1. Introduction:
le lobbying et ses acteurs
1. Les démocraties européennes sont de plus en plus
confrontées à des défis complexes entraînés par la mondialisation:
des groupes d’intérêts et des puissances économiques s’efforcent
d’influer sur la prise de décisions politiques, alors que la confiance
des citoyens dans les institutions et processus démocratiques et leur
participation à la vie politique ne cessent de décliner.
2. Si le pluralisme des intérêts est une caractéristique importante
de la démocratie et s’il est parfaitement légitime que des membres
de la société s’organisent et fassent progresser leurs causes, le
lobbying non réglementé et occulte, en tant que tel, peut aboutir
à la corruption des principes démocratiques et de bonne gouvernance.
Dans une démocratie, les intérêts de tous devraient être dûment
pris en compte et tous les citoyens devraient avoir le même accès
à la justice et à la prise de décision.
3. L’un des grands soucis des sociétés démocratiques a toujours
été de mettre les décideurs face à leur responsabilité pour éviter
tout abus de pouvoir, et elles se sont toujours efforcées de mieux
appliquer les mesures de lutte contre la corruption, à tous les
niveaux.
4. Dans toute l’Europe, des progrès sont marqués dans le domaine
des dispositions applicables au financement des partis politiques,
aux conflits d’intérêts et à l’influence du politique sur les systèmes
judiciaires. Cette tendance s’est également reflétée dans les travaux
de l’Assemblée parlementaire par des débats sur le rôle des parlements
dans la lutte contre la corruption (
Résolution 1214 (2000) sur le financement des partis politiques (
Recommandation 1516 (2001),
Résolution
1264 (2001) et
Résolution
1546 (2007)), sur l’éthique d’entreprise en Europe, (
Résolution 1392 (2004)), sur les conflits d’intérêts (
Résolution 1554 (2007)) et sur la situation de la démocratie et des droits
de l’homme en Europe (
Résolution
1547 (2007) et
Recommandation 1791
(2007)), textes auxquels viennent s’ajouter une série de rapports
sur les Etats membres, au titre d’une procédure de suivi (de leurs
engagements et obligations).
5. Toutefois, comme l’a montré la Conférence d’interface d’Octopus
du Conseil de l’Europe sur la corruption et la démocratie, organisée
à Strasbourg les 20 et 21 novembre 2006, très peu d’Etats membres
de l’Organisation ont, plus ou moins efficacement, réglementé les
activités de lobbying.
6. Au niveau européen, l’Union européenne génère un grand nombre
de normes juridiques qui affectent aussi des pays tiers. Pourtant,
le rôle des groupes de pression doit être clarifié, et c’est là
l’objectif de l’Initiative européenne pour la transparence, lancée
en mai 2006. Le fossé d’incompréhension entre les institutions européennes
et les citoyens européens ne fait malheureusement que se creuser,
tout comme ne fait que s’aggraver le soupçon qui plane sur les politiques
et décisions des institutions elles-mêmes. Cette situation exige
une réponse globale.
7. Votre rapporteur est convaincu qu’un code de déontologie européen
à l’intention des lobbyistes serait une mesure très précieuse pour
renforcer la transparence, la responsabilisation, la confiance du
public et la participation citoyenne au processus démocratique,
dans le cadre d’un train plus large de mesures législatives.
8. Le présent rapport va donc exposer des arguments forts pour
que le Conseil de l’Europe commence en priorité à travailler sur
un tel texte et encourage les Etats membres à adopter des règles
effectives en matière de lobbying. Il passera en revue un certain
nombre d’expériences nationales, les meilleures pratiques et les points
de vue émanant du secteur commercial, des groupes d’intérêts de
la société civile et de lobbyistes professionnels en vue de formuler
des propositions d’action au niveau européen et national.
9. L’homme de la rue est de plus en plus conscient que bon nombre
de décisions prises au niveau des parlements et des gouvernements
sont le résultat de pressions exercées par des pairs ou des groupes
de pression extérieurs. Même si le mot «lobbying» vient du terme
anglo-saxon «lobby», autrement dit la salle des pas perdus d’un
parlement où se réunissent les parlementaires avant et après les
débats, de nos jours, le lobbying se présente sous de multiples
formes.
10. Dans son acception générale, le lobbying est un effort concerté
pour influencer la formulation et la prise de décision politiques
en vue d’obtenir certains résultats visés auprès des services du
gouvernement et des représentants élus. Dans un sens plus large,
le terme peut faire référence à des actions publiques (par exemple
des manifestations) ou à des activités de nature publique menées
par diverses institutions (associations, cabinets-conseils, groupes
de conseil, cercles de réflexion, ONG, avocats etc.); d’un point
de vue plus limité, on peut le comprendre comme étant la protection
des intérêts économiques par le secteur des entreprises commerciales
(lobbying industriel), en fonction du poids du secteur sur la scène
nationale ou mondiale.
11. Très souvent, au sein de l’opinion publique européenne, le
lobbying tend à véhiculer une connotation négative et est fréquemment
perçu comme une forme de corruption ou de manipulation qui exclut
les citoyens ordinaires de la prise de décisions et contourne l’intérêt
général de la population.
12. Dans le même temps, il ne faut pas oublier que le lobbying,
effectué selon des règles claires et transparentes, est une partie
légitime du système démocratique et l’une des manières de permettre
aux citoyens d’exprimer leurs préoccupations. En outre, si on considère
le lobbying comme un vecteur d’expertise et de retour d’information,
il devient alors utile pour la conduite éclairée et équilibrée des
affaires publiques.
2. L’expérience
des Etats-Unis et du Canada
13. Les Etats-Unis et le Canada comptent parmi le très
petit nombre de démocraties occidentales avancées qui ont abondamment
légiféré sur l’activité de lobbying. Leur expérience et parcours
législatifs sont particulièrement pertinents pour le présent rapport.
La synthèse des réglementations figurant ci-après concerne, bien
entendu, le niveau fédéral dans ces pays, la situation dans les
entités de la fédération pouvant, quant à elle, varier considérablement.
