1. Introduction
1. Le 19 mai 2009, M. Marty et 19 autres membres de
l’Assemblée ont présenté une proposition de résolution visant à
annuler les pouvoirs ratifiés de la délégation parlementaire ukrainienne
pour des raisons substantielles, conformément à l’article 9 du Règlement
(
Doc. 11921).
2. Lors de sa réunion du 28 mai 2009, le Bureau a décidé de renvoyer
cette proposition pour rapport à la commission des questions juridiques
et des droits de l’homme, et, conformément à l’article 9.2 du Règlement, pour
avis à la commission du Règlement, des immunités et des affaires
institutionnelles. Cette décision a été ratifiée par la Commission
permanente le 29 mai.
3. Il est remarquable que l’Assemblée trouve à être saisie pour
la troisième fois en moins d’un an d’une demande d’annulation des
pouvoirs d’une délégation, alors que la procédure prévue à l’article
9 est restée inusitée jusqu’alors depuis son instauration, en 1996.
4. La commission du Règlement, des immunités et des affaires
institutionnelles entend donc renvoyer expressément à ses avis précédents
dans lesquels mention est faite des critères qu’elle entend voir
appliquer s’agissant de l’examen par l’Assemblée de telles demandes.
En particulier, la commission a considéré que «s’agissant d’une
procédure d’une importance politique majeure, qui nécessite d’être
conduite avec rigueur en raison des conséquences qu’elle emporte,
elle ne saurait être utilisée comme un simple moyen de pression
à des fins purement tactiques»
.
C’est la raison pour laquelle la commission du Règlement, des immunités
et des affaires institutionnelles reste particulièrement attentive
à la motivation qui sous-tend une demande de réexamen des pouvoirs
d’une délégation, et qu’elle entend examiner sa conformité au Règlement
de l’Assemblée.
5. La commission du Règlement, des immunités et des affaires
institutionnelles examinera également, dans le présent avis, la
conformité de la proposition formulée par la commission des questions
juridiques et des droits de l’homme dans son rapport (voir Doc.
11963) au Règlement, notamment à son article 9, ainsi qu’au Statut
du Conseil de l’Europe.
2. Conformité de la demande de réexamen des pouvoirs
au Règlement
6. En premier lieu, la commission du Règlement, des
immunités et des affaires institutionnelles considère qu’il est
utile de procéder à l’examen de la demande préalable de réexamen
des pouvoirs déjà ratifiés de la délégation parlementaire ukrainienne
sur le fondement de l’article 9, qui figure dans la proposition
de résolution, s’agissant de sa conformité au regard du Règlement.
2.1. Sur la recevabilité formelle de la demande
7. L’article 9.2 dispose que «la proposition de résolution
visant à annuler la ratification doit être déposée par au moins
20 membres, appartenant à deux groupes politiques et à cinq délégations
nationales au moins (…)». La demande est recevable, ayant été déposée
par 20 membres appartenant à 4 groupes politiques et à 11 délégations
nationales.
8. Le délai prévu à l’article 9.2 («La proposition de résolution
(…) doit être (…) diffusée au moins deux semaines avant l’ouverture
d’une partie de session (…)») a également été respecté, la proposition
ayant été reçue et diffusée le 19 mai 2009.
2.2. Sur la motivation de la demande
9. L’article 9.1.a dispose que «L’Assemblée peut reconsidérer
les pouvoirs ratifiés d’une délégation nationale dans son ensemble
(…) sur la base d’une proposition de résolution tendant à annuler
la ratification pour un ou plusieurs
des motifs visés à l’article 8.2 (…)».
10. L’article 8.2, quant à lui, stipule que:
«Les raisons substantielles pour lesquelles les pouvoirs
peuvent être contestés sont:
a. une violation grave des principes fondamentaux du Conseil
de l’Europe mentionnés à l’article 3 et dans
le préambule du Statut; ou
b. le manque de respect persistant des obligations et
engagements et le manque de coopération dans le processus de suivi
de l’Assemblée».
11. La demande de contestation des pouvoirs dont est saisie l’Assemblée
allègue l’existence «d’une violation grave des principes fondamentaux
du Conseil de l’Europe mentionnés à l’article 3 du Statut du Conseil
de l’Europe» se rapportant au refus persistant du Gouvernement ukrainien
de présenter à l’Assemblée un troisième candidat à la liste des
candidats pour l’élection d’un juge à la Cour européenne des droits
de l’homme, et à la nomination d’un juge ad hoc siégeant de fait
à la Cour, ce qui «porte atteinte à la crédibilité de la Cour et
est contraire aux obligations de base de l’Ukraine en tant que Haute
Partie contractante à la Cour européenne des droits de l’homme».
