1. Introduction
1. Avec l’assistance de la commission
des migrations, des réfugiés et de la population, l’Assemblée a
examiné les nombreux problèmes humanitaires en rapport direct avec
les conséquences de la guerre entre la Géorgie et la Russie. Particulièrement
intéressantes à cet égard sont la
Résolution 1497 (2006) sur les réfugiés et les personnes déplacées en Arménie,
Azerbaïdjan et Géorgie et la
Résolution
1553 (2007) sur les personnes disparues en Arménie, en Azerbaïdjan
et en Géorgie dans les conflits touchant les régions du Haut-Karabakh, d’Abkhazie
et d’Ossétie du Sud.
2. En rédigeant son avis, votre rapporteuse a tenu compte des
travaux passés de l’Assemblée et s’est beaucoup inspirée de l’expérience
de première main qu’elle a acquise dans la région au cours de la
visite de la commission ad hoc visant à étudier la situation sur
le terrain en Géorgie et en Russie du 21 au 26 septembre 2008. Elle
s’est considérablement appuyée aussi sur les informations figurant
dans le rapport de visite que le Commissaire aux droits de l’homme
du Conseil de l’Europe avait accomplie en septembre 2008 dans la région
du conflit
.
Elle approuve entièrement les six principes développés dans le rapport
du commissaire pour la protection urgente des droits de l’homme
et de la sécurité humanitaire.
3. Votre rapporteuse tient à rendre hommage à tous ceux qui,
travaillant dans le domaine humanitaire, ont contribué à répondre
aux besoins humanitaires des personnes affectées par le conflit.
Elle tient aussi à remercier les nombreuses organisations avec lesquelles elle
a été en contact, en particulier les différents services du Haut-Commissariat
des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) et du Comité international
de la Croix-Rouge (CICR).
2. Les statistiques
relatives aux personnes déplacées
4. Le récent conflit a eu d’énormes
conséquences humanitaires. Selon les données récentes du HCR
, 192 000 personnes
ont été déplacées par le conflit: 127 000 l’ont été à l’intérieur
de la Géorgie (sauf l’Ossétie du Sud), 30 000 personnes l’ont été
à l’intérieur de l’Ossétie du Sud, et 35 000 personnes ont cherché
refuge dans la Fédération de Russie.
5. Jusqu’à présent, on a assisté au retour d’environ 65 000 personnes
à l’intérieur de la Géorgie, mais en dehors d’Ossétie du Sud, et
33 000 des 35 000 réfugiés de la Fédération de Russie sont retournés
en Ossétie du Sud
.
6. Selon le HCR, environ 50 000 personnes déplacées à l’intérieur
(PDI) ne pourront peut-être pas retourner chez elles avant l’hiver,
mais 23 000 autres devraient pouvoir rentrer après l’hiver. Cela
laisse donc un grand nombre de PDI qui ne pourront retourner chez elles
à court ou moyen terme, notamment dans les «zones tampons» et les
régions d’Ossétie du Sud et de Haute-Abkhazie. En outre, certaines
PDI ne seront peut-être jamais en mesure de retourner chez elles,
même à long terme.
7. Environ 56 % des PDI sont de sexe féminin, et 44 % de sexe
masculin
.
8. En Géorgie, la plupart des PDI sont hébergées dans des centres
collectifs de Tbilissi, bien qu’il s’en trouve beaucoup aussi en
province et dans des foyers privés
.
9. Gori est devenu un lieu d’hébergement à mi-chemin pour ceux
qui veulent retourner chez eux dans la «zone tampon» comme pour
ceux qui quittent leurs villages à cause de l’intimidation qu’exercent
sur eux les milices qui écument la zone en question.
10. Selon les récents rapports du HCR, Gori est surpeuplé, et
beaucoup de gens quittent cette ville pour d’autres régions.
