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Avis de commission | Doc. 11965 | 23 juin 2009

Réexamen pour des raisons substantielles des pouvoirs déjà ratifiés de la délégation ukrainienne (article 9 du Règlement de l’Assemblée)

Commission du Règlement, des immunités et des affaires institutionnelles

Rapporteur : M. Eduard LINTNER, Allemagne

Origine - Voir Doc. 11963, rapport présenté par la commission des questions juridiques et des droits de l’homme. 2009 - Troisième partie de session

A. Conclusions de la commission

(open)

La commission du Règlement, des immunités et des affaires institutionnelles est d’avis que la proposition contenue dans le rapport de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme relatif aux pouvoirs de la délégation ukrainienne (Doc. 11963) est conforme au Règlement de l’Assemblée et au Statut du Conseil de l’Europe. Toutefois, elle souhaite présenter un amendement, destiné à compléter le projet de résolution présenté.

B. Exposé des motifs

(open)

1. Introduction

1. Le 19 mai 2009, M. Marty et 19 autres membres de l’Assemblée ont présenté une proposition de résolution visant à annuler les pouvoirs ratifiés de la délégation parlementaire ukrainienne pour des raisons substantielles, conformément à l’article 9 du Règlement (Doc. 11921).
2. Lors de sa réunion du 28 mai 2009, le Bureau a décidé de renvoyer cette proposition pour rapport à la commission des questions juridiques et des droits de l’homme, et, conformément à l’article 9.2 du Règlement, pour avis à la commission du Règlement, des immunités et des affaires institutionnelles. Cette décision a été ratifiée par la Commission permanente le 29 mai.
3. Il est remarquable que l’Assemblée trouve à être saisie pour la troisième fois en moins d’un an d’une demande d’annulation des pouvoirs d’une délégation, alors que la procédure prévue à l’article 9 est restée inusitée jusqu’alors depuis son instauration, en 1996.
4. La commission du Règlement, des immunités et des affaires institutionnelles entend donc renvoyer expressément à ses avis précédents dans lesquels mention est faite des critères qu’elle entend voir appliquer s’agissant de l’examen par l’Assemblée de telles demandes. En particulier, la commission a considéré que «s’agissant d’une procédure d’une importance politique majeure, qui nécessite d’être conduite avec rigueur en raison des conséquences qu’elle emporte, elle ne saurait être utilisée comme un simple moyen de pression à des fins purement tactiques» 
			(1) 
			Voir avis de la commission
sur le «Réexamen des pouvoirs déjà ratifiés de la délégation russe
pour des raisons substantielles» (Doc. 11728), et avis de la commission
sur «la mise en œuvre par l’Arménie des Résolutions 1609 (2008) et 1620 (2008) de l’Assemblée»
(Doc. 11799). . C’est la raison pour laquelle la commission du Règlement, des immunités et des affaires institutionnelles reste particulièrement attentive à la motivation qui sous-tend une demande de réexamen des pouvoirs d’une délégation, et qu’elle entend examiner sa conformité au Règlement de l’Assemblée.
5. La commission du Règlement, des immunités et des affaires institutionnelles examinera également, dans le présent avis, la conformité de la proposition formulée par la commission des questions juridiques et des droits de l’homme dans son rapport (voir Doc. 11963) au Règlement, notamment à son article 9, ainsi qu’au Statut du Conseil de l’Europe.

2. Conformité de la demande de réexamen des pouvoirs au Règlement

6. En premier lieu, la commission du Règlement, des immunités et des affaires institutionnelles considère qu’il est utile de procéder à l’examen de la demande préalable de réexamen des pouvoirs déjà ratifiés de la délégation parlementaire ukrainienne sur le fondement de l’article 9, qui figure dans la proposition de résolution, s’agissant de sa conformité au regard du Règlement.

2.1. Sur la recevabilité formelle de la demande

7. L’article 9.2 dispose que «la proposition de résolution visant à annuler la ratification doit être déposée par au moins 20 membres, appartenant à deux groupes politiques et à cinq délégations nationales au moins (…)». La demande est recevable, ayant été déposée par 20 membres appartenant à 4 groupes politiques et à 11 délégations nationales.
8. Le délai prévu à l’article 9.2 («La proposition de résolution (…) doit être (…) diffusée au moins deux semaines avant l’ouverture d’une partie de session (…)») a également été respecté, la proposition ayant été reçue et diffusée le 19 mai 2009.

