1. Introduction
1. Les avis annuels de l’Assemblée sur les budgets du
Conseil de l’Europe ont pour objectif premier de permettre aux parlementaires
de mieux connaître l’Organisation et son évolution politique, de
formuler des recommandations sur les orientations et activités futures
du Conseil de l’Europe et enfin de donner un avis sur les implications
politiques des décisions prises par le Comité des Ministres concernant
le budget général de l’Organisation.
2. Comme l’an passé, je souhaite réagir non seulement sur les
perspectives budgétaires 2010, mais sur les principaux événements
qui ont marqué l’année 2008.
2. Audit
des comptes 2007
3. L’auditeur externe a formulé un avis sans réserve
concernant les comptes de gestion budgétaire pour l’année 2007 et
pris acte des améliorations effectuées pour permettre une conformité
totale des états financiers avec les normes IPSAS (Normes comptables
internationales pour le secteur public).
4. Ainsi, 2007 est le premier exercice pour lequel le Conseil
de l’Europe a produit des états financiers consolidés. L’auditeur
considère que les états financiers consolidés du Conseil de l’Europe
représentent la totalité des activités de l’Organisation, et de
ce fait, recommande de modifier le Règlement financier en vue de n’exiger
qu’une seule opinion d’audit externe sur les états financiers consolidés,
et que soit supprimée la disposition exigeant des opinions d’audits
distinctes sur les états financiers de deux accords partiels – Eurimages
et le Centre Nord-Sud – ainsi que sur les comptes de gestion budgétaire.
5. D’autre part, l’auditeur externe a également procédé à un
contrôle des procédures en place au sein de diverses entités administratives
dont le secrétariat de l’Assemblée. Ce dernier a été en mesure de
confirmer que les dépenses de l’Assemblée ont été étroitement contrôlées
et que les procédures financières étaient bien documentées.
6. En tant que rapporteur sur le budget, je suis satisfait des
mesures prises par le Secrétariat du Conseil de l’Europe, ces dernières
années, pour se conformer aux normes comptables internationales
IPSAS et par l’opinion de l’auditeur sur les dépenses de l’Assemblée.
3. Année 2008
7. L’année 2008 a été sans conteste marquée par le conflit
dans le Caucase, entre la Russie et la Géorgie, qui s’est déroulé
sur le territoire géorgien. Cette crise politique majeure entre
deux Etats membres a mobilisé depuis août 2008 l’attention de la
présidence du Comité des Ministres, du Secrétaire Général du Conseil
de l’Europe et naturellement de l’Assemblée parlementaire.
8. L’Assemblée a, dans ce contexte, mis en place une commission
ad hoc de son Bureau et organisé plusieurs missions en Fédération
de Russie et en Géorgie pour essayer de comprendre les raisons du
conflit, et elle a adopté deux textes importants: la
Recommandation 1846 (2008) et la
Résolution
1633 (2008) demandant aux deux Etats de renouer le dialogue afin
de promouvoir la stabilité à long terme dans la région.
9. En dehors de cette crise majeure, l’année écoulée a été marquée
pour notre Assemblée, en particulier, par la Conférence européenne
des présidents de parlements tenue au mois de mai. Au cours de cette
réunion, les présidents ont abordé deux défis essentiels lancés
à l’Europe pour l’avenir: trouver de meilleurs moyens d’amener la
société civile à s’impliquer davantage dans la vie politique de
nos nations, et veiller à ce que, au niveau national comme au niveau
européen, nos actions quotidiennes reflètent clairement les valeurs
en matière de démocratie, de droits de l’homme et de primauté du
droit qui sous-tendent tout ce que nous faisons.
10. Il convient également de se féliciter de la mise en place,
le 14 mars 2008, du Fonds fiduciaire «droits de l’homme» par le
Conseil de l’Europe, avec le soutien de la Norvège et de la Banque
de développement du Conseil de l’Europe. Ce fonds fiduciaire aidera
des projets en Europe visant à garantir le respect de la Convention
européenne des droits de l’homme dans les législations nationales,
la formation des professionnels du droit, la diffusion de la jurisprudence
de la Cour et l’exécution des arrêts de la Cour au niveau national.
11. Parmi les autres points forts de l’année 2008, il convient
de relever l’entrée en vigueur, le 1er février 2008, de la Convention
du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains.