11. Ces réfugiés et personnes déplacées à l’intérieur de leur
propre pays sont dans une situation désespérée, mais il ne faut
pas perdre de vue pour autant le sort que connaissent les quelque
222 000 personnes qui restent déplacées depuis les conflits antérieurs
en Abkhazie et en Ossétie du Sud. Bien qu’il importe de répondre
aux besoins immédiats des récentes PDI, on doit aussi trouver des
solutions durables pour toutes les PDI, qu’elles aient été affectées
par le conflit récent ou par des conflits antérieurs.
3. Les personnes
tuées ou blessées
12. Le nombre de personnes tuées
au cours du récent conflit semble inférieur à ce que l’on redoutait
tout d’abord.
13. Selon les statistiques communiquées par les autorités géorgiennes
, le nombre total de ressortissants géorgiens
tués
est de 364 personnes (170 militaires
et 194 civils).
14. En ce qui concerne les blessés, les autorités géorgiennes
ont indiqué un nombre total de 2 234 personnes, dont 69 sont en
cours de traitement à l’hôpital.
15. En Ossétie du Sud, les autorités russes ont informé le Commissaire
aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe qu’il y avait 133 morts
confirmés. Pour ce qui est des blessés, 220 personnes sont en traitement
à Tskhinvali,et 250 à Vladikavkaz. Lors de sa visite, votre rapporteuse
a reçu des ONG russes des chiffres révisés à la hausse et parlant
de 300 tués et d’environ 500 blessés.
4. Les personnes
disparues
16. Cinquante-quatre personnes
sont toujours portées disparues depuis le conflit du côté géorgien
,
et 6 du côté de l’Ossétie du Sud.
17. Le CICR continue à recevoir des demandes de recherches de
la part de familles de disparus, et le Commissaire aux droits de
l’homme du Conseil de l’Europe maintient sa pression sur les autorités compétentes
de part et d’autre pour qu’elles coopèrent mutuellement afin d’éclaircir
le sort des personnes disparues.
18. Les parties au conflit doivent résoudre au plus tôt le problème
des personnes disparues, en tenant compte aussi de celles qui ont
disparu lors du précédent conflit, soit 10 Géorgiens et 122 Ossètes
du Sud. La question des personnes disparues par suite du conflit
en Abkhazie doit être prise en considération également.
19. Votre rapporteuse juge prioritaire que les parties au conflit
soient appelées à traiter la question des personnes disparues comme
un problème humanitaire et un problème de droits de l’homme, non
comme une affaire politique.
20. Plusieurs mesures sont à prendre par les autorités compétentes,
y compris la mise en place d’un mécanisme de coordination multilatéral
permettant la coopération des commissions pour la recherche des
personnes disparues (qu’il faut créer quand il n’en existe pas).
21. Les pouvoirs publics doivent également collecter toutes les
données pertinentes et prendre toutes mesures nécessaires pour identifier,
récupérer et échanger les dépouilles des personnes disparues, fournir
une assistance matérielle, sociale et psychologique aux familles
de ces personnes et soutenir les importants travaux du CICR dans
ce domaine d’activité.
5. Les prisonniers
de guerre et les otages
22. Votre rapporteuse constate
l’importance de l’action conduite par le CICR ainsi que par le Commissaire aux
droits de l’homme du Conseil de l’Europe afin d’organiser la libération
et l’échange des prisonniers de guerre et des autres personnes emprisonnées
par suite du conflit. Elle soutient entièrement tous les appels
à la libération et à l’échange de ces personnes et préconise que
les autorités compétentes entreprennent d’éliminer la pratique de
la prise d’otages.
6. L’assistance
humanitaire
23. L’assistance humanitaire est
toujours une priorité. Elle est nécessaire tant à ceux qui ne peuvent
retourner chez eux, qu’à bon nombre de ceux qui ont pu rentrer,
et même à certains de ceux qui ne sont jamais partis.
24. Il est de plus urgent de procurer un hébergement durant les
mois d’hiver tant à ceux qui ont retrouvé au retour des foyers endommagés
ou détruits qu’à ceux qui n’ont pu rentrer.
