1. Introduction
1. Durant la période couverte par le rapport, de juin
2008 à juin 2009, la commission de suivi a déployé une activité
toute particulière. Cette période a été marquée par le déclenchement,
en août 2008, d’une guerre entre deux États membres de l’Organisation,
soumis tous deux à la procédure de suivi de l’Assemblée parlementaire –
la Géorgie et la Russie – ayant entraîné de graves violations des
droits de l’homme et donné lieu à trois rapports présentés par la
commission de suivi à l’Assemblée, en octobre 2008, janvier 2009
et avril 2009, dont le premier selon la procédure d’urgence. En
conséquence, l’Assemblée a exhorté la commission de suivi à renforcer
sa procédure de suivi à l’égard à la fois de la Géorgie et de la
Russie.
2. La commission a également dû faire face à des situations urgentes
et critiques soulevant des préoccupations graves en matière de droits
de l’homme dans d’autres États membres, par exemple: la crise postélectorale
en Arménie, qui a conduit à deux débats de l’Assemblée en juin 2008
et janvier 2009 et conduira à un troisième en juin 2009, dont le
premier selon la procédure d’urgence; la crise qui a vu le jour
en Turquie lorsque le parti au pouvoir AKP a été menacé de dissolution
et qui a mené à un débat de l’Assemblée selon la procédure d’urgence
en juin 2008; la crise postélectorale en Moldova, qui a provoqué
un débat de l’Assemblée selon la procédure d’urgence en avril 2009.
Trois rapports ont été présentés à l’Assemblée en vertu de la procédure
de suivi régulière sur le fonctionnement des institutions démocratiques
en Azerbaïdjan (juin 2008) et sur le respect des obligations et
engagements de la Bosnie-Herzégovine (octobre 2008) et de la Serbie
(avril 2009). Enfin, en octobre 2008, la commission de suivi a présenté
à l’Assemblée un rapport sur le réexamen des pouvoirs déjà ratifiés
de la délégation russe pour des raisons substantielles liées à la
violation d’obligations et d’engagements par la Russie durant et
après la guerre avec la Géorgie. Au total, la commission de suivi
a présenté pas moins de douze rapports à l’Assemblée, dont cinq
selon la procédure d’urgence. Elle a également approuvé et rendu
public un certain nombre de documents d’information préparés par
ses corapporteurs sur tous les pays soumis à la procédure de suivi
sauf un (Monténégro) et par moi-même sur les trois pays engagés
dans un dialogue post-suivi
.
3. Cela étant, conformément à la pratique établie par notre commission
et saluée par l’Assemblée l’année dernière dans sa
Résolution 1619 (2008), j’ai préparé le rapport d’activité de cette année avec
le même objectif, en l’occurrence veiller à ce qu’il apporte une
contribution réelle au débat de l’Assemblée au cours de la partie
de session de juin sur la situation des droits de l’homme en Europe.
C’est pourquoi le présent rapport, à l’instar de celui de l’année
dernière, ne se contente pas de présenter les activités de la commission
de suivi au cours de la période concernée, mais examine le bien-fondé
et récapitule les principales questions en matière de droits de
l’homme soulevées dans tous les États membres actuellement soumis
à une procédure de suivi ou engagés dans un dialogue post-suivi
(ci-dessous, sous 2).
4. En sa qualité de rapporteur de la commission des questions
juridiques et des droits de l’homme, M. Christos Pourgourides indiquait
en 2007 dans son rapport «Situation des droits de l’homme et de
la démocratie en Europe» (
Doc.
11202), que l’Etat de droit était le pilier de la mise en
œuvre des droits de l’homme. Une protection effective des droits
de l’homme ne peut être assurée que si les victimes des violations des
droits de l’homme ont accès à un recours effectif (article 13 de
la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH)) et bénéficient
d’un procès équitable, public et dans un délai raisonnable devant
un tribunal indépendant et impartial établi par la loi (article
6 de la CEDH). C’est pourquoi, avant d’aborder les thèmes «classiques»
des droits de l’homme soulevés dans les rapports spécifiques par
pays de la commission (ci-dessous, sous 2., sections 2.3 à 2.10),
j’ai brièvement traité deux des sujets principaux en relation avec
l’État de droit, que la commission de suivi couvre systématiquement
dans ses rapports: l’indépendance et l’efficacité des systèmes judiciaires
nationaux ainsi que l’existence de recours internes contre les violations
des droits de l’homme et leur efficacité (ci-dessous, sous 2., sections
1 et 2). Enfin j’ai rapidement examiné, dans une section distincte,
les préoccupations en matière de droits de l’homme soulevées par
la guerre Géorgie-Russie (ci-dessous, sous 2.11.).
5. D’un point de vue méthodologique, comme l’année passée, je
me suis borné à citer des textes adoptés par l’Assemblée et des
rapports et autres documents publics préparés par les corapporteurs
de notre commission qui suivent la situation dans chaque pays spécifique
ou moi-même en ma capacité de rapporteur pour le dialogue post-suivi
avec trois pays. Je ne me suis pas lancé dans des analyses ou des
conclusions allant au-delà de ce qu’avaient proposé les corapporteurs
concernés. J’ai également inclus des références à des travaux pertinents
menés par les deux organisations non gouvernementales internationales
(ONG) le plus souvent utilisées pour la préparation des documents
de notre commission, Amnesty International (AI) et Human Rights Watch (HRW). A cet
égard, je me réjouis que la Secrétaire Générale d’Amnesty International, Mme Irene
Khan, et la Directrice pour l’Europe et l’Asie centrale de Human Rights Watch, Mme Holly Cartner, aient
accepté toutes deux notre invitation à s’adresser à l’Assemblée
dans le cadre du débat sur le rapport de notre commission.
6. Conformément à la pratique établie depuis 2006 qui a été saluée
par l’Assemblée dans sa
Résolution 1515
(2006), un deuxième cycle de rapports périodiques concernant
les États membres qui ne font pas l’objet d’une procédure de suivi
ou ne sont pas engagés dans un dialogue post-suivi a été initié.
Les rapports périodiques concernant le premier groupe de 11 États
membres ont été préparés et sont inclus dans un addendum au présent
rapport: Allemagne, Andorre, Autriche, Belgique, Chypre, Croatie,
Danemark, Estonie, Finlande, France et République tchèque. Comme
lors du premier cycle, ils reposent sur des évaluations pays par
pays réalisées par le Commissaire aux droits de l’homme et d’autres
mécanismes de suivi ou institutions des droits de l’homme du Conseil
de l’Europe. Il ne sera cependant fait référence qu’aux évaluations
les plus récentes, postérieures à juin 2006, réalisées après présentation
des premiers rapports périodiques relatifs aux mêmes Etats. La Convention
sur la lutte contre la traite des êtres humains, entrée en vigueur
le 1er février 2008 et qui a mené à la
mise en place d’un nouveau mécanisme de suivi spécifique, le GRETA,
a été ajouté à la grille par pays et, à compter de l’année prochaine,
les rapports périodiques par pays devraient également couvrir les
conclusions tirées par le GRETA.
7. Dans l’avant-projet de résolution, j’ai tenté de regrouper
les questions récurrentes liées aux droits de l’homme soulevées
dans tous les pays soumis à une procédure de suivi ou engagés dans
un dialogue post-suivi, ainsi que des conclusions tirées des rapports
périodiques de cette année.
2. Aperçu
de la situation des droits de l’homme dans les pays faisant l’objet
d’une procédure de suivi de l’Assemblée ou impliqués dans un dialogue
post-suivi
2.1. Indépendance et
efficacité du système judiciaire et réforme du Ministère public
8. L’indépendance de la magistrature est une exigence
préalable du principe de légalité et la garantie fondamentale d’un
procès équitable. A cet égard, les normes énoncées dans l’Avis n°
10 sur «le rôle du Conseil de la Justice au service de la société»
du Conseil consultatif des juges européens ainsi que «les normes
européennes sur l’indépendance du pouvoir judiciaire – vue d’ensemble
systématique», document préparé par la sous-commission sur le pouvoir
judiciaire de la Commission de Venise
, fournissent des repères clairs
pour les travaux de la commission de suivi. C’est par rapport à
ces repères que nous avons analysé la situation dans les États membres
au fil des dernières années. L’engagement de réformer le Ministère
public, pris par la quasi-totalité des pays au moment de leur adhésion,
demeure non acquitté dans la plupart d’entre eux.
9. S’agissant de l’
Albanie,
une des principales préoccupations du Conseil de l’Europe est la
faiblesse du judiciaire qui est doté d’un personnel mal rémunéré
et partiellement corrompu. Dans leur avant-projet de rapport sur
le respect par l’Albanie de ses obligations et engagements
, les corapporteurs notaient que la réforme
du système judiciaire est en cours et que les autorités ont réaffirmé
leur engagement à renforcer la prééminence du droit dans le pays.
Cependant, de l’avis des dirigeants d’opposition, des observateurs internationaux
et des représentants d’ONG, cette réforme est conduite avec précipitation
et sans coordination. Une nouvelle loi sur l’organisation du judiciaire
a été adoptée en février 2008. Elle a bénéficié du soutien du Gouvernement
et des partis d’opposition. Cette loi n’a toutefois été adoptée
qu’à l’issue d’une longue période de consultations avec les groupes
intéressés et avec l’aide d’un groupe d’experts. En mars 2008, un
Pacte national sur la justice a été adopté par les principaux partis
politiques. Toutefois, une stratégie de réforme claire et une vision
pour le judiciaire continuent de faire défaut. En ce qui concerne
la réforme du Ministère public, conformément aux modifications apportées
à la Constitution le 21 avril 2008, la durée du mandat du Procureur général,
auparavant illimitée, a été fixée à cinq ans avec possibilité de
renouvellement. Dans un avis adopté à notre demande, la Commission
de Venise a considéré que cet amendement constituait une régression
et risquait de compromettre l’impartialité du Procureur général,
en particulier à un moment où il ou elle fait campagne aux fins
de sa réélection
. Le 29 décembre 2008, le
Parlement a adopté une loi portant modification de la loi sur l’organisation
et le fonctionnement du Bureau du Procureur. À la suite d’inspections,
le ministre de la Justice est désormais habilité à recommander l’ouverture
de procédures disciplinaires à l’encontre des procureurs. Ces derniers
ont exprimé des préoccupations à propos de la nouvelle loi dont
ils craignent qu’elle ne débouche à l’avenir sur l’ingérence du
gouvernement dans leur travail
.
10. En
Arménie, l’Assemblée
a noté que le manque de confiance manifeste dans l’indépendance
de la magistrature en tant qu’arbitre impartial des différends électoraux
explique le nombre relativement faible de plaintes formelles déposées
auprès des tribunaux après l’élection présidentielle du 19 février
2008 (voir
Doc. 11579). A cet égard, l’Assemblée, dans sa
Résolution 1609 (2008), recommandait aux autorités de redoubler d’efforts afin
de mettre en place un pouvoir judiciaire véritablement indépendant et
de renforcer la confiance de la population dans les tribunaux.
11. En
Bosnie-Herzégovine,
si aucun problème majeur n’a été détecté en matière d’indépendance
de l’appareil judiciaire, les corapporteurs de la commission ont
exprimé leurs préoccupations devant les critiques plutôt sévères
sur le fonctionnement du système judiciaire
.
Il semble que la coopération entre la police et les procureurs soit
médiocre, les tribunaux des districts et des cantons ne sont pas
suffisamment pourvus en personnel et sont sous-équipés, et les dossiers
en souffrance ont atteint des chiffres alarmants. La mise en œuvre
différente des normes procédurales dans les Entités, telles que
le statut de limitation des poursuites pour des crimes de guerre
et des cas de jurisprudences divergentes, est un autre problème
majeur qui entrave le fonctionnement normal du système judiciaire.
Il semble nécessaire de mettre en place une cour suprême au niveau
de l’Etat qui réviserait les décisions des cours suprêmes des Entités
pour fournir des orientations et garantir la cohérence. Dans ces
conditions, le système judiciaire de Bosnie-Herzégovine ne paraît
pas en mesure d’offrir des recours effectifs en cas de violation
de droits de l’homme. A cet égard, l’Assemblée, dans sa
Résolution 1626 (2008) appelait les autorités à poursuivre la réforme judiciaire,
notamment en améliorant les conditions matérielles des tribunaux,
en renforçant la coopération entre les juges, les procureurs et
la police, et en assurant une meilleure cohérence des pratiques
judiciaires aux niveaux des entités et de l’Etat, par le biais,
en particulier, de la création d’une cour suprême au niveau de l’État,
comme le recommandait l’Assemblée dans sa
Résolution 1513 (2006).
12. En
Bulgarie, le problème
de l’indépendance de la magistrature doit être abordé dans le contexte
plus large de la réforme du système judiciaire. Dans ma note d’information
sur le dialogue post-suivi avec la Bulgarie
, je soulignais que le système judiciaire
restait largement considéré comme inefficace, sans obligation de
rendre des comptes, non transparent et corrompu. Il apparaît que
les organes exécutifs et législatifs se méfient encore considérablement
du judiciaire et sont peu disposés à reconnaître l’existence d’un
pouvoir judiciaire réellement indépendant. En février 2007, plusieurs
amendements constitutionnels relatifs principalement au judiciaire
ont été adoptés, sans consultation préalable du Conseil de l’Europe.
Après l’adoption de ces amendements, la Commission de Venise, à
la demande de la commission de suivi, a préparé un Avis sur la Constitution
de la Bulgarie dans lequel elle a constaté de nombreuses déficiences
sous l’angle de la séparation des pouvoirs
.
13. En
Russie, la commission
s’est félicitée des améliorations apportées au fonctionnement du
système judiciaire. En particulier, le budget des tribunaux est
maintenant sous le contrôle des autorités judiciaires elles-mêmes.
Le Département judiciaire de la Cour suprême a le droit de défendre
les crédits budgétaires proposés pour financer le système judiciaire
directement au Parlement. Cependant, les améliorations financières
et organisationnelles dans le fonctionnement du système judiciaire
n’ont pas fait taire les inquiétudes exprimées antérieurement par
l’Assemblée quant à l’indépendance des tribunaux et le recours apparemment
abusif au système judiciaire à des fins politiques. Dans leur note
d’information sur l’état d’avancement de la procédure de suivi relative
à la Russie
, les corapporteurs de
la commission ont évoqué l’investigation des affaires largement
médiatisées concernant des responsables politiques, des hommes d’affaires,
des journalistes ou des militants des droits de l’homme et exprimé
leur préoccupation quant à l’issue du procès pour le meurtre de la
journaliste indépendante Anna Politkovskaïa, qui s’est conclu récemment
par l’acquittement par le jury des meurtriers présumés
.
Ils ont relevé que l’enquête sur le meurtre n’était pas menée de
façon effective et appelé les autorités à la conclure au plus vite
afin que non seulement les auteurs mais également les instigateurs
de ce crime horrible soient traduits en justice. De même, les corapporteurs
ont demandé instamment à la commission d’enquête russe d’enquêter
sérieusement et rapidement sur les meurtres récents de l’avocat
et défenseur des droits de l’homme Stanislav Markelov
et
de la journaliste Anastasia Babourova, conformément à leur obligation,
en vertu de la CEDH, de prendre des mesures concrètes pour garantir
la protection des militants des droits de l’homme
.
Parallèlement, les corapporteurs ont convenu avec les autorités
russes d’examiner en détail la situation concernant l’enquête sur
les affaires de violations de droits de l’homme dans le Caucase
du Nord et en République tchétchène, à l’occasion notamment de leur
prochaine visite dans le pays. Actuellement, un nombre important
de dossiers est en instance devant le Comité des Ministres dans
le cadre de la surveillance de l’exécution des arrêts de la Cour
européenne des droits de l’homme résultant ou en relation avec une
série de violations de la CEDH au cours d’opérations anti-terroristes menées
par les autorités russes en Tchétchénie en 1999 et 2002 (principalement
l’absence de justification de l’usage de la force par les services
de sécurité, des disparitions, des détentions non reconnues, des
actes de torture et de mauvais traitements, des perquisitions et
des saisies illégales et des destructions de biens), l’absence d’enquêtes
effectives sur les prétendus abus et les déficiences persistantes
des recours internes à cet égard (violations des Articles 2, 3,
5, 6, 8 et 13 de la CEDH et de l’Article 1 du Protocole No. 1 à
la CEDH)
.
14. La commission a accueilli favorablement la création d’une
commission d’enquête au sein du Bureau du Procureur général de la
Fédération de Russie qui a abouti à la séparation des fonctions
d’enquête et de supervision exercées par ce Bureau, donnant suite
aux recommandations antérieures de l’Assemblée. Des préoccupations
demeurent toutefois quant aux fonctions extrapénales de la Procurature.
Tout en reconnaissant que des fonctions extrapénales similaires
sont exercées par les procureurs dans plusieurs Etats membres du
Conseil de l’Europe, la commission a rappelé la recommandation du
Conseil consultatif de procureurs européens selon laquelle: «s’agissant
des tâches et activités confiées aux procureurs en dehors du domaine
de la justice pénale, le principe de la séparation des pouvoirs
devra être respecté tout comme le rôle des tribunaux dans la protection
des droits de l’homme»
et que «les fonctions en
cause doivent s’exercer au nom de la société et en défense de l’intérêt
général, pour assurer l’application de la loi, en respectant les droits
de l’homme et les libertés fondamentales et dans le cadre des missions
confiées aux procureurs par la loi, en tenant compte des principes
de la Convention ainsi que de la jurisprudence de la Cour»
. La commission considère
que les autorités russes devraient s’appuyer sur ces principes pour
réformer plus avant la Procurature afin de limiter progressivement
ses larges pouvoirs de contrôle de la légalité et de protection des
droits de l’homme et d’établir des voies de recours efficaces en
matière de violation de droits de l’homme, qui permettent aux victimes
de protéger leurs droits devant les tribunaux, que ce soit directement
ou par l’intermédiaire d’avocats indépendants
.
15. En
Serbie, l’Assemblée
a salué l’adoption par l’Assemblée nationale le 22 décembre 2008,
d’un ensemble de lois sur la réforme de la justice et du ministère
public. Cependant, d’après la commission de Venise, «la Constitution
de la Serbie met en cause l’indépendance du pouvoir judiciaire et
crée un risque majeur de politisation de ce dernier en octroyant
à l’Assemblée nationale le pouvoir d’élire les juges et les membres
du Conseil supérieur de la magistrature et en créant une discontinuité
entre la magistrature existante et celle à élire, une fois le Conseil
supérieur de la magistrature établi». La législation récemment adoptée
tente de répondre à ces problèmes et réduit l’influence politique
dans le processus de désignation de la majorité des membres du Conseil
supérieur de la magistrature. La législation a également réduit
au minimum l’ingérence des responsables politiques dans la nomination
des juges individuels, même si l’Assemblée nationale reste l’organe
décisionnaire final et qu’elle est en mesure d’exercer un pouvoir
politique discrétionnaire sur la nomination des juges. À propos
de la réforme du Ministère public, la commission s’est dite préoccupée
par l’éventuelle ingérence du Parlement dans le travail des procureurs
en raison de leur double responsabilité envers le Procureur général
de la République et l’Assemblée nationale. La commission a également
noté que la procédure d’élection des Procureurs généraux et des
Substituts des Procureurs généraux par l’Assemblée nationale, sur
proposition du Conseil des parquets de l’État (composé de membres
élus directement ou indirectement par l’Assemblée nationale) était
également préoccupante en raison de l’ingérence du Parlement. La
nouvelle loi relative aux procureurs adoptée en décembre 2008 n’a
pas mis fin aux préoccupations de la commission dans la mesure où
l’Assemblée nationale bénéficie toujours d’une certain marge de
manœuvre politique pour élire les procureurs
. A la lumière de ces considérations,
l’Assemblée, dans sa
Résolution
1661 (2009), invitait les autorités serbes à poursuivre les travaux
avec la Commission de Venise sur l’établissement de garanties juridiques
claires permettant aux juges en place, en l’absence d’allégation
d’incompétence ou de comportement incompatible avec leur fonction,
de rester en poste. Elle a par ailleurs appelé les autorités à poursuivre
leurs travaux sur l’amélioration du cadre constitutionnel et juridique
du système judiciaire et du ministère public afin de mettre en place
des garanties suffisantes contre toute ingérence politique dans
leurs activités et de renforcer l’efficacité et le professionnalisme
des juges et des procureurs.
16. Au cours de ma visite en Turquie en
novembre 2008, en ma capacité de rapporteur pour le dialogue post-suivi,
j’ai exprimé mes préoccupations quant à l’indépendance du système
judiciaire, notamment en ce qui concerne l’influence du ministre
de la Justice sur le Conseil supérieur de la magistrature (CSM).
