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Rapport | Doc. 11942 | 08 juin 2009

Les peuples oubliés de l’Europe: protéger les droits fondamentaux des personnes déplacées de longue date

(Ancienne) Commission des migrations, des réfugiés et de la population

Rapporteur : M. John GREENWAY, Royaume-Uni

Origine - Renvoi en commission: Doc. 11804, Renvoi n° 3523 du 30 janvier 2009. 2009 - Troisième partie de session

Résumé

Plus de 2,5 millions d’Européens dans 11 des 47 Etats membres du Conseil de l’Europe continuent d’être privés de leur logement et de leurs biens par suite de divers conflits, qui restent non résolus depuis des décennies. Ces personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays (PDI) vivent pour la plupart dans le dénuement, doivent se battre pour faire reconnaître leurs droits et sont marginalisées au sein de leurs sociétés.

Le présent rapport invite la communauté internationale à intensifier ses efforts pour trouver des solutions politiques aux nombreux conflits non résolus et à établir des cadres juridiques et normatifs solides pour faire en sorte que les PDI puissent jouir pleinement de leurs droits fondamentaux. Le manquement persistant à s’attaquer aux causes profondes des déplacements, l’impunité des crimes du passé et l’indifférence face aux intérêts des PDI comportent un risque politique grave de réactiver les conflits qui sévissent de longue date, ce qui pourrait entraîner de nouveaux déplacements.

Les autorités nationales et locales compétentes devraient mener des politiques ciblées et cohérentes dans le but d’améliorer les droits de l’homme et les conditions de vie des PDI et de leur permettre de s’intégrer, même si ce n’est que de manière temporaire, dans les lieux où elles ont été déplacées ou ailleurs dans le pays, sans exclure la possibilité d’un retour ultérieur. Il convient de donner aux PDI les moyens de faire un choix volontaire et éclairé concernant leur retour ou leur intégration, de leur garantir un accès à des procédures effectives pour obtenir la restitution de leurs biens, ainsi qu’à des sources de revenus et à des conditions de vie adéquates, de les encourager à participer aux affaires publiques à tous les niveaux, sans discrimination, et de les associer aux décisions qui les concernent.

Le rapport appelle à la poursuite de l’assistance des donateurs internationaux aux PDI en termes de ressources, d’expertise technique et d’échange de connaissances. Elle présente plusieurs propositions concrètes au Comité des Ministres, à d’autres organes du Conseil de l’Europe ainsi qu’à l’Union européenne, en vue de trouver des solutions durables pour les PDI. Enfin, il appelle à un plus grand respect des droits et normes de protection internationale ainsi qu’à la mise en œuvre des actions souhaitées pour mettre fin à l’amnésie de l’Europe à l’égard de ses «populations oubliées».

A. Projet de recommandation

(open)
1. A maintes reprises, l’Assemblée parlementaire s’est déclarée préoccupée par la situation non résolue des personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays, dans 11 des 47 Etats membres du Conseil de l’Europe. Elle n’a eu de cesse d’inciter les gouvernements à rechercher des solutions durables pour le retour, l’intégration locale ou l’installation ailleurs dans le pays d’origine des personnes déplacées et à garantir la protection de leurs droits, conformément aux dispositions des instruments applicables du Conseil de l’Europe et aux Principes directeurs des Nations Unies relatifs au déplacement de personnes à l’intérieur de leur propre pays.
2. L’Assemblée se félicite des travaux déjà réalisés par le Comité des Ministres pour l’élaboration d’un ensemble de 13 recommandations sur les personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays (Recommandation Rec(2006)6 du Comité des Ministres), qui s’appuie sur les Principes directeurs des Nations Unies relatifs au déplacement de personnes à l’intérieur de leur propre pays, et met l’accent sur les obligations contraignantes souscrites par les Etats membres. L’Assemblée déplore cependant que, depuis l’adoption de la recommandation du Comité des Ministres, le processus de recherche de solutions durables soit à nouveau bloqué et que, dans l’ensemble, les personnes déplacées soient davantage marginalisées en Europe.
3. L’Assemblée reste préoccupée au sujet des 2,5 à 2,8 millions de personnes qui seraient toujours déplacées à l’intérieur des frontières d’Etats membres du Conseil de l’Europe. 99% d’entre elles ont quitté leurs foyers il n’y a pas moins de 15 à 35 ans à cause de conflits liés à de la violence interethnique, à des revendications d’indépendance non satisfaites ou à des différends territoriaux. L’Assemblée regrette que seul environ un quart de toutes les personnes déplacées en raison de conflits qui durent plusieurs décennies aient trouvé une solution durable à leur situation, et que la plupart se soient installées hors de leur région d’origine.
4. L’Assemblée déplore que la majorité des personnes déplacées continuent de vivre dans le dénuement, doivent se battre pour faire reconnaître leurs droits et soient marginalisées, faute de recevoir un minimum d’attention et de bénéficier d’une protection de leurs droits fondamentaux, notamment de leurs droits économiques, sociaux et culturels. De nombreuses catégories de personnes encore déplacées sont particulièrement vulnérables, dépendent de l’aide de l’Etat et ont besoin d’une assistance ciblée. Quelque 390 000 personnes déplacées en Europe vivent toujours dans des centres collectifs, des abris de fortune ou des logements clandestins sans sécurité d’occupation et souvent sans accès aux services de base tels que l’eau, l’électricité ou la collecte des eaux usées. Le fait d’avoir vécu tant d’années dans des conditions inadéquates renforce d’autant la marginalisation sociale des déplacés internes.
5. L’Assemblée a, à maintes reprises, exhorté les gouvernements des Etats membres du Conseil de l’Europe à mettre en œuvre les cadres normatifs applicables prévus par les Principes directeurs des Nations Unies relatifs au déplacement de personnes à l’intérieur de leur propre pays et par la Recommandation Rec(2006)6 du Comité des Ministres sur les personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays. À cet égard, elle déplore les progrès globalement limités réalisés par les Etats membres s’agissant de mettre la législation relative aux personnes déplacées en conformité avec les dispositions des Principes directeurs et de la Recommandation du Comité des Ministres.
6. Afin que les personnes déplacées de longue date puissent jouir pleinement de leurs droits fondamentaux, l’Assemblée est convaincue que les acteurs locaux, nationaux et internationaux doivent impérativement conjuguer et intensifier leurs efforts pour trouver des solutions politiques à des conflits qui perdurent, améliorer les cadres juridiques et normatifs et renforcer la volonté et la capacité de tous les acteurs concernés de mettre en œuvre ces cadres.
7. Il sera difficile de trouver de vraies solutions aux problèmes des personnes déplacées tant que l’on ne s’attaquera pas aux causes profondes des déplacements comme les divisions ethniques et les conflits durables. Les gouvernements de certains Etats membres n’exercent toujours pas de contrôle effectif sur l’intégralité de leur territoire, faute de règlement des conflits sur leur territoire. L’accès à leurs droits et les possibilités, pour les personnes déplacées, de revenir dans leur foyer sont limités par des négociations de paix au point mort, l’absence de mécanismes de réconciliation raisonnés et un climat d’insécurité permanent.
8. L’Assemblée souligne qu’en l’absence de solution politique, il faudrait encourager l’intégration temporaire ou durable des personnes déplacées dans leur lieu actuel de résidence. L’intégration locale assurée en fournissant, même temporairement, aux personnes déplacées les moyens de mener une vie normale grâce à un accès sans restriction et égal pour tous à des conditions de vie décentes, à des sources de revenus, à l’éducation et aux services de première nécessité, n’est pas incompatible avec le retour. L’Assemblée se félicite du récent changement de politique en la matière intervenu en Azerbaïdjan et en Géorgie.
9. Il faut respecter le droit, pour les personnes déplacées, de faire un choix volontaire et éclairé entre trois solutions: retourner dans leur foyer, s’intégrer là où elles ont été déplacées ou s’installer dans une autre partie du pays où elles peuvent vivre en sécurité.
10. Toutes les autorités compétentes doivent respecter et garantir sans condition le droit des personnes déplacées de retourner chez elles en vertu du droit humanitaire international, ainsi que celui d’exercer leur droit à la liberté de circulation découlant du droit international et régional des droits de l’homme. Il faut prendre des mesures de justice transitionnelles pour réparer les torts subis (dont les déplacements arbitraires) et poursuivre en justice les auteurs de crimes internationaux.
11. L’Assemblée reconnaît la nécessité de garantir aux personnes déplacées une assistance internationale permanente sous forme d’aide financière et technique afin d’éviter qu’ils ne deviennent les «oubliés» de l’Europe. Cela revêt une importance particulière dans le contexte actuel de la crise économique mondiale.
12. L’Assemblée prévient que négliger les intérêts des personnes déplacées comporte le risque politique de réactiver à tout moment les conflits gelés auxquels ces personnes sont associées. La guerre qui a opposé l’an dernier la Géorgie et la Russie a rappelé de bien sinistre manière que l’indifférence de la communauté internationale à des situations de déplacement qui perdurent peut contribuer à un regain de conflit, à des pertes humaines considérables et à des déplacements de population supplémentaires.
13. La nécessité d’une véritable force internationale de maintien de la paix dans les lieux où la violence et les préjugés à l’égard des communautés locales et des personnes déplacées ne peuvent être contenus par les moyens disponibles au niveau local, devrait également rester une priorité essentielle pour la communauté internationale.
14. Il est également primordial que toutes les communautés concernées s’attaquent aux pratiques discriminatoires profondément enracinées dont sont victimes les membres de minorités ethniques car elles sapent grandement les chances d’un retour durable.
15. A la lumière de ce qui précède, l’Assemblée recommande au Comité des Ministres:
15.1. concernant les solutions politiques durables:
15.1.1. de chercher à créer une nouvelle dynamique politique pour parvenir à un règlement pacifique des conflits qui perdurent en Europe afin de garantir des solutions durables, dont le retour volontaire et éclairé des personnes déplacées dans leur lieu d’origine, conformément au droit humanitaire international et aux engagements contractés vis-à-vis du Conseil de l’Europe;
15.1.2. d’exhorter tous les Etats membres du Conseil de l’Europe à défendre les principes du droit international que sont la souveraineté de l’Etat et l’intégrité territoriale des Etats membres;
15.1.3. de travailler sur les questions politiques, techniques et financières liées à l’établissement des missions de maintien de la paix nécessaires pour la protection, le retour dans la dignité et l’intégration des personnes déplacées;
15.2. concernant le respect des normes de protection internationales:
15.2.1. d’inciter vivement les Etats membres à respecter scrupuleusement les Principes directeurs des Nations Unies relatifs au déplacement de personnes à l’intérieur de leur propre pays et la Recommandation Rec(2006)6 du Comité des Ministres; d’intégrer, le cas échéant, les dispositions de ces Principes directeurs dans la législation nationale, s’ils ne l’ont pas encore fait;
15.2.2. d’examiner plus avant les éventuelles lacunes du droit international concernant le traitement des personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays en vue de l’élaboration d’instruments internationaux contraignants complémentaires, comme le suggère la Recommandation Rec(2006)6 du Comité des Ministres; et à cette fin, de reconstituer le Comité ad hoc d’experts sur les aspects juridiques de l’asile territorial, des réfugiés et des apatrides (CAHAR);
15.2.3. de mieux faire connaître les droits et les mécanismes de protection en vigueur au titre de la Convention européenne des droits de l’homme, de la Charte sociale européenne révisée et de son mécanisme de réclamations collectives, de la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI) et de la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales (CCMN) au regard de leur application aux personnes déplacées;
15.3. concernant la protection des droits des personnes déplacées, d’inviter les Etats membres concernés à concevoir, avec les personnes déplacées, des solutions durables et, en particulier:
15.3.1. à examiner, à adopter et à mettre en œuvre les stratégies et les plans d’action nationaux par l’établissement d’un cadre juridique et institutionnel clair assurant aux personnes déplacées une protection effective et tenant compte de leur vulnérabilité particulière;
15.3.2. à associer les personnes déplacées à toutes les phases pertinentes du processus d’élaboration de solutions durables les concernant;
15.3.3. à respecter pleinement l’aspect volontaire du retour, l’intégration ou la réinstallation;
15.3.4. à assurer la sécurité des déplacés internes, notamment, sur les lieux de retour et là où il reste des mines terrestres et des obus qui n’ont pas explosé;
15.3.5. à poursuivre le processus de réconciliation plus énergiquement, en particulier sur les lieux de retour ou d’installation des personnes déplacées, en favorisant l’instauration d’un climat politique et culturel de respect, de tolérance et de non-discrimination, ainsi qu’en enquêtant et en traduisant en justice les auteurs de crimes contre l’humanité, de crimes de guerre et de violences interethniques;
15.3.6. à restituer aux personnes déplacées leurs biens ou leurs droits d’occupation/location et/ou à leur fournir rapidement une indemnisation juste et effective, dans la mesure où la restitution est impossible, ainsi qu’à réparer ou à reconstruire les maisons restituées ou bien à construire des logements de remplacement appropriés;
15.3.7. à offrir aux personnes déplacées un accès sans réserve aux droits, aux documents juridiques et à une aide judiciaire gratuite;
15.3.8. à proposer aux personnes déplacées des activités génératrices de revenus afin de faciliter leur réinsertion sociale et économique et à leur garantir, en particulier, un accès sans restriction, ni discrimination aux emplois offerts par des employeurs privés ou publics; à mettre en place des systèmes de protection sociale dont puissent bénéficier les personnes déplacées qui ont besoin d’aide, notamment des programmes de logements sociaux; à assurer, le cas échéant, le transfert des droits à la sécurité sociale et à pension;
15.3.9. à trouver des solutions appropriées pour les groupes de personnes les plus vulnérables qui sont toujours hébergées dans des centres collectifs, des camps de toile ou d’autres logements de fortune;
15.3.10. à faire en sorte que les enfants déplacés soient scolarisés avec, dans la mesure du possible, les enfants non déplacés et qu’ils reçoivent une éducation de qualité sans obstacles financiers;
15.3.11. à garantir aux personnes déplacées la possibilité d’exercer leur droit de participer aux affaires publiques à tous les niveaux, y compris le droit de voter ou de se présenter à des élections, ce qui peut nécessiter l’adoption de mesures spéciales telles que des campagnes d’inscription des personnes déplacées sur les listes électorales ou la mise en place d’un système de vote par correspondance;
15.3.12. à contrôler la viabilité des solutions pour les personnes déplacées ainsi que les conditions de vie, en particulier de logement, de ces dernières;
15.3.13. à veiller à ce que les personnes déplacées et celles qui rentrent chez elles bénéficient d’un accès libre, total et permanent à l’aide humanitaire; les Etats ne devraient pas bloquer ou entraver cet accès pour des raisons politiques;
15.3.14. à mettre en commun leurs expériences et bonnes pratiques s’agissant de trouver des solutions durables pour les personnes déplacées;
15.4. concernant les activités du Conseil de l’Europe relatives aux personnes déplacées en Europe, de réunir des représentants des personnes déplacées de toute l’Europe afin qu’ils puissent échanger des informations sur leurs expériences respectives et en tirer des enseignements;
15.5. en vue de renforcer la stabilité politique et économique dans les Etats membres concernés, d’inviter les gouvernements de tous les Etats membres du Conseil de l’Europe:
15.5.1. à continuer de soutenir le processus de retour volontaire, d’intégration locale ou d’installation ailleurs dans le pays des personnes déplacées, en apportant l’aide financière ainsi que les compétences et le savoir-faire techniques nécessaires;
15.5.2. à apporter des contributions volontaires en faveur des programmes spéciaux du Conseil de l’Europe qui visent à renforcer la protection des droits de l’homme, la primauté du droit et la démocratie relativement aux personnes déplacées en Europe;
15.5.3. à continuer de soutenir les institutions nationales, régionales et internationales de défense des droits de l’homme présentes dans les États membres concernés dans leur action visant à encourager les gouvernements à étendre l’accès des personnes déplacées à leurs droits.
16. L’Assemblée recommande également au Comité des Ministres d’inviter l’Union européenne:
16.1. à prêter une attention accrue aux questions liées au règlement durable de la situation des personnes déplacées et aux préoccupations concernant leurs droits dans le cadre de sa politique européenne de voisinage (PEV) et de son nouveau programme de Partenariat oriental;
16.2. à maintenir l’impulsion politique dans les Etats concernés non membres de l’Union européenne qui ont une perspective claire d’intégration européenne; à évaluer l’amélioration de la situation des personnes déplacées en ce qui concerne, en particulier, les progrès réalisés dans la promotion des conditions propices à la mise en œuvre de solutions durables, dans le cadre de leur éventuel processus d’adhésion;
16.3. à continuer de soutenir le processus de retour volontaire, d’intégration locale ou d’installation ailleurs dans le pays, en apportant l’aide financière et l’expertise nécessaires;
16.4. à contribuer financièrement aux programmes conjoints spécifiques avec le Conseil de l’Europe visant à renforcer la protection des droits fondamentaux des personnes déplacées en Europe, en particulier ceux des groupes les plus vulnérables, ainsi qu’à sensibiliser davantage les acteurs locaux aux questions relatives aux personnes déplacées et à améliorer leurs compétences.
17. L’Assemblée invite le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux à étudier des moyens efficaces de sensibiliser davantage et d’améliorer les capacités des pouvoirs locaux à tenir compte de la complexité de l’intégration des personnes là où elles sont déplacées, de leurs besoins spéciaux et de leur vulnérabilité spécifique.
18. L’Assemblée encourage le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe à mobiliser les institutions nationales de défense des droits de l’homme et les médiateurs des régions qui hébergent des personnes déplacées de longue date en vue d’évaluer les progrès réalisés dans la mise en œuvre des diverses recommandations du Conseil de l’Europe sur la protection des droits des personnes déplacées et d’identifier les obstacles qui subsistent à la garantie de solutions durables, et lui demande de publier un document d’orientation sur la question.
19. L’Assemblée invite la Banque de développement du Conseil de l’Europe à renforcer sa coopération avec les États membres concernés dans le but de financer un plus grand nombre de projets concernant les réfugiés et les personnes déplacées qui reviennent dans leur foyer.
20. L’Assemblée reconnaît la nécessité de procéder à un suivi plus global des progrès réalisés dans le règlement des problèmes évoqués ci-dessus grâce à son mécanisme de suivi pays par pays et aux rapports «régionaux» ou thématiques de sa commission des migrations, des réfugiés et de la population.