25. Une assistance s’impose d’urgence pour les plus démunis, et
il importe d’adopter en la matière une démarche à plus long terme
en tenant compte de la nécessité de solutions durables – y compris
des mesures d’intégration et des possibilités de se procurer de nouveaux
revenus – en faveur de toutes les personnes déplacées, qu’elles
le soient depuis le dernier conflit ou les conflits antérieurs.
26. La communauté internationale a rapidement apporté son assistance
à la région. Les autorités russes ont accordé un généreux soutien
aux réfugiés d’Ossétie du Sud, et les autorités géorgiennes ont
mobilisé, elles aussi, des ressources afin de répondre aux besoins immédiats
des personnes déplacées à l’intérieur du territoire géorgien sous
leur contrôle. Ces ressources sont cependant insuffisantes, et les
organisations humanitaires ont éprouvé des difficultés à accéder
à l’Ossétie du Nord (où les autorités russes refusent l’aide internationale
),
de même qu’à l’Ossétie du Sud et à la «zone tampon», où le CICR
est l’une des quelques organisations à pouvoir se rendre.
27. Un groupe de coordination humanitaire a été créé, qui comprend
les agences des Nations Unies et les ONG, sous la direction du résident
et coordinateur humanitaire des Nations Unies. La réaction humanitaire
a été organisée par secteurs: alimentation, protection sociale (y compris
l’éducation), eau et système sanitaire, hébergement et articles
extra-alimentaires, logistique, santé et nutrition, télécommunications,
sécurité et rétablissement
. Le CICR participe aux travaux
du groupe de coordination en qualité d’observateur.
28. La Commission européenne proposera pour la Géorgie, au titre
de la période 2008-2010, une aide globale en vue de la reconstruction
et du retour. En outre, une conférence des donateurs se tiendra
en octobre à Bruxelles, sans doute après la réunion du Conseil européen
du 15 octobre. Votre rapporteuse prend note de la nécessité, pour
les donneurs d’aide, de réagir d’une manière coordonnée, en tenant
compte des besoins énoncés par le gouvernement et les organisations
de la société civile opérant dans le pays.
29. Au cours de sa mission à Bruxelles, votre rapporteuse a recueilli
des propos inquiets quant à l’usage qui est fait de l’aide des donateurs,
aussi encourage-t-elle tous les donateurs à ne pas perdre de vue
la manière dont leur argent est dépensé.
30. En ce qui concerne l’aide d’urgence, lits et literie continuent
à manquer. L’aide alimentaire est distribuée principalement par
le Programme alimentaire mondial (PAM), mais ne couvre pas toujours
la totalité des besoins, en particulier ceux des malades, des enfants
et des personnes âgées. L’approvisionnement en nourriture pose particulièrement
problème dans la «zone tampon», à cause de la restriction des déplacements
et de l’accès insuffisant laissé aux organisations humanitaires.
L’accès aux installations de santé et aux articles d’hygiène reste insuffisant.
6.1. Hébergement
31. De nombreuses maisons, en particulier
celles appartenant à des Géorgiens, ont été pillées, endommagées
et même rasées par les tirs d’artillerie ou les bulldozers. Votre
rapporteuse a vu de ses yeux de nombreux foyers détruits dans la
«zone tampon» et en Ossétie du Sud. Bien que des dommages aient
été causés durant le conflit à de nombreuses maisons en Ossétie
du Sud, et notamment à Tskhinvali, votre rapporteuse a constaté
avec effarement l’étendue des dommages causés aux maisons appartenant
à des Géorgiens dans la «zone tampon», et aussi en Ossétie du Sud
proprement dite au lendemain du conflit.
32. Assurer un hébergement convenable reste un objectif prioritaire
et un véritable défi à relever; la responsabilité en incombe principalement
au Gouvernement géorgien dans les zones sur lesquelles il exerce
un contrôle effectif.
