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Rapport | Doc. 12439 | 29 novembre 2010

Préserver l’environnement en Méditerranée

Commission de l'environnement, de l'agriculture et des questions territoriales

Rapporteur : M. Joseph FALZON, Malte, PPE/DC

Origine - Renvoi en commission: Doc. 11586, Renvoi 3452 du 23 juin 2008. 2011 - Première partie de session

Résumé

Malgré différentes initiatives politiques au niveau international, la Méditerranée reste confrontée à de graves problèmes environnementaux, qui résultent à la fois du changement climatique et de facteurs tels que l’agriculture intensive, la surpêche, l’urbanisation galopante du littoral, le manque de contrôle sur l’élimination des déchets et l’évacuation des eaux usées, et l’augmentation du commerce et du transport maritimes.

Les Etats membres du Conseil de l’Europe et tous les pays du Bassin méditerranéen doivent améliorer, appliquer et faire respecter la législation environnementale nationale et internationale, fonder leurs politiques sur une approche écosystémique et intégrer cette dernière à tous les secteurs concernés. Ce processus nécessite une volonté politique forte, un financement adapté, des capacités institutionnelles et un transfert de technologie et de compétences.

En conséquence, la coopération internationale doit être renforcée, fondée sur une plus grande solidarité et un meilleur équilibre politique entre les pays du nord de la Méditerranée et ceux du sud. Le Conseil de l’Europe est appelé à jouer un rôle actif dans ce processus, y compris par une coopération accrue au niveau parlementaire avec l’Assemblée parlementaire euro-méditerranéenne et l’Assemblée parlementaire de la Méditerranée.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté à l’unanimité par la commission le 17 septembre
2010.

(open)
1. L’Assemblée parlementaire déplore que, malgré les diverses initiatives prises à l’échelon international, la Méditerranée continue à subir des atteintes très graves à son environnement, résultant tant des effets du changement climatique que de facteurs tels que la surpêche, l’urbanisation galopante des zones côtières, le manque de contrôle quant à l’évacuation des déchets et des eaux usées, la destruction des habitats sensibles et le développement du transport maritime.
2. D’autre part, si la croissance rapide que la région a connue ces dernières décennies a eu des effets positifs sur le niveau de vie de la population locale, elle s’est malheureusement largement faite aux dépens de l’équilibre environnemental.
3. En effet, selon certains rapports scientifiques, l’état de la biodiversité est de plus en plus menacé et certaines espèces vulnérables sont déjà en voie d’extinction.
4. Le changement climatique a des répercussions sur les ressources en eau en raison d’une plus forte évaporation et de la baisse des précipitations. L’eau va constituer ainsi un enjeu majeur, qu’il soit d’ordre politique ou économique, pouvant, très souvent, entraîner des conflits dans la région méditerranéenne.
5. Dans ce contexte, l’Assemblée rappelle ses Résolution 1197 (1999) sur la paix, la stabilité démocratique et le développement durable dans les bassins de la Méditerranée et de la mer Noire, rôle de la coopération interparlementaire, Recommandation 1630 (2003) sur l’érosion du littoral de la mer Méditerranée: conséquences pour le tourisme et Résolution 1693 (2009) sur l’eau: un enjeu stratégique pour le Bassin méditerranéen.
6. L’Assemblée souhaite également mentionner la Convention relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l’Europe (STE no 104) («Convention de Berne»), qui a pour objet d’assurer la conservation de la flore et de la faune sauvages et de leurs habitats naturels et de promouvoir la coopération européenne dans ce domaine, la Convention de Barcelone de 1976 pour la protection de la mer Méditerranée contre la pollution, visant à réduire la pollution dans la région méditerranéenne et de protéger et améliorer le milieu marin dans cette zone en vue de contribuer à son développement durable, et l’Accord européen et méditerranéen sur les risques majeurs, qui constitue une plate-forme de coopération entre les pays d’Europe et ceux du sud de la Méditerranée dans le domaine des risques naturels et technologiques majeurs.
7. L’Assemblée rappelle également les traités internationaux existants et notamment le Plan d’action pour la Méditerranée du Programme des Nations Unies pour l’environnement et le Programme environnemental d’assistance technique pour la Méditerranée.
8. Dans ce contexte, l’Assemblée salue les initiatives prises par certains Etats de mettre en place des plans d’action nationaux pour l’environnement et encourage les pays qui ne l’ont pas encore fait à suivre cet exemple.
9. L’Assemblée salue les actions menées par certains pays du Sud, et en particulier le Maroc, dans le domaine du développement durable qui ont pris des mesures visant à préserver les ressources halieutiques et l’environnement marin et à développer des énergies renouvelables et encourage tous les pays sud-méditerranéens à prendre des mesures similaires.
10. L’Assemblée se félicite de la coopération constructive avec l’Assemblée parlementaire de la Méditerranée sur des sujets d’intérêt commun tels que la protection de l’environnement, la gestion des catastrophes et le rôle des collectivités territoriales et souligne à cet égard le rôle majeur joué par le Conseil de l’Europe dans la région méditerranéenne.
11. L’Assemblée constate et regrette que depuis sa création en 2008 et à la suite d’un engagement insuffisant de la part de l’Union européenne, l’Union pour la Méditerranée, qui englobe l’ensemble des Etats membres de l’Union européenne et des pays riverains de la Méditerranée, n’a pas encore produit les résultats escomptés et ce malgré les différents projets qui avaient été définis.
12. L’Assemblée déplore le peu de solidarité de la part des pays du Nord envers les pays du Sud. Cela est d’autant plus regrettable que les pays du Nord ont contribué très largement à la dégradation de l’environnement dans les pays du Sud du fait, notamment, de l’intensification du tourisme dans la région méditerranéenne ou par l’exploitation agricole intensive des terres sur le pourtour méditerranéen au bénéfice des marchés du Nord.
13. L’Assemblée rappelle également que la Méditerranée connaît une très grande fréquentation maritime et que la plupart des navires transportent des cargaisons dont la perte peut entraîner de graves dégradations de l’environnement.
14. Compte tenu de ce qui précède, l’Assemblée demande aux Etats membres et notamment aux Etats méditerranéens non membres:
14.1. de mettre en œuvre des politiques strictes visant à prévenir et à atténuer la dégradation de l’environnement dans la Méditerranée;
14.2. de renforcer et de faire appliquer la législation environnementale tant nationale qu’internationale;
14.3. de prendre des mesures visant à une gestion durable des ressources hydriques;
14.4. d’engager les ressources financières appropriées et de renforcer les capacités institutionnelles ainsi que le transfert de technologie et de savoir-faire pour traiter les problèmes environnementaux du Bassin méditerranéen;
14.5. d’entreprendre des actions conjointes, au niveau parlementaire, avec l’Assemblée parlementaire de la Méditerranée et l’Assemblée parlementaire euro-méditerranéenne en vue de mieux préserver l’environnement méditerranéen;
14.6. d’œuvrer en étroite coopération avec l’Union pour la Méditerranée pour rendre plus efficaces ses activités dans le domaine de la protection de l’environnement et pallier le manque de volonté politique de la part de certains Etats;
14.7. de mettre en place des politiques structurelles et, dans la mesure du possible, d’aider financièrement les villes et les régions méditerranéennes à moderniser leurs installations portuaires et leurs systèmes d’évacuation, de traitement et de recyclage des eaux usées;
14.8. de multiplier les contrôles de l’industrie halieutique et d’aider à la reconstitution des stocks de poisson;
14.9. de promouvoir un tourisme durable et sain, soucieux du patrimoine naturel et d’encourager, à cet égard, la mise en place d’un système de taxes au bénéfice des pays de destination touristique;
14.10. d’encourager l’exploitation accrue et durable des sources d’énergie renouvelable sur le pourtour méditerranéen et de soutenir les efforts déjà déployés par certains pays en vue de renforcer leur efficience énergétique;
14.11. de renforcer la coopération et l’intégration dans le domaine de la surveillance maritime afin d’améliorer la lutte contre la pollution par les hydrocarbures et d’appliquer le principe du pollueur-payeur;
14.12. d’encourager la coopération transfrontalière;
14.13. d’adopter une approche écosystémique intégrée de la protection de l’environnement méditerranéen et de lutter contre la pollution liée à l’urbanisme, à l’agriculture et à l’industrie;
14.14. de prendre des mesures pour améliorer la qualité des rapports semestriels, notamment en ce qui concerne les comparaisons entre les Parties à la Convention de Barcelone;
14.15. de signer et ratifier, s’ils ne l’ont pas déjà fait, les instruments juridiques internationaux relevant à la coopération dans le domaine du développement durable du Bassin méditerranéen, dont certains ont été énumérés ci-dessus;
14.16. de faire des efforts pour mettre en place des zones protégées et soutenir l’agriculture durable, conformément à l’esprit de la Convention de Berne.
15. L’Assemblée invite également le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux:
15.1. à soutenir les efforts déployés par les collectivités territoriales du pourtour méditerranéen ainsi que les pays dont les fleuves se jettent dans la Méditerranée pour gérer l’environnement conformément aux principes du développement durable et promouvoir le régime méditerranéen;
15.2. à demander aux collectivités territoriales concernées de promouvoir les activités de l’Agenda 21;
15.3. à promouvoir la signature d’accords environnementaux et de jumelage entre les collectivités locales concernées et à demander obligatoirement, pour tous les projets régionaux, des études sur leur impact sur l’environnement;
15.4. à initier des programmes de coopération pour favoriser le développement durable aux niveaux régional et local, en utilisant les plates-formes déjà existantes, comme l’Assemblée parlementaire de la Méditerranée.

