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Avis de commission | Doc. 12207 | 13 avril 2010

La situation des Roms en Europe et les activités pertinentes du Conseil de l'Europe

(Ancienne) Commission des migrations, des réfugiés et de la population

Rapporteure : Mme Nursuna MEMECAN, Turquie, ADLE

Origine - Renvoi en commission: Doc. 11206, renvoi 3340 du 20 avril 2007. Commission saisie du rapport: commission des questions juridiques et des droits de l’homme. Voir Doc. 12174. Avis approuvé le 30 mars 2010. 2010 - Deuxième partie de session

A. Conclusions de la commission

(open)
1. Les Roms ont un passé marqué par les migrations. Ils ont souvent dû émigrer pour survivre dans un monde hostile. En butte à des persécutions, à la discrimination et à l’incompréhension depuis leur arrivée en Europe il y a plusieurs siècles, les Roms ont été contraints de changer régulièrement de domicile, à la recherche d’un lieu où s’installer sans être immédiatement expulsés. Cette nécessité n’a malheureusement pas disparu aujourd’hui. Dans certains cas, ils doivent même se déplacer sur tout le territoire européen, voire le quitter, pour fuir les persécutions et chercher asile ailleurs.
2. Les Roms se déplacent aussi pour des raisons commerciales en fonction des marchés, des foires ou du travail agricole saisonnier, ou bien afin de maintenir des relations avec les membres de leur famille qui peuvent être dispersés dans des lieux aussi distants les uns des autres que la Norvège, l’Espagne, l’Irlande ou l’Ukraine. Du fait des politiques d’assimilation et de la disparition des formes traditionnelles de commerce pratiquées par les Roms, aujourd’hui seuls 10 % des Roms, selon les estimations, voyagent régulièrement, essentiellement en Europe de l’Ouest. Il n’y a donc qu’un faible pourcentage d’entre eux qui peuvent être considérés comme menant une vie nomade. Cette situation n’a, cependant, pas changé l’état d’esprit des Roms vis-à-vis du voyage. Pour de nombreux Roms, le voyage est une réalité subjective autant qu’objective, une philosophie commune, un état d’esprit.
3. La commission se félicite du rapport ferme et sans équivoque de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme et des propositions constructives qu’elle a formulées. La commission souscrit aux conclusions de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme, estimant, comme elle, qu’il est nécessaire d’assurer le suivi de la mise en œuvre au niveau local des mesures prises, qu’une approche intégrée et concertée s’impose pour améliorer la situation des Roms et qu’il est essentiel de renforcer l’accès des Roms au logement et à l’éducation.
4. La commission relève que, dans son rapport, la commission des questions juridiques et des droits de l’homme a ouvertement laissé de côté la question des migrations et de l’asile concernant les Roms, compte tenu du rapport que prépare actuellement sur cette question la commission des migrations, des réfugiés et de la population (voir la proposition de recommandation intitulée «Les demandeurs d’asile roms dans les Etats membres du Conseil de l’Europe» [Doc. 12073]).
5. Dans son rapport, la commission des questions juridiques et des droits de l’homme insiste, à juste titre, sur le caractère déplorable et inadmissible du déchaînement de violence contre les Roms observé dans certains Etats membres du Conseil de l’Europe et se penche sur certaines des causes de ces événements tragiques. Les pogroms ont eu notamment pour effet de contraindre de nombreux Roms à fuir, dans un climat de peur, vers d’autres pays pour y chercher asile.
6. Lorsqu’ils quittent un Etat membre de l’Union européenne pour se réfugier dans un autre, les demandeurs d’asile roms sont confrontés à la législation communautaire qui prévoit qu’en matière d’asile, tous les Etats membres de l’Union européenne sont considérés comme des «pays d’origine sûrs» vis-à-vis les uns des autres. En conséquence, un citoyen de l’un des Etats membres de l’Union ne se voit pas, en règle générale, accorder la protection principale garantie aux réfugiés, ni la protection subsidiaire, dans un autre Etat membre de l’Union européenne, sauf dans certaines circonstances exceptionnelles.
7. Tandis que, par exemple, les Roms de Bulgarie, de Hongrie ou de Roumanie n’ont pas pu, de ce fait, obtenir l’asile dans les pays de l’Union européenne, les Roms de République tchèque et de Hongrie ont demandé et obtenu l’asile au Canada. En 2008, 860 Roms de la République tchèque ont déposé une demande d’asile au Canada et 40 % d’entre eux ont obtenu le statut de réfugié. En 2009, les demandes déposées par des Roms tchèques au Canada dépassaient le millier. En outre, un millier environ de Roms hongrois ont demandé une protection au Canada en 2008 et 2009. En 2009, les autorités canadiennes ont imposé des visas aux citoyens tchèques et ont récemment indiqué qu’elles envisageaient de le faire également pour les citoyens hongrois.
