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Avis de commission | Doc. 12303 | 22 juin 2010

L’islam, l’islamisme et l’islamophobie en Europe

Commission des questions politiques et de la démocratie

Rapporteur : M. Mike HANCOCK, Royaume-Uni, ADLE

A. Conclusions de la commission

(open)
1. La commission des questions politiques prend note du rapport de M. Mogens Jensen sur l’islam, l’islamisme et l’islamophobie en Europe dans lequel la commission de la culture, de la science et de l’éducation s’attaque à un problème politique de taille. La commission des questions politiques est globalement d’accord avec les grandes lignes des projets de résolution et de recommandation. Elle estime toutefois que ces textes pourraient être améliorés.
2. S’il est vrai que certains courants islamistes sont extrémistes et violents, il existe aussi un islamisme modéré et pacifique. Comme l’indique à juste titre l’exposé des motifs, l’islamisme est une «idéologie qui vise à obtenir une influence politique en vue d’appliquer les principes de l’islam au monde». Un islamiste n’admet donc pas la séparation de la religion et de l’Etat, qui est un principe fondamental en Europe, et voit dans l’islam non seulement une religion, mais aussi un code de conduite social, juridique et politique. L’Assemblée a déjà traité de l’extrémisme, notamment dans sa Résolution 1605 (2008) et sa Recommandation 1831 (2008) sur les communautés musulmanes européennes face à l’extrémisme. La commission des questions politiques a d’ailleurs poursuivi l’examen de ce sujet avec le rapport de M. Agramunt «Lutte contre l’extrémisme: réalisations, faiblesses et échecs». La majorité des islamistes refusent la violence et agissent en toute légalité.
3. Les textes examinés n’évoquent pas la différence entre la peur de l’islam et la discrimination envers les musulmans au motif de leur religion. Si la peur, qui provient essentiellement de l’ignorance et d’une image négative résultant d’un amalgame entre islam et violence, ne peut être empêchée à court terme, la discrimination est inacceptable et doit être combattue. L’Assemblée devrait saisir cette occasion d’exprimer ses inquiétudes face à l’incapacité apparente de nombreux gouvernements européens à s’atteler au problème de l’islamisme, incapacité qui ouvre la voie à l’islamophobie et aux partis extrémistes xénophobes. Les résultats des dernières élections générales néerlandaises en sont un bon exemple.
4. Je tiens également à mentionner les réformateurs musulmans libéraux et les mouvements islamiques en faveur de la paix, qui cherchent à réconcilier l’islam avec la démocratie, les droits de l’homme, la prééminence du droit et la séparation de la religion et de l’Etat, et sont accusés d’islamophobie par les islamistes. Les structures démocratiques européennes devraient les soutenir beaucoup plus qu’elles ne le font. Le projet de résolution présenté par la commission de la culture, de la science et de l’éducation affirme à juste titre que «les clichés, les idées reçues et les peurs que suscite l’islam sont les symptômes typiques d’une large méconnaissance de ce sujet par les non-musulmans en Europe.» Il convient par ailleurs de souligner le rôle important, mais souvent négatif, des médias de masse à cet égard. Sans remettre en question la liberté d’expression, il serait utile d’encourager les médias à adopter une démarche plus positive.