B. Exposé des motifs par M. Greenway, rapporteur

(open)

1. Introduction

1. Depuis des années, l’Assemblée parlementaire déploie des efforts considérables pour que le débat sur les préoccupations ayant trait aux personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays (PDI) continue de figurer parmi ses priorités, notamment grâce à sa commission sur les migrations, les réfugiés et la population. Elle a adopté différentes recommandations et résolutions sur des questions générales telles que les déplacements internes en Europe 
			(1) 
			Recommandation 1631 (2003). ainsi que sur des questions spécifiques telles que la situation humanitaire des personnes déplacées en Turquie 
			(2) 
			Recommandation 1563 (2002)., dans la Fédération de Russie et d’autres pays de la CEI 
			(3) 
			Recommandation 1667 (2004)., de l’Europe du Sud-Est 
			(4) 
			Recommandations 1802 (2007), 1569 (2002). ou du Sud du Caucase 
			(5) 
			Résolution 1497 (2006), Recommandation 1570 (2002).. A la suite de la guerre qui a opposé la Russie à la Géorgie en août 2008, l’Assemblée a adopté récemment deux rapports sur «Les conséquences humanitaires de la guerre entre la Géorgie et la Russie» 
			(6) 
			Résolutions 1648 (2009) et 1664 (2009) et Recommandations 1857 (2009) et 1869 (2009)., qui évoquent les craintes des «nouvelles» mais aussi des «anciennes» personnes déplacées. La Commission des migrations, des réfugiés et de la population prépare actuellement un rapport sur «La résolution des problèmes de propriété des réfugiés et des personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays».
2. Le présent rapport s’appuie sur les conclusions du séminaire «Les situations de déplacement de longue durée en Europe» organisé le 25 novembre 2008 à Genève par la Commission des migrations, des réfugiés et de la population en coopération avec M. Walter Kälin, Représentant spécial du Secrétaire Général des Nations Unies pour les droits de l’homme des personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays. La plupart des informations qui y figurent s’inspirent des présentations et des travaux réalisés sur le sujet par diverses organisations internationales travaillant dans le domaine humanitaire et dans celui du développement qui ont pris part à ce séminaire, tels que le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH), le Comité international de la Croix-Rouge (CICR), l’Organisation internationale pour les migrations (OIM/ESD), le Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA/DPSS), le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) et l’Observatoire des situations de déplacement interne (OSDI). Le rapporteur est reconnaissant pour toutes ces précieuses contributions.
3. Le rapporteur tient à remercier tout particulièrement le Représentant du Secrétaire Général des Nations Unies sur les droits de l’homme des personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays, l’Observatoire des situations de déplacement interne et le HCR pour les nombreuses observations et propositions fort utiles qu’ils ont formulées aux étapes ultérieures de la rédaction du présent rapport.
4. Dans le cadre de l’élaboration du présent rapport, le rapporteur a effectué, du 4 au 8 mai 2009, une mission d’enquête en Arménie et Azerbaïdjan en vue de se familiariser avec les politiques suivies par les gouvernements de ces deux pays en ce qui concerne la protection des droits des PDI et des réfugiés ainsi qu’en ce qui concerne la recherche de solutions durables. A Erevan, il a rencontré le Président Sargsyan, le Président de l’Assemblée nationale, le chef de l’Agence des migrations du ministère de l’Administration territoriale, le Président de la Commission permanente de l’Assemblée nationale sur la protection des droits de l’homme et des affaires publiques, le conseiller auprès du défenseur des droits de l’homme, les chefs des missions humanitaires internationales et des représentants de la société civile. A Bakou, il a rencontré le Vice-Premier ministre/Président de la commission d’Etat sur le travail avec les réfugiés et les personnes déplacées, le Président du Milli Meijlis de l’Azerbaïdjan, le chef du Service national des migrations, le médiateur, les chefs des missions humanitaires internationales et des représentants de la société civile. Dans les deux capitales, le rapporteur s’est également rendu dans des centres et installations municipaux pour les personnes déplacées et les réfugiés. Il tient à remercier les délégations parlementaires de l’Arménie et de l’Azerbaïdjan ainsi que les bureaux du Conseil de l’Europe à Erevan et à Bakou pour l’assistance efficace qu’ils ont apportée au programme. Pour préserver l’équilibre du présent rapport, qui couvre la situation des personnes déplacées dans l’Europe tout entière, le rapporteur a choisi d’inclure les conclusions de cette visite dans une annexe.
5. Le présent rapport a pour objectif de soulever les principales préoccupations relatives aux personnes déplacées de longue date en Europe dans les domaines politique et des droits de l’homme ainsi que dans celui des développements futurs. Le rapporteur demeure convaincu que tant que des solutions durables n’auront pas été trouvées pour les personnes déplacées et pour les conflits qui se trouvent à l’origine de leur déplacement, la menace de réactivation des conflits non résolus et de la violence ethnique continuera de planer sur l’Europe. Il est également du devoir de l’Europe de garantir que les personnes déplacées et les réfugiés qu’ont fait les nombreux conflits non résolus en Europe ne deviendront pas «les populations oubliées de l’Europe».

2. Les grands enjeux actuels du déplacement de personnes à l’intérieur des frontières de l’Europe

6. Entre 2,5 et 2,8 millions d’Européens ont été déplacés dans 11 des 47 Etats membres du Conseil de l’Europe, à savoir: l’Arménie, l’Azerbaïdjan, la Bosnie-Herzégovine, la Croatie, Chypre, la Géorgie, la Moldova, la Fédération de Russie, l’«Ex-République yougoslave de Macédoine», la Serbie et la Turquie 
			(7) 
			Le Monténégro ne sera
pas pris en compte dans le cadre du présent rapport étant donné
que les personnes déplacées du Kosovo vers le Monténégro ne peuvent
être considérées comme des déplacés internes depuis l’indépendance
du Monténégro en 2006. Toutefois, leur statut juridique est flou
puisqu’elles ne sont pas non plus reconnues comme des réfugiés.
Même si 25% d’entre elles sont éligibles à la citoyenneté monténégrine,
elles ne l’ont toujours pas reçue compte tenu des limites imposées
à l’exercice de leurs droits. 
			(7) 
			Selon les estimations
de l’Observatoire des situations de déplacement interne, le Kosovo
compte environ 20 000 personnes déplacées à l’intérieur de son territoire.
Toute référence au Kosovo faite dans ce texte, qu’il s’agisse du territoire,
des institutions ou de la population, doit se comprendre comme étant
pleinement conforme à la Résolution 1244 du Conseil de Sécurité
des Nations Unies et ne préjugeant pas du statut du Kosovo.. Forcées de quitter leur foyer il y a environ 15 à 35 ans en raison de conflits armés et de violations des droits de l’homme, la grande majorité de ces personnes vivent une situation de déplacement prolongé.
7. Malgré les garanties de la Convention européenne des droits de l’homme, les lignes directrices élaborées par le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe et les efforts que déploie l’Assemblée depuis longtemps pour que ses Etats membres adoptent une législation nationale conforme aux Principes directeurs des Nations Unies sur le déplacement de personnes à l’intérieur de leur propre pays, le nombre de déplacés en Europe n’a pas baissé de manière significative ces dernières décennies 
			(8) 
			Seul un quart des personnes
déplacées à l’intérieur de pays d’Europe ont trouvé une solution
durable à leur déplacement, en grande partie dans la région des
Balkans, en refaisant leur vie dans les régions où elles appartiennent
à une majorité ethnique, loin de leur région d’origine..
8. On observe, en Europe, deux problèmes particuliers concernant les situations de déplacement de longue durée à l’intérieur d’un pays. Le premier est le blocage du processus engagé en vue la recherche de solutions durables et le deuxième est la marginalisation des personnes déplacées faute de recevoir un minimum d’attention et de bénéficier d’une protection de leurs droits fondamentaux, en particulier économiques, sociaux et culturels.
9. Les gouvernements de l’Azerbaïdjan, de Chypre et de la Géorgie n’exercent toujours pas de contrôle effectif sur l’intégralité de leur territoire, faute d’y avoir résolu les conflits internes internationalisés. Les «systèmes juridiques parallèles» qui ont vu le jour en raison de cette situation ainsi que le refus de certaines autorités nationales/pouvoirs locaux ou de certaines parties de la communauté internationale d’engager de véritables négociations de paix de nature à fournir des solutions durables, l’insécurité qui perdure, l’absence de mécanismes organisés pour la réconciliation, tout cela empêche les PDI d’avoir pleinement accès à leurs droits au cours de leur déplacement et entrave leur retour.
10. Dans certains cas, les personnes déplacées et/ou les options envisagées pour des solutions durables deviennent des pions sur l’échiquier politique. Pour étayer la revendication de territoires qui échappent actuellement à leur contrôle, certains gouvernements ont incité au retour des personnes déplacées au détriment de l’intégration locale. Dans d’autres cas, la réalité du déplacement à l’intérieur d’un pays est tout simplement niée, pour donner l’impression que la situation est réglée et pour détourner l’attention internationale. Parmi les conséquences immédiates de cette situation, citons les modes d’hébergement temporaire, la ségrégation scolaire et la marginalisation économique et sociale.
11. Lorsque le retour est possible, les grandes difficultés qui se posent pour qu’il soit durable sont l’absence d’emplois, le caractère inadapté des logements et le manque d’aide. Les difficultés auxquelles se heurtent les personnes concernées pour obtenir des papiers entravent également l’exercice des droits économiques et sociaux, l’intégration locale et l’installation des personnes déplacées. Il arrive parfois que les administrations centrales n’exercent pas de contrôle suffisant sur les processus de réintégration au niveau local pour garantir leur bon déroulement. Qui plus est, le suivi, les informations sur la durabilité du retour et l’éventualité d’autres possibilités viables sont insuffisants.
12. Il est fréquent que les personnes déplacées soient coupées de leurs réseaux de soutien habituels ainsi que des mécanismes devant leur permettre de surmonter les difficultés, ce qui ne fait qu’accroître davantage leur vulnérabilité. Elles doivent faire face à des changements et des pertes spectaculaires et sont en proie à une profonde incertitude et à des craintes pour leur avenir et celui de leurs proches. Elles vivent sous la menace permanente et souffrent des conséquences des conflits armés, même si ceux-ci sont terminés depuis des années. A bien des égards, les PDI sont encore plus vulnérables et moins protégées que les demandeurs d’asile qui franchissent une frontière internationale. Et elles ne bénéficient pas de la même protection internationale que les réfugiés.
13. Autre caractéristique du déplacement interne de longue durée en Europe: il n’a pas été rendu justice pour les violations subies par nombre de personnes déplacées. En effet, la plupart des auteurs de violations des droits de l’homme et de crimes perpétrés lors des conflits armés sont toujours en liberté, un nombre disproportionné de décisions de justice ne joue pas en faveur des personnes déplacées de certaines origines ethniques, ou leur exécution est au point mort, et quantité de personnes déplacées sont toujours en quête d’informations sur le sort de leurs proches disparus et sur l’endroit où ils se trouvent.
14. La réintégration effective des personnes déplacées est souvent une priorité moindre pour les pouvoirs locaux et nationaux. La lassitude des donateurs et des médias à l’égard du déplacement de longue durée à l’intérieur de pays d’Europe ajoute au manque d’intérêt pour les personnes qui sont aujourd’hui encore déplacées. Cela vaut également pour les institutions de la communauté internationale s’occupant des questions relatives aux PDI, qui manquent souvent de financements adéquats et pâtissent des divergences entre les structures opérationnelles des partenaires du développement et de l’humanitaire ou entre les mandats et priorités des différents organismes.
15. D’une manière générale on peut dire que l’état actuel de la situation du déplacement interne en Europe laisse peu de place à l’optimisme ou à la satisfaction. Il exige, de la part des acteurs aux niveaux local, régional et international, une vigilance constante et une action orientée vers les résultats.