14. Dans le milieu des années 1990, les Etats-Unis ont recodifié
les dispositions relatives au lobbying par l’adoption de la loi
fédérale de 1995 sur la publicité en matière de lobbying, dans le
texte de laquelle le Congrès admettait que les règles antérieures
concernant la publicité en matière de lobbying avaient été inefficaces
du fait du manque de clarté du langage juridique, de la faiblesse
des dispositions administratives et répressives, et de l’absence
de règles claires concernant les catégories qui étaient obligées
de s’enregistrer et la teneur des informations qui devaient être
divulguées; le Congrès estimait cependant qu’une divulgation publique étendue
de l’identité et de la portée des efforts des lobbyistes rémunérés
pour influencer des fonctionnaires fédéraux dans la conduite des
actions gouvernementales aboutirait à accroître la confiance publique
dans l’intégrité du gouvernement.
15. Aux termes de la loi, relève de la catégorie des lobbyistes
quiconque perçoit une rémunération d’au minimum 5 000 $ par période
de six mois, ou dépense au minimum 20 000 $ par période de six mois,
pour des activités de lobbying et quiconque entre en contact avec
plus d’une personne pour des activités de lobbying et consacre au
moins 20% de son temps sur une période de six mois à des activités
de lobbying pour une organisation ou un client individuel. De même,
les organisations sont tenues de s’enregistrer si elles envisagent
d’entamer des activités de lobbying dans les six mois suivants et
dépensent au moins 20 500 $ en activités de lobbying
.
16. Pratiquement tout type de communication – écrite ou orale,
avec des «fonctionnaires de la branche législative couverts par
les dispositions de la loi»
ou des «fonctionnaires de la branche
exécutive couverts par les dispositions de la loi» concernant la
formulation, la modification ou l’adoption de politiques ou de législations,
et l’administration ou l’exécution d’un programme ou politique au
niveau fédéral – est considéré comme du lobbying.
17. Les lobbyistes doivent se faire enregistrer dans les 45 jours
après l’établissement d’un contact dans le cadre de leurs activités
ou le début de leur emploi dans ce secteur. Ils doivent divulguer
des informations sur toute organisation qui apporte plus de 10 000
$ de soutien sur une période de six mois et joue un rôle majeur dans
la supervision des activités de lobbying de la personne qui s’enregistre,
ainsi que sur l’identité de toute entité étrangère influant sur
ces activités ou affiliée du client et qui a un intérêt direct dans
les résultats de l’activité de lobbying.
18. Tous les six mois, les lobbyistes enregistrés sont tenus de
déposer des rapports détaillés sur leurs activités, accompagnés
d’une estimation «sur l’honneur» du total de leurs dépenses concernant
leurs activités durant cette période. L’insuffisance ou l’absence
de respect de ces dispositions légales devrait déclencher une enquête.
Toutefois, cet aspect semble être le talon d’Achille de la loi.
Du point de vue des experts, l’application de la loi par le ministère
de la justice américain semble être très faible et la politique
de confidentialité qui l’entoure entre en conflit avec l’objectif
de la loi.
19. Selon une étude du Center for Congressional
and Presidential Studies à l’American University, les dépenses
directes pour des activités de lobbying aux Etats-Unis sont passées
de 1,4 milliards de dollars en 1998 à 2,1 milliards de dollars en
2004, près de 5 millions de dollars par an étant dépensés pour influer
sur les votes de chaque membre du Congrès. En 2007 ce chiffre a
atteint 2,82 milliards de dollars. Selon les estimations, les vrais
chiffres, incluant les montants dépensés pour des formes plus occultes
de lobbying, représentent jusqu’à cinq fois ces montants. Le nombre
de lobbyistes enregistrés a plus que doublé en à peine cinq ans
(entre 2000 et 2005): ils sont aujourd’hui 35 000 et il semble que,
depuis 1998, plus de 40% des membres sortants du Congrès se soient
lancés dans des activités de lobbying auprès de leurs anciens collègues.
Selon une autre étude de l’ONG «Public Citizen in the USA» pour
chaque dollar dépensé dans les activités de lobbying – le retour
des intérêts commerciaux atteint 100 dollars.
20. En 2002, Zbigniew Brzezinski, ancien conseiller pour la sécurité
nationale auprès du Président Jimmy Carter, avait appelé Washington
«la capitale la plus corrompue au monde», stigmatisant la culture
politique de son pays où «il n’y a pas de frontière entre ce qui
est illégal et ce qui est contraire à l’éthique». Comme pour faire
écho à ces préoccupations, le système politique américain a été
secoué en 2005 par l’affaire Abramoff – l’un des pires scandales
de corruption ayant touché la capitale fédérale – et par la démission
d’un représentant républicain au Congrès, après avoir admis qu’il
avait accepté 2,4 millions de dollars de pots-de-vin pour «pousser
le dossier» de certaines entreprises pour des contrats de défense.
Un sondage d’opinion a révélé que près de 90% des Américains considèrent
la corruption politique à Washington comme étant un problème grave
ou très grave.
21. Ce scandale politico-industriel a déclenché des propositions
de révisions législatives du texte de loi sur le lobbying en vue
d’obtenir une publication plus détaillée de toutes les sortes de
contributions apportées par des lobbyistes à des personnalités politiques,
et de porter à deux ans l’interdiction qui est faite à des représentants
sortant du Congrès d’exercer des activités de lobbying auprès de
leurs anciens collègues.
22. Après le renforcement de la position des Démocrates au Congrès,
à la fin de 2006, certains secteurs (compagnies pharmaceutiques,
groupes pétroliers et gaziers et entrepreneurs sous contrat gouvernemental en
Irak) ont fait l’objet d’un contrôle parlementaire accru. Le premier
jour même de la session du nouveau Congrès, de nouvelles règles
d’éthique ont été approuvées pour le Congrès et, le 24 mai 2007,
la loi de réforme sur le lobbying (H.R. 2316) a été adoptée.
