1. Introduction
1. Pour la plupart des pays en transition, 2009 a été
l’année où l’impact de la crise économique et financière mondiale
s’est fait pleinement sentir. Le retentissement a été, certes, différent
selon les pays, mais bon nombre d’entre eux ont connu une chute
brutale autant que soudaine de la production et leurs revenus n’ont
commencé à se stabiliser que vers le milieu de l’année. L’année
2009 a également été celle du 20e anniversaire
de la chute du mur de Berlin et le point d’orgue d’une période de
croissance régulière de la prospérité économique dans la presque
totalité de la région, marquée par la croissance du secteur privé
dont le poids est passé de niveaux très faibles à plus de 70 % des
économies de la région sur la période.
2. En matière de développement, une bonne partie des progrès
est le fruit de la mondialisation et des perspectives d’intégration
européenne, en particulier l’adhésion à l’Union européenne (UE)
pour un certain nombre de pays. La mise en œuvre des principes démocratiques
s’est également améliorée de manière régulière, même si l’on avance
que le parcours a été plus heurté que pour la trajectoire économique, notamment
dans certains des anciens pays de la Communauté d’Etats indépendants
(CEI). Toutefois, le fait que, début 2010, la crise économique n’ait
pas entraîné de bouleversements politiques majeurs ou de revers significatifs
pour la réforme dans la région est la preuve des progrès enregistrés
au cours des années.
3. L’année 2009 a également représenté un défi majeur pour la
BERD, à mesure que celle-ci réagissait à la crise. Si, les années
précédentes, certains des actionnaires de la BERD avaient pensé
que la mission de la banque consistant à soutenir la transition
vers des économies de marché ouvertes et démocratiques avait été largement
accomplie, l’évolution de la situation par la suite a prouvé qu’il
n’en était rien. La décision de la BERD, début 2009, de stimuler
les engagements afin de les porter à 7 milliards d’euros semblait
ambitieuse, au vu des graves incertitudes qui planaient sur la situation
des secteurs bancaires, du coup de frein brutal sur les rentrées
de capitaux et, plus généralement, de la perte de confiance chez
les investisseurs. La BERD a ainsi mobilisé près de 8 milliards
d’euros, soit une augmentation de 50 % par rapport au montant enregistré
en 2008, plus particulièrement consacrés au financement des secteurs
bancaire, des entreprises et des infrastructures. Elle entend maintenir
son activité à ce niveau au cours des quelques prochaines années, puisque
les conditions de financement devraient demeurer tendues et que
le rythme de la reprise sera lent. En mai 2010, le Conseil de la
BERD a approuvé une augmentation temporaire de 50 % du capital pour
la banque.
4. Le rapport passe brièvement en revue les causes de la crise
et les principaux effets
de cette dernière sur la région,
puis analyse la réaction de la BERD, avec une rapide description
des principales activités de la banque dans certains pays. Il évoque
enfin les leçons qui peuvent être tirées de la crise pour la région
et certaines conséquences pour les futures activités de la BERD.
2. Les effets
de la crise financière et économique sur les économies d’Europe
de l’Est
2.1. Les causes de la
crise financière et économique
5. La crise s’est déclenchée à l’issue d’une période
où, les grandes économies occidentales connaissant de faibles taux
d’intérêt, le secteur du crédit et de l’immobilier a flambé, tout
particulièrement aux Etats-Unis, ce qui ne pouvait durer. Ce phénomène
a été accentué par le développement de produits financiers complexes basés
sur les actifs qui étaient alors négociés entre les grandes banques
occidentales. Rétrospectivement, ni le cadre réglementaire ni les
notations accordées à ces produits n’étaient suffisamment solides
pour refléter l’ensemble des risques. Les premiers signes de tension
se sont fait sentir sur les marchés financiers durant l’été 2007,
avec un affaiblissement des cours des actifs, et la crise a véritablement
éclaté à la suite de la faillite de Lehman Brothers, en septembre
2008. Les incertitudes quant au volume réellement détenu à titre
individuel par chaque banque de ces actifs toxiques ont brutalement
tiré à la hausse les taux des prêts interbancaires, à mesure que
la confiance dans les principaux secteurs bancaires était sapée,
ce qui a abouti à un assèchement du crédit.
6. Ces problèmes cachaient des déséquilibres mondiaux subsistants.
Dans un certain nombre de pays, tels que les Etats-Unis, où la consommation
était la principale source de croissance, avec une aggravation des déficits
commerciaux et budgétaires; dans d’autres pays, notamment la Chine,
l’Allemagne et les grands pays producteurs de pétrole, la croissance
économique reflétait largement une forte croissance des exportations. Les
excédents extérieurs ainsi accumulés, en particulier par les pays
asiatiques, ont été alors investis en titres américains. Le financement
des déficits qu’il fallait bien assurer est passé avant le besoin
de maîtriser la consommation à l’Ouest et de renforcer la demande
intérieure ailleurs.
7. Dans un premier temps, les pays en transition n’ont pas été
gravement touchés par le début de la crise, à l’exception du Kazakhstan
et, dans une moindre mesure, des Etats baltes en 2007. La plupart
des pays ont enregistré une croissance positive pendant la première
moitié de 2008 et nombre d’entre eux avaient pour principale préoccupation
les pressions inflationnistes, étant donné que les prix du pétrole
et des matières premières avaient augmenté. Cependant, une fois
que la crise a éclaté en septembre 2008, la production a dévissé
pendant le dernier trimestre de 2008 et le premier trimestre 2009
dans la plupart des pays, essentiellement du fait de la chute de
la croissance des exportations, étant donné que la demande s’était affaiblie
sur les grands marchés, spécialement au niveau de l’UE, l’assèchement
des flux financiers externes envers la région (prêts syndiqués,
obligations et investissement direct à l’étranger (IDE)) et un resserrement soudain
des conditions du crédit national. Les pays les plus durement touchés
ont été en général ceux qui avaient les plus graves déséquilibres
financiers, notamment une augmentation rapide de la dette du secteur privé,
habituellement la conséquence d’une croissance excessive du crédit
et d’énormes déficits budgétaires.
2.2. Les effets de la
crise sur les économies d’Europe de l’Est
8. La région en transition a connu une chute significative
de production en 2009 – avec un recul de 6,1 % du PIB, un record
pour les régions des marchés émergents. Néanmoins, et contrairement
aux crises antérieures sur les marchés émergents, il n’y a pas eu
de faillites systémiques de banques, pas de crises monétaires majeures
et seuls très peu de pays se sont retrouvés confrontés à des sorties
de capitaux. Cela s’explique partiellement par le fait que, dans
la plupart des pays, les mesures politiques prises étaient responsables
et soutenues le cas échéant par une assistance financière aussi
rapide que substantielle de la part des institutions financières
internationales (IFI) et de l’UE.
9. Si les pays ont vu dans leur presque totalité reculer leur
demande extérieure, ce phénomène a cependant été d’ampleur variable.
L’Ukraine, les trois pays Baltes et l’Arménie, qui ont tous connu
un recul à deux chiffres de leur PIB, ont été parmi les plus gravement
touchés. Pour ce qui est des pays Baltes et de l’Ukraine, ce recul
a reflété l’ajustement par rapport à des déséquilibres économiques
antérieurs, notamment une rapide croissance du crédit (pour une
grande part dans l’immobilier et la construction), ainsi que la croissance
de la dette extérieure privée. L’Ukraine a aussi été affectée par
des mouvements négatifs des termes de l’échange. En Lettonie, le
recul du PIB s’explique aussi par la décision des autorités de conserver la
monnaie nationale indexée sur l’euro et de limiter la hausse du
déficit budgétaire par des hausses d’impôt, des coupes dans les
dépenses et la baisse des salaires du secteur public. Le PIB a alors
reculé de près de 18 %, même si l’ajustement a été soutenu par un
prêt de 7,5 milliards d’euros financé principalement par l’UE et
le Fonds monétaire international (FMI). En Arménie, le recul du
PIB a été dû pour l’essentiel à une demande extérieure en baisse,
tout comme les transferts d’argent de migrants, ce qui a affecté
les activités du bâtiment et des travaux publics.