Le CSM est en charge de la sélection des juges et des procureurs,
de leur nomination, des mutations et des mesures disciplinaires
à leur encontre. Lors de mon entretien avec certains de ses membres,
j’ai compris que l’influence du ministère de la Justice sur cet
organe est en fait structurelle. Le ministre de la Justice en est
le président et en définit l’ordre du jour; les bureaux du Conseil
supérieur de la magistrature et du ministère de la justice sont mitoyens;
son budget dépend du ministère et il ne dispose pas de son propre
secrétariat. De plus, le service de l’inspection dépend directement
du ministère de la Justice lui-même. J’ai été également surpris
d’apprendre que le CSM ne peut pas initier de poursuites contre
un juge ou un procureur sans l’aval du ministre de la Justice. J’ai
du mal à voir comment, dans ces conditions, le CSM peut fonctionner
indépendamment du ministère de la Justice.
17. En
Ukraine, la réforme
du système judiciaire continue de poser problème. Dans leur note
d’information relative à leur récente visite en Ukraine
,
les corapporteurs ont noté que les juges à tous les niveaux restaient dépendants
de l’autorité politique ou des responsables du système judiciaire.
Le Président a adopté en mai 2006
le document de réflexion sur la réforme du pouvoir judiciaire qui
a donné lieu à la soumission de deux projets de loi au Parlement.
Ces deux projets de loi ont été adoptés par la Verkhovna Rada en
première lecture en avril 2007. Cependant, depuis lors, les progrès
ont été maigres et les deux projets de loi sont toujours en cours
d’adoption par le Parlement. De plus, ils ont fait l’objet de révisions
substantielles de la part de la commission des affaires juridiques
de la Rada et semblent ne plus être conformes à l’Avis de la Commission de
Venise. Dans ce contexte, les corapporteurs ont appelé la Verkhovna
Rada à soumettre le texte révisé pour avis à la Commission de Venise
et à mettre en œuvre les recommandations énoncées dans cet avis,
dans le but d’adopter sans délai ces deux projets de loi sur la
réforme du système judiciaire. L’Ukraine ne s’est toujours pas acquittée
de l’engagement de réformer le Ministère public pris au moment de
son adhésion. Le 14 avril 2009, le Parlement a adopté en première
lecture le projet de loi sur le Ministère public. Ce projet, qui
bénéficie du ferme soutien du Procureur général, ne répondrait pas
aux préoccupations exprimées par la Commission de Venise à propos
de sa précédente version
.
Au cours de leur dernière visite en Ukraine en avril 2009, les corapporteurs
ont appris que le Ministre de la justice avait suggéré au Président
de la Verkhovna Rada de soumettre le projet de loi à la Commission
de Venise pour avis avant que la loi ne soit examinée en deuxième et
en troisième lecture. Les corapporteurs ont fermement appuyé cette
proposition et insisté sur le fait qu’aucune loi ne devait être
adoptée avant que la Commission de Venise ne l’ait examinée et ne
se soit penchée sur d’éventuels problèmes. Ils ont également noté
que l’une des principales préoccupations concernant le Ministère
public vient de la non-conformité de sa fonction de supervision
avec les normes européennes. Or les modifications constitutionnelles
de 2004 ont inscrit cette fonction générale de supervision dans
la Constitution ukrainienne, ce qui a été considéré déjà à l’époque
par la Commission de Venise comme un pas en arrière incompatible
avec les traditions historiques de la Procurature dans un pays gouverné
par le principe de la prééminence du droit
.
Pour qu’une loi conforme aux normes européennes puisse être adoptée, un
premier pas dans la réforme du Ministère public consisterait par
conséquent à adopter des amendements constitutionnels supprimant
la mention de cette fonction de supervision dans la Constitution
.
2.2. Droit à un procès
équitable dans un délai raisonnable
18. Les violations du droit à un procès équitable dans
un délai raisonnable sont souvent imputables à des problèmes systémiques
dans le fonctionnement du système judiciaire, notamment la non-exécution
des décisions judiciaires internes définitives.
19. La non-exécution des décisions judiciaires internes définitives
est un élément préoccupant en Albanie. Dans l’avant-projet de rapport
sur le respect des obligations et engagements de l’Albanie
, les corapporteurs de la commission ont noté
que depuis janvier 2007, la Cour européenne des droits de l’homme
a rendu sept arrêts contre l’Albanie. Dans six d’entre eux, la Cour
a conclu à une violation. La plupart des affaires sont liées au
droit à un procès équitable en raison de l’inexécution d’une décision
de justice définitive
.
20. En Bosnie-Herzégovine,
l’exécution des décisions de justice internes définitives est considérée
comme un problème majeur à tous les niveaux de juridiction. L’encombrement
du rôle est énorme, l’on décompte plus de 1,9 millions d’affaires
en instance devant les tribunaux dont près de 160 000 affaires pénales.
Le tribunal cantonal à Sarajevo, par exemple, croule actuellement
sous 80 000 affaires de factures impayées des services publics.
Dans une telle situation, les tribunaux ne peuvent assurer la mise
en œuvre effective du droit à un procès équitable dans un délai
raisonnable et offrir des recours judiciaires effectifs contre les
violations des droits de l’homme. En 2008, la Cour européenne des
droits de l’homme a prononcé 3 arrêts concernant la Bosnie-Herzégovine;
la violation du droit à un procès équitable et du droit à un recours
effectif a été retenue dans une affaire (Kudić
c. Bosnie-Herzégovine, requête n° 28971/05). La Cour
a estimé que cette affaire était pratiquement similaire aux affaires Jeličić et Pejaković et autres c. Bosnie-Herzégovine,
dans lesquelles elle avait conclu à une violation de l’Article 6
de la Convention ainsi qu’à une violation de l’Article 1 du Protocole No.
1 de la CEDH (affaires dites des anciens comptes d’épargne en devises).
La violation de l’Article 6 de la CEDH incluait l’inexécution d’une
décision de justice durant une très longue période (près de cinq
ans après la date de ratification de la CEDH par la Bosnie-Herzégovine).
C’est pourquoi, il y a lieu de penser que cette affaire traduit
un problème systémique grave dans l’ordre juridique de la Bosnie-Herzégovine.
21. En
Russie, les corapporteurs
de la commission ont relevé dans leur note d’information sur l’état d’avancement
de la procédure de suivi relative à la Russie
que le fonctionnement du système judiciaire
était gravement affecté par trois problèmes structuraux, en l’occurrence
la non-exécution des jugements définitifs rendus par les tribunaux
nationaux contre l’Etat (selon des études solides, 70 % de ces jugements
ne sont pas exécutés), la qualité des voies de recours internes
– qui oblige les juridictions supérieures à casser des jugements
définitifs en utilisant la procédure dite de «recours en révision»
(«nadzor») – ou encore la durée de la détention provisoire. Ces
problèmes ont une incidence directe sur le fonctionnement de la
Cour européenne des droits de l’homme, puisque 70 % à 80 % des arrêts
rendus contre la Russie à ce jour et des requêtes en instance potentiellement
recevables sont directement liés à ces questions. Cela étant, il
semble que les autorités russes s’efforcent de résoudre ces problèmes
structuraux en amendant la législation procédurale civile et pénale.
En décembre 2007, une série d’amendements du Code de procédure civile
a été adoptée et a modifié la procédure dite de «recours en révision»
(«nadzor») en matière civile. D’après les nouvelles règles, les
recours en vertu de cette procédure ne peuvent être formés que par
les parties au litige dans un délai de six mois (contre un an auparavant).
Le nombre d’instances de «nadzor» a été ramené à trois. Une décision n’est
susceptible d’un recours en révision que si toutes les voies de
recours judiciaires ordinaires ont été épuisées. Une décision de
justice définitive ne peut être invalidée au terme d’un recours
en révision que lorsqu’il y a eu violation du droit procédural ou
substantiel et que cette violation a empêché d’établir ou de protéger
les droits et libertés individuels ainsi que les intérêts privés
et publics licites. En matière pénale, le «nadzor» semble poser
moins de problèmes car le Code de procédure pénale interdit la
reformatio
in peius (c’est-à-dire le fait de prononcer en appel
une peine plus lourde). Conformément à une décision du 11 mai 2005
de la Cour suprême, les dispositions du Code de procédure pénale
concernant la
reformatio in peius sont en
cours de révision afin de répondre aux exigences de la jurisprudence
de la Cour européenne des droits de l’homme. Les modifications concernées
ont été adoptées par la Douma d’État le 25 février 2008 et visent
à permettre d’aggraver un jugement en appel, selon la procédure
du «nadzor» et à la demande du procureur, dans les cas de violations
fondamentales du droit procédural.
22. Cela étant, le problème de la non-exécution des décisions
définitives prononcées par des tribunaux contre l’État demeure non
résolu en Russie. A cet égard, les corapporteurs de la commission
ont salué la présentation en septembre 2008 d’un projet de loi sur
«l’indemnisation du préjudice consécutif à la violation du droit
à un procès équitable dans un délai raisonnable et du droit à l’exécution
des décisions définitives des tribunaux dans un délai raisonnable».
Ils ont néanmoins regretté que le Gouvernement ait émis un avis
négatif sur ce projet de loi, affirmant qu’il entraînerait des coûts
supplémentaires pour le budget de l’Etat. Ils ont invité instamment
le Gouvernement à reconsidérer sa position et à soutenir ce projet
de loi, car il permettrait de remédier à une lacune importante du
système judiciaire russe et enlèverait à la Cour européenne des
droits de l’homme une lourde charge de travail, en la dispensant
d’examiner les requêtes concernant la non-exécution des décisions
définitives des juridictions internes en Russie. En 2008, sur 244
arrêts prononcés à l’encontre de la Russie, la Cour a conclu à 159
violations du droit à un procès équitable et 20 affaires de durée excessive
de la procédure. Un grand nombre d’affaires de non-exécution des
décisions définitives est désormais en instance devant le Comité
des Ministres dans le cadre du contrôle de l’exécution des arrêts
.
23. Dans «
l’ex-République yougoslave
de Macédoine», le système judiciaire continue d’être
confronté au problème des retards de procédure
.
Ce problème est, semble-t-il, lié au système judiciaire en soi,
car il apparaît que les cours d’appel – opérant en seconde instance
– renvoient certaines affaires devant les tribunaux de première
instance, en cas d’erreur sur les faits ou mauvaise application
de la loi, plutôt que de juger elles-mêmes les affaires en question,
comme cela se fait dans le cadre d’autres systèmes juridiques. Cette
pratique de «justice différée» ne respecte pas le droit de chacun
à un procès équitable – tel qu’il est défini par la CEDH et la jurisprudence
de la Cour européenne des droits de l’homme. Dans 10 des 15 arrêts
rendus par la Cour à l’encontre de «l’ex-République yougoslave de
Macédoine» durant l’année 2008, elle a conclu à une violation du
droit à un procès équitable dans un délai raisonnable du fait de
la durée excessive des procédures judiciaires. Néanmoins, les autorités
ont pris certaines mesures visant à remédier à la situation. Selon
les amendements des codes de procédure récemment adoptés, les cours
d’appel ne peuvent annuler les décisions d’instances inférieures
et les renvoyer en audience qu’une seule fois. Par ailleurs, des
comités spéciaux ont été créés au sein de la Cour suprême pour traiter
les cas de «justice différée» en première et seconde instance, et
selon une procédure d’appel extraordinaire. En ma qualité de président
de la commission de suivi et rapporteur du dialogue post-suivi avec
«l’ex-République yougoslave de Macédoine», je compte examiner scrupuleusement
les effets de ces mesures qui, à mon sens, ne peuvent apporter qu’une
solution temporaire. Je suis d’avis qu’une révision approfondie
et systématique de l’ensemble des procédures judiciaires est nécessaire
si l’on veut résoudre les problèmes structurels auxquels est confronté
le système judiciaire macédonien.
24. En
Ukraine, les tribunaux
sont paralysés par le volume des affaires, d’où les délais déraisonnables
dans l’examen des dossiers et le prononcé des jugements. Sur les
110 arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme à l’encontre
de l’Ukraine, elle a conclu dans 61 affaires à une violation du
droit à un procès équitable et dans 32 affaires à la durée excessive
des procédures. Près de 238 dossiers concernant le manquement ou le
retard substantiel de l’administration ou des entreprises d’État
à se conformer à des arrêts internes définitifs sont en instance
devant le Comité des Ministres dans le cadre du contrôle de l’exécution
des arrêts
. Quinze autres affaires en attente
d’exécution sont liées à la longueur des procédures civiles et l’absence
de recours effectif (voir
‑Naumenko c.
Ukraine, requête n° 41984/98 et autres).
2.2.1. Ratification des
conventions des droits de l’homme du Conseil de l’Europe
2.2.1.1. Protocoles à la
CEDH
25. Monaco n’a
pas encore ratifié les Protocoles n° 1 et 12 à la CEDH, contrairement
aux engagements souscrits lors de son adhésion, tels que définis
dans l’Avis No 250 (2004). Les autorités arguent de la situation spécifique
du pays et notamment du fait que les citoyens monégasques sont nettement
minoritaires par rapport aux ressortissants étrangers vivant et/ou
travaillant à Monaco
.
26. La Russie est le seul
État membre du Conseil de l’Europe à n’avoir pas encore ratifié
les Protocoles n° 6 et 14 à la CEDH. Dans leur note d’information
sur l’état d’avancement de la procédure de suivi relative à la Russie,
les corapporteurs de la commission ont indiqué n’avoir malheureusement
à signaler aucun progrès dans la position de la Russie à l’égard
de la ratification des deux protocoles. Cette question demeure une
pierre d’achoppement majeure dans la coopération entre la Russie
et le Conseil de l’Europe.
27. La non-ratification du Protocole n° 14 par la Russie aggrave
les difficultés de fonctionnement de la Cour européenne des droits
de l’homme et empêche les personnes relevant de sa juridiction de
bénéficier d’une procédure de traitement rationalisée des requêtes
par la Cour. Les corapporteurs se sont dits vivement préoccupés
que depuis l’échec de l’adoption de la loi de ratification, en décembre 2006,
la Douma d’État n’ait pris aucune mesure concrète pour accélérer
le processus de ratification. Tout en soutenant pleinement les travaux
en ce sens de leurs collègues de la commission des questions juridiques
et des droits de l’homme
, les corapporteurs de la commission
de suivi ont évoqué la question de la ratification du Protocole
n° 14 à chacune de leurs réunions, lors des visites d’avril 2008
et de mars 2009. Soulignant que la Fédération de Russie devrait
de toute urgence ratifier le Protocole n° 14, au titre de ses engagements
en tant que membre, ils ont instamment invité les autorités russes
à reconsidérer leur position et à cesser d’être «l’exception» qui empêche
les autres Européens de bénéficier pleinement et effectivement de
la protection offerte par la Convention européenne des droits de
l’homme. Les membres de la délégation russe à l’Assemblée, tout comme
les représentants du ministère de la Justice au plus haut niveau,
ayant réaffirmé leur soutien à la ratification du Protocole n° 14,
les corapporteurs comptent sur les autorités pour prendre des mesures
dans ce sens prochainement. Ils ont également encouragé les autorités
à poursuivre le renforcement du système judiciaire national afin
de mettre en place des recours juridiques internes effectifs contre
les violations des droits de l’homme
. Au cours d’un récent débat concernant le
projet de Protocole No 14
bis à
la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et
des libertés fondamentales
, l’Assemblée a «exhorté une nouvelle
fois la Douma d’État de la Fédération de Russie à reconsidérer sans
plus tarder son refus de consentir à la ratification de ce Protocole
par la Russie», considérant «que l’entrée en vigueur du Protocole n° 14
à la Convention serait le moyen le plus efficace d’améliorer la
difficile situation dans laquelle se trouve la Cour». Pour l’Assemblée,
le projet de Protocole n° 14
bis est
un «bon moyen provisoire» de donner rapidement effet à l’application
provisoire de deux dispositions tirées du Protocole n° 14 à la CEDH.
28. En ce qui concerne l’abolition de la peine de mort dans la
loi en Russie, les autorités ont informé les corapporteurs de la
commission qu’il est beaucoup plus difficile de réaliser un consensus
autour de la ratification du Protocole n° 6. Selon elles, la société
n’est pas encore prête à accepter l’abolition de la peine de mort,
compte tenu en particulier de l’augmentation des statistiques criminelles
.
Cela dit, l’abolition de la peine de mort est généralement considérée
comme une mesure impopulaire qui exige un courage politique, mais
les dirigeants politiques russes devraient se rassembler sur ce
point. Selon les corapporteurs, il n’est pas acceptable que la Fédération
de Russie soit le seul État membre du Conseil de l’Europe à ne pas
avoir encore ratifié le Protocole n° 6, allant ainsi clairement
à l’encontre des principes du Conseil de l’Europe et des engagements
qu’elle a pris lors de son adhésion
.
2.2.1.2. Charte sociale
européenne révisée
29. La
Bosnie-Herzégovine a
ratifié la Charte sociale européenne révisée quelques jours après
l’adoption par l’Assemblée de la
Résolution 1626 (2008). Cette évolution mérite d’être saluée.
30. Monaco n’a toujours
pas ratifié la Charte sociale européenne révisée, en dépit de l’engagement
auquel le pays s’est soumis dans un délai d’un an après son adhésion.
La nouvelle jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme
dans l’affaire
Demir cet Baykara c. Turquie,
a mis un terme aux doutes émis par les autorités monégasques quant
à l’étendue des pouvoirs d’interprétation des juges européens qui
était l’argument principal ayant, jusqu’ici, reporté la ratification
de la Charte sociale. Les autorités monégasques ont cependant décidé
de s’octroyer un délai de réflexion supplémentaire avant de procéder
à la ratification
.
31. La récente adoption de la loi sur la ratification de la Charte
par les deux chambres du Parlement en Russie ainsi que par l’Assemblée
Nationale de la Serbie est à saluer. Il est à présent attendu des
autorités des deux Etats qu’elles déposent sans tarder l’instrument
de ratification.
32. La ratification de la Charte reste maintenant l’un des engagements
non encore honorés par le Monténégro (voir
Avis no 261 (2007) relatif à l’adhésion du Monténégro).
2.2.1.3. Convention sur
la lutte contre la traite des êtres humains
33. Il convient de saluer le fait que la plupart des
Etats membres faisant l’objet de la procédure de suivi ont signé
et ratifié la Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre
la traite des êtres humains, entrée en vigueur le 1er février
2008, qui prévoit un mécanisme de suivi spécifique, le GRETA. La
Convention est ainsi en vigueur en Albanie, en Arménie, en Bosnie-Herzégovine,
en Bulgarie, en Géorgie, en Moldova, au Monténégro et en Serbie.
Elle a par ailleurs été signée, mais pas encore ratifiée, par l’Ukraine
et deux Etats engagés dans un dialogue post-suivi, l’«ex-République
yougoslave de Macédoine» et la Turquie. La Convention n’a pas été
signée par l’Azerbaïdjan, Monaco et la Russie.
2.3. Police, forces
de l’ordre, forces armées, personnel pénitentiaire et conditions
de détention
34. Les rapports de la commission de suivi font souvent
référence aux travaux menés par le Comité européen pour la prévention
de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants
(CPT) et appellent à la mise en œuvre de ses recommandations et
à la publication des rapports pertinents par les autorités des États
faisant l’objet d’une procédure de suivi ou de post-suivi.
35. En
Albanie, en dépit
d’une diminution du nombre de rapports faisant état de mauvais traitements
depuis le transfert de la responsabilité des centres de détention
provisoire du ministère de l’Intérieur au ministère de la Justice
en 2007, le recours excessif à la force par les membres de la police
ainsi que les mauvais traitements continuent d’être sources de préoccupation.
Les garanties élémentaires contre les mauvais traitements au cours
des périodes de détention provisoire ne sont toujours pas appliquées
de manière cohérente et efficace: les détenus n’ont pas accès à
un avocat en temps voulu et il arrive souvent qu’ils ne soient pas
présentés à un juge dans les délais prévus par la Constitution.
L’inefficacité des enquêtes sur les allégations de mauvais traitements
et des poursuites engagées contre leurs auteurs contribuent à maintenir
un climat d’impunité
.
36. Selon un rapport publié en février 2008 par le Médiateur albanais
suite à la visite du Commissaire aux droits de l’homme du Conseil
de l’Europe, les principaux problèmes des prisons albanaises sont
la surpopulation, le manque d’hygiène et la détention de mineurs
et de malades mentaux dans les mêmes cellules que les détenus ordinaires.
Quelques progrès ont été enregistrés dans la mise en œuvre des recommandations
du CPT, mais il reste encore beaucoup à faire. En 2008, les nouveaux
établissements pénitentiaires de Vlore, Fushe Kruje et Korçë, qui
ont également des quartiers réservés aux prévenus, ont été achevés.
