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Rapport | Doc. 11924 | 25 mai 2009

La promotion de services de médias en ligne et sur internet adaptés aux mineurs

(Ancienne) Commission de la culture, de la science et de l'éducation

Rapporteur : M. József KOZMA, Hongrie

Origine - Renvois en commission: Doc. 11254 et Renvoi 3352 du 24 mai 2007. 2009 - Quatrième partie de session

Résumé

L’internet a favorisé un développement sans précédent des possibilités d’information et de communication, sans pour autant modifier les normes établies de liberté d’expression et d’information, qui incluent d’ailleurs les restrictions juridiques proportionnelles nécessaires à la protection des mineurs dans une société démocratique.

La réglementation des médias traditionnels impose des interdictions ou des restrictions aux contenus susceptibles de porter préjudice à l’épanouissement physique, psychique ou moral des enfants ou des adolescents. Mais la presse écrite, la radio et la télévision enregistrent une chute de popularité parmi les mineurs, ce qui réduit l’efficacité des politiques applicables aux médias traditionnels pour leur protection.

Par conséquent, plusieurs actions concrètes sont recommandées aux niveaux national et européen concernant les contenus illégaux et les contenus préjudiciables aux mineurs. La disponibilité de matériels de pornographie infantile est à cet égard particulièrement préoccupante et exige que les Etats, mais aussi les fournisseurs d’accès à l’internet et les industries des télécommunications, prennent des mesures supplémentaires.

