1. Introduction
1.1. Préparation du rapport
1. Mme Čurdová a été désignée
rapporteuse pour l’élaboration de ce rapport le 5 décembre 2008,
à la suite d’une proposition de résolution qu’elle avait initiée
le 19 septembre 2008 et qui avait été renvoyée à la commission sur
l’égalité des chances pour les femmes et les hommes pour rapport.
Dans le cadre de la préparation de ce rapport, sur proposition de
la rapporteuse, la commission a désigné un expert, M. Vít Samek de
la République tchèque, qui a déposé son rapport
le 30 novembre 2009. Ensuite,
le 25 mars 2010, lors de sa réunion à Paris, la commission a tenu
un échange de vues avec deux experts, M.Samek
et Mme Jay Ginn, experte consultante
du Royaume-Uni, qui ont chacun étayé leur analyse de la situation
d’une présentation PowerPoint
.
2. Vu la technicité du sujet, la rapporteuse, convaincue pour
majeure partie de la pertinence de l’analyse et des solutions proposées
par lesdits experts, s’en remettra tant au document d’expert préparé
par M. Samek qu’aux deux présentations PowerPoint.
1.2. La problématique
3. Il existe en général une différence non négligeable
entre les pensions des femmes et celles des hommes dans les pays
membres du Conseil de l’Europe. M. Samek indique que les pensions
personnelles des femmes ne représentent que 30 à 60 % de celles
des hommes, ce qui peut être en partie compensé par des transferts d’argent
public. Les femmes mariées qui travaillent perçoivent de 70 à 80 %
de ce que perçoivent les hommes au cours de leur vie professionnelle
.
4. Beaucoup de femmes âgées sont pauvres en raison de l’absence
ou de l’insuffisance des pensions de retraite
.
Les femmes plus jeunes disposent en moyenne de revenus personnels
bien plus faibles que les hommes, ce qui induit des pensions de
retraite dont le montant est faible à un stade ultérieur de leur
vie. Autrement dit, le fossé salarial entre les femmes et les hommes
se répercute en un fossé entre les pensions des femmes et les pensions
des hommes. En outre, les femmes ont souvent participé à l’éducation
des enfants et à la garde des personnes dépendantes. Ces périodes
soit ne sont pas prises en considération, soit ne le sont que partiellement.
Dès lors, les systèmes de retraite traditionnels, fondés la plupart
sur des carrières ininterrompues et en conséquence prioritairement
destinés aux hommes, sont obsolètes en ce qu’ils ne correspondent
pas aux exigences de la vie actuelle.
5. L’examen des pensions de retraite revient donc à considérer
et à comparer les revenus des femmes et des hommes âgés. Quels revenus
prendre en considération? Se rangeant à l’avis de Mme Ginn
, la rapporteuse propose de prendre
en considération les revenus propres à chacun – qui révèlent mieux
la situation personnelle de chaque individu –, plutôt que les revenus
du ménage.
6. L’examen des taux de pauvreté est révélateur de la situation
de plus grande pauvreté des femmes
. Dans les 27 pays de l’Union européenne,
à l’exception de la Hongrie, les femmes sont plus pauvres que les hommes.
Par exemple, en Estonie, Lettonie et Lituanie, le taux de pauvreté
femmes/hommes de plus de 65 ans est respectivement de 39 %/21 %,
39 %/22 % et 38 %/15 %, soit environ le double pour les femmes par
rapport aux hommes. L’écart est moins important dans d’autres pays,
mais quasi systématiquement au détriment des femmes.
7. Par ailleurs, un examen des revenus par catégories ethniques
au Royaume-Uni
a
montré que les femmes sont nettement plus pauvres dans les communautés
pakistano-bangladaises, avec de grandes différences de revenus entre
les femmes et les hommes, cette différence étant moins marquée dans
la communauté noire.
8. Des données plus approfondies désagrégées par sexe des pensions
et des revenus des personnes âgées permettraient une meilleure préhension
du problème et, en tout cas, une meilleure prise de conscience du
problème au niveau politique mais également dans la société civile.
