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Rapport | Doc. 12494 | 25 janvier 2011

La situation au Bélarus suite à l’élection présidentielle

Commission des questions politiques et de la démocratie

Rapporteure : Mme Sinikka HURSKAINEN, Finlande, SOC

Origine - Renvoi en commission: Renvoi 3727 du 24 janvier 2011. 2011 - Première partie de session

Résumé

La violente répression de la contestation politique qui a suivi l’élection présidentielle du 19 décembre 2010 au Bélarus, et celle, ciblée, menée contre les opposants politiques, les défenseurs des droits de l’homme et les professionnels des médias et des citoyens constituent non seulement une réponse disproportionnée à l’action des protestataires mais sont également le signe d’un mépris pur et simple des valeurs fondamentales défendues par le Conseil de l’Europe.

La commission des questions politiques condamne fermement les récents événements au Bélarus et est déterminée à renforcer le dialogue avec les forces démocratiques, la société civile, les groupes d’opposition, les médias libres et les défenseurs des droits de l’homme.

Au vu du recul sérieux actuel, la commission propose que l’Assemblée parlementaire appelle son Bureau à ne pas lever la suspension du statut d’invité spécial du Parlement du Bélarus jusqu’à ce qu’un moratoire sur l’exécution de la peine de mort ait été décrété par les autorités compétentes et jusqu’à ce que des progrès substantiels, tangibles et vérifiables interviennent en termes de respect des valeurs et principes démocratiques défendus par le Conseil de l’Europe.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			.
Projet de résolution adopté à l’unanimité par la commission le 25
janvier 2011.

(open)
1. L’Assemblée parlementaire est consternée par la vague sans précédent de violences, d’intimidations, d’arrestations massives et de persécutions à l’encontre d’opposants politiques, de défenseurs des droits de l’homme, de professionnels des médias, d’étudiants et de citoyens du Bélarus, qui a suivi l’annonce des résultats de l’élection présidentielle organisée au Bélarus le 19 décembre 2010.
2. Plus de 600 personnes ont été arrêtées, dont des candidats à l’élection présidentielle, alors que des agressions étaient perpétrées et des perquisitions menées aux domiciles de dirigeants de l’opposition, de défenseurs des droits de l’homme et de journalistes, ainsi que dans les locaux de plusieurs organisations non gouvernementales et d’organes de médias. La répression a continué de manière plus ciblée dans le mois qui a suivi l’élection et aucun signe d’accalmie n’est visible à ce jour. Une répression aussi violente de la contestation politique et celle, ciblée, menée contre les opposants politiques, les défenseurs des droits de l’homme et les professionnels des médias constituent non seulement une réponse disproportionnée à l’action des protestataires mais sont également le signe d’un mépris pur et simple des valeurs fondamentales défendues par le Conseil de l’Europe.
3. L’Assemblée réaffirme sa conviction que les libertés politiques doivent être pleinement respectées et que tous les individus et groupes doivent être en mesure d’exercer pacifiquement leur droit à la liberté d’expression et de réunion, y compris lorsqu’ils critiquent sévèrement les autorités ou la conduite des élections.
4. L’Assemblée regrette que la dernière élection présidentielle au Bélarus, selon l’évaluation préliminaire de l’OSCE et en dépit des améliorations spécifiques apportées à la législation électorale et lors de la campagne électorale, n’ait à nouveau pas respecté un certain nombre de normes internationales clés pour des élections démocratiques, telles que la transparence et la responsabilisation lors du décompte des voix. Elles ont été marquées par un manque d’accès équitable aux médias pour l’ensemble des candidats et l’utilisation déloyale des ressources de l’Etat pour soutenir le président en exercice.
5. L’Assemblée déplore par ailleurs la décision des autorités bélarussiennes de ne pas prolonger le mandat du Bureau de l’OSCE à Minsk, qui assurait une présence dans le pays depuis 1998.
6. A la lumière de ce qui précède, l’Assemblée invite instamment les autorités bélarussiennes:
6.1. à libérer immédiatement tous les candidats de l’opposition et leurs partisans, les journalistes et les défenseurs des droits de l’homme détenus pour des motifs politiques;
6.2. à mettre un terme aux actes de harcèlement et d’intimidation contre les responsables politiques de l’opposition, les médias et les représentants de la société civile;
6.3. à mener une enquête transparente sur le recours abusif et disproportionné à la force par la police et les forces de sécurité contre les manifestants;
6.4. à mettre un terme aux renvois d’étudiants des universités et aux licenciements de personnes en raison de leur participation à la manifestation;
6.5. à reconsidérer leur décision de fermer le Bureau de l’OSCE à Minsk, et à prolonger son mandat en 2011 et au-delà;
6.6. 6.6. à achever le processus de réforme de la législation et de la pratique électorales en tenant compte de l’ensemble des recommandations formulées par l’OSCE/BIDDH et la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise).
7. L’Assemblée est convaincue que toute sanction et restrictions appliquées aux contacts et interactions avec les responsables de ces événements, y compris les plus hauts responsables du pays, ne devraient pas mener à un isolement accru du peuple bélarussien.
8. L’Assemblée décide en conséquence de renforcer le dialogue avec les forces démocratiques du Bélarus, la société civile, les groupes d’opposition, les médias libres et les défenseurs des droits de l’homme. Dans le même esprit, l’Assemblée appelle tous les Etats membres du Conseil de l’Europe:
8.1. à maintenir et renforcer le dialogue avec la société civile bélarussienne et à investir dans des contacts interpersonnels avec le Bélarus à tous les niveaux;
8.2. à envisager de faciliter l’octroi de visas aux citoyens ordinaires du Bélarus;
8.3. à encourager les universités à ouvrir leurs portes aux étudiants bélarussiens renvoyés en raison de leurs activités politiques;
8.4. à appuyer la poursuite des activités du Bureau de l’OSCE à Minsk dans le cadre du mandat qui lui a été confié.
9. S’agissant de ses relations avec le Bélarus, l’Assemblée rappelle que dans sa Résolution 1727 (2010), adoptée en avril 2010, après un débat selon la procédure d’urgence provoqué essentiellement par l’exécution de deux détenus en mars 2010, elle avait décidé de suspendre ses activités impliquant des contacts à haut niveau entre elle et les autorités bélarussiennes, réaffirmant qu’il ne pouvait y avoir de progrès dans le dialogue sans progrès vers les normes du Conseil de l’Europe.
10. Au vu du nouveau recul sérieux constaté, l’Assemblée réaffirme sa décision de suspendre ses activités impliquant des contacts à haut niveau entre elle et les autorités bélarussiennes. Elle appelle par ailleurs le Bureau de l’Assemblée à ne pas lever la suspension du statut d’invité spécial du Parlement du Bélarus:
10.1. jusqu’à ce qu’un moratoire sur l’exécution de la peine de mort ait été décrété par les autorités bélarussiennes compétentes;
10.2. jusqu’à ce que des progrès substantiels, tangibles et vérifiables interviennent en termes de respect des valeurs et principes démocratiques défendus par le Conseil de l’Europe.