Les signataires de la proposition concluent à la nécessité pour l’Assemblée
«d’annuler la ratification des pouvoirs de la délégation ukrainienne
auprès de l’Assemblée parlementaire pour des raisons substantielles,
conformément à l’article 9.1.a du
Règlement de l’Assemblée».
12. Dans ces précédents avis portant sur un réexamen des pouvoirs
d’une délégation, la commission a attiré l’attention de l’Assemblée
sur son souci de ne pas voir la procédure prévue à l’article 9 galvaudée
par une utilisation abusive. Il est utile de rappeler que la procédure
de l’article 9 a été instaurée parallèlement à la consolidation
de la procédure de suivi des obligations et engagements des Etats
membres, pour répondre à la volonté de l’Assemblée de pouvoir «remettre
en cause des pouvoirs ratifiés quand elle juge
qu’une action urgente est nécessaire»
.
13. Dans ces mêmes précédents avis, la commission avait recommandé
que toute demande visant à contester les pouvoirs d’une délégation
sur la base de l’article 9 devait être dûment motivée, et que ses
auteurs indiquent les preuves de la violation grave mentionnée à
l’article 8.2. La commission du Règlement, des immunités et des
affaires institutionnelles constate que la demande présentée, aux
fins d’annulation des pouvoirs de la délégation parlementaire ukrainienne,
comporte un argumentaire détaillé des griefs formulés à son appui.
3. Examen de la proposition de la commission des
questions juridiques et des droits de l’homme et des droits de l’homme
14. La commission du Règlement, des immunités et des
affaires institutionnelles a examiné le rapport adopté par la commission
des questions juridiques et des droits de l’homme au regard de la
conformité du projet de résolution qu’il contient avec le Règlement
de l’Assemblée et le Statut du Conseil de l’Europe.
15. L’article 9.4 du Règlement dispose que:
«Les rapports soumis à l’Assemblée ou à la Commission
permanente conformément aux paragraphes 2 et 3 doivent contenir
un projet de résolution proposant dans son dispositif:
a. la confirmation de la ratification des pouvoirs;
b. l’annulation
de la ratification des pouvoirs;
c. la confirmation
de la ratification des pouvoirs, assortie de la privation ou la
suspension, applicable aux membres de la délégation concernée, de
l’exercice de certains des droits de participation ou de représentation
aux activités de l’Assemblée et de ses organes».
16. La commission des questions juridiques et des droits de l’homme
propose «pour l’instant, de ne pas annuler et donc de confirmer
les pouvoirs de la délégation parlementaire ukrainienne, étant entendu
qu’il devra être remédié sans plus tarder au non-respect – par l’Ukraine
– de ses obligations de base en vertu de la Convention et du Statut
de l’Organisation».
17. La commission du Règlement, des immunités et des affaires
institutionnelles relève que le rapport présenté par la commission
des questions juridiques et des droits de l’homme comporte l’exposé
détaillé des tenants et aboutissants du problème de l’élection d’un
juge à la Cour au titre de l’Ukraine, qui perdure depuis deux ans.
La commission conclut qu’il y a «non-respect – par l’Ukraine – de
ses obligations de base en vertu de la Convention et du Statut de
l’Organisation». Toutefois, alors que la commission des questions
juridiques et des droits de l’homme allègue d’«une violation grave
des principes fondamentaux du Conseil de l’Europe mentionnés à l’article
3 et dans le préambule du Statut de l’Organisation», la commission
du Règlement, des immunités et des affaires institutionnelles s’interroge
sur la question de savoir si les arguments avancés seraient effectivement
de nature àmotiver et à justifier une demande
de sanction – si elle avait été demandée par la commission des questions
juridiques et des droits de l’homme, ce qui n’est pas le cas – qui
serait proportionnelle à la gravité des faits.
18. La commission du Règlement, des immunités et des affaires
institutionnelles rappelle, à cet égard, que l’Assemblée peut être
à nouveau saisie de la question à tout moment, puisqu’une nouvelle
proposition peut être déposée conformément à l’article 9.1, s’il
n’est pas remédié au problème «sans plus tarder». De surcroît, en
janvier 2010, les pouvoirs de la délégation parlementaire ukrainienne
devront être ratifiés et, si nécessaire, pourraient être contestés
en application des articles 7 et 8.
19. Par ailleurs, la commission des questions juridiques et des
droits de l’homme relève que la situation actuelle – attitude dilatoire
des autorités ukrainiennes dans la transmission d’une troisième
candidature, nomination de juges ad hoc – risque d’entamer la crédibilité
de la Cour.