2.2. Sur la motivation de la demande

9. L’article 9.1.a dispose que «L’Assemblée peut reconsidérer les pouvoirs ratifiés d’une délégation nationale dans son ensemble (…) sur la base d’une proposition de résolution tendant à annuler la ratification pour un ou plusieurs des motifs visés à l’article 8.2 (…)».
10. L’article 8.2, quant à lui, stipule que:
«Les raisons substantielles pour lesquelles les pouvoirs peuvent être contestés sont:
a. une violation grave des principes fondamentaux du Conseil de l’Europe mentionnés à l’article 3 
			(2) 
			Article 3:
«Tout membre du Conseil de l’Europe reconnaît le principe de la
prééminence du droit et le principe en vertu duquel toute personne
placée sous sa juridiction doit jouir des droits de l’homme et des
libertés fondamentales. Il s’engage à collaborer sincèrement et
activement à la poursuite du but défini au chapitre Ier.» et dans le préambule du Statut; ou
b. le manque de respect persistant des obligations et engagements et le manque de coopération dans le processus de suivi de l’Assemblée».
11. La demande de contestation des pouvoirs dont est saisie l’Assemblée allègue l’existence «d’une violation grave des principes fondamentaux du Conseil de l’Europe mentionnés à l’article 3 du Statut du Conseil de l’Europe» se rapportant au refus persistant du Gouvernement ukrainien de présenter à l’Assemblée un troisième candidat à la liste des candidats pour l’élection d’un juge à la Cour européenne des droits de l’homme, et à la nomination d’un juge ad hoc siégeant de fait à la Cour, ce qui «porte atteinte à la crédibilité de la Cour et est contraire aux obligations de base de l’Ukraine en tant que Haute Partie contractante à la Cour européenne des droits de l’homme». Les signataires de la proposition concluent à la nécessité pour l’Assemblée «d’annuler la ratification des pouvoirs de la délégation ukrainienne auprès de l’Assemblée parlementaire pour des raisons substantielles, conformément à l’article 9.1.a du Règlement de l’Assemblée».
12. Dans ces précédents avis portant sur un réexamen des pouvoirs d’une délégation, la commission a attiré l’attention de l’Assemblée sur son souci de ne pas voir la procédure prévue à l’article 9 galvaudée par une utilisation abusive. Il est utile de rappeler que la procédure de l’article 9 a été instaurée parallèlement à la consolidation de la procédure de suivi des obligations et engagements des Etats membres, pour répondre à la volonté de l’Assemblée de pouvoir «remettre en cause des pouvoirs ratifiés quand elle juge qu’une action urgente est nécessaire» 
			(3) 
			Voir
rapport sur la contestation des pouvoirs de délégations nationales
dans le courant d’une session ordinaire (Doc. 7481) et Résolution 1081 (1996)..
13. Dans ces mêmes précédents avis, la commission avait recommandé que toute demande visant à contester les pouvoirs d’une délégation sur la base de l’article 9 devait être dûment motivée, et que ses auteurs indiquent les preuves de la violation grave mentionnée à l’article 8.2. La commission du Règlement, des immunités et des affaires institutionnelles constate que la demande présentée, aux fins d’annulation des pouvoirs de la délégation parlementaire ukrainienne, comporte un argumentaire détaillé des griefs formulés à son appui.