2. La volonté de maintenir
des pensions de retraite viables en Europe
2.1. Des systèmes de pension variés
en Europe
9. En Europe, la conception des systèmes de pension
de retraite présente de grandes différences d’un pays à l’autre.
L’architecture des régimes et des pensions dépend fondamentalement
des choix effectués concernant les éléments du système, en particulier
les critères d’affiliation (volontaire ou obligatoire), la gestion du
régime (publique ou privée), une éventuelle politique de revenus
ou autres objectifs sociaux ancrés dans les systèmes de pension
(assurance ou équivalent, ou redistribution), la méthode de financement
utilisée (capitalisation ou répartition) et les procédures de détermination
du montant de la future pension de retraite (régime à cotisations
définies ou à prestations déterminées). Etant donné que la plupart
des systèmes nationaux comportent plus d’un pilier, on trouve dans
la plupart des cas diverses combinaisons des éléments du système.
2.2. La volonté de maintenir des
pensions viables et adéquates
10. Tous les Etats membres du Conseil de l’Europe ont
souligné l’enjeu du vieillissement des populations et ses implications
pour le maintien de pensions viables et adéquates. Afin d’éviter
les scénarios les plus pessimistes, ils tentent de préserver la
capacité des régimes de retraite actuels à atteindre leurs objectifs sociaux,
maintenir leur viabilité financière et répondre à l’évolution des
besoins de la société. Le but d’assurer la viabilité financière
des régimes est très étroitement lié à l’objectif sociétal général
du financement du droit de chacun à des pensions de retraite décentes
(au-dessus du seuil de pauvreté), adéquates (mode de vie conforme
à celui de la période professionnelle) et prévisibles (consensus
politique, règles claires, méthode de calcul de la rente, sécurité),
de façon à garantir la cohésion sociale et l’équité.
11. Les stratégies nationales de réforme des retraites garantissent
généralement que la plupart des personnes acquièrent des droits
à pension et assurent un niveau minimal de revenus aux personnes
âgées lorsque les droits acquis sont insuffisants. L’un des grands
succès des régimes de pension tient au fait que la vieillesse n’est
plus synonyme de pauvreté. Dans les Etats membres où le risque de
pauvreté demeure élevé, un large éventail de mesures sont notamment
prises en vue d’améliorer les garanties de revenu minimal et diverses
prestations en espèces et en nature sont introduites.
12. Dès lors, afin d’éviter toute discrimination fondée sur le
sexe, l’objectif des Etats européens de maintenir des pensions viables
devra se doubler de celui d’éviter toute discrimination aux dépens
des femmes.
3. Les causes à l’origine des
pensions insuffisantes pour les femmes
13. Les parcours professionnels des femmes âgées, qu’elles
aient ou non travaillé principalement à temps plein, et leur situation
socio-économique et matrimoniale ont une influence sur les recettes
et sur le montant des pensions publiques (versées par l’Etat), professionnelles
et personnelles. Toutefois, y compris des femmes âgées ayant travaillé
à plein-temps, essentiellement de manière continue, peuvent être
défavorisées en matière de retraite si l’on compare leurs revenus
à ceux des hommes. Ce constat dénote la multiplicité des facteurs
et la complexité des causes de l’écart des pensions entre les femmes
et les hommes.
14. Deux grandes catégories de facteurs sont principalement à
l’origine de l’écart existant entre les pensions des femmes et les
pensions des hommes.
3.1. Le fossé salarial entre les
femmes et les hommes
15. Comme la rapporteuse l’a déjà souligné dans son rapport
sur la «Discrimination à l’encontre des femmes parmi les demandeurs
d’emploi et sur le lieu de travail»
, les femmes gagnent
moins que les hommes, en moyenne, au cours de leur vie et reçoivent
donc des pensions moins importantes quand elles prennent leur retraite.
La rapporteuse s’en réfère également à l’excellent rapport de M.
Wille du 2 février 2010 sur «Le fossé salarial entre les femmes
et les hommes»
qui met en évidence l’existence
d’une discrimination à l’encontre des femmes comme facteur majoritaire
à l’origine des différences de salaires.
