1. Introduction
1. Le Conseil de l’Europe a une
longue expérience et a fait ses preuves dans le domaine de la jeunesse. Pourtant,
du fait de l’évolution de l’agenda en matière de jeunesse et de
l’agenda européen, il y a un risque que le Conseil de l’Europe reste
à la traîne, à moins qu’il ne s’attaque aux nouveaux défis tout
en respectant les principes et les normes établis. Autrement dit,
il doit indiquer tant les vaches sacrées à sacrifier que les valeurs
qui lui tiennent à cœur et qui doivent encore être défendues avec
passion. De nombreux points de vue seront donnés sur ces questions.
Ce qui suit constitue une tentative de se saisir de certaines de
ces questions afin de donner un fondement ou un point d’ancrage
au débat. Le rapporteur remercie M. Howard Williamson pour son aide
dans la rédaction du rapport.
2. Le défi
2. Il fut une époque où les Etats-nations
d’Europe «faisaient» leurs jeunes, mais désormais ce sont les jeunes
qui doivent «faire» leur Europe. A cet effet, les gouvernements
doivent créer des conditions favorables et appropriées. Nous entendons
souvent la litanie selon laquelle les jeunes représentent l’avenir
et qu’ils doivent être considérés comme une «ressource à gérer,
non comme un problème à résoudre». Mais il faut certainement que
la politique en matière de jeunesse soit prise au sérieux si nous
voulons assurer la viabilité de nos sociétés et celle de l’Europe
dans son ensemble.
3. Il convient d’indiquer que ces conditions favorables à une
politique efficace en matière de jeunesse reposent sur quatre éléments:
apprentissage tout au long de la vie, citoyenneté active, insertion
sociale et sûreté (ou sécurité) individuelle et collective. Ces
éléments de base peuvent tout à fait coexister avec des questions
à la fois plus larges et plus spécifiques, telles que l’immigration
ou l’environnement, les droits de l’enfant ou la compétence professionnelle.
En effet, l’apprentissage comprend notamment les connaissances, les
qualifications et l’état d’esprit; les questions de citoyenneté
concernent l’identité, l’appartenance, la parole et la participation;
les questions d’insertion touchent à l’accès, à l’opportunité, à
l’engagement, à la reconnaissance, à la valeur et au respect; et
les notions de sûreté ou de sécurité impliquent une assistance et une
protection. Ce qui importe ici, c’est que ces questions soient généralement
conformes aux priorités politiques, professionnelles, publiques
et personnelles.
3. Les besoins des jeunes
4. Une autre litanie bien connue
est que les jeunes ne constituent pas un groupe homogène. Un débat
doit toujours avoir lieu sur la diversité des «besoins», sur les
différents «manques» et sur l’éventail de questions concernant la
vie des (différents groupes de) jeunes. Le paradoxe du Livre blanc
de 2002 de l’Union européenne, intitulé Un
nouvel élan pour la jeunesse, dans son appel à promouvoir
une plus grande autonomie de la jeunesse, consistait dans le fait
que l’enquête sur la jeunesse tendait à suggérer que, du fait des transitions
de plus en plus complexes entre l’enfance et l’âge adulte, ce dont
on avait besoin c’était plutôt un soutien accru. La boucle est bouclée,
bien entendu, en recommandant le soutien qui permet finalement l’autonomie
– ou la capacité à «gérer sa vie» – afin que les jeunes ne soient
pas entraînés par des forces échappant à leur contrôle.
5. Il existe incontestablement quatre grandes «lignes» de réflexion
sur les besoins des jeunes. Deux de ces lignes concernent ce qu’on
peut appeler les «besoins généraux ou universels». La première «ligne»
porte sur les méthodes d’apprentissage formelles qui permettent,
en principe, un engagement complet et productif dans la vie économique:
éducation, formation et emploi. Quels types de connaissances, de
compréhension, de qualifications, de compétences, d’aptitudes et
d’état d’esprit les jeunes doivent-ils acquérir pour avoir le plus large
éventail de choix et d’opportunités sur les futurs marchés du travail?