3. Grandes préoccupations des PDI en matière de droits de l’homme

16. Le logement est généralement la préoccupation majeure à la fois au cours du déplacement de longue durée et après le retour. Des difficultés particulières proviennent du fait que le déplacement marque souvent, pour les PDI, le passage d’un environnement rural à un environnement urbain, ce qui contribue à accroître la pression sur le marché du logement et tend à affaiblir l’intérêt des PDI pour un retour vers des zones rurales. Les conditions de logement des PDI en Europe restent précaires. Environ 390 000 d’entre elles vivent actuellement dans des centres collectifs, dans des abris de fortune ou dans des logements clandestins sans sécurité d’occupation et souvent sans accès aux services essentiels tels que l’eau, l’électricité ou la collecte des eaux usées. Dans le nord du Caucase, environ 13 000 personnes déplacées vivent dans des centres collectifs surpeuplés et insalubres. En Azerbaïdjan, environ 39% des personnes déplacées au début des années 1990 sont toujours logées dans des centres collectifs. Le fait d’avoir vécu tant d’années dans l’insalubrité et dans des conditions sordides renforce d’autant la marginalisation sociale des déplacés internes. La fermeture des centres collectifs (en Croatie, en Serbie, Kosovo 
			(9) 
			Toute référence au
Kosovo mentionnée dans ce texte, que ce soit le territoire, les
institutions ou la population, doit se comprendre e pleine conformité
avec la Résolution 1244 du Conseil de Sécurité des Nations Unies
et sans préjuger du statut du Kosovo. et en Russie) n’a pas nécessairement entraîné l’amélioration des solutions de remplacement en matière de logements pour les personnes déplacées. En Azerbaïdjan, le dernier camp de toile a été démonté fin 2007 et les PDI ont été relogées dans de nouvelles installations dotées des infrastructures nécessaires. Toutefois, certaines nouvelles installations en Azerbaïdjan ont été édifiées à quelques kilomètres à peine de la ligne de confrontation militaire, ce qui soulève un certain nombre de problèmes de sécurité. En raison de l’éloignement de certains centres d’hébergement, un certain nombre de PDI ont du mal à accéder au marché de l’emploi ainsi qu’à certains services essentiels.
17. Si, d’une manière générale, les ressources se font souvent rares durant la phase de transition qui suit le conflit, les personnes déplacées en souffrent de façon disproportionnée puisque, étant marginalisées, elles doivent se battre pour assurer leur subsistance. Sur le plan professionnel, elles sont parfois désavantagées au cours du déplacement ou durant l’intégration locale lorsqu’elles perdent contact avec des réseaux sociaux qui auraient pu faciliter leurs chances de trouver un emploi et souffrent d’une stigmatisation sociale associée à leur statut de déplacés et à leur origine ethnique. Dans le cadre du retour, leurs moyens de subsistance peuvent être affectés par la limitation de la liberté de circulation pour des raisons de sécurité qui empêche les personnes de retour d’accéder à leurs terres et de les cultiver ou de chercher un emploi. Des questions de propriété non résolues ayant trait aux locaux professionnel et aux terres (y compris les terres agricoles) limitent également les possibilités pour les PDI d’améliorer leur niveau de vie à la fois sur leur lieu de résidence actuel et sur les lieux de retour et compromet la durabilité de l’intégration locale et celle du retour. En cas de retour dans des régions où elles appartiennent à une minorité nationale, les PDI risquent d’être victimes d’une discrimination directe.
18. L’accès à une éducation de qualité et non discriminatoire est une préoccupation essentielle au cours du déplacement mais aussi dans le contexte du retour. En Azerbaïdjan et en Géorgie, par exemple, malgré les progrès accomplis en vue d’intégrer les enfants des PDI dans le système scolaire normal, un grand nombre d’entre eux fréquentent des écoles dites «pour PDI», dans lesquelles la majorité des élèves sont issus de familles de personnes déplacées; de par leur localisation géographique au sein ou à proximité des zones d’installation des PDI, ces écoles ne leur offrent que des possibilités limitées de côtoyer des enfants non déplacés. L’éducation non discriminatoire et impartiale est également une composante essentielle de la réconciliation. En Bosnie-Herzégovine, l’enseignement de programmes scolaires partisans entrave sérieusement le retour et a été cause de retours partiels: les enfants sont toujours en déplacement ou font le trajet chaque jour pour suivre des cours dispensés dans une langue qui leur est familière. D’autre part, la coexistence permanente «de deux écoles sous le même toit» a cimenté la séparation des communautés dans les zones de retour. Même si elle est encourageante, l’élaboration d’un programme scolaire commun n’a pas mis un terme à la scolarisation séparée des enfants en raison de leur origine ethnique, qui persiste dans certaines parties du pays. Des questions de sécurité peuvent aussi limiter l’accès à l’éducation, comme c’est le cas au Kosovo.
19. La protection des biens laissés derrière soi et, finalement leur restitution ou leur indemnisation,sont souvent ignorées ou limitées aux biens résidentiels, à l’exclusion des terrains et des locaux à usage commercial; les personnes déplacées qui souhaitent reprendre le cours de leur vie et leurs activités économiques voient donc leurs efforts entravés, ce qui provoque chez elles un sentiment d’injustice et risque d’être un facteur déclencheur de conflits futurs. Des programmes de restitution ont été mis en place dans plusieurs pays européens touchés par le déplacement interne (Bosnie-Herzégovine, Serbie, Kosovo, Croatie, Géorgie) ainsi que des programmes d’indemnisation des biens détruits (Turquie, Russie), dont les méthodes et résultats sont inégaux. Par exemple, en Bosnie-Herzégovine, en Serbie et au Kosovo, la législation proposée concerne la restitution de biens appartenant à une coopérative alors que, de son côté, la Croatie a refusé ce type de restitution sans proposer d’indemnisation adéquate. Les questions de la restitution du droit de location et autres droits d’occupation ainsi que de l’octroi de compensations pour les pertes respectives sont également, d’une manière générale, négligées, tout comme le principe selon lequel les personnes déplacées doivent être autorisées à reprendre possession des terres qu’elles occupaient en vertu d’une utilisation incontestée, en gardant à l’esprit que les PDI ne doivent pas faire l’objet de discriminations en raison de leur déplacement 
			(10) 
			Les questions de propriété
seront longuement examinées dans un rapport distinct actuellement
en cours d’élaboration sur la résolution des problèmes de propriété
des réfugiés et des personnes déplacées (Rapporteur: M. Poulsen,
Danemark, ADLE; source: Doc. 11427)..
20. L’application stricte des conditions pour ladélivrance de documents juridiques et la non-reconnaissance de documents, associée à l’incapacité de remplacer ou d’émettre de nouveaux documents, empêche les personnes déplacées, dans certains pays, d’exercer un certain nombre de droits en matière de santé, d’éducation, de propriété, de travail – et ce bien souvent des années après leur déplacement initial. Lorsque les pays n’exercent pas de contrôle effectif sur l’ensemble de leur territoire, cette situation peut entraîner la mise en place de systèmes juridiques parallèles où les autorités d’une partie au conflit ne reconnaissent pas les documents officiels délivrés par l’autre partie. Cette situation peut avoir de lourdes conséquences sur l’application de la législation, des décisions judiciaires et, en fin de compte, sur la vie des personnes déplacées (reconnaissance d’années de travail pour les régimes de retraite, héritage de biens, diplômes, permis de conduire, etc.). C’est le cas par exemple en Serbie et au Kosovo, pour ce qui est de la non-reconnaissance de documents, mais aussi en Géorgie où les lois sur la protection des biens dans les lieux d’origine des personnes déplacées ont été adoptées par le gouvernement géorgien mais n’ont pas été mises en œuvre en raison de l’absence de coopération de la part des autorités d’Ossétie du Sud et d’Abkhazie. De même, le gouvernement de Chypre ne reconnaît pas la «Commission des biens immeubles» instituée par la République turque du Nord de Chypre non reconnue internationalement 
			(11) 
			Le Conseil de l’Europe
reconnaît uniquement la République de Chypre.  
			(12) 
			Une décision sur la
légalité de la Commission des biens immeubles est actuellement pendante
devant la Cour européenne des droits de l’homme..
21. Ladiscrimination, le harcèlement et le refus de la participation politique des personnes déplacées issues de communautés minoritaires se produisent fréquemment au niveau des pouvoirs locaux et des communautés locales; lorsqu’elle envoie des signaux contrastés, l’administration centrale renforce ce malaise. Les pouvoirs européens, nationaux, régionaux et locaux ne sont pas toujours bien préparés à tenir compte et à venir à bout des tensions qui accompagnent inévitablement le pluralisme social, c’est-à-dire la coexistence de groupes dominants et non dominants.
22. Il arrive fréquemment queles groupes ethniques minoritaires qui ne sont pas liés à une partie impliquée dans le conflit – à l’instar des Roms – soient particulièrement touchés. Si les personnes déplacées ont tendance à fuir vers des régions où elles ne sont pas en position minoritaire et où se trouvent des personnes qui appartiennent à leur communauté ethnique, religieuse ou nationale, pour les Roms, la question ne se pose pas. Le déplacement aggrave la marginalisation sociale de ces derniers. Compte tenu du fait que nombre d’entre eux n’ont ni papiers d’identité ni lieu de résidence officiel, ils ne peuvent bénéficier de l’assistance proposée aux personnes déplacées et se voient parfois contraints d’occuper des logements clandestins dépourvus des prestations essentielles.
23. En dehors des Roms, on compte parmi les personnes déplacées en Europe d’autres groupes particulièrement vulnérables, notamment les personnes traumatisées, handicapées et malades chroniques, les femmes chefs de famille, les enfants, en particulier les mineurs non accompagnés, ainsi que les personnes âgées sans soutien familial. Ces groupes sont davantage exposés aux risques de pauvreté extrême, d’exploitation et d’abus. Il arrive souvent que les donateurs et les gouvernements ne reconnaissent pas la vulnérabilité des groupes marginalisés durant la phase de transition, par exemple, en interrompant le financement de complexes immobiliers collectifs; précisons que ce sont les personnes les plus vulnérables, comme les personnes âgées ou handicapées mentales, qui sont généralement le plus touchées. Il est fréquent que les problèmes de santé mentale, qui trouvent souvent leur origine dans les atrocités des conflits et sont exacerbés par les déplacements de longue durée, ne soient pas pris en compte et que les traitements proposés ne fassent pas l’objet de financements suffisants.
24. Le problème est souvent aggravé par l’absence ou l’adoption tardive de politiques et de lois relatives aux personnes déplacées. De plus, étant donné que les personnes déplacées ne sont pas associées aux processus de paix ou qu’elles subissent des manipulations politiques, elles ne peuvent pas exercer une influence sur l’agenda politique en fonction de leurs intérêts, de leurs besoins et de leurs droits réels. Plusieurs pays d’Europe, au nombre desquels l’Azerbaïdjan, Chypre, la Géorgie, la Bosnie-Herzégovine, la Russie et la Serbie, ont mis en place une législation, des politiques et des programmes pour les PDI, lesquels toutefois ne sont pas toujours conformes aux principes directeurs sur le déplacement interne ni à la définition de PDI et ne tiennent pas toujours compte des solutions durables préconisées. Dans la Fédération de Russie, seules 35,4% des PDI (enregistrées par le HCR) bénéficient, en vertu de la législation, du statut de personne déplacée, ce qui est peut-être dû à la politique gouvernementale visant à faire diminuer le nombre de PDI en vue de réduire la charge liée à l’assistance et de déclarer la fin du conflit et le retour à la stabilité. Ce statut, toutefois, n’est assorti que d’une maigre assistance pratique à l’intégration ou au retour.