33. Beaucoup de PDI en Géorgie ont dû être logées initialement
dans des écoles, mais on les a transférées dernièrement dans d’autres
édifices publics pour permettre aux écoles de rouvrir. De nombreux
bâtiments publics ont un besoin urgent de réparations et de transformations.
Le HCR, le CICR et les autres organisations compétentes, ainsi que
les agences gouvernementales, travaillent actuellement à régler
ces problèmes d’hébergement et d’abris, mais l’hiver approche et
il reste beaucoup à faire.
34. Gori, qui a servi de ville étape à ceux qui voulaient retourner
dans les zones de conflit, ainsi que de havre à ceux qui fuyaient
encore les zones d’insécurité, est absolument surpeuplé, et 2 300
personnes y vivent sous la tente.
35. Il se pose également de graves problèmes d’hébergement à Tskhinvali,
où, selon le ministre russe des Situations d’urgence, 10 % des maisons
sont irréparables et 20 % d’entre elles ont besoin d’être reconstruites
. On y a
donc un besoin urgent de matériaux de construction afin de remettre
en état les immeubles et les appartements endommagés.
6.2. Les enfants
36. Beaucoup d’écoles de la zone
de conflit ont été endommagées ou pillées, et beaucoup d’autres
situées à l’intérieur de la Géorgie ont servi à héberger en urgence des
personnes déplacées. Il s’en est suivi des retards dans le démarrage
de l’année scolaire. Les écoles ont rouvert entre-temps, mais si
la plupart des enfants PDI sont à présent scolarisés, certains cherchent
encore une place.
37. En Ossétie du Sud, le fonctionnement du système d’enseignement
n’est pas encore revenu à la normale, et une grande partie des 2
000 personnes restant en Ossétie du Nord sont des enfants, qui reçoivent
un enseignement sur place dans l’attente de la réouverture de leurs
écoles en Ossétie du Sud.
38. Les autorités géorgiennes ont estimé le nombre d’enfants déplacés
début septembre à 64 397, dont la plupart ont moins de 12 ans. Une
grande partie de ces enfants souffriraient de troubles dus au stress posttraumatique,
de crises d’anxiété et d’états dépressifs.
39. Votre rapporteuse se préoccupe évidemment beaucoup de la situation
des enfants affectés par le conflit et invite toutes les parties
à prendre les mesures nécessaires pour qu’il soit pleinement satisfait
à leurs besoins en matière de sécurité, de santé et d’éducation.
6.3. La santé
40. Les questions de santé doivent
rester prioritaires, pour ce qui est tant du traitement des affections
physiques que de celui des troubles mentaux provoqués par le traumatisme
du conflit.
41. Le CICR a plusieurs unités de santé itinérantes qui s’occupent
des personnes ayant besoin de leurs services dans la «zone tampon»
et en Ossétie du Sud, mais un problème général se pose dans la mesure
où une grande partie des installations médicales des zones de conflit
ont été détruites. Dans la région de Shida Kartli, où se trouve Gori,
il en est de même pour 13 des 19 installations médicales.
42. Les besoins en matière de santé reproductive, en particulier
ceux des femmes PDI, requièrent une attention prioritaire. On signale
en effet – ce qui ne laisse pas d’être préoccupant – des grossesses
consécutives à des actes de violence sexuelle, une hausse du nombre
de naissances prématurées et un accroissement du nombre d’avortements
. Des
crédits supplémentaires s’imposent pour répondre convenablement
aux besoins des PDI en matière d’hygiène et de reproduction, de
même qu’à ceux des membres de la population non affectés par le conflit
.
6.4. La situation
des «anciennes» PDI
43. Le plan d’action en faveur
des «anciennes» PDI des guerres civiles des années 1990 (il en reste
222 000 selon le HCR) – conçu pour venir en aide aux quelque 300000
Géorgiens et 100 000 membres d’autres groupes ethniques, dont la
plupart n’ont jamais pu retourner chez eux depuis – a été adopté
la semaine précédant l’escalade du conflit. Or, le nouvel afflux
de PDI ira manifestement à l’encontre des «solutions durables» sur lesquelles
on travaille en faveur de ces «anciennes» PDI. Mais votre rapporteuse
s’inquiète du sort de toutes les PDI et prie instamment les autorités
géorgiennes de traiter également le cas des «anciennes» et des «nouvelles»
PDI en cherchant à trouver des solutions durables pour l’un et l’autre
groupes.
