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Rapport | Doc. 12111 | 05 janvier 2010

Les enfants témoins de violence domestique

(Ancienne) Commission des questions sociales, de la santé et de la famille

Rapporteure : Mme Carina OHLSSON, Suède, SOC

Résumé

Les enfants témoins de violence domestique sont trop souvent oubliés dans l’élaboration des politiques en la matière ainsi que lors de l’intervention des services sociaux dans ce domaine. Ils constituent pourtant un maillon sensible dans une succession d’événements malheureux, notamment parce qu’ils peuvent en pâtir psychologiquement et être traumatisés par leurs expériences, même s’ils ne sont pas eux-mêmes physiquement exposés à la violence que d’autres membres de leur famille, leur mère dans la plupart des cas, subissent. En outre, la violence dont sont témoins les enfants doit être prise au sérieux à titre, en quelque sorte, de «système d’alarme précoce», afin de permettre aux services sociaux d’intervenir rapidement et de prévenir des futures situations de violence.

Le rapporteur estime que le Conseil de l’Europe et ses Etats membres doivent tout mettre en œuvre pour garantir le respect des droits de l’enfant et surtout son bien-être. Le rapport reconnaît pleinement l’acquis du Conseil de l’Europe dans le domaine des droits de l’enfant et se félicite des activités en cours, comme le lancement récent de la Plate-forme du Conseil de l’Europe sur les droits de l’enfant, l’adoption récente des Lignes directrices du Conseil de l’Europe sur les stratégies nationales intégrées de protection des enfants contre la violence et les travaux en cours au sein du Comité ad hoc pour prévenir et combattre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (CAHVIO).

Le rapport préconise d’inclure comme il convient la question des enfants témoins de violence domestique dans une future convention du Conseil de l’Europe ciblant la violence à l’égard des femmes. Il invite les Etats membres à développer des services sociaux polyvalents et des stratégies d’éducation ayant pour but la prévention du transfert intergénérationnel de la violence domestique. Il propose finalement de développer la Plate-forme du Conseil de l’Europe sur les droits de l’enfant lancée en juin 2009, afin de mieux harmoniser les questions relatives aux enfants dans les activités du Conseil de l’Europe et de les coordonner plus efficacement, renforçant ainsi la visibilité et l’impact de ces activités au niveau national.

A. Projet de résolution

(open)
1. La plupart des actes de violence domestique sont commis contre des femmes par des hommes de leur entourage immédiat. A chaque fois qu’une mère est victime de tels actes, il existe une forte probabilité qu’un enfant en soit le témoin. Chaque enfant exposé chez lui à la violence réagit différemment. Mais, lorsque les violences sont perpétrées à l’encontre de sa mère, cette exposition constitue pour l’enfant une forme de maltraitance psychologique dont les conséquences potentielles peuvent être très graves.
2. L’Assemblée parlementaire se félicite de l’adoption de la «Stratégie 2009-2011 pour construire une Europe pour et avec les enfants» et ses trois domaines prioritaires: la promotion de l’accès des enfants à la justice, la suppression de toute forme de violence à l’égard des enfants, et leur participation et influence dans la société. Dans ce cadre, l’Assemblée a soutenu la préparation des lignes directrices du Conseil de l’Europe pour des stratégies intégrées de lutte contre la violence à l’égard des enfants (adoptées le 18 novembre 2009) et le lancement de la Plate-forme du Conseil de l’Europe sur les droits de l’enfant (en juin 2009). L’Assemblée se félicite également de la préparation de lignes directrices européennes pour une justice adaptée aux enfants.
3. L’Assemblée se réjouit tout particulièrement des efforts déployés dans le cadre du Comité ad hoc pour prévenir et combattre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (CAHVIO), en vue de préparer un ou plusieurs instruments juridiquement contraignants concernant la violence domestique et les formes spécifiques de violences à l’encontre des femmes, qui devraient constituer le socle juridique de l’action du Conseil de l’Europe en la matière, y compris sur la question des enfants témoins de violence domestique.
4. Malgré des réalisations essentielles dans le domaine des droits de l’enfant, à tous les niveaux politiques, des mesures plus spécifiques s’imposent concernant les enfants témoins de violence domestique. Trop souvent, il n’est pas tenu compte de leur cas en tant que victimes des conséquences psychologiques, futures victimes potentielles et maillons d’une chaîne de violence, alors qu’ils pourraient contribuer à identifier des situations potentiellement violentes et à éviter de nouvelles violences dans l’avenir.
5. L’Assemblée invite par conséquent les parlements nationaux des Etats membres du Conseil de l’Europe:
5.1. à appuyer avec détermination les activités du Conseil de l’Europe concernant les droits de l’enfant, en coopération avec les ministères nationaux concernés;
5.2. à soutenir la Plate-forme du Conseil de l’Europe sur les droits de l’enfant en tant que forum virtuel permanent gérant la planification stratégique, la mise en œuvre et l’évaluation des activités du Conseil de l’Europe concernant les enfants;
5.3. à promouvoir la prise de conscience des normes comprises dans les lignes directrices du Conseil de l’Europe pour des stratégies intégrées de lutte contre la violence à l’égard des enfants, et à appuyer leur mise en œuvre;
5.4. à encourager leurs ministères nationaux respectifs représentés au sein du CAHVIO à soutenir la préparation d’une future convention du Conseil de l’Europe, qui devrait:
5.4.1. être centrée sur la violence à l’encontre des femmes, y compris la violence domestique, comme l’a déjà préconisé l’Assemblée dans sa Recommandation 1847 (2008);
5.4.2. accorder aux enfants concernés un véritable statut de «victimes secondaires» afin de prendre en compte de façon appropriée l’impact que la violence domestique peut avoir sur eux;
5.4.3. comporter des dispositions concernant le développement de services sociaux polyvalents et transversaux, dont l’accès soit garanti à tous les enfants et qui assurent que l’intérêt des enfants ne soit pas négligé par rapport aux problèmes concernant les adultes et notamment les mères au premier plan;
5.4.4. insister sur l’importance de l’éducation des enfants vers un comportement non violent, c’est-à-dire sur la prévention d’un transfert intergénérationnel de la violence domestique.
6. L’Assemblée invite, en outre, les Etats membres du Conseil de l’Europe:
6.1. à rechercher d’une manière générale des approches et des méthodes de travail novatrices pour gérer les situations d’enfants témoins de violence domestique (comparaison des meilleures pratiques);
6.2. à continuer à sensibiliser à la situation des enfants témoins de violence domestique et à prendre en compte la question dans les législations et les politiques nationales, selon une approche interdisciplinaire, par exemple concernant la sanction des crimes de violence domestique ou l’octroi de dédommagements financiers aux témoins en tant que victimes de conséquences psychologiques;
6.3. à renforcer la prise en compte spécifique des enfants témoins de violence domestique dans les procédures juridiques et administratives, par exemple:
6.3.1. en instaurant les conditions nécessaires pour entendre les enfants témoins de violence, afin d’éviter la répétition des témoignages et les interrogatoires abusifs ou humiliants, et pour réduire les effets traumatisants des procédures juridiques et institutionnelles;
6.3.2. en assurant à l’enfant concerné une protection physique lors de la procédure y afférente et au moyen des droits de garde et de contact à la suite des situations de violence domestique;
6.3.3. en fournissant aux enfants concernés protection et soutien, non seulement dans les foyers de femmes comme c’est souvent le cas, mais également hors de telles institutions;
6.3.4. en dotant les acteurs concernés des services sociaux et autres des connaissances requises pour gérer les enfants ayant été témoins de violence domestique (formation des forces de police et du corps enseignant);
6.4. à promouvoir la question des enfants témoins de violence domestique au moyen d’approches intégrées, afin d’éviter les traumatismes psychologiques sévères pour les enfants, et au moyen de programmes éducatifs pour les familles visant la prévention du transfert intergénérationnel de violence et, ainsi, de futures situations de violence domestique.