16. Plusieurs facteurs peuvent expliquer ce phénomène: les femmes
travaillent moins au cours de leur vie (en comptant les congés de
maternité et le travail à temps partiel) et elles font moins carrière,
car elles sont souvent victimes de discriminations pour les promotions
à des postes aux revenus supérieurs (on parle alors de «ségrégation
professionnelle verticale par sexe»). Comme le précise l’OIT: «Contrairement
à ce que l’on pense volontiers, [les écarts de rémunération entre
hommes et femmes] ne sont pas dus principalement à un niveau d’instruction
plus faible ni aux interruptions qui marquent souvent la carrière
des femmes. Ils sont davantage imputables à des facteurs tels que
la ségrégation professionnelle, la structure des rémunérations, la
classification des emplois, la faiblesse ou la décentralisation
des négociations collectives.»
17. Outre le fait que les pensions de retraite des femmes sont
inférieures à celles des hommes, il est important de noter l’étroite
interrelation entre la durée de vie des femmes et la féminisation
de la pauvreté: les femmes vivant plus longtemps, elles partagent
durant une certaine période la pension de leur partenaire; cependant,
après le décès de ce dernier, il leur faut vivre de leur pension,
laquelle est généralement bien inférieure à leur niveau de vie.
Ainsi, l’assurance-vieillesse: les femmes vivent plus longtemps
et, parce qu’elles gagnent habituellement moins que leurs homologues
masculins, pour atteindre un montant final comparable à celui des
hommes, on attend d’elles qu’elles paient une cotisation d’assurance
mensuelle plus élevée.
18. Enfin, en période de récession économique, le chômage touche
souvent plus les femmes que les hommes (beaucoup d’entreprises pensent
encore malheureusement qu’il est plus important qu’un homme «soutien
de famille» garde son emploi) et la nécessité ou la volonté de continuer
à travailler pousse les femmes à accepter des rémunérations qui
ne respectent pas les principes d’égalité et d’équité, ou à ne pas
signaler les cas de discrimination par crainte de perdre leur emploi.
3.2. Un système de pensions inadapté
au parcours de vie des femmes
19. Les systèmes de pensions actuels tiennent peu ou
pas compte des parcours de vie des femmes qui, outre les congés
de maternité, assument le rôle essentiel au foyer pour les tâches
ménagères et pour la garde des enfants et des plus âgés. Les systèmes
de retraite traditionnels sont majoritairement compatibles avec
une carrière ininterrompue, c’est-à-dire qu’ils correspondent prioritairement
aux carrières des hommes.
20. Par exemple, s’agissant de la naissance d’enfants, l’examen
des revenus médians des femmes au cours de leur vie montre que les
revenus diminuent entre la naissance et les 4 ans de l’enfant. Le
fait d’avoir des enfants sera limitatif des revenus à vie
.
21. Beaucoup de couples se séparent et souvent les familles monoparentales
sont dirigées par des mères qui se retrouvent dans de grandes difficultés
matérielles.
22. Les femmes sont souvent obligées de travailler à mi-temps
soit parce que le marché du travail ne leur permet pas de trouver
un emploi à plein-temps, soit parce qu’elles doivent garder les
enfants si des structures adéquates n’existent pas.
23. De même, avec les divorces et les remariages, les pensions
accordées aux survivants ou pensions de réversion sont déconnectées
des changements de la société. Ces pensions ont été abolies dans
le système individualisé suédois
qui repose sur l’octroi personnel d’une
pension à l’individu, sans lien avec son statut marital. Il s’agit
d’un droit individuel propre à chacun qui permet d’obtenir un droit
adéquat à pension.
24. En outre, certaines des réformes des systèmes de pensions
des pays de l’Union européenne entre 1995 et 2005 ont été faites
aux dépens des femmes. Ainsi, 19 pays ont augmenté l’âge pour bénéficier
de la pension publique, 15 pays ont réduit le montant de la pension,
14 pays ont augmenté le taux de cotisation, 12 pays ont élevé le
nombre minimal d’années de cotisation pour bénéficier du taux plein
(ce qui est plus difficile à obtenir pour les femmes), 6 pays ont
réduit l’indexation (au détriment des femmes, qui vivent plus longtemps).