La deuxième «ligne» porte sur un apprentissage moins formel et parfois
«non formel» – au sein de la famille et dans le cadre des loisirs.
La question soulevée ici est la même que précédemment mais le contexte
et la destination sont la vie privée et la société civile.
6. Les deux autres «lignes» sont plus spécifiques. L’une porte
sur les jeunes dits «en difficulté» et l’autre sur ceux qui sont
«à problèmes». La terminologie porte toujours à controverse parce
que les deux groupes se chevauchent souvent. Néanmoins, il demeure
utile, au niveau des politiques, d’avoir une réflexion sur les groupes
vulnérables qui nécessitent d’autres formes de soutien et sur les
groupes contestataires qui nécessitent des formes d’intervention
complémentaires. Le premier groupe devrait comprendre, par exemple, les
jeunes ayant des handicaps physiques ou des difficultés d’apprentissage,
ou ceux qui sont sans abri, alors que le second devrait comprendre
les jeunes délinquants ou ceux impliqués dans l’abus de substances problématiques.
L’extension à ces groupes et leur prise en compte ont toujours été
et demeurent un critère politique important.
7. Les publications relatives aux enquêtes révèlent, de manière
évidente et cohérente, que les transitions vécues par la jeunesse
se prolongent et deviennent plus complexes et réversibles. Elles
ne suivent plus une évolution naturelle et linéaire, qui va de la
recherche d’un emploi au départ du foyer familial et de la prise d’indépendance
et de l’établissement de relations adultes à la fondation d’une
famille. Au lieu de cela, alors que de nombreux jeunes disposent
de plus d’opportunités que jamais auparavant, leurs décisions comportent invariablement
de plus grands risques avec une possibilité de vulnérabilité accrue.
Dans ces circonstances, les jeunes doivent rester «en bonne forme»
pour affronter les défis personnels, sociaux et économiques qui les
attendent. Ils doivent développer la capacité, la compétence et
la confiance nécessaires à leur future vie de famille, à leur engagement
civique et à leur participation au marché du travail.
4. Un argument de politique
8. Dans le cadre des politiques
nationales destinées aux jeunes, la tradition comme la tentation
consistent à orienter l’attention et les ressources sur les problèmes
causés par les jeunes et à chercher des solutions étroitement axées
sur ces questions. A titre d’exemples, on peut citer le retrait
prématuré de l’école, la grossesse précoce et les jeunes parents,
l’abus de substances illicites ainsi que, incontestablement en priorité, la
délinquance et les comportements antisociaux parmi les jeunes.
9. Il existe pourtant une autre position, laquelle est souvent
résumée politiquement par le soutien à la «prévention» et à «l’investissement
pour mieux épargner ensuite». Cela nous éloigne du cadre d’une politique de
règlement des problèmes et nous emmène vers une politique «axée
sur les opportunités». Cette position repose sur la pensée selon
laquelle, dans la complexité du monde actuel, les jeunes ont besoin
d’un vaste «ensemble» d’opportunités et d’expériences leur permettant
d’apprendre, de développer, d’affiner et d’appliquer un certain
éventail de qualifications.
10. Cet ensemble n’est pas gravé dans le marbre mais implique
un cadre d’apprentissage comportant à la fois un aspect formel et
non formel, un accès aux loisirs et aux opportunités culturelles,
un engagement envers les organisations de jeunesse, des expériences
à l’étranger et au niveau international, la familiarisation avec de
nouvelles technologies de l’information et de communication, des
conseils appropriés et des services d’information, et bien d’autres
choses. Il semble qu’il s’agisse du type de «droits» qui aident
les jeunes à devenir des acteurs de leurs propres vies. Ces droits
sont souvent acquis à travers une motivation personnelle et des
ressources privées et grâce au soutien familial, mais certains jeunes
ne disposent pas de ces catalyseurs internes; c’est vers eux, en
particulier, que la politique des pouvoirs publics en matière de
jeunesse doit se tourner.