10. Bon nombre de producteurs de pétrole et de matières premières
ont, en revanche, continué d’enregistrer une croissance positive.
En Russie, par contre, la production a chuté de 8 % du fait de la
baisse des cours du pétrole et de la demande intérieure et extérieure,
ainsi que du resserrement des conditions de crédit, le tout accentué
par certaines sorties de capitaux. La plupart des producteurs de
matières premières ont été en mesure d’utiliser des ressources financières
accumulées dans des fonds de stabilisation pendant les périodes
de forte croissance des exportations pour compenser une partie des
effets de la crise.
11. Entre ces deux extrêmes, de nombreux pays, en particulier
en Europe centrale, ont vu, malgré des fondamentaux en général sains,
leur production chuter à mesure que la demande dans l’UE s’affaiblissait,
en particulier en Allemagne. En République tchèque, par exemple,
malgré des politiques macroéconomiques prudentes et une approche
en général conservatrice en matière d’activités bancaires, la production
a reculé de plus de 4 % à mesure que les exportations ralentissaient.
Malgré cela, dans son dernier rapport sur l’économie tchèque (de
mars 2010), le FMI se disait confiant sur le fait que la croissance
reprendrait cette année, bien que sur un rythme plus lent qu’avant
la crise. En Roumanie comme en Slovénie, la production a reculé
de quelque 7 %, essentiellement du fait d’une demande extérieure
plus faible. La Roumanie a donc dû demander un accord stand-by avec
le FMI dans le cadre d’un train plus large de mesures d’assistance
externe. La Pologne a représenté la principale exception dans ce
groupe de pays, et a été le seul pays de l’UE à enregistrer une
croissance positive (1,7 %) en 2009, cette exception reflétant en
très large partie les politiques macroéconomiques responsables qui
avaient été appliquées les années précédentes, ce qui avait permis
au gouvernement d’accorder une stimulation budgétaire temporaire,
soutenue par une ligne de crédit flexible du FMI.
12. Les effets des chutes de production ont rapidement contaminé
les secteurs bancaires de la plupart des pays. La croissance des
crédits a connu un tassement brutal, reflétant la quasi-cessation
des activités de prêts syndiqués, les préoccupations initiales concernant
les intentions des banques étrangères à l’égard de leurs filiales
et, dans certains cas, des retraits massifs en liquidités à mesure
que la confiance était atteinte. Au sein des secteurs bancaires,
l’ampleur des problèmes a été variable d’un pays à l’autre. Ainsi,
la Lettonie et l’Ukraine ont été parmi les plus touchés, ce qui
a entraîné la nationalisation d’une part majoritaire du capital
de la principale banque lettonne et un programme de restructuration
des grandes banques en Ukraine, avec le soutien des IFI. Dans le
cas de l’Ukraine, dans certaines grandes banques, la base capitalistique
a été sérieusement affectée par un recul brutal des taux de change.
Dans des pays tels que la Russie et la Pologne, les pouvoirs publics
ont soutenu le capital et les liquidités dans le secteur par toute
une série de mesures. Dans d’autres pays, notamment en République
tchèque et en Estonie, les banques étaient en général bien capitalisées
et, avec le soutien des banques étrangères mères, ont pu supporter
les chocs. Malgré un certain nombre de dépôts de bilan de banques
locales, essentiellement en Russie et en Ukraine, de manière générale, les
secteurs bancaires se sont révélés résilients face à la crise, même
si cela a reflété partiellement l’importance du soutien des IFI
dans certains cas précis.
13. L’impact d’une demande plus faible sur l’inflation et sur
les comptes courants s’est révélé globalement conforme aux attentes.
Pour la région tout entière, l’inflation (mesurée selon l’indice
annuel des prix à la consommation) serait, selon les estimations,
passée d’une moyenne de 11,9 % en 2008 à 5,1 % en 2009, tous les
pays – à une exception près, l’Ouzbékistan – ayant vu le taux d’inflation
baisser. La plupart des pays ont également noté une amélioration
de leur compte courant et de la balance commerciale à mesure que
les importations ont reculé plus rapidement que les exportations,
ce qui a amené à réduire le déficit global en compte courant pour
la région tout entière, qui est passé de 7,6 % du PIB en 2008 à
4,9 % du PIB en 2009. Dans certains cas, l’ampleur de l’ajustement
a été spectaculaire. Dans les Etats baltes, par exemple, les gros déficits
en compte courant des années précédentes se sont transformés en
excédent en 2009.
14. Les flux d’investissement direct étranger (IDE) ont également
connu une chute brutale en 2009, due pour l’essentiel à une perte
générale de confiance des investisseurs mais reflétant, dans certains
pays, l’ajournement de plans de privatisation. Les flux d’IDE dans
la région tout entière avaient augmenté régulièrement jusqu’en 2007
et s’étaient stabilisés à 108,3 milliards de dollars des Etats-Unis
en 2008. Ils se sont contractés brutalement, passant à 50,2 milliards
de dollars en 2009, selon les estimations de la BERD, ce recul touchant
la plupart des pays; la Russie a connu le recul le plus brutal,
les IDE en direction de ce pays étant passés de 20,4 milliards de
dollars en 2008 à un chiffre estimé à 0,7 milliard de dollars en
2009, même si le chiffre pour 2008 était exceptionnellement élevé
par rapport aux années précédentes.
15. L’impact le plus immédiat de ces chiffres macroéconomiques
sera de ralentir, et dans certains cas, de renverser la tendance
à une amélioration régulière des conditions de vie dans toute la
région. Malheureusement, on ne dispose encore d’aucune donnée illustrant
l’impact de la crise sur les revenus des ménages et sur la pauvreté.
Les chiffres du chômage disponibles pour certains pays (pour l’essentiel
l’Europe centrale) montrent une hausse progressive tout au long
de l’année 2009 avec des niveaux tournant autour des 8 à 9 % en
février 2010 dans des pays tels que la République tchèque et la
Pologne. Néanmoins, le taux reste nettement supérieur dans certains
autres pays, notamment la Lettonie (21,7 %), la Lituanie (15,8 %),
l’Estonie (15,5 %), la République slovaque (14,2 %) et la Hongrie
(11 %)
. Le chômage
est cependant un indicateur en décalage par rapport aux conditions
présentes et qui pourrait rester à la hausse dans certains pays
à mesure qu’augmente le nombre d’entreprises qui ferment ou se restructurent.
16. L’une des indications les plus claires qu’il faudra continuer
les ajustements est la hausse des prêts non performants dans plusieurs
pays. Cela résulte d’une faible rentabilité dans le secteur de l’économie
réelle, mais qui affectera aussi la rentabilité des banques à l’avenir.
Entre la mi-2008 et septembre 2009, ce type de prêt a connu une
hausse brutale dans un certain nombre de pays, et s’établissait
en moyenne à quelque 7 % des prêts dans les pays d’ESE et de la
CEB (y compris 12 % en Lettonie) et à 10 % en Ukraine.
