-ils répondre aux besoins spécifiques de l’un et l’autre sexes. La santé mentale des femmes risque de se détériorer dans les prisons surpeuplées, où l’on ne différencie pas les détenus sur la base d’une évaluation appropriée et où les programmes élaborés en leur faveur sont inexistants ou ne suffisent pas à répondre aux besoins spécifiques des femmes.

3.2. Personnel pénitentiaire

39. Selon le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT), la présence d’un personnel formé d’hommes et de femmes est bénéfique car elle favorise parfois une certaine normalité dans les lieux de détention.
40. Cependant, les risques de violence sont manifestes lorsque le personnel masculin occupe des postes en contact avec des femmes détenues, compte tenu notamment de l’organisation hiérarchique des prisons et de l’inégalité du rapport de force entre surveillants et détenues.
41. En effet, il a été noté dans plusieurs prisons que les abus sexuels sont plus courants lorsque les détenues sont surveillées par des hommes dans les ailes résidentielles.
42. Le déséquilibre entre la situation des gardiens et celle des prisonnières ainsi que l’environnement clos des prisons sont des terrains propices aux abus, au harcèlement, à l’exploitation, à la prostitution et au viol de ces dernières. Bon nombre de femmes ont subi des abus sexuels et/ou des traumatismes par le passé, et gardent des séquelles mentales et psychologiques. Par conséquent, il est essentiel que le personnel adopte une attitude rigoureuse et que les instances pénitentiaires mettent en place des procédures disciplinaires strictes.
43. Les Règles pénitentiaires européennes 2006 recommandent que les prisonniers ne soient fouillés que par un agent du même sexe 
			(31) 
			Règles pénitentiaires
européennes, Recommandation Rec(2006)2, règle 54.5.; et l’Ensemble de règles minimales pour le traitement des détenus stipule que les prisonnières doivent être encadrées et surveillées par un personnel féminin 
			(32) 
			Ensemble
de règles minimales des Nations Unies pour le traitement des détenus,
1957, règle 533.. Il est intéressant de noter que plusieurs Etats membres du Conseil de l’Europe tels que Chypre, la Géorgie, la Grèce, la Lettonie, le Luxembourg et le Portugal n’emploient pas de personnel masculin dans les prisons pour femmes.

4. Conséquences de l’emprisonnement des mères pour les enfants et leur vie familiale, aide à la réinsertion

4.1. Conséquence de l’emprisonnement pour la vie familiale

44. La plupart des femmes incarcérées sont mères. Par exemple, au Royaume-Uni, 66 % des détenues ont des enfants, dont 55 % au moins un de moins de 16 ans; plus d’un tiers, un ou plusieurs de moins de 5 ans; et 35 % sont mères célibataires.
45. Dans la majorité des cas, l’emprisonnement d’une femme peut aller non seulement à l’encontre de ses droits, mais aussi de ceux de ses enfants. Lorsqu’une mère est incarcérée, son bébé et/ou ses jeunes enfants ont la possibilité soit de l’accompagner en prison, soit d’en être séparés. Dans un cas comme dans l’autre, les enfants sont affectés.
46. Il est indispensable que les femmes puissent maintenir des liens et contacts avec leurs enfants. A cet égard, très peu de prisons disposent d’équipements adaptés aux visites des familles ou propices à la relation mère/enfant. La séparation familiale peut avoir de graves conséquences à long terme. Il convient donc de créer des centres destinés à recevoir convenablement les visiteurs, notamment équipés d’aires de jeux pour les enfants sous surveillance d’assistantes maternelles qualifiées. Le maintien des liens familiaux doit être encouragé par le biais des visites.
47. Pourtant, les installations prévues pour les visites ne sont généralement pas conçues pour recevoir des enfants et ne disposent pas d’aires de jeux. Les visites sont donc éprouvantes à la fois pour les familles, les détenues et les surveillants. Les fouilles corporelles conçues pour les adultes peuvent effrayer les enfants. L’amélioration des conditions de visite favorise le bon ordre et la sécurité dans les prisons.
48. Par conséquent, des efforts particuliers devront être fournis pour permettre aux enfants de détenus de se rendre dans les établissements pénitentiaires. Il importe que les enfants ne se sentent pas menacés par les fouilles et procédures de sécurité les concernant. Toute nouvelle mesure ou politique proposée sera analysée sous l’angle des conséquences pour les enfants qui fréquentent les prisons et du respect des droits de l’enfant. Le personnel pénitentiaire recevra une formation pour la prise en charge de ces enfants.
49. Dans la mesure du possible, les proches doivent pouvoir passer une nuit en prison dans le cadre de leur visite aux détenu(e)s. Ce type de visite prolongée est propice au resserrement des liens familiaux, notamment lorsque les enfants ont la possibilité de rester la nuit avec leur mère. L’utilisation d’une pièce séparée permet de se conformer aux consignes de sécurité. Il importe que les détenues aient droit aux «visites conjugales» et que les couples du même sexe ne fassent pas l’objet de discriminations. La mise à disposition de préservatifs protège la santé et la sécurité des prisonniers.
50. Tout détenu doit pouvoir décider qui il accepte de recevoir, quel que soit son âge. Les prisonniers ayant fait l’objet de violences familiales ont besoin d’un soutien spécial pour surmonter les difficultés rencontrées lors de contacts avec le monde extérieur.
51. Une forte proportion de prisonniers a été victime de violences et d’abus par le passé. Les liens familiaux ne devraient pas garantir automatiquement le droit de visite. Cette règle est censée assurer la sécurité des jeunes filles particulièrement vulnérables aux abus sexuels 
			(33) 
			«The European Prison Rules – A Gender Critique»,
QCEA, 2006, p. 16..