23. Le
Canada a adopté sa
première loi fédérale sur le lobbying – la Loi sur l’enregistrement
des lobbyistes – en 1989 et l’a modifiée de manière assez substantielle
en 1995, en 2003 et en 2004. Contrairement à la législation américaine,
la loi canadienne sur les lobbyistes ne vise pas à superviser les
activités du secteur, ni n’exige la divulgation de toutes les informations
financières liées (rapports de dépenses) des lobbyistes ou des clients
qu’ils représentent
.
Elle n’oblige pas les personnalités politiques à enregistrer les
contacts ou à veiller à ce que les lobbyistes qui entrent en contact
avec eux sont bien enregistrés. Il est estimé que le fait de disposer
d’un registre est suffisant pour garantir le niveau de transparence
et d’ouverture nécessaire dans le processus démocratique pour que
tous les participants (citoyens, détenteurs de fonctions publiques,
lobbyistes et personnalités politiques) puissent en tirer profit.
24. Conformément à la définition donnée dans cette loi, est considéré
comme lobbyiste quiconque, moyennant une contrepartie, entreprend,
au nom d’une personne physique ou morale, d’entrer en contact avec le
détenteur d’une fonction publique en vue d’influer sur l’évolution
de propositions législatives, de positions ou d’amendements à des
lois et réglementations, sur l’élaboration de politiques, sur les
ordres du jour de réunion, sur l’attribution de subventions, de
fonds ou autres avantages et de contrats. Des amendements plus récents ont
consolidé la définition pour couvrir toutes les communications du
lobbyiste à l’intention des agents publics (cette catégorie couvrant
les membres élus de la législature ou du parlement concerné et leur
personnel; les employés du gouvernement et d’agences gouvernementales;
les membres du gouvernement). La loi fait également la distinction
entre ceux qui font du lobbying au nom d’un client (consultants)
et ceux qui font du lobbying au nom d’un employeur (lobbyistes employés
de sociétés ou d’organisations).
25. Lorsqu’ils s’enregistrent, les lobbyistes doivent déclarer
leurs fonctions et leurs titres (et donner une description des fonctions
occupées s’ils occupaient anciennement une fonction publique), les
détails et l’affiliation du client, le domaine de l’activité et
les résultats visés, et fournir des informations sur les institutions gouvernementales
auprès desquelles ils vont agir, les techniques de communication
utilisées (y compris le lobbying de terrain ou de proximité
),
les sources et montants de tout financement public obtenu par les
clients et préciser si le paiement dépend de la réussite de l’action
de lobbying.
26. Une fois enregistrés, ils doivent renouveler l’opération tous
les six mois tant qu’ils restent en activité. Le Canada a recensé
près de 3 200 lobbyistes enregistrés. Étant donné les conflits d’intérêt
potentiels, les ministres fédéraux ne peuvent exercer des activités
de lobbying pendant deux ans après la fin de leur mandat; pour d’anciens
hauts fonctionnaires, cette période est d’un an. La presque totalité
des lobbyistes au Canada s’enregistre par voie électronique et le
grand public peut accéder aux registres à tous les niveaux.
27. Le Canada s’est également doté, depuis 1997, d’un Code de
déontologie pour les lobbyistes qui définit les normes acceptables
pour l’action des lobbyistes et fixe un certain nombre de règles
clé. Ainsi, lorsqu’ils sont en activité, les lobbyistes doivent
publier le nom des clients qu’ils représentent et leur mission;
ils doivent donner des informations précises et traiter les informations
confidentielles avec prudence, informer leurs clients de leurs obligations,
éviter tout conflit d’intérêt pour les parties impliquées et s’abstenir
d’exercer une influence indue.
28. Les critiques à l’encontre du Code n’ont pas tardé à signaler
des lacunes, notamment les définitions vagues qui se prêtent à des
interprétations multiples, par exemple ce qui constituerait une
«influence indue». Ainsi, même si, en théorie, des violations aux
dispositions du Code déclenchent une enquête de la part du Conservateur
du registre et peuvent aboutir à une contre-publicité (mais pas
des amendes), en réalité, il n’y a jamais eu d’enquête de ce type.
29. Le non-respect des conditions posés par la loi sur l’enregistrement
des lobbyistes est puni de peines d’amende et, dans certains cas,
de peines d’emprisonnement (pouvant aller jusqu’à deux ans). Toutefois,
les observateurs notent des échappatoires dans les dispositions
juridiques applicables au lobbying et relèvent que cette loi est
faiblement appliquée du fait de ressources insuffisantes et de l’absence
d’indépendance du Conservateur du registre face au Gouvernement.
30. De plus, si les textes fédéraux sur le conflit d’intérêts
et le Code d’éthique pour les détenteurs de fonctions publiques
qui cessent leurs fonctions interdisent aux ministres, à leurs équipes
et aux personnes nommées au Gouvernement d’exercer des fonctions
de lobbyiste pendant un ou deux ans après la fin de leurs fonctions
officielles, il semble qu’il n’y ait aucune règle interdisant à
des lobbyistes de travailler pour le Gouvernement et des services
gouvernementaux pour lesquels ils agissent ou pour des partis politiques
et lors des campagnes de candidats à des élections. Sous le nouveau
gouvernement, des consultations sont en cours pour durcir les règles
du jeu concernant le lobbying, à la lumière de la mise en œuvre
de la loi sur la responsabilité fédérale.
3. La pratique actuelle
à l’Union européenne et dans d’autres institutions européennes
31. Après la deuxième Guerre mondiale, les Etats européens
ont progressivement transféré des pouvoirs décisionnaires à des
institutions supranationales. En ce qui concerne l’Union européenne,
ceci est particulièrement vrai pour les deux dernières décennies
qui ont été marquées par la mise en place et la consolidation du
Marché unique européen (tel que reflété dans la signature de l’Acte
unique européen en 1986), de l’Union économique et monétaire (avec
la signature du Traité de Maastricht en 1992) et d’une monnaie unique
européenne, ainsi que par des tentatives plus récentes d’adopter
une Constitution européenne.