A. Projet de recommandation

(open)
1. Vingt ans après l’idée de créer la Toile mondiale (World Wide Web), impulsée par l’Organisation européenne pour la recherche nucléaire (CERN) à Genève, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe rappelle la décision prise par les chefs d’Etat et de gouvernement lors de leur Sommet de Varsovie en 2005, de demander au Conseil de l’Europe de poursuivre ses travaux relatifs aux enfants dans la société de l’information, notamment en ce qui concerne le développement de leur culture médiatique et leur protection contre les contenus préjudiciables.
2. L’internet a favorisé un développement sans précédent des opportunités d’information et de communication. Pour autant, la nouvelle dimension technologique de l’information et de l’échange de données ne modifie en rien les normes établies de liberté d’expression et d’information, qui incluent d’ailleurs les restrictions juridiques proportionnelles nécessaires à la protection des mineurs dans une société démocratique.
3. L’internet occupe une place de plus en plus importante dans notre culture. Il véhicule presque tous les produits culturels avec plus de rapidité et d’efficacité que n’importe quel autre moyen de communication et impacte la société et sa culture en redessinant les relations et en introduisant de nouvelles formes de communication, notamment parmi les mineurs. Aussi, si nous voulons de solides fondements culturels, devons-nous prendre les mesures appropriées concernant l’utilisation de l’internet par les jeunes générations.
4. De plus en plus, les enfants et les adolescents ont la capacité d’élargir leurs horizons sociaux et culturels par-delà les frontières géographiques traditionnelles – tendance qui pourrait avoir pour conséquence un renforcement de la coopération internationale et de la compréhension entre les peuples. Les nouveaux services et technologies de communication offrent de nouvelles opportunités pour l’éducation formelle et informelle, la créativité, l’interaction sociale et la participation civique. Ces opportunités devraient être exploitées au bénéfice des enfants et des adolescents. Pour autant, il ne faudrait pas qu’avec les relations sociales en ligne, la vie réelle vienne à être remplacée par une réalité «virtuelle» dont nous ignorons encore les répercussions psychologiques et sociales.
5. Bien souvent, les mineurs ont accès aux services de l’internet et de la téléphonie mobile sans le contrôle des parents ou des enseignants. Images et sons se transmettent et sont accessibles facilement. La disponibilité de matériels de pornographie infantile est à cet égard particulièrement préoccupante et exige que les Etats, mais aussi les fournisseurs d’accès à l’internet et les industries des télécommunications, prennent des mesures supplémentaires.
6. Des mineurs dont le nombre croît rapidement livrent des pans entiers de leur vie privée sur internet, tandis que de nombreuses sociétés utilisent ces données à caractère personnel pour proposer des informations ou des profils personnels. La vie privée et des détails intimes entrent ainsi dans le domaine public pour une durée imprévisible. De plus en plus, les particuliers, les entreprises commerciales, les universités et les employeurs, entre autres, utilisent les informations personnelles disponibles sur internet pour décider des relations qu’ils auront avec telle ou telle personne. Or, les Etats ont l’obligation de protéger la vie privée en vertu de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme.
7. L’augmentation continue des activités publicitaires et commerciales sur internet et les médias en ligne entraîne des pratiques commerciales plus agressives, qui visent également les mineurs. Avec la dimension globale de l’internet, l’éthique et les normes juridiques peuvent être radicalement différentes. Partant, il serait extrêmement utile de concevoir des normes qui soient reconnues à l’échelon européen et si possible au-delà.
8. La réglementation des médias traditionnels interdit ou limite les contenus susceptibles de porter préjudice à l’épanouissement physique, psychique ou moral des enfants et des adolescents. L’Assemblée souligne que les parents peuvent et devraient définir pour leurs enfants ce qu’ils estiment préjudiciable ou pas. Dans les écoles et les bibliothèques, par exemple, les directeurs d’établissement et les bibliothécaires ont l’obligation de limiter l’accès aux contenus et aux services préjudiciables.
9. Pour relever les défis inhérents à l’internet à la maison, les parents ont besoin de l’appui des institutions sociales en faveur des familles et des écoles. A l’Etat, il incombe de sensibiliser, de fournir des éléments d’orientation, y compris contre les stéréotypes liés au genre et d’établir des normes minimales. Ces normes minimales devraient inclure les restrictions d’accès aux contenus violents, à la pornographie, à la publicité pour le tabac et les boissons alcoolisées, et aux jeux d’argent. Ces restrictions d’accès pourraient être mises en œuvre au moyen de filtres installés par les parents, les enseignants, les bibliothécaires ou d’autres, sur les dispositifs d’accès, de même que par les fournisseurs de contenus ou de services pour les mineurs.
10. Concernant les réseaux d’ordinateurs, la sécurité technique est en constante amélioration. Les pare-feu et les dispositifs individuels de sécurité installés sur les ordinateurs personnels sont en permanence perfectionnés pour suivre le rythme des progrès techniques de ceux qui tentent de franchir les barrières de sécurité. Partant, l’Assemblée estime qu’il sera utile, concernant les mineurs en particulier, de développer des réseaux d’ordinateurs sécurisés en accès restreint, autrement dit réservés à un groupe d’utilisateurs identifié – souvent appelés intranets, «walled gardens» (jardins clôturés) ou «gated communities» (communautés protégées) –, qui exigent généralement de se conformer à un code de conduite, relèvent d’un ensemble clair de dispositions juridiques et de la juridiction d’un pays donné et filtrent les contenus préjudiciables pour les mineurs. Toutefois, les systèmes de sécurité techniques ne pourront jamais remplacer une éducation appropriée largement accessible.
11. L’Assemblée insiste sur le fait que quiconque produit ou met à disposition des contenus ou des services illégaux doit être tenu responsable par la loi. Ces dernières années, les comportements et les contenus illégaux en ligne ont malheureusement augmenté, multipliant ainsi les risques pour les mineurs. Ce développement est renforcé par l’augmentation constante de l’utilisation de l’internet, la multiplication des contenus produits par des utilisateurs individuels à la place des fournisseurs de contenus institutionnels, l’expansion rapide des réseaux sociaux en ligne, souvent désignés par le terme de Web 2.0, et les progrès technologiques concernant la transmission et l’accès aux contenus audiovisuels. Par contraste, les médias traditionnels, comme la presse écrite, la radio et la télévision, enregistrent une chute de popularité parmi les enfants et les adolescents, ce qui réduit l’efficacité des politiques traditionnelles concernant les médias pour la protection des mineurs.