De plus, afin d’essayer de résoudre les problèmes de surpopulation
carcérale, une nouvelle législation a été adoptée en 2008 pour permettre
des mesures alternatives à l’emprisonnement et pour introduire le
service probatoire
.
37. Suite aux événements des 1er et
2 mars 2008 en
Arménie, l’Assemblée
a exprimé ses préoccupations devant le recours excessif à la force
par la police au cours des affrontements avec les manifestants et
les mauvais traitements des détenus lors de leur arrestation et
de leur transfert vers les commissariats de police
. Dans
sa
Résolution 1609 (2008), l’Assemblée déclarait que les arrestations et détentions
arbitraires, ainsi que les mauvais traitements des détenus, notamment
pendant la garde à vue, devraient cesser et appelait les autorités
arméniennes à veiller à ce que des mécanismes de contrôle public
efficace au niveau de la police soient garantis dans la loi et dans
la pratique. Trois des dix victimes des émeutes des 1er et
2 mars 2008 sont décédées suite à des tirs à bout portant de grenades
lacrymogènes par la police contre des manifestants, ce qui soulève
un certain nombre de questions quant aux directives concernant l’usage
de la force par les organismes d’application de la loi. L’Assemblée
a de ce fait demandé une enquête indépendante, transparente et crédible
sur les événements du 1er et du 2 mars
2008, y compris sur le recours excessif à la force de la part de
la police et les circonstances précises de ces décès. Tout en reconnaissant
les problèmes, les autorités n’ont pas encore annoncé de mesures
concrètes visant à lutter contre le recours excessif et disproportionné
à la force par les organismes d’application de la loi. Au cours
des procédures devant le tribunal à l’encontre de sept membres de
l’opposition considérés comme les meneurs par les autorités, plusieurs
témoins de l’accusation ont prétendu avoir subi des pressions de
la part de la police afin de livrer de faux témoignages mettant
en cause les accusés. Cette situation a conduit le Défenseur des
droits de l’homme de l’Arménie à publier le 7 mai 2009 une déclaration
dans laquelle il exprime ses inquiétudes devant les nombreuses plaintes reçues
par ses services à propos des pressions et des contraintes auxquelles
la police a soumis des témoins potentiels en vue d’obtenir des «preuves».
38. En
Azerbaïdjan, de
nombreux cas de mauvais traitements et des allégations de torture
de la part des forces de l’ordre pendant la garde à vue et les enquêtes
préliminaires policières, ainsi que dans les rangs de l’armée, afin
d’extorquer des aveux ou d’obtenir des témoignages compromettants,
continuent d’être rapportés et les enquêtes sur ces comportements
ont rarement débouché sur des poursuites des agents responsables de
ces mauvais traitements
. Malheureusement,
le seul rapport du Comité européen pour la prévention de la torture
et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) sur l’Azerbaïdjan,
publié à ce jour, est celui sur la première visite périodique de
2002. La dernière visite du CPT en Azerbaïdjan s’est déroulée en novembre
2006. Le rapport sur cette visite, qui a été transmis aux autorités
en juillet 2007, n’a pas encore été rendu public.
39. En ce qui concerne la question des prisonniers politiques
présumés en Azerbaïdjan
, Natiq Efendiyev, Ruslan Bashirli,
Akif Huseynov et Telman Ismayilov, ainsi que les journalistes de
l’opposition incarcérés Ganimat Zahidov et Eynulla Fatullayev demeurent
emprisonnés, suite à des enquêtes et procédures judiciaires caractérisées
par leur manque de transparence et d’équité.
40. Dans sa
Résolution
1626 (2008) sur la
Bosnie-Herzégovine,
l’Assemblée a demandé aux autorités de Bosnie-Herzégovine de prendre
de nouvelles mesures pour harmoniser les lois et les pratiques au
niveau des entités en matière de gestion des prisons, s’agissant,
en particulier, de l’exécution des sanctions pénales, de la délinquance
juvénile et des maladies mentales et à accélérer la construction
d’une prison de haute sécurité au niveau de l’Etat. Partageant les
préoccupations exprimées par le CPT et la commission des droits
de l’homme des Nations Unies concernant les conditions dans l’annexe
psychiatrique de la prison de Zenica, l’Assemblée a demandé aux
autorités de transférer sans plus tarder tous les patients de cette
annexe dans un autre établissement adapté, où ils pourraient recevoir
le traitement dont ils ont besoin, ainsi que cela a été convenu
dans le règlement amiable conclu dans l’affaire
Hadžić, portée devant la Cour européenne
des droits de l’homme.
41. En
Bulgarie, bien que
la formation sur les droits de l’homme soit obligatoire à l’école
de police et dans les écoles de fonctionnaires, les atteintes aux
droits de l’homme par la police se poursuivent. L’impunité reste un
problème, car l’absence d’obligation de rendre des comptes a entravé
les tentatives du Gouvernement pour s’attaquer à ces violations
. Dans son dernier rapport,
le CPT répétait le rôle important des juges et des procureurs, mais
également du personnel des établissements de détention provisoire
et autres autorités compétentes, dans la prévention des mauvais
traitements infligés par les agents de la fonction publique par un
examen minutieux de toute information pertinente relative à d’éventuels
mauvais traitements pouvant être portée à leur attention, que ces
informations prennent ou pas la forme d’une plainte officielle.
Selon les groupes de défense des droits de l’homme, les examens
médicaux en cas de violences policières ne sont pas correctement
enregistrés, les allégations de violences policières font rarement
l’objet d’une enquête et les policiers responsables sont très rarement
sanctionnés. Le fait que le Code de procédure pénale ait été modifié en
décembre 2008, juste après ma visite en Bulgarie, abolissant l’obligation
pour les civils d’engager des poursuites judiciaires contre la police
devant des tribunaux militaires, est un développement qu’il convient
de saluer car il peut contribuer à mettre fin à l’impunité dont
jouit la police.
42. En ce qui concerne la situation dans les prisons bulgares,
les personnes des ONG chargées de surveiller les prisons indiquent
que la brutalité des gardiens envers les détenus, ainsi que la brutalité
entre détenus, restent de sérieux problèmes. La corruption continue
également à toucher le système. La surpopulation carcérale constitue
toujours un problème, bien que le Ministère de la Justice ait signalé
une légère baisse de la population carcérale après l’introduction
d’un système de probation.
43. En
Géorgie, la réforme
de la police, qui a permis de réduire remarquablement la petite
corruption, a été considérée comme un succès majeur. Un office principal
de protection et de surveillance des droits de l’homme a été créé
au Ministère de l’intérieur. Il est chargé d’assurer la supervision
interne des services répressifs et des centres de détention préventive.
Il travaille en étroite collaboration avec le Médiateur et des ONG. Cependant,
l’impunité demeure un problème grave au sein des forces de police.
Bien que ces dernières années le nombre d’infractions ait considérablement
diminué et malgré l’adoption en juin 2006 d’un Code déontologique
de la police, il est rapporté que les policiers continuent d’être
impliqués dans des violations des droits de l’homme, qui prennent
principalement la forme d’un recours excessif à la force, en particulier
dans les commissariats et lors des opérations spéciales, de cas
de torture des détenus et d’autres mauvais traitements. En dépit
des efforts entrepris, la formation initiale et continue de la police,
et notamment de la police criminelle, demeure sérieusement lacunaire;
il convient de régler efficacement ce problème en coopération avec
le Conseil de l’Europe
.
44. Malgré l’ouverture de nouveaux établissements pénitentiaires
et des efforts du ministère de la Justice, le surpeuplement et les
mauvaises conditions carcérales dans les prisons et les établissements
de détention provisoire, notamment dans les maisons d’arrêt, demeurent
la préoccupation majeure en matière de droits de l’homme en Géorgie.
Dans sa
Résolution 1603
(2008) sur la Géorgie, l’Assemblée demandait aux autorités géorgiennes
de mettre pleinement en œuvre les recommandations du CPT, de poursuivre
la recherche d’une solution au problème du surpeuplement des établissements
pénitentiaires et des centres de détention préventive et d’envisager,
si besoin est, l’adoption de mesures supplémentaires. L’Assemblée
demandait également aux autorités d’assurer l’ouverture d’enquêtes
rapides, indépendantes et approfondies sur l’ensemble des allégations
de mauvais traitements, et d’appliquer une politique de tolérance
zéro à l’égard de l’impunité.
45. Suite à un débat selon la procédure d’urgence le 29 avril
2009 sur le fonctionnement des institutions démocratiques en
Moldova, l’Assemblée a exprimé
ses vives préoccupations devant les actes de violence commis à Chisinau
par la police durant les événements qui ont suivi les élections
législatives du 5 avril. Plus de 300 personnes ont été arrêtées
dont neuf sont actuellement encore en détention. On rapporte qu’au
moins trois personnes sont décédées durant les événements postélectoraux.
Les violations des droits de l’homme, dont des cas de passage à
tabac et mauvais traitements par la police, ont été dénoncées par
de nombreuses organisations non gouvernementales nationales et internationales
,
le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe
,
ainsi que par le Mécanisme national de prévention de la torture,
mis en place par le Protocole optionnel à la Convention des Nations
Unies contre la torture, et autres peines ou traitements cruels, inhumains
ou dégradant. L’Assemblée a demandé instamment qu’une instruction
indépendante et approfondie sur toutes ces allégations de violences
soit engagée immédiatement et que les responsables de ces violations soient
jugés (voir
Résolution
1666 (2009) et
Doc. 11878)
.
46. Réitérant ses précédentes recommandations énoncées dans la
Résolution 1572 (2007) sur le suivi régulier de la Moldova, l’Assemblée a également
exhorté les autorités moldoves à poursuivre la réforme de la police;
à créer des moyens de recours efficaces contre l’usage excessif
de la force et la violence des fonctionnaires de police; à mettre
en place des formations pour les fonctionnaires de police; à veiller
à ce que tous les cas concernant des mauvais traitements fassent
rapidement l’objet d’une instruction approfondie, indépendante et
impartiale, et que des poursuites soient engagées si nécessaire;
à mettre en œuvre pleinement les recommandations du CPT. L’Assemblée
a d’autre part demandé aux autorités moldoves d’améliorer considérablement
les conditions de détention afin de les mettre en totale conformité
avec les normes européennes et de transférer la responsabilité de
la détention provisoire, qui relève du ministère de l’Intérieur,
au ministère de la Justice, conformément à un engagement de longue
date souscrit par la Moldova dans le cadre de son adhésion. Elle
a par ailleurs enjoint les autorités de faciliter l’accès des défenseurs
des droits de l’homme à tous les lieux de détention, y compris à
ceux qui sont encore administrés par le ministère de l’Intérieur.
47. Eu égard à la
Russie,
le Comité des Ministres contrôle à l’heure actuelle l’exécution
d’un
grand nombre d’arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme
concernant des affaires relatives à l’absence de justification de
l’usage de la force par les membres des forces de sécurité russes
au cours d’opérations anti-terroristes en Tchétchénie en 1992-2002,
à des disparitions, des détentions non reconnues, des actes de torture
et de mauvais traitements, des perquisitions illégales et des destructions
de biens, l’absence d’enquêtes effectives et les déficiences persistantes
des recours internes à cet égard (violations des articles 2, 3,
5, 6, 8 et 13 de la CEDH et de l’article 1 du Protocole n° 1)
. Les corapporteurs de la
commission examineront en détail la situation concernant l’investigation
des affaires susmentionnées de violations des droits de l’homme
dans le Caucase du Nord et, notamment, en République tchétchène
à l’occasion de leur prochaine visite dans le pays, après celle
dans la région de M. Dick Marty, Rapporteur de la commission des questions
juridiques et des droits de l’homme sur les «Recours juridiques
en cas de violations des droits de l’homme dans la région du Caucase
du Nord».
48. La question du bizutage dans les forces armées russes retient
depuis longtemps l’attention de la commission de suivi
.
Les représentants du ministère de la Défense ont informé les corapporteurs
au cours de leur dernière visite en mars 2009 que, du fait de l’évolution
vers la professionnalisation totale des forces armées, une grande
partie des militaires sont maintenant des soldats de métier, ce
qui aurait réduit le problème du bizutage. La décision d’affecter
des conscrits dans les forces de réserve, qui sont généralement
mieux formées et moins enclines à commettre des abus, a également
contribué à lutter contre le bizutage dans les forces armées. En
contradiction avec l’appréciation globalement positive du ministère
de la Défense, plusieurs ONG travaillant dans ce domaine étaient
d’avis que le bizutage était encore très répandu dans les forces armées,
malgré les mesures prises par les autorités. Un Conseil public a
été mis en place en octobre 2006 pour assurer un contrôle public
sur les conseils de révision et sur la situation des droits de l’homme
dans les forces armées en général. Ce Conseil comprend 51 membres,
dont aucun n’a de liens avec le ministère de la Défense. Des comités
de parents ont également été instaurés pour signaler et régler les
éventuels cas de bizutage. Toutefois, leur fonctionnement exact
n’apparaît pas entièrement clair, eu égard au principe selon lequel
les appelés font leur service hors du territoire du sujet de la
Fédération où ils sont résidents.
49. En
Serbie, de nouveaux
mécanismes de contrôle démocratique des activités des forces armées
et de sécurité, ainsi que de la police, ont été introduits par la
nouvelle Constitution et la législation y afférente. L’Assemblée
s’est félicitée de leur introduction dans sa récente
Résolution 1661 (2009) S’agissant de la police, par exemple,
le directeur de la Police soumet tous les six mois un rapport sur
les activités de la police à la commission de la défense et de la
sécurité de l’Assemblée nationale. La commission organise des débats publics
au cours de l’examen de ces rapports.
50. Les conclusions du dernier rapport du CPT sur «
l’ex-République yougoslave de Macédoine» sont extrêmement
alarmantes
. Le CPT note en particulier
que: «
dix ans après sa première visite
en «ex-République yougoslave de Macédoine», la qualité des relations
entre le CPT et les autorités nationales reste, à bien des égards,
profondément insatisfaisante. D’abord, le Comité ne peut se fonder
sur les informations fournies par les autorités nationales. La fiabilité
des informations est le fondement de la coopération. Deuxièmement,
aucune amélioration tangible de la situation, à la lumière des nombreuses
recommandations du CPT, n’a été enregistrée. La conclusion claire
est que les autorités nationales ne semblent pas prendre au sérieux
leur obligation fondamentale d’assurer la protection des personnes
privées de leur liberté .» (traduction
non officielle) En ma qualité de rapporteur du dialogue post-suivi
avec ce pays, je suivrai de près cette question importante
.
51. Dans ma récente note d’information sur la
Turquie, j’ai évoqué la quatrième
Résolution intérimaire adoptée l’année dernière par le Comité des
Ministres
sur
l’exécution des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme
concernant les progrès accomplis et les questions en suspens eu
égard au 175 arrêts et décisions de la Cour concernant la Turquie
et rendus entre 1996 et 2008. Ces arrêts sont essentiellement liés à
des décès suite à l’usage excessif de la force par des membres des
forces de sécurité, au défaut de protection du droit à la vie, à
des décès et/ou disparitions de personnes, à des mauvais traitements
et à la destruction de biens. Lors de notre rencontre au mois de
novembre dernier, le ministre de l’Intérieur a réitéré l’engagement
des autorités pour la protection des droits de l’homme et rappelé
l’existence d’une unité spécialisée au sein de son ministère dont
l’objectif est de promouvoir le respect des droits de l’homme dans
la police et la gendarmerie. Il a expliqué par ailleurs que les
membres des forces de sécurité bénéficiaient, outre leur formation
initiale et les différents programmes de formation sur les droits
de l’homme, d’une formation spécifique sur l’application des arrêts
de la Cour européenne des droits de l’homme dans le droit interne
. Néanmoins
des représentants d’ONG ont fait état de plusieurs cas de violence
commis au courant de l’an dernier par les forces de sécurité. Amnesty
International
et
Human Rights Watch
évoquent
de nombreux cas d’usage excessif de la force, de mauvais traitements
et de torture dans les prisons et par les forces de police
.
En juin 2008, le parlement a modifié la Loi relative aux droits
et aux devoirs de la police, étendant les prérogatives des policiers
en matière de recours à la force meurtrière et en les autorisant
à tirer sur tout suspect qui n’obtempérerait pas à une sommation
de s’arrêter. Notant une contradiction patente entre la politique
de «tolérance zéro» visant à une éradication totale de la torture
et des autres formes de mauvais traitements annoncée par le gouvernement
et les différents témoignages, j’ai demandé aux autorités nationales
de fournir de gros efforts pour garantir que des enquêtes effectives
sur les allégations d’abus par les membres des forces de sécurité
soient menées à bien et que les auteurs soient effectivement sanctionnés.
52. Le dialogue post-suivi entre l’Assemblée et la
Turquie couvre également la question
de l’état de santé de M. Abdullah Öcalan
. L’état de santé de
M. Öcalan est en effet suivi par le CPT, dont le rapport (qui comprend
un addendum sur les allégations d’intoxication par des métaux lourds)
a été rendu public en accord avec les autorités turques en mars
2008
. Les conclusions des experts
nommés par le CPT indiquent que le prisonnier n’a pas été victime
d’une intoxication par des métaux lourds. Toutefois, le CPT a clairement
critiqué l’isolement de M. Öcalan et poursuit sa coopération avec
les autorités turques dans le cadre de la Convention européenne
pour la prévention de la torture
.
53. En
Ukraine, la torture
et autres formes de mauvais traitements lors des détentions par
la police et dans les établissements pénitentiaires continuent d’être
pratiques courantes et la situation des droits de l’homme dans le
système carcéral s’est sensiblement détériorée au cours des quatre
dernières années
.
De nombreux rapports ont fait état de fouilles extrêmement brutales
menées au nom de la prévention du terrorisme – bafouant les droits
humains les plus fondamentaux des détenus. L’absence de procédures
effectives de plaintes et l’inaction de l’administration pénitentiaire
et de l’autorité centrale (département d’État sur l’exécution des
peines) ont abouti dans plusieurs cas à des automutilations collectives
et des actes de désobéissance de la part de détenus. De même, il
n’existe pratiquement aucun contrôle externe du système pénitentiaire.
A cela se seraient ajoutées des irrégularités financières graves
à l’intérieur du système et une incompétence de la direction. La
commission de suivi a instamment invité les autorités ukrainiennes
à mettre en œuvre des réformes du système dès que possible et à
assurer le respect des droits fondamentaux des détenus. Toutes les
allégations de violations des droits des détenus devraient faire
l’objet d’une enquête. Par ailleurs, la décision de mai 2006 du
gouvernement d’intégrer le département d’État sur l’exécution des
peines à la structure du ministère de la Justice devrait être mise
en œuvre par des modifications pertinentes de la loi sur le système
pénitentiaire afin que ce dernier soit placé sous le contrôle et
la supervision effectifs du ministère de la Justice, conformément
aux engagements pris lors de l’adhésion de l’Ukraine
.
Le rapport du CPT sur sa visite
ad hoc en
Ukraine en décembre 2007, rendu public le 19 mai 2009 conjointement
à la réponse des autorités ukrainiennes, examine la situation des
personnes retenues en vertu de législations relatives à l’entrée et
au séjour des étrangers et contient des recommandations visant à
renforcer les garanties offertes aux personnes détenues en vertu
de la législation relative aux étrangers et à développer une formation
spécialisée à l’intention du personnel aux frontières travaillant
dans les locaux de détention pour ressortissants étrangers
.
2.4. Liberté d’expression
54. La diffamation constitue toujours une infraction
pénale en
Albanie. Le Code
pénal albanais érige en infractions pénales les expressions diffamatoires
et les «insultes». Quant au Code civil, il ne constitue pas un cadre
juridique civil satisfaisant en matière de diffamation. Toutefois,
depuis plus de deux ans, aucun journaliste n’a fait l’objet de poursuites
pénales pour diffamation. Les projets de loi portant modification
du Code pénal et du Code civil à cet égard ont été approuvés par
la commission législative parlementaire en février 2007, mais ils
n’ont pas encore été présentés à l’Assemblée. Les lois régissant
les relations entre les journalistes et leurs employeurs présentent
des faiblesses. L’écrasante majorité des journalistes continuent
de travailler sans contrat. Le Code du travail albanais n’est pas
respecté dans la pratique dans le secteur des médias
.
55. En
Arménie, la liberté
d’expression continue de poser problème, en dépit des progrès limités enregistrés
dans ce domaine. Au cours de l’état d’urgence décrété suite aux
événements des 1er et 2 mars 2008, de
sérieuses limitations ont été imposées à la liberté des médias,
empêchant ces derniers de rendre compte et de couvrir les événements.
