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Rapport | Doc. 12262 | 11 mai 2010

Garantir le droit à la scolarisation des enfants malades ou

handicapés

(Ancienne) Commission des questions sociales, de la santé et de la famille

Rapporteur : M. Lokman AYVA, Turquie, PPE/DC

Origine - Renvoi en commission: Doc. 11342, Renvoi 3412 du 25 janvier 2008. 2010 - Quatrième partie de session

Résumé

Malgré la législation existante, les enfants handicapés manquent souvent d’un soutien des pouvoirs publics et d’un accompagnement social suffisants pour permettre leur pleine intégration dans la société. Cela vaut en particulier pour les systèmes éducatifs, où les professionnels et les administrateurs ne savent pas toujours très bien comment garantir le droit des enfants handicapés à l’éducation ou répondre effectivement et efficacement à leurs besoins particuliers.

Dans ce contexte, la commission se déclare en faveur d’une éducation inclusive car celle-ci garantit le droit à l’éducation à tous les enfants, sans tenir compte de leur condition physique, intellectuelle, psychologique, culturelle ou autre. En outre, le fait de regrouper dans les mêmes établissements une population diverse d’enfants et d’adolescents ne peut qu’élever le niveau de tolérance et contribuer à une meilleure acceptation de la différence dans la société.

L’éducation inclusive est la responsabilité de tous et doit être considérée comme un pas important vers le développement d’une société inclusive pour tous. Elle ne se réalisera que par des partenariats, un travail en réseaux et une démarche commune d’apprentissage de tous les acteurs concernés.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté à l’unanimité par la commission le 29 mars
2010.

(open)
1. L’Assemblée parlementaire réaffirme que le droit à l’éducation est universel et doit s’appliquer à tous les enfants et adolescents handicapés. Ce droit est énoncé dans un certain nombre de conventions, ainsi que dans plusieurs déclarations importantes adoptées sur le plan international, telles que la Déclaration mondiale sur l’éducation pour tous (1990), la Déclaration de Salamanque et son Cadre d’action (UNESCO, 1994), le Cadre d’action de Dakar (2000) et la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées (2006). Ce droit est également énoncé dans les instruments pertinents du Conseil de l’Europe, tels que la Convention européenne des droits de l’homme (STE no 5), la Charte sociale européenne révisée (STE no 163) et le Plan d’action du Conseil de l’Europe pour les personnes handicapées 2006-2015.
2. Tous ces documents affirment clairement que tous les enfants et les adultes handicapés (et leurs familles):
2.1. ont le même droit que les autres à une éducation de qualité et appropriée afin de tirer parti au maximum de leur potentiel et d’apporter leur contribution à une société inclusive;
2.2. ont le droit de choisir et de recevoir une éducation dans un environnement inclusif;
2.3. ont le droit de bénéficier de ressources et de savoir-faire spécifiques répondant à leurs besoins éducatifs, thérapeutiques et de citoyenneté;
2.4. ont le droit à des prestations qui servent au mieux leurs intérêts à tout moment.
3. L’Assemblée est convaincue qu’une éducation inclusive garantit le droit à l’éducation de tous les enfants indépendamment de leur condition physique, intellectuelle, psychologique, culturelle ou autre. En outre, le fait de regrouper dans les mêmes établissements une population diverse d’enfants et d’adolescents ne peut qu’élever le niveau de tolérance et contribuer à une meilleure acceptation de la différence dans la société. L’éducation inclusive est la responsabilité de tous et doit être considérée comme un pas important vers le développement d’une société inclusive pour tous. Elle ne se réalisera que par des partenariats, un travail en réseaux et une démarche commune d’apprentissage de tous les acteurs concernés.
4. L’Assemblée estime, par conséquent, qu’à l’avenir, les services généraux, notamment les centres d’accueil de jour, les structures destinées aux jeunes enfants, les écoles, les lieux de culte et les centres de loisirs, devraient être tenus d’accepter les enfants handicapés et de mettre à leur disposition les moyens nécessaires à leur insertion et à leur participation.
5. Chaque fois que cela s’avérera possible, la scolarité ou la formation professionnelle des enfants handicapés devrait se dérouler, à tous les stades de leur éducation, dans les établissements fréquentés par les autres enfants et ils devraient bénéficier du soutien qui facilitera leur scolarité ou leur formation professionnelle dans le cadre du système d’enseignement général. Lorsque le recours à des établissements scolaires ou des unités spécialisées est jugé nécessaire ou préférable, ceux-ci devraient être associés aux établissements d’enseignement général, et fonctionner comme centres de ressources pour la communauté locale.
6. Le mouvement en faveur de l’éducation inclusive doit comprendre les décideurs, les enseignants, les enfants, les familles, les communautés et la collectivité en général. Les familles et les enseignants, en particulier, doivent jouer un rôle actif dans la vie des enfants handicapés tant à l’école qu’à l’extérieur.
7. Pour un bon fonctionnement de l’éducation inclusive, les professionnels des services généraux de l’éducation, de la santé et de l’aide sociale devraient recevoir une formation complémentaire et l’assistance des centres d’excellence locaux afin d’apprendre les compétences requises pour travailler avec des enfants handicapés et de les aider pour la prise en charge individuelle de ces enfants.
8. Ces services devraient comporter toute une gamme d’aides personnalisées aux enfants handicapés de manière que ceux-ci puissent aspirer à la même existence et avoir les mêmes attentes que les enfants de leur âge. Ils ont, en effet, le droit de devenir de plus en plus indépendants et autonomes, de posséder les objets qu’ont les enfants de leur âge, et de bénéficier d’une assistance technologique, notamment en matière de mobilité et de communication, en fonction de leurs besoins.
9. Consciente du fait que l’éducation inclusive vise à améliorer les contextes d’apprentissage et à offrir des opportunités à tous les enfants et gardant à l’esprit que tous les enfants sont uniques et doivent avoir une chance de réussir leurs expériences d’apprentissage, l’Assemblée invite les Etats membres:
9.1. à reconnaître que le droit à l’éducation est universel et à intensifier les efforts consentis dans le domaine de l’éducation des enfants handicapés, de manière à garantir que les programmes liés au handicap disposent de ressources suffisantes et que les enfants souffrant de handicaps physiques et/ou mentaux jouissent d’une pleine citoyenneté à égalité avec les autres enfants, tout en étant accompagnés individuellement selon leurs besoins spécifiques;
9.2. à élaborer un cadre politique et juridique pour faciliter le développement de l’éducation inclusive, en mettant l’accent sur l’importance d’une vaste coopération transsectorielle et multidisciplinaire impliquant tous les principaux partenaires, y compris ceux qui font partie de l’environnement direct de l’enfant;
9.3. à accorder la préférence aux pratiques inclusives en matière de politique de l’éducation et à établir ou réorganiser les systèmes et les infrastructures de l’enseignement dans ce sens. Ce faisant, les Etats membres doivent garder à l’esprit que la transition vers l’éducation inclusive ne se limite pas à des changements techniques ou structurels fondés sur une nouvelle approche de la formation des enseignants, des méthodologies, des programmes ou des systèmes d’évaluation, mais représente aussi une nouvelle orientation philosophique impliquant une amélioration de la prise de conscience, des attitudes et des valeurs du public;
9.4. à s’efforcer d’éliminer les obstacles physiques et comportementaux à l’éducation inclusive et à éviter la création de nouveaux obstacles dans le milieu scolaire;
9.5. à accorder aux enfants handicapés un accès égal à l’éducation à tous les niveaux, quelles que soient la nature et la gravité de leur handicap, en portant une attention particulière aux besoins éducatifs des enfants vivant en institution spécialisée, notamment dans les établissements hospitaliers;
9.6. à élaborer un plan d’action visant à réformer le système d’enseignement actuel, y compris le financement des dépenses de transition, et à concevoir des normes, des méthodologies et des mécanismes de financement pour l’éducation inclusive;
9.7. à veiller à ce que tous les programmes et les matériels pédagogiques du système d’enseignement général soient accessibles aux enfants handicapés;
9.8. à réformer le système de formation des enseignants afin de permettre aux futurs enseignants et personnels de l’enseignement de répondre aux exigences d’un système scolaire inclusif, et à créer des opportunités fondées sur la recherche et mobiliser des ressources afin de mettre en œuvre des pratiques d’éducation inclusives;
9.9. à aider les écoles spécialisées à se transformer en centres de ressources et à donner à leurs personnels les moyens de remplir cette nouvelle tâche de soutien des établissements d’éducation inclusive en offrant des programmes d’enseignement pour les élèves ayant des besoins spéciaux;
9.10. à promouvoir au niveau européen l’échange de bonnes pratiques et de stratégies efficaces en matière d’éducation inclusive, à partir de l’expérience des écoles ou des classes pilotes;
9.11. à collecter et mettre à jour des informations statistiques sur les enfants handicapés, comprenant le sexe, l’âge, le degré de handicap (pour ceux qui étudient dans un contexte scolaire général comme pour les autres);
9.12. à prendre des initiatives pour transformer les écoles spécialisées et les institutions résidentielles, qui séparent les enfants handicapés des autres enfants, en établissements inclusifs ou en centres de ressources où toute personne peut s’informer sur le handicap;
9.13. à rendre les services de dépistage précoce et d’intervention facilement accessibles pour les enfants handicapés et à veiller à ce que leurs parents, les surveillants, les autres acteurs concernés, ainsi que les enfants eux-mêmes, soient mieux informés de l’existence et de l’importance de ces services;
9.14. à promouvoir les attitudes positives à l’égard de l’inclusion à tous les niveaux de l’enseignement et à prendre des mesures – en collaboration avec les ONG et les universités – pour modifier les perceptions et les attentes concernant le droit à l’éducation des enfants handicapés et sensibiliser les différentes catégories de la société à ce problème.