17. Les pouvoirs publics de la plupart des pays de la région ont
pris des mesures pour assouplir la politique monétaire afin d’atténuer
les effets de la chute de production sur le niveau de vie. Ils ont
utilisé plusieurs mesures combinées: des baisses de taux d’intérêt,
un abaissement des obligations de réserves et l’application d’une
politique de change appropriée. A l’exception de la Slovénie et
de la République slovaque, qui ont adopté l’euro, et des pays dotés
d’une caisse d’émission monétaire (tels que l’Estonie et la Lituanie)
ou dont la monnaie est indexée sur une autre (Lettonie), la plupart
des pays ont utilisé leurs réserves en devises pour permettre une
dépréciation nominale de leur monnaie, tout en s’efforçant de manière
générale de conserver des conditions globalement stables sur les
marchés des changes. Ainsi, la Pologne, la Hongrie et la République
tchèque ont continué de laisser flotter leur monnaie, la Russie
et la Géorgie ont mis en place des dévaluations progressives et
d’autres, notamment l’Ukraine, ont permis à leur monnaie de se déprécier
dans un premier temps, pour flotter de manière maîtrisée ensuite
(en Ukraine, des mesures de contrôle monétaire sont venues appuyer
cette stratégie).
18. Dans la plupart des pays, la capacité à utiliser l’outil de
la politique budgétaire pour stimuler l’activité a été cependant
limitée d’une part par des craintes concernant le risque de laminage
du secteur privé et, d’autre part, du fait des moyens limités pour
financer à partir de sources nationales des déficits plus importants.
Le recul de l’activité économique a entraîné une hausse des déficits
budgétaires, qui s’est conjuguée à un recul des recettes fiscales
alors que certains stabilisateurs automatiques entraient en jeu.
Toutefois, avec des projections de soldes des finances publiques
s’établissant à 6 % du PIB ou plus dans plusieurs pays en 2009 (en
particulier en Lettonie, en Lituanie, en Géorgie et en Roumanie),
l’accent est mis pour l’essentiel sur la maîtrise de la politique
budgétaire. Au début de 2010, le FMI a confirmé que le déficit agrégé
du secteur public (y compris les dépenses liées à la recapitalisation
des banques) en Ukraine s’est élevé à 11,4 % du PIB du pays en 2009.
Les grandes exceptions concernent les pays producteurs de pétrole
et de matières premières dans la région. La Russie, par exemple,
a adopté des mesures de stimulation budgétaire équivalant à 5 %
de son PIB.
19. Les progrès en matière de réforme structurelle ont inévitablement
ralenti en 2009, les gouvernements se concentrant sur les problèmes
immédiats dus à la crise, en particulier dans le secteur bancaire.
Ainsi, seuls huit pays ont vu leurs principaux indicateurs de transition
réévalués à la hausse lors de l’examen annuel de la BERD sur les
progrès de la transition
.
Au nombre de ceux-ci figurent la Croatie et la Lettonie pour des améliorations
dans la politique de la concurrence, et l’Ukraine pour l’adoption
d’une loi sur les entreprises à capital par actions qui devrait
améliorer la gouvernance des entreprises. Toutefois, quatre pays
ont vu leurs indicateurs réévalués à la baisse (y compris à la fois
la Lettonie et l’Ukraine), pour être revenus sur certaines réformes.
Mais on peut voir dans les mesures telles que la nationalisation
des banques en Lettonie et l’imposition de contrôle monétaire en
Ukraine une réponse nécessaire à la crise. Le nombre de révisions
à la baisse a été pour l’essentiel moindre qu’en 1999, lors de l’évaluation
faite par la BERD après l’impact de la crise russe l’année précédente.
20. Jusqu’ici, les populations des pays en transition ont réagi
avec modération à la crise, de sorte que la stabilité politique
intérieure n’a pas été gravement affectée dans l’ensemble de la
région, sauf au Kirghizistan. En vertu de l’article 1er de
son Statut fondateur, la BERD ne peut opérer que dans des pays qui,
non seulement progressent dans leur transition, mais également appliquent
les principes de la démocratie pluripartite et du pluralisme
. Les populations de certains
pays n’ont pas manqué d’être déçues de la perte de revenus et de
la dégradation des perspectives entraînées par la crise. Mais la
BERD note qu’entre janvier 2008 et septembre 2009, 25 pays de la
région
ont connu
soit des élections, soit des changements à leur tête. Or, l’opposition
n’a repris le pouvoir que dans huit de ces pays et les nouvelles
équipes dirigeantes n’ont adopté aucune position de repli en matière
de politique de réformes. Dans le pays probablement le plus gravement
atteint par la crise, à savoir l’Ukraine, les élections présidentielles
du début de cette année ont entraîné à la fois un changement à la
présidence et au gouvernement, sans que rien ne laisse croire à
un renversement de tendance en matière de réforme.
2.3. La réponse de la
BERD à la crise
21. Face à une pénurie de liquidités dans la région,
la BERD a réagi en augmentant substantiellement le volume de ses
opérations. En 2009, elle a engagé 7,9 milliards d’euros dans 311 projets
répartis sur l’ensemble de ses 29 pays d’opérations (pour 2008,
elle avait engagé 5,1 milliards d’euros pour 302 projets). Les décaissements
ont atteint un niveau record de 5,5 milliards d’euros. Fin 2009,
le volume d’activités avec le secteur privé a représenté 70 % ou
plus de tous les pays examinés, à deux exceptions près. La Russie
a bénéficié de pratiquement un tiers de l’activité, avec des engagements
de plus de 2,5 milliards d’euros pour 70 projets. La BERD a également
été en mesure d’entamer des projets dans le dernier pays à l’avoir
rejointe, la Turquie, avec des engagements de 150 millions d’euros.
Le changement sans doute le plus significatif a été la décision
d’augmenter substantiellement les engagements en faveur des pays
CEB, que l’on considère être la sous-région la plus gravement atteinte
par la crise. Ces dernières années, le volume des nouvelles opérations
de la BERD dans ces pays a reculé, descendant dans certains cas
à des niveaux très bas, du fait de la politique de retrait graduel
. Cependant, la BERD a réagi rapidement
à l’évolution des circonstances en 2009 et a apporté 1,6 milliard
d’euros en réponse aux demandes de financement supplémentaire émanant
de ces pays.
22. Le secteur bancaire de la région était, de tous, celui qui
avait de toute urgence le plus besoin d’aide, et il a représenté
quelque 40 % du total des engagements de la BERD durant l’année.
Ces engagements ont concerné une aide, sous la forme habituellement
de recapitalisation ou de complément de liquidités, pour près de
70 banques, soit locales, soit filiales de banques basées dans l’UE.
A ce titre, la banque a participé au Plan d’action conjoint des
IFI avec la Banque européenne d’investissement (BEI) et le groupe
Banque mondiale, dans le cadre duquel les IFI sont convenues d’engager
au total 24,5 milliards d’euros (dont 6 milliards de la BERD) pour
apporter des capitaux et des liquidités supplémentaires aux filiales
de banques occidentales dans la région. Fin 2009, 15 milliards d’euros
avaient été engagés (dont 3,2 milliards de la BERD) et une partie
des fonds de la BERD réorientée en faveur des petites et moyennes
entreprises par le biais des banques partenaires. Le financement
dans le cadre du plan d'action a entraîné une collaboration étroite
à la fois avec le FMI et l’UE pour maximiser l’impact du dialogue
politique.
