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Réponse à Recommandation | Doc. 11759 | 14 octobre 2008

Droits des minorités nationales en Lettonie

Auteur(s) : Comité des Ministres

Réponse à Recommandation: Recommandation 1772 (2006)

1. Le Comité des Ministres informe l’Assemblée parlementaire que la réponse qui suit a été adoptée à la majorité prévue par l’article 20 (d) du Statut.
2. Le Comité des Ministres a examiné attentivement la Résolution 1527 (2006) et la Recommandation 1772 (2006) relatives aux droits des minorités nationales en Lettonie. Il note que les questions soulevées dans ces deux textes sont de la plus haute importance, à la fois pour les populations concernées et du point de vue du respect des normes du Conseil de l’Europe.
3. Le Comité souscrit à l’opinion de l’Assemblée lorsqu’elle affirme dans le paragraphe 7 de la Résolution 1527 (2006) que «la question des droits des minorités nationales doit être abordée dans son contexte politique, social et historique, et [qu’]il est nécessaire de se demander comment les principes, valeurs et normes défendus par le Conseil de l’Europe, conçus comme un modèle universel, devraient être appliqués pour encourager une coexistence interethnique équilibrée, l’intégration des différentes communautés dans la société et, au-delà et avant tout, le développement d’un pays uni par une vision commune de l’avenir. L’Assemblée considère que l’objectif final de la politique à l’égard des minorités est la cohésion de la société et la coexistence interethnique, fondées sur le respect de la diversité et sur un système de droits, d’obligations et de responsabilités négocié dans un esprit rationnel et positif entre les parties directement concernées».
4. En citant ce paragraphe, le Comité souligne la nécessité, lors de l’adoption de mesures visant à atteindre l’objectif ainsi défini, d’une approche à la fois constructive et tournée vers l’avenir.
5. A cet égard, il prend note des statistiques relatives à la mise en œuvre de la politique d’intégration en Lettonie, communiquées par les autorités du pays et présentées dans le tableau ci-après:

(open)

Depuis l’entrée en vigueur de la loi lettone sur la nationalité en 1995, près de 130 000 personnes ont obtenu la nationalité lettone, ce qui a permis de faire passer la part des non-ressortissants dans la population de 29 % en 1995 à 16 % en mai 2008.

Nombre de naturalisations par an depuis 2002:

2002

9 844

2003

10 049

2004

16 064

2005

19 169

2006

16 439

2007*

6 826

* Note: au vu de la diminution du nombre d’enregistrements en 2007, la commission des naturalisations a demandé une enquête sur les raisons de cette baisse et a pris des mesures correctives.

Le Comité des Ministres note, en particulier, qu’en Lettonie, l’enseignement public est dispensé en huit langues minoritaires: le russe, l’ukrainien, le biélorusse, le lituanien, l’estonien, le polonais, l’hébreu/le yiddish et le romani. A cet égard, il réaffirme sa position, exprimée précédemment dans sa réponse à la Recommandation 1740 (2006) de l’Assemblée parlementaire intitulée «Place de la langue maternelle dans l’enseignement scolaire», à savoir qu’il «considère le principe selon lequel il est du devoir de tout jeune Européen d’apprendre une langue officielle de l’Etat dont il est citoyen résident, comme un facteur important de cohésion sociale et d’intégration». Les mesures éducatives esquissées ci-dessus semblent donc respecter le principe énoncé dans la Recommandation 1740 (2006), selon lequel l’objectif devrait être la promotion d’une véritable maîtrise de deux langues et non un processus d’assimilation à la langue majoritaire.

1. Le Comité rappelle que dans sa réponse à la Recommandation 1740 (2006), il a aussi:

i. mis l’accent sur le statut de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires et de son mécanisme de suivi, charte qui constitue «un instrument important pour la promotion de la place de la langue maternelle dans l’éducation scolaire. L’évaluation de sa mise en œuvre par les Etats parties donne lieu régulièrement à la formulation de recommandations par le Comité des Ministres.

Le Comité appelle donc tous les Etats membres qui n’ont pas encore ratifié la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires à reconsidérer leur position.

ii. rappelé l’intérêt que présente la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales, en ce qu’elle engage les Etats parties à promouvoir les conditions nécessaires au maintien et au développement de la culture des personnes appartenant aux minorités nationales et la préservation des éléments essentiels de l’identité de ces personnes, parmi lesquels figurent leur religion, leur langue, leurs traditions et leur héritage historique.

A ce propos, le Comité rappelle que le Comité consultatif de la convention-cadre s’est rendu en Lettonie récemment et que l’avis qu’il formulera à la suite de cette visite doit être adopté à l’automne 2008.

iii. fait le point sur les travaux techniques réalisés par le secteur intergouvernemental du Conseil de l’Europe. Pour plus de détails, voir la réponse à la Recommandation 1740 (2006) (CM/AS(2008)Rec1740 final du 18 janvier 2008).