B. Projet de recommandation 
			(2) 
			 Projet de recommandation
adopté à l’unanimité par la commission le 29 mars 2010.

(open)
1. L’Assemblée se réfère à sa Résolution … (2010) «Garantir le droit à la scolarisation des enfants malades ou handicapés», ainsi qu’à l’acquis actuel en matière d’éducation des personnes handicapées établi par les Recommandations Rec(2006)5, CM/Rec(2009)8, CM/Rec(2009)9 et CM/Rec(2010)2 du Comité des Ministres, et recommande au Comité des Ministres:
1.1. de transmettre la présente résolution aux gouvernements des Etats membres et de leur demander de la prendre en compte lorsqu’ils élaborent leur politique nationale d’éducation pour les enfants handicapés en vue de leur intégration pleine et active dans la société;
1.2. d’encourager les Etats membres à intensifier leurs efforts dans le domaine de l’éducation des enfants handicapés;
1.3. de créer un comité intergouvernemental d’experts spécialisés dans l’éducation des enfants handicapés sous l’égide du Forum européen de coordination pour le Plan d’action 2006-2015 du Conseil de l’Europe pour les personnes handicapées (CAHPAH) afin d’assurer le suivi de la mise en œuvre au niveau national de la ligne d’action 4 sur l’éducation du plan d’action;
1.4. de charger les services compétents du Conseil de l’Europe d’établir dans les trois ans un rapport faisant le point de la situation en matière d’éducation des enfants handicapés, puis de préparer une série de recommandations aux Etats membres concernant la mise en œuvre de stratégies en matière d’éducation.

C. Exposé des motifs, par M. Ayva, rapporteur

(open)

1. Introduction 
			(3) 
			Le rapporteur tient
à remercier le professeur Z. Hande Sart-Gassert pour son aide dans
la préparation de ce rapport.