23. La BERD s’est à nouveau concentrée sur le prêt à l’économie
réelle, grâce à une réorganisation interne pour réunir toutes les
activités du secteur entrepris au sein d’un seul service. En 2009,
les activités ont inclus une augmentation des prêts en fonds de
roulement pour les emprunteurs existants et une extension du Programme
pour la facilitation des échanges, porté à 1,5 milliard d’euros,
pour aider les entreprises à surmonter la pénurie de financement
d’activités commerciales. Au vu de la capacité limitée des gouvernements pour
investir dans d’importants projets dans les domaines de l’énergie
et des infrastructures, la banque a participé à plusieurs grands
projets dans le secteur public, notamment la construction d’autoroutes
en République slovaque et l’amélioration de l’efficience énergétique
en Roumanie.
24. Les prêts de banques commerciales au secteur des moyennes,
petites et microentreprises (MPME) ont reculé dans la plupart des
pays en 2009, du fait du resserrement des conditions du crédit et
de la frilosité des banques, même s’il est probable que la demande
de financement se soit également quelque peu tassée. Etant donné
que la BERD prête en général au secteur des PME par le biais de
lignes de crédit ouvertes en faveur de banques nationales, la nécessité
de maintenir l’activité de prêt en faveur de ces entreprises a été
un facteur important dont la BERD a tenu compte lorsqu’elle a décidé
d’intensifier son appui au secteur bancaire.
25. En 2009, la BERD a augmenté ses activités de prêt en faveur
de l’ensemble du secteur des MPME de 1,2 milliard d’euros (dont
279 millions d’euros étaient destinés aux micro-entreprises), selon
les données provisoires. A la fin de 2009, le portefeuille de la
BERD était passé à 3 milliards d’euros (contre 2,5 milliards d’euros
en 2008). Le portefeuille d’encours de la BERD concernant les micro-entreprises
(normalement non couvertes par le secteur bancaire formel) a augmenté,
passant à 767 millions d’euros à la fin de 2009. Les micro-entreprises
en Russie et dans les pays d’Europe centrale et orientale et du
Caucase ont représenté pratiquement les deux tiers de ce portefeuille.
Etant donné l’importance de ce secteur en tant que source d’emplois,
la contribution de la BERD a été significative, les indicateurs
de suivi notant un déclin brutal dans les activités de prêt des
institutions de microfinancement dans la région depuis l’éclatement
de la crise. Les opérations de la BERD ont été soutenues par une
montée en puissance de l’aide technique apportée par les programmes
TAM/BAS financés par des donateurs et par le Fonds spécial des actionnaires
.
26. La BERD s’est également taillé la réputation d’obtenir des
résultats concrets grâce à ses activités de prêt dans le cadre de
l’Initiative pour l’énergie durable (Sustainable Energy Initiative
– SEI)
.
Les objectifs fixés pour les trois premières années du programme
ont été dépassés et, mi-2009, la BERD a lancé une deuxième phase
de la SEI pour la période 2009-2011. Fin 2009, selon les estimations,
il semblerait que la banque ait investi au total 4 milliards d’euros
dans des projets depuis le lancement de la SEI, dont les deux tiers
avec le secteur privé. Ces dernières années, l’accent a été plus
particulièrement mis sur l’augmentation de l’efficience énergétique
de la production d’électricité et du secteur industriel. On estime
également que, en 2009, la réduction annuelle des émissions de carbone
liées aux projets était de quelque 25 millions de tonnes.
27. Outre ses opérations sous forme de projets, la BERD a également
contribué à l’établissement de l’Initiative de Vienne (connue plus
largement comme l’Initiative de coordination des banques européennes (ICBE)),
qui a non seulement stimulé la confiance dans le secteur bancaire
de la région à un moment critique, mais a également contribué à
éviter une crise bancaire systémique dans certaines parties de la
région. A mesure que la pression s’intensifiait, l’on craignait
que certaines banques étrangères prennent des mesures, peut-être
en réponse à des mesures des organes de tutelle de leur pays hôte,
qui auraient restreint les activités de prêt de leurs filiales dans
la région. Si ne serait-ce qu’une ou deux banques avaient décidé
de réduire leurs opérations, ce type de décision aurait pu très
facilement être suivi par d’autres banques étrangères, occasionnant
une crise aiguë de liquidités dans la région. Cela valait tout particulièrement
pour les pays de la région CEB et d’ESE, où des banques étrangères
ont de grosses participations dans le secteur bancaire.
28. En l’absence de dispositions institutionnelles en place, le
FMI, la BERD et l’UE ont rapidement monté un forum qui allait permettre
aux banques étrangères, à leurs filiales, aux gouvernements et aux
organismes de régulation de se réunir pour aborder les problèmes.
La première réunion, en janvier 2009, a donné aux banques étrangères
l’occasion de réaffirmer leur engagement à l’égard de la région.
Des réunions ultérieures ont permis aux participants de partager
des informations par pays une fois défini un programme du FMI, et
le financement a été soutenu par le Plan d’action commun des IFI.
Vers la fin de 2009, 15 banques étrangères s’étaient engagées à
maintenir leur soutien en faveur de plusieurs pays qui avaient reçu
une aide du FMI, notamment la Hongrie, la Lettonie et la Roumanie.
En mars 2010, au moment de la réunion de l’ICBE en forum plénier,
il était évident qu’il avait contribué à la stabilité bancaire dans
la région et pouvait passer à la discussion d’autres questions liées
aux prêts transfrontaliers.
29. La crise a inévitablement affecté négativement la performance
financière de la BERD. Cette dernière a enregistré sur ses opérations
en 2009 une perte nette de 746 millions d’euros, venant après une
perte de 602 millions d’euros en 2008. Ces pertes, les premières
depuis les répercussions de la crise russe en 1998, étaient en grande
partie inévitables du fait du tassement de la valeur des opérations
de titres de la banque et de la nécessité de couvrir les pertes
potentielles sur prêts. La banque demeure bien capitalisée. Toutefois,
la demande pour un financement de la BERD a été si forte que la
direction de la banque a conclu que pour maintenir l’activité annuelle
à 8-9 milliards d’euros par an entre 2011 et 2015, date à laquelle
on se livrera à l’exercice de passage en revue des ressources en
capital de la banque, cette dernière avait besoin d’une augmentation
de capital. En février 2010, le conseil d’administration a approuvé
une augmentation temporaire de 50 % du capital de la BERD, pour
le faire passer de 20 milliards à 30 milliards d’euros (dont un
milliard d’euros qui sera pris sur les réserves de la banque, le
reste étant constitué de capital appelable), sous réserve de ratification
par les gouverneurs.
2.4. Exemples d’actions
de la BERD dans certains pays en 2009 pour répondre à la crise
30. En 2009, la BERD a augmenté de 2,5 milliards d’euros
ses engagements en faveur de la Fédération
de Russie, le plus grand de ses pays d’opérations, avec
des prêts substantiels au secteur bancaire pour contribuer à restaurer
la stabilité ainsi que des activités de prêts au secteur de l’économie
réelle. La crise a également exacerbé l’importance d’un financement
pour le développement des infrastructures, en particulier le réseau
de transport, condition nécessaire pour atteindre un objectif politique
plus large, à savoir la diversification de l’économie. Pour cela,
la BERD a signé un prêt de 500 millions d’euros destiné à aider
à moderniser le secteur des chemins de fer. Les prêts au secteur
des infrastructures, ainsi que des projets destinés à promouvoir
une plus grande efficience énergétique, devraient demeurer des domaines
d’activités clés pour la banque.
31. Le secteur bancaire en Ukraine (deuxième
plus grand pays d’opérations) ayant besoin de soutien sous forme
d’injection de capitaux, la banque a pris à cet égard des engagements
pour un montant de 1,1 milliard d’euros, essentiellement des titres
ou de la dette subordonnée. En juin 2009, la BERD a signé avec le gouvernement
du pays un plan d'action en faveur d’une énergie durable pour améliorer
l’efficience énergétique. Elle a également participé aux discussions
avec le gouvernement et d’autres IFI sur les moyens de se préparer
au mieux à la réforme du secteur gazier.