11. Le débat autour de la politique de la jeunesse a toutefois
une double dimension. Tout en portant essentiellement sur l’insertion
sociale et la garantie de plus grandes opportunités (à défaut d’égalité)
en faveur des groupes les plus vulnérables et les plus désavantagés,
ce débat porte également sur l’apport de valeur aux expériences
des jeunes qui sont déjà assurément dans un processus de transition
réussie. La politique de la jeunesse couvre ici des questions telles
que l’implication des jeunes dans la prise de décisions, la promotion de
la sensibilisation aux questions d’environnement et le développement
accru de l’engagement envers la société civile et la promotion de
la citoyenneté active.
12. L’équilibre entre ces deux agendas – de l’insertion sociale
et de la citoyenneté active – exige des décisions mesurées mais,
dans le fond, il ne s’agit pas de questions distinctes ni séparées
mais plutôt de différents points d’un même ensemble. La politique
de la jeunesse doit, à tous les niveaux, déterminer qui doit en
bénéficier, pourquoi il s’agit d’une priorité et comment.
5. L’agenda du Conseil de l’Europe
en matière de jeunesse
13. L’institution du Conseil de
l’Europe est le défenseur et le promoteur des droits de l’homme,
de la démocratie et de la primauté du droit. Ces principes fondamentaux
ont été «traduits» dans le domaine de la jeunesse à travers un éventail
de pratiques, d’objectifs et de méthodologies. L’action du Conseil
de l’Europe dans le domaine de la jeunesse porte sur la participation
des jeunes, l’éducation à la citoyenneté démocratique et aux droits
de l’homme, l’apprentissage interculturel, la lutte contre le racisme
et l’intolérance, la promotion du leadership et de l’autonomie,
la diversité et l’insertion, l’apprentissage de la citoyenneté active
et la promotion de l’égalité et de l’accès.
14. Ce travail se fait notamment au moyen de formations, de symposiums,
de sessions d’étude, de séminaires, de campagnes et de moyens pédagogiques
– tous ces éléments reposant largement sur une philosophie et une
pédagogie de l’apprentissage actif et expérimental.
15. Il n’y a pas beaucoup d’intérêt à entrer ici dans les détails
car ce travail est bien connu. Cependant, en voici quelques éléments
marquants:
- cours et stages
de formats et de durées variables visant à développer différentes
compétences, à constituer des capacités et des réseaux pour la conception
et la réalisation de projets;
- sessions d’étude en coopération avec des associations
de jeunesse sur des sujets choisis correspondant aux priorités du
secteur de la jeunesse;
- recherches et interventions dans le secteur de la jeunesse
tout en réunissant les compétences du triangle décideurs-chercheurs-mouvements
de jeunesse;
- contrôles des politiques de jeunesse: contrôle externe
des politiques nationales en matière de jeunesse en vue de soutenir
à la fois le développement de politiques nationales et internationales
en matière de jeunesse;
- campagnes «Tous différents, tous égaux» sur la lutte contre
le racisme, l’antisémitisme, l’intolérance et la xénophobie en 1995,
et sur les droits de l’homme, la diversité et la participation en
2006-2007;
- soutien de différents réseaux pour encourager la collaboration,
le travail de développement et les échanges de bonnes pratiques.
16. Il est certain que, dans le cadre de son activité multidimensionnelle
à l’égard de la jeunesse, le Conseil de l’Europe (depuis environ
dix ans, à travers sa Direction de la jeunesse) a joué un rôle unique
et important dans le développement et la mise en œuvre des politiques
de jeunesse, ne fût-ce que dans les domaines de la démocratie active,
des droits de l’homme et de la coexistence des diverses sociétés.
Ces questions et d’autres sont traitées dans le projet d’agenda
2020 qui est en cours d’élaboration pour la Conférence des ministres
européens responsables de la jeunesse à Kiev (Ukraine), en octobre
2008.