De plus, toute diffusion de propagande politique sans l’autorisation
des organes de l’État concernés a été interdite. Ces restrictions
ont été levées le 20 mars 2008. Les corapporteurs, dans leur rapport
du 15 avril 2008 sur le fonctionnement des institutions démocratiques
en Arménie, ont exprimé leur préoccupation devant le harcèlement
des médias électroniques et de la presse écrite d’opposition par
les autorités fiscales
. Dans son arrêt concernant
l’affaire
Meltex LTD et Mesrop Movsesyan
c. Arménie, la Cour européenne des droits de l’homme
a conclu, le 17 juin 2008, à la violation de l’Article 10 de la
CEDH et déclaré «qu’une procédure qui n’exige pas d’un organisme
attribuant les licences qu’il justifie ses décisions, n’offre pas
une protection adéquate contre l’ingérence arbitraire d’une autorité
publique dans le droit fondamental à la liberté d’expression». Suite
à cette décision, l’Assemblée a demandé aux autorités concernées
de garantir à présent une procédure ouverte, équitable et transparente
de délivrance des licences. Cependant, le 9 septembre 2008, l’Assemblée
nationale a adopté un amendement à la Loi sur la télévision et la
radio annulant l’adjudication des fréquences de radiodiffusion jusqu’en
2010, lorsque l’introduction de la radiodiffusion numérique en Arménie
aura été achevée. Cette question est actuellement en discussion
entre les autorités et les départements concernés du Conseil de
l’Europe. Le représentant de l’OSCE pour la liberté des médias,
ainsi que le Défenseur des droits de l’homme arménien, ont exprimé
leur préoccupation face à l’inquiétant processus généralisé d’agressions
de journalistes par des agresseurs inconnus. L’absence de résultat
dans les enquêtes de police sur ces agressions fait craindre l’instauration
d’un climat d’impunité qui pourrait avoir des répercussions graves
sur le droit à la liberté d’expression. Il est encourageant de noter
que les articles 225 et 300 du Code pénal, considérés comme problématiques
car ils «ne donnent pas d’indication précise sur la frontière entre
l’expression légitime d’opinion et l’incitation à la violence»,
ont été amendés par l’Assemblée nationale arménienne, conformément
aux recommandations de la Commission de Venise.
56. La diffamation constitue toujours une infraction pénale en
Azerbaïdjan. La situation des médias
ne cesse de se dégrader depuis le meurtre d’Elmar Huseynov, rédacteur
en chef du Monitor Magazine qui a été tué par balle en mars 2005
. Malgré la libération de
deux journalistes en avril 2009
,
les restrictions imposées à la liberté d’expression, le harcèlement
et l’intimidation des journalistes de l’opposition en recourant
à des procès en diffamation, l’emprisonnement, des agressions physiques
et des menaces sont fréquemment reportés par les ONG pour les droits
de l’homme et les représentants des médias, ainsi que par les représentants
de partis politiques de l’opposition
. Le 6 mars 2009, le Parlement
azerbaidjanais à adopté des amendements à la loi sur les médias
qui réglementent, entre autres, la suspension ou l’arrêt de la production ou
de la distribution des médias. Selon l’expert du Conseil de l’Europe
qui avait évalué la loi précédente, certaines des dispositions fondamentales
allaient à l’encontre de l’article 10 de la CEDH. Les nouveaux amendements
aggravent la situation puisqu’ils étendent le champ d’application
de ces mesures d’une portée considérable
.
57. La Bosnie-Herzégovine est
dotée d’un régime juridique avancé, régissant la liberté des médias.
Les lois de dépénalisation de la diffamation et de la calomnie sont,
par exemple, entrées en vigueur en Republica Srpska depuis juin
2001 et dans la Fédération depuis novembre 2002.
58. La diffamation et les insultes sont punissables en vertu des
Articles 146 à 148 du Code pénal. Les récents comptes-rendus de
meurtres, agressions physiques, menaces et harcèlements de journalistes,
dont des journalistes d’investigation, soulèvent un problème majeur
en Bulgarie. En tant que
rapporteur du dialogue post-suivi avec la Bulgarie, j’ai demandé
aux autorités d’enquêter de manière approfondie sur ces cas de violence
et de harcèlement contre des journalistes. La loi prévoit uniquement
des sanctions pécuniaires (amendes) et exclut l’emprisonnement.
Toutefois, un casier judiciaire est établi pour les personnes condamnées,
ce qui peut être un obstacle considérable dans leur vie professionnelle.
59. En
Géorgie, la Loi
sur la liberté de parole et d’expression, adoptée en juin 2004,
est généralement considérée comme l’une des plus démocratiques et
libérales de ce type en Europe. Cette loi a supprimé la diffamation
du Code pénal et déchargé les journalistes de leur responsabilité
pénale pour la révélation de secrets d’État. Aucun cas de demande
de dommages-intérêts excessive n’a été signalé au cours des dernières années
. Bien que le gouvernement n’exerce
pas d’influence ni de pression directe sur les médias, une partie des
médias s’est montrée vulnérable à la pression exercée en coulisses
par le gouvernement après la Révolution des Roses. Les ONG et les
analystes indépendants des médias accusent parfois les hauts fonctionnaires
d’exercer une influence abusive sur les décisions relatives au contenu
éditorial et à la programmation, par le biais de leurs relations
personnelles avec les directeurs de l’information et les instances dirigeantes
des médias
. Cette situation est principalement
due au fait que bon nombre des responsables actuels des médias appartenaient
auparavant à l’opposition et qu’avec le changement de gouvernement,
ces derniers se sont automatiquement rapprochés du nouveau gouvernement
et d’autres autorités. Cette évolution a favorisé une certaine autocensure.
La faible indépendance des rédactions, qui utilisent les organes
de presse pour promouvoir les intérêts politiques de leurs propriétaires,
et l’insuffisance de normes professionnelles sont des problèmes
majeurs dans le domaine des médias. Les événements de novembre 2007,
lorsque deux chaînes de télévision contrôlées par l’opposition ont
été temporairement réduites au silence par les autorités puis l’état
d’urgence décrété, ont affecté le paysage médiatique et son pluralisme,
certains journalistes semblant plus enclins qu’auparavant – du moins
momentanément – à pratiquer l’autocensure
. Dans sa
Résolution 1603 (2008), l’Assemblée demandait aux autorités géorgiennes de
faire disparaître les entraves à l’accès à l’information dues à
des raisons politiques ou administratives et d’assurer une meilleure
qualité de la formation des professionnels des médias.
60. A la suite des événements postélectoraux du 7 avril 2009 en
Moldova, la commission de suivi
a été informée de nombreux cas de restrictions disproportionnées
de la liberté d’accès à l’information et à la liberté journalistique.
La police a été vue attaquer et menacer des journalistes, ainsi
que détruire du matériel de tournage et des cassettes. Au moins
trois journalistes ont été placés en détention puis relâchés ultérieurement. Vingt
journalistes roumains et trois membres de la télévision géorgienne
qui se rendaient à Chisinau pour un reportage auraient été interdits
d’entrée en Moldova. Au moins cinq journalistes roumains qui se
trouvaient déjà en Moldova ont été sommés de quitter le pays après
l’instauration du régime de visas pour les ressortissants roumains
le 9 avril 2009. L’accès à Internet à Chisinau par le réseau du
fournisseur d’accès national Moldtelecom a été interrompu le 7 avril
et au matin du 8 avril et d’autres sites web, dont de nouveaux sites
d’opposition au régime, ont été temporairement inaccessibles le
11 avril. Le rapport de la commission de suivi a condamné les restrictions
et violations susmentionnées de la liberté des médias, qui sont
inacceptables dans un État membre du Conseil de l’Europe, et appelé
les autorités à prendre toutes les mesures nécessaires pour éliminer
les conséquences de ces violations
.
61. A
Monaco, la communication
du Conseil National demeure placée sous le contrôle du Gouvernement monégasque
par le biais de son centre de presse qui gère les interventions
sur la télévision d’Etat limitant de facto la liberté de la presse
et l’indépendance de l’institution parlementaire vis-à-vis de l’exécutif
.
62. Dans une récente note d’information sur leurs deux dernières
visites à Moscou en avril 2008 et mars 2009, les corapporteurs pour
la
Russie ont informé la
commission de suivi que selon la plupart des journalistes rencontrés,
le pluralisme des médias en Russie a reculé au cours des deux dernières
années
.
Certains se sont plaints de l’existence d’une «liste d’exclusion»,
une liste non officielle de personnes, principalement de l’opposition
ou dont les opinions sont en désaccord avec celles des autorités,
qui sont interdites de passage dans les journaux télévisés et les
programmes d’information. Alors que les autorités ont nié l’existence
d’une telle liste, tous les journalistes rencontrés ont exprimé
leur inquiétude devant la politique d’autocensure en place dans
de nombreux organes de presse. La distribution de la presse écrite,
notamment hors des grandes villes, est l’un des principaux motifs
de préoccupation des journalistes indépendants et des autorités.
La distribution de la presse écrite se fait actuellement, mis à
part via le réseau de la Poste, par quelques cinq réseaux de distribution
privés. Il semble que les autorités fédérales soient en train de
s’efforcer d’améliorer la distribution de la presse écrite en élargissant
le réseau des bureaux de poste et en fournissant une assistance aux
municipalités par le biais de la création de «centres de médias»
dans les grandes villes. Dans le même temps, les organes de presse
indépendants continuent de se plaindre de l’accès inégal aux réseaux
de distribution ainsi que du manque de possibilités réelles de créer
des réseaux alternatifs pour distribuer leur propre production.
De ce fait, les médias électroniques, en particulier la télévision,
sont les principales sources d’information pour la majorité des
gens. Or, la plupart, sinon la totalité des radiodiffuseurs de télévision,
en particulier ceux qui ont une portée nationale, sont contrôlés
par le gouvernement ou par des personnes soutenues par le pouvoir
actuel. Par conséquent, les programmes d’information et les actualités
sont considérés comme généralement partiaux et la pluralité d’opinions
est limitée dans les organes de radiodiffusion
.Un nouveau projet de loi relatif
aux médias, en préparation et destiné à remplacer la législation existante
adoptée en 1993, énonce entre autres une liste précise des droits
des journalistes et un cadre réglementaire pour Internet. La réforme
de la législation sur les médias étant un domaine dans lequel le Conseil
de l’Europe possède une riche expérience qu’il pourrait partager,
les corapporteurs ont recommandé que la Douma d’État et les autorités
gouvernementales compétentes consultent le Conseil de l’Europe à propos
du nouveau projet de loi sur les médias.
63. En
Serbie, les dispositions
de la nouvelle Constitution régissant la liberté d’expression et
la liberté des médias sont conformes aux normes européennes. Pourtant,
malgré le cadre protecteur qu’offre la Constitution, les journalistes
ne se sentent pas en sécurité en Serbie. La commission de suivi
est préoccupée par la montée de la violence contre, notamment les
journalistes qui se livrent à des travaux d’investigation, et condamne fermement
tous les actes de violence à leur encontre
.
Dans sa Résolution 1661 (2009), l’Assemblée demandait aux autorités
serbes d’enquêter et de porter devant la justice toutes les affaires
de violence et de harcèlement à l’encontre de journalistes et de
prendre des mesures concrètes pour garantir leur protection.
64. En
Turquie, l’année
2008 aurait été une année problématique en matière de liberté d’expression. Amnesty
International considère que la liberté d’expression n’est pas garantie
du fait des différents articles du Code pénal qui la censurent.
A titre d’illustration, 1300 sites Internet auraient été clos courant
2008 par les autorités
.
La réforme de l’article 301 est loin d’avoir enlevé tous les obstacles
à la liberté d’expression
.
65. Le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe contrôle à
l’heure actuelle les mesures prises et prévues par les autorités
turques en exécution des 82 arrêts de la Cour européenne des droits
de l’homme et des neufs accords amiables concernant la liberté d’expression.
Dans les arrêts concernés, le droit des requérants à la liberté
d’expression a été violé en raison de leur condamnation par les
Cours de sûreté de l’Etat suite à la publication d’articles, de
dessins et de livres ou de la préparation de messages destinés au
public. Dans quelques autres cas, les violations procédaient de
la saisie de publications
. Par ailleurs,
les autres dispositions légales portant restriction à la liberté
d’expression, telles que les articles 215, 216 et 217 du Code pénal
turc, demeurent problématiques dans la mesure où elles pénalisent
les offenses contre l’ordre public et sont utilisées, avec la loi
sur la lutte contre le terrorisme, dans les poursuites à l’encontre
de personnes s’exprimant non violemment sur les questions kurdes,
les juges et procureurs s’appuyant sur une interprétation large
de la disposition sur «l’incitation à la violence» ou d’«intérêt
public».
66. En
Ukraine, comme l’a
démontré l’affaire Gongadze, le risque est grand pour les journalistes
et les opposants politiques d’être victimes de menaces voire d’agressions.
En dépit de la récente condamnation, le 15 mars 2008 par la Cour
d’appel de la ville de Kyiv, de trois anciens policiers du ministère
de l’Intérieur pour le meurtre du journaliste d’investigation Georgy
Gongadze, aucun progrès n’a été enregistré pour déférer en justice
les instigateurs et organisateurs de ce crime
. Saluant
le langage clair employé par la Cour européenne des droits de l’homme
concluant, dans son arrêt du 8 novembre 2005, aux violations des
articles 2, 3 et 13 de la CEDH, l’Assemblée, dans sa
Résolution 1645 (2009), soulignait l’importance de sa complète exécution en
temps utile, qui doit inclure, sans plus attendre, la mise en œuvre
des actes d’investigation négligés par les autorités. Tant que le
meurtre de Gongadze n’aura pas fait l’objet d’une enquête approfondie et
que les instigateurs et organisateurs de ces assassinats n’auront
pas été déférés en justice, la liberté d’expression sera menacée
en Ukraine.
2.5. Liberté de réunion
et d’association
67. En
Azerbaïdjan,
le gouvernement a pris plusieurs mesures réglementant les activités
des partis politiques, groupes religieux, personnes morales et ONG,
dont l’obligation pour toutes les organisations de s’inscrire auprès
du ministère de la Justice ou du Comité d’Etat chargé des relations
avec les organisations religieuses, qui mènent à des limitations
de la liberté d’association, dans la pratique. Différentes ONG ont contesté
en justice les refus et délais d’enregistrements
.
Lors des campagnes électorales, pour les présidentielles d’octobre
2008 puis pour le référendum de mars 2009, les partis d’opposition
se sont plaints de se voir systématiquement refuser des endroits
accessibles pour leurs meetings politiques, malgré différents recours
en justice. Les organisations de défense de droits de l’homme ont
dénoncé une hausse des cas de répression, de justice arbitraire
et de violence contre les activistes de la société civile lors de
la préparation du référendum
.
68. La gestion des manifestations postélectorales en
Arménie soulève des préoccupations
quant au respect du principe de liberté de réunion
.
Les amendements controversés à la loi relative à la tenue de réunions,
assemblées, rassemblements et manifestations, adoptés le 17 mars
2008 et qui avaient imposé des restrictions indues à la liberté
de réunion, ont été abrogés conformément aux recommandations de
la Commission de Venise, suite à une requête de l’Assemblée. Cependant,
les demandes en vue d’organiser des rassemblements sont encore trop
souvent rejetées pour des motifs techniques ou soumises à des restrictions indues
par les autorités. Il est regrettable que ces décisions des autorités
ne soient que rarement contestées devant les tribunaux, excluant
ainsi toute possibilité d’obtenir une décision de la Cour européenne
des droits de l’homme sur cette question. Dans sa
Résolution 1620 (2008), l’Assemblée appelait les autorités arméniennes à veiller
à ce que le principe de liberté de réunion soit également respecté
dans la pratique.
69. En
Bulgarie, l’exécution
de l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme dans l’affaire
Umo Ilinden-Pirin c. Bulgarie est toujours en cours. Cette affaire
concerne la dissolution d’un parti politique visant «la reconnaissance
de la minorité macédonienne de Bulgarie» et se rapporte à la liberté
de réunion de groupes de personnes soutenant cette reconnaissance.
Dans cet arrêt du 20 octobre 2005, la Cour européenne des droits
de l’homme a estimé que la dissolution du parti politique Umo Ilinden-Pirin
en 2000 était contraire à l’article 11 de la CEDH étant donné que
rien dans le programme du parti ni dans les déclarations de ses
chefs n’allait à l’encontre des principes de la démocratie. Deux
tentatives de réenregistrement – avec un nom et des statuts identiques
à ceux du parti injustement dissous – ont échoué depuis l’arrêt
de la Cour. Une troisième tentative est actuellement en cours d’examen.
Le Comité des Ministres suit de près ce cas particulier
.
70. Dans sa
Résolution
1603 (2008) sur la
Géorgie, l’Assemblée
déplorait les événements qui ont précédé l’élection présidentielle
anticipée, et en particulier la violente dispersion des manifestations
pacifiques du 7 novembre 2007, le silence, à leur suite, momentanément
imposé à deux chaînes de télévision contrôlées par l’opposition
et, enfin, la décision de décréter l’état d’urgence
. Bien que l’escalade des tensions
ait été stoppée par la décision de mettre fin à la crise en organisant
une élection présidentielle anticipée en janvier 2008 doublée d’un
référendum pour choisir la date des prochaines élections législatives,
ces épisodes ont terni l’image du Gouvernement géorgien, aussi bien
aux yeux de la population nationale qu’à l’étranger. Un an et demi
plus tard, le 9 avril 2009, les partis d’opposition ont organisé
une série de rassemblements de protestation pour forcer les autorités
à organiser des élections législatives anticipées. Malgré les déclarations
d’intention publiques de la part des autorités et des organisateurs
des rassemblements de protestation qu’ils respecteraient le droit
et la Constitution, les deux clans ont exprimé leurs craintes que
des provocations n’interviennent et que les manifestations ne sombrent
dans la violence. Dans une récente note d’information sur leur visite
en Géorgie en mars 2009, les corapporteurs ont indiqué être préoccupés
par des rapports signalant que des manifestants ont été victimes
d’agressions dont les auteurs restent inconnus, à proximité des
lieux de rassemblement. Ils ont invité les autorités géorgiennes
à sérieusement enquêter sur toutes ces attaques et à assurer la
totale sécurité des participants à ces manifestations
.
71. Dans sa
Résolution
1666 (2009) sur la
Moldova, l’Assemblée
déplorait le fait que la manifestation pacifique, qui a débuté le
6 avril 2009 devant les bâtiments de la présidence et du Parlement,
à l’initiative principalement de jeunes qui n’acceptaient pas les
résultats des élections, ait dégénéré le 7 avril 2009 en attaque
violente et dévastation des bâtiments du Parlement et du Palais
présidentiel ainsi qu’en destruction d’édifices publics. L’Assemblée
estimait que si le droit de manifester est essentiel en démocratie,
il est également du devoir d’un gouvernement, ainsi que des autorités
concernées, d’assurer le droit à la sécurité des citoyens quand
l’ordre public est troublé. L’Assemblée a fermement condamné de
tels actes de violence qui ne doivent jamais être utilisés dans
une société démocratique comme un moyen d’exprimer ses opinions politiques.
En même temps, l’Assemblée a désapprouvé les déclarations faites
par les autorités moldoves immédiatement après le déclenchement
de la violence, dans lesquelles des responsables, au plus haut niveau politique,
ont accusé, sans enquête préalable approfondie, l’opposition d’organiser
les manifestations violentes afin de tenter un coup d’État. L’Assemblée
a insisté pour qu’une enquête indépendante, transparente et crédible
sur les événements postélectoraux ainsi que sur les circonstances
qui y ont mené soit immédiatement engagée, en plus de l’instruction
indépendante sur toutes les allégations de violations des droits
de l’homme susmentionnées commises par la police
.
72. A
Monaco, l’adoption
de la loi n°1355 concernant les associations et les fédérations
d’associations en décembre 2008, a permis au pays de compléter ses
engagements consentis au moment de l’adhésion dans l’
Avis 250 (2004) en matière de législation interne. La question du contrôle
financier des associations subventionnées n’ayant pas été soulevée
dans cette nouvelle loi, elle demeure en suspens et des réformes législatives
visant au maximum de transparence dans les finances publiques devraient
être entreprises
.
73. La liberté d’association en
Russie,
en particulier après l’entrée en vigueur de la «loi sur les ONG
» en avril 2006,
a été l’une des principales sources de préoccupation de la commission
de suivi au cours des dernières années. Les dispositions de la loi
de 2006 exigent que les ONG présentent chaque année un rapport sur
leurs activités et indiquent leurs sources de financement. Si elles
ne le font pas, et si elles ne respectent pas l’une des exigences
et conditions rigoureuses énoncées dans cette loi, elles risquent
d’être dissoutes par les autorités
.