12. L’Assemblée rappelle la Convention du Conseil de l’Europe sur la cybercriminalité (STE no185) de 2001 qui institue le cadre juridique de la coopération internationale contre les comportements et les contenus illégaux sur l’internet et d’autres réseaux informatiques. Elle déplore que cette convention n’ait pas été signée par l’Andorre, Monaco, la Russie, Saint-Marin et la Turquie, et que l’Autriche, l’Azerbaïdjan, la Belgique, la République tchèque, la Géorgie, la Grèce, l’Irlande, le Liechtenstein, le Luxembourg, Malte, la Moldova, le Monténégro, la Pologne, le Portugal, l’Espagne, la Suède, la Suisse et le Royaume-Uni, mais aussi le Canada, le Japon et la République d’Afrique du Sud, ne l’aient pas encore ratifiée alors qu’ils l’ont signée.
13. L’Assemblée salue le programme de l’Union européenne 2009-2013 pour un internet plus sûr, «Safer Internet Programme 2009-2013», de même que les initiatives volontaires pour la sécurité de l’enfant relatives à l’internet, à l’industrie des médias en ligne et à la société civile. Les permanences téléphoniques internet, mises en place par les membres de l’International Association of Internet Hotlines (INHOPE), Association internationale de services d’assistance en ligne, par exemple, sont un outil précieux grâce auquel les enfants et les parents peuvent signaler les contenus et les comportements illégaux ou potentiellement préjudiciables. Sur une base volontaire, les fournisseurs de contenus peuvent procéder à une classification des contenus susceptibles d’être préjudiciables aux mineurs, conformément aux normes développées par la Internet Content Rating Association (ICRA), Association de classification du contenu de l’internet; cette démarche permet ensuite le filtrage parental des sites web pour adultes, par exemple.
14. L’Assemblée appelle les parlements des Etats membres et observateurs:
14.1. à évaluer les possibilités technologiques d’augmenter la sécurité des mineurs qui utilisent les services de médias en ligne et sur internet, y compris les télécommunications audiovisuelles mobiles, en particulier les systèmes de filtrage et les technologies de restriction d’accès;
14.2. à lancer, conjointement avec l’industrie de l’internet et les organisations de protection de l’enfance, des campagnes de sensibilisation du public ciblées sur les risques et les opportunités des mineurs qui utilisent les services de médias en ligne et sur internet, ainsi que sur les possibilités techniques d’apporter des restrictions aux contenus préjudiciables;
14.3. à apporter leur appui à la création et à la commercialisation de services adaptés aux enfants et aux adolescents, y compris les réseaux en accès restreint décrits au paragraphe 10 ci-dessus, de même que des logiciels gratuits pour permettre aux parents de filtrer les contenus qu’ils estiment potentiellement préjudiciables pour leurs enfants;
14.4. à promouvoir, en coopération avec l’industrie de l’internet et les organisations de protection de l’enfance et de défense de l’égalité des chances, ainsi que d’autres organisations de la société civile, des normes publiques concernant la qualité des contenus et la classification des services de médias en ligne et sur internet adaptés aux mineurs, et faire en sorte que l’accès aux contenus pour adultes soit effectivement restreint au moyen de systèmes de contrôle de l’âge installés par les fournisseurs de tels contenus;
14.5. à encourager les établissements d’enseignement publics ou privés, les musées, les orchestres et les autres institutions culturelles, de même que les diffuseurs du service public, à fournir des contenus en ligne et sur internet pour les enfants et les adolescents. Ils contribueraient ce faisant au renforcement de la compétitivité et de l’attractivité du patrimoine culturel européen pour les mineurs via les médias en ligne et sur internet;
14.6. à ratifier sans plus attendre la Convention sur la cybercriminalité et son Protocole additionnel, ainsi que la Convention sur la protection des enfants contre l’exploitation et les abus sexuels, si leurs gouvernements les ont déjà signées.
15. L’Assemblée recommande que le Comité des Ministres, conformément à la décision prise lors du Sommet de Varsovie en 2005:
15.1. aide les Etats membres à appliquer cette recommandation de même que les recommandations pertinentes du Comité des Ministres visant une utilisation plus sûre de l’internet et des médias en ligne, en particulier par les mineurs;
15.2. établisse une coopération avec le programme Safer Internet Programme de l’Union européenne et s’efforce d’obtenir des fonds supplémentaires pour l’action du Conseil de l’Europe par le biais de contributions volontaires des Etats membres et du secteur privé;
15.3. charge son Comité directeur compétent d’analyser les risques psychologiques potentiels que courent les enfants et les adolescents qui font une utilisation excessive d’internet et des médias en ligne, en particulier les réseaux sociaux suggérant une réalité virtuelle comme Second Life ou encoreles jeux et réseaux violents comme World of Warcraft, et de proposer des actions appropriées à mener par le Conseil de l’Europe et les Etats membres;
15.4. appelle les Etats membres qui n’ont pas encore signé la Convention sur la cybercriminalité et son Protocole additionnel à le faire sans plus tarder, et lance une campagne internationale en faveur de l’adhésion d’Etats non européens à la Convention sur la cybercriminalité afin de couvrir le plus largement possible le territoire global du cyberespace et d’éviter les zones géographiques non couvertes;
15.5. commence à travailler au renforcement de la responsabilité juridique des fournisseurs de services internet eu égard aux contenus illégaux, que ceux-ci proviennent ou non de tiers ou des utilisateurs; ces travaux pourraient exiger la rédaction d’un nouveau protocole additionnel à la Convention sur la cybercriminalité;
15.6. analyse la faisabilité de l’établissement de normes juridiques pour la réglementation des jeux d’argent et d’autres activités commerciales en ligne susceptibles d’être préjudiciables pour les mineurs et auxquels la législation nationale apporte généralement des restrictions lorsqu’ils sont proposés «offline».
16. L’Assemblée appelle les Etats membres à créer une institution nationale pour permettre la coopération entre les industries de l’internet et des médias, les organisations de la société civile et leur gouvernement concernant l’élaboration et l’application de la régulation des services de médias en ligne et sur internet.
17. L’Assemblée invite la Conférence permanente des ministres européens de l’Education à définir des principes directeurs de politique pour l’enseignement de la culture médiatique aux enfants, aux adolescents, aux parents et aux enseignants, ciblés plus particulièrement sur les services de médias en ligne et sur internet, de manière à leur apprendre à détecter les opportunités potentielles de même que les risques associés à de tels services.
18. L’Assemblée appelle l’industrie des médias en ligne à élaborer et appliquer des codes de conduite eu égard à la protection de la vie privée, à l’égalité des chances, aux activités commerciales ciblant les mineurs et aux contenus qui pourraient leur être préjudiciables. La gestion des permanences téléphoniques internet et d’autres mécanismes de plaintes contre les contenus ou les comportements potentiellement illégaux ou préjudiciables devrait être confiée à des fournisseurs de contenus et de services internet. Les services commerciaux proposés conformément à des standards éthiques élevés et à une haute protection de la sécurité des mineurs seront de plus en plus demandés sur un marché des médias en ligne et sur internet en pleine expansion.