8. Pour de nombreux Roms qui sont des ressortissants de l’Union européenne, le simple usage de leur droit de circuler au sein de l’Union pour échapper à la violence ou aux menaces de violence n’est pas une affaire de choix. La Directive de l’Union sur la libre circulation des citoyens énonce que tout citoyen de l’Union européenne a le droit de séjourner dans n’importe quel Etat membre de l’Union pendant trois mois, sans satisfaire à des obligations autres que celle de disposer d’un passeport en cours de validité. Pour des séjours plus longs, la personne concernée doit pouvoir justifier de ressources financières suffisantes ou d’un emploi. La majorité des demandeurs d’asile roms ne satisfont pas à ces conditions.
9. Compte tenu de la législation communautaire précitée et du fait que la violence contre les Roms s’est largement déchaînée dans des Etats membres de l’Union européenne, il est urgent que, pour remédier à la situation, l’Union européenne prenne des mesures législatives et, si cela relève de sa compétence et dans le respect du principe de subsidiarité, des initiatives concrètes.
10. Les Roms qui sont contraints de fuir leur pays natal se retrouvent, par conséquent, dans une situation incertaine, n’ayant d’autre choix que de demander l’asile dans un pays extérieur à l’Union européenne, de devenir des migrants irréguliers ou de rentrer chez eux et d’affronter les persécutions.
11. En outre, le retour des réfugiés roms au Kosovo 
			(1) 
			Toute référence au
Kosovo dans le présent document, qu’il s’agisse de son territoire,
de ses institutions ou de sa population, doit être entendue dans
le plein respect de la Résolution
1244
 du Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations
Unies, sans préjuger du statut du Kosovo. est une question très préoccupante qui doit être traitée. Certains signes laissent à penser que plusieurs milliers de Roms attendent de retourner au Kosovo dans les pays d’Europe occidentale qui sont en train de conclure des accords de réadmission avec le Kosovo. A la suite de sa visite au Kosovo, effectuée du 11 au 13 février 2010, le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, Thomas Hammarberg, a appelé les Etats européens à empêcher tout retour forcé jusqu’à ce que le Kosovo puisse offrir aux rapatriés des conditions de vie décentes, des soins de santé, une instruction, des services sociaux et un emploi.
12. La commission des questions juridiques et des droits de l’homme souligne que les Roms n’ont souvent pas de papiers d’identité, ce qui, de fait, les prive de l’accès aux prestations sociales et à la propriété. Ce problème concerne de nombreux migrants et rapatriés roms.
13. Dans tous les domaines à problèmes que signale la commission des questions juridiques et des droits de l’homme, les Roms qui sont également des migrants se heurtent à des difficultés supplémentaires parce qu’ils sont parfois dépourvus de citoyenneté et de compétences linguistiques, et qu’ils sont victimes de la marginalisation générale qui est souvent le lot des migrants. Ce problème persiste, que les Roms concernés soient des migrants réguliers ou irréguliers, des réfugiés ou des demandeurs d’asile. Dans tous les secteurs sociaux – le logement, la santé, l’emploi et l’éducation – il faut exhorter les Etats membres à prendre tout particulièrement en considération les besoins des migrants roms.
14. L’un des objectifs majeurs du Conseil de l’Europe est de promouvoir la diversité au sein de la société. Il convient de garder à l’esprit cet objectif lorsque l’on essaie d’intégrer les Roms et les migrants roms auxquels il faut donner la possibilité de mettre en pratique et de développer leur culture, leur langue et leur mode de vie. Cela suppose que les autorités responsables aient certaines connaissances et fassent preuve de souplesse et de bonne volonté.
15. La commission voudrait, pour finir, signaler un projet exemplaire mené en Turquie en faveur des Roms. Le Gouvernement turc a invité des représentants de la communauté rom à un échange de vues avec le ministre d’Etat, Faruk Celik, pour déterminer les besoins de la communauté rom auxquels il faut répondre. Sur la base de cet échange et d’autres consultations sérieuses, le Premier ministre de la Turquie, Recep Tayyip Erdoğan, a lancé le projet. Le 14 mars 2010, il a pris la parole devant 15 000 Roms invités à Istanbul de toutes les régions de la Turquie pour un rassemblement festif dans un stade. Cet événement a été marqué par de grandes manifestations de joie et d’appréciation mutuelle. Le but est d’améliorer considérablement les conditions de vie des Roms en Turquie et de changer la façon dont l’opinion publique perçoit les Roms. Le projet comportera des mesures concrètes pour renforcer les possibilités offertes aux Roms comme le transport scolaire gratuit, des aides spéciales pour les études et l’amélioration des conditions de logement ainsi que des initiatives visant à supprimer la discrimination à leur égard. C’est un projet unique en Europe.
16. Tout en soulignant qu’elle soutient le projet de recommandation déposé par la commission des questions juridiques et des droits de l’homme, la commission des migrations, des réfugiés et de la population propose quelques amendements au projet de résolution.