B. Exposé des motifs, par M. Falzon, rapporteur

(open)

1. Introduction

1. Berceau de cultures, de civilisations et des trois principales religions monothéistes, la Méditerranée a été et reste un carrefour d’échanges culturels, humains et économiques, un pont entre des civilisations et entre trois continents. Cependant, la stabilité politique et la subsistance socio-économique d’une population en augmentation rapide dépendent fortement des rares ressources naturelles locales et de la viabilité d’un environnement naturel méditerranéen extrêmement riche et diversifié, mais aussi extrêmement vulnérable.
2. Le présent rapport vise à présenter des propositions concrètes afin de consolider la coopération politique dans le domaine du développement durable. Il tient compte des précédents travaux de l’Assemblée parlementaire qui présentent un intérêt pour la région méditerranéenne, et qui ont conduit à l’adoption de textes comme, par exemple: la Résolution 1197 (1999) sur la paix, la stabilité démocratique et le développement durable dans les bassins de la Méditerranée et de la mer Noire: rôle de la coopération interparlementaire; la Recommandation 1558 (2002) sur la pêche dans les mers semi-fermées d’Europe; la Recommandation 1630 (2003) sur l’érosion du littoral de la mer Méditerranée: conséquences pour le tourisme; la Résolution 1556 (2007) sur la politique agricole et rurale euro-méditerranéenne; la Résolution 1693 (2009) sur l’eau: un enjeu stratégique pour le Bassin méditerranéen; la Résolution 1731 (2010) et la Recommandation 1919 (2010) «Euro-Méditerranée: pour une stratégie du Conseil de l’Europe».
3. Les travaux en cours de la commission de l’environnement, de l’agriculture et des questions territoriales sur le changement climatique, la biodiversité, l’évaluation des progrès de la mise en œuvre de la Convention de Berne, la gestion de l’eau, le secteur de l’énergie, la pêche, la réforme agricole, la sylviculture, la prévention des catastrophes naturelles et la crédibilité des études sur l’environnement apportent des éléments complémentaires au rapport.
4. Au niveau mondial, 2010, Année internationale de la biodiversité, est une étape importante pour jeter les bases d’un avenir caractérisé par de faibles émissions de CO2, grâce au consensus des Parties à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques. A la suite des résultats mitigés des négociations à haut niveau menées à Copenhague (COP-15) en décembre 2009, il sera essentiel de prendre des engagements politiques et économiques fermes pour limiter les effets des changements climatiques, empêcher un réchauffement supérieur aux 2°C envisagés et remédier aux effets de la dégradation de l’environnement sur notre planète. Les menaces croissantes qui pèsent sur les écosystèmes fragiles, comme ceux de la région méditerranéenne, sont des exemples éloquents qui devraient inspirer l’action politique.