1. En tant que groupe, les enfants et les adultes handicapés sont souvent l’objet de différentes formes de discrimination. Malgré la législation, ils ne bénéficient pas d’un soutien des pouvoirs publics et d’un accompagnement social suffisants pour permettre leur pleine intégration dans la société. Cela vaut en particulier pour les systèmes éducatifs, où les professionnels et les administrateurs ne savent pas toujours très bien comment garantir le droit des enfants handicapés à l’éducation et/ou répondre effectivement et efficacement à leurs besoins particuliers.
2. Environ 10% de la population mondiale vit avec une forme ou une autre de handicap 
			(4) 
			Bien
qu’il n’existe pas de définition pratique internationale du «handicap»
qui soit satisfaisante, le consensus est que toute définition devra:
i. être large, englober la complexité du handicap sous toutes ses
formes, visibles et non visibles; ii. être fondée sur la Classification
internationale du fonctionnement, du handicap et de la santé mise
au point par l’OMS; et, iii. refléter le modèle social, et non médical,
du handicap (UNESCO, Rapport mondial de suivi sur l’EPT 2009, p. 89).. Cela représente 650 millions de personnes dont un tiers d’enfants. Selon un rapport de l’UNESCO (2006) 
			(5) 
			Organisation des Nations
Unies pour l’éducation, la science et la culture, Rapport mondial
de suivi sur l’EPT 2007  – Un bon départ:
protection et éducation de la petite enfance, Paris,
UNESCO, 2007., sur 75 millions d’enfants non scolarisés dans le monde et en âge d’aller à l’école primaire, un tiers est handicapé. Par conséquent, les enfants atteints de handicaps figurent «parmi les plus marginalisés et ceux qui ont le moins de chances d’aller à l’école» 
			(6) 
			Organisation
des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture, Rapport
mondial de suivi sur l’EPT 2009  – Vaincre
l’inégalité: l’importance de la gouvernance, Paris, UNESCO,
2009.. La situation est pire encore pour les filles handicapées, les enfants vivant en zone rurale, les enfants de familles ayant un statut minoritaire ou un statut socio-économique faible, et les enfants touchés par le VIH/sida.
3. Bien que le droit à l’éducation soit inscrit dans l’article 2 du Protocole de 1952 de la Convention européenne des droits de l’homme, le constat est sans appel: les enfants handicapés se heurtent toujours à de nombreux obstacles pour avoir accès à l’éducation et terminer leur scolarité 
			(7) 
			Filmer
D., «Disability, poverty, and schooling in developing countries:
results from 14 household surveys», Economic Review, vol.
22.1, p. 141-63, 2008.. Dans certains pays, ils ne peuvent pas aller à l’école soit parce que leurs familles ignorent leur droit à l’éducation ou préfèrent investir dans leurs enfants non handicapés, soit parce que les établissements scolaires ne sont pas en mesure d’accueillir ces enfants à besoins particuliers. Ils ne sont donc pas autorisés à s’inscrire ou, s’ils sont admis, abandonnent rapidement leurs études. Certains de ces enfants peuvent aussi être scolarisés dans d’autres types d’établissements dits «spécialisés», qui sont souvent éloignés de l’entourage familial et séparent les enfants de leurs pairs.

2. Comprendre le handicap

4. Partout dans le monde, les handicapés sont confrontés à des obstacles considérables à l’exercice de leurs droits fondamentaux. Ils sont discrédités, en butte aux préjugés sociaux, et souffrent de diverses formes d’exclusion sociale, notamment sur les plans économique, culturel et politique 
			(8) 
			Barnes M., «Social
Exclusion and the Life Course», in M.
Barnes et al. (dir.), Poverty and Social Exclusion in Europe, Edward
Elgar, Cheltenham, 2002..
5. Notre société renforce les catégorisations binaires de type capable/incapable, normal/anormal. Le handicap est considéré comme un problème physique qu’il faut «guérir». Les constructions sociales de ce point de vue, appuyées sur des arguments médicaux, aboutissent à des représentations culturelles de «l’autre». Ces catégorisations binaires sont applicables même aux enfants handicapés, malgré leur jeune âge.
6. Les divers modèles conceptuels proposés pour comprendre et expliquer le handicap peuvent contribuer à modifier les schémas binaires ainsi que les représentations de l’«autre» dans notre société. On peut s’en rendre compte à travers la dialectique entre «modèle médical» et «modèle social». Le modèle médical décrit le handicap comme «un problème de la personne, conséquence directe d’une maladie, d’un traumatisme ou d’un autre problème de santé, qui nécessite des soins médicaux fournis sous forme de traitement individuel par des professionnels» 
			(9) 
			Classification internationale du fonctionnement,
du handicap et de la santé (CIF‑2), OMS, Genève, 2001.. Dans le modèle médical, le handicap est perçu comme un problème physique qu’il faut «guérir».
7. Dans le modèle social, par contre, le handicap «n’est pas un attribut de la personne, mais plutôt un ensemble complexe de situations, dont bon nombre sont créées par l’environnement social»9. Le handicap est donc perçu comme un problème créé par la société dont les conséquences possibles sont l’oppression, la stigmatisation ou l’exclusion des individus concernés.
8. Les modèles indiqués suffisent-ils à expliquer le handicap et à surmonter l’oppression, la stigmatisation ou l’exclusion? En pensant là encore aux enfants handicapés qui ont droit à l’éducation, est-il possible de créer un environnement «sans entraves», favorable à l’apprentissage et accessible dans chaque école afin que ces enfants aient la possibilité de réaliser tout leur potentiel scolaire, social, affectif et physique?
9. La réponse à ces questions nécessite une nouvelle modélisation reposant sur l’intégration des modèles «médical» et «social». La «Classification internationale du fonctionnement, du handicap et de la santé» (CIF), établie à l’initiative de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), utilise une «approche biopsychosociale», afin de fournir une classification du fonctionnement et du handicap en tant que processus interactif. Selon la CIF, «le handicap se caractérise comme le résultat de la relation complexe entre le problème de santé et les facteurs personnels d’une personne, et des facteurs externes qui représentent les circonstances dans lesquelles vit cette personne»9. L’OMS a en outre établi une «Version pour enfants et adolescents» 
			(10) 
			Classification
internationale du fonctionnement, du handicap et de la santé. Version
pour enfants et adolescents (CIF-EA), OMS, Genève, 2007. (CIF-EA) dérivée de la Classification internationale du fonctionnement, du handicap et de la santé. La CIF-EA met l’accent sur des aspects clés tels que le contexte familial, le développement différé, la nature de la cognition, du langage, du jeu, du tempérament et du comportement chez l’enfant en développement. La CIF et la CIF-EA décrivent la situation de chaque personne (enfants, adolescents et adultes) «dans le contexte des facteurs environnementaux et personnels», au lieu de se limiter à classer chaque personne en fonction de son état de santé ou d’états connexes de la santé10.
10. Les facteurs environnementaux et personnels sont donc importants pour comprendre les conditions handicapantes. Nous savons tous que chaque enfant est unique et différent et nous savons aussi que les enfants handicapés ne constituent pas un groupe homogène. Tout comme leurs pairs non handicapés, ils ont des besoins individuels et rencontrent divers obstacles. L’approche biopsychosociale nous aide à voir que ces enfants ont des capacités, des facultés d’apprentissage et des rythmes différents en fonction des facteurs environnementaux (absence de programmes de dépistage précoce et d’intervention, dispositifs juridiques et législatifs discriminatoires/classes d’insertion scolaire, appui de l’entourage familial) et de facteurs personnels (mauvaise opinion de soi, manque de confiance en soi et de motivation). Globalement, ce modèle intègre la perspective des droits de l’homme et se positionne contre toute forme de discrimination.