32. Cette tendance à l’intégration, les vagues d’élargissements
successives et l’essor de Bruxelles en tant que plaque tournante
de la gouvernance et de l’élaboration de politiques ont généré une
activité croissante et une focalisation des groupes de lobbying
sur les politiques européennes. On estime que près de 15 000 groupes
d’intérêt
, dont 2600 disposant de bureaux
à Bruxelles, mènent actuellement des activités de lobbying auprès
des institutions de l’Union européenne.
33. Parmi les institutions de l’Union, c’est le Parlement européen
qui, le premier, en 1996, a examiné et entériné des propositions
pour des réglementations sur le lobbying au Parlement et les intérêts
financiers des parlementaires. Grâce aux Règles de Procédures 9
(1et 2), un registre du lobbying a alors été instauré, le collège
des questeurs étant dans le même temps responsable de la mise en
œuvre de ces règles et de la délivrance de badges
aux personnes souhaitant entrer fréquemment
au Parlement en vue d’apporter des informations aux parlementaires
dans le cadre de leur mandat parlementaire. Ces règles sont devenues
le socle de la politique du Parlement pour réglementer l’interaction
des parlementaires et des intérêts privés.
34. Les règles du Parlement européen définissent les lobbyistes
comme des organes privés, publics ou non gouvernementaux qui peuvent
apporter des connaissances et une expertise dans de nombreux domaines économiques,
sociaux, environnementaux et scientifiques, mais ne font nullement
mention explicitement des groupes d’intérêt tentant d’influencer
la politique ou la prise de décision, ni ne spécifient qui peut
être contacté par des lobbyistes (par exemple des parlementaires,
les membres de leur équipe, les fonctionnaires etc.). La formule
utilisée est très édulcorée, si ce n’est vague. Bien que les noms
de lobbyistes soient publiés sur le site internet du Parlement européen,
d’autres informations pertinentes (par exemple, la nature des travaux
des lobbyistes, les intérêts pour lesquels ils agissent ou toute
référence parlementaire tel qu’indiqué dans le document d’enregistrement)
ne sont, elles, pas publiées. Plus de 4 200 institutions sont accréditées
pour des activités de lobbying au Parlement européen.
35. En annexe au Règlement figure le code de déontologie que les
lobbyistes sont censés respecter. Ce code est de nature plutôt générale,
puisqu’il pose des normes minimales et des concepts très larges
difficiles à mesurer et à superviser (par exemple l’indication de
s’abstenir de toute action visant à obtenir des informations de
manière malhonnête ou à divulguer à des tiers des copies de documents
obtenus du Parlement). La seule sanction en cas de violation du
code par un lobbyiste est la suppression du badge d’accès au Parlement,
une sanction très rare.
36. On note que, par rapport aux réglementations applicables au
Canada et aux Etats-Unis, les exigences du Parlement européen en
matière d’informations obligatoires pour l’enregistrement des lobbyistes
sont très modestes. Ainsi les lobbyistes ne sont pas tenus de divulguer
les entités avec lesquelles ils sont en contact, les sujets abordés
et l’activité parlementaire couverte, les honoraires encaissés et,
les techniques de communication utilisées, les ressources dépensées
et toute indication d’une fonction antérieure occupée en tant que
fonctionnaire ou représentant élu. Il n’y a également pas de règle
interdisant à d’anciens parlementaires ou fonctionnaires du Parlement
européen d’exercer des activités de lobbying pendant un certain
temps après la fin de leurs fonctions officielles.
37. Depuis 1999, la Commission européenne a pris une série de
mesures liées à la transparence pour réglementer sa propre administration.
Au nombre de ces mesures, on citera la législation sur l’accès aux documents
(Règlement 1049/2001) et un registre des documents; l’accès du public
aux bases de données sur les organes consultatifs et experts conseillant
la Commission; une consultation élargie et une évaluation d’impact
avant des mesures législatives; le code de bonne conduite de l’administration
et le code de déontologie pour les commissaires. Le système CONECCS
(acronyme de Consultation, the European Commission
and Civil Society) a été mis en place pour servir de
base à un enregistrement volontaire des organisations de la société
civile (telles que syndicats, associations professionnelles et ONG)
souhaitant prendre part au processus consultatif. Toutefois, on
estime que 7% au maximum de l’ensemble des lobbyistes se sont effectivement
enregistrés.
38. Siim Kallas, Vice-Président de la Commission européenne et
Commissaire en charge de l’administration, de l’audit et de la lutte
contre la fraude, a ouvert un nouveau chapitre dans le débat sur
la réglementation du lobbying avec l’Initiative européenne en matière
de transparence, lancée en novembre 2005
et adoptée,
en tant que «communication», le 21 mars 2007. L’Initiative vise
à donner davantage d’informations publiques sur les bénéficiaires
finaux des fonds de l’Union européenne, les découvertes de l’Union
européenne et des investigations nationales en matière de lutte
contre la fraude, ainsi que sur toute une gamme de groupes d’intérêts
menant des activités de lobbying auprès de la Commission; elle entend ouvrir
un débat sur des règles communes d’éthique devant être appliquées
à tous les législateurs de l’Union européenne (comprenant les commissaires,
les fonctionnaires, les parlementaires et le Conseil de l’Union européenne).
Ayant examiné les arguments pour et contre un enregistrement obligatoire
des lobbyistes, la Commission a finalement décidé:
- d’ouvrir, au printemps 2008,
un nouveau registre volontaire pour les représentants d’intérêts,
ce registre ayant une fonction d’alerte;
- de renforcer la mise en œuvre des normes applicables en
matière de consultation de la Commission par l’utilisation d’un
site Internet pour les consultations en ligne et lié au registre;
- d’élaborer un code de conduite pour les relations entre
des représentants d’intérêts et les institutions de l’Union européenne,
qui sera supervisé par la Commission.