B. Exposé des motifs, par M. Kozma, rapporteur

(open)

1. Introduction

1. Faisant suite à l’initiative de mon collègue britannique Robert Walter, la commission de la culture, de la science et de l’éducation m’a nommé rapporteur sur cette question et a organisé une audition d’experts à Paris le 10 mars 2009. Je tiens à remercier de leurs contributions les participants à cette audition, et notamment M. Zsombor Fekete, de l’association hongroise des fournisseurs de contenus internet, le Pr Divina Frau-Meigs, de l’université de Paris, et Mme Andrea Millwood Hargrave, de l’université d’Oxford.
2. Les services de médias en ligne et sur internet, par exemple par le biais de la téléphonie mobile, se répandent très rapidement. Les enfants et les jeunes tendent à préférer ces nouveaux médias aux traditionnels médias comme la presse écrite, la radio et la télévision. Ce développement, qui a démarré il y a deux décennies avec la création de la Toile mondiale, concerne aujourd’hui tous les secteurs de notre vie quotidienne, y compris l’information, la communication, l’éducation, les loisirs, la culture, les activités professionnelles et les contacts sociaux. Les considérables bénéfices sociétaux et individuels de ce développement sont largement connus et reconnus, à tel point d’ailleurs qu’il n’est plus nécessaire de sensibiliser quiconque sur ce point.
3. Toutefois, ces bénéfices vont de pair avec une exposition accrue à de nouveaux risques qui, compte tenu des rapides avancées technologiques, ne sont peut-être pas pris en compte de façon appropriée par la réglementation existante. Les décideurs sont pressés de réfléchir à ce phénomène et de rechercher de nouvelles approches. Parmi ces risques figurent les contenus illégaux et les contenus, certes légaux, mais qui peuvent être considérés comme inadaptés aux mineurs. Dans le premier cas, ces contenus doivent être supprimés et les responsables poursuivis. Le deuxième cas est beaucoup plus difficile à gérer. La définition de ce qui est susceptible d’être inadapté aux mineurs est subjective et peut varier d’un pays à l’autre. Ce rapport entend donc fournir des pistes de réflexion aux parlements, aux gouvernements et à l’industrie, et servir de tremplin à des travaux sur la question au sein du Conseil de l’Europe.