32. Comme indiqué plus haut, la région CEB a
connu une augmentation substantielle d’activité. La Hongrie a été le principal bénéficiaire
de la majeure partie du financement de la BERD pour le soutien du
secteur bancaire et la modernisation du secteur gazier. En Pologne, les engagements ont augmenté,
passant à quelque 400 millions d’euros, dont plus de la moitié sous
forme de prêts au secteur financier bancaire et non bancaire. En Slovaquie, les banques ayant en
général été mieux soutenues par leurs banques mères étrangères,
la BERD a été en mesure d’accorder des lignes de crédit pour promouvoir
l’efficience énergétique et contribuer à quelques grands projets
en partenariat privé-public pour le développement des réseaux routiers.
Le principal projet de la BERD dans les Etats
baltes a été l’achat d’une participation dans la banque principale,
Parex Bank. Et, même si la Slovénie a
été touchée par la crise, la contribution de la BERD a été limitée
du fait de la décision antérieure du gouvernement de ce pays de
ne pas privatiser une grande banque.
33. La BERD a plus que doublé ses engagements annuels en Roumanie, qui
sont passés de 318 millions d’euros en 2008 à 720 millions d’euros
en 2009, dans le droit-fil de sa décision d’accorder un milliard
d’euros de financement en 2009 et 2010 dans le cadre d’un paquet
d’aide FMI/UE en faveur de ce pays décidé un peu plus tôt en 2009.
La majeure partie du financement de la banque est allée aux secteurs
de l’énergie, des PME et des entreprises.
34. Une bonne part de l’activité de la BERD dans le Caucase a consisté à soutenir des
banques locales, même si l’activité totale a connu une baisse d’environ
10 % en 2009. Des trois pays du Caucase, la Géorgie a été le plus
affecté du fait de la chute de la demande extérieure et des flux
d’IDE, d’une part, et parce que ses grandes banques sont raisonnablement
bien intégrées aux marchés financiers mondiaux. La BERD a apporté de
la dette subordonnée et des liquidités à deux banques locales pour
contribuer à maintenir la stabilité des activités bancaires. En
Arménie, la BERD a accordé un financement pour les banques et le
secteur de l’électricité. L’Azerbaïdjan est, des trois pays, celui
qui s’en est le mieux sorti, mais les opérations de la BERD y restent
limitées par l’environnement difficile des affaires.
3. Tirer les enseignements
de la crise
3.1. Les leçons pour
la région
35. La plupart des pays de la région ont bénéficié au
fil des ans d’une plus grande intégration, sous la forme d’une intégration
plus étroite aux structures institutionnelles européennes, de liens
commerciaux plus forts avec les marchés occidentaux, en particulier
pour les pays qui sont membres de l’Organisation mondiale du commerce
(OMC), et d’une plus grande intégration aux marchés financiers mondiaux.
Toutefois, la crise a également révélé que le degré de développement
des liens commerciaux et financiers pourrait en faire des vecteurs
de contagion pour une crise qui a débuté en dehors de la région.
3.1.1. Renforcer le secteur
financier
36. Le développement des secteurs banquiers de la région
a été sans nul doute renforcé par la montée en puissance des participations
étrangères au capital des banques nationales, en particulier dans
les pays de la région CEB et d’ESE, où le rythme de l’intermédiation
financière s’est accéléré à mesure que les banques nationales étaient
en mesure de consolider leur base capitalistique et de tirer profit
de l’expertise financière de leur banque parente, ce qui a permis
de développer la gamme de produits pouvant être commercialisés.
37. Rétrospectivement, cependant, il est apparu qu’une part trop
importante des activités de prêt était libellée dans la devise de
la banque parente – pour l’essentiel en dollars dans les principaux
pays de la CEI et en euros ailleurs –, ces devises étant moins chères
et plus accessibles que les monnaies locales. Cela a contribué à
doper rapidement dans bon nombre de pays le crédit domestique, en
grande partie libellé en monnaie étrangère, alors que l’augmentation
parallèle de la dette extérieure du secteur privé laissait les secteurs
des entreprises et des ménages vulnérables aux risques de change.
Toutefois, durant la crise, les banques étrangères parentes ont
joué un rôle important pour stabiliser la situation et limiter l’ampleur
des sorties de capitaux, grâce au soutien qu’elles ont apporté à
leurs filiales, renforcé par l’Initiative de Vienne. Dans cette
crise, où la part des participations de banques étrangères dans
les établissements financiers des économies européennes émergentes
était bien plus forte que dans d’autres régions émergentes, les
activités de prêt direct par le biais des filiales se sont révélées
plus stables que le prêt transfrontalier.
38. Il est possible de tirer de la crise au moins trois grandes
conclusions sur le plan politique. Premièrement, si les institutions
financières sont une part essentielle d’une économie de marché,
elles sont en fait là pour servir le secteur de l’économie réelle.
Ainsi, le cadre réglementaire et la mise en œuvre d’une supervision doivent
être renforcés pour faire en sorte que les banques soient capitalisées
de manière adéquate, que les pratiques de prêt et d’investissement
soient responsables et qu’aucune institution ne prenne un poids
tel qu’elle doive être sauvée à tout prix. Deuxièmement, pour bon
nombre de banques de la région, les dépôts des particuliers demeurent
une source importante de financement. Durant la crise, les pouvoirs
publics ont pris rapidement des mesures pour relever le niveau de
garantie des dépôts afin de soutenir la confiance, car la confiance
dépendra de la capacité à financer les niveaux de garantie renforcés.
Enfin, il faut accroître la disponibilité de financement en monnaie
locale.
3.1.2. Préserver le commerce
extérieur
39. L’un des aspects rassurants de la réponse à la crise
est qu’il n’y ait pas eu de recours à des mesures commerciales protectionnistes,
même si, à l’évidence, certains pays ont vu leur monnaie se déprécier.
Il y a lieu de s’en réjouir, d’autant que, selon l’OMC, le volume
des échanges mondiaux s’est fortement contracté (de plus de 10 %
en 2009). Bien que la demande extérieure risque de demeurer faible,
reflétant en cela la reprise molle que connaissent les grandes économies
en Europe, les initiatives visant à protéger davantage les marchés
intérieurs limiteraient à coup sûr les opportunités de croissance
des exportations.
3.1.3. Appliquer des politiques
macroéconomiques saines
40. L’une des grandes leçons est que les pays qui appliquent
des politiques macroéconomiques saines, en particulier des politiques
budgétaires prudentes, sont ceux qui se sont le mieux sortis de
la crise. Au fil des ans, les IFI ont régulièrement recommandé cette
approche, qui demeure incontournable pour bon nombre de pays de
la région où les futures obligations de santé et de retraite pour
une population vieillissante devraient entraîner de fortes dépenses
supplémentaires, qui viendront aggraver encore la charge budgétaire
malgré la croissance attendue des prestataires privés de ce type
de services.
41. Dans le même temps, l’approche en matière de politique macroéconomique
a en revanche présenté quelques angles morts. Abaisser l’inflation
reste un objectif politique aussi légitime que nécessaire, mais
il est évident que l’on ne s’est pas assez intéressé aux bulles
qui se formaient sur les marchés immobiliers et sur la manière d’y
faire face. Comme l’ont suggéré certains économistes du FMI, il
faut considérer l’utilisation de mesures réglementaires financières
pour soutenir la politique macroéconomique, ainsi que le recours
éventuel à des contrôles sur les capitaux pour limiter les afflux
massifs de capitaux entrants
.