La communauté des ONG, y compris la Chambre publique, se plaint
de la complexité et lourdeur du processus de présentation des rapports
imposé par la loi. Souvent compliqué par des inspections officielles
qui peuvent prendre jusqu’à plusieurs mois, il peut paralyser le
travail de nombreuses ONG. Au cours des deux premières années qui
ont suivi l’adoption de la loi, quelque 6 600 ONG auraient ainsi
été dissoutes par les autorités, 1 200 pour des violations de la
législation et 5 400 en raison de leur prétendue «inactivité». En
outre, 11 000 nouvelles ONG se sont vues refuser l’enregistrement
auprès des autorités
. A cet égard, la communauté des ONG
s’est félicitée de l’arrêt récent de la Cour suprême selon lequel
les ONG ne peuvent être dissoutes pour des raisons de forme, par
exemple pour des erreurs administratives dans leurs rapports. Depuis
l’entrée en vigueur des amendements de 2006, aucun cas de dissolution
de grandes ONG n’a été recensé, ces dernières ayant à la fois les
ressources et les connaissances leur permettant de mener à bien
ce processus ou ayant porté au besoin l’affaire devant un tribunal.
En revanche, ces exigences sont particulièrement lourdes pour les
ONG de taille moyenne et – surtout – petite, qui risquent par conséquent d’être
dissoutes. En outre, les exigences en matière d’enregistrement et
de présentation de rapports sont considérées comme un sérieux obstacle
à la formation d’ONG et de mouvements civils nouveaux.
74. Au cours de la dernière visite des corapporteurs à Moscou
en mars 2009, les autorités elles-mêmes ont reconnu les problèmes
posés par la Loi sur les ONG et affirmé que le nombre d’inspections
avait de ce fait diminué au cours des deux derniers mois et qu’un
nombre bien plus réduit d’ONG ont reçu des avertissements officiels
en raison d’erreurs dans leurs rapports. Les corapporteurs ont souligné,
pour leur part, que les carences de la législation actuelle et les
préoccupations exprimées par la société civile et la communauté internationale
ne pouvaient être réglées de façon satisfaisante par de simples
modifications des procédures de mise en œuvre et que la législation
actuelle devait être considérablement réformée. Les corapporteurs
ont recommandé que les autorités s’emploient à coopérer avec les
organes compétents du Conseil de l’Europe, parmi lesquels la Commission
de Venise, en vue de réformer la législation en vigueur
. Il y a lieu de se féliciter que
la création récente par le Président Medvedev d’un groupe de travail
chargé d’élaborer des modifications à la loi sur les ONG. Composé
de représentants de l’administration présidentielle, du ministère
de la Justice, de la Douma et du Conseil de la Fédération, et de
la société civile, ce groupe de travail doit soumettre des propositions
dans les trois semaines à compter du 8 mai 2009. La décision du
Président, première étape pour assurer la conformité de la loi sur
les ONG avec les normes internationales, fait suite à une réunion
avec les membres du Conseil présidentiel pour le développement de
la société civile et les droits de l’homme, le 15 avril, au cours
de laquelle le Président a reconnu les difficultés rencontrées par
les ONG, y compris les restrictions imposées «sans justification
suffisante», et le fait que bon nombre de responsables gouvernementaux considèrent
les ONG comme une menace
.
75. Outre les effets de la législation sur les ONG, les représentants
de la société civile en Russie continuent de se plaindre d’interventions
et, dans certains cas, d’un harcèlement direct de la part de divers
organes publics. Pour certaines organisations, les contrôles fiscaux
et les contrôles des locaux aléatoires, les contrôles sur l’utilisation
de logiciels piratés, les enquêtes criminelles sur des dirigeants
d’ONG, ainsi que l’utilisation de la législation contre l’extrémisme
sont devenus monnaie courante. La commission de suivi s’inquiète également
des mécanismes d’interaction entre les autorités et la société civile.
Les corapporteurs soutiennent vivement toute initiative destinée
à renforcer le dialogue entre la société civile et les autorités,
mais considèrent que de tels mécanismes ne peuvent être efficaces
que si leurs activités et leurs processus décisionnels sont totalement
transparents et que leur composition est le reflet fidèle de la
société civile telle qu’elle existe aujourd’hui en Russie. Tout
en se félicitant de la volonté des autorités d’établir un dialogue
constructif entre le gouvernement et la société civile, ils ont
cependant recommandé que les procédures de nomination et de prise de
décision de la Chambre publique et des Conseils publics, les deux
mécanismes d’interaction officiel actuellement en place,soient modifiées afin de les rendre
plus transparentes et démocratiques et de garantir que leur composition
soit véritablement représentative du large éventail des ONG existant
en Russie.
76. En
Serbie, la coopération
entre les autorités et le secteur des ONG s’est sensiblement améliorée
depuis la mise en place du nouveau Gouvernement. Dans sa
Résolution 1661 (2009) récemment adoptée, l’Assemblée se félicitait du développement
de la nouvelle législation sur la liberté d’association en Serbie,
en coopération avec le Conseil de l’Europe. Elle regrettait toutefois
que ce projet de loi ait, une nouvelle fois, été retiré de l’ordre
du jour du Parlement en décembre 2008. Le Gouvernement a choisi
de retirer le projet de loi afin de consacrer davantage de temps
au débat sur la loi budgétaire et garantir son adoption avant le
début du nouvel exercice financier. L’adoption de la loi sur les
associations est l’un des engagements de longue date de la Serbie,
non encore satisfaits à ce jour. L’Assemblée appelait de ce fait
les autorités serbes à adopter de manière urgente la loi sur les
associations, en tenant compte de toutes les recommandations des
experts du Conseil de l’Europe.
77. En
Turquie, les restrictions
à la liberté d’association concernent pour l’essentiel les partis
politiques. Le pays est tristement connu pour la récurrence de dissolutions
de partis politiques avec, en dernier lieu, la tentative de dissolution
du parti au pouvoir AKP courant 2008
et la
crise politique que cela a induit, ainsi que les procédures en cours
pour la dissolution du parti DTP (pro-Kurde
).
La crise de l’année dernière a donné lieu à un débat de l’Assemblée,
selon la procédure d’urgence, sur le «fonctionnement des institutions démocratiques
en Turquie: développements récents» au cours de la partie de session
de juin 2008, et mené à l’adoption de la Résolution 1622 sur la
base d’un rapport de la commission de suivi. La commission a rappelé que
dans presque toutes les affaires concernant la dissolution de partis
politiques par la Cour constitutionnelle entre 1991 et 1997, la
Cour européenne des droits de l’homme avait conclu que la sanction
était disproportionnée et qu’elle représentait de ce fait une violation
du droit à la liberté d’association inscrit à l’Article 11 de la
CEDH. Si les réformes constitutionnelles de 1995 et 2001, ainsi
que les amendements de 2003 à la loi sur les partis politiques avaient
renforcé l’exigence de proportionnalité pour toute ingérence de l’Etat
dans la liberté d’association dont jouissent les partis politiques
et si, en 2004, un amendement de l’Article 90 de la Constitution
avait permis aux traités internationaux en matière de droits de
l’homme de primer sur toute législation nationale incompatible,
les tentatives récentes de dissolution du AKP et du DTP illustraient le
fait que la législation actuellement en vigueur n’offrent pas aux
acteurs politiques un niveau de protection suffisant contre les
interférences de l’Etat dans leur liberté d’association et d’expression.
Dans sa Résolution 2622 (2008), l’Assemblée a demandé à sa commission
de suivi d’intensifier son dialogue post-suivi avec la Turquie,
de suivre de près l’évolution du fonctionnement démocratique de
ses institutions d’Etat et, en particulier, le processus de rédaction
de la Constitution, et de considérer sérieusement, le cas échéant,
la possibilité de rouvrir la procédure de suivi de la Turquie.
78. Dans son avis adopté sur requête de la commission de suivi
en mars 2009 sur les dispositions constitutionnelles et juridiques
concernant la dissolution des partis politiques en Turquie, la Commission
de Venise
a
estimé que les dispositions des articles 68 et 69 de la Constitution
et les dispositions pertinentes de la Loi sur les partis politiques
forment un système qui n’est pas compatible avec l’article 11 de
la Convention européenne des droits de l’homme tel qu’il est interprété
par la Cour européenne des droits de l’homme, et avec les critères
adoptés en 1999 par la Commission de Venise et repris depuis lors
par l’Assemblée parlementaire. Il est donc nécessaire de réformer
davantage pour accroître suffisamment le degré général de protection
des partis en Turquie pour qu’il soit comparable à celui qui découle
de la Convention européenne des droits de l’homme et des normes
démocratiques européennes communes, tant en ce qui concerne les questions
de fond que de procédure. Toute réforme des règles turques relatives
à la dissolution des partis politiques nécessitera une modification
de la Constitution. J’ai insisté auprès des autorités pour qu’une profonde
et sérieuse révision de la Constitution et de la loi sur les partis
politiques soit entreprise en vue de mettre ces textes en conformité
avec les standards européens, comme l’a recommandé à maintes reprises l’Assemblée
.
79. En ce qui concerne la loi sur les fondations, les amendements
adoptés en février 2008 ont marqué un pas en avant dans l’amélioration
du cadre légal visant à garantir la liberté d’association et de
religion. Le champ d’application de la nouvelle loi s’étend à l’ensemble
des fondations existantes, y compris celles des communautés non-musulmanes.
Les représentants des différentes communautés organisées en fondations, que
j’ai rencontrés lors de ma visite de novembre 2008 se sont exprimés
en faveur de cette nouvelle loi et s’en sont dits satisfaits tout
en soulignant que la manière dont cette loi sera mise en œuvre par
les diverses autorités concernées et son interprétation par les
tribunaux seront cruciales
.
80. En
Ukraine, en dépit
de l’engagement souscrit lors de l’adhésion de renforcer la protection
par une législation régissant les réunions pacifiques, aucun progrès
n’a été réalisé dans ce domaine.
Des rapports inquiétants ont fait état de violations systématiques
de cette liberté en 2008
.
2.6. Liberté de religion
et de conscience
81. L’Albanie continue
d’être un bon exemple d’harmonie entre les religions dans la région.
Toutefois, les communautés religieuses souffrent toujours du fait
que le Gouvernement n’a pas encore procédé à la pleine restitution
de tous les biens et autres propriétés
.
82. En
Arménie, l’Assemblée
nationale a préparé un projet de loi sur les amendements à la
Loi sur la liberté de conscience
et les organisations religieuses, ainsi qu’aux articles y afférents
du Code pénal. Dans son projet d’avis, la Commission de Venise a
déclaré que certains amendements amélioraient les garanties des droits
de l’homme dans la loi. Mais elle s’inquiétait également d’un certain
nombre de changements proposés, notamment en ce qui concerne la
portée de la liberté de conscience, de religion ou de croyance,
les conditions d’enregistrement des organisations religieuses, ainsi
que la définition de l’infraction de prosélytisme
Dans sa
Résolution 1532 (2007), l’Assemblée estimait que l’actuelle Loi sur le service
alternatif ne garantit toujours pas aux objecteurs de conscience
un «véritable service alternatif de nature exclusivement civile,
qui ne doit être ni dissuasif ni punitif».
83. L’institution d’un service civil de remplacement constitue
l’une des obligations que
l’Azerbaïdjan a souscrites
en 2001 lors de son adhésion au Conseil de l’Europe. La mise en
place d’un plan national d’action pour la protection des droits
de l’homme prévoyant la préparation d’un projet de loi sur le service
alternatif par un groupe de travail comprenant des experts du Conseil
de l’Europe n’a toujours pas abouti à la mise en place du cadre
légal d’un service civil de substitution
.
84. Dans leur récente note d’information de mars 2009
, les corapporteurs pour la
Russie ont informé la commission
de suivi de plusieurs rapports, notamment des Témoins de Jéhovah,
concernant un usage abusif des contrôles administratifs et fiscaux
à l’encontre du Bureau central de cette organisation et des sections régionales.
Ils ont également indiqué à la commission que, dans certaines régions,
la Procurature avait engagé des poursuites contre les sections régionales
des témoins de Jéhovah au motif que les ouvrages qu’ils diffusaient
pouvaient être considérés comme ayant un «caractère extrémiste»,
en vertu de la loi contre les activités extrémistes. La question
du service alternatif en Russie est l’un des centres d’intérêt de
longue date de la commission de suivi. Les autorités russes ont
déclaré depuis longtemps leur intention de faire à terme des forces
armées un service entièrement professionnel et d’abolir la conscription.
En 2007, des modifications de la loi sur le service militaire ont
été adoptées, ramenant la durée du service de 24 à 12 mois pour
les appelés incorporés après le 1er janvier 2008,
de 42 à 21 mois pour les appelés effectuant un service alternatif
et recrutés après le 1 janvier 2008 (et de 36 à 18 mois pour ceux
qui exercent des fonctions civiles dans les forces armées au titre
du service alternatif). Les corapporteurs estiment que la différence
de durée disproportionnée entre le service militaire et le service
alternatif en Russie rend ce dernier nettement moins attrayant.
Cela semble être confirmé par les statistiques qui nous ont été
données, d’où il ressort qu’au cours du premier trimestre de 2008,
439 demandes seulement de service alternatif ont été déposées, dont
400 ont été accordées
.
85. En
Serbie, la loi sur
les églises et les communautés religieuses et son application ne
permettent pas à toutes les communautés religieuses présentes en
Serbie d’exercer pleinement leur droit à la liberté de pensée, de
conscience et de religion consacré par l’article 9 de la CEDH
.
86. Les questions liées à la liberté de religion et aux droits
des minorités non musulmanes en
Turquie ont été
traitées dans le rapport de M. Michel Hunault, préparé pour la commission
des questions juridiques et des droits de l’homme de l’Assemblée
. Pour ma part, en ma qualité de
rapporteur du dialogue post-suivi avec la Turquie, j’ai rencontré
des membres des minorités religieuses qui considéraient pouvoir
exercer librement leur religion. Ils ont toutefois tous souligné
le problème de l’absence de personnalité juridique qui a des conséquences
directes en termes de droit à la propriété et de gestion des biens
.
Lors de mon entrevue avec Sa Sainteté le Patriarche œcuménique Bartholoméos I,
celui-ci a également soulevé les difficultés rencontrées en ce qui
concerne son propre titre et en matière d’éducation, notamment la
fermeture de l’école théologique grecque-orthodoxe de Heybeliada
(séminaire de Halki)
. C’est pourquoi,
sur ma proposition, la commission de suivi a demandé à la Commission
de Venise de se prononcer sur la compatibilité avec les normes européennes
de l’absence de reconnaissance de la personnalité juridique des
communautés religieuses en Turquie et d’examiner, dans ce contexte,
la question du droit du Patriarche grec orthodoxe d’Istanbul d’employer
l’adjectif «Œcuménique». J’ai également rencontré le Président de
la fondation des Alevis Bektashis. L’alévisme, une des branches
de l’Islam, est la seconde croyance religieuse en Turquie, après
le sunnisme avec entre 15 et 20 millions de membres, soit un tiers
de la population turque. Les alevis ne reconnaissant pas les mosquées
comme lieu de culte, ni les cinq grands principes de l’islam sunnite,
ils revendiquent la reconnaissance de leur culte et notamment l’abolition
de cours de religion (sunnite) obligatoires, la suppression de la
Direction des affaires religieuses qui agit comme l’instance religieuse
de l’Etat alors que celui-ci est constitutionnellement laïc, la
reconnaissance légale de leur lieu de culte,
les
maisons du Cem. Ils ont également demandé aux autorités
de pouvoir ériger en musée un hôtel à Sivas où 33 alevis sont morts
dans un dramatique incendie criminel en 1993
.
87. Par ailleurs, l’obligation faite aux autorités turques de
«[…]
reconnaître le droit à l’objection
de conscience et de créer un service civil alternatif» est
l’une des douze questions entrant dans le cadre du dialogue post-suivi
entre la Turquie et l’Assemblée, conformément à la
Résolution 1380 (2004). Il est regrettable que la législation dans ce domaine
n’ait pas encore été amendée en ce sens. Dans une affaire récente,
Ülke c. Turquie , la Cour a conclu que
les multiples condamnations et peines d’emprisonnement dont avait
fait l’objet le requérant pour avoir refusé d’effectuer son service
militaire constituaient un traitement dégradant en violation de
l’article 3 de la CEDH. La Cour a jugé que le cadre juridique existant
était insuffisant, dans la mesure où le droit turc ne contenait
aucune disposition spécifique réglementant les sanctions prévues pour
les personnes refusant de faire leur service militaire pour des
motifs de conscience ou de religion, et que les seules règles applicables
en la matière semblaient être les dispositions du code pénal militaire,
réprimant de manière générale la désobéissance aux ordres d’un supérieur
hiérarchique. Dans sa Résolution intérimaire CM/ResDH(2007)109
, le Comité des Ministres a prié
instamment les autorités turques de prendre, sans plus de retard,
toutes les mesures nécessaires en vue de mettre un terme à la violation
du droit du requérant en vertu de la CEDH et d’adopter rapidement
la réforme législative nécessaire pour prévenir des violations similaires
de la Convention. Le Comité des Ministres a invité également, en
particulier, les autorités turques à fournir rapidement au Comité
des informations concernant l’adoption des mesures requises par
l’arrêt. Le 19 mars 2009, le Comité des Ministres a adopté une deuxième
Résolution intérimaire sur l’affaire
Ülke
c. Turquie (Résolution intérimaire CM/ResDH(2009)45).
Il convient de noter qu’en vertu de l’Article 90 de la Constitution turque,
la CEDH s’impose au-dessus du droit turc. Cependant, en dépit de
cette disposition juridique, le requérant continue d’être emprisonné
sur la base d’une condamnation antérieure. Par ailleurs des poursuites judiciaires
à l’encontre d’objecteurs de conscience perdurent et de fréquentes
allégations de cas de mauvais traitements d’objecteurs de conscience
en prison sont rapportées. De plus, des déclarations publiques en faveur
du droit à l’objection de conscience ont abouti à des condamnations.
Les autorités ont confirmé qu’une réforme du code pénal militaire
et de la loi relative au service militaire est en cours d’examen
au sein de la Grande Assemblée Nationale. Selon le ministre de l’Intérieur,
M. Atalay, la réforme modifiera la loi sur la citoyenneté. Les citoyens
turcs vivant à l’étranger et n’accomplissant pas leur service militaire
ne se verraient plus retirer la citoyenneté. Selon M. Atalay, l’idée
d’une professionnalisation du service militaire est également envisagée
mais de telles réformes nécessitent de changer les mentalités et
prennent beaucoup de temps
.
88. En
Ukraine, l’amélioration
de la législation sur les organisations religieuses et la liberté
de religion était l’un des engagements souscrits lors de l’adhésion.
En 2006, le ministère de la Justice a commencé à préparer une nouvelle
version de la Loi en question, le projet de loi a été examiné par
la Commission de Venise, mais le processus est à l’arrêt depuis
lors
.
2.7. Droits de propriété
89. En Albanie,
l’enregistrement et la restitution des biens confisqués sous le
régime communiste comptent au nombre des problèmes qui restent en
attente d’une solution conforme à la garantie constitutionnelle
du droit à la propriété. Selon le directeur de l’Agence pour la
restitution des biens et le dédommagement, le budget combiné alloué
en 2007-2008 par le Gouvernement pour le dédommagement s’élevait
à environ 11 millions de dollars. Le coût total de l’indemnisation
des propriétaires dans l’ensemble du pays avait été estimé à 3,5 milliards
de dollars. A la suite de l’arrêt rendu par la Cour européenne des
droits de l’homme dans l’affaire Beshiri
et autres c. Albanie, dans lequel elle avait conclu à
la violation, par le Gouvernement albanais, de l’article 6 de la
CEDH parce qu’il avait mis trop de temps (plus de cinq ans) pour
exécuter le jugement définitif du tribunal national à propos de
l’indemnisation pécuniaire de M. Beshiri, une commission intergouvernementale
a été mise en place, mais on ignore encore quelles mesures le Gouvernement
albanais entend prendre en vue d’accélérer le processus.
90. Dans sa
Résolution
1626 sur la
Bosnie-Herzégovine, l’Assemblée
invitait les autorités à trouver d’urgence une solution appropriée
pour l’ensemble du pays au problème du remboursement des fonds déposés
par les citoyens sur des comptes d’épargne en devises, qui avaient
été gelés après la dissolution de la République fédérale de Yougoslavie.