2. Vulnérabilité de l’environnement méditerranéen

2.1. Caractéristiques du Bassin méditerranéen

5. La Méditerranée, qui est la plus vaste mer semi-fermée d’Europe, se caractérise par une zone littorale et un plateau continental étroits, et par un bassin versant de petite taille, en particulier dans sa partie nord. Le canal de Sicile, qui sépare le bassin ouest du bassin est, marque une frontière géographique et hydrologique entre ces deux bassins.
6. La Méditerranée s’étend sur 2 500 000 km2, avec une profondeur moyenne de 1 500 m – le point le plus profond se situant à 5 000 m en mer Ionienne, entre la partie inférieure de la «botte» italienne et la Grèce. Elle est reliée à l’océan Atlantique par le détroit de Gibraltar, à la mer Rouge et à l’océan Indien par le canal de Suez, et à la mer Noire par les Dardanelles et la mer de Marmara. Ses principales mers intérieures sont les mers Adriatique, Egée, Ionienne et Tyrrhénienne.
7. La Méditerranée se caractérise par des températures élevées (minimum annuel de 12°C qui peut atteindre 25°C en été), ce qui induit des taux métaboliques élevés. Il s’agit de la plus salée de mers européennes. L’évaporation étant plus importante que les précipitations et les eaux de ruissellement, le déficit d’eau douce se situe autour de 2 500 km3 par an. La Méditerranée est soumise à des micromarées d’une amplitude de moins de 50 cm, qui réduit le potentiel de dilution et de dispersion des déchets solubles et sous forme de particules.
8. Pauvre en nutriments (milieu oligotrophique), cette mer a une production primaire et une biomasse de phytoplancton faibles. La production primaire en mer ouverte est limitée en phosphore, à la différence de la plupart des océans de la planète, qui sont généralement limités en azote. L’eau est donc particulièrement transparente et permet une pénétration profonde de la lumière dans la colonne d’eau, donc une photosynthèse à de grandes profondeurs.
9. La diversité biologique de la Méditerranée est très riche. Sa faune et sa flore font partie des plus variées du monde, en particulier dans les zones côtières, avec un taux élevé d’espèces endémiques (28 %). Cette mer abrite un large éventail de vie marine sur fond d’abondantes prairies sous-marines, de monts sous-marins et de fosses pouvant atteindre des profondeurs de 5 000 m. La Méditerranée représente moins de 1 % des mers de la planète alors qu’elle abrite près de 9 % de l’ensemble de la vie marine, avec plus de 10 000 espèces identifiées à ce jour. La diversité des mammifères est particulièrement riche le long de la côte africaine et entre la France et l’Italie, dans des zones où s’élèvent les eaux fraîches qui amènent des nutriments vitaux à la surface.

2.2. Effets du changement climatique en Méditerranée et prévisions en la matière

10. La région méditerranéenne est connue pour son climat particulièrement doux, aux températures constantes et modérées. La répartition des précipitations est plus imprévisible: elles peuvent atteindre 1 200 mm par an à Gênes (Italie) ou seulement 100 mm par an à Djerba (Tunisie).
11. Les statistiques disponibles révèlent une hausse des températures de près de 2°C depuis 1970 dans la région sud-ouest de l’Europe (Espagne et sud de la France). En Afrique du Nord, les températures sont aussi en hausse, mais on ne dispose pas de données exhaustives pour quantifier ce changement. Les précipitations ont chuté de 20 % dans plusieurs régions d’Europe du Sud.
12. Les scientifiques prévoient une hausse de la température de l’air de 2,2 à 5,1°C en Europe du Sud d’ici à la fin du XXIe siècle par rapport à la fin du XXe siècle, en plus d’une chute brutale des précipitations (jusqu’à 27 %) et de changements dans la répartition des précipitations, qui risquent d’accroître la fréquence des épisodes de sécheresse et une élévation possible du niveau des eaux de 35 cm, selon une étude du Plan d’action pour la Méditerranée du Programme des Nations Unies pour l’environnement de 2009.
13. Le changement climatique en Méditerranée aura des répercussions sur les ressources en eau en raison d’une plus forte évaporation et d’une baisse des précipitations. L’eau va donc devenir un enjeu majeur, que ce soit d’ordre politique ou économique, dans la région méditerranéenne. Le changement climatique influera également sur la biodiversité en raison de la prolifération de certaines espèces, de l’extinction d’espèces vulnérables au changement climatique et de l’apparition de nouvelles espèces. Le réchauffement des eaux profondes, les inondations à répétition des basses terres côtières et l’accélération de l’érosion des falaises et des plages modifieront inéluctablement les habitats naturels. Les sols ne seront pas épargnés par la désertification accélérée. En outre, l’on assiste à une accélération de la déforestation, à la suite de la multiplication des feux des forêts et à une présence accrue de parasites.
14. Les effets du changement climatique se feront ainsi sentir sur l’agriculture, la pêche, le tourisme, la santé publique, les infrastructures et les zones côtières, entraînant ainsi des répercussions importantes sur la vie économique et politique.