3. Comprendre le droit à l’éducation des enfants handicapés

11. Le droit à l’éducation est universel et s’étend à toutes les personnes souffrant d’un handicap. Ce droit a été inscrit dans nombre de conventions, déclarations internationales, recommandations et programmes.
12. L’article 26 de la Déclaration universelle des droits de l’homme (1948) affirme ainsi que «toute personne a droit à l’éducation. L’éducation doit être gratuite, au moins en ce qui concerne l’enseignement obligatoire et fondamental. L’enseignement élémentaire est obligatoire. L’éducation doit viser au plein épanouissement de la personnalité humaine et au renforcement du respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales».
13. Les articles 2 et 23 de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant (1989), en particulier, indiquent que «les Etats parties s’engagent à respecter les droits qui sont énoncés dans la présente Convention et à les garantir à tout enfant relevant de leur juridiction, sans distinction aucune, indépendamment de toute considération de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d’opinion politique ou autre de l’enfant ou de ses parents ou représentants légaux, de leur origine nationale, ethnique ou sociale, de leur situation de fortune, de leur incapacité, de leur naissance ou de toute autre situation» (article 2-1), et que «les enfants mentalement ou physiquement handicapés doivent mener une vie pleine et décente, dans des conditions qui garantissent leur dignité, favorisent leur autonomie et facilitent leur participation active à la vie de la collectivité» (article 23-1).
14. Les Règles pour l’égalisation des chances des personnes handicapées (ONU, 1993) affirment l’importance d’agir en faveur de l’égalisation des chances pour les personnes handicapées. La règle 6, en particulier, souligne «le principe selon lequel il faut offrir aux enfants, aux jeunes et aux adultes handicapés des chances égales en matière d’enseignement primaire, secondaire et supérieur, dans un cadre intégré». Selon ces règles, en ce qui concerne le droit à la scolarisation, il convient de prendre des dispositions pour que l’éducation des handicapés puisse être assurée dans le cadre de l’enseignement général. A cet égard, les Etats devraient avoir «une politique bien définie, qui soit comprise et acceptée au niveau scolaire et par l’ensemble de la collectivité».
15. La Déclaration de Salamanque (UNESCO, 1994), proclamée par des délégués représentant 92 gouvernements et 25 organisations internationales, consacre d’importants principes dans son paragraphe 2, à savoir: l’éducation est un droit fondamental de chaque enfant, qui doit avoir la possibilité d’acquérir et de conserver un niveau de connaissances acceptable; chaque enfant a des caractéristiques, des intérêts, des aptitudes et des besoins d’apprentissage qui lui sont propres; les systèmes éducatifs doivent être conçus et les programmes appliqués de manière à tenir compte de cette grande diversité de caractéristiques et de besoins; les personnes ayant des besoins éducatifs spéciaux doivent pouvoir accéder aux écoles ordinaires, qui doivent les intégrer dans un système pédagogique centré sur l’enfant, capable de répondre à ces besoins; les écoles ordinaires ayant cette orientation intégratrice constituent le moyen le plus efficace de combattre les attitudes discriminatoires, en créant des communautés accueillantes, en édifiant une société intégratrice et en atteignant l’objectif de l’éducation pour tous; en outre, elles assurent efficacement l’éducation de la majorité des enfants et accroissent le rendement et, en fin de compte, la rentabilité du système éducatif tout entier. Sont ainsi abordés tour à tour le droit à l’éducation et la spécificité de chaque enfant, le fonctionnement des systèmes éducatifs, l’orientation intégratrice en faveur des enfants handicapés, et le pourquoi d’une scolarisation ordinaire pour tous. A l’appui de l’orientation intégratrice en faveur des enfants handicapés, la Déclaration de Salamanque met en avant un objectif de société plus vaste que devrait se fixer toute société démocratique: «On observe depuis une vingtaine d’années dans le secteur social une tendance générale à encourager l’intégration et la participation et à combattre l’exclusion. L’intégration et la participation sont essentielles à la dignité humaine et à la jouissance de l’exercice des droits de l’homme.»
16. Un autre document important est la Charte sociale européenne (1961, révisée en 1996). Selon l’article 15 de la Charte, toute personne handicapée a droit à l’autonomie, à l’intégration sociale et à la participation à la vie de la communauté. L’article 17 garantit en outre le droit des enfants et adolescents de grandir dans un milieu favorable à l’épanouissement de leur personnalité et au développement de leurs aptitudes physiques et mentales. Il vise aussi à assurer un enseignement primaire et secondaire gratuit, ainsi qu’à favoriser la régularité de la fréquentation scolaire.
17. Le programme de l’Education pour tous (EPT) (Forum mondial sur l’éducation, Dakar, 2000) défend l’idée de développer et améliorer sous tous leurs aspects la protection et l’éducation de la petite enfance et notamment des enfants les plus vulnérables et défavorisés, ce qui englobe ceux souffrant de handicaps. Le forum affirme que tous les enfants doivent pouvoir exercer leur droit à une «éducation de base» en milieu scolaire ou dans le cadre de programmes alternatifs. L’accord international faisant de 2015 la date butoir pour atteindre l’objectif de l’enseignement primaire universel (EPU) vise en particulier les enfants qui ont des besoins spéciaux, issus de minorités ethniques défavorisées, de populations migrantes, de communautés éloignées et isolées ou qui viennent de taudis urbains, et d’autres enfants exclus de l’éducation.
18. En parallèle, le Conseil de l’Union européenne a décidé que l’année 2003 est déclarée «Année européenne des personnes handicapées», afin de mettre en œuvre l’idée d’une Europe sans entraves pour les personnes handicapées. L’Année européenne a été organisée par la Commission européenne en partenariat avec le Forum européen du handicap (FEH). Parmi les objectifs énoncés dans cette décision figurent: la sensibilisation à la problématique du handicap et aux droits des handicapés; la promotion de l’échange d’expériences concernant les bonnes pratiques et les stratégies efficaces; enfin, la nécessité d’accorder une attention particulière au droit des enfants et des jeunes handicapés à l’égalité dans l’enseignement 
			(11) 
			Union européenne, Proposition