39. Le registre comportera des informations sur les ressources,
les principaux clients et sources de financement des personnes enregistrées,
en fonction des différentes catégories d’acteurs concernées: Les cabinets
conseil professionnels et les cabinets juridiques sont tenus de
communiquer le chiffre d’affaires lié au lobbying auprès des institutions
de l’Union européenne et le poids relatif (en chiffres de pourcentages
arrondis) de leurs divers clients dans ce chiffre d’affaires; les
lobbyistes «internes» et associations professionnelles devraient
indiquer les coûts estimés associés au lobbying direct auprès d’organismes
de l’Union européenne; les ONG et cercles de réflexion devraient
déclarer leur budget total et la ventilation des principales sources
de financement.
40. Apparemment, l’estimation du coût de l’effort de lobbying
est délibérément laissée à l’appréciation de ceux qui s’enregistrent,
sur le mode de l’autorégulation. Cela donne réellement l’impression
d’une réglementation dénuée de tout pouvoir coercitif, même en tenant
compte des arguments des lobbyistes concernant l’idée reçue erronée
que l’influence se mesure à l’argent et la confidentialité commerciale.
41. Le commissaire Kallas avait averti cependant que, faute d’autorégulation
et d’un enregistrement volontaire, inévitablement, la situation
évoluera vers un enregistrement obligatoire avec des conditions
de signalement plus strictes et des sanctions financières en cas
de non-respect des engagements.
42. Fin août 2007, un pas critique a été franchi lorsque l’Association
européenne des Cabinets de conseil en affaires publiques (EPACA),
représentant 38 grandes sociétés, a annoncé qu’elle boycotterait
le registre volontaire envisagé par la Commission européenne, qu’elle
juge discriminatoire et impossible à faire fonctionner. Elle déclarait
par ailleurs qu’une condition visant à publier des informations
financières commercialement sensibles (telles que les honoraires
des clients) constitue une violation du droit communautaire de la
concurrence. De nombreux cabinets juridiques ont également fait
savoir qu’ils s’opposaient au registre. De plus, en juillet 2007,
le médiateur européen a officiellement réprimandé le commissaire
de l’Union européenne chargé du commerce, Peter Mandelson, pour
avoir refusé de nommer les lobbyistes qu’il avait rencontrés.
43. Le 23 juin 2008, le premier registre des lobbyistes auprès
de la Commission européenne est ouvert. Selon les exigences du registre,
les organisations ont l’obligation d’indiquer leurs objectifs et
missions, leurs principales activités de représentation d’intérêts,
ainsi que des informations de caractère financier pour que les raisons
de toute activité de lobbying apparaissent clairement.
44. Le registre exige que «les organisations qui exercent des
activités de lobbying pour le compte de tiers devront indiquer le
nom de leurs clients. Lors de leur inscription, les représentants
d’intérêts doivent adhérer au code de conduite qui a été adopté
par la Commission européenne». Les principes suivants y sont fixés:
«la transparence, l’honnêteté et l’intégrité, qui devraient guider
les relations entre les représentants d’intérêst et la Commission
européenne. Il énonce également sept règles claires de comportement
que ces groupes doivent respecter».
45. Nous pourrons constater que l’ouverture du registre des lobbyistes
auprès de la Commission européenne constitue une avancée non négligeable
vers la normalisation de ces activités au niveau européen qui permet
de renforcer la culture de dialogue et de consultation avec différentes
parties prenantes, d’augmenter la transparence et aussi d’améliorer
l’image des lobbyistes souvent négative dans l’opinion publique.
46. Il est important de noter que les points de vue des acteurs
de lobbying diffèrent concernant la création du registre. Si les
conseils en affaires publiques considèrent que l’impact des ONGs
sur les décisions politiques augmente sans cesse, les ONG elles-mêmes
ne se considèrent pas comme des organisations de lobbying.
47. Il est également important de noter que l’inscription au registre
n’est pas obligatoire, mais facultative. Pourtant ceux qui sont
inscrits auront des avantages de participer aux consultations en
ligne que la Commission organise. Sans parler du fait que l’inscription
d’une organisation au registre peut renforcer son image et sa crédibilité
vis-à-vis de l’opinion publique.
48. En ce qui concerne la question d’un registre distinct pour
le Parlement européen ou bien d’un seul registre pour les deux institutions,
le Commissaire Kallas se réjouit que «le Parlement européen ait
proposé la création d’un groupe de travail mixte chargé d’établir
ce dernier dès que possible».
49. Les règles du Conseil de l’Europe concernant les relations
avec des groupes d’intérêts ne sont pas explicites. Les dispositions
pertinentes sont dispersées dans un certain nombre de textes réglementaires internes
applicables aux agents et dans le Statut (articles 36, 40 ainsi
que dans la Résolution statutaire (51) 30 pour ce qui est des relations
avec les organisations internationales intergouvernementales et
non-gouvernementales), ou encore codifiées dans plusieurs textes
adoptés par les organes de l’Organisation (Comité des Ministres
et Assemblée parlementaire).
50. Le rapporteur se félicite en particulier de l’adoption par
l’Assemblée de la
Résolution
1554 (2007) sur les conflits d’intérêts concernant les membres de
l’Assemblée. Nous devrions également citer ici les Résolutions (2003)
8 et 9 du Comité des Ministres portant respectivement sur le statut
participatif des organisations non-gouvernementales internationales
auprès du Conseil de l’Europe et sur la situation du partenariat
entre le Conseil de l’Europe et des organisations nationales non-gouvernementales.
4. L’expérience de
certains Etats membres du Conseil de l’Europe
51. EnAllemagne,
le lobbying tend à être perçu comme un processus quelque peu opaque
visant à influencer de manière indue l’élaboration des politiques.
C’est pourquoi les relations entre le gouvernement et les acteurs
privés (tels que les sociétés commerciales, les églises ou les syndicats)
ne sont pratiquement jamais cités comme faisant du lobbying. Le
parlement allemand compte parmi les rares parlements de l’Union européenne
à s’être doté de règles spécifiques sur l’enregistrement des lobbyistes.