3. Croissance démographique, activité humaine et environnement

15. Le littoral méditerranéen s’étend sur 46 000 km et parcourt 22 pays. Plus de 400 millions de personnes réparties dans ces 22 pays vivent dans le Bassin méditerranéen, dont 143 millions sur la côte. La région attire chaque année environ 175 millions de visiteurs. La population des pays méditerranéens devrait atteindre 520 à 570 millions d’habitants d’ici à 2030. Il apparaît donc indispensable de préserver l’environnement de la Méditerranée pour assurer le bien-être de toutes ces personnes.
16. La diversité géopolitique, culturelle, religieuse, sociale et économique dans le Bassin méditerranéen est aussi source d’instabilité politique, de tensions et de conflits, latents ou ouverts, ce qui nuit souvent à la coopération, avec des conséquences importantes sur l’environnement.
17. La Méditerranée est une région de déséquilibres économiques majeurs. Selon les indicateurs de développement, le revenu moyen (PIB) par habitant dans les pays du sud et de l’est de la Méditerranée est environ 4,5 fois plus faible que le revenu moyen dans les sept pays de l’Union européenne 
			(2) 
			Données de la Banque
mondiale, World Development Indicators (WDI)., ce qui représente plus de 74 % du PIB méditerranéen. Les taux de croissance du PIB dans les pays du Sud et de l’Est sont beaucoup plus élevés que ceux enregistrés pour les pays méditerranéens de l’Union européenne, mais jugés faibles par rapport à la croissance démographique, qui demeure très élevée.
18. La démographie galopante sur le littoral sud et est de la Méditerranée constitue une menace pour un développement économique durable de ces pays et est annonciatrice de flux migratoires pour des populations à la recherche d’emplois et d’une vie meilleure ailleurs. Dans les années 1950, deux tiers de la population du Bassin méditerranéen vivaient sur le littoral nord, de l’Espagne à la Grèce, et le tiers restant sur le littoral est et sud, de la Turquie au Maroc. En raison des tendances démographiques divergentes du littoral nord et du littoral sud, ces deux zones ont atteint des niveaux comparables et, d’ici à 2025, il est prévu que le rapport s’inverse – un tiers de la population vivra dans la partie européenne de la Méditerranée et deux tiers vivront dans les parties africaine et asiatique avec un pourcentage élevé de jeunes, qui ne fera qu’aggraver les problèmes de chômage et augmenter les pressions migratoires. Tout porte à croire que d’ici à 2025, 45 % de la population aura moins de 15 ans dans les parties sud et est contre 24 % au nord. En outre, la rapide croissance démographique de la région se produit au détriment d’un équilibre environnemental essentiel au bien-être des êtres humains et risque ainsi d’exacerber les disparités socio-économiques.
19. A tout cela s’ajoute le tourisme, qui ne fait qu’amplifier davantage les pressions démographiques: quelque 175 millions de touristes se rendent dans la région chaque année, et ce chiffre devrait passer de 230 à 300 millions de visiteurs par an dans les vingt prochaines années. La croissance démographique, l’urbanisation et l’industrialisation extensives, la croissance du tourisme, la pêche et les pratiques agricoles intensives augmentent les pressions sur les ressources naturelles (eau, sol, écosystèmes marin et terrestre et diversité biologique). Toutes les activités humaines menacent la viabilité de l’écosystème méditerranéen et dégradent l’environnement.

3.1. Agriculture

20. Les pratiques agricoles traditionnelles en Méditerranée (aridoculture) dépendent essentiellement des précipitations, donc des ressources naturelles. Les céréales, légumes et agrumes comptent pour 85 % dans la production agricole méditerranéenne. A l’inverse, les accroissements de productivité sont plus élevés dans les zones irriguées, dont la surface a doublé en quarante ans, pour dépasser 26 millions ha en 2005, ce qui représente 20 % des terres cultivées. Alors que la production totale a fait des progrès spectaculaires ces quarante dernières années, les facteurs sociaux, environnementaux et climatiques sont venus compromettre la durabilité des modèles de production intensive axés sur l’exportation.
21. Les pratiques agricoles tendent à évoluer dans la région méditerranéenne vers la spécialisation (monoculture) et la production intensive basée sur l’utilisation d’engrais et de pesticides pour optimiser la production.
22. La plupart des pays méditerranéens perdent des terres arables depuis plus de vingt ans. Dans le cas de pays comme l’Egypte, par exemple, le gain de terres sur le désert «masque» la perte d’anciennes terres arables due à la progression rapide de l’urbanisation, de la désertification et de la salinisation.

3.2. Pêche

23. L’abondance et la répartition du poisson et d’autres ressources marines vivantes (crustacés, mollusques, oursins, coraux) varient nettement selon la profondeur. La majeure partie de la production biologique se concentre néanmoins sur le plateau continental, qui s’étend de la côte jusqu’à une profondeur de 250 m et constitue l’habitat privilégié d’espèces ayant une valeur marchande et économique. L’étroitesse relative du plateau limite le potentiel de pêche.
24. Les stocks de poisson ont baissé à des niveaux alarmants et, selon l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture, un grand nombre de pêcheries est menacé. Cela résulte notamment d’une pêche irresponsable et quasi incontrôlée, comme en témoigne la chute de 25 % des captures qui a fait suite à l’insuffisance de régénération et de reproduction de certaines espèces.
25. L’aquaculture s’est également développée depuis les années 1990, en particulier l’élevage de poissons de mer, comme le bar ou la dorade, et l’«engraissage» du thon, sans que l’on ait étudié au préalable son impact sur l’environnement.

3.3. Croissance urbaine

26. La concentration de la population sur le littoral est responsable de constructions diverses qui modifient le front de mer. Si le littoral est source d’emploi dans les secteurs industriel, touristique et commercial, l’exode rural et la migration interurbaine créent aussi des besoins importants en matière de logement et entraînent une croissance rapide des villes côtières. Sur le pourtour méditerranéen, deux habitants sur trois vivent aujourd’hui en zone urbaine. Dans les pays du sud et de l’est de la Méditerranée, la croissance démographique accélère le rythme de la croissance urbaine, qui concerne plus de 150 millions de citadins. De plus, l’urbanisation est souvent liée à un système de logement «informel» dynamique, avec des conditions difficiles d’accès à l’eau, aux installations sanitaires et à d’autres services urbains de base.
27. Le déversement des eaux usées des villes côtières est l’une des grandes sources de pollution de la côte méditerranéenne. Ses répercussions sur l’environnement côtier marin affectent directement ou indirectement la santé des êtres humains, la stabilité de l’écosystème marin et l’économie de la zone côtière par son impact sur le tourisme et la pêche. Il est fréquent que les citadins ne soient pas tous reliés au système d’égouts, d’où le rejet direct d’eaux usées non traitées dans la mer.
28. Dans bon nombre de pays méditerranéens, les déchets solides sont évacués dans des décharges avec peu ou pas de traitement préalable. Ces décharges sauvages se situent souvent aux abords des villes ou littéralement sur le front de mer. Dans de nombreux cas, aucune mesure n’est prise pour contrôler et traiter les jus de décharge (lixiviats), qui polluent les eaux souterraines et l’environnement marin côtier aux polluants organiques et aux métaux lourds.
29. Les détritus marins que l’on retrouve dans la mer et sur le littoral proviennent essentiellement des centres urbains côtiers. Ces déchets sont générés par l’élimination directe des déchets domestiques et des infrastructures touristiques, des rejets des décharges, des rivières et du trafic maritime.
30. L’expansion incontrôlée des villes méditerranéennes associée à l’utilisation excessive de terrains, aux pressions sur les ressources hydriques, à la pollution des aquifères, à l’insuffisance de traitement des déchets et à la dégradation des sites du patrimoine culturel entraîne un effet cumulatif sur l’environnement et la santé publique. L’urbanisme stratégique et les investissements dans les infrastructures seront un défi majeur pour l’avenir.