de décision du Conseil relative à l’Année européenne des personnes
handicapées 2003, Journal officiel des
Communautés européennes, 45, 2002, p. 589-599.. Du reste, c’est aussi en 2003 que le Conseil de l’Europe a organisé une deuxième Conférence des ministres responsables des politiques d’intégration des personnes handicapées, à Malaga en Espagne, les 7 et 8 mai 2003. La Déclaration politique, adoptée par les ministres lors de la Conférence de Malaga, comprend plusieurs références explicites aux droits des personnes handicapées à l’éducation (paragraphes 20-22, 35 et 41).
19. La Convention relative aux droits des personnes handicapées (2006) est un instrument important. Elle déclare en particulier que «les enfants handicapés doivent jouir pleinement de tous les droits de l’homme et de toutes les libertés fondamentales, sur la base de l’égalité avec les autres enfants, et rappelant les obligations qu’ont contractées à cette fin les Etats parties à la Convention relative aux droits de l’enfant…» (Préambule, r.). Aux termes de l’article 24-2 de la convention, les Etats veillent à ce que «les enfants handicapés ne soient pas exclus, sur le fondement de leur handicap, de l’enseignement primaire gratuit et obligatoire ou de l’enseignement secondaire» et, aux termes de l’article 24-3, «facilitent l’apprentissage du braille, de l’écriture adaptée et des modes, moyens et formes de communication améliorée et alternative, le développement des capacités d’orientation et de la mobilité, ainsi que le soutien par les pairs et le mentorat; facilitent l’apprentissage de la langue des signes et la promotion de l’identité linguistique des personnes sourdes; veillent à ce que les personnes aveugles, sourdes ou sourdes et aveugles – et en particulier les enfants – reçoivent un enseignement dispensé dans la langue et par le biais des modes et moyens de communication qui conviennent le mieux à chacun, et ce, dans des environnements qui optimisent le progrès scolaire et la sociabilisation». L’article 30 de la convention met l’accent sur la participation à la vie culturelle et récréative, aux loisirs et aux sports. Cet article renforce l’idée selon laquelle il faut faire en sorte que les enfants handicapés puissent participer, sur la base de l’égalité avec les autres enfants, aux activités ludiques, récréatives, de loisir et sportives, y compris en milieu scolaire.
20. L’Assemblée parlementaire a en outre produit plusieurs recommandations et résolutions relatives aux personnes handicapées. Certaines sont des textes spécifiques, comme la Recommandation 1598 (2003) sur la protection des langues des signes dans les Etats membres du Conseil de l’Europe, ou la Recommandation 1562 (2002) «Contrôler le diagnostic et le traitement des enfants hyperactifs en Europe»; d’autres sont plus générales et exhaustives, en particulier les Recommandations 1185 (1992) sur les politiques de réadaptation pour les personnes ayant un handicap, 1592 (2003) «Vers la pleine intégration sociale des personnes handicapées» et 1854 (2009) sur l'accès aux droits des personnes handicapées, et leur pleine et active participation de celles-ci dans la société.
21. Le Plan d’action 2006-2015 
			(12) 
			Recommandation(2006)5
du Comité des Ministres aux Etats membres sur le Plan d’action du
Conseil de l’Europe pour la promotion des droits et de la pleine
participation des personnes handicapées à la société: améliorer
la qualité de vie des personnes handicapées en Europe 2006-2015. du Conseil de l’Europe relatif aux personnes handicapées vise à promouvoir l’égalité des chances, la participation active, un mode de vie autonome et l’accès à l’éducation des personnes handicapées au sein d’un cadre antidiscriminatoire et conforme aux droits de l’homme. Le plan comporte une liste de 15 lignes d’action clés destinées à améliorer la situation des personnes handicapées en Europe. Il définit certains groupes de personnes handicapées qui peuvent être confrontés à de multiples discriminations par des effets dits «transversaux», comme les femmes et les jeunes filles handicapées (si l’on se réfère entre autres à leur droit à l’éducation), les personnes âgées handicapées et les personnes handicapées issues des minorités et de l’immigration. La ligne d’action no 4 du plan, relative à l’éducation, énumère quatre objectifs spécifiques et 13 actions spécifiques à entreprendre. Il s’agit pour les Etats membres, notamment: de promouvoir les législations, les politiques et les programmes d’action visant à empêcher toute discrimination dans l’accès à toutes les phases de l’éducation; d’encourager et de soutenir la mise en place d’un système éducatif unifié dans un objectif de pleine intégration; de faciliter l’évaluation précoce; de contrôler la mise en œuvre des programmes éducatifs personnalisés sans pour autant perdre de vue que les parents sont des partenaires actifs dans le processus d’élaboration des programmes destinés à leurs enfants; d’encourager une formation des personnels enseignants axée sur la sensibilisation au handicap et sur la bonne utilisation des techniques et matériels pédagogiques; de veiller à ce que la totalité de ces techniques et matériels soient accessibles aux personnes handicapées dans les systèmes éducatifs intégrateurs. Le plan d’action prévoit également des lignes d’action directement liées à la garantie de droits – soins de santé, sensibilisation, transports, environnement bâti intégrant les principes de conception universelle 
			(13) 
			Recommandation CM/Rec(2009)8
du Comité des Ministres sur «Parvenir à la pleine participation
grâce à la conception universelle» et Assurer
la pleine participation grâce à la conception universelle, Editions
du Conseil de l’Europe, Strasbourg, 2009..
22. De multiples conventions, déclarations internationales, recommandations et programmes ont été formulés à ce jour concernant les droits de l’enfant et le droit à l’éducation. Les écoles ont pourtant été autorisées à exclure les enfants handicapés, et l’ont souvent fait. Cela tient à ce que le droit à l’éducation des enfants handicapés est réalisé dans un cadre qui met surtout l’accent sur les écoles spéciales, les établissements spécialisés et les enseignants en éducation spécialisée. Si notre objectif est de garantir le droit à la scolarisation des enfants handicapés y compris lorsque le handicap empêche l’exercice de ce droit, de quel type de cadre avons-nous besoin pour nos écoles en général? Il faut un cadre respectueux de la diversité des situations personnelles, qui encourage la solidarité mutuelle et fonctionne au sein de la collectivité. Cela n’est possible que dans le cadre de l’éducation inclusive (ou intégratrice).