17. Ce travail s’est parfaitement imbriqué dans l’ambitieux travail
de la Commission européenne en matière de jeunesse. Cela a permis,
dès 1998, un partenariat Conseil de l’Europe-Union européenne sur
le développement de la formation et des programmes, qui a débouché
sur un plan de formation de longue durée à la citoyenneté européenne
et au cours de formation avancée pour les éducateurs en Europe,
puis à un autre partenariat dans les domaines de la recherche en
matière de jeunesse et de la coopération euro-méditerranéenne. Ils
ont tous été regroupés en 2005 dans un Partenariat unique en matière
de jeunesse, qui vient d’être confirmé et reconduit. Le principal
défi consiste à fixer des priorités dans un secteur où les demandes
sont croissantes et où il y a, en même temps, une réticence à s’écarter
d’un terrain balisé.
6. Défis pour le XXIe siècle
18. L’agenda du Conseil de l’Europe
en matière de jeunesse a incontestablement démarré après 1968, à
la suite des événements et des autres troubles estudiantins et des
jeunes travailleurs qui ont eu lieu à travers l’Europe. La demande
des jeunes consistant à faire entendre leur voix a été assourdissante.
Le Centre européen de la jeunesse a été créé, à Strasbourg, en 1972.
La participation des jeunes était la principale priorité et est
demeurée, depuis lors, une ligne directrice de tout le travail du
Conseil de l’Europe en matière de politiques de jeunesse.
19. Après la chute du mur de Berlin, en 1989, et la propagation
spectaculaire de la démocratie en Europe – mais avec son lot de
soupçons, d’intolérances et d’hostilités –, l’agenda en matière
de jeunesse a été quelque peu modifié pour se fixer comme priorités
la tolérance et la compréhension interculturelles, et les jeunes
des anciens pays communistes ont bénéficié des mêmes opportunités
que leurs voisins d’Europe occidentale, bien qu’avec des croyances,
des valeurs et des expériences inévitablement différentes. C’est
dans cet esprit que le Centre européen de la jeunesse de Budapest
a été créé, en 1995.
20. On pourrait alléguer que l’année 2001 constitue un troisième
tournant dans l’agenda du Conseil de l’Europe en matière de jeunesse.
Bien que les attentats contre les tours jumelles à New York aient
pu représenter une date symbolique, ce n’est pas la seule raison.
L’Europe fait actuellement face à d’énormes défis démographiques:
sa population juvénile se réduit tandis que sa population totale
vieillit rapidement. Et, pour différentes raisons (ne fût-ce que
l’élargissement sensible de l’Union européenne), les modèles de migration
et de mobilité en Europe se sont transformés au cours des dernières
années. Dès lors, un agenda actualisé du Conseil de l’Europe en
matière de jeunesse doit accorder une place plus importante et plus
grande aux trois questions liées que sont la mobilité, les religions
et la relation entre générations.
21. Au tournant du millénaire, la mobilité des jeunes, en particulier
ceux des pays de l’Union européenne, est allée croissant. Cette
mobilité «positive» reposait, en grande partie, sur les voyages
d’agrément ou l’accès accru aux opportunités d’apprentissage dans
d’autres pays. Ce scénario a rapidement changé. Nonobstant la légitimité
de la mobilité économique des jeunes (pour travailler dans d’autres
pays, essentiellement dans les secteurs des services et des prestations
sociales ou dans les secteurs économiques de l’«emballage» et de la
«cueillette»), de grandes inquiétudes apparaissent actuellement
à propos de la mobilité «négative» découlant de la traite illégale
de jeunes femmes liée à la prostitution et des migrations économiques
illégales, principalement des jeunes travailleurs.
22. Cette mobilité est accompagnée de frictions liées aux différences
religieuses et culturelles, ainsi que d’un conflit prévisible découlant
de croyances (souvent fausses) selon lesquelles les nouveaux migrants prennent
des emplois disponibles ou portent atteinte aux niveaux des salaires.