4. Mécanismes de protection existants

25. Les personnes déplacées ont droit à la protection prévue par le droit humanitaire international et par la législation en matière de droits de l’homme. Les Principes directeurs relatifs au déplacement de personnes à l’intérieur de leur pays, adoptés par l’ONU en 1998, sont, aujourd’hui encore, le principal instrument normatif visant à aider les gouvernements à assumer leurs responsabilités en matière de protection et d’assistance pour les personnes déplacées de force sur leur territoire. Bien que les principes directeurs ne constituent pas un instrument contraignant, ils se situent dans le droit fil du droit humanitaire international et des droits de l’homme et ont été adoptés par d’importants forums internationaux qui les considèrent comme constituant «un important cadre pour la protection des personnes déplacées à l’intérieur de leur pays» 
			(13) 
			Conclusions
du Sommet mondial 2005, doc. N. U. A/60/L.1, par. 132; Résolution
du Conseil des droits de l’homme 6/32 (2007), par. 5; Résolution
de l’Assemblée générale 62/153 (2008), par. 10.. Malheureusement, les gouvernements ne font pas encore preuve de la volonté suffisante pour incorporer les principes directeurs dans leur législation nationale ou pour les mettre pleinement en œuvre.
26. Bien que la plupart des Etats membres du Conseil de l’Europe concernés aient établi des cadres normatifs nationaux pour le déplacement à l’intérieur du territoire, seuls trois des Etats membres concernés – l’Azerbaïdjan, la Géorgie et la Turquie – ont réalisé du progrès en vue d’harmoniser la législation relative aux personnes déplacées avec les dispositions des Principes directeurs. Paradoxalement, il s’agit des pays où les perspectives de retour des populations déplacées sont les plus faibles dans un avenir proche en raison de l’absence de solutions politiques. Dans le même temps, la situation des PDI s’est améliorée à Chypre, dont le gouvernement a consacré d’importantes ressources en vue de garantir l’accès de ces personnes à leurs droits dans les zones qu’il contrôle. Des progrès ont également été accomplis dans les Balkans, où on a observé des avancées vers l’intégration à l’Union européenne.
27. Les Européens déplacés à l’intérieur de leur pays bénéficient de la protection supplémentaire de la Convention européenne des droits de l’homme, qui demeure l’outil le plus efficace de protection des personnes déplacées en Europe. Si ces dernières restent sous la protection de leur propre pays, elles bénéficient des mêmes droits que tout autre citoyen. Elles peuvent notamment exercer, en vertu de l’article 1 de la CEDH, les droits et libertés définis dans ladite Convention.
28. Conformément à la jurisprudence des Etats membres du Conseil de l’Europe, toute personne déplacée est donc protégée par la Convention européenne des droits de l’homme et a le droit de déposer une requête devant la Cour européenne des droits de l’homme. Depuis que la Russie et les Etats des Balkans et du Sud du Caucase ont rejoint le Conseil de l’Europe au milieu des années 1990, la Cour des droits de l’homme a rendu plusieurs arrêts relatifs au déplacement interne dans cette région. Plusieurs affaires ont aussi été introduites contre la Turquie. En 2007, la Cour a ordonné à la Russie de verser aux propriétaires d’un bâtiment dans un village tchétchène une indemnité pour l’occupation et la dégradation des lieux par des unités de la police russe. La Cour a également ordonné à la Turquie de verser à des requérants chypriotes grecs une indemnisation pour la violation de leurs droits de propriété. Plusieurs affaires sont également pendantes concernant le refus de restitution de propriétés dans la partie nord de Chypre ou en Russie. La récente guerre en Géorgie a provoqué le dépôt, devant la Cour, de plus de 3000 requêtes individuelles contre la Géorgie, de quelque 400 requêtes contre la Russie ainsi que d’une requête interétatique présentée par les autorités géorgiennes contre la Russie. Cependant, dans l’ensemble, le nombre d’affaires portées devant la Cour européenne des droits de l’homme demeure relativement faible, notamment compte tenu du fait que les personnes déplacées connaissent mal leurs droits et ne bénéficient que d’une assistance juridique limitée.
29. Il existe d’autres instruments du Conseil de l’Europe qui sont contraignants pour les Etats signataires, au nombre desquels on compte la Convention-cadre européenne pour la protection des minorités nationales, la Charte sociale révisée, la Convention européenne relative à l’exercice des droits de l’enfant ou la Convention européenne sur la lutte contre la traite des êtres humains.
30. Le mécanisme de protection de la Charte sociale européenne et de la Charte sociale révisée, qui revêt une importance particulière – et qui est, malheureusement insuffisamment exploité –, permet aux ONG internationales d’être dotées du statut participatif auprès du Conseil de l’Europe et inscrites sur la liste des organisations ayant qualité pour soumettre des réclamations collectives au Comité européen des droits sociaux, que lesdites organisations relèvent ou non de la compétence d’un Etat partie à la Charte sociale.
31. Certains groupes vulnérables sont aussi protégés par des instruments internationaux spécifiques. Ainsi, les minorités ethniques, les enfants et les femmes sont particulièrement menacés dans ces situations de crise. L’article 27 de l’Accord des Nations Unies sur les droits civils et politiques, la Convention des Nations unies sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’encontre des femmes et la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant continuent de s’appliquer même dans la situation anormale que constitue le déplacement forcé à l’intérieur ou à l’extérieur d’un pays.
32. Parmi les règles de droit non contraignantes (instruments de «soft law»), il convient de citer également un ensemble de 13 recommandations élaborées par le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe dans sa Recommandation Rec(2006) 6 à la demande de l’Assemblée parlementaire. Cette Recommandation «souligne l’importance, dans le contexte des PDI, de certaines obligations prises par les Etats membres du Conseil de l’Europe qui vont au-delà du niveau d’engagement reflété dans les principes directeurs des Nations Unies» 
			(14) 
			CM(2006)36, addendum
du 8 mars 2006.. Elle fait également référence aux lacunes existantes dans le droit international et à la nécessité subséquente de se doter d’un instrument régional contraignant sur les PDI en Europe. Le rapporteur est d’avis qu’un instrument spécial du Conseil de l’Europe, à caractère contraignant, permettrait en fait de donner des indications plus précises sur les mesures que doivent prendre les Etats membres à l’égard des personnes déplacées, et renforcerait également la valeur juridique des Principes directeurs des Nations Unies. Selon lui, il est donc souhaitable de reconstituer le Comité ad hoc d’experts sur les aspects juridiques de l’asile territorial, des réfugiés et des apatrides (CAHAR) afin d’évaluer dans quelle mesure le cadre juridique actuel du Conseil de l’Europe protège les PDI et leur garantit l’accès à une assistance humanitaire et à des solutions durables, puis de déterminer comment compléter les instruments existants s’ils ne répondent pas aux normes définies par les Principes directeurs relatifs au déplacement de personnes à l’intérieur de leur propre pays ou d’autres instruments contraignants adoptés dans d’autres régions.
33. On peut conclure que, bien que le cadre juridique et normatif puisse être amélioré, les principaux problèmes sont davantage liés à la volonté politique dont font preuve les Etats parties en vue de rendre ces instruments opérationnels sur le terrain. Les garanties prévues par la Convention européenne des droits de l’homme en matière de protection ne sont suffisantes que lorsque les personnes déplacées ont connaissance des mécanismes d’application et qu’elles ont accès à l’assistance juridique.
34. Il est regrettable de constater que le vaste fossé qui sépare la législation de la pratique, en particulier au niveau local, persiste encore aujourd’hui. Dans certains cas, les autorités sont confrontées à de lourdes contraintes financières et ne peuvent répondre aux besoins des personnes déplacées en matière de protection et d’assistance, même si la volonté est bien présente. Dans d’autres cas, il apparaît que les gouvernements n’ont pas la volonté politique nécessaire pour protéger et aider les personnes déplacées.

5. Réponses nationales

35. Il ne fait aucun doute que ce sont les gouvernements et les pouvoirs locaux qui portent au premier chef la responsabilité de la protection des personnes déplacées. C’est à cet échelon qu’il faudra, en fin de compte, opérer des différenciations.
36. Dans la plupart des pays, les gouvernements ont principalement concentré leurs efforts sur le retour des personnes déplacées, limitant ou excluant leur soutien à d’autres solutions durables telles que l’intégration locale ou l’intégration ailleurs dans le pays. Cette situation limite sérieusement les possibilités, pour les personnes déplacées, de choisir librement entre les diverses solutions durables. Pour qu’une solution soit considérée comme telle, les personnes déplacées doivent pouvoir exercer leurs droits de façon non discriminatoire et ne plus avoir besoin de protection ou d’assistance en relation avec leur déplacement. Parmi les conditions nécessaires à la pérennité des solutions, citons un environnement sain, un accès non discriminatoire aux informations sur les droits de l’homme, la restitution ou l’indemnisation des biens, l’accès aux services de base et à des moyens de subsistance.
37. Pour remplir ces conditions, des années de progrès peuvent être nécessaires, ce qui explique pourquoi il est parfois difficile de savoir à quel moment une solution durable a été trouvée. Il est essentiel que les programmes en faveur de ce type de solutions adoptent une approche globale qui tienne compte de tous ces éléments. Par exemple, il n’est pas rare que les politiques insistent fortement sur la reconstruction et sur la restitution pour faciliter le retour. En Bosnie-Herzégovine, en Croatie et au Kosovo par exemple, d’importants efforts ont été déployés en vue de financer la reconstruction de maisons. Or, en l’absence de projets générateurs de revenus, d’activités de réconciliation et de possibilité de faire valoir les droits, ces maisons resteront vides et le retour ne pourra durer.
38. Le retour en lui-même ne constitue pas une solution durable si les conditions mentionnées ci-dessus ne sont pas remplies. Par conséquent, les chiffres relatifs à ces personnes n’indiquent pas nécessairement qu’une solution durable a été trouvée; il est nécessaire de suivre leurs conditions de vie bien après leur retour. Même si elles ne sont plus déplacées, il est possible que ces personnes aient toujours besoin d’une protection et d’une assistance spéciales, qu’il convient de contrôler pour savoir si le retour peut être jugé durable. Par exemple, du point de vue de la sécurité, les risques peuvent être plus élevés au moment du retour qu’au cours du déplacement.
39. Le déplacement prolongé créé des situations où la frontière entre l’amélioration des conditions de vie des PDI et leur intégration à l’échelon local est souvent floue. Cela vaut plus particulièrement lorsque des centres d’hébergement temporaires deviennent permanents ou lorsque les PDI veulent s’intégrer progressivement dans la population locale sur les plans social et économique. C’est probablement l’intention des personnes déplacées de rester ou de rentrer chez elles qui fait toute la différence entre les deux situations. L’intégration locale peut être une solution durable en soi, ou une façon de vivre décemment en attendant que d’autres solutions durables se concrétisent. C’est probablement ce flou qui a conduit plusieurs pays à limiter l’autonomie et les conditions de vie des PDI en vue de les inciter à retourner chez elles. Certains pays ont opté pour cette démarche en vue d’éviter la consolidation des résultats du nettoyage ethnique ou de regagner des territoires qui ne se trouvent pas sous leur contrôle. Il convient pourtant de souligner que les PDI qui se voient offrir la possibilité de s’intégrer à l’échelon local, même si ce n’est que de manière temporaire et sans préjudice de leur droit de retourner chez elles, se trouveront dans une position plus forte et auront davantage de chance d’exercer avec succès ce droit une fois que cela deviendra faisable sur le plan politique.
40. Plusieurs tendances et initiatives positives se sont dégagées ces dernières années au niveau politique. Par exemple, la Géorgie, l’Azerbaïdjan et la Turquie ont récemment modifié leur approche de l’intégration locale. En 2005, la Turquie a élaboré un cadre national centré sur l’intégration des PDI par l’amélioration des infrastructures et des activités rémunératrices ainsi que l’assistance psychologique et les activités de renforcement des capacités. En juillet 2008, le gouvernement géorgien a approuvé un plan d’action pour la mise en œuvre de la stratégie d’Etat adoptée par le pays en 2005, visant à faciliter l’intégration des PDI tout en respectant leur droit au retour. Ce plan d’action a été mis à jour récemment, mais n’avait pas encore été adopté par le gouvernement au moment de la rédaction du présent rapport. L’Azerbaïdjan a beaucoup investi dans la construction de locaux pour les personnes déplacées et continue de proposer d’autres formes d’assistance aux personnes déplacées. De même, la Turquie et l’Arménie ont notamment conçu des programmes pour faciliter l’intégration des personnes qui rentrent chez elles.
41. Les questions non résolues et particulièrement préoccupantes sont les suivantes, région par région:

5.1. Les PDI dans le Sud du Caucase (Arménie, Azerbaïdjan, Géorgie)

42. Les conflits non résolus dans les régions du Haut-Karabakh, de l’Abkhazie et de l’Ossétie du Sud continuent d’entraver les progrès vers la recherche de solutions durables pour les 838 500 à 865 500 
			(15) 
			Données extraites de
«Protracted internal displacement in Europe: current trends and
ways forward», document présenté par l’Observatoire des situations
de déplacement interne (IDMC), Conseil norvégien pour les réfugiés
à l’occasion du séminaire sur «Le déplacement prolongé de personnes
à l’intérieur de leur propre pays en Europe: perspectives et solutions»,
Genève, 26 novembre 2008. 
			(16) 
			Une publication récente
de l’IDMC – Conseil norvégien pour les réfugiés intitulée «Internal
Displacement: Global overview of trends and developments in 2008»
(1er mai 2009) présente les chiffres
respectifs suivants: Arménie – 8 400; Azerbaïdjan – 573 000–603 000;
Géorgie – 252 000-279 000. personnes qui ont été déplacées dans le Sud du Caucase depuis le début des années 1990. La guerre qui a éclaté entre la Russie et la Géorgie en août 2008, suivie de l’occupation par les forces russes des deux régions séparatistes ainsi que de certaines zones du territoire géorgien qui, avant la guerre, se trouvaient sous la juridiction du gouvernement géorgien, ont fait de 26 000 
			(17) 
			Doc. 11859 de l’APCE du 9 avril 2009. à 37 605 
			(18) 
			«Promotion et protection
de tous les droits de l’homme ainsi que des droits civils, politiques,
économiques, sociaux, et culturels y compris le droit au développement»,
rapport du Représentant du Secrétaire Général des Nations Unies
pour les droits de l’homme des personnes déplacées dans leur propre
pays, M. Walter Kälin, Addendum: Mission en Géorgie, A/HRC/10/13/Add.2. personnes déplacées de plus, lesquelles ne peuvent rentrer chez elles et ont réduit les perspectives de retour de toutes les PDI dans un proche avenir. De même, les chances de voir se résoudre le conflit du Haut-Karabakh demeurent minimes.
43. Dans ce contexte, le rapporteur se félicite de ce que l’Azerbaïdjan et la Géorgie aient récemment modifié leur politique à l’égard des PDI. En effet, celles-ci visent aujourd’hui à améliorer les conditions de vie des personnes déplacées et à mettre au point, à l’échelon local, des stratégies d’intégration à leur intention, tout en veillant à ne pas exclure la possibilité d’un retour. Le gouvernement de l’Azerbaïdjan a construit 47 nouveaux centres d’hébergement pour 90 000 PDI et envisage de fournir un nouveau logement à 70 000 personnes déplacées supplémentaires. Le gouvernement a augmenté considérablement la part du budget de l’Etat consacrée aux PDI: le programme d’Etat 2007-2011 pour les PDI s’élève aujourd’hui à un milliard de dollars US.
44. En juillet 2008, le gouvernement géorgien a adopté un plan d’action pour la mise en œuvre de la stratégie d’Etat pour les PDI. Le ministère géorgien des Réfugiés et du Logement l’a récemment actualisé pour tenir compte de la situation post-conflit, et devrait le présenter au gouvernement pour adoption en juin 2009. Dans les mois qui ont suivi la guerre, le gouvernement géorgien a construit 38 centres d’hébergement pour 18 000 PDI et prévu d’autres mesures pour leur assurer une source de revenus et un accès aux services sociaux. Dans le cadre de la stratégie d’Etat, le ministère des Réfugiés et du Logement apporte des solutions de logement durables aux «anciennes» personnes déplacées résidant dans des centres collectifs, par la réhabilitation et le transfert de propriété aux familles de PDI. Une conférence de donateurs réunie en octobre 2008 a permis de recueillir 4,5 milliards de dollars US, dont une partie est destinée à améliorer les conditions d’hébergement des anciennes et nouvelles personnes déplacées. Un certain nombre de préoccupations ont été exprimées à propos de l’accent qui a été presque exclusivement mis sur les infrastructures par opposition à l’élaboration d’une politique d’intégration complète qui engloberait l’ensemble des droits civils, culturels, économiques, politiques et sociaux des PDI. De plus, il conviendrait de mieux garantir l’entière participation de tous les segments des PDI à la planification et la gestion du plan de relogement 
			(19) 
			Idem..
45. Cela dit, un grand nombre de personnes déplacées en Azerbaïdjan et en Géorgie continuent de vivre dans des conditions difficiles, que ce soit dans ces centres collectifs – dont la majorité ne répondent pas aux normes minimales et risquent d’avoir des retombées négatives sur la santé et le bien-être des PDI et plus particulièrement sur ceux des enfants et des personnes âgées – ou en ville dans des logements privés, des appartements abandonnés et avec des membres de leur famille. On ne dispose que d’informations limitées sur cette dernière catégorie de PDI, si bien qu’on ne connaît pas les difficultés auxquelles elles sont confrontées en raison de leur déplacement.
46. Les PDI âgées et les femmes chefs de famille sont confrontées à des difficultés particulières; en effet, ces personnes ont moins de chances d’avoir un revenu ou d’obtenir un soutien en vue de garder leur logement dans des centres collectifs. En Azerbaïdjan, la pratique qui veut que le statut de PDI ne puisse être accordé qu’aux seuls enfants nés de personnes de sexe masculin qui ont été déplacées physiquement durant le conflit et non aux enfants nés de PDI de sexe féminin est discriminatoire et ne fait que priver les familles monoparentales dirigées par des femmes des avantages sociaux. En Azerbaïdjan comme en Géorgie, il conviendrait de porter une plus grande attention à l’intégration psychosociale des enfants déplacés dans les écoles locales, un grand nombre d’entre eux continuant de fréquenter des écoles publiques qui, en raison de leur localisation dans des zones d’installation de PDI, n’assurent pas une mixité suffisante avec des enfants non déplacés. Dans bien des cas, l’état de PDI conduit à un renversement des rôles entre les hommes et les femmes, ces dernières étant appelées à assumer de plus en plus de responsabilités dans la famille. Les hommes ont souvent des difficultés à trouver un emploi et ne jouent qu’un rôle mineur pour élever les enfants ou pour soutenir la famille. Cette situation peut engendrer un accroissement des tensions au sein de la famille et, dans certains cas, des violences domestiques et d’autres problèmes.
47. Contrairement à ce qui se passe en Azerbaïdjan et en Géorgie, le gouvernement de l’Arménie n’a pas fait dépendre les solutions durables du processus de paix, mais a donné la priorité à l’intégration. Il n’existe pas de législation spécifique pour la protection des PDI en Arménie. Le gouvernement soutient que toutes les PDI sont des citoyens arméniens, que les réfugiés d’Azerbaïdjan ont été encouragés à demander la naturalisation et que tous les citoyens jouissent des mêmes droits et n’ont donc pas besoin d’une législation spécifique. La priorité numéro un du gouvernement est l’organisation du retour des familles de PDI qui le souhaitent vers leur résidence permanente. Le rapporteur a constaté qu’il manquait certaines données sur le nombre, la localisation et les conditions de vie des PDI originaires de la zone frontalière. Etant donné que la législation nationale ne contient pas de définition exacte de l’état de PDI, cela donne lieu à une mauvaise interprétation de leur statut. La majorité des réfugiés d’Azerbaïdjan durant le conflit du Haut-Karabakh ont été naturalisés; quelques PDI et réfugiés ont été réinstallés dans la zone frontalière dans le cadre du «programme de réhabilitation des territoires frontaliers de la République d’Arménie après le conflit»; près de 900 familles de réfugiés ont résolu leur problème de logement par le biais des certificats d’acquisition de logement que le gouvernement arménien distribue depuis 2005. Toutefois, l’Etat a besoin, de la part de donateurs, d’une aide s’élevant à 45 millions de dollars US pour être en mesure de reloger les réfugiés et les PDI hébergés dans des centres collectifs délabrés, auxquels il faut ajouter 38,5 millions de dollars US supplémentaires pour organiser le retour de 1005 familles dans leur résidence permanente au sein des zones frontalières.