44. Votre rapporteuse se déclare particulièrement préoccupée par
le cas des quelque 45 000 «anciennes» PDI qui se sont réinstallées
dans le district de Gali, en Abkhazie, dont la situation en matière
de droits de l’homme était déjà précaire avant que n’éclate le récent conflit
et qui sont particulièrement vulnérables dans cette situation postconflictuelle.
Elle prie instamment le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil
de l’Europe, le HCR et les autres organismes internationaux de droits
de l’homme de prêter une attention particulière à ce problème et
de prendre les mesures qui s’imposent pour désamorcer les tensions
actuelles.
7. Accès à l’Ossétie
du Sud et à la «zone tampon»
45. L’accès à l’Ossétie du Sud
et à la «zone tampon» reste limité, de sorte qu’il est très difficile
de suivre les questions de droits de l’homme ainsi que d’estimer
les besoins humanitaires et d’y répondre. Le problème tient en partie
au fait que les Géorgiens souhaitent que l’assistance passe par
la Géorgie, au sud, tandis que de leur côté, les Russes et les autorités
«de fait» en Ossétie du Sud insistent pour que cette assistance
passe par la Russie, au nord. En outre, les tensions et la situation
de non-droit dans la «zone tampon» continuent de poser de graves
problèmes de sécurité, non seulement pour les vies des personnes
qui résident dans ces zones ou qui y retournent, mais aussi pour
leurs biens et leurs moyens de subsistance.
46. Le CICR est cependant une des rares organisations à pouvoir
entrer librement en Ossétie du Sud et dans la «zone tampon». Le
HCR n’a, depuis mi-septembre, qu’un accès limité à ces régions et
a commencé à évaluer les conditions du retour et les besoins des
rapatriés
.
47. Votre rapporteuse souligne l’importance, pour toutes les organisations
humanitaires concernées, d’avoir librement accès à la fois à la
«zone tampon» et à l’Ossétie du Sud. En outre, il est essentiel
que la sécurité de ces organisations soit garantie par les autorités
compétentes.
48. Votre rapporteuse note, en outre, que des problèmes similaires
existent concernant l’accès à l’Abkhazie et elle souligne qu’il
est également important de donner un libre accès aux organisations
humanitaires et autres.
8. Situation concernant
la sécurité
49. La situation concernant la
sécurité dans la «zone tampon» reste une question essentielle. L’Organisation pour
la sécurité et la coopération en Europe (OSCE)
, dans un rapport d’activité récent, a conclu
que «la criminalité et le harcèlement des villageois de la part d’individus
sud-ossètes semblent être très répandus», tandis que les risques
majeurs sont «les munitions non explosées et les groupes armés d’Ossétie
du Sud et, éventuellement, du Nord-Caucase».
50. Des incendies volontaires, des enlèvements et des meurtres
sont encore signalés
. Par exemple, l’enlèvement d’un jeune garçon
de 18 ans a été signalé dans le village de Kordi. Par ailleurs,
un policier géorgien a été tué par balle au point de contrôle de
Karaleti, le 10 septembre. D’après le bureau du défenseur public
de Géorgie, un total de 1 200 maisons de la «zone tampon» ont été
partiellement ou lourdement endommagées
.
51. Votre rapporteuse, après s’être rendue dans la région, peut
témoigner de l’ampleur des dommages et des destructions dans la
«zone tampon» et en Ossétie du Sud, où les biens des derniers Géorgiens
ont été visés.