Près de 500 requérants ont porté plainte devant la Cour européenne des
droits de l’homme parce qu’ils n’ont pas réussi à retirer leurs
«anciennes» économies en devises. L’affaire
Suljagic,
déclarée recevable le 20 juin 2006, est l’affaire principale des
«anciens» épargnants de devises qui n’ont pas obtenu de décision
nationale définitive, ordonnant à une banque de rembourser leurs
économies; pour ceux qui ont obtenu un tel jugement, l’affaire phare
est l’arrêt
Jeličić du 31
octobre 2006 (qui est la première dans laquelle la Cour a prononcé
un arrêt contre la Bosnie-Herzégovine).
2.8. Protection des
groupes vulnérables et action contre la traite des êtres humains
2.8.1. Réfugiés, personnes
déplacées et demandeurs d’asile
91. Le retour de plus d’un million de réfugiés et de
personnes déplacées à l’intérieur de leur pays (PDI) en
Bosnie-Herzégovine, dont quelque
450 000 desdits retours de minorités, est souvent salué comme l’un
des succès majeurs de l’Accord de paix de Dayton. Cependant, la
réalité semble légèrement différente. L’on dispose rarement de chiffres
précis concernant les retours de réfugiés en Bosnie-Herzégovine,
en particulier parce que les autorités locales présentent de façon
erronée ou gonflent les chiffres dans le but d’obtenir des subventions
supplémentaires. Par ailleurs, plus de dix ans après la guerre et
malgré l’entrée en vigueur des lois sur la restauration des propriétés
à leurs occupants, locataires et propriétaires d’avant-guerre, et
le règlement des questions de récupération des biens, le nombre
des personnes revenues en Republica Srpska est aujourd’hui très
faible. La vaste majorité des personnes qui sont revenues sont des
personnes âgées ou des retraités, et un grand nombre d’entre elles
reçoit des pensions ou des indemnités pour personnes handicapées
ou pour vétérans de guerre de l’autre entité du pays, la Fédération
de la Bosnie-Herzégovine. En Republica Srpska, lesdits «retours
ponctuels» sont manifestement plus courants que les retours durables, permanents.
Pour soutenir davantage les retours durables, la commission de suivi
a invité les autorités à intensifier leurs efforts en vue de la
reconstruction des infrastructures utilitaires dans les régions
détruites par la guerre et à fournir des opportunités d’emploi aux
personnes qui reviennent (voir
Doc. 11700).
92. Dans sa
Résolution
1603 (2008) sur le suivi normal des obligations et engagements de
la
Géorgie, adoptée en janvier
2008 avant le déclenchement de la guerre entre la Géorgie et la
Russie, l’Assemblée déplorait que les centaines de milliers de réfugiés
et de PDI, victimes du nettoyage ethnique pratiqué au début des
années 1990, soient toujours privés de toute possibilité de retour
sécurisé dans leur foyer en Abkhazie. Elle invitait les autorités
de fait à réunir les conditions de stabilité nécessaires au retour
des PDI et à respecter l’inaliénabilité des droits de propriété
dans les zones de conflit, conformément à la résolution récemment adoptée
par le Conseil de sécurité des Nations Unies. L’Assemblée appelait
en outre les autorités géorgiennes à faire tout leur possible pour
adoucir la situation sociale difficile des PDI, pour les intégrer
normalement dans la société géorgienne, sans préjudice de leur droit
au retour, et pour leur garantir une égalité de droits.
93. Avec le déclenchement de la guerre en août 2008, la question
des réfugiés et des personnes déplacées
d’Ossétie
du Sud et d’Abkhazie s’est trouvée au cœur des grandes
préoccupations de l’Assemblée. Parallèlement aux avis ou rapports
élaborés sur ce sujet par la commission des migrations, des réfugiés
et de la population
,
la commission de suivi a accordé une attention particulière au fait
que la guerre avait entraîné le déplacement de quelque 192 000 personnes.
Dans sa
Résolution 1633
(2008) sur les conséquences de la guerre entre la Géorgie et
la Russie, l’Assemblée s’inquiétait de ce qu’un total de 31 000 personnes
déplacées (25 000 originaires d’Ossétie du Sud et 6 000 d’Abkhazie)
étaient considérées comme étant «en permanence» dans l’impossibilité
de retourner dans leur lieu de résidence d’origine. Elle appelait
toutes les parties au conflit, à savoir la Géorgie, la Russie et
les autorités de facto en Ossétie du Sud, à veiller à ce que toutes
les personnes déplacées par le conflit aient droit au retour volontaire
et à ne pas utiliser les personnes déplacées comme des pions sur
l’échiquier politique lorsque l’on aborde la question du retour,
ainsi qu’à faire en sorte que toutes les personnes déplacées aient
le droit de retourner dans leur foyer dans des conditions de sécurité et
de dignité, de se réinstaller de leur plein gré ou de s’intégrer
localement.
Dans
sa
Résolution 1647 (2008) sur la mise en œuvre de la Résolution 1633, l’Assemblée,
s’appuyant sur un rapport de sa commission de suivi, a une nouvelle
fois invité la Russie et les autorités de facto à garantir pleinement
le droit au retour de toutes les personnes déplacées à l’intérieur
de leur pays vers les régions situées sous leur contrôle effectif.
94. En ce qui concerne le rapatriement de la population meskhète
en Géorgie, la loi relative au rapatriement des personnes exilées
de force de Géorgie par l’ex-URSS dans les années 1940 a été adoptée
en juillet 2007 en vue de respecter l’engagement pris par la Géorgie,
au moment de son adhésion au Conseil de l’Europe, de parachever
ce processus de rapatriement au plus tard en 2011. Le contenu du
projet de loi tel qu’adopté a été fortement critiqué
. De nombreux points étant
laissés de côté ou traités de façon ambiguë, il sera nécessaire de
réviser la loi pour que l’échéance de 2011 soit respectée. Dans
sa
Résolution 1603 (2008), l’Assemblée a demandé aux autorités géorgiennes de
poursuivre les travaux menés par la commission nationale de rapatriement,
de rechercher activement l’aide internationale, de créer les conditions
favorables au processus de rapatriement en vue de son achèvement
d’ici à 2011 et de mettre pleinement en œuvre les recommandations
formulées dans la
Résolution
1428 (2005) de l’Assemblée sur la situation de la population meskhète
déportée.
95. La commission de suivi examine avec attention la situation
des réfugiés et des personnes déplacées en
Serbie.
Dans son récent rapport (
Doc.
11701), la commission notait qu’au cours des deux dernières
années, les autorités serbes se sont efforcées d’améliorer la situation
des réfugiés et des PDI en levant plusieurs obstacles aux solutions
durables. Le nombre de réfugiés dans le pays a, de ce fait, été
considérablement réduit. Il convient toutefois de déployer des efforts
supplémentaires afin d’instaurer des conditions favorisant un retour
durable et de permettre la pleine intégration des réfugiés qui choisissent
de rester. Huit années après la fin de la guerre du Kosovo, les
PDI n’ont d’autres options que la perspective incertaine de rapatriement
et l’absence de possibilité d’intégration locale; elles rencontrent
de nombreuses difficultés pour faire respecter l’intégralité de
leurs droits civiques fondamentaux. Dans sa
Résolution 1661 (2009), l’Assemblée invitait les autorités serbes à poursuivre
les travaux pour garantir, dans la mesure du possible, aux réfugiés
et aux personnes déplacées un retour durable, sûr et dans de bonnes
conditions, et à ne ménager aucun effort pour trouver des solutions
durables pour ceux qui ont décidé de rester en Serbie.
96. Dans sa
Résolution
1661 (2009), l’Assemblée appelait les autorités serbes à signer
et ratifier la Convention européenne sur la nationalité (STE n°
166) et la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention des
cas d’apatridie en relation avec la succession d’États (STCE n°200).
Bien qu’il n’existe aucune donnée officielle sur le nombre d’apatrides
vivant en
Serbie, le Haut
Commissariat aux Réfugiés des Nations Unies estime qu’ils sont environ
17 000 dans ce cas. La complexité, la lenteur et, parfois, l’échec
des procédures administratives d’inscription sur les registres d’état
civil et d’enregistrement de résidence sont sources de préoccupation
dans la mesure notamment où pour jouir pleinement de leurs droits
civiques, politiques et socio-économiques, les citoyens doivent
détenir une carte d’identité (lična karta) valide et être de ce
fait inscrits sur les registres d’état civil et avoir enregistré
un lieu de résidence officiellement reconnu. Ce problème est particulièrement
épineux pour les PDI qui, à cette fin, ont besoin de papiers d’identité
devant être extraits de registres. Ces registres peuvent être détruits
ou manquants ou avoir été transférés dans l’une des sept municipalités
situées dans le centre ou le sud de la Serbie
.
97. En
Turquie, l’obligation
des autorités de «[…] lever la réserve géographique à la Convention
de Genève de 1951 relative au statut des réfugiés et de mettre en
œuvre les recommandations du commissaire aux droits de l’homme du
Conseil de l’Europe en ce qui concerne le traitement des réfugiés
et des demandeurs d’asile» est l’une des 12 questions couvertes
par le dialogue post-suivi avec l’Assemblée conformément à la
Résolution 1380 (2004). Cette réserve géographique exclut les ressortissants
non européens du champ de la Convention de Genève
. En dépit
de l’excellente coopération entre le HCR et le gouvernement turc,
plusieurs points sont problématiques dans ce domaine. Les autorités
turques ont mis en place une nouvelle procédure pour autoriser l’accès
aux personnes en détention dans le cadre de demande d’asile. Le
HCR n’a pas accès aux personnes souhaitant déposer une telle demande
ou tentant de quitter illégalement la Turquie. La majorité de ces
personnes serait détenue de manière prolongée à Edirne, Kirklareli
ou Kumkapi. L’absence d’accord de pays hôte entre la Turquie et
le HCR, le manque de coordination dans l’organisation de l’assistance,
la délicate question des réfugiés iraniens, et la nécessaire levée
de la réserve géographique à la Convention de Genève de 1951 sont
au cœur de la coopération entre le HCR et le gouvernement turc
.
98. En
Ukraine, plusieurs
sources, y compris le HCR, ont fait état de pratiques alarmantes
concernant le déplacement de réfugiés et de demandeurs d’asile en
2008
. L’Ukraine
continue de dénier toute protection aux demandeurs d’asile et refuse
fréquemment d’accorder le statut de réfugié pour des motifs procéduraux
. Comme l’annonçait le
HCR, les réfugiés ou demandeurs d’asile n’ont pas accès à une procédure
claire et efficace de détermination de leur statut de réfugiés ou
ne sont pas traités dans le respect des normes internationales régissant
les réfugiés. En réponse au cinquième rapport périodique de l’Ukraine,
le Comité contre la torture des Nations Unies a fait part de ses
préoccupations quant au fait que la politique de retour aveugle
menée par l’Ukraine incluait des pays où les personnes rapatriées
sont susceptibles d’être soumises à la torture
. Le HCR a proposé des amendements
au projet de loi sur les réfugiés, qui renforceraient les formes
complémentaires et temporaires de protection, et combleraient les
lacunes actuelles de la législation
. Si le gouvernement ukrainien
approuve le projet de loi sur l’assistance juridique gratuite, le
HCR estime qu’elle pourrait entrer en vigueur en 2010.
2.8.2. Enfants
99. En
Albanie,
le travail des enfants, le faible taux de présence dans les écoles
et les violences domestiques envers les enfants constituent toujours
de sérieuses sources de préoccupation. En avril 2008, le Parlement
a adopté plusieurs amendements au Code pénal en vue de protéger
les enfants de toute forme de violence physique ou psychologique.
Ils contiennent également des dispositions visant à interdire l’exploitation des
enfants à des fins de production de matériel pornographique ainsi
qu’aux fins de travail ou de mendicité forcés. En Albanie, l’enseignement
est gratuit et obligatoire entre 6 et 14 ans, puis gratuit jusqu’à
dix-huit ans. Les statistiques les plus récentes semblent toutefois
montrer que si le nombre d’inscriptions à tous les niveaux d’enseignement
est en hausse, les taux de présence restent faibles, notamment parmi
les enfants issus de familles pauvres
.
De nombreux enfants quitteraient précocement l’école pour aller
travailler. Bien que la législation albanaise soit alignée sur les
normes internationales relatives à l’âge minimum auquel un enfant
est autorisé à travailler, elle ne semble guère avoir d’effet sur
ceux qui emploient des enfants en Albanie – notamment pour effectuer
des travaux agricoles ou pour mendier. L’enregistrement de tous
les enfants dès la naissance n’est pas encore pratique courante.
Le problème semble encore plus criant pour les enfants qui vivent
dans la pauvreté.
100. Le Gouvernement s’efforce de rechercher une solution à la
question de la violence domestique à l’encontre des enfants en dispensant
une formation spécialisée aux policiers, en réorganisant les directions régionales
de la police au sein desquelles il a créé des unités distinctes
pour la protection des mineurs et en luttant contre la violence.
Les directions régionales de la police se sont vues adjoindre des
psychologues chargés de soutenir le travail de ces unités.
101. L’Arménie a adopté
en 2003 un Plan national d’action décennal pour la protection des
droits des enfants, qui fait partie intégrante du Document de stratégie
pour la réduction de la pauvreté.
102. En Bosnie-Herzégovine,
bien qu’aucun cas de refus d’enregistrement d’enfant rom n’ait été
constaté, le Gouvernement de la Bosnie-Herzégovine n’a pas, à ce
jour, adopté d’approche dynamique pour garantir leur enregistrement.
La commission de suivi a de ce fait appelé les autorités de la Bosnie-Herzégovine
à adopter une politique en amont pour l’enregistrement des enfants
roms, en lançant des campagnes de sensibilisation auprès de la population
rom et des autorités municipales chargées de l’enregistrement.
103. En Serbie, la décision
du ministère serbe de l’Education d’assurer à chaque enfant une
éducation primaire, quelle que soit sa nationalité, a été saluée
par la commission de suivi.
2.8.3. Traite des êtres
humains
104. La traite des êtres humains s’est avérée être une
source de préoccupation majeure concernant l’
Albanie.
Autrefois important pays d’origine et de transit de la traite des
êtres humains, l’Albanie déploie depuis quelques années des efforts
considérables en vue de lutter plus efficacement contre ce fléau.
Elle a mis en place un cadre juridique et opérationnel couvrant
les domaines de l’enquête, des poursuites, de la protection et de
la prévention. L’Albanie a ratifié la Convention du Conseil de l’Europe
sur la lutte contre la traite des êtres humains et son Code pénal
pénalise la traite des êtres humains. La traite des enfants et la
traite des femmes sont passibles de peines d’emprisonnement pouvant
aller jusqu’à 20 et 15 ans respectivement. La signature de plusieurs
accords bilatéraux, principalement dans les domaines de la répression
et du contrôle des frontières, dont un accord avec la Grèce sur
l’abolition de la traite des enfants, a permis au pays d’améliorer
la coopération transfrontalière avec ses voisins. D’une manière
générale, toutefois, les efforts déployés par le Gouvernement en
vue de la protection et de la réinsertion des victimes de la traite
restent modestes et l’Albanie demeure un pays de transit de la traite
des femmes
.
105. En
Ukraine, bien que
le Cabinet des Ministres ait adopté le Programme national de lutte
contre la traite des êtres humains, il apparaît que le programme
manque d’indicateurs de performance et souffre d’un manque de financement
. Selon le Rapport
2008 sur la traite des êtres humains du ministère américain des
Affaires étrangères, malgré l’existence de nombreux rapports sur
la corruption liée à cette traite, le gouvernement ukrainien ne
respecte pas pleinement les normes minimales pour l’élimination
de la traite des êtres humains, les lacunes les plus graves étant
l’absence d’enquêtes adéquates, de poursuites et de condamnations
des trafiquants, en particulier des responsables gouvernementaux,
qui sont souvent complices de tels agissements
.
2.9. Non-discrimination
et promotion de l’égalité
106. En Albanie, la
Constitution garantit l’égalité de droits pour tous les citoyens.
Toutefois, la discrimination directe et indirecte à l’encontre des
femmes demeure un important problème. La loi sur l’égalité des sexes
au sein de la société, adoptée en avril 2008, prévoit entre autres,
qu’au moins 30 % des postes pourvus par nomination soient attribués
au sexe sous-représenté et que 30 % de l’ensemble des candidats
aux élections générales et locales doivent appartenir au sexe sous-représenté.
L’Albanie demeure une société essentiellement patriarcale marquée
par la tradition du silence pour ce qui concerne la violence à l’encontre des
femmes. La loi sur les mesures contre la violence dans les relations
familiales, entrée en vigueur le 1er juin 2007,
institue le premier mécanisme fort de protection pour les victimes
de violence domestique. Elle énonce des mesures de protection ainsi
que des sanctions pour violation des ordonnances de sûreté et encourage
les victimes à dénoncer les auteurs de violence domestique. Toutefois,
elle n’érige pas la violence domestique en délit à part entière.
107. Un projet de loi contre la discrimination a été soumis au
Parlement albanais. Il contient, entre autres, des dispositions
relatives à l’égalité des chances pour toute personne sans considération
de son orientation sexuelle. Si elle est adoptée et correctement
appliquée, la nouvelle loi devrait mettre fin aux arrestations arbitraires
qui ne cessent d’être signalées ainsi qu’aux mauvais traitements
infligés par la police aux homosexuels
. Elle permettrait de garantir le
respect de la recommandation de l’Assemblée qui invite l’Albanie
à «lutter contre toute forme de discrimination»
. Bien que le Médiateur soit habilité
à examiner les plaintes relatives à la discrimination ou aux mauvais
traitements de la part des pouvoirs publics, y compris la police,
il n’est pas possible de déposer une plainte pour discrimination
sexuelle dans le cadre de l’emploi.
108. En
Bosnie-Herzégovine, lesdits
«autres» devraient pouvoir participer pleinement à la vie politique
en se présentant à l’élection des membres de la présidence et en
participant à la désignation des délégués à la Chambre des peuples.
Dans sa
Résolution 1626
(2008), l’Assemblée invitait les autorités de la Bosnie-Herzégovine
à veiller à ce que, parallèlement à l’application de l’annexe VII
de l’Accord de paix de Dayton et de la décision de la Cour constitutionnelle
de Bosnie-Herzégovine sur le statut constitutif des peuples, tous
les citoyens de la Bosnie-Herzégovine aient un accès égal aux structures
gouvernementales à tous les niveaux.
109. Dans sa
Résolution
1626 (2008) sur la
Bosnie-Herzégovine, l’Assemblée
condamnait la discrimination et la violence à l’encontre des lesbiennes,
gays, bisexuels et transsexuels (LGBT), et les agressions subies par
des organisateurs et des participants du festival Queer de Sarajevo,
et des journalistes (voir aussi
Doc. 11700). L’Assemblée invitait également les autorités de la
Bosnie-Herzégovine à assurer la protection des LGBT et des personnes
qui défendent leurs droits et à mener sans tarder une enquête approfondie
sur toute agression subie par ces personnes et à traduire les responsables
en justice.
110. La «ségrégation ethnique» dans les établissements scolaires
du primaire et du secondaire demeure préoccupante en
Bosnie-Herzégovine. Au cours des
douze dernières années, le fait que les jeunes étudiants bosniaques,
croates et serbes aient choisi de suivre les cours – et cette situation
persiste encore aujourd’hui – dans les salles fréquentées par les
membres du même groupe ethnique a contribué à séparer les uns des autres
les trois peuples dits peuples constitutifs, plutôt qu’à promouvoir
la réconciliation post-conflit. Pour l’heure, il existe trois programmes
d’enseignement distincts en Bosnie-Herzégovine, ce qui conforte
et codifie la ségrégation ethnique. Le développement d’un tronc
commun dans les programmes d’enseignement pour l’ensemble des écoles,
complété par une série de matières culturellement spécifiques, pourrait
être une solution au problème. A cet égard, dans la
Résolution 1626 (2008), l’Assemblée appelait les autorités de Bosnie-Herzégovine
à mettre fin d’urgence à la pratique de la «ségrégation ethnique»
dans les établissements scolaires du primaire et du secondaire et
à appliquer pleinement la réforme de 2003 concernant l’enseignement
primaire et secondaire.
111. En Moldova, l’interdiction
faite aux personnes ayant plusieurs nationalités d’exercer des hautes fonctions
publiques, y compris de devenir membres du Parlement, préoccupe
sérieusement la commission de suivi. L’article 75, paragraphe 3,
du Code électoral dispose qu’une personne peut avoir plusieurs nationalités et
présenter sa candidature, à condition de renoncer au moment de l’élection
à ses nationalités autres que la nationalité moldove. Vingt-deux
personnes élues au Parlement à l’occasion du dernier scrutin ont
plusieurs nationalités et sont ainsi directement concernées par
cette interdiction. Dans l’affaire Tanase
et Chirtoaca c. Moldova (arrêt rendu le 18 novembre 2008,
requête n° 7/08), la Cour européenne des droits de l’homme a conclu
que pareille exigence était contraire à l’Article 3 du Protocole
additionnel à la CEDH, ainsi qu’à la Convention européenne sur la
nationalité, que la Moldova a ratifiée le 30 novembre 1999. Les
autorités moldoves ont fait appel de la décision de la Cour dans
l’affaire susmentionnée qui est désormais pendante devant la Grande
Chambre. Dans sa Résolution 1666 (2009), l’Assemblée invitait les
autorités moldoves à suspendre l’application des dispositions du
Code électoral, relatives à l’interdiction faite aux personnes ayant plusieurs
nationalités d’exercer de hautes fonctions publiques, en attendant
que la Grande Chambre de la Cour rende sa décision dans l’affaire Tanase et Chirtoaca c. Moldova.