D’une manière ou d’une autre, les caractéristiques complexes de
la mobilité donnent lieu à des défis en termes d’acceptation et
de tolérance d’une plus grande diversité – dans le climat de «peur»
postérieur au 11 septembre 2001. Ainsi, les questions religieuses
et les questions connexes de culture, de style, d’identité et de
comportement – que ce soit sous la bannière de l’islam, de la chrétienté,
du judaïsme, du bouddhisme, de l’hindouisme ou de toute autre foi
– ont pris une importance croissante. Les nombreux débats qui ont
eu lieu à l’Assemblée parlementaire et le Livre blanc sur le dialogue
interculturel du Conseil de l’Europe revêtent ici une importance
particulière.
23. La question générationnelle est légèrement distincte, bien
qu’elle fasse également partie des questions de mobilité et de religion.
L’ancienne génération, bien que plus habituée à des communautés
plus homogènes et uniconfessionnelles, aura besoin de soutien de
la part d’une population de jeunes plus hétérogène et plus diverse.
Il se pourrait cependant que les jeunes supportent de plus en plus
mal la charge qu’ils sont censés assumer à l’égard de leurs voisins
âgés, en particulier s’ils estiment qu’ils ont été mal préparés
et mal «élevés» dans leur enfance. Ainsi, il y a une certaine urgence
à renforcer le dialogue et la communication intergénérationnels
et à conclure un pacte intergénérationnel acceptable. Jusqu’à présent,
cet aspect a été négligé dans la politique de jeunesse de la plupart
des quartiers.
24. Il peut être avancé que la question de la mobilité et les
questions religieuse et générationnelle constituent de nouvelles
priorités de l’agenda du Conseil de l’Europe en matière de jeunesse.
Elles doivent être intégrées à certains débats préexistants, être
éclairées par ceux-ci et y répondre, notamment en ce qui concerne
les transitions vécues par les jeunes, l’insertion sociale et la
participation des jeunes. Elles devront être reliées à de nouvelles
préoccupations politiques plus globales touchant à l’environnement,
aux identités (notamment les identités «nationales» et la citoyenneté)
et à la violence (ne fût-ce que la violence faite aux femmes et
au nom de «l’honneur»). L’ensemble du débat sur les politiques de
jeunesse doit, en particulier, être davantage relié à des discussions
plus larges sur la politique de l’enfance et de la famille, du fait
du paradoxe actuel selon lequel les «enfants» deviennent souvent
«jeunes» plus rapidement tandis que les «jeunes» demeurent souvent
plus dépendants de leurs familles d’origine jusqu’à ce qu’ils entrent
pleinement dans l’âge adulte. Cela fait partie (bien que de manière
distincte également) de la discussion nécessaire relative aux politiques
de jeunesse et générationnelles, et c’est aussi un aspect important
du débat sur la mobilité des jeunes, ce qui peut découler sur des
formes particulières de relations familiales (à la fois positives
et négatives) ou y contribuer; enfin, cela constitue aussi un point
majeur du débat religieux, dans lequel il y aura différentes approches
du développement de l’enfant et de la responsabilité familiale.
7. Comment l’agenda en matière
de jeunesse doit-il être mis en œuvre?
25. Le Conseil de l’Europe a été
à l’avant-garde des stratégies progressistes et efficaces visant
à impliquer les jeunes dans la conception et la mise en œuvre de
son programme de travail. Depuis plus de trois décennies, il a fondé
sa pratique de gestion sur le principe de cogestion – à travers
la prise de décision partagée entre un représentant du gouvernement
et les représentants des mouvements de jeunesse. Ce modèle doit
encore être plus largement imité, malgré l’élan croissant suscité
par l’agenda en matière de participation des jeunes, mais il est
appliqué à tous les niveaux de la politique et de la pratique de
la Direction de la jeunesse.
26. Cependant, des questions et des dilemmes demeurent quant au
but, à la pratique et aux résultats de la participation des jeunes.
«L’échelle de participation» légendaire comprend les différentes
étapes qui vont de mesures purement symboliques à un engagement
authentique. Ce fut peut-être utile par le passé, mais les choses
sont désormais encore plus complexes avec un manque de clarté entre
l’implication, l’engagement, la consultation, la prise de décision,
etc.