52. Bien que peu de meurtres de Géorgiens soient signalés dans
ces régions, un processus de nettoyage ethnique est indéniablement
à l’œuvre. Les Géorgiens sont contraints de choisir entre risquer
leur vie ou renoncer à leur nationalité géorgienne. Leurs maisons sont
brûlées ou rasées. De tels actes ont pour résultat que ces régions
sont «nettoyées» des personnes et des familles d’origine ethnique
géorgienne. En Ossétie du Sud proprement dite, il ne reste, d’après
les informations recueillies par votre rapporteuse lors de sa mission
dans la région, que quelques centaines de personnes d’origine ethnique
géorgienne.
53. Les forces russes stationnées dans la «zone tampon» font l’objet
d’informations contradictoires concernant leur attitude vis-à-vis
de la situation de non-droit: certaines informations font état d’interventions
des forces russes pour protéger les populations locales, par exemple
pour les escorter pour aller travailler dans les champs; d’autres
mentionnent l’incapacité des forces russes d’empêcher la destruction
des maisons et le pillage. Les forces russes ont restreint les patrouilles
de l’OSCE dans de nombreuses régions et les pourparlers entre la
Fédération de Russie et l’OSCE ont échoué récemment sur la question
de l’envoi d’un plus grand nombre d’observateurs dans la région.
Les 28 observateurs de l’OSCE déjà présents poursuivent cependant
leurs activités.
54. Votre rapporteuse souligne que les forces d’occupation russes
ont l’obligation de mettre un terme à la situation de non-droit
(y compris les agressions physiques, les vols, les enlèvements,
le harcèlement, le pillage, les incendies volontaires, etc.). Cette
obligation incombe à toute puissance d’occupation, conformément
à l’article 43 des Règlements de La Haye de 1907 et à la IVe Convention
de Genève de 1949.
55. Eu égard aux nombreux signalements, tant durant le conflit
qu’ultérieurement, de violations des droits de l’homme et du droit
humanitaire, votre rapporteuse soutient l’appel à ce que tous les
auteurs de ces violations, de quelque camp qu’ils soient, soient
traduits en justice et doivent rendre compte de leurs actes.
9. Mines et munitions
non explosées
56. Votre rapporteuse est préoccupée
du grand nombre de mines ainsi que de sous-munitions résultant des
bombes à sous-munitions, utilisées semble-t-il par les deux camps.
De même, elle regrette l’utilisation d’un type particulierde mines
qui, lorsqu’une personne marche dessus, sont projetées à la hauteur
de la tête ou du torse.
57. Votre rapporteuse considère qu’une investigation approfondie
est nécessaire concernant les armes utilisées et leur conformité
avec les exigences du droit humanitaire international. Toutes les
parties ont le devoir de rechercher et de retirer toutes les mines
et munitions non explosées et d’échanger leurs informations concernant
l’utilisation et la localisation de ces matériels. Toutes les parties
doivent profiter pleinement des offres d’assistance pour le déminage
et le retrait des explosifs. Elles doivent aussi lancer de toute
urgence des programmes de sensibilisation auprès des populations exposées.
10. La peur et la
haine
58. Le conflit a indéniablement
exacerbé la peur et la haine parmi les Géorgiens et les Sud-Ossètes.
Ces deux sentiments sont particulièrement forts parmi les Sud-Ossètes
à l’égard des Géorgiens. Toutes les autorités compétentes doivent
prendre des mesures pour lutter contre ces sentiments parmi la population
afin que les blessures du conflit puissent un jour se refermer.
11. Suivi de la situation
des rapatriés et des problèmes de protection
59. Le suivi de la situation concernant
le retour des personnes déplacées et des réfugiés est essentiel
du point de vue de la sécurité. Votre rapporteuse se félicite que
la mission de surveillance de l’Union européenne en Géorgie vise
notamment à étudier les «aspects politiques et de sécurité du retour
des personnes déplacées et des réfugiés»
. Toutefois,
cette surveillance en elle-même n’est pas suffisante compte tenu
de la situation de non-droit qui prévaut dans les «zones frontalières».