La plupart des pays ont changé vers des fonds privés (dont les risques
pèsent plus sur les femmes qui ont des pensions faibles)
.
25. En règle générale, les systèmes nationaux de retraite reposant
sur la couverture universelle au travers de régimes publics liés
aux revenus (premier pilier), de régimes privés de type professionnel
ou liés à des plans d’épargne (deuxième pilier) et de plans de retraite
de type individuel (troisième pilier)
offrent à la plupart des Européens
(en mesure de payer les cotisations voulues) de bonnes possibilités
de maintenir leur niveau de vie après leur départ à la retraite.
C’est ce qui a permis, en association avec des politiques fiscales
en faveur des retraités, que les personnes âgées bénéficient généralement,
dans la plupart des Etats membres, d’un bon niveau de vie, et même,
dans certains Etats membres, d’un niveau de vie relativement élevé
(davantage dans les «vieux» Etats membres de l’Union européenne,
moins dans les nouveaux et dans les autres Etats membres du Conseil
de l’Europe).
26. Pourtant, Mme Ginn attire l’attention
sur le taux élevé de pauvreté en Grande-Bretagne et en Irlande,
par rapport au Luxembourg
, en notant que dans
les deux premiers pays, le taux de pension d’Etat n’est que de 40 %,
et qu’il est bien plus élevé au Luxembourg. Elle en déduit une corrélation
entre le taux de pauvreté et la part de la pension publique dans
le montant total de la pension. Plus la part publique est élevée
dans le montant global de la pension, plus la retraite des femmes
sera importante et la pauvreté moindre.
27. Les femmes plus jeunes se marient plus tard, ont moins d’enfants
et plus tard et sont employées plus longtemps. Cependant, les inégalités
sur le marché du travail persistent. Les réformes des pensions,
avec la baisse des pensions publiques et l’érosion de leur fonction
redistributive et le glissement vers les pensions privées, favorisent
les parcours de vie masculins. Les changements des formes familiales
avec de plus en plus de femmes qui élèvent seules leurs enfants
ainsi que l’augmentation des divorces rendent la pension de réversion
obsolète.
28. La rapporteuse est d’avis que ces systèmes sont obsolètes
et devront être révisés pour tenir compte des exigences de la vie
actuelle. Il faudra notamment tenir compte du fait que les pensions
privées financées par une cotisation définie ne sont pas favorables
aux femmes car il n’y a pas de redistribution au profit des petits salaires,
ni de crédits pour la garde des enfants et des plus âgés. Si cette
pension devait au surplus être volontaire, elle serait moins importante
pour les femmes qui pourraient moins cotiser et elle exposerait
les individus aux risques du marché. M. Samek a d’ailleurs montré
que si les réformes en cours en République tchèque aboutissaient
à un système «tout privé», le système atteindrait très rapidement
ses limites en creusant le déficit des retraites mais aussi les
inégalités entre les femmes et les hommes
. Les réformes des systèmes de
pensions dans les économies en transition des pays d’Europe centrale
et de l’Est ont accru les inégalités des pensions au détriment des
femmes car le fossé salarial augmente, les aides publiques sont
moindres pour les plus faibles revenus, les pensions de réversion
ont été réduites et le calcul des annuités n’est pas encore clair.
A cela s’ajoute le nombre croissant de femmes isolées ou divorcées
.
4. Recommandations
29. Comme nous l’avons évoqué plus haut, les inégalités
de revenus entre les femmes et les hommes dans la dernière période
de leur vie sont liées à une inégalité dans leur activité professionnelle
antérieure, aux formes et conditions d’exercice des métiers qu’elle
revêt et, surtout, aux différences de rémunération entre les femmes
et les hommes. Cependant, elles tiennent également pour une grande
part à la nature des systèmes nationaux de retraite et au rôle et
à l’équilibre entre les régimes de pension publics, professionnels
et personnels. Outre les rémunérations inférieures des femmes, leurs
divers parcours d’emploi, en termes de répartition dans le temps
des périodes de travail à temps complet, à temps partiel ou sans
emploi, peuvent avoir une incidence sur les revenus des régimes
de pension publics et privés.