27. Bien que ces questions ne puissent être débattues en profondeur
ici, elles méritent quelques commentaires supplémentaires. De profondes
préoccupations persistent quant au profil socio-économique des jeunes
qui s’impliquent dans des structures décisionnaires à tout niveau
et, en particulier, au niveau européen: la structure et la nature
de l’action des institutions européennes privilégient inévitablement
les jeunes qui bénéficient d’un bon niveau d’instruction, qui s’expriment
avec aisance, sont capables de travailler dans des langues étrangères
et ont confiance en eux. Pour être pris au sérieux, les représentants
de la jeunesse doivent en effet s’adapter aux manières de travailler
et de discuter institutionnelles et bureaucratiques des adultes.
Des questions demeurent sur les phases dans lesquelles les jeunes
doivent s’engager et s’impliquer. Les mouvements de jeunesse diraient
bien sûr qu’ils doivent être engagés à toutes les phases, mais les
décideurs politiques sont souvent hésitants sur le point de savoir
si cette implication doit se faire en amont ou en aval – en définissant
le contexte et en déterminant l’objectif ou, au contraire, en reflétant
l’efficacité et en identifiant les faiblesses à corriger dans l’avenir.
Il y a, bien entendu, de nombreux points intermédiaires. Et il y
aura toujours des discussions sur les formes et les mécanismes les
plus appropriés pour faire asseoir les jeunes à la même table: bien
que la plupart optent sans réserves pour la représentation démocratique,
souvent au détriment du débat, il convient également d’accorder
une place à un certain niveau de «représentation catégorielle» afin
que les catégories sous-représentées de jeunes (tels que ceux retirés
de l’école, les jeunes handicapés ou les jeunes de l’assistance
publique) aient au moins une chance de faire connaître leurs expériences
et de faire comprendre leurs perspectives.
28. Le Conseil de l’Europe encourage systématiquement dans ses
activités concernant la jeunesse la sollicitation et la participation
de jeunes de milieux culturels, sociaux et économiques différents.
Cette attitude se reflète clairement dans les programmes des Centres
européens de la jeunesse et du Fonds européen pour la jeunesse.
La campagne «Tous différents, tous égaux» de 1995 a ouvert de nouveaux
modes de coopération avec des jeunes défavorisés d’horizons très
différents, et notamment avec des jeunes qui se heurtent à des discriminations
multiples. La diversité des activités ne se reflète pas nécessairement
dans les structures de cogestion. Toutefois, de nombreuses questions
sont encore sans réponse.
8. Dilemmes résiduels
29. Bien qu’une attention particulière
ait été accordée jusqu’ici, dans le présent rapport, aux questions relatives
à la participation de la jeunesse, il existe un certain nombre d’autres
questions «résiduelles» importantes qui doivent être prises en compte
dans tout agenda futur du Conseil de l’Europe en matière de jeunesse.
30. L’absence des jeunes «défavorisés» de l’activité du Conseil
de l’Europe en matière de jeunesse a régulièrement été constatée
et déplorée. Cela révèle davantage une différence entre les jeunes
qui ont la parole (démocratique) et ceux qui restent silencieux:
les premiers saisiront les opportunités offertes dans le domaine
de la jeunesse, les autres ont besoin d’une stratégie plus proactive
à leur égard.
31. La question de «l’autonomie opposée au soutien» a déjà été
soulevée. Historiquement, il y a eu de trop nombreuses initiatives
en matière de jeunesse qui ont échoué. Trouver le bon équilibre
entre la garantie de bases solides et l’accès à un espace libre
d’autonomie et de créativité requiert un jugement éclairé – que
ce soit dans la planification et la mise en œuvre d’un cours de
formation ou dans la promotion de l’esprit d’entreprise parmi les
jeunes.
32. De même, à tous les niveaux, une Europe caractérisée par la
mobilité et la diversité implique à la fois de la subtilité et de
la conviction quant à la manière de trouver le meilleur équilibre
entre un multiculturalisme tolérant et ouvert et l’application d’un
certain nombre de normes universelles fondamentales. Il est plutôt
facile de parler d’une hospitalité générale; il est beaucoup plus
difficile d’identifier les limites de la tolérance et les barrières
qui doivent être édifiées.