B. Exposé des motifs, par Mme Hurskainen, rapporteur

(open)

1. Introduction

1. L’élection présidentielle s’est déroulée le 19 décembre 2010 au Bélarus. M. Alexander Loukachenko a officiellement été réélu pour un quatrième mandat, avec près de 80 % des voix.
2. L’annonce des résultats du scrutin a été suivie de violents affrontements dans la capitale, Minsk, entre les forces de sécurité et des milliers de manifestants de l’opposition protestant contre des fraudes électorales alléguées. La violente répression de cette manifestation à caractère politique, au lendemain de l’élection présidentielle, et les mesures répressives prises par les autorités à l’encontre des manifestants de l’opposition, y compris d’anciens candidats à la présidence, des défenseurs des droits de l’homme et des journalistes, ont suscité de vives réactions et de nombreuses critiques de la part de la communauté internationale.
3. Ces affrontements ont motivé entre autres le dépôt d’une demande de tenue d’un débat selon la procédure d’urgence sur la situation au Bélarus après l’élection présidentielle au cours de la partie de session de janvier 2011 de l’Assemblée parlementaire. La commission des questions politiques a été saisie pour rapport par l’Assemblée et m’a confirmée en tant que rapporteuse. La commission des questions juridiques et des droits de l’homme a été saisie pour avis et a désigné M. Christos Pourgourides rapporteur.
4. Bien que le présent rapport soit soumis à l’Assemblée selon la procédure d’urgence, il convient de noter que je suis la situation au Bélarus depuis janvier 2008, date à laquelle j’ai été nommée à la présidence de la sous-commission sur le Bélarus qui existait alors.
5. En fait, la commission des questions politiques a suivi étroitement, et très régulièrement, la situation au Bélarus depuis l’adoption, en avril 2010, de la Résolution 1727 (2010) sur la situation au Bélarus: développements récents, dans laquelle l’Assemblée décidait de suspendre ses activités impliquant des contacts à haut niveau entre elle et les autorités bélarussiennes. L’adoption de la résolution a fait suite à un débat selon la procédure d’urgence organisé après l’exécution de deux détenus en mars 2010, les actes de harcèlement envers des membres de la minorité polonaise et les violations de leurs droits, ainsi que la tenue d’élections locales dans le pays en l’absence de tout observateur international.
6. En réaffirmant qu’elle était prête à nouer un dialogue progressif avec les autorités bélarussiennes en cas d’évolutions positives, l’Assemblée a souligné qu’il ne pouvait y avoir de progrès dans le dialogue sans progrès vers les normes du Conseil de l’Europe et un engagement politique clair de la part des autorités bélarussiennes d’adhérer aux valeurs du Conseil de l’Europe, attestés par des actions s’inscrivant dans ce sens.
7. Dans l’interprétation de cette résolution, le Bureau de l’Assemblée a estimé que les «contacts à haut niveau» faisaient référence aux membres du Bureau. Cependant, à la demande de la commission des questions politiques et en vue de vérifier la situation sur le terrain avant l’élection présidentielle de 2010, le Bureau, lors de sa réunion à Skopje le 20 mai 2010, m’a autorisée à me rendre au Bélarus en ma qualité de rapporteur de la commission des questions politiques sur la situation au Bélarus.
8. Au cours de ma visite à Minsk, du 22 au 25 août 2010, j’ai rencontré un large éventail d’interlocuteurs afin de réunir des informations pour mon rapport. Lors de sa réunion du 6 octobre 2010, la commission des questions politiques, après avoir été informée des principales conclusions de ma visite, a tenu un échange de vues sur la situation au Bélarus et, notamment, sur les préparatifs des élections, avec la participation de M. Thomas Markert, secrétaire de la Commission de Venise, M. Nikolai Samoseiko, président de la Commission permanente de la législation et des questions judiciaires et juridiques de la Chambre des représentants de la République du Bélarus et président du groupe ad hoc parlementaire sur les questions relatives à l’abolition de la peine capitale, et M. Aleh Hulak, président du Comité Helsinki du Bélarus.
9. La commission des questions politiques a tenu un autre échange de vues sur l’élection présidentielle lors de sa réunion du 18 novembre 2010, avec M. Evgeni Smirnov, président de la Commission permanente pour la législation et l’administration d’Etat du Conseil de la République de l’Assemblée nationale de la République du Bélarus et adjoint au président de la délégation de l’Assemblée nationale pour les relations avec l’Assemblée parlementaire, M. Vital Rymasheuski, coprésident du Parti des chrétiens-démocrates du Bélarus, M. Andrei Babok, correspondant spécial du service de la coopération internationale de Narodnaya Gazeta, et M. Andrei Aliaksandrau, vice-président de l’Association bélarussienne des journalistes. A cette occasion, j’ai présenté une note d’information sur ma visite à Minsk en août 2010 que la commission a décidé de rendre publique 
			(2) 
			.
Voir AS/Pol (2010) 37 rev..
10. A Bruxelles, le 9 décembre 2010, j’ai rencontré M. Jacek Protasiewicz, président de la délégation du Parlement européen pour les relations avec le Bélarus, afin de discuter des élections à venir. A la suite de cette réunion, une déclaration parlementaire commune a été publiée le 14 décembre 2010 appelant à des élections démocratiques et transparentes 
			(3) 
			. APCE – PE, Déclaration
parlementaire concernant les prochaines élections parlementaires
au Bélarus, 20 décembre 2010. .
11. Du 17 au 19 décembre 2010, j’ai participé à la mission d’observation des élections organisée par le Bureau des institutions démocratiques et des droits de l’homme (OSCE/BIDDH) de l’OSCE et l’Assemblée parlementaire de l’OSCE, dont les premières constatations et conclusions ont été publiées le 20 décembre 2010 
			(4) 
			.
OSCE, International Election Observation – Republic of Belarus –
Presidential Election, 19 décembre 2010, Statement of preliminary
findings and conclusions, 20 décembre 2010. . Le même jour, j’ai publié une déclaration condamnant la violence et appelant instamment les forces de sécurité et les manifestants à ne plus y avoir recours jusqu’à la fin du processus postélectoral. J’ai également appelé les autorités à libérer toute personne qui serait détenue uniquement pour avoir exprimé son opinion sur le résultat des élections 
			(5) 
			.
«Bélarus: la rapporteuse de l’APCE condamne les violences dans les
rues de Minsk», 20 décembre 2010. .
12. Le 24 janvier 2011, la commission des questions politiques a tenu un échange de vues sur la situation au Bélarus à la suite de l’élection présidentielle avec la participation des deux autres membres de la Troïka parlementaire sur le Bélarus, M. Protasiewicz et Mme Uta Zapf, présidente du Groupe de travail sur le Bélarus de l’Assemblée parlementaire de l’OSCE. Ils ont, tous deux, insisté sur le fait qu’il n’est plus possible, à l’égard du Bélarus, de continuer comme si de rien n’était. Notre discussion, qui a continué après la réunion de la commission, a nourri mon rapport.