4. Garantir le droit à la scolarisation dans le cadre de l’éducation inclusive

23. L’intégration est une «philosophie qui encourage l’école, le quartier et la collectivité à accueillir et valoriser toute personne, indépendamment de ses différences» 
			(14) 
			Renzaglia A. et al., «Promoting a lifetime of
inclusion», Focus on Autism and other
Developmental Disabilities, 18, 2003, p. 140-149.. Cette philosophie trouve sa traduction dans des pratiques pédagogiques où une idée de justice sociale appelle à garantir l’égalité des chances à tous les apprenants, quelle que soit leur situation sur les plans physique, intellectuel, psychologique, culturel ou autres» 
			(15) 
			Foreman P. J., Integration and Inclusion in action, New
South Wales, Harcourt Brace & Company, 2001..
24. Bien sûr, la réglementation et les dispositions légales, les matériels, ressources et services d’appui, de même qu’une coopération et collaboration efficaces entre les institutions, jouent un grand rôle dans les pratiques d’intégration.
25. Les recherches menées pour comprendre les déterminants essentiels des pratiques d’insertion scolaire 
			(16) 
			Pivik J., McComas J.
et LaFlamme M., «Barriers and Facilitators to Inclusive Education», Exceptional Children, 69, 2002,
p. 97-107. ont mis en évidence l’importance des obstacles d’ordre général (école non accessible, absence de transport scolaire, manque de professionnels formés, etc.) et des facilitateurs (professionnels formés, attitudes positives envers le handicap, etc.). Pivik et al. (2002) résument ces obstacles à des barrières environnementales et attitudinales (intentionnelles/non intentionnelles). Les barrières environnementales sont les obstacles liés à l’architecture et aux problèmes d’accessibilité physique qui empêchent ou dissuadent les enfants handicapés d’aller dans une école ordinaire ou de participer à la vie de l’établissement. Comment donc garantir l’égalité d’accès à l’offre éducative ou surmonter les barrières environnementales? Pour commencer, la solution consiste à modifier les structures existantes et à veiller à ce que toutes les constructions nouvelles satisfassent aux lignes directrices fédérales, comme indiqué dans le Plan d’action pour les personnes handicapées (2006-2015).
26. En Turquie, par exemple, de telles dispositions sont prévues par l’article 15 de la loi sur le handicap (2005): les personnes handicapées ne peuvent être privées de leur droit à l’éducation pour quelque motif que ce soit; les enfants, adolescents et adultes handicapés bénéficient de l’égalité des chances en matière d’éducation et sont intégrés dans des classes ordinaires.
27. Tout en travaillant à la suppression des barrières environnementales et à l’application des principes de conception universelle, nous devons relever un défi autrement plus ardu. Il s’agit de changer les attitudes intentionnelles et non intentionnelles envers les enfants handicapés. A l’école, par exemple, les élèves se regroupent généralement avec ceux avec qui ils se sentent le plus à l’aise, sans exclure intentionnellement les handicapés. Dans les faits, cependant, cela induit une séparation entre enfants handicapés et non handicapés 
			(17) 
			O’Shea
D. J., «Making Uninvited Inclusion Work», Preventing
School Failure, 43, 1999, p. 179-192..
28. Malheureusement, de telles attitudes empreintes de préjugés vis-à-vis des enfants handicapés ne se limitent pas à leurs camarades de classe. Une étude a ainsi révélé que de nombreux enseignants de l’enseignement général ont indiqué avoir eu une première réaction négative concernant la présence d’élèves handicapés dans leurs classes 
			(18) 
			Giangreco M. F. et al., «National Validation of
COACH, Congruence with Exemplary Practice and Suggestions for Improvement», Journal of the Association for Persons with
Severe Handicaps, 18, 1993, p. 109-120..
29. Même lorsque toutes les dispositions réglementaires sont respectées et que des ressources sont disponibles, les chances de succès de l’approche intégratrice sont moindres si les acteurs de sa mise en œuvre et les bénéficiaires ont une attitude négative dès le départ. Dès lors, la réussite de l’éducation inclusive est fondamentalement culturelle et dépend de l’attitude positive des enfants, enseignants, parents et tuteurs, pouvoirs publics et de la société dans son ensemble, qui doit prôner «non seulement la participation active à l’école, mais encore la participation active au sein de la société».