5.2. Les PDI dans le nord du Caucase (Russie)

48. Plus de quinze ans après les conflits interethniques et séparatistes en Ossétie du Nord (1992) et en Tchétchénie (1994 et 1999), il existe encore en Russie entre 85 000 et 136 500 personnes déplacées 
			(20) 
			Idem, le premier chiffre est extrait
des données du gouvernement russe pour 2007, le second des données
du HCR pour la même année.. Alors qu’en Tchétchénie, la situation s’est, d’une manière générale, stabilisée, l’insécurité continue de régner dans le nord du Caucase, qui demeure le théâtre d’hostilités entre les forces gouvernementales et les rebelles. En l’absence de solutions politiques au conflit, les violations de droits de l’homme, y compris les enlèvements et les disparitions forcées persistent et la prééminence du droit reste faible 
			(21) 
			«Russian Federation:
Displaced people still struggling to lead a normal life», IDMC,
12 novembre 2008..
49. La recherche de solutions durables pour les PDI continue d’être entravée sur l’ensemble du territoire de la Fédération de Russie en raison du manque de logements appropriés et de possibilités d’emploi ainsi que par l’accès limité et discriminatoire aux services, aux prestations sociales, aux retraites, aux documents et à l’assistance. La plupart de ces entraves sont dues à l’exigence d’un permis de résidence («propiska») 
			(22) 
			La
Fédération de Russie s’est engagée à abolir le système de «propiska»
lors de son adhésion du Conseil de l’Europe en 1996. La Recommandation 1667 (2004) de l’Assemblée invite également expressément la Fédération
de Russie à abolir progressivement ce système., de passeports internes ou de justificatifs d’emploi que les personnes déplacées ne sont souvent pas en mesure de présenter. Quelque 40 000 retraités déplacés ne recevraient ainsi qu’une retraite minimum parce qu’aucun mécanisme n’a été mis en place en vue de traiter la question des livrets de travail disparus au cours des combats ou des incendies d’archives.
50. De nombreuses PDI ont été indemnisées pour la perte de propriété, mais cela n’a pas conduit à une vaste reconstruction de logements étant donné que les sommes allouées sont devenues de plus en plus insuffisantes pour acquérir ou faire construire un logement. En conséquence, la plupart des PDI louent des logements ou vivent chez des membres de leur famille ou chez des amis. Le gouvernement de la Russie devrait déterminer le nombre de PDI qui ne disposent pas encore d’un logement permanent et veiller à les inclure dans le programme fédéral de logement. Il devrait également doter ce programme des fonds nécessaires pour couvrir les besoins en logements.
51. En 2007, le gouvernement de la Tchétchénie a rayé des registres les PDI restantes dans la République. Les centres collectifs, qui hébergeaient encore près de 4 400 familles déplacées en 2006 
			(23) 
			«Internal displacement
in Europe: Rebuilding lives in new contexts», IDMC, 2008, p. 86., ont été fermés en 2008. Un grand nombre des familles expulsées n’ont pas encore trouvé de logement approprié depuis.
52. Les tribunaux russes ont refusé toutes les demandes d’indemnisation ou de restitution des propriétés perdues ou saisies en Tchétchénie, au lieu de promouvoir des programmes de compensation grâce auxquels les PDI pourraient être indemnisées pour les logements détruits. Toutefois, les compensations au titre des propriétés sont différenciées selon les préférences que les PDI ont exprimées à propos de leur lieu de résidence. Celles qui retournent en Tchétchénie reçoivent jusqu’à 350 000 roubles à titre d’indemnisation pour les biens et les logements perdus alors que celles qui ne souhaitent pas retourner en Tchétchénie n’ont droit qu’à 125 000 au plus. Les personnes qui ne retournent pas en Tchétchénie doivent abandonner leurs titres de propriété alors que celles qui y retournent sont autorisées à les garder.
53. Les PDI de souche tchétchène qui ne vivent pas dans le nord du Caucase sont souvent victimes d’agressions à caractère racial et rencontrent des difficultés particulières pour obtenir un logement, des documents personnels et un emploi ainsi que pour circuler librement sans être contrôlées par la police. Le gouvernement russe devrait être encouragé à mettre en œuvre des mesures de lutte contre le racisme et la xénophobie, telles qu’énoncées dans la Recommandation 1667 (2004) de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe.

5.3. Les PDI dans les Balkans (Serbie, Kosovo, Croatie, «l’Ex-République yougoslave de Macédoine», Bosnie-Herzégovine)

54. Treize ans après la guerre en Bosnie-Herzégovine et dix ans après le conflit armé au Kosovo, il existe toujours dans la région plus de 354 070 PDI ainsi que quelque 20 000 PDI roms non enregistrées 
			(24) 
			Op.cit., extrait des données du
gouvernement et du HCR. Précisons que le gouvernement serbe continue
de voir les personnes déplacées du Kosovo et qui résident en Serbie
(à l’exception du Kosovo) comme des personnes déplacées à l’intérieur
du pays, et de se considérer comme responsable de la garantie d’un
accès total de ces personnes à leurs droits., dont certaines personnes déplacées depuis sept à dix-sept ans.
55. D’une manière générale, dans la région des Balkans, les logements inappropriés constituent un problème majeur et la restitution de la propriété est entravée par l’absence de documents. Pour les Roms, l’absence de documents pose des problèmes encore plus grands en matière d’accès aux droits élémentaires. Il y a la pauvreté, le chômage, l’absence d’accès à des moyens de subsistance, ce à quoi il faut ajouter que l’intégration à l’échelon local n’est pas soutenue par les autorités. Dans les zones de retour, les personnes déplacées font l’objet de discriminations en matière d’assistance et de droits (y compris le droit à l’éducation et le droit à une retraite) ce qui contribue à accroître la vulnérabilité de la population concernée et met des obstacles supplémentaires à leur retour.
56. En 2008, il y avait encore en Bosnie-Herzégovine 124 600 PDI enregistrées, et près de 600 000 personnes étaient retournées dans leurs régions d’origine 
			(25) 
			«Internal
displacement. Global Overview of Trends and Developments in 2008»,
IDMC et Conseil norvégien pour les réfugiés (mai 2009), p. 72, <a href='http://www.unhcr.org/refworld/pdfid/49fe9a952.pdf'>http://www.unhcr.org/refworld/pdfid/49fe9a952.pdf</a>.. Ces dernières sont davantage exposées à la discrimination et au déni d’accès aux possibilités d’emploi et aux services que les PDI lorsqu’elles appartiennent à une minorité ethnique locale. La fragmentation du système de protection sociale fait qu’il existe des différences entre les retraites versées, ce qui accroît la vulnérabilité des personnes âgées. Un accès à une éducation impartiale et non discriminatoire est nécessaire. De plus, alors qu’on a enregistré 1 500 retours en 2008, la situation des 8 000 personnes qui se trouvent dans des centres collectifs ne semble guère s’améliorer. Certes, il importe de reconstruire les logements, mais il faut également accorder davantage de soutien au retour et à l’intégration à l’échelon local. Fin janvier 2009, le Conseil des ministres de la Bosnie-Herzégovine a adopté une stratégie révisée pour la mise en œuvre de l’Annexe VII des Accords de paix de Dayton, question qui était pendante devant l’Assemblée parlementaire de Bosnie-Herzégovine à l’époque de la rédaction du présent rapport. Si elle est ratifiée et mise en œuvre, cette stratégie révisée permettra de créer un nouvel élan en faveur de l’exercice, par les PDI restantes et les personnes retournées dans leur région d’origine, de leur droit à une solution durable.
57. En mars 2008, il restait en Croatie 2 600 PDI, dont la moitié sont des Serbes 
			(26) 
			Ibid. p. 77.. Des progrès significatifs ont été accomplis par les gouvernements successifs depuis 2000 en matière de réforme législative, de restitution de propriété et de reconstruction, y compris l’adoption de mesures en faveur du retour des Serbes. Pour autant, le nombre effectif de retours reste faible: près d’un tiers des PDI et des réfugiés serbes de Croatie sont retournés chez eux, mais la moitié seulement de ces retours ont été durables. Les obstacles au retour incluent le non-établissement de droits à une retraite complète, l’impunité pour les crimes de guerre, l’absence de recours pour la restitution des terres agricoles occupées, les revendications de propriété privée par le biais de procédures judiciaires et l’absence de recours pour la perte des droits d’occupation.
58. En 2008, il y avait en Serbie (Kosovo exclu) 226 000 PDI y compris des Roms dont le nombre est estimé à 20 000. Vingt-mille personnes ont également été déplacées au Kosovo, principalement dans les zones où les Serbes sont majoritaires 
			(27) 
			Ibid. p. 76.. La déclaration d’indépendance du Kosovo de mai 2008 a créé des incertitudes pour les Serbes déplacés à l’intérieur de la Serbie proprement dite et à l’intérieur du Kosovo lui-même. Les Roms sont les PDI les plus vulnérables et l’absence de papiers empêche leur enregistrement et l’accès au logement et à l’assistance sociale. Les perspectives pour des solutions durables et pour l’intégration des PDI sont minces.
59. S’agissant de «l’Ex-république yougoslave de Macédoine», 770 personnes sont toujours déplacées aujourd’hui, la majorité étant des Macédoniens de souche ou des Serbes qui estimaient ne pas pouvoir retourner dans les régions à prédominance albanaise. Quatre-cents PDI sont hébergées dans des logements privés, mais 300 d’entre elles vivent dans de mauvaises conditions dans des centres collectifs. Des préoccupations se sont fait jour face au nombre croissant de PDI qui hésitent à rentrer chez elles à la suite des élections parlementaires de 2008 qui se sont accompagnées de violences dans les régions à prédominance albanaise 
			(28) 
			Ibid. p. 77..