3. Examen de la proposition de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme et des droits de l’homme

14. La commission du Règlement, des immunités et des affaires institutionnelles a examiné le rapport adopté par la commission des questions juridiques et des droits de l’homme au regard de la conformité du projet de résolution qu’il contient avec le Règlement de l’Assemblée et le Statut du Conseil de l’Europe.
15. L’article 9.4 du Règlement dispose que:
«Les rapports soumis à l’Assemblée ou à la Commission permanente conformément aux paragraphes 2 et 3 doivent contenir un projet de résolution proposant dans son dispositif:
a. la confirmation de la ratification des pouvoirs;
b. l’annulation de la ratification des pouvoirs;
c. la confirmation de la ratification des pouvoirs, assortie de la privation ou la suspension, applicable aux membres de la délégation concernée, de l’exercice de certains des droits de participation ou de représentation aux activités de l’Assemblée et de ses organes».
16. La commission des questions juridiques et des droits de l’homme propose «pour l’instant, de ne pas annuler et donc de confirmer les pouvoirs de la délégation parlementaire ukrainienne, étant entendu qu’il devra être remédié sans plus tarder au non-respect – par l’Ukraine – de ses obligations de base en vertu de la Convention et du Statut de l’Organisation».
17. La commission du Règlement, des immunités et des affaires institutionnelles relève que le rapport présenté par la commission des questions juridiques et des droits de l’homme comporte l’exposé détaillé des tenants et aboutissants du problème de l’élection d’un juge à la Cour au titre de l’Ukraine, qui perdure depuis deux ans. La commission conclut qu’il y a «non-respect – par l’Ukraine – de ses obligations de base en vertu de la Convention et du Statut de l’Organisation». Toutefois, alors que la commission des questions juridiques et des droits de l’homme allègue d’«une violation grave des principes fondamentaux du Conseil de l’Europe mentionnés à l’article 3 et dans le préambule du Statut de l’Organisation», la commission du Règlement, des immunités et des affaires institutionnelles s’interroge sur la question de savoir si les arguments avancés seraient effectivement de nature àmotiver et à justifier une demande de sanction – si elle avait été demandée par la commission des questions juridiques et des droits de l’homme, ce qui n’est pas le cas – qui serait proportionnelle à la gravité des faits.
18. La commission du Règlement, des immunités et des affaires institutionnelles rappelle, à cet égard, que l’Assemblée peut être à nouveau saisie de la question à tout moment, puisqu’une nouvelle proposition peut être déposée conformément à l’article 9.1, s’il n’est pas remédié au problème «sans plus tarder». De surcroît, en janvier 2010, les pouvoirs de la délégation parlementaire ukrainienne devront être ratifiés et, si nécessaire, pourraient être contestés en application des articles 7 et 8.
19. Par ailleurs, la commission des questions juridiques et des droits de l’homme relève que la situation actuelle – attitude dilatoire des autorités ukrainiennes dans la transmission d’une troisième candidature, nomination de juges ad hoc – risque d’entamer la crédibilité de la Cour.
20. La commission du Règlement, des immunités et des affaires institutionnelles partage la préoccupation de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme de voir les procédures normales prévues par la Convention européenne des droits de l’homme et les règlementations existantes «contournées pour une période indéterminée» (voir paragraphe 12 de l’exposé des motifs) par les autorités ukrainiennes, du simple fait qu’elles ont bloqué la procédure de l’élection d’un juge en refusant la transmission d’une liste complète, et ont procédé à la nomination de juges ad hoc – sans légitimité démocratique – pour occuper, pour une durée prolongée, le poste normalement dévolu à un juge élu par l’Assemblée parlementaire. Toutefois, la commission prend note de ce que le Gouvernement ukrainien vient de nommer un nouveau juge ad hoc, à compter du 1er septembre 2009, pour une période fixe, cette fois, de trois mois.
21. La commission du Règlement, des immunités et des affaires institutionnelles considère que l’Assemblée pourrait, ainsi, s’interroger sur ce qu’implique la non-nomination d’un troisième candidat et le fait que ce soit un juge ad hoc qui occupe la place d’un juge dûment élu par l’Assemblée au titre de l’Ukraine, au regard non pas du fonctionnement de la Cour, mais du manque de respect de ses propres compétences en la matière. En effet, tolérer qu’une telle situation abusive consistant à privilégier le recours à des juges ad hoc au détriment de juges pleinement investis du fait de leur élection par l’Assemblée se produise – et pérennise – revient à nier la compétence de l’Assemblée de procéder à l’élection des juges, telle qu’établie par la Convention européenne des droits de l’homme.
22. La commission du Règlement, des immunités et des affaires institutionnelles considère donc qu’il y aurait lieu pour l’Assemblée, notamment sa commission des questions juridiques et des droits de l’homme, d’examiner de plus près la question des juges ad hoc et de leurs prérogatives. Rappelons qu’en avril 2010 l’Assemblée devra procéder à l’élection de 21 juges (à moins que le Protocole no 14, enfin ratifié par tous les Etats membres, entre en vigueur avant). L’Assemblée pourrait-elle alors admettre de l’un ou l’autre, ou plusieurs, de ces 21 Etats membres la même attitude dilatoire que celle du Gouvernement ukrainien au risque de voir le calendrier des élections totalement désorganisé et le mode de fonctionnement de la Cour perturbé? Ainsi que le souligne la commission des questions juridiques et des droits de l’homme dans son rapport, non seulement «de tels agissements risquent d’entamer la crédibilité de la Cour» et de nuire à son bon fonctionnement, mais ils remettent également gravement en question les compétences de l’Assemblée elle-même.

4. Amendement au projet de résolution présenté par la commission des questions juridiques et des droits de l’homme

23. La commission du Règlement, des immunités et des affaires institutionnelles entend présenter un amendement au projet de résolution, libellé ainsi:
«Après le paragraphe 5 du projet de résolution, ajouter le nouveau paragraphe suivant:
“L’Assemblée considère, en outre, que le blocage par les autorités ukrainiennes de l’élection d’un juge au titre de l’Ukraine, la non-communication du nom d’un troisième candidat et la nomination de juges ad hoc, non élus, occupant les fonctions de juge à la Cour au titre de l’Ukraine depuis janvier 2009 aux lieu et place d’un juge dûment élu par l’Assemblée, remet gravement en question la compétence de l’Assemblée en matière électorale établie par la Convention européenne des droits de l’homme.”»

5. Remarques finales

24. La commission du Règlement, des immunités et des affaires institutionnelles considère que le projet de résolution figurant au rapport présenté par la commission des questions juridiques et des droits de l’homme (Doc. 11963) satisfait aux exigences de l’article 9 et est conforme au Règlement de l’Assemblée et au Statut du Conseil de l’Europe.
25. Toutefois, la commission considère qu’il y aurait lieu pour l’Assemblée d’examiner de plus près la question des juges ad hoc et de leurs prérogatives, notamment au regard des conséquences que pourrait avoir l’attitude dilatoire d’autres Etats membres sur le calendrier des élections à la Cour – étant rappelé qu’en avril 2010 l’Assemblée devra procéder à l’élection de 21 juges – et sur le mode de fonctionnement de la Cour.

Commission chargée du rapport: commission des questions juridiques et des droits de l’homme.

Commission saisie pour avis: commission du Règlement, des immunités et des affaires institutionnelles.

Renvoi en commission: Renvoi 3573 du 29 mai 2009.

Avis approuvé à l’unanimité par la commission le 23 juin 2009.

Secrétariat de la commission: M. Heinrich, Mme Clamer.