B. Projet de recommandation

(open)
1. Se référant à sa Résolution … (2010) sur les enfants témoins de violence domestique, l’Assemblée parlementaire réaffirme que les situations d’enfants témoins de violence, ainsi que les dangers spécifiques auxquels ils sont exposés, sont trop souvent négligées lorsqu’il est question de violence domestique et des politiques afférentes. Elle considère par conséquent que le renforcement d’une action spécifique en faveur de ces enfants est nécessaire à tous les niveaux politiques, et à différents égards.
2. L’Assemblée invite donc le Comité des Ministres à charger le Comité ad hoc pour prévenir et combattre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (CAHVIO):
2.1. de prendre en compte la question des enfants témoins de violence domestique dans une future convention du Conseil de l’Europe consacrée à la violence à l’encontre des femmes, y compris la violence domestique, comme l’a déjà préconisé l’Assemblée dans sa Recommandation 1847 (2008) «Combattre la violence à l’égard des femmes: pour une convention du Conseil de l’Europe»;
2.2. d’accorder aux enfants concernés, dans les articles respectifs, un véritable statut de «victimes secondaires» afin de prendre en compte de façon appropriée l’impact que des situations de violence domestique peuvent avoir sur eux;
2.3. d’inclure dans la future convention des dispositions concernant le développement de services sociaux polyvalents et transversaux, dont l’accès soit garanti à tous les enfants et qui assurent que l’intérêt des enfants ne soit pas négligé par rapport aux problèmes concernant les adultes et notamment les mères au premier plan;
2.4. d’insister, dans les articles appropriés de la future convention, sur l’importance de l’éducation des enfants vers un comportement non violent, c’est-à-dire sur la prévention d’un transfert intergénérationnel de la violence domestique.
3. Elle invite également le Comité des Ministres:
3.1. à charger les Comités représentés au sein du Groupe de spécialistes sur la justice adaptée aux enfants (CJ-S-CH) d’inclure dans les futures lignes directrices du Conseil de l’Europe pour une justice adaptée aux enfants, qui sont en cours d’élaboration, des mesures d’ordre procédural adéquates pour l’audition des enfants témoins de violence domestique, tant dans la phase d’enquête que lors de la procédure judiciaire, pour éviter la répétition de témoignages humiliants et réduire les effets traumatisants de la procédure;
3.2. à harmoniser davantage les droits de l’enfant dans tous les domaines politiques du Conseil de l’Europe et mieux coordonner ses actions, notamment par le biais la Plate-forme du Conseil de l’Europe sur les droits de l’enfant, pour contribuer également à une meilleure visibilité et une mise en œuvre plus efficace des normes européennes à l’échelle nationale.

C. Exposé des motifs, présenté par Mme Ohlsson, rapporteur 
			(1) 
			 Le rapporteur souhaite
remercier Mme Asa Landberg de «Sauvons les enfants – Suède» («Save
the Children») qui a contribué à la préparation de cet exposé des
motifs. Toute citation littérale d’enfants ayant témoigné de la
violence, utilisée ici pour illustrer la gravité du phénomène, provient
de son travail en tant que psychologue et psychothérapeute clinique
en Suède.