52. Chaque année, les groupes d’intérêt souhaitant approcher le
Parlement et/ou le gouvernement fédéral afin de défendre leurs points
de vue doivent s’enregistrer en communiquant des informations sur
leur intitulé, leur siège, composition du Conseil de direction et
directeurs, leur domaine d’activité, le nombre de membres et les
noms et adresses de leurs représentants. Cependant aucune information
financière n’est requise aux fins de l’enregistrement.
53. De plus, le registre étant limité aux syndicats et organisations
professionnelles, diverses sociétés individuelles qui pourraient
se lancer dans des activités de lobbying n’ont pas d’obligation
de s’enregistrer. Le registre est mis en ligne et l’ensemble de
la procédure est supervisée par le Président du Parlement allemand. Une
fois enregistrés, les représentants de groupes d’intérêts ont accès
aux bâtiments et peuvent participer à la préparation de la législation
fédérale (mais ne peuvent pas être entendus par les commissions parlementaires).
54. Dans le même temps, le Parlement peut inviter les organisations
ne figurant pas sur le registre à apporter des informations sur
une base ad hoc et indiquer clairement que la consultation avec
des groupes d’intérêt, en particulier les associations professionnelles,
est une part essentielle du processus législatif. Étant donné que
cette consultation pourrait se tenir à un stade très précoce (dès
qu’un premier projet de loi a été préparé par les agents du Parlement),
les représentants de groupes d’intérêt peuvent apprendre l’existence de
travaux préparatoires à un projet de loi avant les parlementaires
eux-mêmes, et de ce fait influencer les propositions initiales du
projet. Outre les règles concernant l’enregistrement, la Loi fondamentale
du pays spécifie que les ministres fédéraux ne devraient coopérer
qu’avec des fédérations nationales et des organisations représentatives.
55. Il existe également plusieurs codes de déontologie pertinents
pour l’exécutif, les parlementaires et les fonctionnaires qui font
obligation de signaler les divers cadeaux, frais de voyage, tous
autres revenus supplémentaires, financement de campagne et des frais
de partis politiques, ainsi que l’adhésion à des organismes externes.
Plusieurs entités de lobbyistes agissant dans tout le pays, telles
que l’Association allemande des consultants politiques et la Société
allemande de relations publiques, se sont dotées de leur propre
code de déontologie volontaire auquel tous leurs membres sont encouragés
à adhérer. Chacun des 16 Länder allemands a ses propres règles concernant
le lobbying, qui sont très largement similaires à celles applicables
au niveau fédéral.
56. En France, on a récemment pu constater de multiples initiatives
visant à rendre les activités de lobbying plus transparentes, voire
même réglementer ces activités en adoptant une loi. Une proposition
de résolution a été déposée à l’Assemblée Nationale de la France
visant à modifier le règlement de cette dernière.
57. En France le lobbying a une connotation très négative. La
campagne menée par Londres pour l’attribution des Jeux Olympiques
de 2012 et les réactions des médias et des responsables politiques
ont montré que le lobbying restait toujours une activité négative
dans l’opinion publique, même si personne n’a contesté la légitimité
du vote des membres du Comité International Olympique.
58. Le 16 janvier 2008, la Commission des affaires économiques,
de l’environnement et du territoire de l’Assemblée Nationale a examiné
un rapport d’information sur le lobbying dont les propositions principales
sont les suivantes:
- valoriser
le lobbying bien compris en France;
- adopter une définition du lobbying;
- établir un code d’éthique qui fixe un certain nombre de
règles relatives à l’attitude des lobbyistes;
- créer un registre parlementaire des lobbyistes;
- organiser des consultations avec des lobbyistes préalablement
à la discussion des textes législatifs;
- publier un annuaire des parlementaires par spécialisation.
59. En France, depuis 1991, il existe l’Association Française
des Conseils en Lobbying et affaires publiques (AFCL) qui regroupe
les principaux conseils exerçant leur activité en France. L’AFCL
est dotée d’une charte déontologique pour ses membres.
60. Le 9 octobre 2008, à l’Assemblée Nationale, 18 syndicats et
associations ont lancé un appel en réclamant une loi pour clarifier
les liens entre les élus et les lobbyistes.
61. En Pologne, le débat sur la réglementation du lobbying s’est
déroulé dans le contexte d’une défiance très largement partagée
dans le grand public à l’égard des institutions publiques et du
mode de fonctionnement de la démocratie. Des sondages d’opinion
ont fait ressortir que la majorité des Polonais associaient le lobbying et
la représentation de groupes d’intérêts à la corruption, au financement
illégal de campagnes électorales, au favoritisme et à une prise
de décision opaque. En réaction au processus d’adhésion à l’Union
européenne, et dans le cadre de ce dernier, le Parlement polonais
a pris des mesures réglementaires en juillet 2005 en adoptant la
loi sur le lobbying dans le processus législatif, qui venaient compléter
les règles générales en vigueur concernant l’accès aux documents,
les procédures de consultation, les conflits d’intérêts, la déclaration de
patrimoine, les mécanismes de contrôle interne de l’administration
publique, les marchés publics et autres.
62. La loi fixe des règles cadre pour l’activité des lobbyistes,
leur supervision, l’enregistrement (des lobbyistes professionnels)
et les sanctions en cas de violation des dispositions de la loi.
Celle-ci définit le lobbying comme étant toute activité menée par
tous moyens légalement acceptables et visant à exercer une influence
sur les organes publics impliqués dans le processus législatif.
Le Conseil des Ministres est tenu de publier son programme de travaux
législatifs contenant des informations sur les projets de loi, les
buts visés et les solutions recherchées, les institutions et fonctionnaires
impliqués et tous documents concernant les travaux sur les projets
de loi en question.
63. La loi introduit également l’institution d’une audition publique
parmi les moyens de consultation des parties prenantes tout au long
du processus législatif. Le registre des lobbyistes professionnels
a été conçu pour contenir, entre autres, les comptes-rendus des
activités des lobbyistes des années précédentes et des informations
sur le personnel des clubs parlementaires.