2. Election présidentielle et répercussions

2.1. Législation et campagne électorales

13. Le 19 décembre 2010, s’est tenue au Bélarus l’élection présidentielle sur la base d’un Code électoral amendé. Le Code électoral a été révisé à la suite des recommandations du Bureau des institutions démocratiques et des droits de l’homme de l’OSCE (OSCE/BIDDH) concernant plusieurs aspects importants, tels que la liberté de faire campagne et le financement des campagnes électorales, la composition et la nomination des commissions électorales, l’inscription des candidats, l’intégrité du vote anticipé, les procédures d’appel et le décompte des votes. A la demande de la commission des questions politiques, la Commission de Venise, avec l’OSCE/BIDDH, a préparé un avis sur ces amendements.
14. Selon cet avis conjoint 
			(6) 
			.
Voir CDL-AD(2010)012., qui a également été présenté oralement à la commission des questions politiques par le secrétaire de la Commission de Venise, le 1er octobre 2010, ces amendements constituent un pas en avant pour remédier à certains manquements de la législation électorale du Bélarus. Cependant, il a été jugé peu probable qu’ils résolvent le problème sous-jacent lié au fait que le cadre législatif électoral ne permet toujours pas de garantir des élections véritablement démocratiques, s’agissant notamment de la procédure de vote et de dépouillement, et de la publication des résultats.
15. Notre Assemblée n’a pas été invitée à observer ces élections, les autorités bélarussiennes ayant décidé de n’inviter que les organisations internationales dont le Bélarus est membre. Au total, 27 000 observateurs nationaux ont été enregistrés, ainsi que 1 032 observateurs internationaux dont ceux de l’OSCE/BIDDH, de l’Assemblée parlementaire de l’OSCE, de la Communauté d’Etats indépendants (CEI) et de l’Assemblée parlementaire de la CEI.
16. En dépit de certaines améliorations spécifiques sur le plan législatif, selon les premières constatations de l’OSCE publiées le 20 décembre 2010, l’élection présidentielle a fait suite à une campagne marquée par l’absence d’égalité de traitement et une concurrence inégale entre le Président Loukachenko et les neuf autres candidats, même si des progrès ont été enregistrés quant à l’inscription des candidats et la mise à disposition de temps d’antenne limités mais gratuits à la télévision et à la radio. En termes de couverture médiatique, les principales chaînes de télévision ont clairement favorisé le candidat sortant, consacrant près de 89 % des programmes d’actualité diffusés aux heures de grande écoute à sa campagne et à ses fonctions officielles.
17. 23,1 % du nombre de votants estimé se sont prononcés par «vote anticipé», les observateurs notant la piètre qualité des urnes et des sceaux ainsi que l’absence de dispositifs de sécurité sur les urnes. De plus, seuls 0,26 % des membres des Commissions électorales de bureau de vote (CEB) et 0,70 % de ceux des commissions électorales territoriales (CET) ont été nommés par les partis politiques considérés comme étant d’opposition.

2.2. Conclusions et résultats préliminaires

18. Selon la Commission électorale centrale du Bélarus, le Président Loukachenko a recueilli 79,6 % des voix. Le taux de participation était de 90,65 %, soit environ 2 % de moins qu’en 2006.
19. D’après l’évaluation critique menée par l’OSCE, l’élection présidentielle a montré qu’en dépit de certaines améliorations spécifiques, le Bélarus a encore un long chemin à accomplir pour satisfaire à ses engagements envers l’OSCE. Selon les observateurs internationaux, le vote s’est déroulé assez calmement, mais le processus de décompte manquait de transparence.
20. Ils ont qualifié de «mauvaises», voire «très mauvaises», près de la moitié des opérations de dépouillement des suffrages examinés, ce qui réduit à néant les efforts entrepris pour améliorer le scrutin. Les observateurs n’ont pas eu de réelle opportunité d’observer le décompte ou ont subi des restrictions dans 98 % des bureaux de vote où ils étaient présents. Dans certains cas, les chiffres figurant dans les procès-verbaux des résultats des CEB avaient changé une fois arrivés au niveau des CET.
21. En tant qu’observatrice des élections, il ne m’a pas été possible d’observer le décompte des voix; les membres de la Commission électorale ont emporté les urnes rapidement et le dépouillement ne s’est pas fait en notre présence par décompte à haute voix; au bout d’un certain temps, les résultats nous ont simplement été communiqués.
22. Le Président Loukachenko lui-même a donné une interprétation différente de l’évaluation de l’élection menée par l’OSCE. Selon lui, «tout ce qui a été écrit par la mission des observateurs internationaux constitue un pas en avant considérable par rapport à 2006» et pourra servir de base au développement des relations du Bélarus avec l’Europe 
			(7) 
			. Interview de M. Loukachenko
à Euronews TV Channel le 20 décembre 2010..
23. Commentant les résultats préliminaires, le porte-parole du ministère des Affaires étrangères du Bélarus, Andrei Savinykh, a déclaré que les affirmations publiées dans le rapport préliminaire ne correspondaient pas intégralement aux évaluations faites antérieurement par la mission à tous les stades du processus électoral. Il a par ailleurs estimé que le ton de la déclaration et la nature des conclusions étaient marqués par des actions illégales et provocatrices lancées par l’opposition minoritaire 
			(8) 
			.
Déclaration du porte-parole, M. Andrei Savinykh, sur les résultats
préliminaires des missions d’observation internationales durant
les élections présidentielles (23 décembre 2010) – site web du ministère
des Affaires étrangères de la République du Bélarus. .
24. Il convient de rappeler qu’aucun des scrutins nationaux organisés sous la présidence de M. Loukachenko n’a répondu aux normes internationales en matière de liberté et d’équité. Les dernières élections législatives en 2008 n’ont pas permis de désigner un seul membre de l’opposition au parlement.

