1. Introduction
1. L’Assemblée parlementaire a pris une part active
dans la Campagne du Conseil de l’Europe pour combattre la violence
à l’égard des femmes, y compris la violence domestique (2006-2008).
Elle observe également attentivement les activités en cours du Comité
ad hoc pour prévenir et combattre la violence à l’égard des femmes
et la violence domestique (CAHVIO) et soutient la préparation d’une
«convention-cadre du Conseil de l’Europe sur les formes de violence
les plus sévères et les plus répandues à l’égard des femmes»
.
2. L’ampleur de ce problème a été mesurée par des enquêtes nationales
dans plusieurs Etats membres. Environ un cinquième à un quart des
femmes aurait subi des violences physiques au moins une fois dans
leur vie adulte. Les conséquences de la violence faite aux femmes
dans la zone géographique des Etats membres du Conseil de l’Europe
sont considérables. La douleur, la souffrance et les répercussions
psychiques sont difficiles à évaluer. Il y a aussi des répercussions
financières qui s’élèveraient à un total annuel d’au moins 33 milliards
d’euros
.
3. Chaque année, de nombreux enfants sont exposés, directement
ou indirectement, à la violence familiale. Le schéma le plus fréquent
est celui d’un homme maltraitant une femme; toutefois, il n’est
pas exclu que les rôles soient inversés. Les relations entre partenaires
du même sexe peuvent aussi être violentes: il arrive qu’un homme
maltraite un autre homme, ou qu’une femme maltraite une autre femme.
Dans le présent rapport, l’accent est mis sur les enfants témoins
de violence domestique.
2. Violence
contre les femmes dont témoignent les enfants
4. Plus d’une femme sur 10 a subi des violences sexuelles
impliquant l’usage de la force
.
La violence est principalement perpétrée par un homme, souvent partenaire
ou ancien partenaire, de l’entourage social immédiat des femmes
victimes. Des études de prévalence menées en Europe montrent qu’environ
12 à 15 % des femmes ont fait l’expérience de sévices domestiques
après l’âge de 16 ans; plus nombreuses encore sont celles qui continuent
de subir des violences physiques et sexuelles de la part d’un ancien
partenaire après une séparation
.
5. Les enfants sont généralement témoins de la violence que subit
leur mère. Les réactions et les sentiments des enfants témoins peuvent
être aussi forts – voire plus forts – que ceux des enfants eux-mêmes victimes
de maltraitance physique. Les femmes battues affirment souvent que
leurs enfants n’avaient pas conscience de la violence qui leur était
infligée, pourtant les résultats des recherches menées révèlent
une image différente. Il ressort d’entretiens menés avec des enfants
séjournant avec leur mère dans des foyers spécialisés qu’une grande
majorité des enfants étaient présents au moment où les actes de
violence étaient commis. Tous ces enfants ont également été témoins
de cruauté mentale à l’égard de leur mère
.
6. Selon une étude réalisée dans des foyers pour femmes à Göteborg
(Suède):
- 95 % des enfants
étaient présents à la maison lorsque leur mère a été maltraitée;
- 77 % se trouvaient dans la même pièce au moment de la
scène de violence;
- 45 % des enfants étaient en contact physique avec l’un
ou l’autre des parents au moment de la scène de violence, certains
s’efforçant de mettre fin aux actes de violence, d’autres se blottissant
contre leur mère;
- 62 % des enfants ont été eux-mêmes victimes de violences
physiques de la part de l’homme qui maltraitait leur mère, 25 %
ayant été victimes de violences graves et répétées .
7. On peut être témoin de la violence de diverses manières. Nombre
d’enfants s’interposent physiquement ou attaquent la personne violente.
Il n’est donc pas rare qu’ils soient battus à leur tour. D’autres
enfants, horrifiés, restent spectateurs. Certains témoignent indirectement
de la violence, en voyant leur mère apeurée ou couverte de blessures
et de commotions. Vivre dans une famille où la mère est battue signifie
aussi être exposé à l’oppression et à la tyrannie qui forment le
cadre habituel de la violence. Les enfants sont témoins de la terreur
de leur mère et de la relation déséquilibrée entre la personne qui
bat et celle qui est battue
.
8. Les chiffres démontrent que, à chaque fois qu’une femme fait
l’objet de violence, il est fort probable qu’un enfant en soit témoin.
La fréquence élevée de la violence à l’encontre des femmes donne
une idée du nombre d’enfants qui vivent cette douloureuse réalité.
Si chaque enfant exposé à la violence dans le cadre familial a ses
propres réactions et besoins, on note toutefois des caractéristiques
communes. En étant témoin de la violence infligée à sa mère, l’enfant
subit une forme de maltraitance psychologique qui peut avoir de graves
répercussions. Il reste beaucoup à faire en matière de prévention,
de repérage de la violence et de soutien aux enfants concernés.
3. La violence familiale
comme contexte pour d’autres problèmes et l’abus sur des enfants
9. Les enfants qui vivent dans des familles victimes
d’une violence sévère et chronique vivent souvent d’autres malheurs
de surcroît: la toxicomanie, la maladie mentale des parents, l’emprisonnement
et l’appartenance à un milieu socio-économique défavorisés peuvent
être des causes tout autant que des conséquences de la violence.
10. Lorsqu’une famille se sépare à cause de violences physiques,
de graves crises sont souvent observées chez les personnes maltraitées
ou à l’origine de la violence de même que chez leurs enfants. Les
membres adultes de la famille ayant des besoins urgents et importants,
il n’est pas rare que les besoins des enfants soient éclipsés dans
de telles situations. Les enfants n’oublient pas la violence. Le
fait de voir sa mère battue est une forme grave de cruauté mentale
pour les enfants, qui laisse des marques.
11. Outre le fait d’être témoins de violence domestique, nombre
d’enfants souffrent eux-mêmes d’abus physiques ou sexuels, d’indifférence
ou de négligence. Les recherches ont montré qu’il existe une relation étroite
entre la violence masculine à l’encontre des femmes et les abus
sexuels et physiques commis sur les enfants. Les taux de recoupement
entre violence familiale et abus physiques sur enfants varient entre
45 % et 70 % selon les études. Cela signifie que la violence faite
à une mère est le signe annonciateur le plus flagrant d’abus physique
sur enfant. Ainsi, le risque d’abus sexuel augmente dans les familles
où la mère est maltraitée
.
4. Conséquences sur
l’exercice des responsabilités parentales
12. Un enfant qui grandit dans un foyer où plane constamment
la menace de la violence se voit refuser des sentiments élémentaires
de confiance et de sécurité. Cette situation nuit aux relations
avec les parents. Les enfants peuvent rendre leur père responsable
de la violence, et leur mère de l’absence de sécurité et de protection.
D’après les recherches, nombre de mères font des efforts considérables
pour préserver autant que possible la sécurité de leurs enfants.
Malgré cela, les mères sont souvent jugées responsables de l’absence de
sécurité qui résulte de la violence. Les observateurs tendent à
se concentrer sur les problèmes de la mère plutôt que sur la violence
à l’origine des problèmes. L’agression et l’imprévisibilité du père
abusif sont généralement les plus grands problèmes en matière de
capacité à élever des enfants.
13. De nombreuses femmes maltraitées présentent des symptômes
particuliers de traumatismes, compte tenu de la nature chronique
de la violence. Elles oscillent entre endurcissement émotionnel
et débordements émotionnels accablants. La violence à l’encontre
d’une mère est sans aucun doute un facteur de risque pour l’exercice
des responsabilités parentales.
14. La violence familiale peut d’ailleurs nuire à la capacité
de la mère à développer une autorité et un contrôle sur ses enfants.
Dans des cas extrêmes, les enfants inversent les rôles familiaux
et deviennent à leur tour autoritaires, voire brutaux, avec leur
mère: ils copient le comportement de l’homme violent.
5. Conséquences sur
le développement des enfants et des adolescents
15. La plupart des enfants ne parlent à personne de la
violence qui règne chez eux. Ils apprennent qu’il s’agit d’un secret
devant rester dans la famille. Ils apprennent aussi que les adultes
peuvent recourir à la violence pour obtenir ce qu’ils veulent. Dans
beaucoup de familles, la violence n’est jamais évoquée, même si
tous les membres en font les frais. Il arrive que les parents continuent
à vivre comme si de rien n’était, ou nient avec véhémence la violence
face à leurs enfants. Par conséquent, les enfants se taisent, enfouissent
leurs souvenirs et n’osent même pas croire à la réalité de ce qu’ils
ont vécu.
16. Les enfants exposés à la violence entre leurs parents ne sont
pas de simples témoins au sens d’observateurs extérieurs, non concernés
par les événements. La plupart d’entre eux vivent en permanence dans
la peur et l’insécurité. Ils assument souvent la responsabilité
de cette violence, essayant de prévenir de nouveaux épisodes, protégeant,
réconfortant et aidant leur mère. La violence devient le centre
de leur vie, un état de fait qui marque leur enfance
.
Quand les enfants sentent que quelque chose ne va pas dans leur
foyer, ils éprouvent de la honte. Ils ont souvent le sentiment d’être
responsables de la violence, d’autant plus qu’ils peuvent lui trouver
des causes innombrables: «maman et papa se disputaient peut-être
à cause de moi» ou «papa était peut-être fatigué parce que je l’ai
réveillé à cause de mon cauchemar»
.
17. La violence en milieu familial nuit aux besoins de l’enfant
en matière de protection et de sécurité, et peut mettre en péril
son développement. En effet, des problèmes peuvent subsister à l’âge
adulte et entretenir le cycle de calamités et de violence. Nombre
d’enfants développent des symptômes qui exigent une prise en charge
psychiatrique. L’âge peut faire une différence quant à la visibilité
et à la manifestation des symptômes. Chez les enfants, les symptômes
sous-jacents se manifestent par d’importants sentiments de terreur,
la peur de mourir et de perdre leur mère
.
18. Certains enfants ne présentent aucun symptôme; cependant l’apprentissage
social peut avoir un effet considérable sur les enfants qui ne développent
pas de symptômes pédopsychiatriques directs. Les enfants qui s’identifient
à un père violent peuvent, en plus d’imiter son comportement, apprendre
à manipuler et à contraindre autrui à satisfaire leurs besoins.
D’autres enfants peuvent apprendre que la soumission est la seule façon
de coexister avec autrui. Les difficultés de l’interaction sociale
sont acquises très tôt et deviennent souvent évidentes en milieu
scolaire et avec les pairs. Les études montrent même une forte corrélation
entre l’exposition à la violence domestique dans l’enfance et les
problèmes psychologiques et sociaux à l’âge adulte, tels que la
dépression, les symptômes post-traumatiques, l’abus d’alcool et
de drogues. Les personnes qui ont été confrontées à la violence
durant leur enfance courent également un risque accru d’être exposées
à la violence à l’âge adulte
.
19. Parmi les facteurs qui ont une influence sur les conséquences
du traumatisme sur l’enfant, citons
:
- la proximité de l’enfant avec la violence;
- la personnalité de l’enfant;
- l’âge de l’enfant au moment où se produit la violence;
- le degré de la violence;
- la fréquence de la violence;
- la possibilité ou non d’établir le contact avec des adultes
qui peuvent le protéger et l’aider.
20. L’âge de l’enfant au moment où survient la violence est un
facteur qui influe fortement sur les conséquences du traumatisme.
Les enfants sont nombreux à naître dans des milieux familiaux violents.
Il est courant que la violence débute avant ou pendant la grossesse
de la mère; elle peut même avoir un impact sur l’enfant à naître,
par exemple par un coup porté à l’abdomen. La violence durant la
grossesse présente des risques pour la santé de la mère et celle
de l’enfant. Toutefois, la grossesse est propice à la détection
de la violence, puisque les femmes enceintes consultent généralement
des médecins durant cette période
.
21. Pour les jeunes enfants qui grandissent au sein d’un foyer
violent, il n’y a aucun point de comparaison. Ce n’est que lorsqu’ils
grandissent et qu’ils en apprennent davantage sur les autres familles,
à l’école et par leurs pairs, que les enfants commencent à se rendre
compte que quelque chose ne va pas. Les enfants en bas âge sont
totalement dépendants des personnes qui s’occupent d’eux. Il est
donc beaucoup plus difficile pour les jeunes enfants de comprendre
ce qui se passe autour d’eux que pour les enfants plus âgés et les adolescents.
22. Les nourrissons et les enfants en bas âge peuvent être bouleversés
par des bruits inquiétants et par des images visuelles associées
à la violence. Durant les premières années de sa vie, un enfant
a besoin d’établir un lien solide avec la personne qui s’occupe
de lui, pour pouvoir ensuite devenir un individu socialement compétent
et capable de s’adapter. L’attachement entre cette personne et l’enfant
dépend fortement des conditions extérieures. Dans un foyer qui n’est
pas sûr, où les conflits sont fréquents et où les parents sont incapables
de protéger l’enfant, la violence et les mauvais traitements peuvent
expliquer la fragilité ou l’instabilité de ce lien.
23. Les enfants exposés à la violence et à la maltraitance développent
différentes stratégies de survie
. Ces
stratégies leur permettent d’affronter la situation, notamment en
cas de stress ou de crise. Cependant, si ces stratégies sont une
réaction générale au stress, elles risquent de créer de nouveaux
problèmes. De plus, si la source du problème – la violence et les
mauvais traitements – persiste, les interventions sociales se solderont
probablement par un échec.
24. Voici quelques exemples de stratégies de survie couramment
observées chez les enfants exposés à la violence familiale:
- se bloquer psychiquement ou
se déconnecter émotionnellement: étouffer ses émotions et étouffer
ses pensées, apprendre à ne pas écouter, imaginer être ailleurs,
mais aussi consommer de l’alcool ou de la drogue;
- améliorer son quotidien par l’imagination: planifier une
vengeance, s’imaginer une vie meilleure (par exemple être né dans
une autre famille), espérer être secouru par une tierce personne;
- fuir physiquement: quitter la pièce, la maison, voire
s’enfuir du foyer familial;
- rechercher l’amour (et l’acceptation) dans des relations
à risque: avoir de mauvaises fréquentations, des relations sexuelles
pour l’intimité et la proximité qu’elles procurent; pour une fille,
s’efforcer de tomber enceinte à l’adolescence;
- prendre les choses en main en s’occupant des autres: protéger
ses frères et sœurs du danger, endosser le rôle de parent, prendre
soin de sa mère;
- chercher ou réclamer de l’aide: se confier à un enseignant,
un ami ou un voisin et appeler la police, mais aussi commettre des
actes suicidaires, s’automutiler ou se battre;
- s’efforcer de prévoir, d’expliquer, d’empêcher ou de contrôler
le comportement de la personne violente: vouloir être un enfant
parfait, dissimuler les faits négatifs et chercher des explications
à la violence (par exemple, «maman a fait une erreur» ou «j’ai été
méchant»).
25. Des études ont montré que les enfants exposés à la violence
ont tendance à être plus agressifs et à avoir davantage de problèmes
comportementaux à l’école que les autres enfants. Entre autres conséquences possibles,
citons la dépression, les comportements suicidaires, l’anxiété,
les peurs, les phobies, les troubles du sommeil, les tics, l’énurésie
et l’absence d’amour-propre. Plusieurs études notent des problèmes
de concentration, des difficultés scolaires et des résultats inférieurs
à la moyenne aux tests de langue, de capacités motrices et cognitives.
26. Certains enfants sont gravement traumatisés et développent
un syndrome de stress post-traumatique exigeant un traitement spécial.
Ils ne parviennent pas à assimiler leurs expériences de violence
et sont hantés par les souvenirs, les sentiments et les pensées
qu’éveillent ces souvenirs. La prise en charge du syndrome de stress
post-traumatique doit permettre aux enfants de décrire la violence
expressément et en détail. Il importe qu’ils acceptent leur expérience
de la violence et l’intègrent dans la compréhension qu’ils ont d’eux-mêmes
et du monde qui les entoure
.
6. Protection de l’enfance
et intervention des services sociaux
27. Lorsque la violence est repérée en milieu familial,
la première étape, la plus importante, consiste à protéger les victimes
:
- la police doit être observatrice
et signaler aux services sociaux la présence d’enfants dans les
foyers où la femme est maltraitée;
- la police et les services sociaux doivent tenir compte
du fait que la violence physique sur des enfants est bien plus courante
lorsque la mère est maltraitée;
- il est vital que les autorités soient conscientes des
conséquences néfastes pour un enfant de la violence contre sa mère;
- quand des mesures sont prises pour protéger la mère, il
faut aussi évaluer leurs impacts sur l’enfant;
- il est vital d’informer non seulement la mère, mais aussi
les enfants concernés. L’information est nécessaire pour que l’enfant
se sente en sécurité. Dans beaucoup de familles, la mère maltraitée
est incapable de parler de la situation avec ses propres enfants.
28. Dans un deuxième temps, il faut proposer à l’enfant des entretiens
de crise pour l’écouter raconter son expérience, lui donner des
informations et le soutenir. Ces entretiens peuvent être associés
à une évaluation préliminaire des symptômes. Dans un troisième temps,
une psychothérapie est proposée aux enfants qui en ont besoin. La
prise en charge des enfants présentant un syndrome de stress post-traumatique
prend des formes diverses et variées, en groupe ou individuellement,
suivant différents approches théoriques. Il est néanmoins très important
que les thérapeutes aient conscience de la nécessité d’adapter leurs
méthodes aux enfants traumatisés.
29. La quasi-totalité des Etats membres du Conseil de l’Europe
affirme proposer une protection et une assistance aux enfants témoins
de violence. Cela contraste nettement avec les résultats des recherches,
qui révèlent qu’au sein des foyers d’accueil l’aide à l’enfance
dépend de la volonté de la mère de chercher de l’aide et de la durée
de son séjour. Les foyers d’accueils pour enfants sont rares
.
30. Seule une infime proportion des enfants témoins de violences
contre leur mère reçoivent un soutien ou font l’objet d’une intervention
d’urgence. Cette situation vient notamment du fait que la violence
est la plupart du temps un secret familial bien gardé, et que les
méthodes et les connaissances appropriées pour aider les enfants
exposés à une grave violence font défaut. Dans les foyers d’accueil,
il y a souvent autant d’enfants que de mères, même si peu de ces
foyers sont adaptés aux enfants. En Suède, environ 1 500 enfants
séjournent en foyer chaque année, pour 1 700 femmes environ.
31. En 2000, «Sauvons les enfants» (Save the Children) a publié
un manuel pour les entretiens de crise, visant à aider les enfants
témoins de violences familiales
. Ce manuel est destiné
à servir de modèle en montrant des travaux concrets menés auprès
des enfants, par exemple au sein de foyers d’accueil pour femmes
et auprès des services sociaux, tout en s’efforçant de renforcer
les ressources propres des enfants. La méthode qu’il préconise est
actuellement très répandue en Suède et permet d’aider plusieurs
centaines d’enfants chaque année.
7. Action possible
au niveau national
32. Toute mesure juridique visant à prévenir ou à faire
cesser la violence contre des mères peut aussi protéger les enfants.
Les femmes qui veulent rompre une relation violente ne mettent pas
automatiquement un terme au risque de violence. Au contraire, il
n’est pas exclu que ce risque augmente. Les mères sont parfois contraintes
d’organiser leur vie d’une manière qui rappelle l’ancienne relation
violente. Elles sentent que leur vie est menacée, mais doivent assurer
une coopération sans heurt avec un père violent et laisser celui-ci
voir ses enfants.
33. Lorsqu’une famille se sépare à la suite de violences, nombre
d’enfants ne sont plus protégés par leur mère et se retrouvent seuls
avec un père violent au moment de leurs visites. D’autres enfants
perdent totalement le contact avec ce dernier contre leur volonté.
Bien trop souvent, la fréquence des contacts avec le père est décidée
sans une évaluation individuelle des besoins de l’enfant. Selon
la Convention relative aux droits de l’enfant des Nations Unies,
chaque enfant a le droit d’avoir ses deux parents et d’être protégé
contre la violence. Il est parfois impossible de combiner ces deux
droits. Les décisions concernant la garde et les visites sont des
facteurs importants de protection de l’enfance contre la violence
familiale.
34. Ces dix dernières années, on a noté une évolution très rapide
de la sensibilisation au problème au regard du soutien à l’enfance
et de la législation. En Suède, si un enfant est témoin de violences
contre sa mère, la peine sera plus lourde pour l’auteur du crime
de violence. L’enfant exposé a droit à un dédommagement financier
de la part de l’Etat. Durant les deux premières années d’existence
de cette loi, 110 enfants ont été dédommagés.
35. La prise de conscience des effets néfastes de la violence
contre les enfants, et aussi de la violence dont les enfants sont
témoins, varie selon les pays et les communautés, de même que les
ressources employées pour protéger et aider les enfants se trouvant
dans de telles situations. En même temps, compte tenu des coûts considérables
générés par la violence faite aux femmes, les programmes de prévention
peuvent sembler très avantageux. L’enfant et la famille évoluent
dans un contexte social où, en plus des règlements et des mécanismes
juridiques, la culture, des valeurs et des attitudes, ainsi que
d’autres facteurs – tels que les caractéristiques du voisinage,
du système scolaire ou l’intervention des professionnels – déterminent
la réponse donnée à la situation de chaque enfant. Les variations
au niveau de tous ces facteurs peuvent influer sur l’assistance
apportée et l’avenir de chaque enfant.
36. Le fait que des enfants soient témoins apparaît comme un problème
très spécifique dans le contexte plus large de la violence domestique
et de la violence contre les femmes. Néanmoins, toute réponse apportée au
niveau national devra être fondée sur une approche large. A la lumière
des différents aspects développés dans ce rapport, ces réponses
devront inclure des mesures juridiques abordant le problème à travers
la prévention ou la poursuite de la violence domestique, ainsi que
des règles relatives au droit de garde et de visite après des séparations
familiales. Une mise en œuvre efficace de mesures juridiques devrait
passer par une coordination des politiques nationales visant à agir
sur les différents facteurs susceptibles d’améliorer la situation
des enfants dans un contexte de violence domestique.
8. Les enfants témoins
de violence domestique dans les instruments et les activités du
Conseil de l’Europe
37. Les droits et la protection des enfants sont couverts
par des conventions majeures du Conseil de l’Europe telles que la
Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales
(STE no 5) et la Charte sociale européenne (révisée) (STE no 163),
ainsi que par des conventions d’autres organisations internationales,
comme la Convention relative aux droits de l’enfant de l’ONU. Le
thème des enfants apparaît plus spécifiquement dans diverses conventions
du Conseil de l’Europe, telles que (liste non exhaustive):
- la Convention européenne sur
la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière de garde
des enfants et le rétablissement de la garde des enfants (STE no
105);
- la Convention européenne sur l’exercice des droits des
enfants (STE no 160);
- la Convention sur les relations personnelles concernant
les enfants (STE no 192);
- la Convention du Conseil de l’Europe sur la protection
des enfants contre l’exploitation et les abus sexuels (STCE no 201).
38. Le Conseil de l’Europe entreprend actuellement diverses activités
ayant trait aux enfants. Dans le secteur intergouvernemental, le
Comité européen de coopération juridique (CDCJ) est l’un des principaux organes
ayant contribué à la préparation de certains des instruments évoqués
ci-dessus. L’événement le plus récent, marquant la présence du Conseil
de l’Europe dans les débats européens en la matière, a été la Conférence
sur la protection des enfants dans les systèmes judiciaires européens,
tenue les 12 et 13 mars 2009 à Tolède (Espagne), organisée en coopération
avec le ministère de la Justice espagnol, ainsi que la 29e Conférence
du Conseil de l’Europe des ministres européens de la Justice tenue
à Tromsø (Norvège), les 18 et 19 juin 2009.
39. Déjà, à la suite de la 28e Conférence des ministres européens
de la Justice (Lanzarote, octobre 2007), le Comité des Ministres
avait confié au Comité européen de coopération juridique (CDCJ),
au Comité européen pour les problèmes criminels (CDPC), au Comité
directeur des droits de l’homme (CDDH), à la Commission européenne
pour l’efficacité de la justice (CEPEJ), ainsi qu’à d’autres organes
compétents du Conseil de l’Europe, la tâche de préparer des lignes
directrices européennes pour une justice adaptée aux enfants, qui devraient
également être présentées avant la fin 2009.