3.4. Tourisme

31. Le tourisme est une activité économique vitale sur tout le pourtour méditerranéen: la région attire en effet 30 % de la totalité du tourisme international. Source d’emploi, générateur de devises et facteur contribuant largement au développement économique national, le tourisme nécessite cependant, pour être durable, une répartition plus équitable des richesses qu’il produit et des investissements stratégiques visant à réduire au minimum ses conséquences sur l’environnement.
32. La concentration spatiale et saisonnière des activités du tourisme amplifie fortement leur impact sur l’environnement, exerce des pressions sur les ressources hydriques et sur les environnements naturels (constructions sur le littoral) et augmente la production de déchets. Le transport lié au tourisme a aussi des répercussions majeures sur l’environnement, en particulier la croissance rapide du transport aérien (jusqu’à 40 %) et routier (52 %); les déplacements ferroviaires et maritimes demeurent extrêmement faibles en comparaison. Le développement du tourisme maritime pousse cependant à la construction de ports et de marinas, qui nécessitent de vastes surfaces et constituent une menace pour les habitats naturels, notamment dans les zones spéciales de conservation de la nature.
33. Le tourisme durable nécessite une diversification de l’offre tout au long de l’année par le développement de l’écotourisme et du tourisme culturel, urbain et rural, en vue d’optimiser le potentiel touristique méditerranéen en dehors de la saison estivale et de réduire au minimum ses impacts sur l’environnement.
34. Il serait souhaitable qu’un système de taxes touristiques soit généralisé sur le pourtour méditerranéen, dont le montant serait bénéfique à tous les pays à vocation touristique.

3.5. Trafic maritime

35. Les voies maritimes les plus fréquentées se trouvent en Méditerranée. On estime que quelque 220 000 navires marchands de plus de 10 tonnes traversent la Méditerranée chaque année, soit environ un tiers du commerce maritime mondial. Ces navires transportent souvent des cargaisons dangereuses dont la perte peut causer de graves dommages environnementaux.
36. Les accidents laissent la plupart du temps une marque indélébile sur l’environnement naturel. En outre, chaque année environ 370 millions de tonnes de pétrole sont transportés en Méditerranée (soit 20 % du total mondial) et les déversements accidentels de pétrole sont fréquents, ce qui peut entraîner à tout moment une marée noire en Méditerranée. Même si des conventions internationales, en particulier la Convention internationale pour la prévention de la pollution par les navires, interdisent certains types de déversements en mer, le manque d’infrastructures portuaires pour recevoir les déchets produits en mer reste une source de préoccupation.
37. Il s’avère aujourd’hui nécessaire que la coopération et l’intégration dans le domaine de la surveillance maritime soient intensifiées, pour réduire au minimum les risques de pollution par les hydrocarbures.
38. Dans ce sens, il conviendrait de définir le champ de la responsabilité pénale en cas d’infraction au détriment de l’environnement et d’imposer de lourdes sanctions pénales aux pollueurs.

3.6. Production industrielle et commerce international

39. Les améliorations environnementales quantitatives des processus de production industrielle sont rattrapées par une forte croissance de la demande due à un volume plus important de consommation et du commerce international. Cela entraîne une augmentation des flux de matières premières, d’énergie et de produits. En région méditerranéenne, les volumes d’échanges commerciaux sont amplifiés. Cette tendance devrait se poursuivre avec la mise en place progressive de la zone de libre-échange euro-méditerranéenne. La croissance correspondante dans les transports et les flux commerciaux aura inévitablement comme effets secondaires une consommation accrue et une diminution des ressources.

3.7. Consommation d’énergie

40. Avec ses 400 millions d’habitants, le Bassin méditerranéen représente 10,2 % de la consommation d’énergie mondiale et 8,2 % de la consommation d’énergie primaire, largement dominée par les combustibles fossiles (80 % contre seulement 6 % pour les énergies renouvelables) et responsable de 8 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre en 2006.
41. La région méditerranéenne détient 5 % des réserves mondiales de pétrole et de gaz, dont 98 % se trouvent dans quatre pays du Sud. Les réserves les plus importantes de pétrole sont en Libye, avec 5 400 Mt; l’Algérie en détient 1 545 Mt, l’Egypte, 524 Mt, et la Syrie, 400 Mt. Avec les niveaux actuels de production, la durée de vie de ces réserves est d’environ trente ans pour le pétrole et de cinquante ans pour le gaz. Ces quatre pays disposent d’une infrastructure adaptée à la production de pétrole et de gaz et à l’exportation d’hydrocarbures, principalement vers l’Europe.
42. Les réserves de charbon, concentrées en Grèce et en Turquie, sont d’environ 9 milliards de tonnes pour l’ensemble de la région.
43. Pour ce qui est des énergies renouvelables, la Méditerranée bénéficie d’un fort potentiel sous-exploité, en particulier solaire et éolien. La part du bouquet d’énergies renouvelables reste modeste, avec seulement 6 % de la fourniture d’énergie primaire.

4. Les initiatives menées au niveau international

44. Au fil des ans, la dégradation de l’environnement en Méditerranée a sensibilisé de plus en plus le public, qui a attiré l’attention des politiciens en leur demandant de prendre des mesures visant à assurer la stabilité et la durabilité socio-économiques de la région.