(open)

1. Introduction

1. L’Assemblée parlementaire a pris une part active dans la Campagne du Conseil de l’Europe pour combattre la violence à l’égard des femmes, y compris la violence domestique (2006-2008). Elle observe également attentivement les activités en cours du Comité ad hoc pour prévenir et combattre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (CAHVIO) et soutient la préparation d’une «convention-cadre du Conseil de l’Europe sur les formes de violence les plus sévères et les plus répandues à l’égard des femmes» 
			(2) 
			 Voir la Résolution 1635 (2008) et
la Recommandation 1847
(2008)..
2. L’ampleur de ce problème a été mesurée par des enquêtes nationales dans plusieurs Etats membres. Environ un cinquième à un quart des femmes aurait subi des violences physiques au moins une fois dans leur vie adulte. Les conséquences de la violence faite aux femmes dans la zone géographique des Etats membres du Conseil de l’Europe sont considérables. La douleur, la souffrance et les répercussions psychiques sont difficiles à évaluer. Il y a aussi des répercussions financières qui s’élèveraient à un total annuel d’au moins 33 milliards d’euros 
			(3) 
			 «Combattre
la violence à l’égard des femmes: étude du bilan des mesures et
actions prises pour combattre la violence à l’égard des femmes dans
les Etats membres du Conseil de l’Europe», Direction générale des
droits de l’homme, Strasbourg, 2006..
3. Chaque année, de nombreux enfants sont exposés, directement ou indirectement, à la violence familiale. Le schéma le plus fréquent est celui d’un homme maltraitant une femme; toutefois, il n’est pas exclu que les rôles soient inversés. Les relations entre partenaires du même sexe peuvent aussi être violentes: il arrive qu’un homme maltraite un autre homme, ou qu’une femme maltraite une autre femme. Dans le présent rapport, l’accent est mis sur les enfants témoins de violence domestique.

2. Violence contre les femmes dont témoignent les enfants

4. Plus d’une femme sur 10 a subi des violences sexuelles impliquant l’usage de la force 
			(4) 
			 Ibid. . La violence est principalement perpétrée par un homme, souvent partenaire ou ancien partenaire, de l’entourage social immédiat des femmes victimes. Des études de prévalence menées en Europe montrent qu’environ 12 à 15 % des femmes ont fait l’expérience de sévices domestiques après l’âge de 16 ans; plus nombreuses encore sont celles qui continuent de subir des violences physiques et sexuelles de la part d’un ancien partenaire après une séparation 
			(5) 
			 Rapport final d’activité
de la task force du Conseil
de l’Europe pour combattre la violence à l’égard des femmes, y compris
la violence domestique (EG-TFV), Direction générale des droits de
l’homme, Strasbourg, 2006..
5. Les enfants sont généralement témoins de la violence que subit leur mère. Les réactions et les sentiments des enfants témoins peuvent être aussi forts – voire plus forts – que ceux des enfants eux-mêmes victimes de maltraitance physique. Les femmes battues affirment souvent que leurs enfants n’avaient pas conscience de la violence qui leur était infligée, pourtant les résultats des recherches menées révèlent une image différente. Il ressort d’entretiens menés avec des enfants séjournant avec leur mère dans des foyers spécialisés qu’une grande majorité des enfants étaient présents au moment où les actes de violence étaient commis. Tous ces enfants ont également été témoins de cruauté mentale à l’égard de leur mère 
			(6) 
			 Christensen E.« Börnekår.
En undersögelse af omsorgssvigt i relation till börne og unge i
familier med hustrumishandling», Nordisk
psykologis monografiserie, Akademisk forlag, no 31, volume
42, 1990..
6. Selon une étude réalisée dans des foyers pour femmes à Göteborg (Suède):
  • 95 % des enfants étaient présents à la maison lorsque leur mère a été maltraitée;
  • 77 % se trouvaient dans la même pièce au moment de la scène de violence;
  • 45 % des enfants étaient en contact physique avec l’un ou l’autre des parents au moment de la scène de violence, certains s’efforçant de mettre fin aux actes de violence, d’autres se blottissant contre leur mère;
  • 62 % des enfants ont été eux-mêmes victimes de violences physiques de la part de l’homme qui maltraitait leur mère, 25 % ayant été victimes de violences graves et répétées 
			(7) 
			 Almqvist K. et Broberg
A., «Barn som bevittnat våld mot mamma – en studie om kvinnor och
barn som vistas på Kvinnojourer i Göteborg», Lundby stadsdelsförvaltning,
Göteborg, 2004..
7. On peut être témoin de la violence de diverses manières. Nombre d’enfants s’interposent physiquement ou attaquent la personne violente. Il n’est donc pas rare qu’ils soient battus à leur tour. D’autres enfants, horrifiés, restent spectateurs. Certains témoignent indirectement de la violence, en voyant leur mère apeurée ou couverte de blessures et de commotions. Vivre dans une famille où la mère est battue signifie aussi être exposé à l’oppression et à la tyrannie qui forment le cadre habituel de la violence. Les enfants sont témoins de la terreur de leur mère et de la relation déséquilibrée entre la personne qui bat et celle qui est battue 
			(8) 
			 Graham-Bermann
S., «The impact of woman abuse on children’s social development:
research and theoretical perspectives», 1998in G.W. Holden, R. Geffner et E.N.
Jouriles (sous la direction de), Children
exposed to marital violence. Theory, research and applied issues, American
Psychological Association, Washington, 1998..
8. Les chiffres démontrent que, à chaque fois qu’une femme fait l’objet de violence, il est fort probable qu’un enfant en soit témoin. La fréquence élevée de la violence à l’encontre des femmes donne une idée du nombre d’enfants qui vivent cette douloureuse réalité. Si chaque enfant exposé à la violence dans le cadre familial a ses propres réactions et besoins, on note toutefois des caractéristiques communes. En étant témoin de la violence infligée à sa mère, l’enfant subit une forme de maltraitance psychologique qui peut avoir de graves répercussions. Il reste beaucoup à faire en matière de prévention, de repérage de la violence et de soutien aux enfants concernés.

3. La violence familiale comme contexte pour d’autres problèmes et l’abus sur des enfants

9. Les enfants qui vivent dans des familles victimes d’une violence sévère et chronique vivent souvent d’autres malheurs de surcroît: la toxicomanie, la maladie mentale des parents, l’emprisonnement et l’appartenance à un milieu socio-économique défavorisés peuvent être des causes tout autant que des conséquences de la violence.
10. Lorsqu’une famille se sépare à cause de violences physiques, de graves crises sont souvent observées chez les personnes maltraitées ou à l’origine de la violence de même que chez leurs enfants. Les membres adultes de la famille ayant des besoins urgents et importants, il n’est pas rare que les besoins des enfants soient éclipsés dans de telles situations. Les enfants n’oublient pas la violence. Le fait de voir sa mère battue est une forme grave de cruauté mentale pour les enfants, qui laisse des marques.
11. Outre le fait d’être témoins de violence domestique, nombre d’enfants souffrent eux-mêmes d’abus physiques ou sexuels, d’indifférence ou de négligence. Les recherches ont montré qu’il existe une relation étroite entre la violence masculine à l’encontre des femmes et les abus sexuels et physiques commis sur les enfants. Les taux de recoupement entre violence familiale et abus physiques sur enfants varient entre 45 % et 70 % selon les études. Cela signifie que la violence faite à une mère est le signe annonciateur le plus flagrant d’abus physique sur enfant. Ainsi, le risque d’abus sexuel augmente dans les familles où la mère est maltraitée 
			(9) 
			 Holt
S., Buckley H. et Whelan S., «The Impact of exposure to domestic
violence on children and young people: A review of the literature», Child Abuse and Neglect, volume
32, no 8, 2008, p. 797..

4. Conséquences sur l’exercice des responsabilités parentales

12. Un enfant qui grandit dans un foyer où plane constamment la menace de la violence se voit refuser des sentiments élémentaires de confiance et de sécurité. Cette situation nuit aux relations avec les parents. Les enfants peuvent rendre leur père responsable de la violence, et leur mère de l’absence de sécurité et de protection. D’après les recherches, nombre de mères font des efforts considérables pour préserver autant que possible la sécurité de leurs enfants. Malgré cela, les mères sont souvent jugées responsables de l’absence de sécurité qui résulte de la violence. Les observateurs tendent à se concentrer sur les problèmes de la mère plutôt que sur la violence à l’origine des problèmes. L’agression et l’imprévisibilité du père abusif sont généralement les plus grands problèmes en matière de capacité à élever des enfants.
13. De nombreuses femmes maltraitées présentent des symptômes particuliers de traumatismes, compte tenu de la nature chronique de la violence. Elles oscillent entre endurcissement émotionnel et débordements émotionnels accablants. La violence à l’encontre d’une mère est sans aucun doute un facteur de risque pour l’exercice des responsabilités parentales.
14. La violence familiale peut d’ailleurs nuire à la capacité de la mère à développer une autorité et un contrôle sur ses enfants. Dans des cas extrêmes, les enfants inversent les rôles familiaux et deviennent à leur tour autoritaires, voire brutaux, avec leur mère: ils copient le comportement de l’homme violent.

5. Conséquences sur le développement des enfants et des adolescents

15. La plupart des enfants ne parlent à personne de la violence qui règne chez eux. Ils apprennent qu’il s’agit d’un secret devant rester dans la famille. Ils apprennent aussi que les adultes peuvent recourir à la violence pour obtenir ce qu’ils veulent. Dans beaucoup de familles, la violence n’est jamais évoquée, même si tous les membres en font les frais. Il arrive que les parents continuent à vivre comme si de rien n’était, ou nient avec véhémence la violence face à leurs enfants. Par conséquent, les enfants se taisent, enfouissent leurs souvenirs et n’osent même pas croire à la réalité de ce qu’ils ont vécu.
16. Les enfants exposés à la violence entre leurs parents ne sont pas de simples témoins au sens d’observateurs extérieurs, non concernés par les événements. La plupart d’entre eux vivent en permanence dans la peur et l’insécurité. Ils assument souvent la responsabilité de cette violence, essayant de prévenir de nouveaux épisodes, protégeant, réconfortant et aidant leur mère. La violence devient le centre de leur vie, un état de fait qui marque leur enfance 
			(10) 
			 «Brisons le silence.
Unis contre la violence domestique», rapport présenté par le ministre
de la Justice de la Norvège, 29e Conférence du Conseil de l’Europe
des ministres de la Justice, 18-19 juin 2009, Tromsø, Norvège.. Quand les enfants sentent que quelque chose ne va pas dans leur foyer, ils éprouvent de la honte. Ils ont souvent le sentiment d’être responsables de la violence, d’autant plus qu’ils peuvent lui trouver des causes innombrables: «maman et papa se disputaient peut-être à cause de moi» ou «papa était peut-être fatigué parce que je l’ai réveillé à cause de mon cauchemar» 
			(11) 
			 Ekbom I. et Landberg
Å., Children in the shadow of violence, Socialstyrelsen
(Conseil national suédois pour la santé), Stockholm, 2003..
17. La violence en milieu familial nuit aux besoins de l’enfant en matière de protection et de sécurité, et peut mettre en péril son développement. En effet, des problèmes peuvent subsister à l’âge adulte et entretenir le cycle de calamités et de violence. Nombre d’enfants développent des symptômes qui exigent une prise en charge psychiatrique. L’âge peut faire une différence quant à la visibilité et à la manifestation des symptômes. Chez les enfants, les symptômes sous-jacents se manifestent par d’importants sentiments de terreur, la peur de mourir et de perdre leur mère 
			(12) 
			 Holt S., Buckley H.
et Whelan S., «The Impact of exposure to domestic violence on children
and young people: A review of the literature», Child Abuse and Neglect, volume
32, no 8, 2008, p. 797. .
18. Certains enfants ne présentent aucun symptôme; cependant l’apprentissage social peut avoir un effet considérable sur les enfants qui ne développent pas de symptômes pédopsychiatriques directs. Les enfants qui s’identifient à un père violent peuvent, en plus d’imiter son comportement, apprendre à manipuler et à contraindre autrui à satisfaire leurs besoins. D’autres enfants peuvent apprendre que la soumission est la seule façon de coexister avec autrui. Les difficultés de l’interaction sociale sont acquises très tôt et deviennent souvent évidentes en milieu scolaire et avec les pairs. Les études montrent même une forte corrélation entre l’exposition à la violence domestique dans l’enfance et les problèmes psychologiques et sociaux à l’âge adulte, tels que la dépression, les symptômes post-traumatiques, l’abus d’alcool et de drogues. Les personnes qui ont été confrontées à la violence durant leur enfance courent également un risque accru d’être exposées à la violence à l’âge adulte 
			(13) 
			 «Brisons
le silence», op. cit...
19. Parmi les facteurs qui ont une influence sur les conséquences du traumatisme sur l’enfant, citons 
			(14) 
			 Mc Alister Groves
B., «Mental health services for children who witness domestic violence», Domestic violence and children, volume
9, no 3, 1999.:
  • la proximité de l’enfant avec la violence;
  • la personnalité de l’enfant;
  • l’âge de l’enfant au moment où se produit la violence;
  • le degré de la violence;
  • la fréquence de la violence;
  • la possibilité ou non d’établir le contact avec des adultes qui peuvent le protéger et l’aider.
20. L’âge de l’enfant au moment où survient la violence est un facteur qui influe fortement sur les conséquences du traumatisme. Les enfants sont nombreux à naître dans des milieux familiaux violents. Il est courant que la violence débute avant ou pendant la grossesse de la mère; elle peut même avoir un impact sur l’enfant à naître, par exemple par un coup porté à l’abdomen. La violence durant la grossesse présente des risques pour la santé de la mère et celle de l’enfant. Toutefois, la grossesse est propice à la détection de la violence, puisque les femmes enceintes consultent généralement des médecins durant cette période 
			(15) 
			 Baker L. et Cunningham
A., What about me? Seeking to Understand
a Child’s View of Violence in the Family, London Family
Court Clinic, Canada, 2004..
21. Pour les jeunes enfants qui grandissent au sein d’un foyer violent, il n’y a aucun point de comparaison. Ce n’est que lorsqu’ils grandissent et qu’ils en apprennent davantage sur les autres familles, à l’école et par leurs pairs, que les enfants commencent à se rendre compte que quelque chose ne va pas. Les enfants en bas âge sont totalement dépendants des personnes qui s’occupent d’eux. Il est donc beaucoup plus difficile pour les jeunes enfants de comprendre ce qui se passe autour d’eux que pour les enfants plus âgés et les adolescents.
22. Les nourrissons et les enfants en bas âge peuvent être bouleversés par des bruits inquiétants et par des images visuelles associées à la violence. Durant les premières années de sa vie, un enfant a besoin d’établir un lien solide avec la personne qui s’occupe de lui, pour pouvoir ensuite devenir un individu socialement compétent et capable de s’adapter. L’attachement entre cette personne et l’enfant dépend fortement des conditions extérieures. Dans un foyer qui n’est pas sûr, où les conflits sont fréquents et où les parents sont incapables de protéger l’enfant, la violence et les mauvais traitements peuvent expliquer la fragilité ou l’instabilité de ce lien.
23. Les enfants exposés à la violence et à la maltraitance développent différentes stratégies de survie 
			(16) 
			 Ibid.. Ces stratégies leur permettent d’affronter la situation, notamment en cas de stress ou de crise. Cependant, si ces stratégies sont une réaction générale au stress, elles risquent de créer de nouveaux problèmes. De plus, si la source du problème – la violence et les mauvais traitements – persiste, les interventions sociales se solderont probablement par un échec.
24. Voici quelques exemples de stratégies de survie couramment observées chez les enfants exposés à la violence familiale:
  • se bloquer psychiquement ou se déconnecter émotionnellement: étouffer ses émotions et étouffer ses pensées, apprendre à ne pas écouter, imaginer être ailleurs, mais aussi consommer de l’alcool ou de la drogue;
  • améliorer son quotidien par l’imagination: planifier une vengeance, s’imaginer une vie meilleure (par exemple être né dans une autre famille), espérer être secouru par une tierce personne;
  • fuir physiquement: quitter la pièce, la maison, voire s’enfuir du foyer familial;
  • rechercher l’amour (et l’acceptation) dans des relations à risque: avoir de mauvaises fréquentations, des relations sexuelles pour l’intimité et la proximité qu’elles procurent; pour une fille, s’efforcer de tomber enceinte à l’adolescence;
  • prendre les choses en main en s’occupant des autres: protéger ses frères et sœurs du danger, endosser le rôle de parent, prendre soin de sa mère;
  • chercher ou réclamer de l’aide: se confier à un enseignant, un ami ou un voisin et appeler la police, mais aussi commettre des actes suicidaires, s’automutiler ou se battre;
  • s’efforcer de prévoir, d’expliquer, d’empêcher ou de contrôler le comportement de la personne violente: vouloir être un enfant parfait, dissimuler les faits négatifs et chercher des explications à la violence (par exemple, «maman a fait une erreur» ou «j’ai été méchant»).
25. Des études ont montré que les enfants exposés à la violence ont tendance à être plus agressifs et à avoir davantage de problèmes comportementaux à l’école que les autres enfants. Entre autres conséquences possibles, citons la dépression, les comportements suicidaires, l’anxiété, les peurs, les phobies, les troubles du sommeil, les tics, l’énurésie et l’absence d’amour-propre. Plusieurs études notent des problèmes de concentration, des difficultés scolaires et des résultats inférieurs à la moyenne aux tests de langue, de capacités motrices et cognitives.
26. Certains enfants sont gravement traumatisés et développent un syndrome de stress post-traumatique exigeant un traitement spécial. Ils ne parviennent pas à assimiler leurs expériences de violence et sont hantés par les souvenirs, les sentiments et les pensées qu’éveillent ces souvenirs. La prise en charge du syndrome de stress post-traumatique doit permettre aux enfants de décrire la violence expressément et en détail. Il importe qu’ils acceptent leur expérience de la violence et l’intègrent dans la compréhension qu’ils ont d’eux-mêmes et du monde qui les entoure 
			(17) 
			 Silver
L., Karyl J. et Landis T.Y., «Individual Psychotherapy for the Traumatized
Children of Abused Women», in E. Peled,
P.G. Jaffe, et J.L. Edleson (sous la direction de), Ending the cycle of violence. Community responses
to children of battered women, Londres, Sage Publications,
1995. 
			(17) 
			Hendriks J.H., Black D. et Kaplan T., When father kills mother, Guiding children
through trauma and grief. New York, Routledge, 1993..