2. Le Comité rappelle que, dans son rapport sur sa visite en Lettonie (document CommDH(2004)3 du 12 février 2004), le Commissaire aux Droits de l’Homme du Conseil de l’Europe a attiré l’attention sur la situation des personnes appartenant à des minorités nationales dans ce pays, en particulier en ce qui concerne la nationalité, les questions linguistiques et l’éducation. Dans un mémorandum au Gouvernement letton en date du 16 mai 2007 (CommDH(2007)9), consécutif à une visite de suivi de son Bureau, le Commissaire est revenu sur ces questions, notant que des progrès avaient certes été réalisés en matière de naturalisation, mais que les efforts en la matière devaient se poursuivre, la question n’étant pas encore réglée. En outre, dans son Point de vue du 9 juin 2008, il rappelle qu’il a recommandé entre autres au Gouvernement letton «de prendre des mesures pour accorder automatiquement la citoyenneté aux enfants et libérer les personnes plus âgées de l’obligation de passer des tests de naturalisation».
3. Le Comité des Ministres se félicite qu’à la suite de ce mémorandum – à l’égard duquel le Gouvernement letton a exprimé certaines réserves annexées au document – le Commissaire ait effectué une visite de prise de contact en Lettonie le 1er octobre 2007, et que les bases d’un dialogue entre les autorités et le Commissaire aient été jetées à cette occasion et portent sur ces différentes questions, y compris la prévention de l’apparition de nouvelles situations de non-ressortissants. Cette démarche va dans le sens de la décision adoptée par les Délégués des Ministres lors de leur 873e réunion des 17 et 18 février 2004 – et réaffirmée ici – qui encourage les Etats membres à poursuivre leur dialogue constructif avec le Commissaire à propos des recommandations formulées dans ses rapports.
4. Le Comité rappelle par ailleurs qu’un certain nombre de questions soulevées dans la résolution et la recommandation ont trait à la mise en œuvre de la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales. Il note que la Lettonie a déclaré ce qui suit dans son instrument de ratification de cette Convention:
«Les personnes qui ne sont pas citoyens de Lettonie ni d’un autre Etat mais qui résident de façon permanente et légale en République de Lettonie, qui n’appartiennent pas à une minorité nationale au sens de la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales telle que définie dans la présente déclaration, mais qui s’identifient elles-mêmes à une minorité nationale correspondant à la définition contenue dans la présente déclaration, bénéficient des droits énoncés dans la Convention-cadre, sauf exceptions spécifiques prescrites par la loi.»
5. Le Comité se félicite de cette façon d’envisager la question mais il appelle aussi la Lettonie à veiller à ce que ces exceptions se limitent à celles qui sont strictement nécessaires dans une société démocratique. La Convention est entrée en vigueur à l’égard de la Lettonie le 1er octobre 2005. En octobre 2006, les autorités lettones ont transmis, conformément à l’article 25 de la Convention, leur premier rapport étatique sur la mise en œuvre de la Convention-cadre. L’adoption du premier avis du Comité consultatif constitue l’étape suivante de la procédure de suivi, suite à la visite du Comité dans le pays. Ceci offrira au Comité des Ministres un cadre pour l’adoption de conclusions sur la mise en œuvre de la Convention-cadre par la Lettonie et alimentera également le dialogue constructif continu avec le Comité consultatif, dialogue sur lequel repose le suivi du respect par les Etats membres de leurs obligations au titre de la Convention‑cadre.
6. Pour ce qui concerne les demandes spécifiques formulées par l’Assemblée dans la Recommandation 1772 (2006), le Comité des Ministres souhaite indiquer qu’il soutient le processus d’intégration des minorités nationales en Lettonie, dont l’objectif est de faire baisser régulièrement et au plus tôt le nombre de non-ressortissants, et qu’il encourage la mise en œuvre en Lettonie des recommandations formulées par l’Assemblée, le Commissaire aux Droits de l’Homme du Conseil de l’Europe et les organes concernés du Conseil de l’Europe et d’autres organisations internationales, dans la mesure où ces recommandations sont pertinentes et conformes aux normes du Conseil de l’Europe (points 1.1 et 1.2).
7. S’agissant de l’incitation des autorités lettonnes à tenir compte, dans la préparation des prochaines élections, des conclusions de la mission d’observation des élections de l’OSCE concernant le scrutin du 7 octobre 2006 (point 1.3), le Comité, tout en notant que ces questions ne relèvent pas directement de ses domaines de compétence, est convaincu que la Lettonie, en tant qu’Etat membre de cette organisation, accorde à ces conclusions l’attention qu’elles méritent. Le Comité est également convaincu que la Lettonie prendra dûment en considération les recommandations de l’Assemblée, du Commissaire aux Droits de l’Homme du Conseil de l’Europe, de la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI) et des instances internationales concernées pour ce qui touche au droit de vote aux élections locales des résidents qui n’ont pas la nationalité lettone.
8. Dans ce contexte, le Comité note que dans son troisième rapport sur la Lettonie adopté en juin 2007 (document CM(2008)9 add), au paragraphe 132, l’ECRI «constatant que la plupart des non-ressortissants vivent depuis très longtemps ou depuis toujours dans le pays, […] exhorte les autorités lettones à accorder l’éligibilité et le droit de vote aux élections locales aux non-ressortissants résidant dans le pays».
9. Toutefois, le Comité des Ministres prend également en considération la position de la Lettonie, qui est favorable à la naturalisation car elle a pour objectif une population composée de citoyens de plein droit. La Lettonie considère que le fait d’accorder le droit de vote aux non-ressortissants contribuerait à rendre moins nette la différence entre ressortissants et non-ressortissants et à dévaluer la notion de citoyenneté qui ne confèrerait alors plus aucun droit substantiel supplémentaire par rapport aux droits des non-ressortissants. La Lettonie estime aussi qu’accorder le droit de vote aux non-ressortissants aux élections locales freinerait le processus de naturalisation. De plus, il faudrait pour cela modifier la Constitution lettone, ce qui pourrait poser un problème juridique et politique majeur.
10. Enfin, concernant l’appel de l’Assemblée parlementaire, au point 1.8, à garantir «la même approche politique, le même niveau de protection des minorités et le même niveau d’intégration interethnique dans tous les Etats membres du Conseil de l’Europe», le Comité des Ministres souligne que, si un système de normes «à deux vitesses» n’est pas acceptable et si les droits de l’homme doivent être garantis de manière uniforme sur tout le continent, il n’existe pas de «modèle unique» immuable pour la protection des minorités nationales. C’est également ce qui ressort de la formulation des normes juridiques énoncées par la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales.