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Rapport | Doc. 12108 | 07 janvier 2010

Euro-Méditerranée : pour une stratégie du Conseil de l’Europe

Commission des questions politiques et de la démocratie

Rapporteur : M. Denis BADRÉ, France, ADLE

Résumé

Le rapport rappelle l’importance pour l’Europe de la stabilité en Méditerranée, et souligne que celle-ci ne peut être atteinte que sur la base de la démocratie, du respect des droits de l’homme et de la prééminence du droit.

Il fait le point sur les relations euro-méditerranéennes existantes, tant au niveau de l’Union européenne, y inclus le processus de Barcelone et l’Union pour la Méditerranée, qu’en ce qui concerne le Conseil de l’Europe. Il arrive à la conclusion que la contribution de notre Organisation au processus de partenariat euro-méditerranéen doit être renforcée.

Afin d’y parvenir, le rapport suggère une approche à deux niveaux: intensifier la coopération bilatérale dans le domaine de compétence du Conseil de l’Europe avec les pays de la Méditerranée qui le souhaitent, et contribuer à l’action de l’Union pour la Méditerranée en l’ouvrant aux domaines de la démocratie, de la protection des droits de l’homme et de la prééminence du droit.

A. Projet de résolution

(open)
1. La région de la Méditerranée occupe une position stratégique dans le voisinage de l’Europe. Elle a des liens historiques, culturels, économiques et humains avec le continent européen. La paix et la stabilité dans cette région revêtent une importance cruciale pour l’Europe.
2. L’Assemblée parlementaire réitère l’importance qu’elle attache au renforcement de la coopération et des échanges avec les pays de la Méditerranée, et se réfère, entre autres, à sa Résolution 1598 (2008) «Renforcer la coopération avec les pays du Maghreb», ainsi qu’à ses activités visant à contribuer au processus de paix au Proche-Orient. Elle rappelle également que les chefs d’Etat et de gouvernement du Conseil de l’Europe réunis lors du Sommet de Varsovie en mai 2005 se sont engagés à encourager un nouveau dialogue interculturel et interreligieux avec les régions voisines – la rive sud de la Méditerranée, le Moyen-Orient et l’Asie centrale – fondé sur le respect des droits humains universels.
3. Dans ce contexte, l’Assemblée prend note avec satisfaction des progrès récemment accomplis par les divers organes, institutions et mécanismes dans le développement de la coopération du Conseil de l’Europe avec les Etats non membres de la région de la Méditerranée. Elle se félicite tout particulièrement de l’adhésion de plusieurs Etats non membres de cette région aux conventions et accords partiels du Conseil de l’Europe.
4. L’Assemblée note que l’Union européenne s’est engagée dans une politique visant à développer un partenariat avec les pays de la Méditerranée et à contribuer à la stabilité dans la région. Lancé en 1995 comme «processus de Barcelone», le partenariat euro-méditerranéen a été complété par la politique européenne de voisinage (2004) et, plus récemment, institutionnalisé par la création en 2008 de l’Union pour la Méditerranée qui englobe l’ensemble des Etats membres de l’Union européenne et des pays riverains de la Méditerranée.
5. L’Assemblée réitère sa conviction que la paix et la stabilité dans la région de la Méditerranée ne peuvent être garanties à long terme que sur la base de la démocratie, du respect des droits de l’homme et de la prééminence du droit – comme cela a été démontré par l’évolution du processus européen, aussi bien au sein de l’Union européenne, qui est fondée sur ces principes, que dans le cadre du Conseil de l’Europe dont la mission statutaire est de promouvoir, protéger et développer ces valeurs et principes.
6. Elle note que plusieurs pays de la Méditerranée proclament leur attachement à ces valeurs et principes et manifestent leur intérêt à bénéficier de l’expérience et de l’expertise du Conseil de l’Europe en la matière. Cependant, ces domaines ne figurent pas parmi les priorités annoncées des activités multilatérales de l’Union pour la Méditerranée, même si la Déclaration commune du Sommet de Paris pour la Méditerranée – document fondateur de l’Union pour la Méditerranée – fait référence à la démocratie. Par ailleurs, dans ses relations bilatérales avec certains Etats méditerranéens, l’Union européenne se réfère explicitement au Conseil de l’Europe.
7. L’Assemblée estime donc que le Conseil de l’Europe devrait approfondir la coopération bilatérale dans ses domaines d’activités avec les Etats méditerranéens qui le souhaitent. En même temps, il devrait s’engager dans le processus multilatéral de partenariat euro-méditerranéen et y apporter sa contribution. L’Assemblée souligne qu’il ne s’agit pas, pour le Conseil de l’Europe, de viser à concurrencer l’action de l’Union pour la Méditerranée en créant des structures parallèles, mais de la compléter en y introduisant la dimension relative à la démocratie, aux droits de l’homme et à la prééminence du droit.
8. L’Assemblée appelle l’Union pour la Méditerranée à élargir son domaine d’activités pour y inclure la promotion de la démocratie, des droits de l’homme et de la prééminence du droit, et à y associer le Conseil de l’Europe. Elle appelle l’Union européenne et ses Etats membres, ainsi que les Etats membres du Conseil de l’Europe qui participent à l’Union pour la Méditerranée, à favoriser l’association du Conseil de l’Europe aux activités de celle-ci.
9. L’Assemblée réitère son intérêt et sa disponibilité pour contribuer au développement de la dimension parlementaire des relations euro-méditerranéennes. Dans ce contexte, elle rappelle sa décision d’instituer le nouveau statut de «partenaire pour la démocratie» qui devient opérationnel en janvier 2010, et encourage vivement les parlements nationaux des Etats non membres du Conseil de l’Europe participant à l’Union pour la Méditerranée à profiter des nouvelles possibilités de dialogue et de coopération qu’il ouvre.
10. L’Assemblée se félicite de l’implication de l’Union européenne dans l’action du Centre européen pour l’interdépendance et la solidarité mondiales (Centre Nord-Sud), à travers le soutien politique et financier apporté par la Commission européenne et la participation de cette dernière et du Parlement européen dans le conseil exécutif du Centre Nord-Sud. Elle rappelle sa proposition contenue dans sa Recommandation 1893 (2009) visant à doter le Centre Nord-Sud d’un nouveau statut, et invite l’Union européenne à envisager d’adhérer au centre en tant que telle.
11. L’Assemblée invite les Etats non membres du Conseil de l’Europe participant à l’Union pour la Méditerranée à profiter de l’expérience du Conseil de l’Europe et à faire appel à son expertise dans tous les domaines de sa compétence, et en particulier:
11.1. à adhérer aux instruments juridiques du Conseil de l’Europe ouverts aux Etats non membres, en particulier à ceux qui relèvent des domaines de la démocratie, des droits de l’homme et de la prééminence du droit;
11.2. à abroger, s’ils ne l’ont pas encore fait, la peine capitale;
11.3. à adhérer, s’ils ne l’ont pas encore fait, aux accords partiels élargis du Conseil de l’Europe tels que le Centre Nord-Sud, la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise), et l’Accord européen et méditerranéen sur les risques majeurs (EUR-OPA);
11.4. à adhérer, s’ils ne l’ont pas encore fait, au Réseau méditerranéen MedNET de coopération sur les drogues et les addictions (y compris l’alcool et le tabac);
11.5. à promouvoir le dialogue et la coopération de leurs parlements avec l’Assemblée;
11.6. à promouvoir la coopération des collectivités locales et régionales de leurs pays avec le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe;
11.7. à établir des contacts de leurs autorités compétentes avec le Conseil de l’Europe dans les domaines de la justice, la culture, l’éducation et l’enseignement supérieur, la jeunesse et le sport, la promotion de l’égalité entre les hommes et les femmes, la protection des droits de l’enfant;
11.8. à étudier, notamment à travers le Centre Nord-Sud, et à utiliser, dans les activités de leurs instances nationales respectives, l’expérience des institutions veillant au respect des droits de l’homme (Cour européenne des droits de l’homme et Commissaire aux droits de l’homme), ainsi que des différents mécanismes indépendants de suivi créés dans le cadre du Conseil de l’Europe tels que le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants, la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance, la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales, la Charte sociale européenne;
11.9. à favoriser les contacts entre des représentants de la société civile et la Conférence des OING du Conseil de l’Europe.
12. L’Assemblée appelle les Etats membres qui ne sont pas encore membres du Centre Nord-Sud, ainsi que l’Union européenne, à y adhérer.

B. Projet de recommandation

(open)
1. L’Assemblée parlementaire se réfère à sa Résolution ... (2010) «Euro-Méditerranée: pour une stratégie du Conseil de l’Europe».
2. Elle réitère l’importance qu’elle attache au renforcement de la coopération et des échanges avec les pays de la Méditerranée afin de promouvoir les principes et valeurs de démocratie, des droits de l’homme et de prééminence du droit et de contribuer ainsi à la paix, à la sécurité et à la stabilité de cette région.
3. Elle constate que l’Union européenne et tous ses Etats membres, ainsi que six autres Etats membres du Conseil de l’Europe (Albanie, Bosnie-Herzégovine, Croatie, Monaco, Monténégro, Turquie) font partie de l’Union pour la Méditerranée établie en juillet 2008 pour bâtir, ensemble avec les partenaires de la rive sud de la Méditerranée, un avenir de paix, de démocratie, de prospérité et de compréhension humaine, sociale et culturelle.
4. Elle estime que le Conseil de l’Europe pourrait apporter une contribution utile au processus de partenariat euro-méditerranéen dans ses domaines de compétence.
5. Elle recommande donc au Comité des Ministres d’envisager, avec l’Union européenne, partenaire naturel du Conseil de l’Europe, la possibilité et les modalités pratiques d’une telle contribution.
6. Par ailleurs, elle recommande au Comité des Ministres d’envisager:
6.1. d’inviter l’Union européenne à adhérer au Centre européen pour l’interdépendance et la solidarité mondiales (Centre Nord-Sud);
6.2. de promouvoir, dans les contacts avec des Etats du bassin de la Méditerranée, l’adhésion aux instruments juridiques du Conseil de l’Europe;
6.3. la possibilité d’ouvrir certaines conventions du Conseil de l’Europe, notamment la Convention européenne culturelle, à la signature des Etats non membres du Conseil de l’Europe;
6.4. l’opportunité d’inviter les Etats du bassin de la Méditerranée à participer à certaines activités du Conseil de l’Europe qui pourraient présenter un intérêt commun.

C. Exposé des motifs, par M. Badré, rapporteur

(open)

1. Introduction

1. Le bassin de la Méditerranée, qui constitue la limite maritime sud du continent européen, est une vaste région géographique qui s’étend du Portugal, à l’ouest, à la Turquie et au Proche-Orient, à l’est. Mais il s’agit bien davantage que d’une simple notion géographique: la Méditerranée est l’un des berceaux de la civilisation humaine et le foyer où les trois grandes religions monothéistes sont nées.
2. Dès l’Antiquité, les rives sud et nord de la Mare Nostrum étaient étroitement liées au sein d’un unique ensemble continu, uni par cette mer. Des liens traditionnels historiques, religieux, culturels, des échanges commerciaux et des flux migratoires existent depuis toujours entre les rives européenne, africaine et asiatique de la Méditerranée.
3. Unies par l’histoire et la géographie, il n’est pas étonnant que les rives de la Méditerranée le soient de plus en plus par les développements d’aujourd’hui. Dans un monde toujours plus ouvert, les problèmes et les défis ne s’arrêtent plus aux limites géographiques ni aux frontières des Etats. La région de la Méditerranée en est un exemple très éloquent: les pays riverains au sud et au nord partagent de plus en plus de problèmes tels que la pollution, l’insécurité, la migration illégale, les trafics de toutes sortes, les tensions sociales. Ces problèmes sont aggravés par le décalage croissant et les inégalités entre le Nord et le Sud.
4. Le Conseil de l’Europe, qui œuvre pour bâtir une union plus étroite entre ses Etats membres sur la base du respect des valeurs et principes fondamentaux de démocratie, des droits de l’homme et de l’Etat de droit, ne peut se permettre d’ignorer cette situation. La paix, la sécurité et la stabilité de l’Europe sont de plus en plus étroitement liées à celles des régions voisines, en particulier autour de la Méditerranée.
5. Il est donc essentiel, pour la stabilité de l’Europe, qu’il y ait plus de stabilité dans la région méditerranéenne. Or, cette stabilité ne peut être ni exportée ni surtout imposée. Elle ne peut qu’être le fruit d’un travail de longue durée visant à relever les défis et résoudre les problèmes qui pèsent sur la région. L’Europe étant fortement intéressée par le résultat, elle se doit d’y contribuer, et notre Organisation peut y apporter son assistance dans les domaines relevant de sa compétence.
6. C’est cette réflexion qui m’a poussé à déposer, en janvier 2008, une proposition de recommandation intitulée «Euro-Méditerranée: pour une stratégie du Conseil de l’Europe». Je tiens à remercier les collègues membres de l’Assemblée parlementaire qui m’ont soutenu.
7. En marge des sessions de l’Assemblée à Strasbourg, j’ai eu l’occasion de rencontrer, à plusieurs reprises, nos collègues parlementaires représentant les pays du sud de la Méditerranée. Dans ces échanges, j’ai senti un souhait sincère de mieux connaître notre Organisation et de profiter de notre expérience pour faire avancer des réformes et assurer la modernisation de leurs pays. Cette ouverture d’esprit et la recherche de partenariat me tiennent particulièrement à cœur, et je les en remercie.
8. Le présent rapport n’a pas l’ambition d’être exhaustif: les relations entre l’Europe et la région méditerranéenne sont si intenses et dynamiques qu’il en faudrait une dizaine pour couvrir tous les aspects! Mon objectif est de présenter un bref aperçu de ce qui se fait déjà au niveau de l’Union européenne (UE) et du Conseil de l’Europe, et de faire quelques propositions pour assurer une contribution plus active de notre Organisation au processus de partenariat euro-méditerranéen.

2. Etat des lieux au niveau de l’Union européenne: processus de Barcelone et Union pour la Méditerranée

9. L’Union européenne a commencé à développer activement une politique commune structurée vis-à-vis de la Méditerranée dès les années 1990 sous forme de partenariat euro-méditerranéen, connu également sous le nom de «processus de Barcelone». Avant cela, les Communautés européennes avaient eu des accords de coopération avec des pays du pourtour méditerranéen, mais pas de politique cohérente pour l’ensemble de cette région.
10. En novembre 1995, les ministres des Affaires étrangères des 15 Etats membres de l’Union européenne et de 12 pays méditerranéens, réunis à Barcelone, ont lancé le nouveau partenariat euro-méditerranéen, dit aussi «processus de Barcelone» ou Euromed, dans le cadre du Plan d’action pour la Méditerranée (PAM). Il avait pour objectif de favoriser la paix et la stabilité dans la région en instaurant un dialogue politique dans le respect des valeurs communes partagées par les partenaires telles que la démocratie et l’Etat de droit, ainsi que de favoriser la prévention et la résolution des conflits et la prospérité, notamment par la création d’une zone de libre-échange et le développement de coopérations.
11. Le partenariat euro-méditerranéen regroupe les Etats membres de l’Union européenne et les pays méditerranéens autour d’un vaste programme de partenariat centré sur trois volets:
  • un dialogue centré sur la politique et la sécurité pour réaliser un espace commun de paix et de stabilité sur la base du respect des droits de l’homme et de la démocratie;
  • un partenariat économique et financier et l’instauration graduelle d’une zone de libre-échange pour créer une zone de prospérité partagée et soutenir la transition économique des pays partenaires;
  • un partenariat social, culturel et humain afin d’encourager la compréhension entre les peuples et les cultures, ainsi que les échanges entre sociétés civiles.
12. Le renforcement de la coopération en matière de justice, de migration et d’intégration sociale est également un élément important du processus. Initialement, la réalisation du partenariat reposait sur deux dimensions: une dimension bilatérale et une dimension régionale.
13. Dès 2003, l’Union européenne a mis en place la politique européenne de voisinage qui vise à établir des relations privilégiées avec les pays voisins, y compris ceux de la Méditerranée, qui n’ont pas de perspective d’adhésion à l’Union. Développée pour partager avec ces pays les bénéfices de l’élargissement et éviter l’apparition de nouvelles divisions, la politique européenne de voisinage est censée compléter et renforcer le processus de Barcelone sur le plan bilatéral. Elle est devenue le format principal des relations bilatérales entre l’Union européenne et ses partenaires méditerranéens.
14. Les relations privilégiées dans le cadre de la politique européenne de voisinage sont conditionnées par l’intérêt mutuel à respecter des valeurs communes, à savoir la démocratie, l’Etat de droit, les droits de l’homme, la bonne gouvernance, les principes d’une économie de marché et le développement durable.
15. Cependant, force est de constater que le bilan de la mise en œuvre de ce double dispositif – le processus de Barcelone et la politique européenne de voisinage – reste mitigé et très en dessous des attentes des Etats participants. Ce constat a été à l’origine de l’initiative du Président français Nicolas Sarkozy de créer une «Union méditerranéenne».
16. En juillet 2008, lors du Sommet de Paris pour la Méditerranée convoqué par la présidence française de l’Union européenne, l’Union pour la Méditerranée a été officiellement créée. Elle réunit les 27 Etats membres de l’Union européenne et 16 partenaires issus de la région du sud de la Méditerranée et du Moyen-Orient.
17. Ce cadre a pour but de donner un nouveau souffle au partenariat euro-méditerranéen et de renforcer le caractère politique des relations stratégiques entre l’Union européenne et ses voisins du bassin de la Méditerranée. Tout en conservant l’acquis du processus de Barcelone, l’Union pour la Méditerranée vise à offrir une gouvernance plus équilibrée et une meilleure visibilité à ses citoyens, ainsi qu’un engagement à réaliser des projets concrets, régionaux et transnationaux.
18. Quelques-unes des innovations les plus importantes de l’Union pour la Méditerranée résident dans la mise en place d’une coprésidence tournante, avec un président issu de l’Union européenne et un président représentant les partenaires méditerranéens, ainsi que dans la création d’un secrétariat, à Barcelone, chargé de détecter et de promouvoir des projets multisectoriels utiles sur les plans régional, sous-régional et transnational.
19. L’Union pour la Méditerranée a défini six projets prioritaires, qui sont au cœur de ses activités, à savoir la dépollution de la mer Méditerranée, la création d’autoroutes maritimes et terrestres, le lancement d’initiatives de protection civile destinées à lutter contre les catastrophes d’origine naturelle et humaine, l’élaboration d’un plan solaire méditerranéen, l’inauguration d’une université euro-méditerranéenne en Slovénie, l’initiative méditerranéenne de développement des entreprises axée sur les microentreprises et les PME.
20. Néanmoins, même si le nouveau projet se positionne comme successeur du processus de Barcelone, ses ambitions dans certains domaines semblent moins larges. Cela concerne en particulier le volet relatif aux domaines de la démocratie et des droits de l’homme.
21. Bien que la Déclaration commune du Sommet de Paris pour la Méditerranée fasse référence à la volonté politique commune des participants de stabiliser la Méditerranée en un espace de paix, de démocratie, de coopération et de prospérité (paragraphe 1 du préambule), on constate qu’aucun des six domaines d’action prioritaires n’est consacré à cet aspect.
22. Les domaines d’excellence du Conseil de l’Europe ne semblent donc pas, du moins pour l’instant, faire partie des priorités de l’Union pour la Méditerranée. S’agit-il d’un oubli ou d’une démission? En effet, la stabilité et la prospérité durables annoncées comme objectifs de la nouvelle organisation ne sont à long terme pas possibles sans une véritable démocratie, le respect des droits de l’homme et la prééminence du droit. En tant que rapporteur, j’y vois plutôt une place laissée à la complémentarité et une opportunité de coopération entre l’Union pour la Méditerranée et le Conseil de l’Europe.
23. Il faudrait également rappeler que la nouvelle structure s’est heurtée, dès le début, à un certain nombre d’obstacles de caractère politique qui n’augurent rien de bien pour son avenir. La guerre à Gaza en décembre 2008 a provoqué le blocage quasi complet de la nouvelle structure, qui risque de perdurer aussi longtemps que le conflit au Proche-Orient n’est pas réglé.

3. Le Conseil de l’Europe et les pays méditerranéens: coopération existante

24. Même si la place du Conseil de l’Europe dans la coopération avec les pays de la Méditerranée est moins visible que celle de l’Union européenne, elle n’en est pas moins importante. Plusieurs instances et structures de notre Organisation ont développé depuis des années des projets de coopération avec bon nombre de partenaires des rives sud et est de la Méditerranée.
25. Au niveau politique, il convient de souligner l’attention constante et pluridimensionnelle de l’Assemblée parlementaire à l’égard des problèmes méditerranéens, et son intérêt pour le développement des contacts et du dialogue avec les parlementaires des pays de la région.
26. Rappelons à ce sujet les rapports préparés au sein de la commission des questions politiques, «Renforcer la coopération avec les pays du Maghreb» (Mme Durrieu) et «Situation au Sahara occidental» (M. Puche). De plus, le récent rapport «Création d’un statut de “partenaire pour la démocratie” auprès de l’Assemblée parlementaire» (M. Van den Brande) permet la mise en place d’une nouvelle forme de partenariat avancé entre l’Assemblée parlementaire et les parlements de la région.
27. Il faut également citer l’engagement de notre Assemblée en faveur de la paix au Proche-Orient: nos contacts avec les délégations parlementaires de la Knesset et du Conseil législatif palestinien nous offrent la possibilité de contribuer au dialogue entre ces parties et de favoriser ainsi la recherche d’une solution juste du conflit israélo-palestinien. Le Forum tripartite mis en place par la commission des questions politiques y tient une place de premier plan.
28. L’Assemblée a traité des différents problèmes de la Méditerranée relatifs aux déséquilibres démographiques dans la région, à la migration clandestine, à l’environnement et au développement durable, à l’agriculture méditerranéenne, à la coopération culturelle, à la situation des femmes, et bien d’autres.
29. La Knesset israélienne bénéficie du statut d’observateur auprès de notre Assemblée. Les membres du Conseil législatif palestinien, ainsi que les parlementaires des pays du Maghreb, sont systématiquement invités aux sessions de l’Assemblée, aux réunions de ses commissions ainsi qu’à différentes autres activités organisées par elles.
30. De son côté, le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe développe le dialogue avec les élus locaux du sud de la Méditerranée, et compte parmi ses observateurs l’Union des municipalités d’Israël, l’Association des pouvoirs locaux palestiniens, l’Organisation des villes arabes, le Comité permanent pour le partenariat euro-méditerranéen des pouvoirs locaux et régionaux et l’Union des villes et régions jumelées de la Méditerranée.
31. La mise en place de normes communes constitue l’un des principaux points forts des activités du Conseil de l’Europe. Sur quelque 200 traités élaborés dans le cadre de notre Organisation, plus de 150 sont ouverts aux Etats non européens non membres du Conseil de l’Europe. Cependant, cette dimension de la coopération reste à ce jour assez modestement utilisée par les partenaires méditerranéens: Israël a adhéré à 10 conventions, la Tunisie a adhéré à quatre conventions, et le Maroc est partie prenante à une convention du Conseil de l’Europe. Des efforts supplémentaires sont nécessaires pour promouvoir les instruments juridiques de notre Organisation auprès des Etats du Bassin méditerranéen.
32. Une place importante dans la coopération juridique du Conseil de l’Europe avec les pays de la Méditerranée revient à la Commission européenne pour la démocratie par le droit, plus connue sous le nom de Commission de Venise. Cette instance, qui est un organe consultatif du Conseil de l’Europe sur les questions constitutionnelles, contribue à la diffusion du patrimoine constitutionnel européen, fondé sur les normes fondamentales. Actuellement, l’Algérie, Israël, le Maroc et la Tunisie sont membres à part entière de la Commission de Venise, et l’Autorité palestinienne jouit d’un statut spécial de coopération.
33. Mais c’est sans aucun doute le Centre européen pour l’interdépendance et la solidarité mondiales (plus communément dénommé «Centre Nord-Sud») – créé en novembre 1989 et qui vient de célébrer ses 20 ans – qui est appelé à jouer le rôle clé dans le développement de la coopération entre le Conseil de l’Europe et les pays du bassin de la Méditerranée.
34. Le mandat du Centre Nord-Sud est double: fournir un cadre à la coopération européenne pour sensibiliser davantage le public aux questions d’interdépendance mondiale et promouvoir des politiques de solidarité conformes aux objectifs et principes du Conseil de l’Europe: dans le respect des droits de l’homme, de la démocratie et de la cohésion sociale.
35. Le statut du Centre Nord-Sud prévoit ainsi les actions suivantes (annexe à la Résolution (89) 14 du Comité des Ministres):
  • donner une dimension européenne aux initiatives prises dans le domaine de la coopération multilatérale pour un développement durable et servir de cadre à leur mise en œuvre;
  • améliorer l’éducation et l’information sur l’interdépendance et la solidarité mondiales;
  • renforcer les liens entre les organisations non gouvernementales du Nord et du Sud;
  • développer des relations de travail avec toutes les organisations internationales en relation avec l’interdépendance mondiale;
  • servir d’interface entre l’Europe et le Sud.
36. Le Centre Nord-Sud est souvent présenté comme la fenêtre sur le monde du Conseil de l’Europe, son rôle étant d’affirmer la validité, au-delà du continent européen, des valeurs défendues par notre Organisation. Il apparaît donc comme un cadre idéal pour assurer les contacts et mettre en place la prise de connaissance, la définition de besoins et le transfert de savoir entre les différentes instances du Conseil de l’Europe et les partenaires potentiellement intéressés par la coopération.
37. Actuellement, 21 Etats sont membres du Centre Nord-Sud, dont 19 membres du Conseil de l’Europe. Le Maroc est récemment devenu le premier Etat non européen à en faire partie. Un certain nombre d’Etats du Bassin méditerranéen participent aux projets développés par le centre mais n’y ont pas formellement adhéré. Il conviendrait de promouvoir l’adhésion au Centre Nord-Sud tant parmi les Etats membres du Conseil de l’Europe que parmi les pays du sud de la Méditerranée.
38. L’Union européenne prend part aux travaux du Centre Nord-Sud à travers la participation de la Commission européenne et du Parlement européen à son conseil exécutif, mais elle n’y a pas encore adhéré en sa qualité propre. L’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne devrait permettre cette adhésion s’il existe une volonté politique pour cela.
39. Parmi d’autres mécanismes du Conseil de l’Europe qui servent de cadre à la coopération avec les partenaires du bassin de la Méditerranée, il convient de mentionner le Groupe de coopération en matière de lutte contre l’abus et le trafic illicite des stupéfiants (Groupe Pompidou) et l’Accord européen et méditerranéen sur les risques majeurs (EUR-OPA).
40. Le Groupe de coopération en matière de lutte contre l’abus et le trafic illicite des stupéfiants (Groupe Pompidou) développe la coopération avec des pays voisins de la région méditerranéenne. Depuis 2006, le réseau méditerranéen MedNET de coopération sur les drogues et les addictions (y compris l’alcool et le tabac) a été créé pour promouvoir la coopération, l’échange et le transfert réciproque de connaissances entre pays du pourtour méditerranéen et pays européens membres du Groupe Pompidou. L’Algérie, le Liban, le Maroc et la Tunisie participent déjà à ce réseau. La Jordanie et l’Egypte ont récemment été invitées à y adhérer.
41. L’Accord EUR-OPA Risques majeursest une plate-forme de coopération dans le domaine des risques majeurs entre les pays d’Europe et ceux du sud de la Méditerranée. Son domaine de compétence est lié aux catastrophes naturelles et technologiques majeures – la connaissance, la prévention, la gestion des crises, l’analyse postcrise et la réhabilitation. Les objectifs principaux de l’Accord EUR-OPA Risques majeurs sont de resserrer et de dynamiser la coopération entre les Etats membres d’un point de vue pluridisciplinaire, afin d’assurer une meilleure prévention et protection face aux risques et une meilleure préparation en cas de catastrophes naturelles et technologiques majeures. Actuellement, l’Algérie, le Liban et le Maroc en font partie.
42. Enfin, parmi les domaines d’activité du Conseil de l’Europe qui pourraient également présenter un intérêt certain pour les partenaires méditerranéens, il faudrait mentionner la culture, l’éducation et l’enseignement, la migration, et bien d’autres. Dans tous ces domaines, l’expérience et l’expertise du Conseil de l’Europe sont bien connues et appréciées.

4. Nouvelles possibilités ouvertes avec le statut de «partenaire pour la démocratie»

43. Comme je l’ai déjà mentionné ci-dessus, l’Assemblée parlementaire a récemment adopté un nouveau statut pour les parlements des régions voisines de l’Europe qui souhaitent entretenir avec elle des relations structurées et institutionnalisées: le statut de partenaire pour la démocratie. La Commission permanente a apporté les modifications nécessaires au Règlement de l’Assemblée, lors de sa réunion à Berne, en novembre 2009, et le nouveau statut devient opérationnel en janvier 2010.
44. Il convient de rappeler que ce nouveau statut met l’accent sur la promotion des valeurs essentielles du Conseil de l’Europe – démocratie, droits de l’homme et prééminence du droit –, qui sont également les objectifs proclamés de plusieurs pays du sud de la Méditerranée.
45. Le nouveau statut permet aux parlementaires des Etats non membres de participer activement aux travaux de l’Assemblée et de ses commissions, d’intervenir pour faire part de leurs souhaits et préoccupations, et de prendre des initiatives.
46. Il offre un cadre commun permettant de construire la coopération «sur mesure», pays par pays, en fonction des besoins exprimés.
47. Ce nouveau statut doit désormais constituer l’outil principal de promotion des valeurs du Conseil de l’Europe au niveau parlementaire. Il devrait intéresser en tout premier lieu les pays du bassin de la Méditerranée.
48. En même temps, ce sont les contacts parlementaires qui sont les mieux adaptés pour permettre une vue d’ensemble sur, d’un côté, les intérêts et les besoins – étudiés en coopération – que peuvent avoir nos partenaires et, de l’autre côté, les possibilités offertes au sein du Conseil de l’Europe. La dimension parlementaire a souvent joué un rôle pionnier dans le développement de nouvelles coopérations avec le Conseil de l’Europe.
49. J’encourage donc vivement nos collègues parlementaires des pays méditerranéens à profiter des possibilités ouvertes par la mise en place du statut de partenaire pour la démocratie.

5. Conclusions et propositions

50. Le partenariat euro-méditerranéen n’est plus à inventer: il existe depuis le lancement du processus de Barcelone et continue désormais sous la forme de l’Union pour la Méditerranée. S’il est efficace ou non, s’il remplit effectivement ses objectifs, cela est une autre question. Cependant, le Conseil de l’Europe n’y participe pas, en tout cas sur le plan formel.
51. Quant à lui, le Conseil de l’Europe œuvre déjà beaucoup, sur le plan bilatéral, pour développer le partenariat et la coopération pratique avec des pays du sud de la Méditerranée.
52. Peut-on envisager que ces deux démarches se rejoignent? Doit-on lancer une initiative parallèle à celle de l’Union pour la Méditerranée?
53. Je suis convaincu que la paix et la stabilité dans la région de la Méditerranée ne peuvent être garanties à long terme que sur la base de la démocratie, du respect des droits de l’homme et de la prééminence du droit – comme cela a été démontré par l’évolution du processus européen, aussi bien au sein de l’Union européenne, qui est fondée sur ces principes, que dans le cadre du Conseil de l’Europe dont la mission statutaire est de promouvoir, protéger et développer ces valeurs et principes.
54. Pour cette raison, je crois que le Conseil de l’Europe a un rôle à jouer dans la région méditerranéenne qui doit pouvoir s’appuyer sur nos valeurs et nos principes.
55. Mais il serait insensé d’essayer de concurrencer l’Union européenne et d’ajouter encore à la prolifération des structures. Celles qui existent déjà devraient plutôt pouvoir s’acquitter de manière efficace des tâches qui leur sont assignées.
56. Je propose donc une démarche à deux volets, qui sont contenus dans les projets de résolution et de recommandation:
  • sur le plan bilatéral, continuer à offrir à nos partenaires l’expérience et l’expertise du Conseil de l’Europe «sur mesure», dans les domaines qui les intéressent tout particulièrement, et dans le cadre des structures et mécanismes existants;
  • sur le plan multilatéral, chercher des complémentarités et la participation au processus du partenariat euro-méditerranéen – Union pour la Méditerranée, afin d’y introduire les domaines dans lesquels le Conseil de l’Europe est légitime et qui sont de sa compétence: la démocratie, le respect des droits de l’homme et la prééminence du droit.

* * *

Commission chargée du rapport: commission des questions politiques

Renvoi en commission: Doc. 11507, Renvoi 3420 du 14 avril 2008

Projet de résolution et projet de recommandation adoptés à l’unanimité par la commission le 15 décembre 2009

Membres de la commission: M. Göran Lindblad (Président), M. David Wilshire (1er Vice-Président), M. Björn von Sydow (2e Vice-Président) (remplaçante: Mme Kerstin Lundgren), Mme Fátima Aburto Baselga, M. Francis Agius (remplaçant: M. Joseph Debono Grech), M. Alexandre Babakov (remplaçant: M. Sergey Markov), M. Viorel Badea, M. Denis Badré, M. Andris Bērzinš, M. Mevlüt Çavuşoğlu, M. Lorenzo Cesa, M. Titus Corlăţean, Mme Anna Čurdová, M. Rick Daems, Mme Maria Damanaki (remplaçant: M. Konstantinos Vrettos), M. Dumitru Diacov, M. Pol van den Driessche, Mme Josette Durrieu, M. Frank Fahey, M. Piero Fassino, M. György Frunda, M. Jean-Charles Gardetto, M. Marco Gatti, M. Andreas Gross, M. Michael Hancock, M. Davit Harutyunyan, M. Norbert Haupert, M. Joachim Hörster, Mme Sinikka Hurskainen, M. Tadeusz Iwiński, M. Bakir Izetbegović (remplaçant: M. Mladen Ivanić), M. Michael Aastrup Jensen, M. Miloš Jevtić, Mme Birgen Keleş, M. Victor Kolesnikov (remplaçante: Mme Olha Herasym’yuk), M. Konstantin Kosachev, M. Jean-Pierre Kucheida, Mme Darja Lavtižar-Bebler, M. René van der Linden, M. Dariusz Lipiński, M. Gennaro Malgieri, M. Dick Marty, M. Frano Matušić, M. Silver Meikar, M. Evangelos Meimarakis, M. Dragoljub Mićunović, M. Jean-Claude Mignon, Mme Nadezhda Mikhailova, M. Aydin Mirzazada, M. Juan Moscoso del Prado Hernández, Mme Lilja Mósesdóttir, M. João Bosco Mota Amaral, Mme Olga Nachtmannová, M. Gebhard Negele, Mme Miroslava Nĕmcová, M. Zsolt Németh, M. Fritz Neugebauer (remplaçant: M. Franz Eduard Kühnel), M. Aleksandar Nikoloski, M. Hryhoriy Omelchenko, M. Maciej Orzechowski, M. Ivan Popescu, M. Christos Pourgourides, M. John Prescott (remplaçant: M. John Austin), M. Gabino Puche, M. Amadeu Rossell Tarradellas, M. Ilir Rusmali, M. Ingo Schmitt (remplaçant: M. Eduard Lintner), M. Predrag Sekulić, M. Samad Seyidov, M. Leonid Slutsky, M. Rainder Steenblock, M. Zoltán Szabó (remplaçant: M. Mátyás Eörsi), M. Mehmet Tekelioğlu, M. Han Ten Broeke, M. Zhivko Todorov, Lord Tomlinson (remplaçant: M. Rudi Vis), M. Latchezar Toshev, M. Petré Tsiskarishvili, M. Mihai Tudose, M. Ilyas Umakhanov, M. José Vera Jardim, M. Luigi Vitali, M. Wolfgang Wodarg, Mme Karin S. Woldseth, Mme Gisela Wurm, M. Emanuelis Zingeris

Ex officio: M. Tiny Kox

N.B.Les noms des membres ayant participé à la réunion sont indiqués en gras

Secrétariat de la commission: Mme Nachilo, M. Chevtchenko, Mme Sirtori-Milner