2.3. Manifestations postélectorales et détention de manifestants et de candidats à l’élection présidentielle

25. Le jour du scrutin, la police a violemment dispersé une manifestation politique à Minsk et procédé à l’arrestation de plus de 600 personnes, dont d’anciens candidats aux élections présidentielles et certains de leurs partisans, des défenseurs des droits de l’homme et des journalistes. Bon nombre d’entre eux ont été remis en liberté quelques jours plus tard. Le ministère de l’Intérieur du Bélarus a déclaré que la plupart ont fait l’objet d’une détention administrative de dix à quinze jours.
26. Selon ce même ministère, les autorités ont accusé 31 personnes d’avoir organisé des manifestations postélectorales et d’être à l’origine de troubles à l’ordre public, actions passibles d’une peine d’emprisonnement de cinq à quinze ans. Dans une déclaration, le ministère a également fait savoir que la police avait identifié 120 personnes ayant activement participé aux perturbations massives du 19 décembre.
27. Quatre anciens candidats aux présidentielles, Uladzimir Nyaklyayew, Alyaksey Mikhalevich, Andrey Sannikaw et Mikalay Statkevich ont été poursuivis au titre de l’article 293 du Code pénal et sont actuellement en détention. Un autre ancien candidat, Vital Rymasheuski, a été remis en liberté début janvier.
28. Dans les deux semaines qui ont suivi l’élection, les répressions se seraient poursuivies de manière plus ciblée. Les domiciles des proches des personnes arrêtées ont été perquisitionnés, au même titre que les appartements et bureaux de défenseurs des droits de l’homme, de militants de l’opposition et de journalistes.
29. Selon l’Association bélarussienne des journalistes, 25 journalistes ont été arrêtés durant les opérations répressives et 21 ont été victimes d’agressions physiques. D’après le site web indépendant Charter97, des descentes ont eu lieu dans les locaux des médias critiques bélarussiennes et du matériel a été confisqué. Les étudiants ayant participé à la manifestation risquent d’être radiés des universités de tout le pays. Le ministère de la Justice a, par ailleurs, demandé à l’Association du barreau de Minsk de prendre des mesures disciplinaires à l’encontre d’un certain nombre d’avocats qui ont défendu des militants et des dirigeants de l’opposition.
30. Amnesty International rassemble des informations sur toutes ces personnes. Actuellement, l’organisation dispose de suffisamment d’éléments pour affirmer que 15 d’entre elles n’ont pas eu recours à la violence et n’ont incité personne à en faire usage, que ce soit avant ou pendant la manifestation. Amnesty International pense que ces 15 détenus ont été inculpés uniquement pour avoir exercé de manière pacifique leurs droits à la liberté d’expression et de réunion. En conséquence, l’organisation réclame leur libération immédiate et inconditionnelle et l’abandon des charges retenues contre eux 
			(9) 
			. Amnesty International,
Action urgente. Bélarus: les prisonniers d’opinion doivent être
libérés, 12 janvier 2011. .
31. Le 13 janvier 2011, ma collègue parlementaire, Mme Marieluise Beck, m’a transmis une note analytique préparée par l’Opération internationale d’observation (IMO) de la Commission de contrôle international de la situation des droits de l’homme au Bélarus 
			(10) 
			. La Commission de
contrôle international de la situation des droits de l’homme au
Bélarus a été créée le 27 décembre 2010 par une coalition d’une
trentaine d’ONG de la région de l’OSCE (à l’exclusion d’ONG bélarussiennes
par souci de neutralité), aux fins de contrôler le respect des droits
de l’homme fondamentaux et la situation des défenseurs et des organisations
des droits de l’homme dans le pays. La commission a formé une Opération
internationale d’observation à long terme, composée de représentants
des organisations des droits de l’homme de la région de l’OSCE,
de membres d’organisations internationales et d’experts indépendants., fondée sur les données recueillies du 3 au 5 janvier 2011 auprès de 73 personnes ayant été victimes d’actes de violence dont 12 détenus. Toutes les personnes détenues ou arrêtées qui ont été interrogées ont qualifié d’inhumaines et de dégradantes leurs conditions de transfert et de détention. Selon l’IMO, tous les procès manquaient d’impartialité et ne répondaient pas aux critères d’un procès équitable. La demande de l’Union européenne de rencontrer les détenus a été rejetée et les défenseurs des droits de l’homme se disent de plus en plus inquiets de la situation.
32. Je suis vivement préoccupée par la sécurité et la santé des détenus dont on est sans nouvelles, dont en particulier certains dirigeants de l’opposition comme M. Nyaklyayew, un candidat de l’opposition âgé de 64 ans qui aurait été frappé dans la rue et laissé inconscient par des hommes masqués, puis kidnappé sur son lit d’hôpital quelques heures plus tard par des policiers en civil. Son avocat n’a pas été autorisé à le rencontrer depuis le 29 décembre 2010.
33. Dans le même temps, j’ai été agréablement surprise par la vague de solidarité déployée par les réseaux sociaux qui ont mobilisé les foules pour collecter de l’argent aux fins de régler les amendes, discuté des moyens de venir en aide, analysé des images et des vidéos de la manifestation et comparé les rapports officiels aux comptes rendus de médias indépendants. Ces réseaux ont également constitué de précieuses sources d’informations parallèlement aux rapports officiels.