5.4. Les PDI en Turquie

60. Selon une étude nationale sur les PDI publiée en 2006, de 953 680 à 1 201 200 personnes auraient été déplacées de l’est et du sud-est du pays entre 1986 et 2005 
			(29) 
			«Turkey: progress on
national IDP policy paces way for further reforms», IDMC, 26 juillet 2007.. Ces dernières années, le gouvernement turc a accompli d’importants progrès en vue de traiter (et même d’ériger en priorité) la question du déplacement interne. Outre l’étude nationale sur le nombre et la situation des PDI évoquée ci-dessus, il a mis au point une stratégie nationale pour les PDI, adopté une loi sur la compensation pour les dommages aux propriétés, adopté en 2006 le Plan d’action de Van pour répondre aux besoins des PDI à l’échelon provincial et complété le projet de retour dans les villages et de réhabilitation (RVRP) de 2004. En outre, des commissions d’évaluation des dommages ont été mises en place en vue d’indemniser les PDI pour les pertes d’ordre patrimonial subies. Un cadre national axé sur l’intégration des PDI dans les zones urbaines par un renforcement des infrastructures et des activités génératrices de revenus a été développé, mais sa mise en œuvre n’est pas suffisamment rapide pour l’instant.
61. Le RVRP, qui englobe 14 provinces, repose sur une coordination et une coopération entre différents services pour assurer aux personnes qui le souhaitent un retour dans de bonnes conditions et favoriser l’adaptation à la vie urbaine par des conditions économiques et sociales adéquates pour ceux qui préfèrent rester dans leur résidence actuelle. Près de 83,3 millions d’YTL (40 millions d’euros) ont été consacrés à ce projet, pour des investissements dans les infrastructures, la reconstruction d’écoles et de centres de santé de proximité, la mise à disposition de matériaux de construction pour les citoyens regagnant leur village, ainsi que pour des projets sociaux. L’enquête nationale sur les PDI menée en 2006 a fait apparaître que 55% des populations déplacées souhaitaient retourner dans leur région d’origine, tandis que près de 12% des PDI étaient déjà rentrées chez elles 
			(30) 
			D’après les informations
fournies par la délégation turque auprès de l’APCE, en octobre 2008,
151 439 citoyens de 25 001 familles avaient regagné leurs villages.. Quatre-vingt-huit pour cent des personnes déplacées sur lesquelles portait l’étude et qui étaient rentrées dans leurs villages ont néanmoins déclaré qu’elles étaient revenues sans l’assistance du gouvernement. Il a également été reproché aux programmes en matière de retours de manquer de transparence, de cohérence et de financement et de ne pas faire l’objet de consultations 
			(31) 
			«Internal Displacement.
Global Overview of Trends and Developments in 2008», IDMC et Conseil
norvégien pour les réfugiés, mai 2009, p. 75.. L’absence de développement des zones de retour persiste, et des efforts supplémentaires sont nécessaires pour améliorer les infrastructures de base.
62. Il n’a guère été fait de progrès pour ce qui concerne la suppression des «gardes de village», une force paramilitaire créée par le gouvernement pour contrer le Parti des travailleurs kurdes (PKK), qui avait été responsable de certaines des pires violations des droits de l’homme dans les années 1980-90 et qui avait été identifié comme constituant le principal obstacle au retour des PDI et à la stabilité de la région. Une loi adoptée en mai 2007 renforce même le système des «gardes de village». Les mines terrestres (dont il existerait près d’un million dans le pays) demeurent une préoccupation en matière de sécurité. D’autres sujets de préoccupation incluent l’absence de perspectives économiques, l’absence de services sociaux et le manque d’infrastructures élémentaires dans le sud-est de la Turquie, qui constituent autant d’obstacles au retour 
			(32) 
			«Turkey:
progress on national IDP policy paces way for further reforms»,
IDMC, 26 juillet 2007.. Le gouvernement turc devrait être encouragé à continuer de rechercher des solutions au déplacement interne qui entrent dans le cadre de l’effort plus large déployé à l’échelon national en vue de la reconnaissance et de la réconciliation à propos de la question kurde, afin que ces solutions soient durables et efficaces. Les liens entre solutions durables au déplacement et initiatives de réconciliation en vue de traiter les violations des droits de l’homme passées à l’encontre des PDI devraient être étudiés.
63. Etant donné que beaucoup de PDI ne retourneront pas chez elles, il convient de proposer des solutions concrètes pour celles qui choisissent l’intégration à l’échelon local. La plupart des personnes déplacées vivent sur le pourtour des villes, tant dans les provinces affectées que dans le reste de la Turquie. Elles font partie des citadins pauvres et partagent avec d’autres migrants les problèmes de l’extrême marginalisation sociale et économique et de l’accès limité au logement ainsi qu’aux systèmes d’éducation et de santé. On ne sait pas très bien si les PDI sont plus particulièrement les cibles de discrimination, encore qu’il y aurait lieu de penser que le fait que les personnes déplacées soient d’origine kurde et issues de zones rurales contribue à aggraver leur marginalisation sociale et économique et qu’elles rencontrent davantage de problèmes pour s’intégrer dans un environnement urbain puisque la plupart d’entre elles n’ont pas d’éducation élémentaire, qu’elles ont des difficultés linguistiques et qu’elles ont du mal à trouver un emploi.
64. Au nombre des problèmes concernant plus particulièrement les PDI, on compte l’absence de soutien psychologique malgré le grand nombre de personnes présentant un traumatisme psychologique et émotionnel, le faible niveau d’éducation et le taux élevé de chômage parmi les adultes et plus particulièrement les femmes. Les enfants n’ont qu’un accès limité à la scolarisation et le travail des enfants serait un problème croissant dans les centres urbains comportant une importante population de PDI.
65. Un certain nombre de programmes du gouvernement ne tiennent pas compte de la situation particulière des personnes déplacées. Par exemple, un des critères servant à déterminer la pauvreté et l’éligibilité pour l’assistance sociale est la non-possession d’une propriété agricole. Or, bon nombre de personnes déplacées possèdent une telle propriété et sont donc disqualifiées, même si elles n’ont pas pu y accéder depuis plus de dix ans. Cela montre qu’il est besoin de programmes et de plans d’action gouvernementaux qui s’adresseraient plus particulièrement aux PDI dans les zones urbaines.

5.5. Les PDI à Chypre

66. Plus de trente ans après leur déplacement initial, 201 000 personnes 
			(33) 
			IDMC
Global Overview 2008, p. 70. continuent d’être déplacées à l’intérieur de leur pays dans la zone qui se trouve sous la juridiction du gouvernement de la République de Chypre. Les dirigeants Chypriotes turcs considèrent que les déplacements ont pris fin avec l’accord Vienne III de 1975. Alors que les PDI chypriotes n’ont plus de besoins humanitaires fondamentaux et se sont largement intégrées dans les régions où elles se sont installées, les déplacés ne peuvent toujours pas reprendre possession des biens qu’ils avaient abandonnés par la force ou bien rentrer chez eux.
67. A l’échelon politique, le nouveau processus politique entre les dirigeants de ce deux communautés, qui a débuté en mars 2008, inspire un optimisme raisonnable. Pour la première fois durant ces dernières années, et malgré les désaccords fondamentaux entre les deux parties à propos d’un certain nombre de questions-clés, les conditions semblent être plus propices que jamais pour réaliser des progrès substantiels en vue du règlement de la question chypriote. Le processus est porteur d’espoir pour les Chypriotes, mais il reste fragile et doit être encouragé et soutenu par la communauté internationale 
			(34) 
			«Situation à Chypre»,
rapport de la commission des questions politiques de l’APCE (Rapporteur:
M. Hörster, Allemagne, PPE/DC), Doc. 11699 du 12 septembre 2008..
68. La commission pour les personnes disparues, qui a repris ses activités en 2004, est parvenue à quelques résultats. Le gouvernement de la République de Chypre, les dirigeants chypriotes turcs et la Turquie 
			(35) 
			Arrêt Chypre c. Turquie de la Cour européenne
des droits de l’homme du 10 mai 2001. devraient être encouragés à enquêter sur le sort des disparus et sur les endroits où ils se trouvent et informer leur famille de la progression des enquêtes. Les fouilles, les exhumations et les identifications se poursuivent, mais les enquêtes sur les conditions dans lesquelles les personnes ont disparu et/ou péri n’ont pas débuté.
69. La propriété reste la principale source de préoccupation pour les personnes déplacées. Il n’existe pas encore de mécanisme mutuellement accepté pour statuer sur les revendications relatives aux propriétés et le choix de la résidence pour les personnes déplacées est limité. L’aménagement des propriétés à des fins de logement, de tourisme ou de commerce dans la zone qui n’est pas sous le contrôle réel du gouvernement de la République de Chypre est venu compliquer encore davantage les choses. En 2006, la République de Chypre a adopté une loi qui pénalise l’acquisition, la location et la vente d’une propriété dans la zone occupée appartenant à des Chypriotes grecs sans le consentement du propriétaire enregistré 
			(36) 
			«Cyprus: Lack of political
settlement prevents the displaced from fully enjoying their property
rights», IDMC, 18 décembre 2007, p. 10.. Les Chypriotes déplacés des deux côtés ont saisi les tribunaux internes et les cours internationales en vue de faire valoir leurs droits. Dans un arrêt rendu en 2005 
			(37) 
			Xenedis-Arestis c. Turquie., la Cour européenne des droits de l’homme a ordonné à la Turquie d’introduire un recours en vue de la protection des propriétés et des biens dans la zone se trouvant sous la juridiction de l’administration chypriote turque. En réponse à cet arrêt, les autorités chypriotes turques ont mis en place, en mars 2006, la «commission des biens immeubles». Une décision sur l’efficacité et la pertinence de cette commission, qui n’est pas reconnue par le gouvernement chypriote, doit encore être prise par la Cour européenne des droits de l’homme. Un autre arrêt qui fera jurisprudence, concernant le litige sur les droits de propriété des Chypriotes turcs relatif à des biens qu’ils possédaient dans la partie occupée de Chypre et qui ont été illégalement vendus à des ressortissants étrangers, a été rendu le 28 avril 2009 par la Cour européenne de justice des Communautés européennes 
			(38) 
			Meletis
Apostolides c. David Charles Orams et Linda Elizabeth Orams.. Celle-ci a déclaré, entre autres, qu’un arrêt d’un tribunal de la République de Chypre doit être reconnu et exécuté par les autres Etats membres, même s’il concerne un bien foncier situé dans la partie nord de l’île. Le fait que l’application de l’acquis communautaire soit suspendue dans les secteurs de la République de Chypre où le gouvernement n’exerce pas de contrôle réel et qu’un arrêt rendu par les tribunaux d’un Etat membre ne peut, pour des raisons pratiques, être exécuté dans la zone où se trouve le terrain ne fait pas obstacle à la reconnaissance et à l’exécution de ce dernier dans un autre Etat membre.
70. Une autre source de préoccupation est la discrimination dont font l’objet les enfants de PDI: alors que les enfants accompagnés d’hommes bénéficiant du statut de «personne déplacée» ont droit à une carte d’identité de réfugié et aux avantages liés au statut de personne déplacée, ceux qui sont accompagnés de femmes bénéficiant du même statut ne se voient pas dotés des même avantages. Ils ont uniquement droit à un certificat de filiation, lequel ne leur donne toutefois pas droit à quelque avantage que ce soit. Le gouvernement de la République de Chypre devrait amender sa législation nationale afin de garantir que tous les enfants de personnes bénéficiant du «statut de déplacé» soient traités de la même manière, conformément à la Constitution de la République de Chypre et des obligations internationales du pays.

6. Réponse internationale: le rôle du Conseil de l’Europe pour faire progresser la protection des droits fondamentaux des personnes déplacées

71. L’une des priorités du Conseil de l’Europe est d’encourager les Etats membres à faire avancer la mise en œuvre de la législation en place et à respecter, à la lettre, les droits de l’homme. Les différentes institutions et organes de contrôle du Conseil de l’Europe suivent la situation relative à l’exercice de leurs droits par les PDI. Il importe d’intégrer systématiquement leurs conclusions dans les plans d’action des pays européens pour la protection et la promotion des droits fondamentaux des personnes déplacées. Il convient également d’étudier plus avant les solutions prévues par les mécanismes de réclamation collective au titre de la Charte sociale européenne (révisée).
72. Ce qui importe le plus, toutefois, c’est que le Conseil de l’Europe – et plus particulièrement son Assemblée – s’attaque aux causes profondes du déplacement initial et continu des populations. Tant que des solutions politiques durables feront défaut et tant que dureront les tensions interethniques, les minorités nationales ne pourront vivre en totale sécurité, dans le plein respect de leurs droits; et tant que les pays qui ont souffert de ces terribles conflits ne seront pas des démocraties stables, pacifiques et prospères, toute solution pérenne aux problèmes des personnes déplacées sera difficilement envisageable. C’est pourquoi il est de la plus haute importance que les Etats membres adhèrent à des instruments tels que la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales et la Convention européenne des langues régionales et minoritaires et les mettent en œuvre, et qu’ils promeuvent, dans leurs sociétés, les valeurs de la démocratie pluraliste, des droits de l’homme, de la tolérance, de la prééminence du droit et de la non-discrimination.
73. Il est du devoir du Conseil de l’Europe et de l’Assemblée d’empêcher les guerres et les déplacements. De véritables efforts internationaux de maintien et de consolidation de la paix sont nécessaires dans les régions où la violence et les préjugés à l’égard des communautés locales et des PDI ne peuvent être contenus par les moyens politiques disponibles au niveau local. Les Etats membres du Conseil de l’Europe devraient mettre à disposition leur expertise et leurs ressources, par le biais de l’Organisation ou d’autres organes internationaux compétents, en faveur de la protection, du retour dans la sécurité et la dignité et de l’intégration des PDI. Le rapporteur se félicite à cet égard de la décision prise par la Commission des questions politiques de l’Assemblée en novembre 2008 de créer une sous-commission ad hoc sur les systèmes d’alerte précoce et la prévention des crises en Europe. Les questions de droit international, de droit humanitaire international et de sécurité relatives aux personnes déplacées devraient figurer parmi les priorités de la conférence qui devrait se tenir vers la fin de l’année.
74. De plus, il serait judicieux d’encourager le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe à mobiliser les institutions nationales de défense des droits de l’homme et les médiateurs des régions qui hébergent des personnes déplacées de longue date en vue d’évaluer les suites données aux diverses recommandations du Conseil de l’Europe sur la protection des droits des personnes déplacées et d’identifier les obstacles qui subsistent à la garantie de solutions durables, et lui demander de publier un document d’orientation sur la question.
75. La Banque de Développement du Conseil de l’Europe devrait être encouragée à renforcer sa coopération avec les Etats membres concernés en vue de financer davantage de projets concernant les réfugiés et les PDI.
76. L’Assemblée devrait continuer de suivre de plus près les questions liées aux PDI, tant par le biais de son mécanisme de suivi pays par pays conduit par la Commission de suivi que par le biais des rapports «régionaux» ou spécifiques établis par sa Commission des migrations, des réfugiés et de la population. Plus particulièrement, le rapporteur estime qu’il convient de continuer de faire porter l’attention sur la situation des personnes déplacées dans la région du Caucase et en Turquie.