42. Les problèmes touchant la zone euro, en particulier les inquiétudes
au sujet de la capacité de la Grèce et peut-être d’autres pays à
faire face aux obligations liées à leur endettement, ont attiré
l’attention sur le rôle des taux de change, surtout pour les pays
de la région CEB qui aspirent à entrer dans l’euro. Comme indiqué plus
haut, la plupart des pays de la région avaient des taux de change
flottants et ont laissé leur monnaie se déprécier au plus fort de
la crise, contribuant ainsi au nécessaire ajustement. Pour les membres
de la zone euro (la Slovénie et la République slovaque) et les pays
qui ont conservé leurs caisses d’émission monétaire ou sont restés
indexés sur des devises fortes, il n’y avait guère d’autre possibilité
que d’accepter une déflation intérieure pour que l’ajustement aille
à son terme. Pour bon nombre de ces pays, la détérioration de certains des
grands indicateurs, notamment les déficits budgétaires et les niveaux
d’endettement du secteur public, va reculer sans doute de quelques
années l’adoption de l’euro (alors que certains avaient espéré y
parvenir en 2010-2011). Ainsi, le Gouvernement tchèque a récemment
adopté un programme de convergence destiné à améliorer la position
budgétaire pour lui permettre de passer à l’euro d’ici à 2017. La
principale exception est sans doute l’Estonie qui semble être sur
la voie d’un passage à l’euro dans relativement peu de temps. Des pays
tels que la République tchèque, la Pologne et la Hongrie auront
cependant quelques années de flexibilité des taux de change pour
faciliter la reprise.
3.1.4. L’importance de
promouvoir la réforme
43. Les pays qui avaient marqué des progrès substantiels
dans la mise en œuvre de la réforme structurelle étaient en général
mieux équipés pour résister aux chocs, essentiellement du fait que
leurs institutions étaient plus fortes. La crise a cependant rappelé
fort à propos le rôle que l’Etat doit jouer dans une économie de marché,
en particulier son interaction avec le secteur privé. Même parmi
certains des pays qui avaient régulièrement progressé dans la réforme,
la crise a révélé des faiblesses dans la qualité et le fonctionnement de
certaines institutions, le secteur financier étant sans doute le
cas le plus marquant. Facteur essentiel, ce n’est pas nécessairement
de plus de régulation sur les marchés que l’on a besoin, mais d’une
régulation plus efficace.
44. Dans son dernier Rapport sur la transition, qui relève combien
il est important de continuer à développer les institutions, la
BERD a mentionné certains des grands défis de la transition qui
ne sont toujours pas résolus dans les secteurs des entreprises,
de l’énergie et des infrastructures, ainsi que dans le secteur financier,
qui constituent d’importants domaines d’activités pour la BERD dans
toute la région
. De manière
générale, ce sont les pays de la région CEB qui présentent les écarts
les plus faibles. Les progrès marqués dans ces pays sont dus pour
partie à la nécessité d’aligner les cadres institutionnels avec
ceux de l’UE dans le processus d’adhésion, même s’il reste encore
beaucoup à faire dans les secteurs difficiles de la finance, de
l’énergie et du renforcement de la politique de la concurrence.
Les écarts les plus prononcés sont à noter dans les pays d’Asie
centrale et d’Europe de l’Est et du Caucase, où les progrès sont
souvent freinés par l’interférence étatique, la difficulté des environnements
des affaires et la faiblesse des cadres juridiques. Dans ces pays,
les écarts sont notables dans l’énergie et l’infrastructure car
la restructuration ne fait que commencer et il n’y a pas encore
de cadres réglementaires sains.
45. Du fait de la profondeur de la crise dans certains pays, leurs
gouvernements devraient avoir davantage de difficultés à accélérer
le rythme de la réforme, même si celle-ci demeure un objectif important.
Une bonne part de la croissance de la région dans les premières
années avait été tirée par les bas salaires et quelques excédents
de capacités. A l’avenir, la croissance plus ou moins forte reflétera
plus probablement le niveau jusqu’où il aura été possible de faire
grimper la productivité et abaisser les coûts à mesure que les coûts
de la main-d’œuvre augmenteront. Pour maximiser les résultats, il
faudra trouver des investissements supplémentaires, continuer d’améliorer
l’environnement des affaires pour qu’il attire ces investissements, soutenir
le tout par des cadres réglementaires et légaux sains, une politique
de la concurrence forte et des filets de sécurité sociale adéquats.
3.1.5. Les avantages d’une
intégration plus poussée
46. Les avantages de l’adhésion à l’UE ou tout au moins
d’une coopération étroite avec elle ont été démontrés par la maturité
de la réponse politique générale à la crise ainsi que par l’accès
à des financements supplémentaires que l’UE (et d’autres IFI) ont
mis à disposition. La BERD est bien placée pour soutenir les pays
d’Europe du Sud-Est qui, soit sont candidats à l’entrée dans l’UE,
soit discutent actuellement de la possibilité d’y entrer.
47. L’UE a établi le Partenariat oriental en mai 2009 afin de
promouvoir l’association politique et l’intégration économique entre
l’UE et ses six voisins à l’Est. Cette initiative était dictée dans
une très large mesure par l’impact de la crise sur les institutions
et économies de ces pays. Il est à espérer qu’une combinaison de discussions
politiques et de soutien financier contribuera à renforcer les économies
de ces pays et à promouvoir l’intégration. Les modalités détaillées
du Partenariat oriental en sont encore à l’étape des discussions,
toutefois la BERD est bien placée pour soutenir l’activité dans
certains des domaines prioritaires (voir plus loin). Ce soutien
capitaliserait sur les activités menées jusqu’ici par la banque
dans ces pays, dont certaines ont bénéficié des fonds mis à disposition
par l’UE grâce à la Facilité d’investissement pour le voisinage
(Neighbourhood Investment Facility – NIF), utilisés pour financer
l’assistance technique liée à des projets pour le développement
du secteur privé, de l’infrastructure et de l’environnement, la
BERD ayant reçu 53 millions d’euros en 2009, ce qui représente la
source la plus importante de fonds d’aide pour elle.
3.2. Implications de
la crise pour la BERD
3.2.1. Contexte économique
48. Les suites de la crise pour la BERD permettent en
partie de montrer comment elle peut agir au vu des enseignements
exposés plus haut, mais dépendent aussi de la nature de l’environnement
économique dans lequel elle sera probablement amenée à opérer très
prochainement. Dès le début de 2010, l’économie mondiale et le système
financier étaient plus stables qu’en 2009 et une reprise économique
graduelle était en marche. La BERD estime qu’en 2010, la croissance
du PIB s’établira à 3,7 % pour l’ensemble de la région en transition,
pour se consolider progressivement par la suite. Toutefois, la croissance
projetée pour cette année fait état d’une croissance faible (autour
de 1 %) dans les pays de la CEB et de l’ESE, essentiellement du
fait de la combinaison d’une faible demande extérieure et du ralentissement
de la croissance du crédit (les banques étant plus réticentes à
prendre des risques et la charge budgétaire devant nécessairement
être réduite à terme). Le taux de croissance moyen de la région
est stimulé par une croissance plus forte des producteurs de matières
premières (même si elle dépend fortement des cours). En Russie,
par exemple, la croissance projetée du PIB s’établirait à 4,4 %,
ce qui aidera la reprise d’autres pays de la CEI grâce à un marché
en croissance et à une augmentation des transferts d’argent envoyés
par les migrants. Pour l’Ukraine, elle s’établirait à 4 % en 2010,
même si beaucoup dépend de la capacité d’un nouveau gouvernement
à parvenir rapidement à un accord avec le FMI pour permettre à celui-ci
de reprendre ses prêts.