2.4. Autres développements postélectoraux

34. L’exemple le plus poignant de la vague de répression actuelle est celui d’un enfant de trois ans, Danil Sannikaw, dont les parents emprisonnés sont l’ancien candidat aux élections présidentielles Andrey Sannikaw et la journaliste indépendante Irina Khalip. Les autorités ont informé la grand-mère de l’enfant, Lyutsina Khalip, qu’une investigation était actuellement en cours afin de déterminer si elle était suffisamment «compétente» pour prendre en charge le jeune garçon. Dans le cas contraire, l’enfant deviendra pupille de l’Etat.
35. La mère de Pavel Sevyarynets, un militant du Parti des chrétiens-démocrates du Bélarus emprisonné au centre de détention du KGB, a été contrainte d’annuler sa visite à Varsovie après avoir été interceptée par des agents du KGB à Minsk. La femme de M. Mikhalevich, ancien candidat à la présidentielle, n’a, elle non plus, pas pu se rendre à Varsovie où elle devait assister à une conférence sur la situation au Bélarus le 12 janvier 2011.
36. Dans l’ensemble du pays, toute personne connue pour avoir un lien quelconque avec l’opposition est amenée à être interrogée par les services de sécurité. A mon sens, ces actions injustifiées menées par les autorités peuvent sans aucun doute être qualifiées de persécution à motivation politique d’opposants au régime.
37. Pour leur part, les autorités ont tenté de marginaliser les protestataires, en les présentant comme des «bandits méprisables» et des «hooligans» qui ont cherché à perturber la vie d’habitude si paisible du peuple bélarussien et à organiser un bouleversement politique en dehors de tout cadre légal 
			(11) 
			. Voir les déclarations
du porte-parole du ministère des Affaires étrangères du Bélarus,
Andrei Savinykh. . Des informations transmises par la Mission du Bélarus au Conseil de l’Europe le 3 janvier 2011, corroborant la position du gouvernement face aux épisodes de violence, ont été communiquées aux membres de la commission des questions politiques lors de leur réunion le 24 janvier 2011 et rendues publiques 
			(12) 
			. AS/POL/Inf (2011)
02..
38. Le 29 décembre 2010, le Président élu a décidé de ne pas attendre son investiture officielle, le 21 janvier 2011, et a nommé un nouveau gouvernement.
39. Le 31 décembre 2010, les autorités bélarussiennes ont adressé un nouveau signal négatif à la communauté internationale en indiquant qu’il n’existait aucune raison objective de prolonger le mandat du Bureau de l’OSCE à Minsk, qui assurait une présence au Bélarus depuis 1998. Le mandat de ce Bureau doit être renouvelé chaque année par les 56 Etats participants de l’OSCE et a expiré le 31 décembre 2010. Selon les autorités bélarussiennes, l’OSCE a achevé sa mission dans le pays.
40. Le 9 janvier 2011, 14 groupes d’opposition bélarussiens ont décidé de constituer un Conseil national de coordination de l’opposition prodémocratique, qui fera notamment pression pour la libération des militants de l’opposition arrêtés pour des raisons politiques. Les participants ont signé une déclaration dans laquelle ils s’engagent à ce que le conseil tienne informés les citoyens du Bélarus et la communauté internationale de la situation dans le pays, plaidant en faveur des principes d’Etat de droit et de démocratie.
41. Le conseil comprend des représentants du Parti civique unifié, du Spravedlivy Mir (Un monde juste), du Parti bélarussien de la gauche, du Parti social-démocrate bélarussien Hramada, de la campagne «Dis la vérité», du mouvement «Pour la liberté», du Parti des chrétiens-démocrates du Bélarus (non enregistré) et du Congrès des syndicats démocratiques du Bélarus. Alyaksandr Kazulin, un responsable politique qui s’était présenté à l’élection présidentielle de 2006 avant d’être emprisonné pendant plus de deux ans sur la base d’une accusation jugée à motivation politique, a également rejoint les rangs du conseil.
42. A la suite de «l’avertissement» adressé par le ministère de la Justice au Comité Helsinki du Bélarus, le 12 janvier 2011, ce groupe des droits de l’homme risque à tout moment la fermeture, dans la mesure où un seul avertissement supplémentaire suffit pour l’y contraindre. Le ministère a qualifié un rapport du Comité d’Helsinki relatif aux restrictions touchant les avocats de détenus politiques, présenté au rapporteur spécial des Nations Unies sur l’indépendance des juges et des avocats, de «tentative visant à discréditer la République du Bélarus aux yeux du monde» 
			(13) 
			. S’agissant de la
pratique des «avertissements» adressés par le ministère aux médias
et des préoccupations qu’elle soulève, voir la note d’information
sur ma visite à Minsk en août 2010, document AS/Pol (2010) 37 rev,
déclassifiée. Voir également l’Avis, préparé par la Commission de
Venise à la demande de l’Assemblée, sur l’avertissement adressé
à l’Association bélarussienne des journalistes le 13 janvier 2010 par
le ministère de la Justice du Bélarus et adopté par la Commission
de Venise lors de sa 85e session plénière (Venise, 17-18 décembre
2010), document CDL-AD(2010)053 rev..
43. Le 14 janvier 2011, le quotidien Sovetskaya Belorussiya, contrôlé par le gouvernement, a publié des documents dits «précédemment classés confidentiels» contenant des informations désobligeantes à l’égard d’opposants du Président Loukachenko, les accusant d’entretenir des liens avec des gouvernements étrangers et reprochant aux Etats européens, en particulier la Pologne et l’Allemagne, de «comploter en vue de renverser» le Gouvernement du Bélarus. L’Allemagne et la Pologne ont formellement récusé cette accusation.

3. Réactions de la communauté internationale 
			(14) 
			.
Voir également le document AS/Pol/Inf (2011) 04.

44. Le Président Loukachenko a été vivement critiqué par la communauté internationale pour les mesures répressives prises au lendemain de l’élection, qui ont donné lieu à de nombreuses arrestations de personnes considérées comme des «prisonniers politiques». L’annonce de la fermeture par le Bélarus du Bureau de l’OSCE à Minsk n’a à l’évidence pas aidé le Président à gagner un quelconque soutien à l’étranger.