4.2. Education, formation et emploi

52. Bien que leur situation soit différente, les prisonnières ont tout autant besoin d’activités motivantes que leurs homologues masculins. Etant donné que leurs peines sont généralement plus courtes, il leur est plus difficile d’aller au bout des sessions d’enseignement (en particulier, des cours à distance de haut niveau) et d’obtenir un emploi. Les femmes étant moins nombreuses que les hommes dans les prisons, elles intéressent moins les entreprises cherchant à externaliser leurs services, ainsi que les prestataires de formations.
53. Si les politiques peuvent encourager l’enseignement et la formation au plus haut niveau dans les prisons, les établissements pénitentiaires peinent parfois à appliquer ce type de mesures. De plus, il arrive que les mères s’occupant de nourrissons en prison n’aient pas accès à des crèches: elles ne peuvent donc prendre part aux activités proposées.
54. Bon nombre de programmes destinés aux femmes portent sur des domaines traditionnellement féminins, tels que la couture et la coiffure, ce qui ne fait que renforcer les stéréotypes liés à l’appartenance sexuelle et la situation désavantageuse des femmes sur le marché du travail. Toutefois, il ressort d’observations faites en France et au Danemark que les détenues répondent mieux aux offres d’emploi/de formation de secteurs traditionnellement féminins.

4.3. Aide à la réinsertion

55. La situation des femmes à leur sortie de prison pose de grands problèmes. Même les courtes peines (ou périodes de détention provisoire) peuvent briser l’unité familiale: si à cause de l’emprisonnement les détenus sont privés de leur foyer (car ils ne peuvent payer leur loyer ni rembourser leurs emprunts), de leur emploi ou place dans le cadre de programmes de santé mentale ou de toxicomanie, les enfants sont pris en charge en raison de l’incapacité ressentie des parents à s’occuper d’eux. Lorsque la garde des enfants est retirée, il semble difficile de bénéficier de prestations ou d’un soutien sociaux. En effet, dans de nombreux pays, les parents figurent en priorité sur les listes de demandeurs de logements sociaux: les parents privés de leurs enfants se retrouvent donc dans un cercle vicieux car ils n’ont pas de toit pour les accueillir, et ne peuvent obtenir de logement car ils n’ont pas la charge d’un enfant à ce moment-là.
56. Même les parents qui ont travaillé ou suivi une formation en prison peuvent être en proie à des difficultés à leur sortie. Les employeurs ne sont pas forcément disposés à embaucher des personnes ayant un casier judiciaire ou ayant passé du temps en détention, même si elles ont été acquittées 
			(34) 
			Joseph Murray (2007),
«The cycle of punishment: Social exclusion of pri- soners and their
children», in Criminology and Criminal
Justice, volume 7, no 1, p. 57.. En outre, le manque d’indépendance financière peut empêcher les anciens détenus de monter leur propre société.
57. Compte tenu des multiples difficultés au moment de la sortie de prison, il importe que cette étape soit préparée par l’ensemble des personnes concernées: détenus, enfants et autorités. Après la mise en liberté, le soutien des différents organismes aide les anciens détenus à se réhabituer à la vie extérieure.
58. Les femmes qui purgent une peine, qu’elle soit de courte ou de longue durée, devraient pouvoir suivre des programmes pour les aider à surmonter les problèmes auxquels elles seront confrontées. Pour ce faire, les pouvoirs publics doivent prendre des mesures en vue de créer des centres d’accueil pour les ex-détenues et leurs enfants, d’autant plus que l’emprisonnement réduit fréquemment les chances de trouver un logement. Il n’est pas rare que les femmes fassent l’objet de discriminations au cours de leurs recherches d’un logement décent.
59. Manifestement, le fait d’avoir une famille dans laquelle retourner joue un rôle important dans la prévention des récidives: «Les familles ont une forte influence sur de nombreux aspects de la vie des détenus… Le contact familial est à l’origine de taux plus faibles d’automutilation au sein des prisons. La famille est l’un des facteurs principaux qui influent sur la réinsertion des exdétenus.» 
			(35) 
			Joseph Murray (2005),
«The effects of imprisonment on families and chil- dren of prisoners», in A. Liebling et S. Maruna (sous
la direction de), The effects of imprisonment,
p. 442. Selon une étude menée sur d’anciens détenus, seule la moitié de ceux qui n’ont pas eu de contacts avec les membres de leur famille au cours de la détention sont allés au bout d’une année de libération surveillée sans être à nouveau arrêtés, contre 70 % de ceux qui recevaient au moins trois visiteurs en prison 
			(36) 
			Karen Laing et Peter
McCarthy (2004), Risk, Protection and
Resilience in the Family Life of Children and Young People with
a Parent in Prison: A lite- rature review, p. 15..