2. Les normes du Conseil de l’Europe

4. Le Conseil de l’Europe a développé plusieurs lignes directrices sur la question, et notamment les recommandations de l’Assemblée parlementaire: la Recommandation 1836 (2008) «Exploiter pleinement le potentiel de l’apprentissage électronique pour l’enseignement et la formation»; la Recommandation 1543 (2001) «Racisme et xénophobie dans le cyberespace»; la Recommandation 1466 (2000) «Education aux médias», ainsi que le projet de recommandation du Comité des Ministres visant à protéger les enfants contre les contenus et comportements préjudiciables, et à promouvoir leur participation active au nouvel environnement de l’information et de la communication; la Recommandation CM/Rec(2008)6 sur les mesures visant à promouvoir le respect de la liberté d’expression et d’information au regard des filtres internet; la Déclaration du 20 février 2008 sur la protection de la dignité, de la sécurité et de la vie privée des enfants sur l’internet; la Recommandation CM/Rec (2007)16 sur des mesures visant à promouvoir la valeur de service public de l’internet; la Recommandation CM/Rec(2007)11 sur la promotion de la liberté d’expression et d’information dans le nouvel environnement de l’information et de la communication; la Recommandation CM/Rec(2007)3 sur la mission des médias de service public dans la société de l’information; la Déclaration du 13 mai 2005 sur les droits de l’homme et l’Etat de droit dans la société de l’information; la Déclaration du 28 mai 2003 sur la liberté de la communication sur l’internet; la Recommandation Rec(2001)8 sur l’autorégulation des cybercontenus; et la Recommandation no R (99) 5 sur la protection de la vie privée sur internet.
5. Le Conseil de l’Europe est également à l’origine de la Convention sur la cybercriminalité (STE no 185) de 2001, qui a été signée par la plupart des Etats membres et un grand nombre d’Etats non membres. Cette convention, qui est le seul traité international sur cette question, devrait être ratifiée plus rapidement par ceux des Etats qui l’ont signée. Par ailleurs, il serait souhaitable que davantage d’Etats non membres adhèrent à cette convention pour éviter des failles qui pourraient saper les efforts internationaux déployés contre la cybercriminalité.
6. Conformément à la décision prise par les chefs d’Etat et de gouvernement lors du 3e Sommet des chefs d’Etat et de gouvernement du Conseil de l’Europe à Varsovie en 2005, le Conseil de l’Europe a préparé un manuel sur la culture médiatique ainsi qu’un jeu en ligne destiné aux enfants sur les possibles dangers de l’internet, intitulé «Wild Web Woods».

3. Les efforts internationaux

7. La Commission européenne gère le programme «Safer Internet Programme» (2009-2013) de l’Union européenne, actuellement doté d’un budget de 55 millions d’euros, qui fait suite à d’autres programmes similaires mis en œuvre depuis 1999. Le programme reconnaît que les enfants et les jeunes sont quasiment des experts des technologies en ligne. Pour autant, ils n’ont pas tous la maturité suffisante pour identifier les risques potentiels auxquels ils pourraient être exposés, sans parler de leurs conséquences possibles. Le programme vise donc à informer les jeunes, les parents et les enseignants des risques potentiels que courent les jeunes en ligne, de même qu’à lutter contre les comportements et les contenus en ligne illégaux et préjudiciables.
8. Les organisations internationales comme le Conseil de l’Europe pourraient prendre part à des actions à coûts partagés en vertu du programme «Safer Internet Programme» de l’Union européenne. Il serait intéressant d’explorer dans ce domaine les possibilités de travail en synergie entre l’Union européenne et le Conseil de l’Europe.
9. L’Union internationale des télécommunications (UIT) des Nations Unies a organisé le Sommet mondial sur la société de l’information (World Summit on the Information Society, WSIS) en 2003 et 2005, qui a également abordé les questions de sécurité et de sûreté en plus des questions d’accès, dans l’objectif de combler le fossé numérique à l’échelle mondiale.

4. Les normes des médias traditionnels

10. La protection des mineurs fait partie des objectifs, des normes et des politiques en matière de médias depuis plusieurs décennies. Dans tous les pays européens probablement, la publicité, la présentation et la vente de presse écrite et de vidéos pornographiques font l’objet de restrictions pour empêcher que les mineurs accèdent. A la télévision, les films violents ne peuvent être diffusés par les chaînes gratuites qu’après une certaine heure, ou par le biais de systèmes en accès restreint comme le paiement à la séance (pay-per-view). La publicité pour l’alcool et le tabac font généralement l’objet de restrictions dans les médias traditionnels, soit par leur interdiction pure et simple, soit par l’affichage d’avertissements sanitaires.
11. La Convention européenne sur la télévision transfrontière de 1989 (STE no 132), révisée en 1998, stipule par exemple, à l’article 7, que les services de programmes des diffuseurs ne doivent pas être contraires aux bonnes mœurs et notamment contenir de pornographie, et qu’ils ne doivent pas mettre en valeur la violence ni être susceptibles d’inciter à la haine raciale. Les éléments des services de programmes qui pourraient porter préjudice à l’épanouissement physique, psychique ou moral des enfants ou des adolescents ne doivent pas être transmis lorsque ces derniers sont susceptibles, en raison de l’horaire de transmission et de réception, de les regarder. Ces dispositions sont en cours de modification, conformément aux progrès technologiques et à la directive de l’Union européenne sur les services de médias audiovisuels. Toutefois, les objectifs devraient rester les mêmes. Toute restriction fondée sur le temps ne peut bien évidemment pas s’appliquer à l’internet et aux services de médias à la demande, où l’ensemble des programmes sont accessibles à tout moment.
12. Il y a vingt ans, la Recommandation no R (89) 7 du Comité des Ministres concernant des principes relatifs à la distribution de vidéogrammes à contenu violent, brutal ou pornographique proposait également tout un arsenal de mesures, dont l’autorégulation, la classification des contenus, ainsi que des systèmes de contrôle et d’interdiction. A l’époque, ces vidéogrammes pouvaient être achetés ou loués dans des commerces. Aujourd’hui, les mineurs peuvent télécharger des contenus audiovisuels via l’internet et les copier. Avec la multiplication des contenus générés par les utilisateurs sur ce que l’on appelle le Web 2.0, de plus en plus de contenus audiovisuels qui ne respectent pas nécessairement les normes imposées aux médias traditionnels seront produits et rendus accessibles par des personnes à titre individuel.