7. Perspectives d’avenir: propositions

77. Quatre éléments doivent être mis en place pour garantir que les PDI pourront exercer pleinement leurs droits de l’homme en Europe:
a. des efforts renouvelés de la communauté internationale pour trouver des solutions politiques;
b. un cadre juridique et normatif solide;
c. une volonté politique forte de la part de tous les acteurs concernés d’établir ce cadre;
d. la capacité de ces acteurs de le mettre en œuvre.
78. Si, sur le plan juridique, c’est aux gouvernements et aux pouvoirs locaux qu’il incombe sans conteste au premier chef de protéger les personnes déplacées, il est du devoir commun de l’Europe de trouver des solutions politiques aux conflits internes qui perdurent. La guerre qui a opposé récemment la Géorgie à la Russie a rappelé de sinistre manière que la menace de la guerre est bien réelle en Europe, même au XXIe siècle, et que la «politique de l’autruche» au niveau international et la réticence à s’attaquer au cœur du problème peuvent avoir de lourdes conséquences. Le rapporteur souligne que la résolution de la question des déplacements internes et la prévention des déplacements futurs sont des éléments essentiels de la consolidation de la paix, et sont donc inextricablement liées au maintien d’une paix durable. Une pression bien plus forte de la communauté internationale est indispensable pour trouver des solutions politiques et mettre au point des mécanismes de réconciliation.
79. L’absence de solutions politiques ne devrait cependant pas servir d’excuse aux gouvernements pour justifier leur incapacité à faire face aux situations de déplacement de longue durée. En effet, c’est aux gouvernements qu’il incombe, au premier chef, de protéger les droits de leurs citoyens, y compris des personnes déplacées, même en cas de conflit enlisé et d’absence de contrôle territorial.
80. Le droit des PDI de retourner chez elles en vertu du droit humanitaire international ainsi que celui d’exercer leur droit à la liberté de circulation découlant du droit international et régional des droits de l’homme doivent être respectés et garantis sans condition par toutes les autorités compétentes. A cette fin, il faut assurer la sécurité des personnes qui souhaitent potentiellement rentrer chez elles, ce qui vient souligner la nécessité de traduire en justice ceux qui se trouvent à l’origine de leur déplacement. Il est également essentiel de garantir des conditions de vie décentes aux personnes déplacées; ainsi, ces dernières doivent avoir accès aux services élémentaires tels que l’éducation ou les soins de santé et pouvoir trouver un emploi ou un autre moyen de subsistance. Les maisons endommagées doivent être réparées ou reconstruites, les propriétés occupées doivent être restituées à leurs propriétaires et les autres droits de location ou d’occupation doivent également être restitués.
81. En réalité, le retour peut s’avérer très compliqué, même une fois que les obstacles politiques et matériels ont été levés. Bien souvent, les discours et les arrangements financiers sont vains face à un climat hostile, comme en atteste l’exemple de la Bosnie-Herzégovine, où nombre de personnes déplacées ont préféré vendre leur maison plutôt que de revenir chez elles. Bien que cette tendance puisse laisser croire à l’échec des retours, il importe de rappeler que ces derniers doivent toujours être volontaires, qu’ils ne sont pas obligatoires.
82. Il est du devoir des autorités de mettre en place les conditions qui permettront aux PDI d’opter pour trois options viables: le retour, l’intégration à l’échelon local ou l’intégration ailleurs dans le pays. Elles doivent veiller à ne pas favoriser une approche en excluant les autres et à fonder leur politique et leurs programmes sur des enquêtes participatives à propos des solutions durables que préfèrent les PDI, menées auprès des populations déplacées, y compris auprès des groupes marginalisés. Le fait de permettre aux PDI de mener une vie normale dans leurs lieux actuels de résidence et celui de protéger leur droit au retour ne s’excluent pas mutuellement.
83. Il est indispensable de perfectionner les cadres juridiques et normatifs aux niveaux national et international. Les personnes déplacées doivent bénéficier du même niveau de protection de leurs droits et des mêmes possibilités de les exercer que le reste de la population, même s’il peut être nécessaire de prendre certaines mesures supplémentaires spécifiques pour faire respecter ces droits. Les personnes déplacées ont une vulnérabilité particulière et des besoins spéciaux en matière d’aide que ne partage pas le reste de la population. Elles ont donc droit à un traitement différencié et préférentiel sans que celui-ci soit pour autant jugé «discriminatoire».
84. Il ne faut toutefois pas que les autres personnes à risque soient reléguées au deuxième plan du fait de l’attention particulière portée aux personnes déplacées. Les débats au cours desquels ont met en exergue les problèmes des PDI sont souvent entendus comme impliquant que la situation des personnes qui n’ont pas été déplacées est comparativement plus sûre et que les PDI encourent systématiquement davantage de risques. Cela n’est pas toujours le cas. ll n’est pas rare que des personnes ne soient pas en mesure de quitter leur foyer lors d’un conflit armé, même s’il peut être dangereux de rester. Ces dernières ont aussi besoin d’une attention prioritaire.
85. A l’heure actuelle, les pays européens concernés sont, dans l’ensemble, au stade de la reconstruction et de la réhabilitation qui font suite aux conflits. Les gouvernements ont modifié progressivement leur façon d’aborder la question des personnes déplacées: ils se sont éloignés de l’aide humanitaire pour intégrer l’assistance et le développement dans les stratégies de développement et dans les programmes de lutte contre la pauvreté. Dans plusieurs pays, l’aide directe aux personnes déplacées a été progressivement supprimée. Cela s’explique par le fait que l’on s’attend à ce que les personnes déplacées bénéficient des aides proposées par le système normal de protection sociale, tout comme d’autres citoyens, selon des critères socioéconomiques.
86. Cette évolution est positive dans la mesure où elle renforce assurément l’intégration des personnes déplacées dans les structures sociales existantes et normalise leur situation en tant que citoyens. Toutefois, elle comporte aussi le risque de voir ignorés leurs besoins spécifiques. Une grande partie de la population continue de vivre dans des centres collectifs, n’a pas de terre à cultiver, doit se battre pour avoir des revenus et est victime de discrimination au niveau de l’accès aux services publics. Il est donc fort nécessaire que les pouvoirs nationaux consacrent des ressources et mettent à profit leur expérience et leur volonté politique pour surmonter la vulnérabilité particulière des personnes déplacées sur leur lieu de résidence. Une assistance internationale est également requise en permanence, notamment pour ce qui est de l’aide technique et de l’échange de données d’expérience et de connaissances.
87. Il convient d’accorder, dans les plans d’action relatifs aux personnes déplacées, une attention particulière aux groupes minoritaires afin d’éviter un nouveau cycle de violations de leurs droits. Les membres de groupes minoritaires ont souvent besoin de mesures spéciales de protection parce qu’ils ne possédaient pas de pièce d’identité ni de document attestant de leur lieu de résidence avant leur déplacement. Les gouvernements doivent encore prendre conscience de la nécessité d’instaurer un climat de tolérance et de dialogue pour que la diversité culturelle et ethnique ne soit plus source de division, mais facteur d’enrichissement et de cohésion pour les sociétés européennes.
88. Les autorités compétentes devraient accorder une attention et une assistance particulières aux enfants, en particulier à ceux qui se retrouvent non accompagnés au cours d’un conflit armé, afin de répondre à leurs besoins élémentaires et de garantir leurs droits fondamentaux, dont le logement et l’accès à l’éducation. Les femmes et les jeunes filles sont aussi particulièrement exposées à des risques de sévices et de violence sexuelle. Enfin, il convient d’apporter un soutien spécifique aux victimes d’actes de violence et de torture.
89. Il importe également de combler des lacunes considérables en matière de mise en œuvre. Par exemple, les avantages fiscaux et les dispositions sociales favorables prévues par la loi dans certains pays ne sont pas toujours reconnus et appliqués dans la pratique. De plus, l’efficacité des organismes et des agences chargées de l’application des lois dans les pays concernés doit être améliorée. Bien souvent, les complexités administratives et les lourdeurs de la bureaucratie auxquelles se heurtent les personnes déplacées sont davantage liées à un manque de capacités administratives qu’à un manque de volonté.
90. Il importe d’encourager et de développer les initiatives qui partent de la base. La société civile et les ONG ont un rôle essentiel à jouer pour faire entendre la voix des personnes déplacées et défendre leurs intérêts. De leur côté, les personnes déplacées doivent être mieux informées sur les instruments dont elles disposent pour se protéger. Enfin, elles doivent être mises au fait de toutes les démarches pertinentes et consultées à cet égard en vue de la recherche de solutions durables; elles doivent également, dans la mesure du possible, avoir la possibilité de prendre part aux décisions qui les concernent.
91. Il n’existe pas de solution unique au problème du déplacement à l’intérieur de son propre pays. Les personnes concernées ont, en matière de protection et d’assistance, des besoins très différents. Il faut donc promouvoir des réponses innovantes pour traiter efficacement la multitude de besoins des populations confrontées à ce problème.

Annexe – Synthèse des principales questions examinées par le rapporteur lors de la visite en Arménie et en Azerbaïdjan, du 4 au 8 mai 2009

(open)

1. Au cours de sa visite à Erevan les 4 et 5 mai et à Bakou du 6 au 8 mai, le rapporteur a recensé un certain nombre de questions restant à traiter par les autorités arméniennes et azerbaïdjanaises, dans certains cas en collaboration avec et grâce à l’assistance financière et à l’expertise technique de la communauté internationale, mais également avec la participation des PDI elles-mêmes, afin qu’elles puissent faire entendre leur point de vue sur ces questions.

Arménie

2. Le Conseil norvégien pour les réfugiés a estimé dans une étude de 2004 qu’il y avait encore 8 000 personnes déplacées dans le pays suite au conflit avec l’Azerbaïdjan au début des années 1990. D’après le directeur de l’Agence des migrations du ministère de l’Administration territoriale de la République d’Arménie, il y a trois catégories différentes de personnes déplacées à l’intérieur du pays: tout d’abord, les quelque 100 000 personnes déplacées suite au tremblement de terre de 1988; ensuite, les quelque 70 000 personnes déplacées suite aux bombardements dans la zone frontalière par les forces azerbaïdjanaises en 1992-1994 et enfin, 20 000 autres personnes déplacées suite à des catastrophes plus récentes, naturelles et/ou causées par l’homme. Etant donné qu’un nombre bien plus important d’Arméniens ont été déplacés de force de l’Azerbaïdjan au cours du conflit précité (près de 360 000 au total), la situation dramatique des personnes déplacées dans leur propre pays par suite du même conflit a le plus souvent été reléguée au second plan. Par ailleurs, certains réfugiés d’Azerbaïdjan se sont d’abord installés dans les zones frontalières de l’Arménie, avant d’être déplacés à l’intérieur du pays.

3. Il n’existe pas de législation spécifique pour la protection des PDI en Arménie, ni de définition claire de la responsabilité nationale en la matière. Pour légitimes que soient les affirmations du gouvernement selon lesquelles, en tant que citoyens, les PDI jouissent des mêmes droits que les autres citoyens arméniens, le fait qu’il n’y ait pas de définition des PDI dans la législation arménienne entraîne une certaine confusion et une mauvaise interprétation de leur statut. En outre, comme il a été fait remarquer dans le rapport explicatif, les PDI ont une vulnérabilité particulière qu’il convient de définir dans la législation et de prendre en compte au niveau des politiques des pouvoirs publics.

4. Le gouvernement arménien a mené pendant longtemps une politique d’intégration des réfugiés (dont quelques-uns étaient également des PDI de la zone frontalière). Depuis l’adoption en 2000 de la loi sur les personnes déplacées de force de l’Azerbaïdjan entre 1988 et 1992, quelque 85 000 réfugiés ont été naturalisés. Selon les estimations de certaines ONG, seuls 20 000 d’entre eux auraient obtenu le statut de réfugié. Bon nombre de ceux qui ont obtenu la citoyenneté utilisent leur passeport pour s’installer en dehors des frontières de l’Arménie; 150 000 réfugiés et personnes déplacées dans leur pays auraient émigré 
			(39) 
			Selon les différentes
estimations, le nombre de personnes ayant quitté l’Arménie depuis
1992 oscille entre 900 000 et 1 000 000, <a href='http://www.dmr.am/ADMR/INDEX.HTML'>http://www.dmr.am/ADMR/INDEX.HTML</a>., pour la plupart en Russie mais également dans les pays d’Europe occidentale et aux Etats-Unis.

5. La législation garantit à tous les réfugiés et personnes naturalisées le droit à une protection et à une assistance. Cela étant, les conditions de vie de la plupart des (anciens) réfugiés ne se sont pas améliorées. Les réfugiés suite à des conflits sont en majorité dispersés dans des zones rurales et urbaines, principalement dans la capitale Erevan et dans les provinces de Syunik, Tavush et Gegharkunik 
			(40) 
			«Internal displacement:
Global Overview of trends and developments in 2008», IDMC et Conseil
norvégien pour les réfugiés, mai 2009, p. 78.. Quelques-uns ont pu acheter un logement; d’autres habitent les maisons libérées par les réfugiés azerbaïdjanais lors du conflit. Bon nombre d’entre eux restent toutefois confrontés à des problèmes de logement inadéquat et de pauvreté extrême. D’après les informations fournies par les organisations locales de la société civile, il existe encore 150 des 280 «dortoirs» pour réfugiés et PDI, dans lesquels les conditions de vie sont très rudimentaires. La pauvreté est rampante au sein de la population de réfugiés/PDI et le taux de chômage y serait trois fois plus important que dans la population majoritaire. Les familles ont des difficultés à subvenir à leurs besoins matériels, et ne sont souvent pas en mesure d’assurer l’éducation de leurs enfants; elles sont également privées de leurs droits économiques et sociaux fondamentaux.

6. L’amélioration des conditions de logement et la mise à disposition d’un logement approprié pour tous sont les grandes priorités déclarées du gouvernement. De nombreux bâtiments «dortoirs» qui pouvaient l’être ont été remis en état avec l’aide de fonds du HCR et du Conseil norvégien pour les réfugiés 
			(41) 
			«Réfugiés et personnes
déplacées en Arménie, Azerbaïdjan et Géorgie», rapport de la Commission
des migrations, des réfugiés et de la population (Rapporteur: M. Cilevics,
Lettonie, Groupe socialiste), Doc. 10835 de l’APCE du 6 février 2006, p. 5.. Certains ont été privatisés, ce qui a permis à leurs occupants de devenir propriétaires. En 2004, un programme spécial de certificats d’acquisition de logements (à la valeur nominale de 30 000 dollars US par famille de deux personnes) a été lancé pour permettre aux réfugiés qui vivaient alors dans des conditions particulièrement précaires dans des centres collectifs d’acquérir de nouveaux appartements. Entre 3 300 et 3 740 familles 
			(42) 
			Le
premier chiffre a été fourni par le chef de l’Agence des migrations,
le second par le Bureau du défenseur public. remplissant les conditions requises pour bénéficier de ce programme ont été recensées en 2003. En trois ans, environ 900 familles de neuf des onze «marzes» (divisions territoriales de l’Arménie) ont résolu leurs problèmes de logement grâce à ces certificats. Les responsables gouvernementaux et les représentants de la société civile s’accordent toutefois à reconnaître que la somme ci-dessus ne correspond pas aux conditions du marché, en particulier dans les zones urbaines 
			(43) 
			La manière dont les
familles dans le besoin ont été choisies, après un simple examen
ponctuel de leur cas, a également donné lieu à de nombreuses plaintes
auprès du Bureau du défenseur des droits de l’homme arménien, d’après ce
dernier.. Il a donc été décidé récemment que dans le cas des grandes villes comme Erevan, de nouveaux logements seraient construits. L’Etat a besoin de 45 millions de dollars US à cette fin. Le rapporteur propose, compte tenu des difficultés économiques que rencontre actuellement l’Arménie, que ce problème soit résolu grâce à l’aide de donateurs internationaux. Il invite en particulier l’Union européenne à envisager le financement de ces projets par le biais du nouveau programme de Partenariat oriental ou d’autres programmes applicables. Il encourage vivement les autorités arméniennes à envisager d’adhérer à la Banque de développement du Conseil de l’Europe, afin de pouvoir bénéficier de nouvelles possibilités de financement pour des programmes concernant les réfugiés et PDI.