Il faut donc envisager de donner à cette mission de surveillance de
l’Union européenne des responsabilités de maintien de l’ordre et
de protection
, afin de combler le
vide laissé par cette situation. D’autres options doivent être examinées,
notamment celle de patrouilles communes de la police géorgienne
et des observateurs de l’Union européenne, afin de garantir à la
fois la surveillance et la protection dans la «zone frontalière».
60. Cette surveillance et cette protection seront plus indispensables
encore lorsque les forces russes se retireront de la «zone tampon».
Les problèmes de protection ne se limitent pas à la seule «zone
tampon». Dans certaines parties de l’Ossétie du Sud, telles que
le district d’Akhalgori, la population locale géorgienne est poussée
au départ, et incitée notamment à échanger ses passeports géorgiens
contre des passeports russes.
61. Le Conseil de l’Europe, l’OSCE, le HCR et d’autres organes
des Nations Unies, le CICR et d’autres organisations humanitaires
et de droits de l’homme doivent avoir accès à toutes les régions,
afin de pouvoir mener à bien leurs missions de surveillance et,
si nécessaire, de protection. Il importe de prêter un entier soutien
et de donner toutes garanties de sécurité au CICR, qui est déjà
présent dans la région.
12. Le droit au retour
62. Votre rapporteuse considère
que tous les individus, qu’il s’agisse de réfugiés ou de personnes déplacées
(à la suite du conflit précédent ou du plus récent), ont le droit
de choisir librement de retourner dans leur localité d’origine.
63. Comme votre rapporteuse l’a indiqué précédemment, le fait
d’incendier ou de raser les maisons appartenant aux Géorgiens vise
à limiter ou annihiler leurs possibilités de retour, et de telles
actions doivent cesser immédiatement.
64. Votre rapporteuse est consciente que le retour dans des conditions
de sécurité n’est pas envisageable pour certaines personnes et que,
conformément aux principes de Pinheiro développés par les Nations
Unies, toutes les personnes déplacées devraient avoir le droit au retour
dans la sécurité et la dignité, ou celui de se réinstaller ailleurs
librement et de s’intégrer localement.
13. Conclusions
65. Votre rapporteuse estime que
la situation humanitaire découlant du conflit exige l’attention soutenue
de l’Assemblée parlementaire et de la communauté internationale.
Elle estime par conséquent qu’il y a lieu d’établir d’urgence un
rapport beaucoup plus complet sur la situation humanitaire découlant
du conflit qui tienne compte des besoins de tous les PDI et réfugiés, et
non uniquement de ceux du récent conflit. La commission est disposée
à établir un tel rapport.
66. En conclusion, votre rapporteuse souligne l’importance pour
toutes les parties au conflit:
0.1. de
respecter toutes les normes des droits de l’homme ainsi que les
normes humanitaires au titre des Conventions de Genève de 1949 et
de leurs protocoles additionnels. L’attention est appelée tout particulièrement sur
la nécessité de respecter la Convention européenne des droits de
l’homme et les mesures provisoires ordonnées par la Cour européenne
des droits de l’homme et toutes décisions pertinentes. Par ailleurs,
les auteurs de violation des droits de l’homme doivent être tenus
de rendre compte de leurs agissements;
0.2. de retirer toutes les mines et toutes les munitions non
explosées. Cela implique pour toutes les parties au conflit l’obligation
d’échanger leurs informations concernant l’utilisation et la localisation
de ce type de matériel ainsi que la participation d’experts pour
la localisation et le retrait des mines et munitions; en outre, il
convient d’attirer l’attention des personnes concernées sur les
dangers que représentent pour elles ces mines et munitions non explosées;
0.3. de coopérer pleinement avec toutes les missions d’observation
internationales, des Nations Unies, de l’OSCE, de l’Union européenne,
du Conseil de l’Europe ou d’autres instances internationales;
0.4. de veiller à ce que toutes les personnes déplacées par
le conflit aient le droit de retourner chez elles – de leur plein