4.4. Peines de substitution

60. L’emprisonnement ne s’impose en aucun cas pour beaucoup de femmes. Elles sont pour la plupart inculpées pour des infractions mineures et non violentes et ne présentent pas de danger pour autrui. Il y a celles emprisonnées en raison de leur pauvreté et de leur incapacité à payer les amendes; celles qui ont besoin de traiter des troubles mentaux ou une accoutumance à l’alcool ou à la drogue plutôt que d’être isolées de la société; enfin, celles tout aussi nombreuses qui sont elles-mêmes victimes mais pâtissent d’une législation ou de pratiques discriminatoires. En prenant des sanctions et des mesures, la collectivité répondrait presque certainement mieux que l’emprisonnement aux exigences de réinsertion sociale.
61. Pourtant, il ne fait pas de doute que le recours aux peines de substitution n’est que trop limité. Les changements à apporter aux voies d’approche des responsables politiques et aux systèmes judiciaires sont potentiellement considérables.
62. Il est essentiel de proposer aux femmes, dans la mesure du possible, des formules de substitution à l’emprisonnement, leur permettant dans un premier temps de garder leurs enfants auprès d’elles au lieu d’en être séparées, de conserver leur logement et de pouvoir continuer à travailler.

Commission chargée du rapport: commission des questions sociales, de la santé et de la famille.

Renvoi en commission: Doc. 10900 et Renvoi no 3248 du 30 juin 2006.

Projet de résolution adopté à l’unanimité par la commission le 16 mai 2008.

Membres de la commission: Mme Christine McCafferty (Présidente), M. Denis Jacquat (1er Vice-Président), Mme Minodora Cliveti (2e Vice-Présidente), Mme Darinka Stantcheva (3e Vice-Présidente), M. Konstantinos Aivaliotis,

M. Farkhad Akhmedov, M. Vicenç Alay Ferrer, Mme Sirpa AskoSeljavaara, M. Jorodd Asphjell, M. Lokman Ayva, M. Zigmantas Balčytis, M. Miguel Barceló Pérez, M. Andris Bērzinš, M. Jaime Blanco García, M. Roland Blum, Mme Olena Bondarenko, Mme Monika Brüning, Mme Bożenna Bukiewicz, Mme Karmela Caparin, M. Igor Chernyshenko, M. Imre Czinege, Mme Helen D’Amato, M. Karl Donabauer, Mme Daniela Filipiová, M. Ilija Filipović, M. André Flahaut, M. Paul Flynn, M. Pernille Frahm, Mme Doris Frommelt, M. Renato Galeazzi, M. Henk van Gerven, Mme Sophia Giannaka, M. Stepan Glăvan, M. Marcel Glesener, Mme Svetlana Goryacheva, M. Luc Goutry, M. Claude Greff, M. Michael Hancock, Mme Olha Herasym’yuk, M. Vahe Hovhannisyan, M. Ali Huseynov, M. Fazail İbrahimli, Mme Evguenia Jivkova, Mme Marietta Karamanli, M. András Kelemen, M. Peter Kelly, Baroness Knight of Collingtree, M. Haluk Koç, M. Andrija Mandić, M. Michał Marcinkiewicz, M. Bernard Marquet, M. Ruzhdi Matoshi, Mme Liliane Maury Pasquier, M. Donato Mosella, M. Felix Müri, Mme Maia Nadiradzé, Mme Carina Ohlsson, M. Peter Omtzigt, Mme Lajla Pernaska, Mme Marietta de Pourbaix-Lundin, M. Cezar Florin Preda (suppléant: M. Laurenţiu Mironescu), Mme Adoración Quesada Bravo, Mme Vjerica Radeta, M. Walter Riester, M. Andrea Rigoni, M. Ricardo Rodrigues, Mme Maria de Belém Roseira, M. Alessandro Rossi, Mme Marlene Rupprecht, M. Indrek Saar, M. Fidias Sarikas, M. Andreas Schieder, M. Ellert B. Schram, M. Gianpaolo Silvestri, Mme Anna Sobecka, Mme Michaela Šojdrová, M. Oleg Ţulea, M. Alexander Ulrich, M. Mustafa Ünal, M. Milan Urbáni, Mme Nataša Vučković, M. Dmitry Vyatkin, M. Victor Yanukovych, Mme Barbara Žgajner-Tavš, M. Vladimir Zhidkikh.

N.B. Les noms des membres présents à la réunion sont indiqués en gras.

Ce texte sera débattu ultérieurement.