30. Comme mentionné dans la
Recommandation
1700 (2005) «Discrimination à l’encontre des femmes parmi les demandeurs
d’emploi et sur le lieu de travail», il est nécessaire de souligner
que la discrimination envers les femmes dans l’attribution des pensions
ne disparaîtra pas d’elle-même. Il ne faut pas non plus compter
sur le marché, laissé à lui-même, pour y mettre un terme. Son élimination
exige que toutes les parties intéressées s’engagent dans une politique
délibérée, ciblée et cohérente pendant une période de temps suffisante.
31. La rapporteuse est persuadée que la pauvreté des femmes et
l’écart des pensions dont elles sont les victimes ne sont pas une
fatalité. S’il n’y a pas de solution unique puisque les données
relatives aux pensions varient selon les pays, le marché du travail
et les réformes des pensions, des solutions générales se dégagent des
constats précédents.
32. La rapporteuse invite ses collègues à la suivre dans sa volonté
politique forte de traiter ce sujet car des mesures permettent de
promouvoir l’égalité entre femmes et hommes vis-à-vis des pensions,
tant au niveau du marché du travail que du régime des pensions,
et à l’aide de mesures supplémentaires.
4.1. Un meilleur accès au marché
de l’emploi, assorti d’un salaire égal
33. Comme l’a souligné l’Assemblée dans sa
Résolution 1715 (2010) et sa
Recommandation
1907 (2010) sur «Le fossé salarial entre les femmes et les hommes»
et dans sa
Recommandation
1700 (2005) «Discrimination à l’encontre des femmes parmi les demandeurs
d’emploi et sur le lieu de travail», la lutte contre l’écart salarial
et l’accès à l’emploi est un élément essentiel de la lutte contre
les discriminations à l’égard des femmes.
34. Pour la rapporteuse, ces mesures essentielles permettront
en grande partie de supprimer les discriminations envers les femmes
tant au cours de leur carrière professionnelle qu’au moment de leur
retraite.
35. En premier lieu, il faut réduire le fossé entre les revenus
des femmes et ceux des hommes en garantissant un accès égal à l’éducation
(y compris les femmes migrantes et celles des minorités ethniques).
36. Un congé parental suffisamment payé et partagé entre les deux
parents permettrait non seulement d’impliquer les hommes mais aussi
de contribuer à des retraites plus équitables. Ainsi, en Suède,
les parents ont chacun droit à un congé parental payé à 78 % des
revenus précédents
.
37. Après une interruption de leur activité professionnelle, les
salariés devraient avoir la possibilité de retrouver leur emploi
avec des horaires flexibles le cas échéant.
38. En outre, une meilleure répartition des postes de décision
entre les femmes et les hommes dans les instances économiques et
sociales contribue non seulement à une bonne gouvernance économique
mais aussi à offrir aux femmes un déroulement de carrière plus intéressant
.
4.2. Un régime mixte et ajusté de
pension
39. A titre liminaire, la rapporteuse souligne que la
viabilité financière des systèmes de retraite est une condition
préalable nécessaire pour assurer un niveau adéquat de pensions
à l’avenir. Ne pas garantir la viabilité financière des systèmes
de retraite sur le long terme va gravement menacer l’adéquation
des régimes publics et privés et pourrait également avoir d’autres
conséquences économiques négatives. Au cours de ces dernières années,
les Etats membres ont reconnu l’urgence d’assurer la stabilité financière
des régimes de pension en considérant le temps limité restant avant
que les effets du vieillissement de la population ne se fassent
sentir.
40. Particulièrement en cette période de crise économique et financière,
une approche consistant à relever les taux d’emploi, à réduire la
dette publique et à réformer les régimes de pension dans les Etats
membres est une nécessité urgente. La viabilité fiscale à long terme
des systèmes de retraite publics et privés devrait être un enjeu
majeur dans tous les Etats membres du Conseil de l’Europe.