3.1. Conseil de l’Europe

45. Comme je l’évoquais précédemment, j’ai été la première représentante du Conseil de l’Europe à réagir le 20 décembre 2010 pour condamner les violences et appeler les autorités à remettre en liberté toutes les personnes détenues uniquement pour avoir exprimé leur opinion sur le résultat de l’élection.
46. Le 21 décembre 2010, le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe, Thorbjørn Jagland, a également réagi à la situation au Bélarus en déclarant que «le Président Loukachenko devrait accepter que les élections ont pour but de permettre à la population de choisir ses dirigeants et non l’inverse». Il a considéré que les irrégularités qui, selon l’OSCE, ont entaché le vote présidentiel, et la répression des opposants montrent malheureusement que le Bélarus risque de perdre une nouvelle occasion de mettre fin à l’isolement qu’il s’est lui-même imposé en Europe. Il a ajouté que le Conseil de l’Europe était déçu mais ne perdait pas espoir, et qu’il continuera à soutenir toute initiative sincère propre à rapprocher le Bélarus des valeurs du Conseil de l’Europe et d’une adhésion à notre Organisation.
47. Le 12 janvier 2011, le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe a adopté une déclaration demandant aux autorités bélarussiennes de fournir des informations supplémentaires expliquant sur quelle base les candidats à la présidence, les journalistes et les activistes des droits de l’homme ont été arrêtés au lendemain de l’élection. Les 47 ministres ont déclaré qu’ils devraient être libérés immédiatement et leurs droits individuels garantis. Les libertés politiques devraient être pleinement respectées. Les ministres ont indiqué par ailleurs qu’ils continueront à soutenir le rapprochement entre le Conseil de l’Europe et le Bélarus uniquement sur la base du respect des valeurs et des principes européens.
48. Le 18 janvier 2011, le ministre des Affaires étrangères du Bélarus, M. Sergei Martynov, a adressé un courrier à son homologue turc, également Président en exercice du Comité des Ministres, M. Ahmet Davutoğlu, afin de lui communiquer de plus amples informations sur la récente élection, la réponse des autorités à la suite de la manifestation ainsi que sur la situation des personnes détenues 
			(15) 
			. AS/Pol/Inf (2011)
02..
49. Le 19 janvier 2011, les Délégués des Ministres ont répondu à une question écrite soumise par mon collègue, M. Pieter Omtzigt 
			(16) 
			. Question écrite no 592
soumise par M. Omtzigt au Comité des Ministres intitulée «Election
présidentielle inéquitable au Bélarus».. Les ministres ont déclaré que le Comité des Ministres entend poursuivre, et si possible intensifier, ses activités de coopération avec la société civile, y compris avec les médias indépendants, au Bélarus. Les relations avec les autorités du pays dépendront des suites qu’elles donneront à la déclaration du Comité des Ministres, s’agissant notamment de la libération immédiate des candidats à la présidentielle, des journalistes et défenseurs des droits de l’homme arrêtés au lendemain de l’élection.

3.2. Union européenne

50. Dans une déclaration commune publiée le 23 décembre 2010, Catherine Ashton, haute représentante de l’Union européenne, et Hillary Clinton, secrétaire d’Etat américaine, ont instamment enjoint le Bélarus de libérer les candidats à l’élection présidentielle et les autres personnes détenues à la suite du scrutin. Elles ont déploré le pas en arrière dans l’instauration d’une gouvernance démocratique que représentaient les élections et leurs suites, notamment le maintien en détention de candidats à la présidence et les nouvelles arrestations et attaques visant des médias. Elles ont, par ailleurs, appelé à la libération immédiate des candidats détenus. Cependant, elles ont ajouté que les Etats-Unis et l’Union européenne restaient prêts à aider le Bélarus à respecter ses engagements en matière de droits de l’homme et de libertés fondamentales.
51. Au sein de l’Union européenne, des actions ont été entreprises pour initier des discussions sur un éventuel renouvellement de l’interdiction de visas européens pour les officiels du régime. La réunion des 27 ministres des Affaires étrangères de l’Union européenne, le 31 janvier 2011, pourrait réintroduire des sanctions envers les autorités bélarussiennes avec l’éventuelle réintroduction de l’interdiction de visa à l’encontre du Président du pays et d’autres hauts responsables.
52. Le 14 janvier 2011, le commissaire européen à l’élargissement, M. Štefan Füle, a déclaré que l’Union européenne s’est fixé pour objectif d’obtenir la libération des prisonniers politiques et la sécurité de l’ensemble des personnes détenues. Il a toutefois ajouté qu’il convenait de trouver un juste équilibre entre l’envoi aux autorités d’un message de condamnation clair et le renforcement des contacts avec le peuple bélarussien. En janvier 2011, la Haute représentante de l’Union européenne, Mme Ashton, a rencontré plusieurs représentants de l’opposition et du grand public au Bélarus, dont notamment des proches des personnes emprisonnées ainsi que M. Martynov.
53. Lors d’une allocution au Parlement européen le 19 janvier 2011, Mme Ashton a déclaré que les événements auxquels nous venons d’assister constituent un affront à notre vision du respect des droits de l’homme, des libertés fondamentales et de la démocratie. Outre le recours injustifié à la force, le processus électoral dans son ensemble a clairement été entaché par le placement en détention de représentants de la société civile et de l’opposition. Mme Ashton a par ailleurs souligné que le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales est au cœur même de la politique étrangère et du Partenariat oriental de l’Union européenne, et fait partie intégrante des valeurs communes partagées par l’Union européenne et ses partenaires les plus proches. Elle a également ajouté que l’Union européenne travaillait à l’adoption de «mesures ciblées» à l’encontre du Gouvernement bélarussien, dont éventuellement une interdiction de voyager pour le Président Loukachenko.
54. En 2006, le Président Loukachenko avait déjà été confronté à une interdiction de visa et au gel de ses avoirs, après les élections présidentielles contestées de l’époque. Trente-quatre hauts responsables avaient également été inscrits sur la liste noire de l’Union européenne après l’arrestation d’Alyaksandr Kazulin, candidat à la présidence de 2006. Les sanctions européennes ne comportaient pas de volet économique pour éviter de pénaliser le pays dans son ensemble. Deux ans plus tard, en 2008, après la décision du Gouvernement du Bélarus de libérer plusieurs prisonniers politiques, l’Union européenne a levé les mesures de représailles et suspendu l’interdiction de visa.
55. Outre l’interdiction de visa, l’Union européenne peut envisager de revenir sur la participation du pays au Partenariat oriental de l’Union européenne; de poursuivre les pressions pour obtenir la libération de tous les Bélarussiens arrêtés durant la vague de répression postélectorale qu’il convient de traiter comme des prisonniers politiques; et de prêter assistance aux détenus et à leurs familles.
56. Le 12 janvier 2011, le Parlement européen a discuté de la crise au Bélarus au cours d’une réunion extraordinaire de la Commission des affaires étrangères en association avec la sous-commission des droits de l’homme, la délégation du Parlement européen pour les relations avec le Bélarus et la délégation à l’Assemblée parlementaire Euronest. Au nom de la délégation du Parlement européen pour les relations avec le Bélarus, M. Protasiewicz a condamné le recours à la force brutale contre des candidats et des militants et appelé les autorités du Bélarus à s’abstenir de toute forme de répression.
57. Le 20 janvier 2011, le Parlement européen a adopté une résolution appelant l’Union européenne à imposer une interdiction de voyager et à geler les avoirs des hauts dirigeants bélarussiens, et d’étendre cette mesure aux fonctionnaires de l’Etat, aux membres de l’appareil judiciaire ainsi qu’aux agents de la sécurité impliqués dans la brutale répression postélectorale. Selon les parlementaires, la levée de ces mesures devrait être conditionnée à la libération des opposants politiques au régime.
58. Le Parlement européen a également demandé à l’Union européenne de faciliter aux citoyens bélarussiens l’accès aux visas pour se rendre dans ses Etats membres et d’accroître son soutien financier aux médias indépendants et aux ONG afin de favoriser la démocratie et de s’opposer au régime. Les parlementaires ont par ailleurs appelé la Commission européenne à mettre un terme à l’aide qu’elle apporte aux médias détenus par l’Etat et à permettre aux ONG interdites dans le pays de tirer profit des programmes de l’Union européenne. Le Parlement européen a en outre demandé la tenue d’une nouvelle élection présidentielle, qui soit conforme aux normes internationales.