6. Protection de l’enfance et intervention des services sociaux

27. Lorsque la violence est repérée en milieu familial, la première étape, la plus importante, consiste à protéger les victimes 
			(18) 
			 Ekbom I. et Landberg
Å., Children in the shadow of violence, Socialstyrelsen
(Conseil national suédois pour la santé), Stockholm, 2003.:
  • la police doit être observatrice et signaler aux services sociaux la présence d’enfants dans les foyers où la femme est maltraitée;
  • la police et les services sociaux doivent tenir compte du fait que la violence physique sur des enfants est bien plus courante lorsque la mère est maltraitée;
  • il est vital que les autorités soient conscientes des conséquences néfastes pour un enfant de la violence contre sa mère;
  • quand des mesures sont prises pour protéger la mère, il faut aussi évaluer leurs impacts sur l’enfant;
  • il est vital d’informer non seulement la mère, mais aussi les enfants concernés. L’information est nécessaire pour que l’enfant se sente en sécurité. Dans beaucoup de familles, la mère maltraitée est incapable de parler de la situation avec ses propres enfants.
28. Dans un deuxième temps, il faut proposer à l’enfant des entretiens de crise pour l’écouter raconter son expérience, lui donner des informations et le soutenir. Ces entretiens peuvent être associés à une évaluation préliminaire des symptômes. Dans un troisième temps, une psychothérapie est proposée aux enfants qui en ont besoin. La prise en charge des enfants présentant un syndrome de stress post-traumatique prend des formes diverses et variées, en groupe ou individuellement, suivant différents approches théoriques. Il est néanmoins très important que les thérapeutes aient conscience de la nécessité d’adapter leurs méthodes aux enfants traumatisés.
29. La quasi-totalité des Etats membres du Conseil de l’Europe affirme proposer une protection et une assistance aux enfants témoins de violence. Cela contraste nettement avec les résultats des recherches, qui révèlent qu’au sein des foyers d’accueil l’aide à l’enfance dépend de la volonté de la mère de chercher de l’aide et de la durée de son séjour. Les foyers d’accueils pour enfants sont rares 
			(19) 
			 Combattre
la violence à l’égard des femmes: étude du bilan des mesures et
actions prises pour combattre la violence à l’égard des femmes dans
les Etats membres du Conseil de l’Europe, Direction générale
des droits de l’homme, Strasbourg, 2006. .
30. Seule une infime proportion des enfants témoins de violences contre leur mère reçoivent un soutien ou font l’objet d’une intervention d’urgence. Cette situation vient notamment du fait que la violence est la plupart du temps un secret familial bien gardé, et que les méthodes et les connaissances appropriées pour aider les enfants exposés à une grave violence font défaut. Dans les foyers d’accueil, il y a souvent autant d’enfants que de mères, même si peu de ces foyers sont adaptés aux enfants. En Suède, environ 1 500 enfants séjournent en foyer chaque année, pour 1 700 femmes environ.
31. En 2000, «Sauvons les enfants» (Save the Children) a publié un manuel pour les entretiens de crise, visant à aider les enfants témoins de violences familiales 
			(20) 
			 Arnell A. et Ekbom
I., Then he kicked mummy…, Save
the Children, Suède, 2000.. Ce manuel est destiné à servir de modèle en montrant des travaux concrets menés auprès des enfants, par exemple au sein de foyers d’accueil pour femmes et auprès des services sociaux, tout en s’efforçant de renforcer les ressources propres des enfants. La méthode qu’il préconise est actuellement très répandue en Suède et permet d’aider plusieurs centaines d’enfants chaque année.

7. Action possible au niveau national

32. Toute mesure juridique visant à prévenir ou à faire cesser la violence contre des mères peut aussi protéger les enfants. Les femmes qui veulent rompre une relation violente ne mettent pas automatiquement un terme au risque de violence. Au contraire, il n’est pas exclu que ce risque augmente. Les mères sont parfois contraintes d’organiser leur vie d’une manière qui rappelle l’ancienne relation violente. Elles sentent que leur vie est menacée, mais doivent assurer une coopération sans heurt avec un père violent et laisser celui-ci voir ses enfants.
33. Lorsqu’une famille se sépare à la suite de violences, nombre d’enfants ne sont plus protégés par leur mère et se retrouvent seuls avec un père violent au moment de leurs visites. D’autres enfants perdent totalement le contact avec ce dernier contre leur volonté. Bien trop souvent, la fréquence des contacts avec le père est décidée sans une évaluation individuelle des besoins de l’enfant. Selon la Convention relative aux droits de l’enfant des Nations Unies, chaque enfant a le droit d’avoir ses deux parents et d’être protégé contre la violence. Il est parfois impossible de combiner ces deux droits. Les décisions concernant la garde et les visites sont des facteurs importants de protection de l’enfance contre la violence familiale.
34. Ces dix dernières années, on a noté une évolution très rapide de la sensibilisation au problème au regard du soutien à l’enfance et de la législation. En Suède, si un enfant est témoin de violences contre sa mère, la peine sera plus lourde pour l’auteur du crime de violence. L’enfant exposé a droit à un dédommagement financier de la part de l’Etat. Durant les deux premières années d’existence de cette loi, 110 enfants ont été dédommagés.
35. La prise de conscience des effets néfastes de la violence contre les enfants, et aussi de la violence dont les enfants sont témoins, varie selon les pays et les communautés, de même que les ressources employées pour protéger et aider les enfants se trouvant dans de telles situations. En même temps, compte tenu des coûts considérables générés par la violence faite aux femmes, les programmes de prévention peuvent sembler très avantageux. L’enfant et la famille évoluent dans un contexte social où, en plus des règlements et des mécanismes juridiques, la culture, des valeurs et des attitudes, ainsi que d’autres facteurs – tels que les caractéristiques du voisinage, du système scolaire ou l’intervention des professionnels – déterminent la réponse donnée à la situation de chaque enfant. Les variations au niveau de tous ces facteurs peuvent influer sur l’assistance apportée et l’avenir de chaque enfant.
36. Le fait que des enfants soient témoins apparaît comme un problème très spécifique dans le contexte plus large de la violence domestique et de la violence contre les femmes. Néanmoins, toute réponse apportée au niveau national devra être fondée sur une approche large. A la lumière des différents aspects développés dans ce rapport, ces réponses devront inclure des mesures juridiques abordant le problème à travers la prévention ou la poursuite de la violence domestique, ainsi que des règles relatives au droit de garde et de visite après des séparations familiales. Une mise en œuvre efficace de mesures juridiques devrait passer par une coordination des politiques nationales visant à agir sur les différents facteurs susceptibles d’améliorer la situation des enfants dans un contexte de violence domestique.