64. Bien que les lobbyistes polonais en soient encore à un stade
précoce d’organisation, il existe une association de lobbyistes
professionnels au niveau national (SPLP – Stowarzyszenie
Profesjionalnych Lobbystów w Polsce) qui a élaboré un
code de déontologie pour l’autorégulation de ses membres. Cependant, nous
devons également noter ici que la loi sur le lobbying n’est pas
suffisamment explicite sur le rôle et les obligations des lobbyistes
non professionnels tels que les associations d’entreprises ou ONG.
65. Au Royaume-Uni, les activités de lobbying sont pratiquées
de longue date et, selon des estimations, ce secteur pèse environ
1,9 milliards de livres et emploie quelque 14 000 personnes. Cette
activité a connu une croissance importante au cours des dernières
années et continue de se dérouler dans un système auto- réglementé
sous l’égide de l’Association des consultants professionnels politiques
et de l’Association des consultants en relations publiques, qui
ne regroupent que des lobbyistes professionnels. Les deux associations
compilent des annuaires de leurs membres et se sont dotées d’un
code de déontologie. Les organisations membres sont tenues d’énumérer
les noms de leurs clients et de leurs consultants, mais ne sont pas
incitées à s’enregistrer et, selon des experts, les sociétés ne
s’enregistreront et ne divulgueront la totalité de leurs informations
que si elles y ont un intérêt commercial.
66. La sphère politique au Royaume-Uni a été secouée ces deux
dernières années par le scandale de la vente des titres nobiliaires,
concernant la connexion entre les dons politiques et le système
de pairie. Étant donné qu’en vertu de la loi électorale, tout don
d’argent à un parti politique, même très modeste, doit être déclaré
dans un registre public, plusieurs politiciens ont été accusés de
contourner la loi après avoir proposé des contributions substantielles
non déclarées sous forme de prêts (parfois de durée indéterminée)
en échange de nominations en tant que pair à vie.
67. Aussi, en juin 2007, le British
Public Administration Select Committee a lancé une enquête
sur le secteur du lobbying. Celle-ci vise la transparence du secteur
du lobbying, l’efficacité des tentatives récentes d’autorégulation
et cherche à savoir si les règles devraient être changées pour ceux
qui sont au parlement et au gouvernement.
68. Le 22 mai 2008, M. Michael Meacher, Membre de la Chambre des
Communes et ancien Ministre de l’environnement du Royaume-Uni, a
déposé une «Early Day Motion (EDM)»
sur
la transparence des activités de lobbying qui a été signée par plus
de 130 membres du parlement, dont 10 membres de la délégation du Royaume-Uni
auprès de l’Assemblée.
69. Les signataires de la motion expriment leur inquiétude concernant
la transparence des activités de lobbyistes et sont convaincus qu’une
plus grande transparence dans leurs relations avec les membres du parlement
est nécessaire pour restaurer la confiance de l’opinion publique
dans le parlement. A cet égard, ils suggèrent la création d’un registre
pour les lobbyistes et les organisations de lobbying. En ce qui
concerne les membres du parlement et les fonctionnaires – il est
proposé d’introduire un code éthique qui soit volontaire.
70. En novembre 2008 le «British Public
Administration Select Committee» et l’Alliance pour le
lobbying transparent ont organisé une audition à la Chambre des
Communes sur le lobbying. Les participants ont soulevé les questions
suivantes: plus de transparence dans les activités de lobbying,
notamment dans le contexte de lobbying par les grandes entreprises;
la nécessité d’introduire un registre pour les lobbyistes à la Chambre
des Communes; il existe une tendance dans certains pays à réglementer
les activités de lobbying, y compris une réglementation législative;
le lobbying des syndicats, des ONG et d’autres organisations.
71. Ainsi, en janvier 2009, une recherche effectuée par le Sunday Times a révélé qu’on avait
proposé à quatre membres de la Chambre des Lords d’accepter des
honoraires pour amender des lois pour des clients d’affaires, en
infraction évidente de la règle «pas de plaidoyer en faveur d’une
rétribution» stipulant qu’aucun membre ne peut accepter de compensation
financière comme prime ou récompense pour avoir exercé une influence
parlementaire.
72. En Hongrie, le Parlement a voté l’Acte sur le Lobbying en
septembre 2006 dans le souci de réguler l’impact des activités de
différents groupes de pression sur la gouvernance. La loi décrit
le lobbying «comme une activité rémunérée visant à influencer la
politique du gouvernement ou la législation». La loi crée un registre
et l’inscription est obligatoire pour les personnes engagées dans
les activités de lobbying, mais l’enregistrement est volontaire
pour les organisations de lobbying.
73. Tous les trois mois, les lobbyistes doivent présenter un rapport
avec la liste des décisions de l’exécutif qui étaient la cible de
leurs activités, les moyens utilisés, les noms des fonctionnaires
ou responsables qu’ils avaient contactés, les noms de leurs employeurs.
74. Les sanctions varient: de l’annulation de l’inscription dans
le registre pour une période de un à trois ans jusqu’à 40 000 d’euros
d’amende. Pourtant, il y a très peu de cas de rapports sur des rencontres
parce qu’aussi bien les lobbyistes que les responsables, objet de
lobbying, tombent d’accord pour ne pas signaler les rencontres.
75. Le mot «lobbying» a une connotation négative et c’est la raison
pour laquelle beaucoup d’organisations de lobbying ne se considèrent
pas comme telles.
76. En 2001, la Lituanie, avec le développement de la Commission
Centrale d’Ethique, a créé un registre des lobbyistes et l’enregistrement
est obligatoire pour avoir le droit de faire du lobbying. L’information
sur les lobbyistes est disponible dans un supplément de la Gazette
officielle du Gouvernement «Vastybes Zinios».
77. En 2003 et 2006, le Parlement a amendé à plusieurs reprises
la loi sur le lobbying pour inclure également dans les activités
de lobbying les organisations sans but lucratif qui faisaient du
lobbying. La loi amendée réglemente tous les types d’activités de
lobbying.