4.1. Coopération politique

45. Dans les années 1990, l’Union européenne a commencé à concevoir activement une politique conjointe structurée pour la région méditerranéenne avec le lancement d’un partenariat euro-méditerranéen connu sous le nom de «processus de Barcelone» (et par la suite sous l’abréviation PAM). Son but était d’encourager la paix et la stabilité dans la région par l’établissement d’un dialogue politique basé sur le respect de valeurs partagées, telles que la démocratie et l’Etat de droit. Ce partenariat était axé sur trois domaines d’activité: un dialogue lié à la politique et à la sécurité; un partenariat économique et financier; et l’établissement progressif d’une zone de libre-échange et d’un partenariat social, culturel et humain visant à favoriser la compréhension mutuelle et les contacts entre les organisations de la société civile. En 2003, à la veille de son élargissement, l’Union européenne a mis au point une politique européenne de voisinage incluant les pays méditerranéens et d’Europe de l’Est.
46. Malheureusement, les résultats du processus de Barcelone et de la politique européenne de voisinage n’ont pas répondu aux attentes. En 2008, sous la présidence française de l’Union européenne, M. Sarkozy a lancé l’initiative de mettre en place l’Union pour la Méditerranée, composée des 27 Etats membres de l’Union européenne et de 16 pays partenaires du sud et de l’est de la Méditerranée, dans le but de donner un nouveau souffle au partenariat euro-méditerranéen. Tout en conservant l’acquis du processus de Barcelone, l’Union pour la Méditerranée vise à offrir une gouvernance plus équilibrée et une meilleure visibilité à ses citoyens, ainsi qu’un engagement à réaliser des projets concrets régionaux et transnationaux. Six projets prioritaires ont été définis, à savoir la dépollution de la mer Méditerranée, la création d’autoroutes maritimes et terrestres, le lancement d’initiatives de protection civile destinées à lutter contre les catastrophes d’origine naturelle et humaine, le développement des énergies alternatives par l’élaboration d’un plan solaire méditerranéen, l’accès aux sources de financement pour les petites et moyennes entreprises et la création d’une université euro-méditerranéenne.
47. Toutefois, malgré l’ambition affichée, les résultats concrets de l’activité de l’Union pour la Méditerranée se font encore attendre.
48. La diplomatie parlementaire revêt une importance particulière dans le Bassin méditerranéen. L’Assemblée parlementaire a collaboré avec l’Assemblée parlementaire de la Méditerranée, depuis la création de cette dernière en 2006, sur toute une série de sujets méditerranéens présentant un intérêt commun pour les deux assemblées, comme la protection de l’environnement, la gestion des catastrophes et le rôle des collectivités territoriales. En effet, 15 Etats membres du Conseil de l’Europe sont aussi membres de l’Assemblée parlementaire de la Méditerranée.
49. Il existe aussi une autre institution parlementaire qui met l’accent sur la coopération dans le Bassin méditerranéen: l’Assemblée parlementaire euro-méditerranéenne, où les 27 pays de l’Union européenne sont représentés. Cependant, au sein de cette assemblée, les 16 Etats de l’Est et du Sud se voient accorder seulement un tiers des voix – tandis qu’au sein de l’Assemblée parlementaire de la Méditerranée, qui comprend les Etats riverains de la Méditerranée (nord et sud), l’équilibre Nord-Sud respecte le principe d’égalité.
50. Il convient de souligner également l’importance de la coopération internationale au niveau local, sur des sujets précis et avec un potentiel bien plus élevé d’arriver à des résultats concrets avec des effets bénéfiques rapides sur l’environnement. Un exemple, à cet égard, est l’accord entre la France, l’Italie et Monaco relatif à la protection de l’environnement marin et côtier d’une zone de la mer Méditerranée, signé en 1976 à Monaco.

4.2. La Convention de Barcelone et ses protocoles

51. La Convention pour la protection de la mer Méditerranée a été signée à Barcelone en février 1976. Depuis son entrée en vigueur en 1978, elle a donné lieu à une série de protocoles. En 1995, elle a été revue en grande partie, pour être mise en harmonie avec les principes de la Déclaration de Rio et de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer. De la même manière, la plupart des protocoles ont subi des changements majeurs. Le système juridique actuel de Barcelone comprend les instruments suivants:
  • la Convention sur la protection du milieu marin et du littoral de la Méditerranée (en vigueur depuis 2004);
  • le Protocole relatif à la prévention et à l’élimination de la pollution de la mer Méditerranée par les opérations d’immersion effectuées par les navires et aéronefs ou d’incinération en mer (le Protocole «Immersions»), amendé en 1995 (amendements pas encore en vigueur);
  • le Protocole relatif à la coopération en matière de prévention de la pollution par les navires et, en cas de situation critique, de lutte contre la pollution de la mer Méditerranée (le Protocole «Prévention et situations critiques») (en vigueur depuis 2004);
  • le Protocole relatif à la protection de la mer Méditerranée contre la pollution provenant de sources et activités terrestres situées à terre (le Protocole «Tellurique») (entré en vigueur en 2008);
  • le Protocole relatif aux aires spécialement protégées et à la diversité biologique en Méditerranée (le Protocole «ASP et diversité biologique») (en vigueur depuis 1999);
  • le Protocole relatif à la protection de la mer Méditerranée contre la pollution résultant de l’exploration et de l’exploitation du plateau continental, du fond de la mer et de son sous-sol (le Protocole «Offshore») (adopté en 1994, pas encore en vigueur);
  • le Protocole relatif à la prévention de la pollution de la mer Méditerranée par les mouvements transfrontières de déchets dangereux et leur élimination (le Protocole «Déchets dangereux») (en vigueur depuis 2008);
  • le Protocole relatif à la gestion intégrée des zones côtières de la Méditerranée (le Protocole «GISC») (adopté en 2008, pas encore en vigueur).
52. La plupart des pays ont ratifié la Convention de Barcelone, preuve de leur bonne volonté de progresser dans ce sens. Malheureusement aucune action concrète n’a vu le jour et l’on estime que la convention n’a pas rempli ses objectifs.