7. Bien que de nombreuses personnes déplacées aient regagné leur domicile dans la zone frontalière avec le Haut-Karabakh, elles souffrent toujours d’un accès limité à des services médicaux adéquats ou à l’éducation en raison d’un manque de personnel ou des dégâts subis par les infrastructures et les bâtiments 
			(44) 
			«Internal displacement:
Global Overview of trends and developments in 2008», IDMC et Conseil
norvégien pour les réfugiés, mai 2009, p. 78.. L’insécurité permanente, les mines terrestres, la destruction des infrastructures et le peu d’opportunités en matière d’emploi dissuadent les PDI restantes de revenir. En 2008, le gouvernement arménien a adopté un nouveau programme de «réhabilitation des territoires frontaliers de la République d’Arménie après le conflit» qui vise notamment à reloger 1005 autres familles (environ 20 000 personnes) souhaitant revenir. Il cherche actuellement des fonds pour la mise en œuvre de ce programme, d’un montant estimé à 38,5 millions de dollars US, y compris pour la réinstallation des familles concernées et la réhabilitation de près de 20 000 logements endommagés ou détruits au cours du conflit.

8. A Erevan, le rapporteur a obtenu des informations faisant état d’une lassitude générale des donateurs. Il n’y a aujourd’hui aucun organisme international apportant une protection ou une assistance aux PDI, bien que bon nombre d’entre eux soient associés à des programmes de réduction de la pauvreté. Le rapporteur estime qu’un financement et une assistance technique internationaux restent indispensables pour augmenter le nombre de programmes spécifiques pour les réfugiés/PDI. Il serait possible de parvenir à des solutions durables pour les personnes déplacées dans le cadre de programmes plus vastes axés sur leurs besoins particuliers en matière de logement, d’accès à des terres cultivables, de déminage ou encore d’opportunités économiques ou de projets de développement régional.

Azerbaïdjan

9. L’Azerbaïdjan, où il y aurait entre 573 000 et 603 000 PDI 
			(45) 
			D’après l’étude globale
2008 de l’IDMC, le gouvernement azerbaïdjanais a estimé ce chiffre
à 572 531 PDI en avril 2008, y compris les 200 000 enfants nés depuis
de PDI de sexe masculin. En décembre 2008, le HCR a avancé le chiffre
de 603 251 PDI., est le pays européen qui présente la plus forte concentration de personnes déplacées. Du fait du désaccord politique persistant quant à l’avenir du Haut-Karabakh et des districts voisins, la situation de la plupart des PDI azerbaïdjanaises n’évolue pas. Plutôt que de donner la priorité à l’intégration locale, le gouvernement azerbaïdjanais prend des mesures en faveur du retour, et ce depuis de nombreuses années. Tout en soulignant le droit des PDI de regagner volontairement leurs anciens lieux de résidence dans la sécurité et la dignité, le rapporteur se félicite du récent changement de politique gouvernementale, visant à assurer des conditions de vie adéquates aux personnes déplacées dans le besoin, et salue les efforts déployés par le gouvernement pour rendre la législation conforme aux Principes directeurs des Nations Unies. Le gouvernement de l’Azerbaïdjan semble prendre ses responsabilités au sérieux. Conformément au programme d’Etat pour les PDI de 2004, les derniers camps de PDI ont été fermés en décembre 2007.

10. Depuis 2001, le gouvernement a relogé au total quelque 90 000 PDI – qui vivaient dans les pires conditions – dans 49 nouveaux villages. Les communautés déplacées ont été installées et réinstallées ensemble afin de faciliter leur réintégration ultérieure dans leurs lieux d’origine. Ce choix peut se justifier, mais le fait de vivre dans des communautés fermées et nostalgiques empêche l’intégration de ces PDI dans leurs nouvelles zones d’installation et renforce leur sentiment selon lequel le retour est l’unique solution. Toutes les PDI avec lesquelles le rapporteur s’est entretenu considéraient que la seule solution possible à leurs problèmes était de regagner leurs lieux de résidence dans la région du Haut-Karabakh.

11. Le programme d’Etat 2007-2011 pour les PDI, doté d’un budget d’un milliard de dollars US 
			(46) 
			«Azerbaijan: IDPs still
trapped in poverty and dependence», IDMC, 14 juillet 2008 / <a href='http://www.internal-displacement.org'>www.internal-displacement.org</a>., prévoit la réinstallation de quelque 75 000 PDI dans de nouveaux villages, la construction de nouvelles infrastructures et la création d’opportunités en matière d’emploi. Pour la seule année 2008, 336,9 millions d’AZN 
			(47) 
			Rapport annuel 2008
du Centre des migrations de l’Azerbaïdjan, Ganun, 2009, p. 19. (environ 336 millions d’euros) ont été alloués du budget de l’Etat, du Fonds pétrolier national et d’autres sources pour résoudre les problèmes sociaux des PDI et réfugiés, soit trois fois plus qu’il y a cinq ans. Si cette augmentation du financement est la bienvenue, il importe également de veiller à ce que les nouvelles zones d’habitation soient conçues de manière à assurer la sécurité physique des PDI, notamment lorsqu’elles sont situées à la frontière avec le Haut-Karabakh, et à leur offrir des possibilités d’emploi et autres opportunités économiques.

12. Abstraction faite de celles qui ont été relogées, près de la moitié de PDI continuent de vivre dans des conditions difficiles, dans des centres collectifs ne répondant pas aux normes, des huttes de terre auto-construites, des maisons abandonnées ou avec des membres de leur famille, et ce depuis plus de quinze ans. Quelque 70 000 PDI occupent illégalement des appartements privés, laissés vacants par des personnes d’origine arménienne au cours du conflit. En dehors des grandes villes où résident près de 40 pour cent des PDI, les autres PDI vivent principalement dans les régions du centre et de l’ouest du pays, près du Haut-Karabakh. Si le gouvernement a fermé les camps dans lesquels les conditions étaient les plus déplorables, certaines PDI continuent de vivre dans des abris de piètre qualité structurelle 
			(48) 
			«Azerbaijan: IDPs still
trapped in poverty and dependence», IDMC, 14 juillet 2008, p. 4.. Davantage de mesures sont donc nécessaires pour étendre à ceux qui vivent dans des abris de fortune ou des logements temporaires le bénéfice des programmes d’amélioration des conditions de logement.

13. Le rapporteur encourage également le gouvernement azerbaïdjanais à prendre des dispositions pour garantir la sécurité d’occupation aux familles déplacées qui ne disposent pas de titres de propriété dans leurs nouvelles zones d’installation et dans leurs logements clandestins, ou dans les villages qu’ils regagnent. Il n’existe actuellement aucune loi sur la réinstallation permettant de clarifier les fondements juridiques de la résidence des PDI dans ces logements 
			(49) 
			Idem,
p.6..

14. De nombreuses organisations humanitaires internationales présentes à Bakou se sont montrées préoccupées par la dépendance croissante des personnes déplacées à l’égard de l’assistance directe du gouvernement. Celles-ci perçoivent en effet une allocation mensuelle de près de 14 euros et bénéficient d’une aide alimentaire, d’un ravitaillement en combustible, ainsi que de la gratuité des services communaux et de l’enseignement supérieur. Les personnes déplacées dans leur propre pays courent un risque deux fois plus grand d’être au chômage que le reste de la population. S’il est plus facile de trouver un emploi dans les villes, bon nombre d’entre elles éprouvent des difficultés à faire enregistrer leur résidence, en raison d’obstacles administratifs, de l’absence de documents et de la corruption. Dans les zones rurales, la culture des terres est peu développée du fait de la lenteur du déminage. Le sentiment d’insécurité et l’incertitude quant à l’avenir constituent également un obstacle à l’autonomie des PDI.

15. L’accès à une éducation de qualité et à des services médicaux, en particulier aux traitements de santé mentale, est une autre source de préoccupation. Près de 60 pour cent des enfants déplacés étudient dans des classes séparées. La pauvreté et, chez les filles, le déplacement des familles et le mariage précoce, conduisent certains élèves/étudiants déplacés à abandonner leurs études. Des efforts supplémentaires sont nécessaires pour faire en sorte que les enfants déplacés soient scolarisés dans des écoles mixtes et qu’ils puissent bénéficier d’une éducation de qualité sans obstacles financiers.

16. L’amélioration des mécanismes d’intégration et de participation des différents groupes de PDI à toutes les étapes des programmes et politiques nationaux les concernant devrait également être encouragée. Actuellement, les PDI ne sont pas consultées sur les décisions gouvernementales qui les concernent. Elles ne peuvent pas non plus se présenter aux élections municipales locales du fait de leurs problèmes d’état-civil.

17. Au cours de sa visite, le rapporteur a reçu des informations sur le plan-cadre du gouvernement relatif au retour des personnes déplacées, connu sous le nom de programme de «grands retours», en cours d’élaboration par 32 organismes publics et organisations internationales. Ce document devrait contenir des dispositions en vue du retour des personnes d’origine azerbaïdjanaise après la résolution du conflit et le versement d’indemnisations (estimées à 60 milliards de dollars US 
			(50) 
			Rapport annuel
2008 du Centre des migrations de l’Azerbaïdjan, Ganun, 2009, p. 19.). Le rapporteur invite les autorités azerbaïdjanaises, ainsi que la communauté internationale, à étudier attentivement et à planifier les coûts, les besoins en matière de reconstruction, la question de la sensibilisation de l’opinion publique et de la préparation psychologique des rapatriés potentiels, ainsi qu’à établir un registre adéquat des titres et autres justificatifs de propriété laissés par les PDI. La communauté internationale devrait également participer plus activement au déminage et à l’enlèvement des autres munitions non explosées dans les zones de retour potentielles.

18. Enfin, l’attention du rapporteur a été attirée sur la baisse du soutien des donateurs et leur tendance à privilégier des programmes plus vastes de développement économique et de réduction de la pauvreté plutôt que l’assistance directe, ces évolutions s’expliquant principalement par une augmentation des capacités financières du pays. Les connaissances et l’expertise techniques restent toutefois indispensables, non seulement en ce qui concerne les questions liées aux PDI et aux réfugiés, mais également pour aider l’Azerbaïdjan à faire face à l’augmentation du nombre de réfugiés et de PDI à mesure que le pays gagne en prospérité. Le rapporteur demande par conséquent à tous les acteurs concernés de ne pas relâcher leur soutien et de donner la priorité à l’assistance et à l’expertise techniques, s’il y a lieu.

***

Commission chargée du rapport: commission des migrations, des réfugiés et de la population

Renvoi en commission: Doc. 11804, Renvoi n° 3523 du 30 janvier 2009

Projet de recommandation adopté par la commission à l’unanimité le 27 mai 2009

Membres de la commission: Mme Corien W.A. Jonker (Présidente), M. Hakki Keskin (1er Vice-président), M. Doug Henderson (2ème Vice-président) (remplaçant: M. Bill Etherington), M. Pedro Agramunt (3ème Vice-président) (remplaçant: M. Gabino Puche), Mme Tina Acketoft, M. Francis Agius (remplaçant: M. Joseph Debono Grech), M. Ioannis Banias, M. Alexander van der Bellen, M. Márton Braun, M. André Bugnon, M. Sergej Chelemendik, M. Vannino Chiti, M. Christopher Chope (remplaçant: M. Michael Hancock), M. Boriss Cilevičs, M. Titus Corlăţean, M. Telmo Correia, Mme Claire Curtis-Thomas, M. David Darchiashvili, M. Arcadio Díaz Tejera, M. Mitko Dimitrov, M. Vangjel Dule, M. Tuur Elzinga (remplaçante: Mme Tineke Strik), M. Valeriy Fedorov, M. Oleksandr Feldman, M. Relu Fenechiu, Mme Doris Fiala, M. Bernard Fournier, M. Aristophanes Georgiou, M. Paul Giacobbi, Mme Gunn Karin Gjul, Mme Angelika Graf, M. John Greenway, M. Andrzej Grzyb, M. Michael Hagberg, Mme Gultakin Hajibayli, M. Davit Harutyunyan (remplaçante: Mme Hermine Naghdalyan), M. Jürgen Herrmann, M. Bernd Heynemann, M. Jean Huss, M. Tadeusz Iwiński, M. Zmago Jelinčič Plemeniti, M. Mustafa Jemiliev, M. Tomáš Jirsa, M. Reijo Kallio, M. Ruslan Kondratov, M. Franz Eduard Kühnel, M. Andros Kyprianou, M. Geert Lambert, M. Pavel Lebeda, M. Younal Loutfi, M. Arminas Lydeka, M. Andrija Mandić, M. Jean-Pierre Masseret, M. Slavko Matić, Mme Nursuna Memecan, Mme Ana Catarina Mendonça, M. Gebhard Negele, M. Hryhoriy Omelchenko, M. Alexey Ostrovsky, M. Grigore Petrenco, M. Jørgen Poulsen, M. Cezar Florin Preda (remplaçant: M. Iosif Veniamin Blaga), M. Milorad Pupovac, Mme Mailis Reps, M. Gonzalo Robles, M. Branko Ružić,M. Giacomo Santini, M. André Schneider, M. Samad Seyidov, M. Steingrímur J. Sigfússon, Mme Miet Smet, M. Dimitrios Stamatis, M. Florenzo Stolfi, M. Giacomo Stucchi, M. Vilmos Szabó, M. Dragan Todorović, M. Tuğrul Türkeş, Mme Özlem Türköne, M. Michał Wojtczak, M. Marco Zacchera, M. Yury Zelenskiy, M. Andrej Zernovski.

N.B.: Les noms des membres ayant pris part à la réunion sont imprimés en caractères gras.

Secrétariat de la commission: M. Neville, Mme Odrats, M. Ekström, Mme Meredith