5. Les nouveaux défis

13. Les progrès technologiques réalisés dans le domaine des médias en ligne et sur internet constituent des défis pour les normes applicables aux médias traditionnels en matière de protection des mineurs.
14. Tandis que, par le passé, les contenus audiovisuels offraient une faible qualité d’image, il est possible aujourd’hui d’accéder à ces contenus par le biais de systèmes permettant la transmission plus rapide de flux de données plus importants. Il n’est donc pas nécessaire d’acheter des contenus enregistrés sur un support physique; les contenus sont accessibles sur les sites web, copiés sur ordinateur ou transmis par courriel.
15. Etant donné la portée mondiale de l’internet, les normes nationales qui s’appliquent aux fournisseurs de contenus nationaux peuvent ne pas être applicables aux producteurs et diffuseurs à l’étranger.
16. Avec les webcaméras et les caméras des téléphones mobiles, il est facile pour des utilisateurs individuels, y compris les mineurs, de créer des contenus audiovisuels.
17. Dans le monde en ligne, les contacts et les réseaux sociaux se multiplient. Beaucoup de ces réseaux sont ouverts aux enfants et aux jeunes et même conçus pour eux. Depuis quelques années se pose le problème de la sollicitation de mineurs à des fins sexuelles (grooming). Les cyberbrimades et le cyberharcèlement sont des phénomènes observés depuis peu. Tandis que le temps passé journellement sur les réseaux en ligne augmente, certains mineurs peuvent perdre le contact avec la vie réelle et s’isoler. On parle parfois dans ce cas de «cyberaddiction».
18. L’exploitation croissante des services de médias en ligne et sur internet à des fins commerciales a également généré des pratiques de vente et de publicité plus agressives. Des logiciels sont parfois utilisés pour identifier les utilisateurs et leurs mouvements sur l’internet, dresser le profil des utilisateurs et de leur comportement, tandis que des informations normalement à caractère privé sont recherchées, collectées et exploitées à des fins commerciales ou autres. Dans le monde offline, la vie privée des mineurs exige un niveau de protection plus élevé; partant, il est également nécessaire de leur garantir une plus forte protection en ligne.
19. Dans le travail conduit sur la protection de l’enfance, les parents ont été identifiés comme le point faible dans de nombreux cas de sévices ou de négligence d’enfants. Les enfants et les jeunes en savent généralement davantage sur internet et les médias en ligne que leurs parents. Le contrôle parental de l’utilisation de l’internet par les enfants est donc quasiment impossible sans une information et une formation adéquates des parents.