41. Dans un souci de cohésion sociale et de respect de la dignité
humaine, la rapporteuse plaide pour que les retraites permettent
à chacun de vivre décemment. Pour tenir compte d’une certaine équité,
le calcul de la retraite devrait être individuel et pourrait par
exemple être mixte: une partie minimale basée sur le pays de résidence
et une partie proportionnelle aux revenus, y compris en prévoyant
un accès universel à des retraites publiques de redistribution.
L’ensemble devrait en tout état de cause être au moins égal ou supérieur
au seuil de pauvreté national. Les retraites devraient être indexées
sur les niveaux de vie généraux.
42. La rapporteuse insiste sur le fait que la solidarité est nécessaire
pour surmonter les disparités entre les sexes.
43. Pour éviter la pauvreté des personnes âgées, femmes et hommes,
les Etats membres doivent conserver de solides composantes redistributives
dans leurs régimes de pensions du premier pilier, particulièrement
sous la forme de minimums garantis ou de crédits destinés à couvrir
certaines périodes n’ouvrant pas droit à pension (chômage, congé
parental, etc.). Il a ainsi été possible de réduire les écarts de
revenus entre pensionnés, de façon souvent plus marquée que dans
la population dans son ensemble. Pour éviter la pauvreté des femmes âgées,
il serait très utile d’ajouter des dispositions prévoyant expressément
le partage obligatoire des droits à pension entre les hommes et
les femmes après le divorce dans les régimes publics de retraite
par répartition lorsque de telles dispositions n’existent pas déjà
dans les systèmes existants, qu’ils soient fondés sur le principe
des prestations déterminées ou sur celui des cotisations définies.
44. A supposer que les systèmes de pension ne prennent en compte
que sporadiquement ou progressivement ces recommandations, des mesures
temporaires de substitution pourraient être mises en place telles
que la prise en charge des frais irréductibles afférant aux minimums
vitaux, tels que la gratuité de l’électricité et des transports
en commun ou l’allocation d’une contribution alimentaire. Ces mesures
pourraient aussi faire l’objet de mesures supplémentaires à la retraite
minimale.
45. Quant aux pensions privées, elles creusent les inégalités
entre les sexes et une sérieuse refonte des systèmes majoritairement
privés s’imposerait. L’option pour atténuer les effets néfastes
sur les femmes serait que des ajustements soient opérés sur les
cotisations et les pensions.
46. Des mesures d’ajustement sont nécessaires pour tenir compte
de la vie des femmes, tels que l’octroi de crédits suffisants pour
la garde des enfants et des personnes dépendantes
.
4.3. Des mesures supplémentaires
relatives à l’équilibre des pensions
47. En outre, le partage des tâches ménagères et de garde
des enfants semble être un bon vecteur d’égalité entre les femmes
et les hommes et permettre une meilleure coresponsabilité tendant
au développement individuel, y compris sur le plan professionnel
de chacun. Il est clair qu’à ce niveau, une sensibilisation adéquate
doit précéder au changement culturel et des mentalités, comme cela
avait été montré dans le rapport de l’ancien président de la commission
sur «Impliquer les hommes pour réussir l’égalité entre les femmes
et les hommes»
.
48. Enfin, des services de garde des enfants et des personnes
dépendantes, abordables et de qualité, sont nécessaires à l’émancipation
personnelle de chacun, en particulier des femmes qui bien souvent
assument seules la garde et le bien-être des enfants et des personnes
âgées.
49. Pour permettre aux femmes d’acquérir le nombre d’années de
cotisation nécessaires, si cela n’est pas résolu par ailleurs, il
devrait être fait interdiction aux employeurs d’exiger le départ
à la retraite à 60 ou 65 ans. Quoi qu’il en soit, même si l’augmentation
de l’âge de la pension permet aux femmes d’augmenter le nombre d’années
de travail, cela ne servira à rien si en même temps le nombre d’années
de travail requises augmente aussi. Souvent aussi, les femmes de
50-60 ans s’occupent des parents et petits-enfants. Il n’est donc
pas sûr que les employeurs leur offrent des possibilités de travail
décentes. En tout état de cause, si elles y sont autorisées, rien
n’empêcherait les femmes de travailler après l’âge légal de départ
à la retraite
.