B. Amendements proposés au projet de résolution

(open)

Amendement A (au projet de résolution)

Ajouter un nouveau paragraphe 15.8 libellé comme suit:

«de fonder toutes les mesures visant à améliorer la situation des Roms, à tous les stades du processus, sur une concertation préalable et véritable avec les Roms eux-mêmes;».

Amendement B (au projet de résolution)

Ajouter un nouveau paragraphe 15.9 libellé comme suit:

«d’envisager de prendre des actions positives pour combattre la discrimination et améliorer les possibilités offertes aux Roms, notamment dans les domaines de l’éducation et de l’emploi, en attendant en échange des Roms qu’ils respectent leurs obligations de scolarité;».

Amendement C (au projet de résolution)

Ajouter un nouveau paragraphe 15.10 libellé comme suit:

«de renforcer la communication, la compréhension et le respect entre les Roms et les non-Roms au sein de la société en vue d’éradiquer le racisme, la xénophobie, la discrimination et l’exclusion;».

Amendement D (au projet de résolution)

Ajouter un nouveau paragraphe 15.11 libellé comme suit:

«de dénoncer les discours de haine à l’égard des Roms, qu’ils émanent des médias, des milieux politiques ou de la société civile;».

Amendement E (au projet de résolution)

Ajouter un nouveau paragraphe 15.12 libellé comme suit:

«de prendre des mesures fermes pour poursuivre tous les auteurs des infractions pénales et des violations des droits de l’homme dont sont victimes les Roms;».

Amendement F (au projet de résolution)

Ajouter un nouveau paragraphe 15.13 libellé comme suit:

«de promouvoir la mise en pratique et le développement de la culture, de la langue et du mode de vie des Roms en exploitant, par exemple, l’Itinéraire culturel rom établi par le Conseil de l’Europe;».

Amendement G (au projet de résolution)

Ajouter un nouveau paragraphe 15.14 libellé comme suit:

«de prendre des mesures spéciales pour protéger les demandeurs d’asile roms qui ont fui la violence raciste, veiller à ce que les citoyens de l’Union européenne aient la possibilité de réfuter la présomption de sécurité qui s’applique vis-à-vis des Etats membres de l’Union et ne pas renvoyer les Roms au Kosovo jusqu’à ce que le HCR ait confirmé que la situation s’est suffisamment améliorée en termes de sécurité et d’accès aux droits sociaux;».

Amendement H (au projet de résolution)

Ajouter un nouveau paragraphe 25 libellé comme suit:

«L’Assemblée encourage les Etats membres qui ne l’ont pas encore fait à présenter des excuses à la communauté rom pour les injustices et les souffrances qu’elle a endurées par le passé.»