5. Conclusions
générales
78. Le rapporteur est convaincu que, dans une société
démocratique, les citoyens ont le droit de savoir quelles sont les
organisations de lobbying qui influencent les décisions des acteurs
politiques et les votes des parlementaires. Par conséquent, une
plus grande transparence dans les activités de lobbying peut responsabiliser
encore plus les acteurs politiques et restaurer la confiance des
citoyens dans le fonctionnement démocratique des pouvoirs publics.
Cette transparence est un moyen efficace pour lutter contre le danger
de la perte de confiance en politique et en démocratie.
79. Nous pouvons constater qu’aussi bien au niveau national des
Etats membres du Conseil de l’Europe qu’à celui du fonctionnement
des institutions européennes, le lobbying est devenu une activité
nécessaire, presque quotidienne et qui est en plein développement.
Par conséquent, sa réglementation devient inévitable. Par ailleurs,
on a pu également constater avec le processus d’unification européenne
et l’élargissement de l’Union européenne, une forte augmentation
des activités de lobbying à Bruxelles et à Strasbourg.
80. Le rapporteur a pu observer que ce sont les Etats-Unis et
le Canada qui ont, tous deux, réglementé les activités de lobbying.
L’expérience législative de ces deux pays en la matière, ainsi que
leurs problèmes d’application de la législation sont fort intéressants
pour les Etats membres du Conseil de l’Europe afin de s’en inspirer.
Mais il n’existe pas de solutions identiques pour toutes les interrogations
concernant les activités de lobbying, qui ne sont pas toujours comparables.
81. Il convient de souligner les principes suivants concernant
la réglementation des activités de lobbying aux Etats-Unis et au
Canada:
- la publicité en matière
de lobbying;
- les catégories de lobbyistes;
- l’obligation de s’enregistrer;
- la teneur des informations qui doivent être divulguées;
- le principe des conflits d’intérêts potentiels et l’établissement
d’une période de deux ans après la fin du mandat interdisant d’exercer
des activités de lobbying.
82. Il est évident que la plus grande transparence concernant
l’identité et le contenu des activités des lobbyistes pourrait augmenter
la confiance de l’opinion publique dans l’intégrité des acteurs
politiques. A cet égard, il est à souligner qu’un sondage d’opinion
aux Etats-Unis a révélé que près de 90% des américains considèrent
la corruption politique à Washington comme un grave problème. Cela
n’est probablement pas un hasard si l’une des toutes premières interventions
du nouveau Président élu des Etats-Unis, Barack Obama, le 21 janvier
2009, juste après son investiture, était consacrée au problème du
lobbying dans l’administration américaine.
83. En ce qui concerne l’Union européenne et d’autres institutions
européennes, avec les vagues successives d’élargissement, Bruxelles
est devenue une plaque tournante de gouvernance et de prises de décisions.
Aujourd’hui, on estime que plus de 15 000 groupes d’intérêts travaillent
à Bruxelles dont plus de 2 600 disposent de bureaux et mènent des
activités de lobbying auprès des institutions de l’Union européenne.
84. Il faut également constater que le Parlement européen était
la première institution européenne à avoir décidé de réglementer
les activités de lobbying vis-à-vis de ses membres. Un registre
de lobbyistes a été instauré, ainsi qu’un code de déontologie que
les lobbyistes sont censés respecter. Mais ce code est plutôt général,
les normes sont minimales, difficiles à mesurer et à contrôler.
En cas de violation du code de déontologie, la seule sanction possible
est la suppression du badge, ce qui arrive très rarement.
85. Par conséquent, nous constatons que, par rapport aux réglementations
des Etats-Unis et du Canada, les exigences du Parlement européen
sont assez modestes. Par contre, la Commission européenne a considérablement
avancé dans ses travaux concernant la réglementation des activités
de lobbying. Le 23 juin 2008, un premier registre des lobbyistes
européens a été ouvert auprès de la Commission. Le rapporteur pense
que l’ouverture de ce registre est un pas important dans le sens
où il permet de normaliser ces activités au niveau européen, de
renforcer la culture de dialogue et de consultation, d’augmenter
la transparence et aussi, à terme, d’améliorer l’image négative
des lobbyistes dans l’opinion publique.
86. En ce qui concerne les Etats membres du Conseil de l’Europe,
les études ont montré que 14 pays, d’une manière ou d’une autre,
soit ont réglementé les activités de lobbying, soit ont commencé
des discussions au niveau de leurs parlements. Compte-tenu des différentes
expériences des pays membres, des différents états d’avancement
des travaux dans ce domaine ainsi que de l’expérience riche des
Etats-Unis et du Canada en la matière, le rapporteur est persuadé
que le Conseil de l’Europe pourrait proposer aux Etats membres d’examiner
la possibilité d’élaborer un Code européen de bonne conduite en
matière de lobbying basé sur les principes suivants:
- adopter une définition très
claire des activités de lobbying;
- renforcer la transparence dans les activités de lobbying;
- établir les normes applicables aux responsables politiques,
aux fonctionnaires, aux membres des groupes de pression et aux entreprises;
- créer des registres pour toutes les personnes impliquées
dans les activités de lobbying;
- organiser des consultations préalables avec des organisations
de lobbyistes si des textes législatifs en la matière devaient être
préparés;
- encourager des activités de lobbying bien définies, transparentes
et honnêtes qui pourraient valoriser l’image des personnes impliquées
dans ces activités.
87. Pour les citoyens, c’est un droit démocratique d’avoir accès
aux décideurs politiques afin de les informer et d’essayer d’influencer
les décisions. Encore faut-il que cet accès ou cette possibilité
de lobbying soit équitable, complètement transparente et selon des
règles claires et démocratiques. Si les citoyens ne croient pas
qu’ils peuvent réellement influencer les décideurs politiques, une
telle situation peut miner la démocratie.
88. Au cours de ces dernières décennies, nous avons observé une
dramatique chute de confiance des citoyens vis-à-vis de la politique
dans un grand nombre d’Etats membres du Conseil de l’Europe. Le
manque de transparence, dans les activités de lobbying dans les milieux
politiques, peut être considéré comme l’une des causes de ce phénomène.