8. Les enfants témoins de violence domestique dans les instruments et les activités du Conseil de l’Europe

37. Les droits et la protection des enfants sont couverts par des conventions majeures du Conseil de l’Europe telles que la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (STE no 5) et la Charte sociale européenne (révisée) (STE no 163), ainsi que par des conventions d’autres organisations internationales, comme la Convention relative aux droits de l’enfant de l’ONU. Le thème des enfants apparaît plus spécifiquement dans diverses conventions du Conseil de l’Europe, telles que (liste non exhaustive):
  • la Convention européenne sur la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière de garde des enfants et le rétablissement de la garde des enfants (STE no 105);
  • la Convention européenne sur l’exercice des droits des enfants (STE no 160);
  • la Convention sur les relations personnelles concernant les enfants (STE no 192);
  • la Convention du Conseil de l’Europe sur la protection des enfants contre l’exploitation et les abus sexuels (STCE no 201).
38. Le Conseil de l’Europe entreprend actuellement diverses activités ayant trait aux enfants. Dans le secteur intergouvernemental, le Comité européen de coopération juridique (CDCJ) est l’un des principaux organes ayant contribué à la préparation de certains des instruments évoqués ci-dessus. L’événement le plus récent, marquant la présence du Conseil de l’Europe dans les débats européens en la matière, a été la Conférence sur la protection des enfants dans les systèmes judiciaires européens, tenue les 12 et 13 mars 2009 à Tolède (Espagne), organisée en coopération avec le ministère de la Justice espagnol, ainsi que la 29e Conférence du Conseil de l’Europe des ministres européens de la Justice tenue à Tromsø (Norvège), les 18 et 19 juin 2009.
39. Déjà, à la suite de la 28e Conférence des ministres européens de la Justice (Lanzarote, octobre 2007), le Comité des Ministres avait confié au Comité européen de coopération juridique (CDCJ), au Comité européen pour les problèmes criminels (CDPC), au Comité directeur des droits de l’homme (CDDH), à la Commission européenne pour l’efficacité de la justice (CEPEJ), ainsi qu’à d’autres organes compétents du Conseil de l’Europe, la tâche de préparer des lignes directrices européennes pour une justice adaptée aux enfants, qui devraient également être présentées avant la fin 2009.
40. Le programme du Conseil de l’Europe «Construire une Europe pour et avec les enfants»est constitué de trois volets étroitement liés: la promotion de l’accès des enfants à la justice, la suppression de toute forme de violence à leur égard, et la promotion de leur participation dans la société. Un résultat important du travail réalisé dans le cadre de ce programme est l’adoption, le 18 novembre 2009, des Lignes directrices du Conseil de l’Europe sur les stratégies nationales intégrées de protection des enfants contre la violence qui englobent déjà l’aspect des enfants témoins de violences domestiques. Afin de permettre une concertation large et transversale sur cet instrument politique non contraignant, le Conseil de l’Europe vient de lancer, en juin 2009, sa Plate-forme sur les droits de l’enfant. Ce forum virtuel réunit les interlocuteurs des gouvernements en charge des droits de l’enfant, les représentants d’organisations internationales, et des organisations non gouvernementales internationales, ainsi que des experts internationaux réputés. Parmi ses objectifs figure le développement de méthodes et d’outils adaptés aux contextes spécifiques dans lesquels se déroule la violence à l’égard des enfants, y compris au sein de la famille. Lors de la période 2010-2011, la plate-forme ciblera la promotion et la mise en œuvre, dans les Etats membres, des stratégies nationales intégrées de lutte contre la violence à l’égard des enfants.
41. Sans en être le thème central, le sujet des enfants a également été pris en considération dans les activités récentes ou en cours du Conseil de l’Europe, dans le cadre de la Campagne «Combattre la violence à l’égard des femmes, y compris la violence domestique» (2006-2008), comme celles menées par la task force du Conseil de l’Europe pour combattre la violence à l’égard des femmes, y compris la violence domestique (EG-TFV), créée à la suite du Sommet de Varsovie (mai 2005). Il est aussi pris en compte par le Comité ad hoc pour prévenir et combattre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (CAHVIO); ce comité a été mis en place pour la période 2009-2010 et a été chargé «d’élaborer un ou, le cas échéant, plusieurs instrument(s) juridique(s) contraignants, pour prévenir et combattre la violence domestique, y compris les formes spécifiques de violence à l’égard des femmes (…) et pour protéger et soutenir les victimes de tels actes de violence et poursuivre les auteurs» 
			(21) 
			 Selon le mandat révisé
du CAHVIO tel qu’adopté par les Délégués des Ministres le 20 mai
2009 lors de leur 1057e réunion..