La prostitution forcée et la traite des femmes et des enfants sont
hélas des phénomènes permanents en Europe et dans le reste du monde.
Cette convention qui a son propre mécanisme de suivi, le Groupe
d’experts sur la lutte contre la traite des êtres humains (GRETA),
devrait pouvoir être mise en œuvre efficacement.
12. Il convient également de se féliciter du succès de la campagne
du Conseil de l’Europe pour combattre la violence à l’égard des
femmes, y compris la violence domestique, à laquelle l’Assemblée
a contribué d’une manière importante en sensibilisant les parlements
nationaux, et dont la conférence de clôture s’est tenue les 10 et
11 juin 2008. Cette conférence a permis de présenter les bonnes
pratiques et de mettre en chantier une nouvelle convention du Conseil
de l’Europe pour prévenir et combattre la violence à l’égard des
femmes, y compris la violence domestique.
13. Par ailleurs, plusieurs nouveaux accords officiels ont été
conclus avec des partenaires extérieurs, notamment un accord de
coopération entre le Conseil de l’Europe et l’Agence des droits
fondamentaux de l’Union européenne ainsi qu’un mémorandum d’entente
entre le Conseil de l’Europe et, d’une part, l’Alliance des civilisations
des Nations Unies et, d’autre part, l’Organisation internationale
de la francophonie (OIF).
14. Enfin, signalons le lancement du Livre blanc du Conseil de
l’Europe sur le dialogue interculturel, lors de la session ministérielle
de mai 2008. Ce document prévoit diverses orientations pour la promotion
du dialogue interculturel, du respect et de la compréhension mutuels,
basées sur les valeurs fondamentales de l’Organisation.
4. Perspectives pour
2010
15. Lors de sa rencontre avec la commission des questions
économiques et du développement le 12 mars 2009, le Secrétaire Général
a fait part de la situation difficile dans laquelle il se trouve
pour l’élaboration des budgets du Conseil de l’Europe pour 2010.
Deux facteurs doivent être pris en compte:
- la nécessité de compenser la réduction du montant du reliquat
du budget ordinaire attendu pour 2008 (environ 2 millions d’euros
contre 4,9 millions d’euros en 2007 – dont 900 000 euros provenant
du reliquat de 2006) (+ 2,9 millions d’euros);
- l’augmentation des ajustements barémiques obligatoires
(+ 1 million d’euros).
16. Pour faire face à ces besoins, il conviendrait de redistribuer
4 millions d’euros à l’intérieur du budget ordinaire. Aussi le Secrétaire
Général a-t-il demandé aux grandes entités administratives des propositions budgétaires
en réduction de 3 % par rapport à l’année précédente, afin de lui
permettre de préparer un budget pour 2010, en tenant compte de la
volonté des Etats membres d’appliquer le principe de croissance
zéro en termes réels à leurs contributions au budget ordinaire.
17. Toutefois, cette orientation ne retient pas les demandes de
la Cour pour 2010, qui se chiffrent à près de 3 millions d’euros,
en tenant compte du nouveau plan triennal 2010-2012 de recrutement
proposé par cette dernière. Si ces demandes devaient être incorporées
dans le budget ordinaire en croissance zéro en termes réels, cela
pourrait se concrétiser par des demandes d’économies budgétaires
supplémentaires de l’ordre de 7 millions d’euros et uniquement sur
le budget ordinaire.
18. S’agissant plus particulièrement de la Cour, il est aisé de
comprendre que la situation de crise économique et financière actuelle
rende la discussion budgétaire plus difficile. Néanmoins, les nouvelles demandes
de cette dernière peuvent laisser les membres de l’Assemblée perplexes.
En effet, la Cour a bénéficié ces dernières années d’un soutien
considérable:
- un programme
de revalorisation de ses ressources pour les années 2003-2005;
- la création d’une cinquième section chargée plus particulièrement
des arriérés d’affaires pendantes;
- un nouveau programme de renforcement des ressources pour
les années 2006-2008.
19. Ainsi, entre 2003 et 2009, le budget de la Cour est passé
de 35,4 millions d’euros à 57 millions d’euros. En 2003, la Cour
représentait 19 % du budget ordinaire; en 2009, 26,3 %. Pour mieux
illustrer mes propos, vous trouverez, en annexe, un tableau comparatif
des différents titres du budget ordinaire entre 2003 et 2009.
20. En termes de postes permanents, la Cour est passée de 382
postes au 1er janvier 2004 à 629 au 1er janvier
2009 (sur un total de 1 523 postes permanents en 2004 et 1 764 en
2009).
21. Dans le même temps, le nombre de requêtes en attente de traitement
n’a pas cessé d’augmenter pour atteindre le chiffre de 100 000 en
2009. Il convient de se poser la question de savoir si l’augmentation
des ressources financières et humaines est la bonne réponse aux
problèmes actuels de la Cour et si la ratification par la Fédération
de Russie du Protocole no 14 à la Convention
européenne des droits de l’homme est une réponse adéquate. Mais
comme l’a déjà dit le greffier de la Cour, la mise en œuvre du Protocole
no 14 apportera sans doute des améliorations dans le système actuel
mais ne résoudra pas le problème d’engorgement. D’ailleurs, plusieurs
experts renommés parlent du besoin d’une réforme de la réforme.
22. C’est la raison pour laquelle il serait souhaitable d’avoir
un vrai débat politique sur la place de la Cour au sein du Conseil
de l’Europe et sur son financement. En effet, si, malgré tous les
efforts consentis, la Cour n’est pas en mesure de faire face aux
nouvelles affaires qui lui sont soumises et de résorber l’accumulation d’affaires
pendantes, nous serions face à une fatalité. Dans cette perspective,
l’idée d’organiser prochainement une conférence à haut niveau sur
l’avenir de la Cour est bienvenue.
23. En attendant, il me semble qu’il serait préférable de demander
au Comité des Ministres de surseoir aux demandes de la Cour pour
l’année 2010 ou d’accorder à cette dernière des ressources extrabudgétaires supplémentaires.
Et ainsi prendre le temps de réfléchir sérieusement à l’avenir du
système européen de protection des droits de l’homme. On ne peut
pas accepter que la Cour, captant l’essentiel des ressources financières
mises à disposition du Conseil de l’Europe par les Etats membres,
assèche tous les autres secteurs de l’Organisation.
24. Mais, vu les circonstances, l’Assemblée pourrait faire un
effort exceptionnel, et c’est pourquoi dans l’avis sur les dépenses
de l’Assemblée pour 2010, il est proposé un plan d’économie de 2 %,
en évitant toutes mesures qui toucheraient le cœur même de son fonctionnement.
25. Néanmoins, il serait utile de projeter le Conseil de l’Europe
dans le futur. Or, le meilleur moyen de prévoir les besoins financiers
de l’Organisation à court, moyen et long termes est de passer de
la situation actuelle de l’annualité budgétaire à un cadre budgétaire
pluriannuel. Dans son Avis 264 (2007), l’Assemblée avait suggéré une
planification sur quatre, voire cinq ans, correspondant à la durée
du mandat du Secrétaire Général de l’Organisation.
26. Par ailleurs, la question du solde créditeur reste un sujet
d’interrogation. Pourtant, il est utilisé comme un instrument de
gestion financière. C’est la raison pour laquelle je trouverais
normal qu’il reste la propriété du Conseil de l’Europe et ne revienne
pas aux Etats membres. Il pourrait être automatiquement affecté
à un compte de réserve, quitte à modifier le Règlement financier
pour l’instituer.
27. Depuis des années, le Conseil de l’Europe bénéficie de ressources
extrabudgétaires venant en grande partie de la Commission européenne.
A ce titre, la nouvelle stratégie sur une gestion et mobilisation
des ressources préparée par le Secrétariat peut être bien accueillie.
Cependant, cette stratégie ne doit pas servir de prétexte aux Etats
membres pour renoncer à leurs obligations vis-à-vis du Conseil de
l’Europe et de son programme d’activités. En effet, l’expérience
montre que les ressources extrabudgétaires, d’une part, sont limitées
dans leurs montants et, d’autre part, sont accordées pour un temps
limité. De ce fait, il est plus difficile de maintenir un programme
cohérent d’activités sur le long terme.
28. En conclusion, 2010 sera une année charnière et la première
année pleine du futur Secrétaire Général du Conseil de l’Europe.
Ce dernier devra établir un dialogue ouvert et direct avec son personnel
et avec l’Assemblée, en particulier avec le prochain rapporteur
sur le budget. Quant au Comité des Ministres, il ne doit pas se
cantonner à une approche comptable concernant des agents de l’Organisation
et agir avec prudence sur la question des pensions.