49. Toutefois, la reprise est toujours soumise à un certain nombre
de risques, notamment la possibilité d’une reprise très faible parmi
les grandes économies, due en partie à la difficulté de prendre
une décision politique sur le meilleur moment pour commencer à retirer
les incitations monétaires et budgétaires. A cela, il convient d’ajouter
les risques de défaut d’une économie souveraine, ce qui affecterait
la capacité des gouvernements de marchés émergents à emprunter,
et de recours à un plan de sauvetage, qui ne peuvent pas être écartés. Le
resserrement des conditions du crédit devrait perdurer tant que
les banques cherchent à reconstituer leur capital et à assumer une
augmentation attendue des prêts en souffrance, alors que certaines
entreprises de la région seront vulnérables à une hausse des taux
d’intérêt. Pour la plupart des pays, en dehors des pays producteurs
de pétrole et de matières premières, cela présage d’une période
de croissance économique modeste alors que la demande intérieure
demeure atone et la demande extérieure en demi-teinte.
3.2.2. Implications pour
les opérations de la BERD
50. Pour l’heure, le défi que la BERD doit relever est
le maintien de son volume de prêts accru pour soutenir la reprise
dans la région. Cela dépendra en partie de la ratification de l’augmentation
du capital, mais il faudra également que la banque fasse en sorte
d’avoir suffisamment de personnel pour suivre l’augmentation planifiée
des volumes. Alors que plusieurs autres IFI demandent actuellement
des capitaux supplémentaires pour financer un niveau accru d’activités,
souvent auprès de groupes d’actionnaires similaires, cela entraîne pour
la banque de devoir examiner avec attention les dépenses administratives
pour s’assurer que les prêts et les investissements sont réalisés
de manière efficiente.
51. Qui dit volume accru de prêts dit également probabilité de
risques supplémentaires. Une bonne part de l’augmentation de l’activité
de prêts en 2009 a vraisemblablement concerné des groupes bancaires
ou entreprises de premier plan avec lesquels les risques de prêt
étaient relativement modérés. A l’avenir, cependant, en supposant
que les marchés du crédit connaissent une reprise progressive et
que la BERD demeure une source complémentaire de prêt, il est alors
possible que les risques augmentent au fur et à mesure que ces emprunteurs
de qualité supérieure pourront de plus en plus avoir accès à des
sources de financement privées. Cette situation a toutes les chances
de se produire dans les pays où le secteur bancaire demeure faible
et où il faut du temps pour que les autorités mettent en place les
mesures de stabilisation nécessaires pour corriger certains des
déséquilibres macroéconomiques.
52. Certaines des activités de la BERD devraient se focaliser
sur les moyens de tempérer les effets les plus graves de la crise.
Inévitablement, les secteurs financiers dépendront encore quelque
temps d’un soutien appuyé de la BERD, en partie pour faire en sorte
de parvenir à la stabilité, mais aussi du fait de l’importance d’un
financement renforcé pour le secteur des MPME. Le montant total
du financement ne devrait pas atteindre les niveaux de 2009, bon
nombre de banques de la région semblant avoir désormais suffisamment
de liquidité, ce qui réduira la demande. Le secteur financier offre
en interne de la latitude pour augmenter le financement en monnaie
locale et développer les marchés des capitaux au niveau local, comme
la BERD l’a déjà noté, surtout dans les pays aux taux d’intérêt
relativement bas. Cela aiderait certains pays à s’affranchir quelque
peu de leur forte dépendance à l’égard du financement en devises
étrangères. Cependant, en définitive, la santé des secteurs bancaires
dépendra de l’efficacité de la régulation plutôt que d’un surcroît
de soutien financier.
53. Dans le contexte du secteur financier, la BERD devrait jouer
un rôle dans les discussions en cours sur le renforcement de la
stabilité en ce qui concerne les prêts transfrontaliers en Europe,
du fait même de sa contribution à l’Initiative de Vienne. Même si,
en définitive, cette question concerne les organismes régulateurs de
la finance, il semble qu’il faille faire davantage pour renforcer
la coordination entre les superviseurs alors qu’ils s’efforcent
d’améliorer la régulation au niveau national.
54. Au fil du temps, une partie plus importante du financement
de la BERD pourrait être orientée vers le secteur de l’économie
réelle, qui est, en définitive, la véritable source de croissance.
La BERD pourrait également devoir envisager d’apporter davantage
de financement aux entreprises sous forme d’apport en capital, les
conditions de prêt devant rester strictes dans un proche avenir.
Ainsi, la BERD, l’IFC et une société du secteur privé (CRG Capital)
ont lancé récemment un fonds doté au départ de 36 millions d’euros
pour investir dans des sociétés aux actifs en sous-performance mais
qui sont bien gérées. Dans la même veine, la création d’un fonds
a été annoncée pour proposer un financement mezzanine. La BERD investira
jusqu’à 50 millions d’euros dans un fonds devant être géré par un
autre groupe du secteur privé, MMCE, pour soutenir les achats avec
prises de participation au capital dans le privé et apporter un
complément de financement aux entreprises ayant des modèles économiques
sains. Les deux fonds devraient se concentrer essentiellement sur
des entreprises d’Europe centrale et orientale.
55. Si la BERD a fait porter son action essentiellement sur les
effets de la crise, certains autres programmes n’en demeurent pas
moins importants. Tel est le cas des activités de prêt aux pays
en phase initiale de transition (Early Transition Countries – ETC)
.
Tous ces pays n’ont pas nécessairement été aussi gravement affectés
par la crise que d’autres, en partie du fait que leurs secteurs
financiers étaient moins intégrés. Cependant, parmi eux, certains
connaissent encore une situation problématique sur le plan de la
réforme. Même si les principaux pays de la région producteurs de
pétrole et de matières premières ont assez bien résisté à la crise,
il semble qu’ils restent fortement dépendants des exportations d’un
nombre restreint de matières premières essentielles et que les politiques
visant à diversifier leur base productive n’aient eu qu’un succès
limité jusqu’ici.
56. Les projets visant à améliorer l’efficience énergétique ont
vu leur importance s’accroître ces dernières années, en réponse
au besoin de réduire les émissions de carbone pour faire face au
changement climatique. Après le lancement de la deuxième phase de
la SEI, en 2009, le programme constituera l’un des objectifs clés de
la BERD durant la période couverte par la prochaine Stratégie à
moyen terme. La BERD a l’intention de doubler au moins les objectifs
atteints durant la phase 1, tant en termes de volume d’opérations
que de réduction des émissions. Pour cela, elle va étendre le programme
à de nouveaux secteurs tels que le bâtiment et les transports, ainsi
qu’à la biomasse qui est l’une des sources d’énergie renouvelable.
57. En dépit de l’absence d’accord à l’issue de la Conférence
des Nations Unies de décembre 2009 sur le changement climatique,
certains progrès sont enregistrés. L’initiative des Fonds d’investissement
pour le climat (Climate Investment Funds) a été montée par les IFI
et certains pays donateurs pour financer des projets destinés à
traiter le changement climatique. La BERD élabore actuellement des
projets pour l’Ukraine et la Turquie dans le cadre de l’un des deux
Fonds d’investissement pour le climat, le Clean Technology Fund, conçu
pour soutenir l’élaboration de technologies d’énergie propre dans
certains des pays qui émettent le plus de carbone. Ces mesures sont
des exemples importants de la manière dont la coopération internationale pourrait
fonctionner dans ce secteur. Pour la BERD, un défi plus vaste se
pose: étoffer la panoplie des instruments qu’elle utilise pour canaliser
ces investissements de sorte que le financement puisse être encore augmenté
si de futurs accords internationaux font remonter les objectifs
de financement. La BERD peut également continuer à prouver qu’elle
peut impliquer au mieux le secteur privé dans les projets sur l’efficience énergétique
alors que l’investissement devrait vraisemblablement se réduire.