5. Les initiatives en matière d’éducation inclusive au niveau international

30. Dans chaque pays, le cadre national et les avancées internationales ont eu des incidences sur la conceptualisation et la mise en œuvre de cette démarche. L’intégration est ancrée dans le droit à l’éducation énoncé à l’article 26 de la Déclaration universelle des droits de l’homme (1948). Les «Principes directeurs pour l’inclusion» de l’UNESCO (2005) 
			(19) 
			Organisation
des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture, Principes directeurs pour l’inclusion: assurer
l’accès à l’Education Pour Tous, UNESCO, Paris, 2005. établissent par ailleurs que les différents ministères doivent appuyer l’éducation inclusive. Dans le rapport de l’UNESCO, l’intégration est définie comme l’incorporation en milieu scolaire ordinaire des élèves à besoins spéciaux nécessitant une prise en charge particulière. La diversité des élèves impose alors, cependant, d’introduire davantage de changements dans l’organisation des écoles, notamment au niveau des programmes d’études et des stratégies d’enseignement et d’apprentissage. De tels changements ne sont possibles que dans le cadre de l’éducation inclusive. Les principes directeurs de l’UNESCO ne garantissent pas l’uniformité des approches d’un pays à l’autre, ni même au sein de chaque pays. Comme l’indique Mitchell 
			(20) 
			Mitchell D., «Sixteen
propositions on the contexts of inclusive education», in Mitchell D. (dir.), Contextualizing inclusive education, Routledge,
Londres, 2005, p. 22-36., l’éducation inclusive reflète «les relations entre les contextes social, politique, économique, culturel et historique présents à un moment donné dans tel ou tel pays ou collectivité locale». Par conséquent, l’intégration exige l’engagement de multiples acteurs (pouvoirs publics, enseignants, communauté scolaire, apprenants, parents) et de la société tout entière pendant une période donnée.
31. A travers quelques exemples d’initiatives en matière d’éducation inclusive à travers le monde, nous allons brosser ci-après un bref tableau des questions clés liées à la mise en œuvre de l’éducation inclusive.
32. En Allemagne, d’abord, la Conférence permanente des ministres de l’Education et des Affaires culturelles des Länder de la République fédérale d’Allemagne (KMK) a organisé l’éducation spéciale dans chaque Land. Elle a en particulier formulé des recommandations concernant l’organisation de l’éducation spéciale (décision de mars 1972) et des recommandations pour tous les types d’établissements spécialisés (Sonderschulen). La recommandation concernant l’éducation spéciale dans les écoles de la République fédérale d’Allemagne (décision du 6 mai 1994) rend compte de la situation actuelle. Elle vise principalement à créer l’égalité des chances pour les personnes handicapées par une amélioration de la qualité des mesures d’appui destinées à l’éducation spéciale, dans les écoles ordinaires comme dans les établissements qui n’accueillent que des enfants handicapés. Jusqu’en 1999, la KMK a recommandé de donner la priorité aux dispositifs de soutien individualisé (Förderschwerpunkte) pour certaines conditions handicapantes telles que les déficiences auditives ou visuelles, les déficiences intellectuelles, les handicaps physiques, les troubles d’apprentissage et l’autisme. Tous les Förderschwerpunkte fournissent un diagnostic ainsi que des informations relatives aux conditions handicapantes, à la prise en charge éducative des enfants ayant des besoins éducatifs spéciaux et aux placements possibles. Dans chacun des 16 Länder, les enfants handicapés sont intégrés dans des écoles ordinaires, particulièrement au niveau du primaire 
			(21) 
			European Agency for
Development in Special Needs Education (EADSNE), Inclusive education and classroom practices:
Summary Report, Middelfart, Danemark, 2003.. Cependant, dans le cadre de la signature de la Charte des Nations Unies, le groupe de travail de la KMK a entrepris, en 2009, de définir des concepts visant à rendre le système éducatif plus ouvert. Tous les Länder mettent en place un système de coopération entre les écoles ordinaires et les établissements spécialisés, qui font ensuite office de «centre de ressources». Dans le prolongement de cette approche, il y a même des écoles pour enfants handicapés issus de groupes minoritaires. Dans ces écoles, ces derniers suivent le même cursus que les groupes majoritaires (par exemple, Phalzinstitut für Hörsprachbehinderte).
33. Au Royaume-Uni, il y a un engagement fort en faveur des principes énoncés dans la Déclaration de Salamanque de l’UNESCO et dans divers documents d’orientation destinés aux écoles, comme l’Index pour l’inclusion 
			(22) 
			Booth T. et Ainscow
M., Index for inclusion: developing learning
and participation in schools (2e éd.),
Centre for Studies on Inclusive Education, Bristol, 2002., selon lesquels l’école doit assurer l’éducation d’un nombre croissant d’enfants handicapés, en incluant également tous les groupes d’apprenants historiquement marginalisés 
			(23) 
			Ainscow M., Booth T.
et Dysona A., «Inclusion and the standards agenda: negotiating policy
measures in England», International Journal
of Inclusive Education, 10 (4-5), 2006, p. 295-308..
34. Aux Etats-Unis, l’origine de l’éducation spéciale remonte au XIXe siècle. Pendant les années 1970, les premiers problèmes juridiques relatifs à l’intégration ont été soulevés par des parents d’enfants handicapés qui protestaient contre la stigmatisation dont étaient victimes leurs enfants dans le cadre de l’enseignement général. Le «No Child Left Behind Act» (NCLB) de 2001 et la loi de 2004 visant à une meilleure prise en charge des élèves handicapés dans l’enseignement («Individuals with Disabilities Education Improvement Act») prévoient des mesures de responsabilisation en lien avec l’instruction et l’évaluation des enfants handicapés 
			(24) 
			Carpenter L. B. et
Dyal A., «Secondary inclusion: Strategies for implementing the consultative
teacher model», Education, 127(3),
2007, p. 344-350.. Les principaux volets de ces lois sont notamment l’adaptation de l’école publique au service de tous les enfants handicapés, une procédure d’évaluation non discriminatoire, des programmes d’enseignement individualisé, un environnement moins restrictif, l’implication de la famille et l’usage de méthodes appropriées.
35. En Italie, à compter de 1971, le gouvernement a consacré le droit des enfants handicapés de suivre des cours d’enseignement général à l’école publique (loi nationale no 118). La loi nationale no 517, promulguée en 1977, a en outre défini des stratégies plus précises afin de parvenir à la pleine intégration des élèves handicapés. Grâce à ces dispositions, l’Italie a considérablement réduit le nombre des écoles spéciales pour enfants handicapés et a ouvert les cours d’enseignement général à la quasi-totalité des élèves, y compris ceux présentant un handicap sévère 
			(25) 
			Begeny
J. C. et Martens B. K., «Inclusionary Education in Italy: A Literature
Review and Call», Remedial and Special Education, 28,
2007, p. 80-94.. Les premières initiatives visant à généraliser les pratiques d’insertion ont rencontré une certaine résistance de la part des parents et des enseignants. Cependant, les travaux de recherche les plus récents et les données issues d’observations empiriques ont montré que la grande majorité des parents et éducateurs en Italie sont favorables à l’intégration de tous les élèves dans l’enseignement général 
			(26) 
			Balboni G. et Pedrabissi
L., «Attitudes of Italian support teachers and parents toward school
inclusion of students with mental retardation: The role of experience», Education and Training in Mental Retardation
and Developmental Disabilities, 35, 2000, p. 148-159.. Il n’y a donc rien d’étonnant à ce que l’Italie offre désormais un excellent exemple des modalités de mise en œuvre des pratiques d’insertion.
36. En Turquie, le règlement des services d’éducation spéciale promulgué par le ministre de l’Education définit l’inclusion comme une pratique éducative spéciale qui fournit des prestations de soutien scolaire aux apprenants ayant des besoins éducatifs spéciaux, le principe étant que ces derniers poursuivent leur apprentissage et leur instruction avec leurs pairs n’ayant pas de besoins spéciaux dans des établissements publics ou privés de l’enseignement préscolaire, primaire et secondaire ou dans le cadre de l’instruction non scolaire (2000, section 7, point 67). L’un des principes énoncés dans la loi nationale sur l’éducation (2000) est que l’éducation des enfants handicapés doit se faire dans «l’environnement le moins restrictif possible». Autrement dit, tout enfant handicapé doit pouvoir recevoir une éducation ordinaire dans le cadre de l’enseignement général ou, à défaut, dans l’environnement qui s’en rapproche le plus 
			(27) 
			Melekoglu M. A., Cakiroglu
O. et Malmgren K. W., «Special education in Turkey», International Journal of Inclusive Education, 13(3),
2009, p. 287-298.. La loi turque relative à l’éducation spéciale affirme ainsi le droit à l’éducation de tout enfant, quel que soit son handicap, et encourage des pratiques d’insertion scolaire à tous les niveaux d’enseignement. Plus récemment, la présidence turque a lancé dans cette optique une campagne intitulée «Vers des politiques d’éducation capacitantes», en partenariat avec une organisation non gouvernementale.