4.3. Les travaux menés par le Conseil de l’Europe

53. Le Conseil de l’Europe est la seule organisation internationale rassemblant tous les acteurs du Bassin méditerranéen. Il dispose de plusieurs mécanismes dans le domaine du développement durable, qui pourraient être ouverts à la coopération avec les pays méditerranéens du Sud et de l’Est, à savoir:
  • la Convention relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l’Europe (STE no 104 («Convention de Berne»), ratifiée par le Maroc et par la Tunisie. Elle a pour objet d’assurer la conservation de la flore et de la faune sauvages et de leurs habitats naturels et de promouvoir la coopération européenne dans ce domaine;
  • la Stratégie paneuropéenne pour la diversité biologique et paysagère, mise en place en 1995 à la suite du Sommet de la Terre de Rio et de l’adoption de la Convention des Nations Unies sur la diversité biologique. Approuvée par 54 pays d’Europe, d’Europe orientale et d’Asie centrale, elle complète les travaux entrepris dans le cadre de la Convention de Berne. Son principal objectif est de trouver une réponse cohérente au déclin de la diversité biologique et paysagère en Europe et d’intégrer la conservation et la durabilité de la biodiversité dans les activités d’autres secteurs tels que l’agriculture, la sylviculture, la pêche, l’industrie, le transport et le tourisme. Les activités pourraient encore être plus larges si elles incluaient la coopération avec les pays du Bassin méditerranéen;
  • l’Accord européen et méditerranéen sur les risques majeurs, créé en 1987, en tant que plate-forme de coopération entre les pays d’Europe et ceux du sud de la Méditerranée dans le domaine des risques naturels et technologiques majeurs. Son domaine d’action englobe la connaissance des aléas, la prévention des risques, la gestion des crises ainsi que l’analyse postcrise et la réhabilitation. L’accord est «partiel», car tous les Etats membres du Conseil de l’Europe n’y ont pas adhéré, mais il est «ouvert» aux pays non membres et compte aujourd’hui parmi ses membres à part entière l’Algérie, le Liban et le Maroc;
  • la Conférence du Conseil de l’Europe des ministres responsables de l’aménagement du territoire.
54. Au niveau de l’Assemblée parlementaire, la commission de l’environnement, de l’agriculture et des questions territoriales envisage d’organiser, à la suite du 5e Forum mondial de l’eau d’Istanbul (mars 2009), une conférence visant à faire le point sur les actions concrètes menées par les Etats en ce qui concerne le droit à l’accès à l’eau et à préparer les thèmes à mettre en avant pour le 6e Forum mondial de l’eau, qui se tiendra à Marseille en 2012.
55. Le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux s’efforce également depuis longtemps de collaborer avec des partenaires des Etats non membres de la région méditerranéenne afin de promouvoir la démocratie locale et la bonne gouvernance. Il a aidé les collectivités locales de plusieurs pays du Maghreb et du Proche-Orient à se doter de structures plus modernes et plus démocratiques. Le premier de ces pays est le Maroc, où il a soutenu la création d’une association nationale des collectivités locales. Il a récemment mis en place un nouveau groupe de travail des villes et provinces de la région euro-méditerranéenne pour renforcer la démocratie locale dans ces pays et définir la stratégie du Congrès dans la région. En 2010, il a commencé à épauler les autorités marocaines dans la mise en œuvre de l’initiative de régionalisation lancée par le roi du Maroc.

4.4. Plan d’action pour la Méditerranée

56. Le Plan d’action pour la Méditerranée (PAM)a été signé en février 1975 en complément de la Convention de Barcelone. Il a pour principaux objectifs d’aider les pays méditerranéens à évaluer et à maîtriser la pollution marine, à formuler des politiques nationales en matière d’environnement, à améliorer les capacités de leurs gouvernements à mieux définir les options de rechange pour les modèles de développement et à procéder à des choix plus rationnels pour l’affectation de ressources.
57. Bien qu’à l’origine le PAM ait concentré ses efforts sur la lutte contre la pollution marine, l’expérience a vite confirmé que les tendances socio-économiques, associées à une planification et une gestion médiocres du développement, étaient la cause de la plupart des problèmes environnementaux. C’est pourquoi le PAM est progressivement passé à une planification et à une gestion intégrée des zones côtières comme moyen indispensable de recherche de solutions.
58. La Phase II du PAM, aujourd’hui connue sous le nom de «Plan d’action pour la protection du milieu marin et le développement durable des régions côtières de la Méditerranée», a été approuvée. Pour la décennie à venir, le PAM a pour priorités essentielles de réduire la pollution venant de sources situées à terre, de protéger les habitats marins et côtiers ainsi que les espèces menacées, de rendre les activités maritimes plus sûres et plus respectueuses du milieu marin méditerranéen, d’intensifier la planification intégrée des zones côtières, de surveiller de façon continue la propagation des espèces envahissantes, de limiter – et d’intervenir sans tarder lorsqu’elle se produit – la pollution aux hydrocarbures et d’encourager le développement durable dans la région méditerranéenne.

4.5. Programme d’assistance technique pour la protection de l’environnement dans la Méditerranée

59. Le Programme d’assistance technique pour la protection de l’environnement dans la Méditerranée (METAP) a été créé en 1990 au titre de partenariat entre les pays méditerranéens et les donateurs multilatéraux. A ce jour, il a attiré des investissements équivalents à 1 milliard de dollars des Etats-Unis, pour couvrir plus de 35 projets. Les objectifs du METAP consistent à renforcer la structure institutionnelle et juridique de la gestion de l’environnement, à formuler des politiques favorables à l’environnement et à prendre l’initiative de projets allant dans ce sens. Depuis 1990, le partenariat des donateurs dans le cadre du METAP s’est élargi pour inclure le Fonds pour l’environnement mondial (Global Environment Facility) de même que plusieurs programmes de l’Union européenne (l’Instrument européen de voisinage et de partenariat; Programme d’actions prioritaires à court et à moyen termes dans le domaine de l’environnement, I, II et III; LIFE Pays tiers; et Facilité euro-méditerranéenne d’investissement et de partenariat de la Banque européenne d’investissement).

4.6. Plans d’action nationaux pour l’environnement

60. Tous les pays situés au nord de la région méditerranéenne ainsi que l’Egypte, la Tunisie et la Jordanie ont adopté des plans d’action nationaux tenant compte des préoccupations environnementales et socio-économiques, des politiques et des cadres législatifs, de la gestion et des capacités institutionnelles, et des infrastructures techniques. A court terme, des ressources financières émanant du budget public annuel sont affectées aux activités mises en œuvre dans le cadre de ces plans. Des mécanismes financiers à plus long terme sont également étudiés, affectés ou développés par des plans d’action nationaux pour l’environnement en vue d’assurer la continuité des activités. Des efforts sont déployés pour associer le secteur privé, à un stade précoce, comme partenaire clé dans l’élaboration des actions proposées.

4.7. Etablissement de rapports sur l’état de l’environnement

61. Sous la coordination du Centre régional d’activité du Programme des Nations Unies pour l’environnement, le Plan d’action pour la Méditerranée établit des rapports bisannuels sur la situation de l’environnement en Méditerranée, qui décrivent les tendances majeures en matière de développement durable et/ou non durable. Ces rapports entendent servir de solide base d’analyse pour les réunions que tiennent régulièrement les Parties à la Convention de Barcelone. Les rapports antérieurs font toutefois ressortir un sérieux manque de données comparables entre les pays de la région Parties à la Convention.