4.4. La question particulière de
l’impact de la crise
50. La crise économique actuelle détériore les perspectives
d’égalité entre les femmes et les hommes en matière de pensions
.
51. La crise économique et financière a interrompu ou repoussé
la mise en place de stratégies globales destinées à assurer la viabilité
des régimes de pension et des finances publiques dans leur ensemble, conformément
à la stratégie à trois branches définie dans le cadre des grandes
orientations des politiques économiques de l’Union européenne, de
même que la consolidation budgétaire et la réforme des systèmes
de pension. Dans de nombreux pays, de forts taux d’endettement et
la charge d’intérêts que cela entraîne entravent encore la consolidation
budgétaire des systèmes de pension. On peut en outre s’attendre
à d’importantes augmentations des dépenses consacrées aux pensions
publiques et à l’apparition de déséquilibres financiers. Il faut
donc poursuivre les réformes des systèmes actuels, particulièrement
dans les Etats membres qui n’ont pas encore assuré la viabilité
à long terme des régimes de pension.
52. Il est nécessaire de continuer à constituer des fonds de réserve
dans les régimes de pension publics afin d’éviter de fortes augmentations
des taux de cotisation, d’améliorer encore les conditions liées
aux formules individuelles complémentaires et aux financements privés,
réduisant ainsi la nécessité d’accroître les dépenses publiques,
d’évaluer les effets positifs et négatifs de réformes radicales
du système, comme la transformation des régimes de pension publics
en des systèmes reposant sur l’épargne privée (généralisation de
la formule de l’«opt-out» en Slovaquie, Pologne, Hongrie, etc.)
– ce qui, compte tenu des disparités entre les rémunérations des
femmes et des hommes, confirme le prolongement de ces disparités
dans les pensions également – ou en des systèmes à cotisations fictives
définies (Suède, Pologne, etc.) dans le but de stabiliser les taux
de contribution au fil des générations et de renforcer les incitations
au travail, concourant également ainsi à avancer vers l’objectif
de relèvement des taux d’emploi.
53. Les mesures de réforme prises pour améliorer la viabilité
financière dans les Etats membres du Conseil de l’Europe se sont
traduites, dans l’immense majorité des cas, par une réduction des
prestations et des droits à pension des salariés, femmes et hommes.
Au nombre de ces mesures figurent l’élévation de l’âge d’éligibilité pour
les pensions (dans les pays d’Europe centrale et orientale cela
a entraîné la suppression de la différence d’âge d’éligibilité entre
hommes et femmes, jusqu’à présent favorable aux femmes), l’augmentation
de l’offre de travailleurs âgés sur le marché du travail, des modifications
de la méthode de calcul des rémunérations considérées aux fins de
la pension, le passage de l’indexation sur les salaires à l’indexation
sur les prix et l’évolution, comme indiqué plus haut, des régimes
à prestations définies vers des régimes à cotisations définies,
afin de protéger le promoteur du plan de retraite contre le risque
de longévité et le risque d’investissement. La plupart de ces mesures
ont des effets plus négatifs pour les femmes que pour les hommes.
54. En conclusion, la rapporteuse propose de demander que: 1.
les politiques de retraite soient fondées sur une plus grande solidarité
entre les femmes et les hommes, à l’aide de mesures positives en
faveur des femmes; 2. la révision ou l’élaboration de lois sur la
retraite qui non seulement interdisent la discrimination, mais prévoient
aussi explicitement l’obligation de prévenir la discrimination et
de promouvoir l’égalité, à l’aide de mesures tenant compte de la
vie des femmes; 3. la prise en compte des questions d’égalité entre
les femmes et les hommes pendant les discussions sur les réformes
des pensions; et 4. le fait que la mise en œuvre de ces lois soit
assortie de mécanismes de contrôle efficaces.
55. La rapporteuse se réfère aux avant-projets de résolution et
de recommandation ci-avant et propose de soumettre ce rapport à
l’Assemblée lors de la troisième partie de session (21-25 juin 2010).