6. Conclusion

37. Le rapporteur considère que le droit à l’éducation est universel et doit donc s’étendre à tout enfant, adolescent et adulte atteint d’un handicap. Ce droit est consacré dans plusieurs conventions et déclarations internationales de grande portée dont la Déclaration mondiale sur l’éducation pour tous (1990), la Déclaration de Salamanque et son cadre d’action (UNESCO, 1994), le Cadre d’action de Dakar (2000) et la Convention relative aux droits des personnes handicapées (ONU, 2006), ainsi que dans les instruments pertinents du Conseil de l’Europe, tels que la Convention européenne des droits de l’homme, la Charte sociale européenne et la Charte sociale européenne révisée, et le plan d’action du Conseil de l’Europe 2006-2015 sur le handicap.
38. Fort de sa conviction que l’éducation inclusive repose sur les quatre piliers de l’éducation pour le XXIe siècle, à savoir apprendre à connaître, apprendre à faire, apprendre à être et apprendre à vivre ensemble 
			(28) 
			Organisation
des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture, L’éducation: un trésor est caché dedans, rapport
de la Commission internationale sur l’éducation pour le XXIe siècle
(président: J. Delors), UNESCO, Paris, 1996., le rapporteur estime indispensable la participation des enseignants, des élèves, des parents et de la collectivité en général, au-delà de la production de méthodes, programmes, manuels et matériels pédagogiques. L’avantage d’une approche inclusive est qu’elle permet aux enfants handicapés de mieux s’intégrer dans leur environnement local et d’être en contact avec les autres enfants qui, à leur tour, apprennent à vivre à leurs côtés et à les voir en premier lieu comme des enfants. Un autre avantage est que les soins, les services et les aides mis à la disposition des enfants handicapés peuvent être évalués selon des critères valables pour tous les enfants.
39. Il est difficile de calculer le coût de l’éducation inclusive pour les enfants handicapés. Cependant, le coût de la prestation de services éducatifs spéciaux dans des structures distinctes, comme les établissements spécialisés pour enfants handicapés, est de deux à quatre fois supérieur au coût de l’enseignement ordinaire dispensé aux enfants sans besoins particuliers. Sur la base de ces estimations, l’éducation inclusive induit certes un surcoût, mais reste moins onéreuse que l’enseignement dispensé dans des structures distinctes/spéciales. Il est par ailleurs établi que l’éducation inclusive est non seulement efficace mais aussi rentable, et que «l’équité est la voie de l’excellence» 
			(29) 
			OCDE-CERI, L’insertion scolaire des handicapés: des établissements
pour tous, OCDE, Paris, 1999..
40. Pour le bon fonctionnement de l’éducation inclusive, les prestataires de services généraux de l’éducation, de la santé et de l’aide sociale devraient recevoir, dans des centres d’excellence locaux, une formation complémentaire et une assistance qui leur confèrent les compétences requises pour travailler avec les enfants handicapés en général et leur permettront de faire face à chaque cas particulier. Ces services devraient comporter toute une gamme d’aides personnalisées aux enfants handicapés, de manière qu’ils puissent aspirer à la même existence et avoir les mêmes attentes que les autres enfants de leur âge. Ils ont en effet le droit de mener une existence de plus en plus indépendante et autonome, de posséder les objets qu’on désire à leur âge et de bénéficier d’une assistance technologique, notamment en matière de mobilité et de communication, en fonction de leurs besoins.
41. Le rapporteur estime qu’à l’avenir, les services généraux, notamment les centres d’accueil de jour, les structures destinées aux jeunes enfants, les lieux de culte, les établissements scolaires et les centres de loisirs, devraient être tenus d’accepter les enfants handicapés et de mettre à leur disposition les moyens nécessaires à leur insertion et à leur participation. Chaque fois que cela s’avérera possible, leur scolarité ou leur formation professionnelle devrait se dérouler, à tous les stades de leur éducation, dans les établissements fréquentés par les autres enfants et ils devraient bénéficier du soutien qui facilitera leur scolarité et leur formation effective au sein des systèmes d’éducation classiques. Lorsque le recours à des établissements scolaires ou à des unités spécialisées est jugé indispensable ou utile, ceux-ci devraient être associés à ceux de l’enseignement ordinaire et devraient être aidés à établir des passerelles et à s’ouvrir à la communauté locale.
42. A cet égard, le rapporteur souhaite mentionner que, lors du débat au sein de la commission, certains membres ont émis des doutes quant au coût et à l’utilité de l’éducation inclusive par rapport aux établissements spécialisés. De plus, il arrive bien souvent que les fonds supplémentaires alloués aux établissements scolaires ordinaires ne soient pas investis dans des projets destinés aux enfants qui en ont le plus besoin. Par ailleurs, les enfants scolarisés dans des établissements spécialisés pourraient bénéficier d’enseignants hautement qualifiés et d’une aide adaptée. Les systèmes éducatifs inclusifs peuvent donc avoir des conséquences aussi bien positives que négatives, qu’il convient d’examiner attentivement afin de déterminer la bonne approche et l’assortiment de mesures le plus approprié pour faire face à ce problème.
43. Nous devrions plutôt nous demander ce qu’il faudra payer plus tard pour les enfants handicapés qui sont exclus socialement, politiquement et culturellement du fait de notre incapacité à garantir leur droit à l’école. Quels sont les coûts pour la société de ne pas assurer l’éducation des enfants handicapés? Le rapporteur considère que les décisions relatives à l’éducation des enfants handicapés doivent être fondées non pas sur le coût économique, mais sur l’estimation des coûts sociaux, politiques et culturels de l’exclusion dans une société. Dans une perspective holistique de la société, la survie de l’espèce humaine et le développement d’une nation dépendent de l’éducation. Aucune concession n’est possible et aucune mesure de réduction des coûts ne devrait entrer en ligne de compte, s’agissant de garantir le droit à la scolarisation des enfants handicapés.
44. Si l’objectif est de garantir le droit à la scolarisation des enfants handicapés dans le cadre de «l’éducation inclusive pour tous», le rapporteur estime que ce but ne pourra être atteint que si certaines conditions sont remplies, telles qu’elles ont été énumérées dans le projet de résolution.
45. En conclusion, le rapporteur pense qu’«une population diverse d’enfants et d’adolescents dans les établissements produira des écoles plus sensibles et centrées sur la personne. Cela produira une nouvelle génération plus tolérante et respectueuse de la différence» 
			(30) 
			Thomas G., Walker D.
et Webb J. (dir.), The making of the
inclusive education, Routledge, Londres, 1998, p. 199. Cela est possible avec l’éducation inclusive. Et grâce à l’éducation inclusive, il est aussi possible de garantir le droit à l’éducation de tous les enfants, quelle que soit leur situation sur les plans physique, intellectuel, psychologique, culturel ou autres.