58. La crise a également souligné l’importance d’un dialogue politique
effectif, non seulement pour contribuer à garantir la réussite des
projets, mais aussi pour améliorer la coopération technique et la concentration
sur les domaines où la réforme pourrait avoir besoin d’être accélérée,
en particulier pour les pays où les «écarts de transition» sont
relativement grands. Cela s’applique aux pays où la BERD s’implique
dans des projets du secteur public, ce qui lui donne des possibilités
de faire en sorte que des mesures soient prises pour établir un
cadre réglementaire approprié pour le secteur. Pour cela, il se
peut qu’il faille compléter le cadre institutionnel et légal pour
promouvoir une plus grande participation du secteur privé par le
biais de partenariats public/privé et identifier des mécanismes
qui mobiliseraient plus de sources de financement local. En général, la
BERD semblerait bien placée pour promouvoir un dialogue politique
au vu de sa connaissance approfondie de la région et en particulier
du fait de sa présence par le biais des bureaux régionaux et points
focaux (hubs).
3.2.3. Objectifs connexes
59. L’intégration européenne plus étroite est l’un des
objectifs que la BERD a toujours soutenu concrètement grâce à ses
projets. La BERD aura besoin de maintenir ses activités de prêt
aux pays qui sont maintenant membres de l’UE jusqu’à ce qu’ils soient
à nouveau en mesure d’accéder à des sources commerciales de financement
à des conditions appropriées. Comme indiqué plus haut, même si on
s’attendait à ce que tous les pays ayant adhéré à l’UE en 2004 soient
dans ces conditions à la fin de 2010, le Conseil de la BERD a accepté
de poursuivre ses opérations tant que les conditions de la crise
persisteraient. Quand les marchés mondiaux seront revenus à la normale,
que les flux de capitaux auront repris et que les conditions liées
à l’effet de levier de la BERD n’auront plus lieu d’être, on s’attend
à ce que la BERD se retire progressivement de ces pays, sous réserve
des conditions prévalant dans chacun d’entre eux.
60. Il faut également ne pas cesser le soutien aux pays candidats
à l’adhésion à l’UE en Europe du Sud-Est, la BERD semblant bien
placée pour participer à certaines des discussions de politiques
ainsi qu’à des plates-formes de financement que l’UE a proposé pour
les pays à protection environnementale. Ce soutien inclut des secteurs
tels que l’efficience énergétique, une bonne gouvernance environnementale
et le développement des PME. Les opérations de la banque seront
stimulées par la décision de l’UE d’allouer jusqu’à 50 millions
d’euros aux PME au titre du programme en faveur des pays à protection
environnementale. Quelque 30 millions d’euros seront répartis entre
la BERD et la Banque européenne d’investissement pour soutenir les
lignes de crédit destinées aux PME, le solde étant utilisé pour
financer les activités TAM/BAS de la BERD.
61. Il faudra également davantage de collaboration avec les autres
IFI actives dans la région, étant donné qu’elles ont aussi toutes
augmenté leurs activités. Cela couvre le FMI par le biais de ses
programmes spécifiques par pays, la BEI et le groupe Banque mondiale,
qui ont l’un et l’autre augmenté leur financement en faveur des
activités bancaires et des infrastructures en particulier, ainsi
que l’UE dont le soutien a inclus l’assistance financière pour la
Serbie au titre des programmes de préadhésion.
62. Michel Camdessus, dans un rapport sur la BEI qui étudie la
manière dont les modalités de financement extérieures de la BEI
peuvent être consolidées et l’intégration européenne développée
, a noté
la nécessité d’une coopération accrue avec la BEI. Le rapport relève
les progrès réalisés à la suite de la signature du Mémorandum d’entente
entre la BERD et la BEI en 2006 et l’accord plus récent sur la Turquie,
mais fait valoir qu’une coopération accrue pourrait maximiser les
possibilités de cofinancement et éviter les doublons. Toutefois,
Camdessus avance également que l’on pourrait faire bien plus en
introduisant des changements institutionnels à moyen terme et propose
deux options à examiner. L’une d’elles – établir une banque européenne
pour la coopération et le développement – pourrait rassembler les
activités de la BERD, la BEI et les services de la Commission européenne
concernés par le financement
extérieur. La BERD et tous ses actionnaires examineront sans aucun
doute toutes les conséquences de cette proposition pour la BERD
en ce qui concerne la concrétisation de son propre mandat.
4. Conclusions
63. La région en transition a connu un recul brutal d’activité
à la suite de la crise, même si l’impact a été différent d’un pays
à l’autre. Début 2010 a vu démarrer une reprise graduelle, en grande
partie du fait de la maturité des réponses politiques, de la rapidité
et de la mesure du soutien financier apportées par l’UE et les IFI.
A mesure que les conditions du crédit se resserraient, la BERD a
été confrontée à une augmentation marquée de la demande de financement.
La banque a réagi par une augmentation substantielle et sans précédent
du volume de ses opérations pour aider les pays à faire face à la
crise. Une bonne part de ce surcroît d’opérations est allée aux
secteurs bancaires dans certains pays, en particulier de la région
CEB. Mais la contribution qualitative de la BERD lorsqu’elle a aidé
à formuler l’Initiative de Vienne pour garantir que les banques
étrangères demeurent engagées en faveur de la région a également
été très significative.
64. La région avait bénéficié de l’intégration sous toutes ses
formes dans les années précédant la crise. Toutefois, cette dernière
a révélé certains inconvénients de l’intégration, notamment la vulnérabilité
à de brusques reculs de la demande, les dangers liés à un endettement
excessif en devises étrangères et les risques liés à une coordination
inadéquate entre les organes de supervision nationaux et ceux du
pays d’établissement des groupes bancaires étrangers. Il y a des
enseignements importants à tirer: ces problèmes doivent être examinés,
notamment en améliorant la compétitivité, en augmentant le montant
du financement en monnaie locale et en consolidant la supervision
financière. Mais le premier des enseignements est que les pays dotés
de politiques saines qui ont le plus progressé dans la réforme sont
ceux qui se sont le mieux sortis de la crise.
65. Pour l’heure, la BERD est confrontée à un défi immédiat: maintenir
le volume accru d’activités aussi longtemps qu’il y a une demande
pour ce surcroît de financement, comme le montre la nature temporaire
de l’augmentation de capital de 50 %. Même si la politique de retrait
graduel a été ajournée jusqu’à ce que les conditions de la crise
reculent, car les demandes de financement émanant de ce groupe de
pays devraient diminuer au fil du temps, l’incertitude demeure sur
l’accélération du rythme du financement pour la Turquie et pour
le changement climatique. Même si ces deux activités sont nécessaires,
une clarification des «défis de la transition» peut être utile.
Toutefois, l’aspect peut-être le plus important de tous concernant
les opérations de la BERD au fil des ans a été de promouvoir le
développement du secteur privé dans la région. Si elle reste concentrée
sur cet objectif, non seulement la BERD pourra continuer de remplir
le mandat qui lui avait été confié à sa création, mais elle pourra
contribuer à la poursuite de l’intégration européenne et aux réponses
qu’il faut apporter aux défis du changement climatique.