5. Les projets de recommandation et de résolution font souvent un amalgame qui n’a pas toujours lieu d’être entre musulmans et migrants. Bien au contraire, ceux qui ont un jour décidé de quitter leur pays et de s’installer en Europe sont généralement très respectueux des valeurs défendues par le Conseil de l’Europe. Ce sont souvent, mais pas exclusivement, leurs descendants de la deuxième génération et les convertis qui s’élèvent avec plus de force contre ces valeurs, perçues comme un aspect de la «décadence occidentale». De plus, certains Etats membres du Conseil de l’Europe sont musulmans. Le Conseil de l’Europe les a acceptés comme membres car ils étaient disposés à embrasser les principes de démocratie et de respect des droits de l’homme et de la prééminence du droit.
6. S’agissant de la burqa ou du niqab, la commission déclare à juste titre que le port du voile par les femmes n’est pas une obligation religieuse mais plutôt une tradition sociale et culturelle. Elle qualifie néanmoins ces attributs vestimentaires de «tenues religieuses» et affirme que leur interdiction irait à l’encontre de la liberté de religion. Dans beaucoup de pays européens, le port du voile par les femmes, surtout du voile intégral, notamment de la burqa ou du niqab, est perçu comme un symbole de soumission des femmes, comme l’indique le rapport. De ce fait, une législation interdisant la burqa et le niqab s’attaquerait au symbole mais pas au problème proprement dit. Comme l’affirme fort justement The Economist: «Les trois arguments justifiant une interdiction – la sécurité, l’égalité entre les femmes et les hommes et la laïcité – ne sont pas convaincants. Sur le plan de la sécurité, il peut être, si nécessaire, demandé aux femmes de retirer leur voile. Concernant l’égalité entre les hommes et les femmes, celles-ci seraient mieux protégées contre la violence domestique par l’application de la législation en vigueur que par l’adoption de nouvelles lois leur imposant, contre leur gré parfois, une certaine façon de s’habiller. S’agissant de la laïcité, même si les Européens préféreraient ne pas voir la religiosité des autres s’afficher dans la rue, ils sont tenus d’accepter cette situation au nom de la tolérance revendiquée par les Occidentaux.» 
			(1) 
			«Banning the burqa:
a bad idea», The Economist, 15-21
mai 2010.
7. L’appel lancé à la Suisse pour qu’elle instaure un moratoire et abroge l’interdiction générale de construire des minarets semble prématuré. Le résultat de l’initiative publique suisse est bien sûr regrettable. Cependant, il n’existe pas de consensus sur la question de savoir si elle est discriminante ou non envers les communautés musulmanes dans l’exercice de leur liberté de religion. Des requêtes ont été déposées devant la Cour européenne des droits de l’homme, qui devrait prendre position sur cette question. Il semble donc qu’il soit trop tôt pour formuler des recommandations en la matière.
8. Pour clarifier les projets de textes présentés, la commission des questions politiques propose les amendements ci-après. En tant que rapporteur pour avis, je remercie M. Jensen, auteur du rapport, de s’être montré disposé à examiner les amendements proposés, ce qui a permis de réduire considérablement le nombre d’amendements initialement prévu et de reformuler la plupart de ceux qui ont été retenus d’une manière qui soit acceptable pour lui.