33. Une autre décision difficile, parfois considérée comme désagréable,
consiste dans la manière de trouver une voie entre un engagement
complètement volontaire de la part des jeunes et le fait de les
impliquer par des moyens non contraignants mais fortement persuasifs,
voire théoriquement «coercitifs». Si l’engagement demeure volontaire
(en n’impliquant que ceux qui cherchent activement à y participer),
les enquêtes nous montrent que ce sont les plus confiants et ceux
qui sont déjà intégrés qui se tailleront la part du lion, en marginalisant
encore plus les jeunes défavorisés.
34. Cela soulève d’autres questions relatives à la différence
entre les politiques de jeunesse «axées sur les problèmes» et celles
«axées sur les opportunités». Alors que les secondes peuvent constituer
un point de départ plus approprié, ce sont les premières qui sont
souvent choisies par défaut, étant donné qu’il peut en découler
une politique axée sur les opportunités. C’est l’objet des programmes
ciblés de prévention de la criminalité des jeunes, par exemple.
Une politique de jeunesse axée sur les problèmes ne doit pas toujours être
répressive.
35. Enfin, demeure la question de savoir comment la politique
de la jeunesse et la pratique sont élaborées. Malgré le discours
actuel sur la «base de preuves» et l’invocation du «triangle magique»
de la recherche, de la politique et de la pratique, la réponse honnête,
c’est que la politique de la jeunesse découle d’un ensemble de circonstances
pragmatiques et de préférences politiques autant que de preuves
scientifiques sur les jeunes. L’apport des enquêtes sur la jeunesse
est tout au plus partiel et sélectif.
36. Ces points sont soulevés non pour affaiblir les lignes directrices
de l’agenda du Conseil de l’Europe en matière de jeunesse, mais
pour souligner le fait qu’elles ne reposent pas toujours sur une
base ni sur des connaissances solides. Cela ne devrait pas nécessairement
poser de problème. En effet, cela peut constituer une force – le
travail du Conseil de l’Europe ne repose, en général, pas tant sur
un certain type de rationalité technique que sur un engagement en
faveur d’un ensemble de principes et de valeurs. Dans le domaine
de la jeunesse, cela tourne, à juste titre, autour de questions
d’accès, d’insertion et d’opportunité.
9. Structures effectives
37. Le Conseil de l’Europe a déjà
prouvé son engagement et son efficacité pour faire avancer son agenda en
matière de jeunesse en partenariat, à travers tout un éventail d’activités
de collaboration. Il a tissé des liens et conclu des accords de
coopération (plus ou moins formels et avec des niveaux de soutien
différents) avec d’autres organisations internationales et régionales,
des réseaux de recherche sur les jeunes et des réseaux paneuropéens
de mobilité de la jeunesse, d’information et de centres de la jeunesse.
38. Mais le plus important, c’est qu’il a consolidé son partenariat
avec l’Union européenne qui, parmi d’autres éléments de la pratique
actuelle, fait évoluer le Centre européen de connaissance pour les
politiques de jeunesse et les programmes de coopération dans la
région euroméditerranéenne.
39. Ces liens et d’autres sont évidemment très utiles pour consolider
la chaîne horizontale de la politique de la jeunesse. Le risque
qu’ils comportent, c’est celui de la dilution des valeurs protégées
par le Conseil de l’Europe en général et par la Direction de la
jeunesse en particulier. Il sera important, dans l’avenir, de vérifier dans
quelle mesure les différents «partenaires» de l’agenda du Conseil
de l’Europe en matière de jeunesse respectent ces valeurs et principes
dans leur propre politique et dans leur propre pratique.
40. Au sein du Conseil de l’Europe, il existe un besoin manifeste
de renforcement des rapports entre la Direction de la jeunesse et
d’autres directions. C’est notamment le cas dans le domaine de la
politique de l’enfance et de la famille. Il en va de même pour l’éducation
à la citoyenneté démocratique et le réseau d’Ecoles d’études politiques.