20. La commission du Règlement, des immunités et des affaires
institutionnelles partage la préoccupation de la commission des
questions juridiques et des droits de l’homme de voir les procédures
normales prévues par la Convention européenne des droits de l’homme
et les règlementations existantes «contournées pour une période
indéterminée» (voir paragraphe 12 de l’exposé des motifs) par les
autorités ukrainiennes, du simple fait qu’elles ont bloqué la procédure
de l’élection d’un juge en refusant la transmission d’une liste
complète, et ont procédé à la nomination de juges ad hoc – sans
légitimité démocratique – pour occuper, pour une durée prolongée,
le poste normalement dévolu à un juge élu par l’Assemblée parlementaire.
Toutefois, la commission prend note de ce que le Gouvernement ukrainien
vient de nommer un nouveau juge ad hoc, à compter du 1er septembre
2009, pour une période fixe, cette fois, de trois mois.
21. La commission du Règlement, des immunités et des affaires
institutionnelles considère que l’Assemblée pourrait, ainsi, s’interroger
sur ce qu’implique la non-nomination d’un troisième candidat et
le fait que ce soit un juge ad hoc qui occupe la place d’un juge
dûment élu par l’Assemblée au titre de l’Ukraine, au regard non pas
du fonctionnement de la Cour, mais du
manque de respect de ses propres compétences en la matière.
En effet, tolérer qu’une telle situation abusive consistant à privilégier
le recours à des juges ad hoc au détriment de juges pleinement investis
du fait de leur élection par l’Assemblée se produise – et pérennise
– revient à nier la compétence de l’Assemblée de procéder à l’élection
des juges, telle qu’établie par la Convention européenne des droits
de l’homme.
22. La commission du Règlement, des immunités et des affaires
institutionnelles considère donc qu’il y aurait lieu pour l’Assemblée,
notamment sa commission des questions juridiques et des droits de
l’homme, d’examiner de plus près la question des juges ad hoc et
de leurs prérogatives. Rappelons qu’en avril 2010 l’Assemblée devra
procéder à l’élection de 21 juges (à moins que le Protocole no 14,
enfin ratifié par tous les Etats membres, entre en vigueur avant).
L’Assemblée pourrait-elle alors admettre de l’un ou l’autre, ou plusieurs,
de ces 21 Etats membres la même attitude dilatoire que celle du
Gouvernement ukrainien au risque de voir le calendrier des élections
totalement désorganisé et le mode de fonctionnement de la Cour perturbé? Ainsi
que le souligne la commission des questions juridiques et des droits
de l’homme dans son rapport, non seulement «de tels agissements
risquent d’entamer la crédibilité de la Cour» et de nuire à son
bon fonctionnement, mais ils remettent également gravement en question
les compétences de l’Assemblée elle-même.
4. Amendement au projet de résolution présenté par
la commission des questions juridiques et des droits de l’homme
23. La commission du Règlement, des immunités et des
affaires institutionnelles entend présenter un amendement au projet
de résolution, libellé ainsi:
«Après
le paragraphe 5 du projet de résolution, ajouter le nouveau paragraphe
suivant:
“L’Assemblée considère, en outre, que le blocage par les
autorités ukrainiennes de l’élection d’un juge au titre de l’Ukraine,
la non-communication du nom d’un troisième candidat et la nomination
de juges ad hoc, non élus, occupant les fonctions de juge à la Cour
au titre de l’Ukraine depuis janvier 2009 aux lieu et place d’un
juge dûment élu par l’Assemblée, remet gravement en question la
compétence de l’Assemblée en matière électorale établie par la Convention
européenne des droits de l’homme.”»
5. Remarques finales
24. La commission du Règlement, des immunités et des
affaires institutionnelles considère que le projet de résolution
figurant au rapport présenté par la commission des questions juridiques
et des droits de l’homme (
Doc.
11963) satisfait aux exigences de l’article 9 et est
conforme au Règlement de l’Assemblée et au Statut du Conseil de
l’Europe.
25. Toutefois, la commission considère qu’il y aurait lieu pour
l’Assemblée d’examiner de plus près la question des juges ad hoc
et de leurs prérogatives, notamment au regard des conséquences que
pourrait avoir l’attitude dilatoire d’autres Etats membres sur le
calendrier des élections à la Cour – étant rappelé qu’en avril 2010
l’Assemblée devra procéder à l’élection de 21 juges – et sur le
mode de fonctionnement de la Cour.
Commission chargée du rapport: commission
des questions juridiques et des droits de l’homme.
Commission saisie pour avis:
commission du Règlement, des immunités et des affaires institutionnelles.
Renvoi en commission: Renvoi
3573 du 29 mai 2009.
Avis approuvé à l’unanimité
par la commission le 23 juin 2009.
Secrétariat de la commission: M. Heinrich, Mme Clamer.