B. Amendements proposés par la commission

(open)
Amendements au projet de résolution

Amendement A (au projet de résolution)

Remplacer le paragraphe 1 par le paragraphe suivant:

«L’Assemblée parlementaire note que le radicalisme islamique et la manipulation des croyances religieuses à des fins politiques s’opposent aux droits de l’homme et aux valeurs démocratiques. En même temps, dans de nombreux Etats membres du Conseil de l’Europe, les musulmans ont l’impression d’être exclus de la société et de faire l’objet de stigmatisations et de discriminations; ils sont victimes de stéréotypes, de la marginalisation sociale et de l’extrémisme politique. L’Assemblée est très préoccupée par l’extrémisme islamique et par l’extrémisme qui rejette les communautés musulmanes d’Europe, deux phénomènes qui se renforcent mutuellement.»

Amendement B (au projet de résolution)

Après le paragraphe 1, ajouter le nouveau paragraphe suivant:

«L’Assemblée rappelle que l’islamisme est une façon de concevoir l’islam non seulement comme une religion mais aussi comme un code de conduite social, juridique et politique. L’islamisme peut être violent ou pacifique et modéré, mais en aucun cas il ne reconnaît la séparation de la religion et de l’Etat, grand principe des sociétés démocratiques et pluralistes. L’Assemblée rappelle en outre que la discrimination envers les musulmans est inacceptable et doit être combattue. La vaste majorité des musulmans européens partagent les principes fondateurs de nos sociétés et il est essentiel de lutter contre l’islamophobie, qui vient essentiellement de l’ignorance et d’une image négative résultant d’un amalgame entre islam et violence. En ne s’attelant pas à ces questions, de nombreux gouvernements européens favorisent la montée de l’extrémisme.»

Amendement C (au projet de résolution)

Au paragraphe 2, supprimer l’expression «ainsi que la prééminence de normes écrites garantie par un jugement dernier».

Amendement D (au projet de résolution)

Au paragraphe 7, à la deuxième phrase, remplacer le mot «migrants» par les mots «citoyens de religion musulmane, en particulier les migrants».

Amendement E (au projet de résolution)

Au paragraphe 9, remplacer les mots «Il est tout aussi indispensable que les migrants appartenant à une culture minoritaire dans leur pays d’accueil ne s’isolent pas et ne cherchent pas à mettre en place une société parallèle. Aussi l’Assemblée invite-t-elle les représentants des communautés musulmanes à encourager le dialogue interculturel et la compréhension de l’univers culturel de leur pays d’accueil.» par les mots «Il est nécessaire que les personnes appartenant à une culture minoritaire dans leur pays ne s’isolent pas et ne cherchent pas à mettre en place une société parallèle. Aussi l’Assemblée invite-t-elle les représentants des communautés musulmanes à encourager le dialogue interculturel.»

Amendement F (au projet de résolution)

Au paragraphe 9, supprimer le mot «politique» après le mot «extrémisme».

Amendement G (au projet de résolution)

Au paragraphe 15, remplacer le mot «génitales» par les mots «génitales féminines».

Amendement H (au projet de résolution)

Au paragraphe 15, remplacer les mots «portent atteinte au droit à l’intégrité physique et morale de toute personne, et surtout des enfants, garanti par l’article 8 de la CEDH. Il convient de les considérer comme des traitements inhumains et dégradants au titre de son article 3. Les Etats membres doivent tout mettre en œuvre pour lutter contre cette pratique» par «devraient être considérées comme une infraction car elles portent atteinte au droit à l’intégrité physique et morale de toute personne, en particulier des enfants. Les Etats membres doivent tout mettre en œuvre pour lutter contre cette pratique».

Amendement I (au projet de résolution)

Au paragraphe 17, remplacer les mots «l’éducation interreligieuse» par les mots «l’enseignement des religions».

Amendements proposés au projet de recommandation

Amendement J (au projet de recommandation)

Au paragraphe 1, remplacer les mots «l’extrémisme agissant sous couvert d’une religion» par les mots «les attaques de ses valeurs au nom de la religion».

Amendement K (au projet de recommandation)

A la fin du paragraphe 2, ajouter les mots suivants:

«Le Conseil de l’Europe devrait également s’employer à encourager d’autres parties du monde à adopter et promouvoir les valeurs qu’il défend.»

Amendement L (au projet de recommandation)

A l’alinéa 3.2, remplacer les mots «d’une éducation dispensée tout au long de la vie, et que les établissements d’enseignement supérieur et de recherche en Europe fassent de l’islam une matière d’enseignement afin de former les universitaires, enseignants et responsables religieux et d’établir une distinction entre islam et islamisme» par «d’une éducation dispensée tout au long de la vie, et que les établissements d’enseignement supérieur et de recherche en Europe fassent de l’islam une matière d’enseignement afin de former des universitaires et des enseignants spécialisés ainsi que des responsables religieux».

Amendement M (au projet de recommandation)

A la fin du paragraphe 3.5, ajouter la phrase suivante:

«Dans ce contexte, l’Assemblée se félicite de l’adhésion du Maroc et du Cap Vert au Centre Nord-Sud.»