Cela peut aller de soi et correspond aux appels à un travail «transsectoriel»
et à la «transversalité». Il existe un préjugé favorable à l’enrichissement
mutuel et à la complémentarité, sans qu’il s’agisse nécessairement
d’une connexion complète.
41. Enfin, il y a le rôle politique des parlementaires, à la fois
au niveau national et à celui de l’Assemblée parlementaire. L’Assemblée
a été particulièrement active dans le domaine de la jeunesse (voir
annexe). Elle s’est principalement efforcée d’encourager la participation
des jeunes, que ce soit dans les organisations de jeunesse et les
parlements de jeunes ou comme jeunes dirigeants politiques. L’Assemblée
est invitée à réaffirmer son intérêt. Ses membres pourraient également
encourager les parlementaires nationaux à s’investir dans ce domaine.
Il ressort clairement des 15 analyses internationales des politiques
nationales de jeunesse, réalisées par le Conseil de l’Europe depuis
1997 (Finlande, Pays-Bas, Suède, Espagne, Roumanie, Estonie, Luxembourg,
Lituanie, Malte, Norvège, Chypre, Slovaquie, Arménie, Hongrie et
Lettonie), que leur défense et leur prise en charge au niveau politique
sont essentielles dans l’élaboration et la mise en œuvre des politiques
de jeunesse. Il n’y a absolument aucune raison que cela soit différent
au sein du Conseil de l’Europe. Les parlementaires ne doivent pas
se contenter de défendre cette cause, ils doivent aussi anticiper les
conséquences imprévues d’une bonne réflexion et reconnaître la nécessité
de réfléchir sur les failles et de recommencer le cas échéant.
42. Le travail substantiel à cet égard sera effectué en dehors
de l’arène politique par des professionnels et des mouvements de
jeunesse mais, en dernier lieu, il faudra une nouvelle approbation
au niveau politique lorsque les questions reviendront sur le tapis.
Ainsi, les parlementaires qui ont un intérêt pour les politiques
de jeunesse ont un rôle moteur à jouer, à la fois dans leurs propres
pays et dans le cadre de l’agenda du Conseil de l’Europe en matière
de jeunesse. Sans l’élan, le point d’ancrage et la protection qu’ils
fournissent, la défense de cet agenda – par les mouvements de jeunesse,
les fonctionnaires ou les chercheurs dans le domaine de la jeunesse
– peut s’avérer être un tâche vaine.
10. Conclusion
43. Le présent document s’efforce,
à de nombreux égards, de confirmer l’apport appréciable du Conseil
de l’Europe à l’agenda en matière de jeunesse en Europe au cours
des trente dernières années et plus. Beaucoup de questions et de
méthodes qu’il a mises en lumière, dans le cadre des valeurs pour
lesquelles il s’est engagé ont été intégrées aux politiques et aux
pratiques traditionnelles en matière de jeunesse ailleurs aux niveaux national
et international. Les jeunes ont souvent eux-mêmes fait avancer
ces approches et ces questions dans leurs propres pays (et ailleurs)
à travers «l’effet multiplicateur» souhaité. Ils ont aussi adapté
leur apprentissage méthodologique aux questions brûlantes apparaissant
dans leur environnement immédiat.
44. Il n’est donc pas nécessaire de procéder à un changement radical
ni à une révolution conceptuelle pour le XXIe siècle. Cependant,
il faut réfléchir et actualiser certains des anciens aspects de
sa politique et de sa pratique (ne fût-ce que la participation des
jeunes), rééquilibrer les priorités et intégrer des problèmes concrets (mobilité,
religion et génération) dans un cadre dont les piliers doivent être
l’apprentissage, la citoyenneté, l’insertion et la sécurité. Avec
un soutien politique approprié et opportun, cela doit constituer
la dynamique de la politique de la jeunesse qui peut déboucher sur
une mosaïque plus complexe.