112. Monaco n’a toujours
pas ratifié les Protocoles à la CEDH 1 et 12 (avec sa clause générale
de non-discrimination), contrairement à ses engagements souscrits
au moment de l’adhésion dans l’
Avis n°250 (2004), les autorités arguant de la situation particulière
du pays eu égard à la population autochtone numériquement inférieure
au nombre des étrangers vivant et/ou travaillant dans le pays. En
dépit d’une loi sur la motivation des actes administratifs, adoptée
conformément aux engagements pris lors de son adhésion, l’octroi
de la nationalité monégasque demeure le seul fait du Prince Souverain
et une décision de refus au postulant n’est pas motivée. La Principauté
doit encore adopter des dispositions antidiscriminatoires en matière
de droit civil et administratif. Des sauvegardes sont également
nécessaires pour ce qui est du régime de préférence accordé, entre
autres, aux Monégasques dans le secteur de l’emploi. Cela permettra
de protéger les travailleurs qui n’en bénéficient pas contre toute
discrimination dans l’application de ce système
.
113. A Monaco, une proposition de loi présentée par un groupe de
parlementaires de la majorité a été adoptée le 28 avril 2008 par
le Conseil National visant à mettre en place des dispositions pour
protéger et sanctionner les violences domestiques, entre couples
mariés ou non, de sexes différents ou de même sexe. Le texte de
la proposition insérait un titre V bis dénommé «Du Concubinage»
et un nouvel article 196-1 au sein du Livre 1er du
Code Civil monégasque dans les termes suivants: «Le concubinage
consiste en une union de fait, caractérisée par une vie commune
présentant un caractère de stabilité et de continuité, entre deux personnes
de sexe différent, qui vivent en couple». Après étude de la proposition,
la commission des Droits des Femmes et de la Famille saisie pour
rapport, a estimé nécessaire de supprimer les mots «de sexe différent»
dans le but d’éviter toute discrimination fondée sur l’orientation
sexuelle. A l’issue d’un débat houleux, la proposition ainsi amendée
a été adoptée par le Conseil National, contre l’avis du Ministre
d’Etat. Il est choquant qu’à l’occasion de ce débat devant le Conseil
National des propos homophobes ont été tenus par une haute autorité
publique
.
114. En
Serbie, l’adoption
de la loi anti-discrimination en mars 2009 a été saluée par l’Assemblée
dans sa
Résolution 1661
(2009). Cependant, la discussion au sujet de cette loi a été
affectée par la forte opposition des communautés religieuses à son
adoption. Les dirigeants des communautés religieuses auraient exprimé
des réserves quant aux dispositions de la loi concernant la liberté
de religion et l’interdiction de discrimination pour des motifs
d’identité de genre ou d’orientation sexuelle. Tout en saluant le
fait que les autorités ont bien résisté à la pression des communautés
religieuses et ont adopté la loi, sans modifications substantielles,
la commission de suivi est préoccupée par le fait que les questions
liées à la liberté de religion, l’identité de genre et l’orientation
sexuelle continuent d’être un facteur de division dans la société
serbe, les partis d’opposition ayant proposé quelque 450 amendements
au projet de loi pendant la procédure parlementaire. La commission est
également préoccupée par les actes de harcèlement, d’intimidation,
de menace et de violence dont sont souvent victimes les militants
LGBT en Serbie. En dépit de la condamnation constante par les autorités
des actes de violence à l’encontre des personnes LGBT, certains
sont d’avis que les organismes d’application de la loi et les tribunaux
sont réticents à traiter ces affaires et que rares sont les auteurs
d’agressions ayant réellement été déférés devant la justice et punis.
Selon les organisations LGBT, il convient d’adopter une loi générale
sur l’égalité des genres.
115. Dans sa
Résolution
1661 (2009) sur la
Serbie,
s’appuyant sur un rapport de la commission de suivi (
Doc. 11701 et Addendum), l’Assemblée invitait les autorités serbes
à développer une politique détaillée dans ce domaine afin d’éliminer
toutes les formes de discrimination, y compris celles exercées à
l’encontre des minorités sexuelles. Elle appelait également les
autorités à enquêter et porter devant la justice toutes les affaires
de violence et de harcèlement à l’encontre de tous les défenseurs
des droits de l’homme, y compris ceux défendant les droits des personnes
LGBT, et à prendre des mesures concrètes pour garantir leur protection.
116. En
Ukraine, la discrimination
en matière d’emploi est un problème qui affecte négativement les
femmes. En dépit de l’adoption d’une législation garantissant l’égalité
des genres en matière d’emploi, dont la loi sur l’égalité des droits
et des chances pour les hommes et les femmes et les amendements
apportés au Code du travail, interdisant la discrimination de genre
dans l’emploi et les salaires, dans la pratique, les femmes sont victimes
de discrimination tant dans le secteur public que privé. De ce fait,
elles sont souvent contraintes d’accepter des emplois mal rémunérés
dans l’économie informelle non réglementée
. La législation actuelle ne traite pas
de manière adéquate la question des violences domestiques à l’encontre
des femmes. Les amendements au nouveau projet de loi visant à améliorer
la législation ukrainienne visant à lutter contre les violences
familiales ont été discutés au sein de la Verkhovna Rada et de nouvelles
modifications ont été recommandées. Selon Amnesty International,
les amendements proposés à la loi sur la prévention de la violence
familiale et les autres articles pertinents du Code administratif,
bien qu’étant des améliorations, ne garantissent pas de logement
de remplacement à court et long terme aux victimes de violence domestique. Malheureusement,
aucun progrès n’a pour l’instant été enregistré dans ce domaine.
2.10. Protection des
minorités et lutte contre le racisme et l’intolérance
117. D’une manière générale, un climat de respect et de
tolérance prévaut à l’égard des groupes minoritaires en
Albanie. Le pays reconnaît aujourd’hui
trois minorités nationales (grecque, macédonienne et serbo-monténégrine)
et deux minorités ethnolinguistiques (aroumaine et rom). Depuis
l’adoption, par le Comité consultatif, de son premier Avis, l’Albanie
a déployé des efforts en vue de renforcer la mise en œuvre de la Convention-cadre
sur la protection des minorités nationales
.
Le Comité consultatif note qu’accorder à la communauté bosniaque
une protection en tant que minorité nationale au titre de la Convention-cadre permettrait
de répondre de façon adéquate à ses besoins particuliers
.
Les représentants de la minorité grecque à Vlora, rencontrés par
les corapporteurs au cours de leur visite dans le pays, ont confirmé
qu’ils vivaient dans un climat de tolérance. Toutefois, les garanties
juridiques relatives à l’emploi des langues minoritaires dans les
relations avec l’administration ainsi que pour les toponymes ne
sont pas suffisamment claires. De nouvelles mesures doivent être
prises en vue de surmonter les problèmes qui font obstacle à l’enseignement
dans les langues minoritaires. L’Albanie n’a pas signé la Charte
européenne des langues régionales ou minoritaires (STE n° 148),
au motif qu’elle ne peut faire face aux dépenses y afférentes. Elle reste
la seule Convention du Conseil de l’Europe mentionnée dans l’Avis
relatif à l’accession de l’Albanie à n’être ni signée, ni ratifiée,
en dépit des nombreuses invitations de l’Assemblée à le faire.
118. L’Albanie participe à la Décennie de l’inclusion des Roms
2005-2015 depuis juillet 2008. La Stratégie nationale pour l’amélioration
des conditions de vie des Roms est en cours de mise en œuvre. Il
convient d’améliorer le dialogue avec la communauté rom. Un certain
nombre de Roms ne sont pas encore inscrits sur les registres d’état
civil et continuent d’être confrontés à des obstacles dans l’accès
à l’emploi, à l’éducation et au logement
. La minorité rom
connaît toujours la pauvreté, la discrimination, un taux d’analphabétisme élevé
et des conditions de vie extrêmement difficiles. Moins de la moitié
des enfants roms vont à l’école primaire et seuls 25 % d’entre eux
achèvent le cycle d’éducation primaire. Le niveau extrêmement bas d’éducation
et de qualifications professionnelles des Roms limite leur accès
au marché de l’emploi officiel, ce qui contribue à aggraver la pauvreté.
Il est fréquent que les Roms travaillent dans des secteurs informels
et la mendicité est largement répandue chez les femmes et les enfants.
De nombreuses familles roms ne sont pas enregistrées auprès des
autorités, les excluant ainsi de l’assistance sociale, de l’accès
aux services essentiels, y compris en matière d’éducation et de
santé; et renforçant pour elles le risque d’être victimes de la
traite des êtres humains.
119. En
Azerbaïdjan, la
loi sur les minorités nationales n’a pas encore été adoptée et la
Charte européenne des langues régionales ou minoritaires (STE n°
148) n’a pas été ratifiée, contrairement aux engagements pris par
l’Azerbaïdjan lors de son adhésion
.
120. En
Bosnie-Herzégovine,
les Roms sont le groupe minoritaire le plus important et le plus
marginalisé. La commission de suivi partage les inquiétudes exprimées
par les organisations internationales intervenant dans le travail
avec la communauté rom
,
dont le Conseil de l’Europe, quant au fait que la Stratégie nationale pour
les Roms ne contient que peu, voire aucune référence à des actions
particulières prises, des autorités responsables, des délais ou
des implications budgétaires. C’est pourquoi la commission a appelé
les autorités de la Bosnie-Herzégovine à élaborer un plan d’action
complet pour la mise en œuvre de la stratégie. Quatre plans d’actions
ont été adoptés en 2008. L’un des problèmes les plus brûlants affectant
les Roms est lié au fait qu’ils ne possèdent pas de documents personnels.
Cette situation crée des problèmes supplémentaires dans l’exercice
des droits de propriété pour un grand nombre d’entre eux qui résident
dans des logements informels, car elle les empêche de solliciter
le statut de résident qui les aiderait à légaliser leur titre de
propriété. Une des raisons principales de l’incapacité des Roms
à obtenir des documents personnels découle du fait qu’ils ne sont pas
inscrits dans les registres de naissance. En Bosnie-Herzégovine,
les personnes ne possédant pas d’acte de naissance ne peuvent pas
accéder à l’éducation, aux soins de santé, aux prestations sociales.
Ils ne peuvent par ailleurs pas participer à la vie civile.
121. L’Assemblée s’est inquiétée de l’amplification du discours
nationaliste et ethnique en Bosnie-Herzégovine, notamment dans le
contexte de la campagne pour les élections locales d’octobre 2008
et dans le sillage de l’adoption, par l’Assemblée du Kosovo, de
la déclaration unilatérale d’indépendance. Dans sa
Résolution 1626 (2008), l’Assemblée exhortait fermement l’ensemble des acteurs
politiques à s’abstenir de toute déclaration ou action qui pourrait
inciter à la sécession ou compromettre l’existence de l’Etat fondé
sur les entités en question. Pour l’Assemblée, le cas du Kosovo
ne peut servir de précédent (voir aussi
Doc. 11700).
122. Il reste à la Bosnie-Herzégovine à ratifier la Charte européenne
des langues régionales ou minoritaires (STE No. 148) conformément
aux engagements souscrits lors de son adhésion.
123. En
Bulgarie, selon
la Constitution, tous les citoyens sont égaux devant la loi, quelle
que soit leur situation ethnique, religieuse et linguistique. Une
loi relative à la protection contre la discrimination est en vigueur
et une commission pour la protection contre la discrimination est
opérationnelle depuis 2005. La situation globale des minorités dans
le pays est d’une manière générale plutôt satisfaisante. Autrefois,
les Turcs de souche et les Roms étaient les deux plus grands groupes
victimes de discrimination. Cependant, depuis les années 1990, la
situation des Turcs s’est considérablement améliorée. Le Mouvement
des droits et libertés, parti politique composé principalement de
Turcs de souche, a été dans deux coalitions gouvernementales consécutives
. La situation
des Roms, en revanche, reste préoccupante, notamment en ce qui concerne
des cas de violence de la part de la police à l’encontre des Roms
. Les autorités bulgares sont peu
disposées à reconnaître l’identité ethnique propre des quelques
5 000 Macédoniens vivant en Bulgarie. Certains rapports font état
de violations occasionnelles de la liberté de réunion pacifique
et de la liberté d’association de ce groupe ethnique
.
Dans sa Résolution sur la mise en œuvre de la Convention-cadre pour
la protection des minorités nationales par la Bulgarie
, le Comité des Ministres
concluait que «des efforts supplémentaires sont attendus de l’Etat
pour ce qui concerne l’enseignement de et dans la langue des personnes
appartenant aux minorités, ainsi que pour promouvoir la connaissance
de la culture et de l’identité des minorités et pour favoriser le
dialogue interculturel et la tolérance par l’éducation».
124. La Bulgarie n’a ni signé ni ratifié la Charte européenne des
langues régionales ou minoritaires. Cette question a été soulevée
avec les autorités nationales mais les réponses sont restées vagues
ou évasives. J’ai donc demandé à la délégation bulgare de me fournir
de plus amples informations sur les obstacles qui empêchent la signature
et la ratification de la Charte du Conseil de l’Europe mentionnée
ci-dessus.
125. Dans sa
Résolution
1603 (2008) sur la
Géorgie,
l’Assemblée saluait la ratification de la Convention-cadre pour
la protection des minorités nationales (STE No. 157), tout en regrettant
que la procédure de signature et de ratification de la Charte européenne
des langues régionales ou minoritaires n’ait connu aucune avancée
à ce jour. Au cours de sa visite en Arménie en juillet 2008, le
Président de l’Assemblée a été informé de plaintes quant à la situation
de la minorité arménienne en Géorgie. Les corapporteurs pour la
Géorgie rendront compte de cette question dans leur prochain rapport
régulier de suivi sur la Géorgie.
126. Monaco a pris un certain
nombre de mesures en faveur de la lutte contre le racisme et l’intolérance
avec notamment la ratification d’un nombre important d’instruments
juridiques internationaux, y compris la CEDH. Monaco a, en outre,
fait une déclaration par laquelle il reconnaît au Comité pour l’élimination
de la discrimination raciale la compétence de connaître des plaintes
alléguant des violations des droits garantis par la Convention internationale
sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale.
De plus, elles ont adopté une loi sur la liberté d’expression publique,
qui sanctionne l’incitation à la haine raciale. La Principauté doit
encore adopter des dispositions pénales qui sanctionnent des actes
à caractère raciste. La motivation raciste d’un crime n’est pas
considérée comme une circonstance aggravante lors de la fixation
de la peine. Des garanties procédurales sont nécessaires en ce qui
concerne les personnes faisant l’objet d’une décision de refoulement
ou d’expulsion
.
127. Les droits des minorités nationales sont protégés en
Serbie par la nouvelle Constitution.
Dans sa Résolution 1661 (2009), l’Assemblée énonçait une liste de
mesures que les autorités serbes devraient mettre en œuvre dans
le domaine de la protection des minorités, et notamment de la communauté
rom. Les autorités serbes étaient invitées en particulier: à développer
davantage la politique sur les droits des minorités, en renforçant
la confiance entre les représentants des différentes communautés
et en mettant en œuvre dans la pratique les droits des minorités
nationales, dans un esprit de dialogue et de coopération entre le Gouvernement
central et les communautés minoritaires, notamment en leur assurant
un accès effectif à l’éducation, aux médias et à l’administration
publique dans leur langue maternelle, ainsi que la représentation des
minorités nationales à tous les échelons des instances politiques
et administratives, et en leur permettant d’organiser des services
religieux dans leur langue; à prendre des mesures effectives – en
rapport avec les priorités que la Serbie a annoncées dans le cadre
de sa présidence actuelle de la Décennie pour l’intégration des
Roms – en vue de garantir à la communauté rom de Serbie le droit
à un logement décent, y compris en mettant en œuvre le plan d’action
national sur le logement, lié à la Décennie pour l’intégration des
Roms, et les lignes directrices du ministère des infrastructures
en faveur de l’amélioration et de la légalisation des campements
de Roms; à adopter une loi sur les Conseils des minorités nationales,
clarifiant leurs compétences, les modalités relatives à leur élection,
leur rôle vis-à-vis du Gouvernement central, ainsi que leurs modes
de financement; à enquêter et porter devant la justice toutes les
affaires de violence et de harcèlement à l’encontre de tous les
membres des minorités nationales et prendre des mesures concrètes pour
garantir leur protection; à intensifier les relations de bon voisinage
avec les «nations-mères» (la Roumanie, la Hongrie, la Croatie et
«l’ex-République yougoslave de Macédoine») en mettant pleinement
en œuvre les accords bilatéraux qu’elles ont signés. Cette obligation
s’applique aussi aux autorités des États voisins
.
128. En Serbie, le code pénal demeure encore trop souvent inappliqué
aux personnes qui commettent des actes racistes contre des minorités
nationales, ethniques ou religieuses ou des actes antisémites
.
La situation des Roms, des Ashkalis et des Égyptiens déplacés à
l’intérieur du pays demeure précaire
.
Dans sa
Résolution 1661
(2009), l’Assemblée demandait aux autorités serbes de mettre
en œuvre les recommandations de la Commission européenne contre
le racisme et l’intolérance (ECRI), adoptées le 14 décembre 2007.
129. Dans
«l’ex-République yougoslave
de Macédoine», la récente adoption de la loi relative
à l’utilisation de la langue albanaise a marqué une étape majeure
sur la voie de la mise en œuvre de l’Accord-cadre d’Ohrid. Cependant,
l’adoption de cette loi s’est faite dans le cadre d’une procédure
d’urgence, alors que le principal parti d’opposition (le SDSM) et
le deuxième en importance, le parti ethnique albanais du pays (le
DPA), boycottaient le Parlement. Dès lors, les représentants du
DPA affirment que la loi en question ne répond pas intégralement
aux intérêts de la communauté albanaise
.
Plusieurs municipalités ont autorisé l’usage officiel des langues
de minorités représentant moins de 20% de la population du pays
(ainsi, la municipalité de Gostivar utilise officiellement les langues
macédonienne, albanaise et turque). Les autorités macédoniennes soutiennent
des programmes d’enseignement dans la langue maternelle des différentes
minorités. A l’heure actuelle, on se préoccupe tout particulièrement
de la représentation équitable des membres des minorités dans la
fonction publique. Un concours a été organisé récemment en vue de
pourvoir 570 postes réservés aux membres des minorités. Dans ma
note d’information de novembre dernier, je saluais la création d’une
«Agence des droits de l’homme et des droits des minorités» en vue
de renforcer la protection des minorités représentant moins de 20%
de la population du pays et appelais les autorités à doter l’Agence
des droits de l’homme et des droits des minorités des ressources
financières, humaines et matérielles nécessaires. En dépit des progrès accomplis,
l’Accord-cadre d’Ohrid n’est pas encore totalement appliqué. Les
représentants des minorités constituant moins de 20% de la population
se plaignent notamment de cas de discrimination indirecte (surtout en
matière d’emploi), de «ségrégation» en ce qui concerne l’accès à
l’éducation et de violation du droit à la liberté religieuse.
130. Lors de la clôture de la procédure de suivi et de l’ouverture
du dialogue post-suivi avec la
Turquie, l’Assemblée,
dans sa
Résolution 1380
(2004), a invité les autorités turques «à poursuivre la politique
visant à reconnaître l’existence des minorités nationales vivant
en Turquie et à leur accorder le droit de maintenir, de développer
et d’exprimer leur identité, et de la mettre en œuvre concrètement»
Les autorités turques s’en tiennent au Traité de Lausanne (signé
le 24 juillet 1923) qui accorde un certain nombre de droits aux
minorités religieuses non musulmanes en Turquie (articles 37 à 44)
mais ne définit pas précisément les minorités concernées, pas plus
qu’il ne les situe géographiquement. De fait, elles reconnaissent
les minorités juive, arménienne et grecque orthodoxe et ont rappelé
qu’elles considèrent tous les citoyens turcs comme égaux en droits
et non comme des individus appartenant a une minorité ou une majorité.