6. Les réponses apportées par les politiques

20. Pour mieux comprendre les défis et les possibilités associés à l’internet et aux médias en ligne, davantage de travaux de recherche et une meilleure sensibilisation du public sont nécessaires. La démarche de sensibilisation doit être étayée par des actions d’éducation et de formation fondées sur la recherche. En Europe, ce que l’on appelle le fossé numérique est plus un problème de génération qu’une question de condition sociale. La Conférence permanente des ministres européens de l’Education pourrait aider les ministres nationaux en convenant de lignes directrices pour une éducation dans ce domaine, tant pour l’éducation scolaire des enfants que pour la formation tout au long de la vie des parents.
21. Il existe des moyens technologiques pour imposer des restrictions aux contenus et aux comportements sur l’internet. Parmi ceux-ci figurent les filtres utilisés par les parents ou les fournisseurs commerciaux de services internet pour les enfants. De tels filtres peuvent bloquer les contenus que les parents jugent potentiellement préjudiciables pour leurs enfants, mais ils peuvent aussi faciliter la recherche et l’accès à des contenus adaptés aux mineurs. Bien évidemment, les contenus légaux ne doivent pas être bloqués par les autorités de l’Etat, qui pourraient être tentées d’utiliser ce moyen pour museler l’opposition politique. Par conséquent, les systèmes de filtrage appliqués par l’Etat pourraient être en violation de l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme. Au niveau des parents, des enseignants, des bibliothécaires ou de toute autre personne en charge des enfants, le filtrage des contenus ne soulève pas de problème en vertu dudit article. Au contraire, le contrôle exercé par les parents sur les contenus et les comportements en ligne de leurs enfants fait partie de leurs obligations parentales.
22. En France par exemple, les fournisseurs d’accès à internet ont signé un accord avec le gouvernement français pour fournir des logiciels de filtrage parental gratuits. En 2006, toujours en France, un «label familial» a été créé pour indiquer aux parents les contenus internet adaptés aux mineurs. En mars 2009, le Comité directeur sur les médias et les nouveaux services de communication (CDMC) du Conseil de l’Europe a proposé au Comité des Ministres de mettre en place un «label de qualité» pour les contenus internet.
23. Sur une base volontaire, l’Internet Content Rating Association (ICRA), association de classification du contenu de l’internet, a créé un système de classification des contenus susceptibles d’être préjudiciables aux mineurs; il est le plus souvent utilisé pour la labellisation des contenus violents ou pornographiques par leurs fournisseurs. Cette démarche volontaire permet non seulement aux parents de restreindre l’accès aux contenus dangereux, mais aussi aux adultes de repérer plus facilement les contenus qui les intéressent.
24. Les fournisseurs peuvent eux-mêmes restreindre l’accès aux contenus destinés aux adultes au moyen de systèmes de contrôle de l’âge. Toutefois, on peut s’interroger sur leur efficacité. Par exemple, en 2007 en Allemagne, la Haute Cour fédérale (Bundesgerichtshof) a jugé que les fournisseurs de contenus pornographiques sur internet devaient appliquer des systèmes de contrôle de l’âge plus adaptés pour effectivement empêcher les mineurs d’accéder à de tels contenus.
25. Il est envisageable de créer des réseaux sociaux qui respectent des codes de conduite stricts et requièrent un enregistrement vérifiable et l’identification de leurs membres. De tels réseaux pourraient être plus adaptés aux mineurs, d’autant plus s’ils leur sont réservés. Pour les parents de mineurs, les réseaux sociaux ayant adopté des normes élevées en matière d’éthique et de sécurité auront un avantage concurrentiel sur les réseaux sociaux qui ne sont absolument pas réglementés. Par exemple, en février 2009 au Royaume-Uni, une task force de représentants de l’industrie, d’associations caritatives, d’organismes chargés de l’application de la loi et du gouvernement a élaboré et présenté un guide de bonnes pratiques pour les fournisseurs de réseaux sociaux et d’autres services interactifs (Good practice guidance for providers of social networking and other user interactive services) qui donne des conseils aux fournisseurs, aux parents et aux enfants sur la façon de se protéger en ligne. D’autres pays pourraient suivre cet exemple.
26. Les contenus de qualité pour mineurs facilement identifiables présenteront le même avantage concurrentiel pour les parents. Les fournisseurs de contenus de confiance, comme les institutions culturelles publiques ou les diffuseurs du service public, devraient donc être encouragés à mettre en ligne des contenus de qualité pour les mineurs.
27. Les enfants ont une curiosité naturelle pour les nouveautés et une tendance à tester les limites qui leur sont fixées. Partant, les contenus interdits présentent à leurs yeux un attrait tout particulier. L’éducation est le meilleur moyen de faire face à ces comportements. Il faudrait ainsi sensibiliser les mineurs aux conséquences potentiellement dangereuses et leur apprendre à contrôler leur propre utilisation de l’internet et des médias en ligne. C’est ce que l’on appelle généralement la culture médiatique.
28. Les contenus et les comportements illégaux sont bien évidemment préjudiciables, et pas seulement aux mineurs. Les Etats devraient donc intensifier leurs efforts pour lutter contre la cybercriminalité. La signature et la ratification de la Convention sur la cybercriminalité apparaissent en la matière comme une condition minimale.
29. Par ailleurs, il serait utile que les utilisateurs qui ont été exposés à des contenus ou des comportements illégaux ou préjudiciables puissent contacter des permanences téléphoniques internet. L’International Association of Internet Hotlines (INHOPE), association internationale de services d’assistance en ligne, a obtenu de très bons résultats sur ce plan. Au Royaume-Uni, par exemple, l’Internet Watch Foundation offre un service qui permet de signaler la pornographie infantile et tout autre contenu internet ayant un lien avec les sévices à enfants, de même que les contenus illicites à caractère pornographique et les incitations à la haine raciale.
30. Les permanences téléphoniques internet peuvent être assurées par les fournisseurs de services internet, mais également par la police. Par exemple, la Virtual Global Taskforce, qui lutte contre les sévices à enfants en ligne, est constituée des forces de police d’Australie, du Canada, d’Italie, du Royaume-Uni, des Etats-Unis et d’Interpol.
31. Dans les secteurs dépourvus de législation, l’autorégulation de l’industrie de l’internet pourrait être utile. Elle serait même tout à fait pertinente concernant la protection de la vie privée des mineurs, de même que les activités commerciales ciblant les mineurs. L’industrie devrait donc développer des codes de conduite et s’assurer de leur pleine application.