5. Les problèmes continuent à peser sur les ressources et sur l’environnement naturel

5.1. Problème des ressources en eau

62. Dans la région méditerranéenne, 180 millions d’habitants ont accès à moins de 1 000 m3 d’eau par an (par habitant) et 80 millions de personnes sont confrontées à une insuffisance de ressources hydriques, avec moins de 500 m3 par an (par habitant). La demande en eau a doublé au cours des cinquante dernières années (280 km3 par an en 2007), principalement en raison des besoins agricoles (64 %). Les pertes, les fuites et le gaspillage de l’eau représenteraient 40 % de la consommation totale en eau, en particulier dans le secteur de l’agriculture.
63. Bien que les pays commencent à déployer des efforts pour limiter et réduire ces pertes, les tensions qui pèsent sur les ressources hydriques demeurent importantes, en particulier en Egypte, à Malte, en Syrie, en Libye et en Israël. Pour répondre à une demande interne croissante, les pays surexploitent de plus en plus une partie des ressources non renouvelables (16 km3 par an).
64. Compte tenu des déficits hydriques, il faut désormais redoubler d’efforts en matière de gestion de l’eau pour réduire les pertes et utiliser des méthodes d’approvisionnement non conventionnelles telles que la réutilisation des eaux usées, la désalinisation et d’autres innovations techniques pour accroître le potentiel exploitable des ressources hydriques.

5.2. Ecosystèmes marins

65. Zone sensible de diversité biologique, la Méditerranée abrite 9 % des espèces marines connues, dont 19 % menacées à la fois à l’échelon local et mondial. L’emblématique phoque moine méditerranéen figure parmi les espèces fortement menacées d’extinction, tout comme certaines espèces de poissons cartilagineux et de requins. 63 % des poissons et 60 % des mammifères cités dans le Protocole relatif aux aires spécialement protégées et à la diversité biologique sont en danger compte tenu des pressions accrues d’activités humaines (notamment de construction) et de la disparition des lagons et des prairies sous-marins, de l’érosion côtière, de la surexploitation des ressources marines par la pêche et de l’introduction d’espèces invasives.

5.3. Ecosystèmes terrestres naturels

66. Les écosystèmes terrestres naturels de la région méditerranéenne sont composés de zones forestières et de pâturages. L’usage traditionnel du bois et des pâturages, composante historique des économies locales et régionales, disparaît progressivement au nord, mais demeure essentiel au sud. Ces zones sont désormais plus largement reconnues comme des biens publics, puisqu’elles protègent les sols et préservent les ressources hydriques, contribuent à la lutte contre l’érosion et la désertification, font office de puits de carbone qui absorbent les gaz à effet de serre et aident à maintenir la diversité biologique de la faune et de la flore.
67. Malgré cela, les forêts et les zones de pâturage sont exposées à des risques accrus d’incendies dévastateurs. La fréquence des incendies augmente au nord de la Méditerranée (600 000 ha en 2007). Au sud et à l’est, elle demeure limitée mais les recrudescences sont plus fréquentes (61 000 ha au sud et 80 000 ha à l’est en 2007). La disparition progressive de la pratique de la pâture, la végétation excessive et l’augmentation de la durée et de la gravité des épisodes de sécheresse due au changement climatique multiplient les risques d’incendies.

5.4. Zones côtières

68. Les zones côtières sont l’atout le plus attrayant de la Méditerranée, la vitrine d’un patrimoine naturel, culturel et économique de longue date. Le littoral méditerranéen, qui s’étend sur environ 46 000 km, compte près de 19 000 km de littoral insulaire. Rocheux à 54 % et sédimentaire à 46 %, il se compose d’écosystèmes importants et fragiles tels que des plages, des dunes, des récifs, des lagons, des marais, des estuaires et des deltas.
69. Ces zones subissent les pressions de plus en plus fortes de la pollution terrestre, du développement urbain, de la pêche, de l’aquaculture, du tourisme, de l’extraction des matières premières, de la pollution maritime et des invasions biologiques marines. Plus de 40 % de la surface côtière en Méditerranée est aujourd’hui couverte de constructions, en raison de la rapide croissance démographique et d’un étalement linéaire des villes et des infrastructures le long de la côte. De nouvelles constructions et altérations des écosystèmes côtiers porteraient atteinte à la résistance future du littoral.

6. Conclusions

70. De nos jours, on constate peu de solidarité du Nord vers le Sud, bien que le Nord soit responsable d’un grand nombre de projets ayant eu des répercussions environnementales sur le Sud, comme, par exemple, l’intensification du tourisme dans la région méditerranéenne ou l’exploitation agricole intensive des terres sur le pourtour méditerranéen au bénéfice des marchés du Nord.
71. L’une des priorités actuelles de la gestion de l’environnement dans la région méditerranéenne doit être le renforcement de la législation nationale et internationale en la matière. Outre la mise en œuvre et l’application de la législation existante, il est urgent d’appliquer une approche intégrée axée sur les écosystèmes pour la protection de l’environnement méditerranéen et de faire face à la pollution liée au développement urbain, à l’agriculture et aux activités industrielles, de lutter contre l’exploitation non durable de la pêche et de l’aquaculture pour soulager les pressions dans les zones côtières, d’adopter des stratégies de transport plus durables, de réduire la consommation énergétique et de développer les énergies renouvelables. Ce processus exige une forte volonté politique, des ressources financières, des capacités institutionnelles, le transfert des technologies et la transmission du savoir-faire.
72. Les 15 Etats membres du Conseil de l’Europe qui font partie des 22 Etats riverains sont directement concernés par l’enjeu de la sauvegarde de l’environnement en Méditerranée. Sans avoir de statut formel dans le cadre du processus de Barcelone, le Conseil de l’Europe et son Assemblée parlementaire ont fait d’importants efforts à un niveau bilatéral pour établir un partenariat et une coopération concrète avec les pays du sud et de l’est de la Méditerranée.
73. Dans un contexte politique plus vaste, la paix et la stabilité dans la région méditerranéenne ne peuvent être assurées à long terme que sur la base de la démocratie, des droits de l’homme et de l’Etat de droit, comme l’a montré le processus d’intégration européenne en Europe centrale et orientale. Le Conseil de l’Europe a par conséquent mis son savoir au service de la Méditerranée – région géopolitique qui pose le plus de problèmes pour l’application même des principes et valeurs du Conseil de l’Europe.