3.3. OSCE

59. Le Président de l’OSCE, le ministre des Affaires étrangères de Lituanie, Audronius Ažubalis, a répété lors d’une réunion le 5 janvier 2011 à Vilnius qu’il juge essentiel que l’OSCE puisse poursuivre ses opérations sur le terrain au Bélarus. La Lituanie a engagé des consultations diplomatiques avec les Etats participants de l’OSCE afin de trouver des solutions pour permettre à l’Organisation de continuer son travail au Bélarus.
60. Le représentant de l’OSCE pour la liberté des médias, Dunja Mijatovic, a appelé le 5 janvier 2011 à l’arrêt des attaques contre les médias indépendants au Bélarus et a exhorté les autorités à libérer immédiatement les journalistes emprisonnés.
61. Le 11 janvier 2011, Uta Zapf, a appelé à un dialogue entre les forces politiques du Bélarus. Tout en réclamant des autorités qu’elles cessent le harcèlement des responsables de l’opposition, des médias et des représentants de la société civile, Mme Zapf a souligné l’importance d’une participation continue au processus de l’OSCE et la nécessité de trouver des solutions pacifiques et inclusives aux problèmes politiques que connaît le pays. Mme Zapf a également exprimé son fort attachement à la poursuite de l’activité du Bureau de l’OSCE à Minsk dans le cadre du mandat qui lui a été confié.

3.4. Nations Unies

62. Le 10 janvier 2011, le Secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, a appelé à la libération des anciens candidats à la présidentielle et des autres dirigeants de l’opposition, détenus au Bélarus à la suite de la manifestation postélectorale. Il a noté les vives préoccupations formulées par les observateurs à propos du processus électoral et des développements subséquents et exprimé son inquiétude devant le maintien en détention de journalistes, de candidats et de militants de l’opposition.

3.5. Autres

63. Le 20 décembre 2010, les ministres des Affaires étrangères polonais et allemand, Radoslaw Sikorski et Guido Westerwelle, ont publié une déclaration commune condamnant les agressions et les détentions de dirigeants de l’opposition. Ils ont appelé les autorités du Bélarus à libérer immédiatement les personnes arrêtées et à engager le dialogue avec l’opposition. A la lumière des conclusions de l’évaluation du scrutin effectuée par l’OSCE/BIDDH, ils ont estimé que ces élections étaient un grave revers pour les ambitions démocratiques du peuple bélarussien.
64. Le 23 décembre 2010, les ministres des Affaires étrangères de la République tchèque, de l’Allemagne, de la Pologne et de la Suède ont publié un article commun condamnant les brutalités policières. «Il ne peut y avoir de statu quo entre l’Union européenne et le Président du Bélarus, Aleksander Loukachenko, après les événements qui se sont produits depuis l’élection présidentielle de dimanche dernier (…) La poursuite d’une implication positive avec M. Loukachenko semble pour l’heure une perte de temps et d’argent. (…) Il a fait son choix – un choix qui va à l’encontre de toutes les valeurs de l’Union européenne.» 
			(17) 
			.
Lukashenko the Loser, par Carl Bildt, Karel Schwarzenberg, Radosław
Sikorski et Guido Westerwelle, New York Times, 23 décembre 2010.
65. Le 18 janvier 2011, la Pologne a décrété une interdiction d’entrée sur son territoire à l’encontre de plusieurs responsables du Gouvernement bélarussien et a encouragé les autres pays européens à faire de même.
66. Les Etats-Unis ont fait part de leur soutien à la résolution du Parlement européen appelant à des sanctions à l’égard des dirigeants du Bélarus et se sont déclarés prêts à prendre des mesures similaires en vue de restaurer les sanctions précédemment levées.
67. Le 21 janvier 2011, plusieurs ambassadeurs de l’Union européenne accrédités à Minsk ont boycotté la cérémonie d’investiture du Président du Bélarus et participé à une conférence internationale à Vilnius consacrée à la répression postélectorale des opposants au Bélarus.