40. Le programme du Conseil de l’Europe «Construire une Europe
pour et avec les enfants»est constitué de trois volets étroitement
liés: la promotion de l’accès des enfants à la justice, la suppression
de toute forme de violence à leur égard, et la promotion de leur
participation dans la société. Un résultat important du travail réalisé
dans le cadre de ce programme est l’adoption, le 18 novembre 2009,
des Lignes directrices du Conseil de l’Europe sur les stratégies
nationales intégrées de protection des enfants contre la violence
qui englobent déjà l’aspect des enfants témoins de violences domestiques.
Afin de permettre une concertation large et transversale sur cet
instrument politique non contraignant, le Conseil de l’Europe vient
de lancer, en juin 2009, sa Plate-forme sur les droits de l’enfant.
Ce forum virtuel réunit les interlocuteurs des gouvernements en charge
des droits de l’enfant, les représentants d’organisations internationales,
et des organisations non gouvernementales internationales, ainsi
que des experts internationaux réputés. Parmi ses objectifs figure
le développement de méthodes et d’outils adaptés aux contextes spécifiques
dans lesquels se déroule la violence à l’égard des enfants, y compris
au sein de la famille. Lors de la période 2010-2011, la plate-forme ciblera
la promotion et la mise en œuvre, dans les Etats membres, des stratégies
nationales intégrées de lutte contre la violence à l’égard des enfants.
41. Sans en être le thème central, le sujet des enfants a également
été pris en considération dans les activités récentes ou en cours
du Conseil de l’Europe, dans le cadre de la Campagne «Combattre
la violence à l’égard des femmes, y compris la violence domestique»
(2006-2008), comme celles menées par la
task
force du Conseil de l’Europe pour combattre la violence
à l’égard des femmes, y compris la violence domestique (EG-TFV),
créée à la suite du Sommet de Varsovie (mai 2005). Il est aussi
pris en compte par le Comité ad hoc pour prévenir et combattre la
violence à l’égard des femmes et la violence domestique (CAHVIO);
ce comité a été mis en place pour la période 2009-2010 et a été
chargé «d’élaborer un ou, le cas échéant, plusieurs instrument(s)
juridique(s) contraignants, pour prévenir et combattre la violence
domestique, y compris les formes spécifiques de violence à l’égard
des femmes (…) et pour protéger et soutenir les victimes de tels
actes de violence et poursuivre les auteurs»
.
9. Conclusions
42. Malgré la multitude des activités, aucun des instruments
ou activités mentionnés du Conseil de l’Europe n’aborde explicitement
le problème spécifique des enfants témoins de violence domestique
et notamment de violence contre les femmes. Le fait d’avoir négligé
cet aspect est d’autant plus regrettable que c’est un phénomène
que l’on observe très souvent – comme le montre le présent rapport
– en amont de violences exercées contre les enfants eux-mêmes. Par
ailleurs, et lorsque le développement des enfants et des adolescents
est compromis, le phénomène des enfants témoins de violence domestique
devient un problème social plus général pour nos sociétés.
43. Identifier les situations où les enfants deviennent témoins
de violences domestiques devrait faire partie des stratégies de
prévention et d’anticipation par rapport à la violence à l’égard
des enfants eux-mêmes, à tous les niveaux politiques. C’est pourquoi
la question des enfants témoins de violence domestique devrait être prise
en compte dans le cadre des travaux en cours pour une convention
relative à la violence domestique du Conseil de l’Europe, ainsi
que dans les futurs mécanismes de suivi en la matière. Enfin, le
rapporteur estime qu’il s’agit également d’un aspect important à
prendre en compte par les Etats membres du Conseil de l’Europe dans
leur législation et leurs politiques nationales relatives aux droits
et à la protection des enfants.
44. L’Assemblée a toujours soutenu et participé activement à toutes
les activités relatives aux questions des enfants et de la violence
domestique, y compris la violence à l’égard des femmes. Dans le
but d’aborder ces phénomènes, elle a adopté la
Recommandation 1847 (2008), «Combattre
la violence à l’égard des femmes: pour une convention du Conseil
de l’Europe». Elle prend aussi part activement aux travaux du CAHVIO
en vue de préparer une convention relative à la violence domestique.
A cet égard et par rapport à l’élaboration du texte en cours, le
rapporteur souhaite souligner l’importance et la portée du problème
des enfants témoins de violence domestique.