Commission chargée du rapport: commission de la culture, de la science et de l’éducation

Renvois en commission: Doc. 11254 et Renvoi 3352 du 24 mai 2007

Projet de recommandation adopté à l’unanimité par la commission le 30 avril 2009

Membres de la commission: Mme Anne Brasseur (présidente), M. Detlef Dzembritzki (1er vice-président), M. Mehmet Tekelioğlu (2e vice-président), Mme Miroslava Němcová (3e vice-présidente), M. Vicenç Alay Ferrer, M. Florin Serghei Anghel, Mme Aneliya Atanasova, M. Lokman Ayva, M. Walter Bartoš (remplaçante: Mme Alena Gajdůšková), Mme Deborah Bergamini, Mme Oksana Bilozir (remplaçante: Mme Olha Herasym’yuk), Mme Guðfinna S. Bjarnadóttir, Mme Rossana Boldi, M. Ivan Brajović, M. Petru Călian, M. Miklós Csapody, M. Vlad Cubreacov, Mme Lena Dąbkowska-Cichocka, M. Joseph Debono Grech, M. Ferdinand Devínsky, M. Daniel Ducarme, Mme Åse Gunhild Woie Duesund, Mme Anke Eymer, M. Gianni Farina, M. Relu Fenechiu, Mme Blanca Fernández-Capel Baños, M. Axel Fischer, M. Gvozden Srećko Flego, M. Dario Franceschini, M. José Freire Antunes (remplaçant: M. José Luis Arnaut), Mme Gisèle Gautier, M. Ioannis Giannellis-Theodosiadis, M. Martin Graf, M. Oliver Heald, M. Rafael Huseynov, M. Fazail İbrahimli, M. Mogens Jensen, M. Morgan Johansson, Mme Francine John-Calame, Mme Flora Kadriu, Mme Liana Kanelli, M. Jan Kaźmierczak, Mme Cecilia Keaveney, Mme Svetlana Khorkina (remplaçant: M. Igor Chernyshenko), M. Serhii Kivalov, M. Anatoliy Korobeynikov, Mme Elvira Kovács, M. József Kozma, M. Jean-Pierre Kucheida, M. Ertuğrul Kumcuoğlu, Mme Dalia Kuodytė, M. Markku Laukkanen, M. René van der Linden, Mme Milica Marković, Mme Muriel Marland-Militello, M. Andrew McIntosh, Mme Maria Manuela de Melo, Mme Assunta Meloni (remplaçant: M. Pier Marino Mularoni), M. Paskal Milo, Mme Christine Muttonen (remplaçant: M. Albrecht Konečný), M. Tomislav Nikolić, M. Edward O’Hara, M. Kent Olsson, M. Andrey Pantev, Mme Antigoni Papadopoulos, Mme Zaruhi Postanjyan, Mme Adoración Quesada Bravo, M. Frédéric Reiss, Mme Mailis Reps, Mme Andreja Rihter, M. Nicolae Robu, M. Paul Rowen, Mme Anta Rugāte, Mme Ana Sánchez Hernández, M. Leander Schädler, M. Yury Solonin, M. Christophe Steiner, Mme Doris Stump, M. Valeriy Sudarenkov, M. Petro Symonenko, M. Guiorgui Targamadzé, M. Hugo Vandenberghe, M. Klaas De Vries, M. Piotr Wach, M. Wolfgang Wodarg

N.B. Les noms des membres ayant participé à la réunion sont indiqués en gras

Secrétariat de la commission: M. Ary, M. Dossow