4. Prochaines étapes

68. Au même titre que la grande majorité des représentants de la communauté internationale, je suis profondément préoccupée par cette vague sans précédent et persistante de violences, d’intimidations, d’arrestations et de poursuites d’opposants politiques, de défenseurs des droits de l’homme, de professionnels des médias et de citoyens du Bélarus.
69. Il est difficile de trouver des raisons à un éventuel renforcement des relations avec le Bélarus, bien que de telles perspectives semblaient réalistes et envisageables avant les élections. Je suis personnellement convaincue que le Président Loukachenko s’est rendu un bien mauvais service. Le dénigrement de ses opposants et leur exclusion de l’arène politique vont à l’encontre de son projet politique déclaré: bâtir un Bélarus fort et prospère.
70. Je reste convaincue que les réformes si cruellement nécessaires au Bélarus ne peuvent être menées qu’avec l’engagement plein et entier des forces démocratiques du pays, des représentants de la société civile et des défenseurs des droits de l’homme, mais également avec les dirigeants et les responsables gouvernementaux.
71. La violente répression de la manifestation politique au lendemain de l’élection présidentielle est à l’évidence un net pas en arrière et un signe de mépris complet des valeurs fondamentales défendues par le Conseil de l’Europe. Elle montre que notre politique d’engagement, définie dans la Résolution 1671 (2009) sur la situation au Bélarus, n’a malheureusement pas donné lieu à des changements positifs.
72. A la lumière de ce qui précède, l’Assemblée ne peut pas fermer les yeux sur les événements récents et en cours et continuer comme si de rien n’était.
73. L’Assemblée devrait en particulier appeler les autorités bélarussiennes:
  • à libérer immédiatement tous les candidats de l’opposition et leurs partisans, les journalistes et les défenseurs des droits de l’homme détenus pour des motifs politiques;
  • à mettre un terme au harcèlement et aux intimidations à l’encontre des responsables politiques de l’opposition, des médias et des représentants de la société civile;
  • à engager une enquête transparente sur le recours abusif à la force par la police et les forces de sécurité contre les manifestants;
  • à mettre un terme aux renvois d’étudiants des universités et aux licenciements de personnes en raison de leur participation aux manifestations;
  • à reconsidérer leur décision de fermer le Bureau de l’OSCE à Minsk et à prolonger son mandat en 2011 et au-delà;
  • à achever le processus de réforme de la législation et de la pratique électorales en tenant compte de l’ensemble des recommandations de l’OSCE/BIDDH et de la Commission européenne pour la démocratie par le droit (la Commission de Venise).
74. Je reste convaincue que toute sanction et restriction appliquées aux contacts et interactions avec les responsables des événements, y compris les dirigeants aux plus hauts niveaux, ne devraient pas aggraver encore l’isolement du peuple bélarussien. L’Assemblée devrait par conséquent renforcer le dialogue avec les forces démocratiques du Bélarus, la société civile, les groupes d’opposition, les médias libres et les défenseurs des droits de l’homme. Dans le même esprit, l’Assemblée devrait appeler l’ensemble des Etats membres du Conseil de l’Europe:
  • à favoriser les programmes d’échange pour les partis politiques d’opposition bélarussiens et les conférences en soutien de la démocratie bélarussienne;
  • à maintenir et renforcer le dialogue avec la société civile bélarussienne et nouer des contacts interpersonnels avec le Bélarus à tous les niveaux;
  • à envisager de faciliter l’octroi de visas aux citoyens ordinaires du Bélarus;
  • à encourager les universités à ouvrir leurs portes aux étudiants bélarussiens qui ont été renvoyés en raison de leurs activités politiques;
  • à soutenir la poursuite des activités du Bureau de l’OSCE à Minsk en vertu du mandat qui lui a été confié.
75. S’agissant de ses propres relations avec le Bélarus, il convient de rappeler que l’Assemblée parlementaire, dans sa Résolution 1671 (2009), adoptée en juin 2009 (rapporteur: M. Andrea Rigoni, Italie, ADLE), a réagi à certains progrès constatés dans la situation au Bélarus et défini une nouvelle politique d’engagement et d’ouverture dans ses relations avec les autorités bélarussiennes, tout en continuant à soutenir le renforcement des ONG et de la société civile bélarussiennes. C’est pourquoi l’Assemblée a demandé au Bureau de lever la suspension du statut d’invité spécial du Parlement du Bélarus à condition qu’un moratoire sur l’exécution de la peine de mort ait été décrété, et réitéré sa conviction que «le dialogue ne peut être nourri que par des progrès continus du Bélarus vers les normes du Conseil de l’Europe».
76. Comme évoqué précédemment, en avril 2010, à la suite d’un débat selon la procédure d’urgence motivé essentiellement par l’exécution de deux détenus en mars 2010 
			(18) 
			.
Dans le projet de résolution et le rapport présenté par la commission
des questions juridiques et des droits de l’homme sur la peine de
mort dans les Etats membres et observateurs du Conseil de l’Europe
– une violation des droits de l’homme (voir Doc. 12456, rapporteuse: Mme Renate
Wohlwend), la commission réitère ses appels antérieurs aux autorités
bélarussiennes pour qu’elles déclarent sans autre délai un moratoire
sur les exécutions et prennent les mesures nécessaires pour abolir
la peine de mort en droit., l’Assemblée, dans sa Résolution 1727 (2010), a décidé de suspendre ses activités impliquant des contacts à haut niveau entre l’Assemblée et les autorités bélarussiennes. A cette occasion, l’Assemblée a répété que le dialogue ne peut être nourri que par des progrès continus du Bélarus vers les normes du Conseil de l’Europe.
77. Au vu du nouveau recul constaté, je propose que l’Assemblée:
  • réaffirme sa décision de suspendre ses activités impliquant des contacts à haut niveau avec les autorités bélarussiennes;
  • appelle le Bureau de l’Assemblée à ne pas lever la suspension du statut d’invité spécial du Parlement du Bélarus jusqu’à ce que:
  • un moratoire sur l’exécution de la peine de mort ait été décrété par les autorités bélarussiennes compétentes;
  • des progrès substantiels, tangibles et vérifiables interviennent en termes de respect des valeurs et principes démocratiques défendus par le Conseil de l’Europe.