9. Conclusions

42. Malgré la multitude des activités, aucun des instruments ou activités mentionnés du Conseil de l’Europe n’aborde explicitement le problème spécifique des enfants témoins de violence domestique et notamment de violence contre les femmes. Le fait d’avoir négligé cet aspect est d’autant plus regrettable que c’est un phénomène que l’on observe très souvent – comme le montre le présent rapport – en amont de violences exercées contre les enfants eux-mêmes. Par ailleurs, et lorsque le développement des enfants et des adolescents est compromis, le phénomène des enfants témoins de violence domestique devient un problème social plus général pour nos sociétés.
43. Identifier les situations où les enfants deviennent témoins de violences domestiques devrait faire partie des stratégies de prévention et d’anticipation par rapport à la violence à l’égard des enfants eux-mêmes, à tous les niveaux politiques. C’est pourquoi la question des enfants témoins de violence domestique devrait être prise en compte dans le cadre des travaux en cours pour une convention relative à la violence domestique du Conseil de l’Europe, ainsi que dans les futurs mécanismes de suivi en la matière. Enfin, le rapporteur estime qu’il s’agit également d’un aspect important à prendre en compte par les Etats membres du Conseil de l’Europe dans leur législation et leurs politiques nationales relatives aux droits et à la protection des enfants.
44. L’Assemblée a toujours soutenu et participé activement à toutes les activités relatives aux questions des enfants et de la violence domestique, y compris la violence à l’égard des femmes. Dans le but d’aborder ces phénomènes, elle a adopté la Recommandation 1847 (2008), «Combattre la violence à l’égard des femmes: pour une convention du Conseil de l’Europe». Elle prend aussi part activement aux travaux du CAHVIO en vue de préparer une convention relative à la violence domestique. A cet égard et par rapport à l’élaboration du texte en cours, le rapporteur souhaite souligner l’importance et la portée du problème des enfants témoins de violence domestique.
45. Comme le montre le présent rapport, la violence domestique touche les femmes de manière disproportionnée, et les enfants sont souvent témoins et donc concernés par cette violence à l’égard de leur mère. En raison du rôle clé que jouent les femmes et les mères, une future convention du Conseil de l’Europe devrait tout d’abord être un instrument relatif à la violence à l’égard des femmes. Elle devrait par ailleurs englober l’aspect des enfants témoins de violence domestique de manière appropriée. Le rapporteur est finalement convaincu que, afin d’obtenir un impact optimal des futures politiques européennes concernant les enfants témoins de violence domestique, le problème devrait être contenu dans le texte principal d’une future convention du Conseil de l’Europe et non dans un éventuel protocole additionnel y faisant référence.

***

Commission chargée du rapport: commission des questions sociales, de la santé et de la famille

Renvoi en commission:Doc. 11572, Renvoi 3444 du 29 mai 2008

Projets de résolution et de recommandation adoptés à l’unanimité par la commission le 11 décembre 2009.

Membres de la commission: Mme Christine McCafferty (Présidente), M. Denis Jacquat (1er Vice-Président), Mme Liliane Maury Pasquier (2e Vice-Présidente), Mme María del Rosario Fátima AburtoBaselga, M. Francis Agius, M. Farkhad Akhmedov, M. Milos Aligrudić, Mme Karin Andersen, Mme Magdalina Anikashvili, M. Konstantinos Aivaliotis, Mme Sirpa Asko-Seljavaara, M. Lokman Ayva, M. Mario Barbi, M. Andris Bērzinš, M. Roland Blum, Mme Olena Bondarenko, Mme Monika Brüning, Mme Bożenna Bukiewicz, Mme Karmela Caparin, M: Igor Chernyshenko (remplaçant: M. Parfenov), M. Desislav Chukolov, M. Agustín Conde Bajén, M. Imre Czinege, M. Karl Donabauer, Mme Emelina Fernández Soriano (remplaçante: Mme Blanca Fernández-Capel Baños), Mme Daniela Filipiová, M. Ilija Filipović, M. Paul Flynn, Mme Pernille Frahm, Mme Doris Frommelt, M. Marco Gatti, M. Ljubo Germič, M. Luc Goutry, M. Neven Gosović, Mme Claude Greff, Mme Dzhema Grozdanova, M. Michael Hancock, Mme Olha Herasym’yuk, M. Ali Huseynov, M; Fazail Ibrahimli, M. Birkir Jón Jónsson, Mme Marietta Karamanli, M. Włodzimierz Karpiński, M. Michail Katrinis, M. András Kelemen, M: Peter Kelly, Baronne Knight of Collingtree, M. Haluk Koç, M. Oleg Lebedev, M. Paul Lempens, M. Bernard Marquet, M. Patrick Moriau, M. Félix Müri, Mme Christine Muttonen, Mme Carina Ohlsson, M. Peter Omtzigt, Mme Lajla Pernaska, M. Zoran Petreski, Mme Marietta de Pourbaix-Lundin, M. Cezar Florin Preda, Mme Vjerica Radeta, Mme Maria Pilar Riba Font, M. Walter Riester, M. Nicolae Robu, M. Ricardo Rodrigues, Mme Maria de Belém Roseira, Mme Marlene Rupprecht (remplaçant: M. Wolfgang Wodarg), M. Indrek Saar, M. Maurizio Saia, M. Fidias Sarikas, M. Ellert Schram, Mme Anna Sobecka, Mme Michaela Šojdrová, M. Marc Spautz (remplaçant: M. Jean Huss), Mme Arūnė Stirblytė, M. Oreste Tofani, M. Mihai Tudose, M. Alexander Ulrich, M. Mustafa Ünal, M. Milan Urbáni, M. Luca Volonte’, M. Victor Yanukovych, M. Vladimir Zhidkikh

N.B. Les noms des membres ayant participé à la réunion sont indiqués en gras

Secrétariat de la commission: M. Mezei, Mme Lambrecht, Mme Arzilli