gré – et de s’abstenir d’utiliser les personnes déplacées comme
gage politique dans le traitement de la question du retour. En outre,
toutes les PDI doivent avoir le droit de retourner chez elles, en
toute sécurité et dans le respect de leur dignité, ou de se réinstaller
librement, ou de s’intégrer localement;
0.5. de libérer et d’échanger, immédiatement, les prisonniers
de guerre et autres personnes emprisonnées à la suite du conflit,
sans exiger de réciprocité de tout autre camp;
0.6. de veiller à ce que tous les otages soient libérés et à
ce que la pratique de la prise d’otages soit abolie;
0.7. de résoudre le problème des personnes disparues lors du
conflit récent et du conflit précédent, en veillant à ce que le
problème soit traité comme une question humanitaire, et non comme
une affaire politique. Par ailleurs, de mettre en place un mécanisme
de coordination multilatéral doté de commissions opérationnelles
pour la recherche des personnes disparues dans les différents camps
du conflit;
0.8. de prendre des mesures pour lutter contre la peur et la
haine résultant du conflit, en particulier en Ossétie du Sud, dans
les «zones tampons» et dans le district de Gali en Abkhazie;
0.9. de se conformer pleinement aux six principes élaborés
par le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe
après la visite qu’il a effectuée dans la région en août 2008 pour
garantir d’urgence la protection des droits de l’homme et la sécurité humanitaire.
67. Votre rapporteuse demande instamment aux autorités de la Fédération
de Russie et, le cas échéant, aux autorités «de fait» en Ossétie
du Sud et en Abkhazie:
0.1. de prendre
d’urgence des mesures visant à garantir la sécurité de toutes les
personnes se trouvant dans les «zones tampons», en Ossétie du Sud
et en particulier dans le district de Gali et en Haute-Abkhazie. Les
autorités «de fait» en Ossétie du Sud et en Abkhazie et les forces
d’occupation russes ont l’obligation de mettre un terme à la situation
de non-droit (y compris les agressions physiques, les vols, les
enlèvements, le harcèlement, le pillage, l’incendie volontaire de propriétés,
etc.). Cette obligation incombe à toute puissance d’occupation,
conformément à l’article 43 des Règlements de La Haye de 1907 et
à la IVe Convention de Genève de 1949;
0.2. de créer toutes les conditions dans les zones occupées
ou sous contrôle dans les «zones tampons», en Ossétie du Sud et
en Abkhazie pour le retour en toute sécurité de tous les PDI et
réfugiés, y compris des personnes déplacées lors des guerres civiles
des années 1990;
0.3. d’assurer sans attendre au HCR et à toutes les organisations
humanitaires un accès aux zones affectées par le conflit, en particulier
dans la région d’Ossétie du Sud et dans les «zones tampons». Toutes
les organisations apportant une aide humanitaire dans ces régions
doivent être assurées de pouvoir le faire en toute sécurité.
68. De plus, votre rapporteuse est très sensibilisée à la nécessité
de protéger toutes les personnes retournant chez elles ou vivant
encore dans la «zone tampon» et en Ossétie du Sud, et recommande
d’inviter l’Union européenne à renforcer la mission d’observation
de l’Union européenne et à lui donner un mandat et des ressources
non seulement pour observer la situation, mais aussi pour protéger
les personnes et les biens. L’Union européenne devrait également
veiller à ce que la question du retour des personnes déplacées et
des réfugiés reste au premier rang des préoccupations politiques,
notamment dans les diverses réunions et discussions à haut niveau
entre l’Union européenne et la Russie.
69. Pour finir, votre rapporteuse demande aux Etats membres du
Conseil de l’Europe de financer et de soutenir les opérations d’aide
et d’assistance des autorités pertinentes, de même que celles conduites
dans la région par les organisations humanitaires. Dans la fourniture
de cette assistance, il convient aussi de prêter dûment attention
aux 222 000 PDI des conflits précédents et à la nécessité de trouver
pour elles des solutions durables.