45. Comme le montre le présent rapport, la violence domestique
touche les femmes de manière disproportionnée, et les enfants sont
souvent témoins et donc concernés par cette violence à l’égard de
leur mère. En raison du rôle clé que jouent les femmes et les mères,
une future convention du Conseil de l’Europe devrait tout d’abord
être un instrument relatif à la violence à l’égard des femmes. Elle
devrait par ailleurs englober l’aspect des enfants témoins de violence
domestique de manière appropriée. Le rapporteur est finalement convaincu
que, afin d’obtenir un impact optimal des futures politiques européennes
concernant les enfants témoins de violence domestique, le problème
devrait être contenu dans le texte principal d’une future convention
du Conseil de l’Europe et non dans un éventuel protocole additionnel
y faisant référence.
***
Commission chargée du rapport: commission
des questions sociales, de la santé et de la famille
Renvoi en commission:Doc. 11572, Renvoi
3444 du 29 mai 2008
Projets de résolution et de recommandation adoptés
à l’unanimité par la commission le 11 décembre 2009.
Membres de la commission: Mme Christine
McCafferty (Présidente), M.
Denis Jacquat (1er Vice-Président), Mme Liliane Maury
Pasquier (2e Vice-Présidente), Mme María
del Rosario Fátima AburtoBaselga,
M. Francis Agius, M. Farkhad Akhmedov, M. Milos Aligrudić, Mme Karin
Andersen, Mme Magdalina Anikashvili, M. Konstantinos Aivaliotis,
Mme Sirpa Asko-Seljavaara, M. Lokman
Ayva, M. Mario Barbi, M. Andris Bērzinš, M. Roland Blum,
Mme Olena Bondarenko, Mme Monika Brüning, Mme Bożenna Bukiewicz,
Mme Karmela Caparin, M: Igor Chernyshenko (remplaçant: M. Parfenov), M. Desislav Chukolov, M. Agustín Conde Bajén, M. Imre
Czinege, M. Karl Donabauer, Mme Emelina Fernández Soriano (remplaçante: Mme Blanca Fernández-Capel Baños),
Mme Daniela Filipiová, M. Ilija Filipović, M. Paul Flynn, Mme Pernille
Frahm, Mme Doris Frommelt, M. Marco Gatti, M. Ljubo Germič, M. Luc
Goutry, M. Neven Gosović, Mme Claude Greff, Mme Dzhema Grozdanova, M. Michael Hancock, Mme Olha Herasym’yuk,
M. Ali Huseynov, M; Fazail Ibrahimli, M. Birkir Jón Jónsson, Mme Marietta
Karamanli, M. Włodzimierz Karpiński, M. Michail Katrinis, M. András
Kelemen, M: Peter Kelly, Baronne Knight of Collingtree, M. Haluk Koç, M. Oleg Lebedev,
M. Paul Lempens, M. Bernard Marquet,
M. Patrick Moriau, M. Félix Müri, Mme Christine Muttonen, Mme Carina Ohlsson, M. Peter Omtzigt, Mme Lajla Pernaska,
M. Zoran Petreski, Mme Marietta de Pourbaix-Lundin, M. Cezar Florin Preda, Mme Vjerica
Radeta, Mme Maria Pilar Riba Font, M. Walter Riester, M. Nicolae
Robu, M. Ricardo Rodrigues, Mme Maria de Belém Roseira, Mme Marlene
Rupprecht (remplaçant: M. Wolfgang Wodarg),
M. Indrek Saar, M. Maurizio Saia, M.
Fidias Sarikas, M. Ellert Schram, Mme Anna Sobecka, Mme Michaela
Šojdrová, M. Marc Spautz (remplaçant: M. Jean
Huss), Mme Arūnė Stirblytė, M. Oreste Tofani, M. Mihai
Tudose, M. Alexander Ulrich, M. Mustafa
Ünal, M. Milan Urbáni, M. Luca Volonte’, M. Victor Yanukovych,
M. Vladimir Zhidkikh
N.B. Les noms des membres ayant participé à la réunion sont
indiqués en gras
Secrétariat de la commission: M.
Mezei, Mme Lambrecht, Mme Arzilli