Ceci ne doit toutefois pas empêcher la Turquie de garantir, conformément
aux normes européennes, des droits spécifiques à certains citoyens
turcs sur la base de leur origine ethnique, leur religion ou leur
langue de sorte qu’ils puissent préserver leur identité. Au cours
de ma visite en Turquie en novembre 2008, en tant que rapporteur
du dialogue post-suivi avec la Turquie, les autorités n’ont pas
donné de nouvelles informations à ce sujet et ont réaffirmé que
la signature de la Convention-cadre pour la protection des minorités
nationales et de la Charte des langues régionales ou minoritaires
n’était pas à l’ordre du jour du gouvernement turc. Cependant, la
question des minorités culturelles, notamment les Kurdes, conserve
toute son importance
. Lors de mon entretien
avec les représentants du groupe DTP (Parti pour une société démocratique,
pro-Kurde) au sein de la Grande Assemblée Nationale Turque, ceux-ci
ont regretté que les droits des kurdes ne soient pas intégrés à
l’identité turque, même s’ils représentent 20 millions de personnes.
Ils estiment que le seuil des 10% a été mis en place pour empêcher
la représentation des Kurdes dans le Parlement et que le recours
en justice actuellement contre le DTP
est
une énième tentative de nuire à leur expression politique. Par contre,
contrairement à ce qui s’est passé pour l’AKP, ils craignent que
la Cour constitutionnelle ordonne la clôture du parti, comme elle l’a
déjà fait à maintes reprises dans le passé. Il faut saluer toutefois
la création, le 1er janvier 2009, d’une
chaîne de télévision publique émettant 24 heures sur 24 en langue
kurde.
131. Les représentants de la communauté juive se sont montrés globalement
satisfaits des relations entretenues entre leur communauté et le
Gouvernement turc. Ils ont toutefois exprimé leur inquiétude face
à la montée de l’antisémitisme et différents actes de vandalisme
à l’encontre de leur communauté. Ils regrettent que le discours
de haine relayé par des médias extrémistes qui colporte des amalgames
entre Israël et judaïsme ne soit pas sanctionné. En effet, l’ancien
code pénal prévoyait une disposition criminalisant l’incitation
à la haine mais, dans le nouveau code pénal, pour être qualifiée
de crime, l’incitation à la haine doit avoir un «effet réel et immédiat».
De fait, les actes d’antisémitisme ne seraient pas sanctionnés,
le danger n’étant pas considéré comme réel et immédiat. Les différents
représentants de la communauté que j’ai rencontrés ont confirmé
que le paysage de la presse turque est fortement marqué par des
positions extrémistes, nationalistes et ouvertement hostiles aux
minorités, religieuses ou non.
132. Les minorités ethniques, religieuses et linguistiques en Ukraine sont victimes de discrimination
dans un certain nombre de domaines. Ainsi, HRW fait état de la discrimination
sont les Tatars de Crimée continuent d’être victimes dans des domaines
tels que l’allocation de terres, les opportunités d’emploi, l’accès
aux lieux de culte, et l’accès à l’éducation dans leur langue maternelle.
En particulier, le traitement appliqué par l’Ukraine aux langues
minoritaires a soulevé bien des préoccupations.
133. Les incidents de xénophobie et de racisme sont monnaie courante
en Ukraine. Des rapports troublants de groupes œuvrant à la défense
des droits de l’homme (dont Amnesty International) indiquent que
le racisme est en expansion en Ukraine
.
Les étrangers et les membres des minorités religieuses et ethniques
sont fréquemment victimes d’agressions xénophobes ou racistes (agressions
physiques ou verbales sans justification) non seulement par la population
au sens large, mais également par des membres des forces de l’ordre.
Ainsi, le HCR a fait état de plusieurs agressions xénophobes ou
racistes récentes, dont certaines se sont soldées par des morts
. En Ukraine proprement dite, il n’existe
aucune statistique sur le nombre d’agressions racistes car la police
les considère généralement comme des actes de «hooliganisme»
. Human
Rights Watch a rendu compte de la création d’unités d’enquête spéciales
pour lutter contre les crimes à caractère raciste, intervenant dans
plusieurs villes ukrainiennes, mais il convient d’aller plus loin
au plan législatif. Fait positif, la première réunion du groupe
de travail intergouvernemental/institutionnel – mandaté par le gouvernement
pour élaborer des propositions de lutte plus efficace contre le
racisme, la xénophobie et la discrimination – s’est tenue en avril
2008.
2.11. Violations des
droits de l’homme commises dans le contexte de la guerre entre la
Géorgie et la Russie
134. Le déclenchement de la guerre en août 2008 entre
deux États membres de l’Organisation, tous deux soumis à la procédure
de suivi de l’Assemblée – la Géorgie et
la Russie – constitue non
seulement une violation, par les deux parties, de leur engagement
souscrit lors de l’adhésion de régler les conflits par des moyens
pacifiques et dans le respect des principes du droit international,
mais également l’une des plus graves crises de la période récente
pour le Conseil de l’Europe, et une remise en question des principes
et valeurs qu’il incarne. De graves violations ont été commises,
qui concernent le statut de l’Organisation mais aussi les principes
du droit international (dont les principes de souveraineté de l’Etat,
le droit à l’intégrité territoriale et à son respect et la non-agression)
et du droit humanitaire international. Immédiatement après le déclenchement des
hostilités entre la Russie et la Géorgie, le Président de l’Assemblée
a demandé aux corapporteurs pour la Russie et la Géorgie de la commission
de suivi de visiter les pays relevant de leurs responsabilités.
Les corapporteurs pour la Géorgie se sont rendus à Tbilissi et Gori
du 18 au 21 août et l’un des corapporteurs pour la Russie, M. Luc
van den Brande, s’est rendu à Moscou et Vladikavkaz du 20 au 22
août. Ils se sont, par la suite, rendus dans les deux pays à trois
occasions, soit dans le contexte des conséquences de la guerre soit dans
le contexte de la procédure régulière de suivi.
135. Dans sa
Résolution
1633 (2008), l’Assemblée, sur la base d’un rapport de sa commission
de suivi
débattu
selon la procédure d’urgence, a vivement condamné le déclenchement
de la guerre et s’est inquiétée des violations des droits de l’homme
et du droit humanitaire commises par les deux parties dans le contexte de
la guerre, telles que les meurtres ou blessures intentionnels ou
évitables de civils, ainsi que la destruction de biens. En particulier,
l’Assemblée a estimé que le recours sans distinction à la force
et l’utilisation d’armes par les troupes géorgiennes et russes dans
des zones civiles peuvent être considérés comme des crimes de guerre
qui doivent faire l’objet d’une enquête exhaustive. Notant que la
Russie est totalement responsable des violations des droits de l’homme
et du droit humanitaire dans les zones placées sous son contrôle
de facto, y compris des actes commis à la demande des autorités
de facto de Tskhinvali, l’Assemblée a estimé que la Russie n’a pas
réussi à remplir l’obligation qui lui incombe, en vertu de la Convention
(IV) de La Haye de 1907 concernant les lois et coutumes de la guerre
sur terre, d’empêcher le pillage, de garantir la loi et l’ordre,
et de protéger les biens dans les zones sous le contrôle de facto
de ses forces. L’Assemblée s’est dite particulièrement préoccupée
par les allégations plausibles d’actes de nettoyage ethnique commis
dans des villages géorgiens en Ossétie du Sud et dans la «zone tampon»
par des milices irrégulières et des gangs que les troupes russes
n’ont pas arrêtés. Elle a demandé instamment aux autorités russes
et géorgiennes de veiller au respect effectif de tous les droits
de l’homme en application de la Convention européenne des droits
de l’homme et des normes humanitaires en application des Conventions
de Genève de 1949 et de leurs protocoles additionnels sur les territoires
sous leur contrôle de facto; d’enquêter sur toutes les allégations
de violations des droits de l’homme commises durant et après la
guerre, et de traduire leurs auteurs devant les tribunaux internes
pour qu’ils répondent de leurs actes; de permettre aux médias d’accéder
en toute sécurité et sans entraves à la zone de conflit; d’utiliser
pleinement les moyens disponibles de règlement pacifique des conflits,
y compris selon le cas la Cour européenne des droits de l’homme,
la Cour internationale de justice et la Cour pénale internationale,
afin de résoudre la situation de conflit latente.
136. Dans sa
Résolution
1647 (2009) sur la mise en œuvre de la Résolution 1633 (2008), l’Assemblée,
sur la base d’un second rapport de sa commission de suivi
et
au vu des preuves accablantes de la violation, par la Géorgie et
la Russie, des droits de l’homme et du droit humanitaire pendant
la guerre, s’est félicitée de l’enquête ouverte par le bureau du
procureur général de Géorgie au sujet des allégations de violations
des droits de l’homme et du droit humanitaire commises par les deux
parties au cours de la guerre et à l’issue de celle-ci; elle a invité
ce dernier à enquêter de manière impartiale sur toute allégation
de violation portée à sa connaissance et à veiller à ce que les
auteurs de ces actes soient traduits en justice. Parallèlement, l’Assemblée
a regretté que le bureau du Procureur de Russie n’ait pas encore
ouvert la moindre enquête sur les allégations de violations des
droits de l’homme et du droit humanitaire commises par la Russie
et les forces d’Ossétie du Sud alliées à celle-ci. L’Assemblée a
appelé la Russie à ouvrir de telles enquêtes sans plus tarder et
à veiller à ce que les auteurs de ces actes soient traduits en justice.
137. Les éléments de preuves et les déclarations de témoins reproduits
dans plusieurs rapports de l’OSCE et d’autres organisations telles
qu’Amnesty International et Human Rights Watch donnent une certaine crédibilité
aux allégations selon lesquelles la Russie et la Géorgie auraient
toutes deux commis des violations des droits de l’homme et du droit
international humanitaire pendant le conflit et laissant entendre
que la Russie aurait fermé les yeux sur des violations des droits
de l’homme et du droit international humanitaire commises par les
autorités de fait pendant et après le conflit
. Il est du devoir
de l’État concerné de mener des enquêtes sur les violations des
droits de l’homme et du droit humanitaire international commises
par des personnes se trouvant sous sa juridiction de fait. Dans
son troisième rapport sur les suites données par la Géorgie et la Russie
aux Résolutions 1633 et 1647, la commission de suivi, tout en comprenant
les difficultés rencontrées par les services du Procureur général
de Géorgie dans la conduite de leur enquête en raison de l’impossibilité d’accès
à la zone où s’est déroulée le conflit sur le territoire de la région
séparatiste d’Ossétie du Sud, a exprimé néanmoins son espoir que
cette dernière sera menée à bien dans un délai raisonnable. La commission
d’enquête du Bureau du Procureur général de la Russie a, pour sa
part, conclu une enquête sur le génocide commis par les troupes
géorgiennes contre des citoyens russes ainsi que sur les crimes
commis contre des soldats russes. Au cours de la visite que les
corapporteurs pour le suivi de la Russie ont effectuée à Moscou
du 9 au 11 mars 2009, l’adjoint au chef de la commission d’enquête
a confirmé que cette dernière n’avait pas projeté d’ouvrir une enquête
sur les allégations de violations des droits de l’homme et du droit international
humanitaire commises par des citoyens ou des membres des forces
armées russes durant le conflit. A ce jour, ni l’enquête du Bureau
du Procureur de Géorgie ni celle du Bureau du Procureur général
de la Russie n’ont débouché sur des inculpations.
138. Plus de 3 300 requêtes ont été déposées auprès de la Cour
européenne des droits de l’homme par des Ossètes du Sud de souche
contre la Géorgie. Le 18 mars 2009, la Cour nous a informés que
plus de cent requêtes, concernant près de 600 requérants géorgiens,
avaient été déposées contre la Russie
.
La Géorgie a saisi la Cour européenne des droits de l’homme d’une
requête interétatique contre la Russie et, le 12 août 2008, à la
demande des autorités géorgiennes, la Cour a recommandé à la Russie
et à la Géorgie l’adoption de mesures provisoires au titre de l’Article
39 du Règlement de la Cour.
139. Dans sa
Résolution
1647 (2009), l’Assemblée a demandé à la Géorgie et à la Russie de
mettre en œuvre les mesures provisoires ordonnées par la Cour européenne
des droits de l’homme et la Cour internationale de justice, ainsi
que tout arrêt ultérieur de ces juridictions portant sur les allégations
de violations des droits de l’homme commises au cours du conflit,
et de coopérer pleinement et sans conditions avec toute enquête
éventuelle de la Cour pénale internationale. Jugeant inadmissible
que les personnes résidant en Abkhazie et en Ossétie du Sud ne bénéficient
pas de manière effective des mécanismes de protection des droits
de l’homme qui leur sont garantis, en leur qualité de citoyens d’un
État membre du Conseil de l’Europe, au titre de la CEDH et des autres
conventions pertinentes du Conseil de l’Europe, par suite des conséquences de
la guerre entre la Russie et la Géorgie, l’Assemblée a déclaré qu’une
telle absence de protection des droits de l’homme ne saurait exister
sur le territoire du Conseil de l’Europe. C’est pourquoi elle a
invité le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe à élaborer un
plan d’action global pour veiller à ce que les droits consacrés
par la CEDH soient effectivement garantis aux personnes qui résident
en Ossétie du Sud et en Abkhazie
.
140. La commission de suivi continuera de suivre de près la mise
en œuvre par la Géorgie et la Russie des
Résolutions 1633 (2008) et
1647 (2009), y compris dans le cadre de la procédure régulière de
suivi des deux États. Il est important de rappeler que, suite à
la guerre, l’Assemblée a demandé à la commission de suivi de renforcer
sa procédure de suivi à l’égard à la fois de la Géorgie et de la
Russie. Par ailleurs, ses corapporteurs pour la Géorgie et la Russie
sont membres de la commission ad hoc du Bureau sur la promotion
du dialogue entre les délégations géorgienne et russe de l’Assemblée,
qui a tenu sa deuxième réunion à Valence (Espagne), avec la participation
des délégations russe et géorgienne, en marge de la réunion de la
commission de suivi, le 30 mars 2009. Tout en soutenant les travaux
de cette commission ad hoc, la commission de suivi a estimé qu’ils
ne devaient pas être considérés comme un substitut aux négociations
de Genève, ni à l’évaluation régulière par l’Assemblée du respect
par les deux pays des demandes formulées précédemment dans ses
Résolutions 1633 (2008) et
1647 (2009), mais comme un complément à ces démarches.
3. Conclusions
141. Au cours de la période couverte par le rapport, la
commission de suivi a continué à accompagner les onze pays faisant
actuellement l’objet d’une procédure de suivi (à savoir l’Albanie,
l’Arménie, l’Azerbaïdjan, la Bosnie-Herzégovine, la Géorgie, la
Moldova, Monaco, le Monténégro, la Fédération de Russie, la Serbie
et l’Ukraine) et les trois pays faisant l’objet d’un dialogue post-suivi
(la Bulgarie, la Turquie et l’«ex-République yougoslave de Macédoine»)
à travers le processus de renforcement de la protection des droits
de l’homme et du respect des principes de l’État de droit.
142. La commission a réalisé des évaluations publiques de l’ensemble
des pays soumis à la procédure de suivi (à l’exception du Monténégro)
et des pays engagés dans un dialogue post-suivi. Elle a amélioré
sa visibilité en réagissant rapidement et efficacement à des situations
urgentes et critiques, suscitant de vives inquiétudes sur le plan
des droits de l’homme, y compris le déclenchement d’une guerre entre
deux États membres soumis à la procédure de suivi.
143. Elle a développé des synergies avec le Commissaire aux droits
de l’homme dans le traitement de la guerre et des crises postélectorales
en Arménie et en Moldova et a continué de bénéficier des travaux
menés par d’autres institutions et organes de suivi du Conseil de
l’Europe. Pour sa part, elle a continué de promouvoir les travaux
de ces derniers.
144. Le projet de résolution tel que proposé contient des nombreuses
conclusions tirées des rapports spécifiques par Etat de la commission
de suivi en ce qui concerne les questions principales de droits
de l’homme soulevées dans les pays concernés. Tous les États faisant
actuellement l’objet d’une procédure de suivi ou avec lesquels a
été engagé un dialogue post-suivi sont exhortés à renforcer leur
coopération avec la commission de suivi et à mettre en œuvre toutes
les recommandations contenues dans les résolutions spécifiques par
pays adoptées par l’Assemblée, ainsi que celles formulées par le
Commissaire aux droits de l’homme et autres institutions ou organes
de suivi du Conseil de l’Europe. L’Assemblée est prête à apporter
le soutien nécessaire par le biais de ses programmes de coopération
et d’assistance parlementaires.
145. Dans les Etats faisant l’objet d’un rapport périodique, les
parlements nationaux sont exhortés à se servir des rapports périodiques
annexés au présent rapport comme base de discussion sur les progrès
effectués par leur pays en vue du respect des obligations statutaires
et conventionnelles qui leur incombent en tant qu’Etats membres
du Conseil de l’Europe. Ils devraient également promouvoir l’exécution
des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme et le respect
des recommandations formulées par le Commissaire aux droits de l’homme
et d’autres organes de suivi du Conseil de l’Europe, en lançant
et en accélérant les initiatives législatives indispensables ainsi
qu’en exerçant pleinement leur contrôle sur l’action gouvernementale.
146. Enfin, les organes de l’Union européenne son invités à se
servir, le cas échéant, des différents rapports par pays de la commission
de suivi, et à prendre en compte les conclusions des institutions
en matière de droits de l’homme et des mécanismes de suivi du Conseil
de l’Europe, tels que les arrêts de la Cour et les rapports du Commissaire
aux droits de l’homme, ainsi que les résolutions et recommandations
pertinentes adoptées par l’Assemblée.
***
Commission chargée du rapport: commission
pour le respect des obligations et engagements des Etats membres
du Conseil de l’Europe (commission de suivi)
Renvoi en commission: Résolution n° 1115 (1997)
Projet de résolution approuvé
à l’unanimité par la commission le 5 juin 2009
Membres de la commission: M. Serhiy Holovaty (Président), M. György
Frunda (1er Vice-président), M. Konstantin
Kosachev (2e Vice-président), M. Leonid Slutsky (3e
Vice-président), M. Aydin Abbasov, M. Avet Adonts, M. Pedro Agramunt, M. Miloš Aligrudić, Mme Meritxell
Batet Lamaña, M. Ryszard Bender, M. József Berényi, M. Luc van den Brande, M. Mevlüt Çavuşoğlu, M. Sergej Chelemendik,
Mme Lise Christoffersen, M. Boriss Cilevičs, M. Georges Colombier, M. Telmo Correia, Mme Herta
Däubler-Gmelin, M. Joseph Debono Grech, M. Juris Dobelis, Mme Josette
Durrieu, M. Mátyás Eörsi, Mme Mirjana Ferić-Vac, M. Giuseppe Galati,
M. Jean-Charles Gardetto,
M. József Gedei, M. Marcel Glesener, M. Charles Goerens, M. Andreas Gross, M. Michael Hagberg, M. Holger
Haibach, Mme Gultakin Hajibayli,
M. Michael Hancock, M. Davit Harutyunyan,
Mme Olha Herasym’yuk, M. Andres Herkel,
M. Kastriot Islami, M. Mladen Ivanić, M. Miloš Jevtić, Mme Evguenia
Jivkova, M. Emmanouil Kefaloyiannis, M. Hakki Keskin, Mme Katerina Konečná,
M. Jaakko Laakso, Mme Sabine Leutheusser-Schnarrenberger, M. Göran Lindblad, M. René van der Linden,
M. Eduard Lintner, M. Pietro
Marcenaro, M. Bernard Marquet,
M. Dick Marty, M. Miloš Melčák, M. Jean-Claude
Mignon, M. João Bosco Mota Amaral, Mme Yuliya Novikova, M. Theodoros Pangalos, M. Alexander Pochinok, M. Ivan Popescu, Mme Maria
Postoico, Mme Marietta de Pourbaix-Lundin, M. Christos Pourgourides,
M. John Prescott, Mme Mailis Reps, M. Andrea Rigoni, M. Ilir Rusmali,
M. Armen Rustamyan, M. Indrek
Saar, M. Oliver Sambevski, M. Kimmo Sasi, M. Samad Seyidov, M. Sergey Sobko, M. Christoph
Strässer, Mme Chiora Taktakishvili,
M. Mihai Tudose, Mme Öslem Türköne,
M. Egidijus Vareikis, M. José
Vera Jardim, M. Piotr Wach,
M. Robert Walter, M. David Wilshire, Mme Renate Wohlwend, Mme Karin
S. Woldseth, Mme Gisela Wurm, M. Boris Zala, M. Andrej Zernovski.
N.B.: Les noms des membres qui ont participé à la réunion
sont indiqués en gras
Secrétariat de la commission: Mme Chatzivassiliou,
M. Klein, Mme Trévisan, M. Karpenko